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Potentialités de financement de l’économie agricole et rurale dans une zone de migration : les caisses autogérées de Kayes au Mali Mémoire présenté par : William LOVELUCK En vue de l’obtention du DIPLOME D’INGENIEUR SPECIALISE EN AGRONOMIE TROPICALE Option : Politiques publiques, Organisations et marchés agricoles Directeur de mémoire : Betty WAMPFLER Maîtres de Stage : Alou KEÏTA Adel OURABAH janvier 2008

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Potentialités de financement de l’économie

agricole et rurale dans une zone de migration :

les caisses autogérées de Kayes au Mali

Mémoire présenté par : William LOVELUCK

En vue de l’obtention du

DIPLOME D’INGENIEUR SPECIALISE EN AGRONOMIE TROPICALE

Option : Politiques publiques, Organisations et marchés agricoles

Directeur de mémoire : Betty WAMPFLER

Maîtres de Stage : Alou KEÏTA

Adel OURABAH

janvier 2008

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Potentialités de financement de l’économie

agricole et rurale dans une zone de migration :

les caisses autogérées de Kayes au Mali

Mémoire présenté par : William LOVELUCK

En vue de l’obtention du

DIPLOME D’INGENIEUR SPECIALISE EN AGRONOMIE TROPICALE

Option : Politiques publiques, Organisations et marchés agricoles

Membres du jury :

Betty WAMPFLER, IRC

Jacques RIPOCHE, IRC

Christine POURSAT, GRET

Janvier 2008

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RESUME

Le réseau des Caisses Villageoises Autogérées de Kayes est implanté dans une zone de forte migration. L’importante capacité d’épargne des familles liée à l’appui économique des villageois expatriés à destination de leur village d’origine alimente les ressources de ces caisses. Notre étude porte sur les possibilités pour le CAMIDE, institution de microfinance en appui au réseau CVECA, de se placer à l’interface entre ces ressources issues de l’étranger et les villages de la zone pour le financement de l’économie agricole et rurale. Ce travail est fondé sur l’analyse de la famille (unité économique fondamentale du monde rural) et de ses besoins de financement.

La présente étude se base sur des enquêtes menées dans quatre villages, dont deux fortement insérés dans les stratégies migratoires. L’analyse comparée des familles avec et sans migrants a permis de mettre en évidence de nettes distinctions concernant la structure des familles, leur niveau de consommation, la nature de leurs systèmes de production agricole et de leurs activités extra-agricoles. Les familles de migrants disposent généralement de plusieurs paires de bœufs de labour et possèdent d’importants troupeaux de bovins participant à la restitution de la fertilité de leurs champs. Les familles sans migrants, dont l’équilibre du budget est pourtant davantage tributaire du secteur agricole, sont moins bien équipées et complètent leur budget avec des activités extra-agricoles souvent dépendantes du fort pouvoir de consommation des familles plus aisées.

L’évaluation du produit familial et l’analyse de sa composition permettent de mieux appréhender les besoins des familles et la manière dont les crédits proposés par les caisses villageoises s’insèrent dans l’économie familiale. La modélisation de la trésorerie des familles met en évidence une forte contribution de la rente migratoire au produit familial global chez les familles de migrants. Leur trésorerie affiche également une plus grande stabilité intra et interannuelle. La trésorerie des familles sans migrants est davantage soumise aux variations climatiques et aux variations des prix du marché. Cela explique la demande accrue en petits crédits venant combler les déficits monétaires de ces familles au moment critique de la soudure ou lors des années suivant une maigre campagne agricole.

Globalement, les crédits agricoles constituent une faible part de l’ensemble des crédits octroyés au sein du réseau CVECA de Kayes. Les crédits à court terme proposés par les caisses peuvent appuyer le financement de certaines charges des campagnes agricoles et répondrent aux besoins ponctuels en ressources monétaires des familles. Ils restent toutefois inadaptés pour les familles souhaitant investir dans du capital agricole afin de faire évoluer leur système de production. Les perspectives d’évolution du réseau CVECA de Kayes laissent toutefois envisager des possibilités de financement davantage en adéquation avec les spécificités du secteur agricole.

MOTS CLES : Microfinance, migration, financement, agriculture, trésorerie familiale, Kayes, Mali.

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ABSTRACT

The network of Self-Managed Village Savings and Credit Banks of Kayes is established in an area of high migration. The economic support of expatriate villagers towards their native village creates a large saving capacity among families, which supply the banks resources. Our study consists in examining the possibilities for the CAMIDE, a microfinance institution assisting the village banks network, to set itself as a mediator between resources from foreign countries and the villages of the area for the financing of agricultural and rural economy. This work is based on the analysis of the family (fundamental economic unit of the rural world) and its needs concerning financing.

This study is based on investigations lead in four villages. Two of them are highly involved in migration strategies. The comparative analysis of families with and families without migrants allowed to highlight clear distinctions concerning family structures, their level of consumption, their agricultural production system and extra-agricultural activities. Families with migrants usually have several peers of ploughing oxen and a flock of bovine animals allowing to restore land fertility. The balance of the budgets of families without migrants is more depending on the agricultural sector. But those families are less equipped and usually complete their finance with extra-agricultural activities which are highly dependant on the strong consumption capacities of wealthier families.

The estimation of the family income and the analysis of its composition allow to appreciate family needs and how credits fit in the family economy. The simulation of family finances highlights the high contribution of remittances to the global family income. Their finances also show a higher intra and interannual stability. Finances of families without migrants are more submitted to climatic variations and prices changes. This explains the increasing demand of small credits meant to fulfil the monetary deficits of families during the hunger period or after an inconvenient agricultural season.

Globally, agricultural credits are lightly requested in the CVECA network of Kayes. Short term credits can support some costs of agricultural seasons and can easily fulfil punctual monetary needs. However, they are still unsuitable for families wishing to invest in agricultural capital in order to make their production system evolve. With the perspectives of evolution of the village banks network, new financing possibilities might emerge, which might respond to the specificities of the agricultural sector.

KEY WORDS : Microfinance, migration, financing, agriculture, family finances, Kayes, Mali

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REMERCIEMENTS

Mes remerciements s’adressent en premier lieu à l’ensemble des membres du CAMIDE. Ils me laisseront un souvenir impérissable de ce séjour à Kayes. Un grand merci à Alou Keïta et sa femme Rose pour leur accueil et tous les agréables moments partagés avec eux. Merci à Abdoulaye Dramé pour avoir partagé avec moi son bureau et bien plus encore.

Merci à toutes les personnes enquêtées dans les villages pour leur accueil et leur disponibilité. Un grand merci à Niaki Coulibaly, Kalifa Camara, Hamadou Togola et Makan Kanté qui m’ont guidé et épaulé dans mon travail au sein des villages.

Un grand merci à ma famille qui m’a soutenu pendant la phase de rédaction de ce mémoire.

Enfin je souhaite remercier Betty Wampfler pour ses conseils et son encadrement. Mes remerciements s’adressent également à Adel Ourabah qui m’a orienté vers ce stage passionnant et m’a appuyé dans mon travail.

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SOMMAIRE

Résumé....................................................................................................................................... 5 Abstract ...................................................................................................................................... 6 Remerciements ........................................................................................................................... 7 Sommaire…............................................................................................................................... 8 Introduction ................................................................................................................................ 9 1 Le phénomène de migration et son influence sur le secteur agricole.............................. 11

1.1 Histoire de la migration en pays Soninké................................................................. 11 1.2 Caractérisation de la migration dans le cercle de Kayes.......................................... 13 1.3 La relative marginalisation de l’activité agricole..................................................... 17 1.4 Les associations de ressortissants maliens en France : d’une stratégie familiale à une stratégie collective autour de la migration ........................................................................... 20

2 Problématique et présentation des villages étudiés .......................................................... 28 2.1 Problématique........................................................................................................... 28 2.2 Méthodologie ........................................................................................................... 29 2.3 Présentation des villages .......................................................................................... 34

3 Analyse de la structure et du fonctionnement des familles.............................................. 37 3.1 Organisation sociale ................................................................................................. 37 3.2 Analyse du fonctionnement des ménages ................................................................ 41 3.3 Observation de la structure des familles .................................................................. 43 3.4 Caractérisation des rôles économiques et des dépenses des membres de la famille47

4 Analyse des activités et de la trésorerie des familles ....................................................... 56 4.1 Mise en valeur du milieu.......................................................................................... 56 4.2 Analyse des activités agricoles................................................................................. 62 4.3 Degré d’équipement et influence sur le système d’exploitation .............................. 68 4.4 Les activités extra-agricoles ..................................................................................... 70 4.5 Typologie des familles ............................................................................................. 74 4.6 Modélisation économique de la trésorerie des familles ........................................... 78

5 Microfinance et possibilités de financement pour l’agriculture....................................... 83 5.1 Contraintes liées au financement du monde rural.................................................... 83 5.2 Les diverses expériences de financement de l’agriculture dans la zone ............... 85 5.3 Présentation des caisses villageoises des villages étudiés........................................86 5.4 Utilisation des crédits par les familles...................................................................... 88 5.5 Quels types de financements pour l’agriculture ? .................................................... 95

Conclusion.............................................................................................................................. 103 Bibliographie.......................................................................................................................... 105 Index des Figures ................................................................................................................... 108 Index des Tableaux................................................................................................................. 109 Sommaire détaillé................................................................................................................... 110 Table des Annexes ................................................................................................................. 114

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INTRODUCTION

Après avoir laissé cette question quelque temps en retrait, la banque mondiale replace l’agriculture au centre des préoccupations dans son dernier rapport annuel, et invite les investisseurs et bailleurs de fonds à s’orienter vers l’appui à l’économie agricole et rurale. Avec une agriculture qui représente 40% du PIB et une population majoritairement rurale, le secteur agricole est une des clés de l’économie Malienne.

La période de désengagement de l’état qu’a connu le Mali au cours des années 1980 a ouvert le champ aux institutions privées de microfinance. Certaines se sont orientées vers le financement d’activités urbaines. D’autres, à l’image des réseaux de Caisses Villageoises d’Epargne et de Crédit Autogérées (CVECA), se sont adressées au monde rural.

Le CAMIDE, institution de microfinance Malienne en appui à la mise en place de caisses villageoises au sein du réseau CVECA de la région de Kayes, s’inscrit dans une réflexion sur les possibilités de financement du secteur agricole.

Le réseau CVECA de Kayes s’est développé dans un contexte régional présentant deux caractéristiques majeures : une forte migration internationale entraînant une importante monétarisation de la zone, et un secteur agricole globalement déficitaire qui ne répond que partiellement aux besoins alimentaires des familles.

Cette agriculture déficitaire justifie le transfert de ressources des migrants à leur famille et l’importance des activités extra-agricoles en milieu rural. L’appui économique des villageois expatriés à destination de leur village a pris deux formes principales : une forme familiale en soutien à leurs proches et leur budget, et une forme collective destinée à la mise en place d’infrastructures et d’aménagements au sein du village d’origine. Toutes deux ont un impact fort sur l’économie et la vie villageoise.

Notre étude porte sur les possibilités pour le CAMIDE, en tant qu’instrument financier et d’appui au développement, de se placer à l’interface entre ces ressources issues de l’étranger et les villages de la zone pour développer les secteurs productifs, en particulier l’agriculture.

Avant d’aborder le cœur de notre problématique, et afin de mieux percevoir l’environnement dans lequel notre étude s’inscrit, nous analyserons dans une première partie la structuration du phénomène de migration à travers le temps et son influence sur le secteur agricole et l’économie de la zone.

Notre analyse se propose ensuite de détailler le fonctionnement de l’unité économique de base du monde rural : la famille, en lien avec son système de production agricole et ses diverses activités économiques. Cette analyse se base sur la confrontation entre le fonctionnement de familles insérées dans les stratégies migratoires et de familles sans ressources en provenance de l’étranger. Cette comparaison a permis de mettre en évidence certaines grandes tendances sur la nature des structures familiales et la gestion de la trésorerie. Elle a également permis d’observer les spécificités de la consommation et des capacités d’investissement des familles en lien avec le produit et les contraintes de leurs activités agricoles et extra-agricoles.

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Ces résultats visent à mieux appréhender les besoins des familles et la manière dont les crédits proposés par les caisses villageoises s’insèrent dans l’économie familiale. Ils sont confrontés dans une dernière partie à une étude statistique plus globale sur l’emploi des crédits, mettant en évidence les grandes tendances des utilisations des ressources des caisses.

Le CAMIDE mène une réflexion sur les possibilités de diversification des produits de financement au sein du réseau CVECA, aux ressources croissantes et en pleine phase d’expansion. Cette étude a pour objectif d’améliorer la connaissance du profil économique des sociétaires et de leur famille pour la mise en place de crédits adaptés à l’appui du secteur agricole.

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1 LE PHENOMENE DE MIGRATION ET SON INFLUENCE SUR LE SECTEUR AGRICOLE

Le phénomène de migration dans la région de Kayes a pris une telle ampleur qu’il convient de l’analyser historiquement et d’en caractériser la nature afin de mieux comprendre l’organisation de l’économie tant à l’échelle des familles qu’à l’échelle régionale. L’impact de la migration est en effet visible à tous les échelons : au niveau des budgets familiaux et de la structure des familles, de l’organisation et de l’évolution des villages, de l’organisation des activités agricoles et extra-agricoles, dans les politiques de coopérations ou encore dans les orientations politiques régionales. A ce titre, le phénomène de migration et ses implications doivent être pris en considération à tous les niveaux de notre analyse.

1.1 HISTOIRE DE LA MIGRATION EN PAYS SONINKE

La société des Soninkés repose initialement sur l’alliance entre les clans maraboutiques, représentants du pouvoir religieux et versés dans l’activité commerciale, et les clans nobles, classes aristocratiques impliquées dans la guerre et la sécurité du territoire, chargées des affaires politiques et du prélèvement des taxes. Il s’agit là des deux classes dominantes initiales, dont l’entretien en ressource agricole est assuré par une classe d’hommes captifs, rattachés aux maisons de leurs maîtres, et chargés de cultiver les terres. Les changements induits par l’occupation de la zone par les français pendant la période de colonisation en pays Soninké ont été à la base de l’éclatement de cette structure et des premières migrations saisonnières.

1.1.1 Les migrations pendant l’époque coloniale : d es migrations saisonnières pour combler les défaillances d’un sys tème agraire en crise

A la fin du XIXe siècle, les changements induits par l’occupation coloniale en pays Soninké sont de plusieurs ordres. D’une part, les français instaurent une politique de « paix coloniale » visant à mettre un terme aux guerres claniques et pacifier les routes commerciales qu’ils cherchent à mettre en place. Cette « pacification » de la zone va entraîner un repli des classes dominantes, guerrières et commerçantes, vers l’agriculture. Conjointement à cela, la classe des captifs s’émancipe, faisant perdre aux lignages dominants le surtravail agricole exécuté par leurs esclaves. D’autre part, les français se concentreront sur le développement agricole de zones productives telles que le bassin arachidier en pays Wolof, ce qui contribuera à la marginalisation économique de la zone aval du fleuve Sénégal (Lavigne Delville 1994).

Avec une aristocratie affaiblie, des lignages segmentés et des captifs qui commencent à s’émanciper pendant la première partie du XXe siècle, le système agraire va être fortement perturbé et la zone enregistrera des baisses structurelles des surplus agricoles.

Parallèlement à cela, afin d’inciter les agriculteurs à tourner leur production vers des cultures commerciales, les colons mettront en place un impôt monétaire que la vente des produits permettait de payer. Dans une zone économiquement marginalisée comme le pays Soninké, les migrations saisonnières se révèleront nécessaire d’une part pour assurer le prélèvement d’argent pour le paiement de l’impôt, et d’autre part pour combler le déficit de la production vivrière d’un système agraire bouleversé.

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Ces premières vagues de migrations du début du XXe siècle seront essentiellement saisonnières, en période de soudure, et dans des pays à proximité du Mali : travaux de voies ferrées au Maroc, au Sénégal ou en Côte d’Ivoire, ou bien travaux agricoles dans les bassins de production de cultures commerciales (bassin arachidier notamment).

1.1.2 Les migrations post-coloniales : d’une forme de migration saisonnière à une migration prolongée et lointaine

Au moment de l’indépendance du Mali en 1960, la migration en pays Soninké apparaît déjà comme un phénomène structurel. Le phénomène a toutefois pris une nouvelle orientation (émigration plus lointaine, en France notamment, et prolongée) à la suite de deux perturbations successives :

La première, pendant la période 1955-1965, est la saturation du bassin arachidier par l’augmentation de la productivité du travail grâce au passage à la culture attelée (freinant ainsi les besoins en main d’œuvre extérieure) ainsi que l’expulsion des étrangers dans certains pays d’Afrique au moment des indépendances (au Zaïre notamment). Parallèlement à cela, l’industrie Européenne, et tout particulièrement Française, a besoin de bras pour alimenter son essor économique et les industriels viennent jusqu’à Dakar pour faire signer des contrats (Lavigne Delville, 1994).

La deuxième perturbation sera la vague de sécheresse au Sahel, de 1968 à 1973. Le système productif étant déjà fragilisé par des émigrations de plus en plus prolongées, et donc des bras en moins au moment des mises en culture, la vague de sécheresse frappera la zone de plein fouet et rendra de nouveaux départs en France nécessaires au sein des familles.

Suite à ces événements, en réponse aux diverses vagues d’immigration de toutes origines et au ralentissement de l’économie au sortir des 30 glorieuses, la France révise ses politiques d’immigration. Elle instaure notamment la carte de séjour au début des années 70 et renforce son système de contrôle des entrées et des séjours à travers un arsenal de circulaires et décrets. Paradoxalement, le principal effet de ces mesures sera d’augmenter la longueur des séjours en France des migrants.

Les familles qui ont pu s’insérer dans ces stratégies de migration dès l’indépendance ou pendant les années 1970 ont généralement poursuivi dans ce sens. Aujourd’hui les familles qui souhaitent s’insérer dans cette stratégie sans bénéficier d’appuis de leur réseau familial rencontrent beaucoup plus de barrières. Cette insertion ou non des familles dans la migration a créé d’importantes différenciations entre les familles et a fortement conditionné l’organisation sociale des villages.

Aujourd’hui, Kayes est la région d’origine de 80% des Maliens installés en France (Gubert, 2000) et les transferts d’argent des migrants à leur famille d’origine conditionnent très largement l’économie locale. Cependant, à l’échelle du cercle de Kayes, les stratégies des familles pour pallier au déficit du secteur agricole ont pu différer en fonction de l’histoire des zones et des communautés. La migration, et plus spécifiquement celle à destination de la France, concerne plus particulièrement l’ethnie des Soninkés. Il apparaît intéressant à ce titre de s’interroger sur l’hétérogénéité des situations dans la zone face à ce phénomène.

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1.2 CARACTERISATION DE LA MIGRATION DANS LE CERCLE DE KAYES

L’histoire de la migration dans la région de Kayes vient appuyer la thèse selon laquelle les conditions économiques de la région de départ ainsi que la situation du système agraire ne suffisent pas à eux seuls à expliquer l’enclenchement du phénomène de migration. En effet, cette stratégie économique concerne plus particulièrement une ethnie, les Soninkés, et ne concerne pas l’ensemble des villages de la zone. Ce constat met en évidence la dimension culturelle et sociale de la migration. A l'époque pré-coloniale existait déjà une dynamique migratoire apparue spontanément, la colonisation apparaît alors non pas comme une rupture, mais plutôt comme un facteur d'accélération d'un phénomène déjà ancien (Gubert, 2000) chez un peuple ancré dans la tradition du voyage. Certaines familles d’autres villages, appartenant à d’autres ethnies, dans l’optique de renouveler l’unité familiale et de pallier à une agriculture déficitaire, ont pu adopter d’autres stratégies.

La population du cercle de Kayes (voir figure 1 p.14) est majoritairement composée de Soninkés, de Khassonkés, de Bambaras et de Peuls, plus minoritairement de Maures, de Wolofs et de quelques autres ethnies peu représentées. A titre d’exemple, les villages des communes de Marena Diombougou, de Colimbiné ou de Goumera sont des villages majoritairement Soninkés, ou éventuellement des villages Khassonkés fortement colonisés par les Soninkés, où les deux langues sont parlées indifféremment entre les villageois. En revanche, la plupart des villages des communes de Logo ou Hawa Dembaya sont des villages créés par des Khassonkés, rejoints par diverses minorités ethniques au cours de l’histoire. Le degré d’implication des villages dans la migration est donc variable suivant l’histoires et le peuplement des villages. Si bien que localement (aussi bien dans le langage des populations villageoises que des fonctionnaires ou de divers acteurs du développement), un village est qualifié de « village de migrants » (sous entendu un village dont une forte proportion des familles disposent d’un ou plusieurs de leurs membres à l’étranger) ou de « village de non-migrants ».

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Figure 1. Situation géographique du cercle de Kayes et découpage des communes.

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1.2.1 Une migration qui ne concerne pas tous les vi llages, ni toutes les ethnies

1.2.1.1 Une différenciation des stratégies par l’ac cès à l’éducation

Les communes de Logo et de Hawa Dembaya situées au Sud-Est de la ville de Kayes correspondent historiquement à la zone de pénétration des colons français au début de la mise en place du Soudan français. La période de collaboration qui a débuté à partir de 1855 entre les français et le roi Hawa Dembaya Diallo a favorisé le choix de Médine (actuel chef lieu de la commune d’Hawa Dembaya), en bordure du fleuve Sénégal, en tant que premier poste administratif du Soudan français et lieu de construction de la première école coloniale en 1875. En 1881, avec le développement de la voie ferrée entre Dakar et Bafoulabé, la voie fluviale a été marginalisée. Les français et leur administration ainsi que les magasins commerciaux de Médine ont alors déménagé jusqu’à Kayes.

L’histoire et le territoire de Médine et ses environs, fortement entremêlé avec la collaboration française, expliquent le degré d’implication des villages environnants dans le système scolaire. Cette évolution spécifique du système éducatif explique en partie les différences observées en termes de stratégies des familles pour pallier au déficit vivrier de la production agricole des villages. Alors qu’en milieu Soninké, les familles ont plus largement misé sur des stratégies migratoires pour compenser l’incapacité du secteur agricole à subvenir à leurs besoins, les familles de ces communes ont davantage misé sur l’éducation et l’accès à des fonctions salariées à Kayes ou à Bamako. Les communes de Logo et Hawa Dembaya ont d’ailleurs vu naître bon nombre des premiers fonctionnaires de l’état Malien. Les Soninkés, jusqu’à des périodes récentes, ont au contraire opposé une forte réticence au système scolaire tel qu’il a été imposé par l’administration française. Il apparaît que la plupart des nobles Soninkés refusaient d’envoyer leurs enfants à l’école et préféraient y voir partir ceux des familles d’anciens esclaves.

Le tableau suivant illustre la forte présence d’établissements éducatifs sur les deux communes précédemment citées, comparées aux chiffres de deux autres communes, Gory Gopela et Segala, toutes les deux plus largement impliquées dans la migration.

Commune Population

Ecoles premier cycle

Ecoles second cycle

Centres d'alpha-

bétisation Médersa 1

Nombre total d'établissements

d’éducatifs

nombre d'habitants

pour un établissement

Logo 10000 7 3 11 3 24 417 Hawa Dembaya 5690 3 0 4 0 7 813 Gory Gopela 6240 1 0 1 1 3 2 080 Segala 19175 4 1 7 5 17 1 128

Tableau 1. Nombre d’établissements éducatifs dans les communes de Logo, Hawa Dembaya, Gory Gopéla et Ségala.

(1) Les médersas sont des écoles islamiques modernisées avec l’arabe comme langue principale d’enseignement et un cursus combinant matières religieuses et profanes. Il s’agit d’une institution relativement récente au Mali, la première fut créée en 1946. Elles ont été conçues comme une alternative au système d’enseignement français.

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1.2.1.2 Des histoires villageoises divergentes

L’exemple des villages situés en bordure du fleuve Sénégal dans la commune de Samé Diomboma (voir carte) illustre la diversité de trajectoires et de peuplement des villages. Ces villages sont nés de la mise en valeur de milliers d’hectares de sisal1 pendant la période coloniale. La composition relativement mixte de ces villages est née du programme mis en place par les colons français de recrutement forcé de main d’œuvre, aussi bien dans les villages environnants que dans des régions éloignées telles que la Haute Volta (actuel Burkina Faso). Les forçats recevaient une ration alimentaire en échange de leur travail dans les plantations pendant une année, ils pouvaient ensuite passer au statut de contractuel en signant un contrat volontaire de 2 à 4 ans (Adamou, 2007).

Ces villages, anciens campements, nés de l’ancienne plantation, ne répondent donc pas aux mêmes conditions d’implantation que certains villages Soninkés plus anciens nés de l’installation spontanée de familles dans des zones jugées généralement favorables à l’agriculture par les premiers occupants. La trajectoire de ces anciens campements, dont les familles sont faiblement insérées dans les stratégies de migration, diverge fortement de la trajectoire suivie par les villages Soninkés.

Cette diversité de trajectoires justifie d’avoir pris pour objets d’études dans notre analyse des villages illustrant des situations contrastées par rapport à la migration, afin de confronter les différences identifiables en termes d’organisation et d’activités.

1.2.2 Des situations hétérogènes d’une famille à l’ autre

La présence d’un ou plusieurs bâtiments construits en dur au sein d’une concession témoigne de la présence d’un migrant au sein de la famille. Ainsi, dans les villages, cohabitent constructions en béton (parfois peintes ou décorées) et constructions traditionnelles plus modestes en banco. Cette lecture des habitations villageoises témoigne du clivage qui a eu lieu entre les familles qui ont pu, relativement tôt ou plus tardivement au cours du XXe siècle, voir partir l’un de leurs membres à l’étranger et celles qui n’ont pas souhaité ou pu opter pour cette stratégie. Aucune règle ne permet de dire si les familles de rang noble se sont plus impliquées dans la migration que certaines familles d’anciens esclaves, ou l’inverse, puisqu’il apparaît qu’aussi bien l’une comme l’autre de ces catégories sociales possèdent à présent des représentants à l’étranger. La migration a d’ailleurs pu être un moyen pour certaines familles de lisser les écarts qui les distinguaient d’autres familles.

S’il est difficile de savoir comment cette intégration dans les réseaux de migration s’est opérée initialement, il apparaît que de nombreuses barrières, économiques et administratives, se sont dressées depuis, vouant aujourd’hui la migration au privilège des familles les plus aisées (voir l’encadré page suivante).

(1) Plante de la famille des Agavacées dont les fibres sont extraites des feuilles pour la fabrication de textiles et cordages.

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1.3 LA RELATIVE MARGINALISATION DE L ’ACTIVITE AGRICOLE

1.3.1 Le secteur agricole : le premier secteur écon omique du Mali

1.3.1.1 Evolution du rôle de l’état dans le secteur des céréales

A l’image de nombreux états de l’Afrique de l’Ouest, les ressources économiques du Mali proviennent très largement du secteur agricole qui représente plus de 40% du PIB du pays et occupe 70 à 80% de la population active.

L’agriculture est principalement basée sur les cultures vivrières. Le mil et le sorgho, s’adaptant à des conditions écologiques très diverses, sont cultivés à travers tout le pays. Le maïs, plus exigeant en eau, est rarement cultivé sous des précipitations inférieures à 700 mm/an. Le riz est cultivé à petite échelle dans de nombreuses zones et de manière plus intensive dans le delta du fleuve Niger où des zones de culture ont été aménagées.

Après la proclamation de l’indépendance du Mali, le gouvernement socialiste de Modibo Keïta nationalisa une partie des entreprises et installa des coopératives de producteurs ainsi que des organisations nationales de commerce. L’OPAM (Office des Produits Agricoles du Mali) était le principal instrument étatique de contrôle de la production et des prix et bénéficiait du monopole du commerce des céréales.

Dans la mesure où l’un des principaux critères de fixation des prix des denrées alimentaires était le pouvoir d’achat des consommateurs urbains, les prix ne couvraient pas systématiquement les coûts de production des producteurs. Face à cette gestion dangereuse des prix et suite aux périodes successives de sécheresse au début des années 1970, le Mali s’est retrouvé dans une situation de forte insécurité alimentaire. Le manque de motivation des producteurs à investir a conduit à une baisse de la production agricole et à des ventes clandestines vers les pays voisins1.

(1) L’OPAM ne contrôlait en réalité qu’une proportion très limitée du marché céréalier, 20% à 40% selon Humphreys, 1986, in « Cereal Policy Reform in Mali », Draft Report. Washington : World Bank.

Partir, un véritable investissement Certains migrants témoignent qu’à l’époque des premières vagues de migration

(dans les années 60), il suffisait de partir avec quelques milliers de Francs en poche dans un bateau de transport marchand au départ de Dakar et à destination de la France. « Vous aviez de quoi vivre quelques jours et vous trouviez rapidement un emploi là-bas ».

Aujourd’hui, la difficulté à pouvoir trouver un logement et un emploi sur place, la somme à amasser pour pouvoir partir en France, les frais d’administration à financer dans le cadre du départ (l’administration malienne profite à tous les niveaux de la source d’argent facile que représente la demande croissante de visas) amène les familles à évaluer un départ en France à plusieurs millions de Francs CFA. Ce montant excède très largement les capacités financières des familles les plus modestes ne disposant pas d’un de leurs membres à l’étranger pour couvrir un tel investissement.

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C’est dans cette situation de marché céréalier désorganisé qu’est né le PRMC (Programme de Restructuration de Marché Céréalier), parallèlement à la mise en place des Plans d’Ajustement Structurel au Mali au début des années 1980. Ce programme, dans un contexte de désengagement progressif de l’état, visait à transférer à des opérateurs privés certaines tâches assurées par l’OPAM, mettre en place des instruments pour une amélioration des performances du marché céréalier et financer le système de sécurité alimentaire. A présent, l’OPAM intervient sur le marché uniquement pour la constitution du stock national de sécurité alimentaire et la gestion des aides alimentaires.

1.3.1.2 Les autres secteurs de l’économie agricole au Mali

Aux cultures céréalières viennent s’ajouter quelques cultures d’exportation, l’arachide (également très consommée) et le coton notamment. Le Mali est parmi les premiers pays producteurs de coton en Afrique. Cette culture constitue dans certaines zones l’une des principales sources de revenus monétaires des producteurs. Le coton étant fortement confronté au marché international dans le cadre des besoins de l’industrie textile, son dossier a été l’objet de nombreux conflits lors des rencontres de l’OMC à Cancun et Hong-Kong. Le Mali est l’un des quatre Etats ayant porté plainte à l’OMC contre les subventions des États-Unis à leurs producteurs.

Les cultures fruitières et maraîchères sont pratiquées dans certaines régions où la pluviométrie ou le réseau hydrographique le permettent, dans les régions de Sikasso et Koulikoro notamment. Ainsi, le Mali exporte des mangues (60% de la production fruitière du pays), des bananes, et des agrumes vers l'Europe et les pays Arabes du Golfe.

1.3.2 Une production agricole déficitaire dans la r égion de Kayes

Le contexte rurale de Kayes est caractérisé par une agriculture familiale essentiellement pluviale (céréales, légumineuses,…), dans des conditions agro-climatiques très variables. Elle a une vocation principalement vivrière, et ne permet de dégager des surplus monétaires que lors des bonnes années. Les dépenses monétaires d’exploitation concernent surtout le paiement de main d’œuvre complémentaire lors des périodes de pointe de travail, l’achat de semences et l’achat et l’entretien de petit matériel (outils manuels ou traction animale légère). L’encadrement et le conseil technique sont quasi inexistants, et la commercialisation des produits non régulée, marquée par de fortes fluctuations. Avec un abandon marqué de la zone par l’état ainsi qu’une forte insertion de la population dans les réseaux de migration (créant un déficit de main d’œuvre chronique dans les champs) l’agriculture de la région de Kayes se retrouve en marge de l’agriculture des autres régions du Mali.

Le secteur agricole en crise a appuyé le phénomène de migration et la migration elle-même a accentué la marginalisation du secteur agricole (absence des actifs, déstructuration de l’organisation du travail agricole) si bien qu’aujourd’hui, si nous observons les chiffres (tableau 2 et carte 2) la production céréalière est très largement déficitaire et fait de Kayes, notamment le nord de la région, une forte zone d’importation.

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Région population production en céréales brutes en

tonnes (moyenne 1996/2000) Production en

kg/habitant Kayes 1 425 000 185 000 130 Mopti 1 735 000 390 000 225 Ségou 1 985 000 750 000 378 Sikasso 1 610 000 575 000 357 Koulikoro 1 500 000 410 000 273 Tombouctou 445 000 85 000 191 Gao 335 000 20 000 63 Kidal 85 000 x x Bamako 1 690 000 x x Total 10 810 000 2 804 473 259

Tableau 2. Production de céréales en kilogrammes par habitant pour les différentes régions du Mali. Source : FEWS.

Figure 2. Production céréalière par région (en kg/habitant)

Le tableau 2 vient confirmer cette incapacité du secteur agricole à répondre aux besoins de la population avec une production de seulement 130 kg de céréales par habitant en moyenne sur les campagnes s’étalant de 1996 à 2000 (à comparer aux 220 kg/habitant annuels recommandés par l’OMS). Même la région de Tombouctou, situé pourtant dans une zone de plus faibles pluviométries (Figure 2), affiche une production céréalière par habitant plus importante. Les régions de Ségou (où l’état est le plus intervenu à travers l’office du Niger), Sikasso et Koulikoro viennent quant à elle combler les déficits vivriers des autres régions avec des productions supérieures à 300 kg par habitant. Mais globalement la production nationale ne couvre pas les besoins et le Mali importe d’importants volumes de céréales (à 70% composés de riz et de blé).

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Dans la zone de l’office du Niger, l’encadrement de la filière coton a généralisé l’utilisation d’engrais chimique, augmentant sensiblement les rendements des cultures céréalières en rotation avec le coton qui bénéficient des apports en fertilisants. L’utilisation d’engrais chimique, même parmi les exploitants les plus aisés, est relativement peu diffusée dans la zone de Kayes. Dans certaines zones enclavées de la région (par exemple le cercle de Kenieba), la traction attelée est encore peu répandue et l’équipement des exploitations reste globalement très rudimentaire.

1.3.3 Une zone très monétarisée et de forte importa tion

Le déséquilibre fondamental entre population et ressources vivrières dans la région est partiellement stabilisé par la circulation monétaire élevée liée aux transferts d’argent en provenance de l’étranger. Le niveau de consommation, la multiplication des constructions en ciment viennent en effet contraster avec une agriculture en crise et les faibles revenus locaux. Kayes est reconnue au Mali pour afficher les prix les plus élevés concernant les denrées alimentaires et les biens de consommation courante, au point que certains fonctionnaires souhaitent se faire muter dans d’autres régions afin de subvenir raisonnablement à leurs besoins avec les faibles salaires accordés par l’état.

Par rapport aux autres régions du Mali, l’insertion accélérée du monde marchand dans les zones rurales reculées a bouleversé les modes de vie, jusqu’aux habitudes alimentaires. La consommation de riz importé est généralisée, alors qu’elle ne concerne que certaines couches aisées dans d’autres régions du Mali.

1.4 LES ASSOCIATIONS DE RESSORTISSANTS MALIENS EN FRANCE : D’UNE STRATEGIE FAMILIALE A UNE STRATEGIE COLLECTIVE AUTO UR DE LA MIGRATION

1.4.1 Contexte d’émergence

Pendant les années 70, au moment où la migration est encore exclusivement perçue comme un phénomène temporaire par les migrants, la plupart des Soninkés sont logés en France dans des foyers d’immigrés, dont les faibles coûts répondent au souci d’épargne des migrants qui envoient une bonne fraction de leur rémunération à leur famille.

Les réseaux de migration vont progressivement se structurer, cousins ou membres du village d’origine faciliteront l’accès à un emploi et un logement en France pour un nouveau candidat à la migration. Le nouvel arrivé en France se trouve dans une situation de double dette (Quiminal, 1991) : à l’égard de celui qui lui a facilité (voire financé) son insertion en France d’une part, et à l’égard de sa famille d’autre part, auprès de laquelle le migrant doit se dédouaner de son absence aux travaux agricoles. Au-delà du simple trait de culture qui conduit les Soninkés à contribuer au budget familial, cette situation sociale contraint les migrants à affermir leur comportement d’épargne.

Au final, les migrants vont se retrouver dans le pays d’accueil avec d’autres membres provenant d’un même village, on parle de « village-bis ». Ils vont ainsi créer leurs premières caisses de solidarité orientées vers le village d’origine. Un double espace combinant le village et les ressortissants maliens en France va progressivement se structurer. D’une forme communautaire informelle, les associations de ressortissants maliens en France vont se tourner vers une forme associative, parallèlement à l’évolution des lois en France à ce sujet et à l’assouplissement du régime politique au Mali. A partir de 1981, l’état français va reconnaître le droit d’association aux étrangers. De même, le nouveau contexte pluri politique

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et démocratique suivant la chute du régime dictatorial de Moussa Traoré en 1991 a favorisé l’émergence d’associations au Mali. Ces évènements ont permis la mise en place de nombreuses associations pendant les années 1990, en France comme au Mali. En effet, un peu plus tardivement, les associations de ressortissants en France ont trouvé un écho par la mise en place d’associations villageoises au sein même des villages, souvent instituées par d’anciens migrants. Ces associations « endogènes » sont devenues des instruments privilégiés pour articuler le développement des villages avec les ressources des migrants.

Les associations créées en France ont pour double vocation de favoriser l’entraide sur le territoire français et de développer le soutien aux villages d’origine à travers les transferts de fonds. Le regroupement en associations présente plusieurs avantages : il permet d’avoir une personnalité juridique utile, voire nécessaire, pour traiter avec des partenaires éventuels ou avec l’état (en tant qu’interlocuteur, une institution est toujours plus crédible qu’un simple individu face à une autre institution), et il permet également de véhiculer une image plus positive de l’immigration dans le paysage français.

Le lien entre les migrants et leurs villages, ainsi formalisé, a rendu les régions d’émigration et d’immigration indissociables. On parle de double espace, dans lequel chacun des deux espaces influe sur l’autre.

1.4.2 Contribution au budget familial et mise en pl ace d’une épargne collective

La contribution des migrants est de plusieurs natures. Elle est principalement à destination de leurs familles au village, en appui à la consommation alimentaire en premier lieu. Puis il existe une forme de cotisation collective à double vocation : sous forme de caisse de solidarité pour les ressortissants en France, destinée à prendre en charge d’éventuels incidents sur place (le transport du corps au Mali notamment en cas de décès de l’un des membres de l’association), et sous forme de fonds de solidarité destinés à des investissements dans le village d’origine.

La mise en place de cette épargne collective sera une des conditions d’émergence des associations de migrants et de la reconnaissance des émigrés en tant que « groupe social » (pas nécessairement homogène) intervenant dans le développement du village. L’organisation de ces associations villageoises reprend généralement les schémas hiérarchiques en place au village. Le président de l’association appartient très souvent à la famille du chef de village, et les hommes de caste ou issus de familles d’esclaves se partagent généralement des rôles moins importants.

Arrivés en France, les membres du village, quelle que soit leur appartenance sociale, se retrouvent dans les mêmes conditions (logement précaire et travail faiblement rémunéré) et les signes de distinction entre les familles se lissent. Les instruments de la domination au sein du village (appropriation des terres, etc…) n’étant plus présents, un certain nombre de garde fous ont été mis en place pour éviter de perturber l’ordre sociale des associations en France. Lavigne Delville cite à ce propos le fait que la cotisation des membres au fonds commun d’investissement doit systématiquement être de même montant pour chacun des membres, non pas par souci d’équité mais plutôt afin d’éviter qu’un homme de rang social inférieur vienne à prendre un poids économique plus important dans l’association qu’un homme de rang plus noble.

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Ce type d’indice apparaît intéressant à plusieurs titres. Il témoigne de l’hétérogénéité des groupes de ressortissants et des rapports de force qui existent au sein des associations. Derrière l’appellation commune « migrants » se cache une diversité d’objectifs et de visions qui peuvent se heurter lors des débats sur l’utilisation pour le village des fonds collectés.

1.4.3 Evolution du rôle des associations de migrant s

1.4.3.1 De la construction de mosquées à l’appui à l’éducation

L’utilisation des fonds des associations de ressortissants a subi des modes à travers le temps. Les toutes premières réalisations, dans les années 1970, concernaient essentiellement la construction de mosquées. Dans des villages très souvent 100% musulmans, ce type de réalisation faisait généralement l’unanimité et permettait d’asseoir la légitimité des migrants en tant qu’entité disposée à améliorer les conditions de vie du village.

Pendant les années 1980, de nombreux centres de santé ont été érigés dans les villages pour offrir aux villageois des services de santé minimum. Par la suite, malgré la réticence initiale des Soninkés au système éducatif, et certainement suite à la confrontation des migrants avec le système éducatif en France, les associations ont accordé une certaine importance à la construction d’écoles, en allant jusqu’à utiliser une partie des fonds communs pour payer des professeurs que l’état n’est pas toujours capable de mettre à disposition.

Etant donné qu’une grande partie de l’épargne individuelle des migrants à destination de leur famille est vouée à la consommation alimentaire et aux besoins de première nécessité, les associations ont également contribué à mettre en place des structures visant à assurer la sécurité alimentaire du village. C’est le cas des magasins coopératifs, dont les responsables sur place sont chargés d’acheter en gros, et donc à des prix plus bas, les produits de consommation de base (céréales, huile, savon…) et d’en faciliter l’accès aux villageois. Les familles disposent parfois d’un compte de crédit auprès de ces magasins, ce qui permet notamment d’assurer l’utilisation de l’argent des migrants à des fins alimentaires. Ce système a permis aux migrants de conserver un certain contrôle sur l’utilisation de leur épargne et d’équilibrer les budgets familiaux, plus particulièrement en période de soudure.

L’histoire et la diversité des domaines d’intervention de ces associations démontrent à quel point l'incapacité de l’Etat Malien à développer des infrastructures utiles à la collectivité (telles que les écoles ou les centres de santé…) a incité ces organisations d’émigrés à prendre en charge les investissements qui relèvent normalement du rôle de l’Etat.

1.4.3.2 Quelle place pour l’agriculture dans les pr ojets des associations ?

Des tendances nettes se sont donc dessinées à travers le temps concernant la nature des interventions des associations de migrants. D’abord la construction de mosquées, puis la construction de centres de santé dans les années 80 et enfin l’appui à l’éducation et à la sécurité alimentaire. Globalement, les réalisations dans le secteur de l’agriculture ont fait des apparitions plus timides. Cela est en partie lié au fait que mettre en œuvre des projets agricoles reste plus complexe que de fabriquer des infrastructures. Un tel projet demande plus de compétences techniques et peut nécessiter une collaboration plus poussée avec divers partenaires techniques. Toutefois, certaines expériences ont été réalisées, qui pour certaines ont participé à la structuration du monde agricole dans la région.

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1.4.3.2.1 Naissance de L’URCAK

Le village de Somankidi Coura (à 15 km de Kayes) a vu naître en 1976 la première coopérative multifonctionnelle de la région, sous l’impulsion d’une quinzaine de migrants militants résolus à revenir dans leur village. Ils mettront en place un périmètre irrigué consacré à la production de produits maraîchers de contre-saison et constitueront un troupeau de bovins et d’ovins d’environ 200 têtes, fournissant les localités voisines en animaux d’abattage. La coopérative visait à mutualiser les charges agricoles et organiser la commercialisation des produits.

Cette initiative a eu lieu suite à la convergence de deux facteurs : d’une part la grande sécheresse du début des années 1970 qui a accéléré les réflexions sur les productions irriguées, et d’autre part le financement par la FAO et le PNUD de périmètres irrigués à Kamankolé (à proximité de Kayes) et dans la commune du Logo. De la mise en place de ces périmètres irrigués ont découlé de nombreux essais agronomiques ainsi que l’édition de fiches techniques qui ont pu appuyer l’initiative des migrants de Somankidi.

En 1977, la région de Kayes comptait 5 périmètres irrigués devant faire face aux mêmes problèmes d’approvisionnement, d’équipement et de commercialisation. Ils décidèrent donc de diagnostiquer ces différents aspects ensemble et de se regrouper en union : l’URCAK (Union Régionale des Coopératives Agricoles de Kayes). Concernant l’équipement et l’approvisionnement, l’URCAK a développé des partenariats avec les services étatiques de la SCAER1. Cependant, la commercialisation de la production a rencontré bon nombre d’entraves. D’une part la région de Kayes était particulièrement enclavée, rendant difficile l’écoulement de produits frais, et d’autre part la consommation de produits maraîchers ne rentrait pas encore dans les habitudes alimentaires et se limitait aux classes aisées et aux fonctionnaires, si bien que le marché se retrouvait rapidement saturé. La migration, la mise en place de ces coopératives agricoles et l’appui de la radio rurale de Kayes à travers des campagnes de sensibilisation ont participé à la démocratisation de la consommation de légumes. Néanmoins, aujourd’hui encore, l’écoulement de la production reste une des grandes préoccupations des producteurs.

En 1983, en plus de son mandat initial, l’URCAK jusqu’à lors réservé à la frange masculine de la population s’ouvre à la promotion des groupements féminins, acteurs fondamentaux dans la production maraîchère (l’union compte à présent 6000 femmes pour 580 hommes).

1.4.3.2.2 L’ORDIK

L’ORDIK (Organisation Rurale pour le Développement Intégré de Kolimbiné) est née en 1987, de l’initiative de migrants ayant suivi des formations agricoles avec le GRDR2. L’idée des formations est venue d’anciens coopérants ayant travaillé dans la zone de Kayes.

(1) La SCAER (Société de Crédit Agricole et d’Equipement Rural), placée sous la tutelle de la Banque de Développement du Mali (BDM) a été créée en 1967 en vue de satisfaire la demande en matière de culture attelée et d’approvisionnement en intrant agricole. Cette structure a été démantelée en 1982 pendant la mise en place du plan d’ajustement structurel au Mali.

(2) Le GRDR (Groupe de Recherche pour le Développement Rural) est une ONG Française créée en 1969 qui intervient à la fois en France en direction des populations migrantes (conseil et formation) et en Afrique avec les villages d’origine des migrants (appui à l’organisation, l’irrigation, la santé). Le GRDR intervient dans le bassin du fleuve Sénégal et en Casamance, il dispose d’antennes au Sénégal, en Mauritanie et au Mali (dont l’antenne de Kayes).

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Elles avaient lieu dans une ferme pilote mise à disposition par le GRDR, située à 50 km de Paris, dans laquelle les migrants apprenaient et mettaient en oeuvre des techniques susceptibles d’avoir leur place dans leurs villages d’origines (confection de puits, mise en place de périmètres irrigués…). Les initiateurs de l’ORDIK décidèrent de faire prendre à leur association une forme inter-villageoise, regroupant les 9 villages constituant la future commune de Kolimbiné (voir figure 1 p.14). Le premier projet s’est déroulé sur quatre années, entre 1989 et 1992, financé par les migrants et par la coopération française. Il comprenait deux volets principaux :

� Un volet hydro-agricole : de nombreux puits ont été creusés et 7 barrages ont été aménagés sur le bassin versant de la rivière Kolimbiné, destinés à recharger la nappe en eau, favoriser les cultures de contre-saison et faciliter l’abreuvement des animaux.

� Un volet alphabétisation visant à promouvoir l’écriture de la langue Soninké.

Ce projet a bénéficié d’une seconde tranche de financement qui a permis de consolider la première phase. Mais aujourd’hui, la difficulté à maintenir des financements et la dispersion des leaders de l’association vers de nouveaux rôles et de nouvelles activités ont fortement amoindri les activités de l’ORDIK. Cette association a toutefois participé à dessiner un cadre de fonctionnement et d’intervention de la commune au moment de la décentralisation au Mali à partir de 2000.

1.4.3.2.3 L’association Diama Djigui

L’association Diama Djigui est née en 1983, sous l’impulsion d’un groupe de ressortissants maliens issus de 4 villages du cercle de Kayes : Maréna, Sabousiré, Madina Couta et Mokoyafara. Le projet initial de l’association concernait l’aménagement du territoire. Mais l’objectif avait été fixé en France. Après concertation avec les gens des villages, il s’est avéré que la population désirait en priorité voir naître un centre de santé. La population était en effet loin d’un dispensaire et le village de Maréna (lieu d’implantation du futur centre de santé), entouré par un vaste marais, est particulièrement isolé pendant l’hivernage. Le centre fut donc inauguré en 1987, entièrement financé par les fonds regroupés par les migrants. Deux migrants ont quitté la France pour rejoindre leur village d’origine et appuyer la gestion du centre de santé en travaillant à plein temps pour l’association. Ce projet avait également l’avantage de correspondre aux nouvelles orientations politique du ministère de la santé en place qui visait à développer les structures de santé rurale1. Cela a beaucoup participé à l’adoption du projet sous un régime encore fortement hostile à l’évolution du secteur associatif.

Après la création de ce centre de santé ainsi qu’une coopérative d’approvisionnement alimentaire en 1992, l’association Diama Djigui, sur les traces du projet initié par l’ORDIK, décida de mettre en place un projet de développement intégré sur 4 ans, de 1993 à 1997.

Là encore une collaboration technique s’instaura avec le GRDR et les partenariats financiers se développèrent : à la cotisation des ressortissants maliens vint s’ajouter l’appui

(1) Le deuxième plan décennal de développement sanitaire du Mali (1981-1990) marque un changement de cap en terme de politique de santé avec le développement de structures de santé rurales, la formation d’agents de santé et de caisses de pharmacie villageoises.

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financier de la Coopération française, du Conseil Régional d’Ile de France ainsi que des Jardins de Cocagne 1.

Ce projet comprenait, en plus des volets « aménagement hydro-agricole » et « alphabétisation en langue Soninké » déjà développés par l’ORDIK, un volet « crédits » à destination des villageois. Ce dernier volet avait pu s’effectuer sur les bases d’une ligne de crédit accordée par le bailleur de fonds.

1.4.3.2.4 Poids des projets agricoles dans les associations à l’échelle du cercle

Au vu des trois expériences précédemment évoquées, seules les associations particulièrement structurées, regroupant parfois plusieurs villages, ayant su mobilisé une épargne importante et surtout ayant bénéficié d’un appui technique et financier conséquent ont pu s’engager dans des projets agricoles.

Mais les associations villageoises bénéficient rarement d’un tel encadrement.

Une étude réalisée par des étudiants de l’INA-PG 2, basée sur des enquêtes réalisées au sein de 41 associations villageoises ou inter villageoises révèlent la faible part des projets agricoles dans les réalisations des associations :

Figure 3. Répartition des secteurs d’intervention des associations de ressortissants

(1) Jardins de Cocagne est une coopérative de producteurs maraîchers suisses créée en 1978 qui a mis en place depuis 1986 une branche solidarité Nord-Sud visant à promouvoir le développement agricole de villages au Sénégal, en Mauritanie et au Mali.

(2) L’enquête a été réalisée en 2004 auprès de 41 associations distribuées dans tout le Nord de la région de Kayes, dont 16 dans le cercle de Kayes. L. Gauvrit, G. Le Bahers, « Pratiques associatives des migrants pour le développement de leur pays d’origine : le cas des migrants maliens de France originaires de la région de Kayes », 2004.

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Ce faible poids de l’agriculture est encore plus prononcé lorsque ces chiffres sont traduits non pas en terme de nombre de projets, mais en terme de volumes d’investissement :

Figure 4. Répartition des volumes d’investissements selon les secteurs

Les projets s’orientent plus communément vers la construction de mosquées, de centres de santé, d’écoles ou encore vers l’adduction d’eau. L’agriculture ne représente que 2% des volumes investis.

1.4.4 Les associations de migrants à l’origine du p aysage des ONG à Kayes : l’exemple du CAMIDE

De nombreux anciens migrants initiateurs d’associations villageoises et ayant joué des rôles clés dans les initiatives de développement de leur région se retrouvent aujourd’hui à occuper des positions centrales dans le paysage des ONG et associations de la région. Le comité de pilotage de l’antenne du GRDR à Kayes, l’UGAD (Union Générale des Associations de Développement), la cellule régionale de l’AOPP (Association des Organisations Professionnelles Paysannes), toutes ces structures, pour ne citer qu’elles, sont dirigées ou présidées par d’anciens migrants. Le CAMIDE, dont la genèse est entremêlée à l’histoire de l’association Diama Djigui, en est un autre exemple. (La naissance du CAMIDE et les spécificités du modèle CVECA sont développés dans l’annexe 1).

L’actuel directeur du CAMIDE avait été recruté par les membres de Diama Djigui au moment de la mise en place de leur projet intégré. Il était responsable entre autre du volet crédit du programme. Les crédits accordés par l’association étaient encore très faibles et aucun système d’épargne n’était proposé. Des voyages d’échange ont eu lieu avec des agriculteurs dans divers réseaux de microfinance du pays afin de définir le service financier le plus adapté à la zone. L’association a opté pour les modèles des Caisses Villageoises d’Epargne et de Crédits Autogérées (CVECA) déjà initié par le CIDR1 dans plusieurs régions du Mali.

Afin d’approfondir les connaissance sur le sujet, l’association a décidé d’envoyer un des techniciens en formation sur le thème de la microfinance. Et après plusieurs négociations,

(1) Le CIDR (Centre International de Développement et de Recherche) est un groupe associatif intervenant en Afrique sur les secteurs du développement local, des systèmes financiers décentralisés et d’assurance maladie et prévoyance sociale. Il est l’initiateur du modèle des caisses villageoises autogérées, né de la réflexion sur un modèle de microfinance en adéquation avec l’organisation sociale et le contexte des régions sahéliennes.

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c’est le directeur du CAMIDE qui a été désigné. Cette formation a permis de valider le modèle de CVECA comme étant potentiellement le mieux adapté à la région.

Dans le contexte de migration de la zone de Kayes et donc à travers le fort appui financier perçu par les familles rurales, le réseau des caisses villageoises de Kayes a pu développer une capacité d’épargne importante. Au point de voir certaines caisses villageoises atteindre des seuils de surliquidité.

Notre étude s’inscrit dans un cadre de réflexion portant sur l’utilisation potentielle de ces ressources et de ce qui en est capté à travers le réseau des caisses villageoises pour appuyer des initiatives de développement local.

1.4.5 Interrogations actuelles au sein des associat ions de migrants

Historiquement, les choix prioritaires des secteurs d’intervention des associations de migrants dans leurs villages d’origine (vie religieuse, santé et éducation) correspondent aux raisons fondamentales qui ont initialement motivé les migrants à quitter ces villages : à savoir améliorer les conditions de vie de leurs familles restées sur place.

Aujourd’hui, ces infrastructures (centres de santé et écoles) sont acquises pour un certain nombre de villages, et de nouveaux secteurs d’intervention sont à l’ordre du jour dans les associations : l’électrification et la mise en place de réseaux d’eau potable notamment. D’après nos entretiens avec divers membres d’associations, ces choix pourraient être révisés car ils vont toujours selon eux dans le sens de la consommation et de charges supplémentaires à supporter pour les migrants en France. Ce point de vue n’est cependant pas partagé par tous.

L’idée de pouvoir tourner ce potentiel d’investissement vers des secteurs productifs localement est au cœur de nombreuses discussions : au sein de certaines associations de migrants, mais aussi au cours des discussions réunissant différents acteurs du développement de Kayes ou les services de coopération français. A ce titre, un forum sur les investissements productifs dans la région de Kayes a été tenu en décembre 2007, réunissant la cellule de codéveloppement, l’assemblée régionale, différents acteurs locaux du développement et certains représentants d’associations de migrants. Divers ateliers ont été organisés pendant les mois d’août à octobre à Kayes et en France, dans le cadre de l’organisation de ce forum. Ces ateliers avaient pour objectif de diagnostiquer les potentialités économiques et les filières des différents cercles de la région de Kayes et d’orchestrer les différents acteurs afin d’évaluer leur complémentarité dans le cadre d’appuis aux secteurs productifs. L’objectif global est de mettre en place un cadre institutionnel favorable à la structuration des filières économiques dans la région, de pouvoir accompagner les acteurs, financer les investissements et mobiliser des partenariats techniques. Les représentants d’associations de migrants ont été intégrés dans cette réflexion mais leur rôle reste à définir.

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2 PROBLEMATIQUE ET PRESENTATION DES VILLAGES ETUDIES

2.1 PROBLEMATIQUE

Le CAMIDE est présent dans les villages du cercle de Kayes par son appui aux caisses autogérées depuis bientôt dix ans. Il s’est donné comme double mandat de développer l’accès des villages ruraux au système financier par l’appui aux caisses villageoises (et poursuit aujourd’hui son extension jusqu’aux cercles voisins) et de soutenir, dans la mesure de ses compétences, les initiatives de développement locale.

Historiquement, le CAMIDE est né du contexte de migration de la zone. Les principaux acteurs à l’origine de sa création sont des hommes du « double espace » et l’association, présente dans de nombreux villages de migrants, a bénéficié du niveau d’épargne particulièrement élevé de ces villages pour développer son autonomie financière.

Nos interrogations et celle du CAMIDE, dans une dynamique d’expansion et de recherche d’innovations et d’orientations, peuvent se résumer à la problématique suivante :

Dans le contexte d’un système agraire en crise, d’une production agricole globalement déficitaire et d’une région marginalisée en termes d’investissements agricoles, la migration peut-elle indirectement jouer le rôle de levier dans la redynamisation du secteur productif local ?

Dans ce cadre, quel rôle le CAMIDE, à travers son réseau, sa capitalisation en connaissances et en ressources financières autour de son activité de microfinance, peut-il jouer dans le développement de l’agriculture et des activités productives de la région ?

Dans quelle mesure, à travers l’activité de crédit notamment, peut-il se situer à l’interface des ressources issues du contexte de migration et du développement des secteurs productifs du monde rural ?

Les services financiers des caisses appuyées par le CAMIDE étant principalement à destination des unités familiales, il convient d’étudier de près le fonctionnement des familles, unités de base de l’économie rurale, et d’approfondir notre connaissance sur leur gestion des budgets et leurs activités. L’agriculture ne parvenant pas à couvrir l’ensemble des besoins des familles, il est nécessaire d’aborder aussi bien le fonctionnement des exploitations agricoles familiales que leurs liens et leur complémentarité avec les activités extra-agricoles ou de contre-saison. Cela permettra d’appréhender la manière dont la rente migratoire s’insère dans les budgets familiaux et, par rapport à la microfinance plus spécifiquement, comment le crédit s’insère dans ces budgets.

De ces questions découlent plusieurs autres interrogations, portant sur l’organisation des familles et leurs activités :

� Quelles sont les structures familiales en place et comment sont gérées les ressources au sein des foyers ?

� Quels sont les besoins et activités des ménages ?

� Dans quelle mesure chacune des activités participe-t-elle au budget familial et en conditionne-t-elle sa gestion ?

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Dans notre approche, ces questions seront abordées à travers le filtre de la migration. Les informations pourvues par la littérature soutiennent de manière probante l’idée de la migration comme facteur de discrimination des familles. Nous poserons donc l’hypothèse suivante :

Le degré d’insertion des familles dans les stratégies de migration, et donc la part du revenu familial basée sur l’accès à la rente migratoire, aura une influence conséquente sur les stratégies économiques des familles et sur les systèmes de production mis en place.

La démarche suivie dans l’approche des exploitations agricoles est une démarche systémique, consistant à considérer que l’exploitation agricole se compose d’un ensemble d’éléments organisés, ne répondant pas à des critères simples et uniformes d’optimisation. Le tout forme un système de production. Ce dernier n’est pas le résultat de la simple juxtaposition d’ateliers de production ni l’addition de moyens et de techniques de production, mais le résultat de l’interaction des systèmes d’élevage et de culture entre eux, eux-mêmes interdépendants de l’environnement biophysique et du contexte socio-économique.

Dans la mesure où les stratégies familiales dépassent la simple activité agricole et que l’équilibre budgétaire des familles est étroitement dépendant des activités extra-agricoles, nous appréhenderons les activités familiales à la lumière de stratégies plus vastes : cueillette, transport, activités artisanales de complément, migrations saisonnières ou internationales...

Les logiques qui gouvernent les systèmes de production agricole peuvent ainsi s’appréhender en référence à « un métasystème, appelé système d’activité, qui constitue le véritable domaine de cohérence des pratiques et des choix des agriculteurs » (Paul, 1994). L’affectation de la force de travail familiale aux différentes activités sera en interrelation avec les travaux liés à la production agricole. Les agriculteurs s’engageront sur des opportunités externes de revenus en fonction des impératifs du calendrier agricole et de la hauteur des coûts d’opportunité.

2.2 METHODOLOGIE

2.2.1 Enquêtes auprès des ménages

Les enquêtes auprès des ménages ont été réalisées dans un objectif multiple :

� En premier lieu : dans la perspective de cerner le fonctionnement de l’unité familiale et l’impact de la migration sur la nature et le fonctionnement de cette unité.

� En second lieu : afin d’appréhender la gestion des budgets familiaux et du produit issu de la migration, et de mettre ce dernier en lien avec l’organisation des activités agricoles et extra-agricoles.

Le guide d’entretien élaboré (annexe 2) se découpe en différentes rubriques : l’objectif est de caractériser le fonctionnement du foyer et de l’exploitation agricole, l’organisation du travail, la constitution du produit familial et la consommation.

L’évaluation du produit agricole est confrontée avec la consommation familiale afin d’estimer le niveau d’autoconsommation et rendre compte des stratégies adoptées pour pallier aux éventuels déficits vivriers.

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D’un point de vue pratique, la démarche suivie a été de s’adresser en premier lieu au chef de famille, généralement premier responsable de la sécurité alimentaire de la famille, pour lui demander des informations générales sur le fonctionnement de la famille, l’exploitation familiale, le produit et la consommation. Il a été généralement possible, avec l’accord du chef de famille, de multiplier les points de vue sur le fonctionnement de l’unité familiale en interrogeant des femmes de la concession ou des dépendants. Ces entretiens annexes ont souvent eu lieu sous la surveillance ou du moins en présence du chef de famille, pouvant parfois compromettre les informations obtenues, mais ce biais méthodologique reste difficile à pallier sur le terrain.

Dans l’optique de mettre ces résultats en perspective, il est pertinent de confronter le fonctionnement des familles insérées dans la migration avec celles qui ne le sont pas. A une autre échelle, il convient également de comparer la situation de villages de migrants avec celle de villages peu impliqués dans cette stratégie économique. Ces considérations ont gouverné nos choix dans l’échantillonnage des familles enquêtées et des villages étudiés.

2.2.1.1 Gestion des ressources et du produit famili al

Accéder à des informations concernant la gestion du budget et du produit familial n’est pas une chose aisée. D’un point de vue méthodologique, formuler des questions trop directes concernant les ressources de la famille peut rapidement conduire à des confusions sur la finalité des entretiens et à des informations partielles ou erronées. Notre approche a consisté à aborder cette question par une double entrée :

� D’une part par l’exploitation agricole, l’organisation des parcelles et l’évaluation du produit agricole (ainsi que la gestion et le devenir de ce produit).

� D’autre part par la consommation : évaluation de la consommation sur l’année en biens et denrées alimentaires. Pour chaque type de dépense ou de consommation, nous entreprenions de remonter à l’activité ou à la ressource permettant d’assurer cette consommation.

Une telle approche présente de nombreux avantages. Elle permet de reconstruire le système d’activité et la multiplicité des ressources et de les mettre en relation directe avec les besoins de la famille. Elle permet d’autre part d’apprécier la cohérence entre le produit et les ressources familiales et le niveau de consommation.

2.2.1.1.1 Consommation alimentaire

L’approche par la consommation alimentaire permet d’observer la hauteur du déficit vivrier dans le cas où les champs ne permettent pas de couvrir les besoins alimentaires de la famille. En mettant en évidence les denrées achetées, il est possible de déterminer l’origine des ressources utilisées pour couvrir ces charges en alimentation (rente migratoire, activités extra-agricoles…).

Au moment des enquêtes, en fonction de l’origine de ces ressources, il a été possible d’approfondir les thèmes de la migration et des activités extra-agricoles. Ces éléments permettent d’analyser comment les ressources issues de ces stratégies sont gérées au sein de la famille et viennent répondre à leurs besoins.

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2.2.1.1.2 Consommation et dépenses primaires

Le secteur de dépenses primaires concerne l’ensemble des charges courantes nécessaires au bon fonctionnement de la concession et de la satisfaction des besoins primaires des individus (dépenses domestiques, frais de santé et scolarité…). Les enquêtes visent à identifier les responsables de ces charges en fonction de la nature des dépenses et d’observer la variabilité et la périodicité des dépenses.

2.2.1.1.3 Equipements et investissements

Concernant les bâtiments, les équipements ou toute autre forme d’investissement, les entretiens visent à mettre en avant les facteurs qui ont poussé à de tels investissements et l’origine des ressources qui ont permis de telles dépenses.

2.2.1.1.4 Dépenses spécifiques

Les familles doivent parfois faire face à des dépenses plus inhabituelles, souvent plus volumineuses, tels que les mariages, les baptêmes ou les funérailles. Mettre en avant les stratégies des familles et les ressources utilisées pour faire face à ces besoins permet d’évaluer l’impact de ces dépenses plus ponctuelles sur la trésorerie de la famille.

2.2.1.2 Systèmes d’activité et modélisation de la t résorerie des familles

Les enquêtes menées au sein des ménages permettront d’établir une typologie des familles, distinguées entre elles selon des clés de différenciation : la structure des familles, la nature du système de production et le degré de capitalisation de l’exploitation agricole, la nature des activités extra-agricole, le degré d’insertion dans les stratégies de migration…

Il existe des liens étroits entre ces différents facteurs de différenciation. Caractériser ces liens et les recadrer dans l’histoire à travers l’analyse des trajectoires des familles facilite l’approche de la diversité des situations rencontrées au sein des villages.

Cette caractérisation des familles et des exploitations agricoles suppose au préalable d’avoir déterminé les différents systèmes de production en place et la nature des activités extra-agricoles entreprises.

2.2.1.2.1 Systèmes de production

Le système de production est la résultante des sous-ensembles que sont les différents systèmes de culture et systèmes d’élevage.

Le système de culture est défini, pour une surface de terrain traitée de manière homogène, par « les cultures pratiquées avec leur ordre de succession et les itinéraires techniques (combinaison logique et ordonnée des techniques culturales) mis en œuvre » (Sébillotte, 1976). A l’échelle de l’exploitation, le système d’élevage est la suite logique et ordonnée d’opérations techniques d’élevages appliquées à un ensemble d’animaux conduits de manière homogène.

L’analyse de ces systèmes de culture et d’élevage permet de modéliser les calendriers culturaux et zootechniques afin de dégager les diverses contraintes qui relèvent de l’activité agricole et d’évaluer les performances économiques de chacun des sous-systèmes, et plus globalement du système de production. Cette approche permet d’évaluer la contribution du secteur agricole au revenu des familles et d’observer comment les produits et les charges liés à l’agriculture s’insèrent dans la gestion globale du budget de la famille.

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2.2.1.2.2 Activités extra-agricoles

Les activités extra-agricoles se déclinent en différents types : en fonction de la hauteur et de la nature des investissements, en fonction de la périodicité et de la demande...

Certaines ne nécessitent aucun investissement et concernent plus particulièrement les individus qui n’ont à proposer que leur force de travail. D’autres demandent des investissements plus ou moins conséquents et parfois la constitution d’un fonds de roulement qu’il conviendra de gérer et d’intégrer dans les stratégies de gestion du budget familial (atelier, boutique).

2.2.1.2.3 Modélisation des différents types d’unité familiale

Des données quantitatives ont été récoltées à travers ces entretiens afin d’évaluer les revenus familiaux, mais l’approche se veut globalement qualitative et destinée à mettre en évidence une typologie des familles pour lesquelles les différents éléments du système auront été analysés.

La modélisation des revenus permet de décomposer le produit familial et d’estimer la part des différentes ressources, d’évaluer la part du produit agricole et les potentialités d’investissement des familles. Elle permet d’autre part d’évaluer l’importance de la rente migratoire et son impact sur les équilibres des budgets familiaux.

L’objectif est également d’observer les variations subies par le produit familial en fonction de la qualité des campagnes agricoles. Les fortes variabilités de pluviométrie (annexe 3) ont une grande incidence sur le produit agricole et plus globalement sur le budget familial.

2.2.2 Etudes antérieures

Nous disposons dans la bibliographie d’éléments approfondis d’étude sur les produits et consommations familiales à travers des enquêtes menées en 1996 sur 305 familles réparties sur huit villages de la zone par l’économiste Flore Gubert.

Cette étude diffère de notre approche à plusieurs niveaux. Elle s’adresse à un échantillon plus large et mobilise des outils qui relèvent davantage des statistiques et de l’économétrie, permettant de traiter les informations de questionnaires aux nomenclatures plus fermées. Toutefois, même si l’approche diffère et si l’accent n’a pas été mis sur l’étude des systèmes de production, ce travail reste une ressource riche qui peut accessoirement servir de base de comparaison pour nos résultats. La migration a également été considérée comme une clé de distinction des familles et l’échantillon global présente l’avantage d’avoir été traité en deux sous-échantillons : familles sans migrants (en tant qu’échantillon témoin ou groupe de contrôle) et familles avec migrants.

L’étude présente cependant l’inconvénient de s’être portée sur une année arrêtée : le produit de la campagne de contre saison 1995/1996 et le produit agricole de l’hivernage 1996, en l’occurrence l’une des années de plus mauvaise pluviométrie1, en termes de volume et de répartition, de la décennie 1991-2000 (voir le relevé pluviométrique de Kayes en annexe 3).

(1) La station météo de Kayes a enregistré une pluviométrie annuelle de 428 mm étalée sur seulement 39 jours pour 1996, contre une moyenne décennale de 570 mm/an de pluie étalée sur 49 jours pour la période 1991-2000.

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2.2.3 Analyse des crédits et de leur utilisation

En complément de l’étude des budgets, et afin d’établir le lien avec la microfinance, un volet de nos entretiens portent sur l’utilisation des crédits (pour les sociétaires des caisses villageoises) ou les besoins éprouvés en termes de financement.

Ce volet de notre analyse s’est fait à deux échelles : d’une part à l’échelle micro-économique au sein des foyers lors de nos entretiens, d’autre part à une échelle plus globale à travers l’analyse statistique d’un échantillon large de crédits octroyés sur l’ensemble des caisses du réseau1. Les observations faites à l’échelle micro-économique peuvent ainsi être confrontées à des observations plus larges et aux tendances dégagées par le traitement d’un échantillon plus vaste.

Cette approche exige en premier lieu d’analyser le fonctionnement des caisses villageoises, à l’échelle du village comme à l’échelle du réseau, puis d’examiner leur utilisation par les familles. L’objectif est d’observer pour quels types de besoins et dans quelles circonstances les crédits sont généralement sollicités et d’observer la gestion des remboursements au sein des familles. Des entretiens avec des non-adhérents permettront de cerner les types de ménages ou de situations que les caisses n’arrivent pas à satisfaire en termes de crédit, ou les raisons qu’invoquent les familles pour ne pas avoir recours aux propositions de financement des caisses.

2.2.4 Analyse du contexte institutionnel

Afin de préciser le cadre dans lequel l’agriculture et la microfinance s’insèrent, nous aborderons l’analyse du contexte institutionnel. Ce volet ne correspond pas à une étape déterminée de notre étude. Tout au long de notre phase de terrain, à travers des rencontres avec divers acteurs (responsables d’organisations paysannes, acteurs du développement, responsables d’associations de ressortissants…), nous nous interrogerons sur les différentes volontés d’orientation des projets (agricoles notamment) et sur le rôle que la microfinance peut jouer dans l’appui au financement rural en lien avec ces différents acteurs.

Pour que tout transfert ou investissement dans le système de production familiale s'accompagne d'un accroissement du produit agricole, les éléments du contexte socio-économique doivent être favorables. Le réinvestissement des revenus (issus de la migration ou autre) dans l'agriculture est donc fortement conditionné par le contexte biophysique, économique et institutionnel dans lequel il s’insère. Des conditions particulièrement défavorables ou des infrastructures défaillantes peuvent inciter les paysans à se détourner de l'agriculture, au profit (ou non) d'autres activités.

De manière générale, on peut faire l’hypothèse qu’un paysan est prêt à investir dans l’agriculture si cela lui permet d’augmenter la production vivrière (et donc de diminuer des dépenses en consommations alimentaires) ou d’augmenter la production de cultures commerciales (et donc d’augmenter ses revenus monétaires issus de l’agriculture), ou bien si cela lui permet d’être moins dépendant de la main d’œuvre en augmentant la productivité du travail.

Le contexte économique et institutionnel affecte la rentabilité relative des activités agricoles par rapport aux autres activités. Le prix des produits et des intrants, le matériel et les

(1) L’ensemble des crédits octroyés du réseau de caisses a été saisi sur des fichiers informatiques du CAMIDE, le traitement des données s’en est vu facilité.

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services disponibles ainsi que les conditions d'accès au marché peuvent, selon les cas, encourager ou, au contraire, dissuader les producteurs d’investir dans le secteur agricole ou à dégager des surplus commercialisables.

2.3 PRESENTATION DES VILLAGES

2.3.1 Critères de choix des villages et familles ét udiés

Les villages choisis se distinguent par leur histoire, leur composition socio-ethnique, leur proximité avec le centre urbain et l’écosystème cultivé.

Les deux premiers villages étudiés sont Gouméra et Gory Gopéla (voir figure 5 p.35). Ces deux villages sont fortement insérés dans les stratégies de migration (plus de 60% des familles possèdent un ou plusieurs de leurs membres à l’étranger à Gory) et situés à une trentaine de kilomètres du centre urbain de Kayes. Ils ne bénéficient que d’un réseau hydrographique temporaire composé de cours d’eau alimentés pendant l’hivernage et de marigots.

Les deux autres villages, Samé plantation et Darsalam, sont situés en bordure du fleuve Sénégal, à moins de quinze kilomètres du centre urbain (plus facilement atteignable en charrette) sur la route goudronnée qui relie Kayes à Dakar. La composition ethnique y est plus mixte et l’ethnie Soninké minoritaire.

L’étude menée en parallèle sur ces deux types de villages permet de confronter des observations divergentes en termes d’organisation économique à l’échelle du village comme à l’échelle de l’unité familiale.

Les enquêtes ont toujours été menées avec un membre du comité de la caisse villageoise jouant le double rôle de traducteur et de guide. Le fonctionnement des caisses villageoises et l’octroi des crédits reposent justement sur les liens sociaux étroits qui lient les villageois et la faculté des membres du village à connaître la situation économique et la nature des activités des familles. Nous avons ainsi pu nous appuyer sur la connaissance précise de notre accompagnateur de la situation et des activités de chaque famille. L’échantillonnage des familles enquêtées a ainsi été établi en concertation avec ce dernier, ainsi qu’avec les autres membres du comité de la caisse et des membres de la chefferie. L’échantillonnage est basé sur divers critères : la taille des familles, le nombre de migrants en appui à la famille, le degré d’équipement, la nature des activités pratiquées et le niveau de sollicitation de la caisse villageoise. Une quinzaine de familles ont ainsi été interrogées par village, à travers des entretiens s’étalant sur une journée ou une demi-journée avec les divers membres de la famille. Certains entretiens ont pu s’étaler sur plusieurs jours en fonction de la disponibilité des villageois.

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Figure 5. Localisation des villages étudiés dans le cercle de Kayes

2.3.2 Des histoires divergentes

Les villages de Samé et Darsalam ont une histoire plus étroitement liée à la colonisation puisqu’ils étaient le siège de grandes plantations de sisal (destiné à la confection de fibres textiles) voué à l’exportation. La composition sociale y est beaucoup plus mixte et les différenciations sociales sont moins marquées par l’histoire de la migration. Les distinctions en termes d’évolution des exploitations agricoles se sont globalement dessinées sur les bases de l’accès à la terre lors des redistributions des terres coloniales. La noblesse en place ou les familles ayant pu s’octroyer des rôles déterminants dans la conduite des travaux des plantations ont généralement bénéficié d’un accès privilégié aux terres ainsi qu’aux parcelles en bordure de fleuve. Les familles d’ouvriers contractuels ou d’anciens esclaves ont été plus généralement défavorisés dans cette distribution du finage. Leurs exploitations agricoles ont donc plus difficilement bénéficié des changements institutionnels engendrés par l’accès au

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pouvoir du président socialiste Modibo Keïta. Ces changements concernent notamment la mise en place de centres de formation agricoles destinés à accompagner les fermes (l’un de ces centres se trouve à Samé plantation) et la mise en place de crédits agricoles pour relancer la production de l’arachide. Ces crédits concernent principalement le matériel agricole (charrues et charrettes) et les semences. L’introduction de la charrue permet de lutter plus efficacement contre la pression des adventices. Elle améliore la productivité du travail du sol et diminue les pointes de travail au moment des sarclages, permettant à certains agriculteurs d’augmenter leur surface mise en culture.

Si la migration est un phénomène présent à Samé (et quasi inexistant à Darsalam), elle est un filtre de lecture bien plus incontournable pour parvenir à comprendre les distinctions qui se sont dessinées à travers l’histoire agraire des deux autres villages (Gouméra et Gory Gopéla). L’appui financier des migrants a engendré des modifications sur l’ensemble du système micro-économique villageois, la nature des activités et les systèmes de production en place. Cet impact s’est ressenti jusque dans la structuration des unités familiales et la gestion de l’économie des ménages. Toutes ces modifications du paysage villageois et leur portée sur l’économie familiale seront détaillées à travers les chapitres qui suivent.

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3 ANALYSE DE LA STRUCTURE ET DU FONCTIONNEMENT DES FAMILLES

3.1 ORGANISATION SOCIALE

Historiquement, l’organisation de la société Soninké est très hiérarchisée, basée sur des distinctions très prononcées entre les familles en termes de travail et de pouvoir selon leur statut social. La migration est venue partiellement perturber ce schéma et a également généré un certain nombre de modifications sur l’organisation du travail agricole, aussi bien au sein des familles qu’à l’échelle du village.

3.1.1 Une société hiérarchisée

Il existe dans la société malienne une forte connivence entre le nom de famille (et l’appartenance clanique à laquelle il se réfère) et le rang social des individus. Il est en principe possible de connaître le statut d’un individu au simple énoncé de son nom. Un Dramé est noble marabout, un Coulibaly noble guerrier et un Kanté est forgeron. Cependant, les choses ne sont pas toujours aussi univoques, cette règle simple de caractérisation des individus affiche de nombreuses exceptions. En effet, un même dyamu pourra aussi bien désigner un noble qu’un homme de caste en fonction de l’histoire de la famille. Selon les circonstances d’arrivée et d’implantation de la famille dans un village, il peut arriver que leur statut ait été modifié, qu’une famille anciennement noble ait été au service d’une autre famille. Ce nouveau statut sera alors conservé par tous les descendants.

La société est initialement scindée en deux grandes classes, les hommes libres et les captifs. Au sein des hommes libres se distinguent les nobles, c'est-à-dire les guerriers détenteurs du pouvoir politique et les marabouts détenteurs du pouvoir religieux, et les hommes de caste (nyakamala), souvent rattachés à une famille noble, spécialisé dans un travail (forgerons, griots…) et dont les mariages sont exclusivement endogènes. Aujourd’hui, les hommes de caste peuvent à loisir exercer ou abandonner le métier de leur famille, mais cette circonstance ne modifie en rien leur statut politique et social.

Les captifs, encore désignés comme tel, anciennement rattachés à la concession d’une famille noble, ont pu habiter leur propre concession au moment de leur affranchissement. Si nous prenons l’exemple du village de Gouméra, les familles pour lesquelles les captifs travaillaient antérieurement concédaient un bout de terre aux nouvelles concessions fondées par ces familles affranchies. Une redistribution plus ou moins égalitaire du domaine foncier a ainsi eu lieu entre les familles nobles et leurs esclaves.

Si les disparités entre les différentes catégories sociales et ethnies se sont quelque peu estompées en milieu urbain, la prégnance de cette hiérarchisation sociale reste marquée chez les familles villageoises qui sont encore très regardantes sur l’appartenance sociale des individus. En effet, même si le statut de captif n’existe plus et que les situations économiques des diverses catégories sociales ont pu s’équilibrer à travers le temps, le nom de famille (dyamu) et sa référence à l’ancien statut de la famille demeure une forte marque de distinction des familles entre elles. Par ailleurs, cet attachement au statut est d’autant plus marqué en milieu Soninké où il apparaît préférable de marier les femmes avec des hommes Soninkés, et de même rang.

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Comme nous l’avons évoqué précédemment, cette hiérarchie sociale et les solidarités entre clans ont trouvé leur écho jusque dans les associations de migrants en France. Ces schémas sociaux se reproduisent aussi bien dans les associations qu’au sein des structures communales (les maires des communes sont fréquemment des membres de la chefferie du chef lieu de commune).

3.1.2 Hiérarchie familiale et migration

L’organisation des familles repose d’une part sur une hiérarchie entre les hommes et les femmes, et d’autre part sur une hiérarchie très respectée entre aînés et cadets, au sein des membres masculins comme au sein des membres féminins de la famille. Il est important de noter que la notion d’aînesse englobe ici deux cas de figure distincts : la séniorité physique (plus grand nombre d’années) et la séniorité généalogique. Ainsi au sein d’une famille, le rôle de chef de famille reviendra au plus âgé des membres du lignage aîné.

Si l’aîné dispose d’un droit absolu sur ses cadets, cela n’empêche pas ces derniers d’avoir recours à un certain nombre de stratégies afin de développer leur autonomie. Pollet et Winter ont écrit à cet égard que « la rivalité du frère aîné et du frère cadet est une constante de la sociologie politique des Soninkés »1. La migration constitue l’une de ces stratégies d’autonomisation.

Au sein des familles, la migration à vocation productive, entendue comme un départ prolongé en dehors de la famille à des fins économiques, est réservée aux hommes. Généralement, les absences des femmes correspondent soit à une visite prolongée au sein d’une branche de la famille éloignée géographiquement de leur foyer, soit à un regroupement familial auprès de leur mari émigré.

Au sein des hommes de la famille, la migration est généralement réservée aux cadets. Un départ en migration d’un chef de famille serait perçu comme une fuite de ses responsabilités premières, en l’occurrence assurer sur place la sécurité alimentaire du foyer. Certains cas de figure viennent toutefois déroger à cette règle. En effet, si la famille est insérée depuis longtemps dans les stratégies migratoires, il peut arriver qu’un cadet en migration se retrouve l’aîné de la famille suite au décès du chef de famille au village. Ce migrant prendra alors ponctuellement le rôle de chef de famille lors de ses retours au village, mais sera remplacé par le premier cadet lors de ses absences.

Les aînés devant maintenir leurs responsabilités au sein de l’unité familiale, le pouvoir économique des migrants a en partie déplacé le centre de gravité des décisions relatives à la reproduction économique de la famille. La participation des cadets expatriés au budget familial dans des proportions importantes remet en cause la position du chef de famille, dont les seules ressources ne suffisent pas à maintenir l’unité familiale.

3.1.3 Organisation du travail familial et évolution s récentes

3.1.3.1 Travaux agricoles

Si nous revenons à l’organisation du travail dans les champs tel que nous pouvions encore l’observer il y a quelques décennies, le travail des hommes était centré sur le champ familial, somanté, étymologiquement « le champ de l’aîné ». Ce champ était accompagné de champs personnels satellites, les salumé, de tailles généralement proportionnelles au degré de

(1) E. Pollet, G. Winter, La Société Soninké (Dyahunu, Mali). Éditions de l'université de Bruxelles ; 1971.

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responsabilité des individus au sein de la famille (les hommes mariés avaient une plus grande parcelle que les jeunes célibataires). Les journées de travail étaient organisées de telle sorte que la quantité de travail effectuée dans un champ était proportionnelle à la taille de la parcelle. Ainsi l’ensemble de la famille travaillait dans le champ commun pendant la matinée, les cadets travaillaient dans les champs de leurs aînés en début d’après-midi, et enfin chacun travaillait seul dans son champ en fin d’après midi, les plus jeunes ne pouvant ainsi consacrer que quelques heures par jour de travail solitaire dans leur champ. L’organisation du travail peut être illustrée par le schéma suivant :

Figure 6. Ancienne organisation du travail agricole

Les champs 1, 2 et 3, à l’échelle d’une journée, sont cultivés pendant respectivement 16, 6 et 2 heures de travail cumulé. Ainsi, à la fin de la saison des cultures, la récolte était stockée pour chacun dans un grenier personnel rempli à hauteur des charges qui incombaient au propriétaire du champ. Le champ familial, qui recevait chaque matinée le travail de l’ensemble des hommes en âge de travailler, devait ensuite assurer la nourriture familiale pendant 5 jours par semaine durant toute l’année, et l’ensemble des cadets devaient généralement assurer l’alimentation du jeudi et du vendredi. Le reste de la production des greniers des dépendants pouvait être vendue à loisir pour répondre aux dépenses qu’impliquaient la prise en charge de leur foyer restreint. Les femmes quant à elles n’intervenaient dans le champ familial que pour certaines opérations culturales, telles que la récolte ou le semis. Sinon chaque femme mariée travaillait dans son champ propre avec ses filles en âge de l’aider.

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Si l’organisation du travail n’a d’ailleurs pas changé concernant les femmes, qui aujourd’hui encore possèdent chacune leur champ propre et leur grenier personnel dans les familles Soninkés, il en va tout autrement pour l’organisation du travail des hommes. A présent les hommes travaillent tous dans le seul champ commun dont la production est réunie dans un seul grenier. Il semblerait que la possession d’un champ personnel ne soit plus perçue par les dépendants comme un facteur d’autonomisation, si bien que la culture des salumés a aujourd’hui disparu. De nombreux villageois invoquent la migration et la contribution alimentaire des migrants dans le grenier familial comme facteur de disparition d’une telle organisation du travail agricole. On peut cependant noter que la disparition de cette pratique s’observe aussi bien dans les familles insérées dans les stratégies migratoires que dans les familles n’ayant jamais vu l’un des leurs partir à l’étranger.

D’autre part, les membres en migration (des actifs plus ou moins âgés) sont parfois des membres qui ont théoriquement un rôle primordial dans l’unité de production familiale en termes de conduite et de gestion des travaux agricoles. Leur absence peut partiellement déstabiliser l’organisation des travaux, surtout si les migrants sont nombreux au sein de la famille.

3.1.3.2 Travaux extra agricoles

Les hommes en âge de travailler contribuent au produit familial à travers leur participation aux travaux agricoles, mais également par une participation monétaire issue d’une éventuelle activité rémunératrice. Une partie des bénéfices de ces activités devra être reversée au chef de famille chargé du maintien du stock alimentaire et de la redistribution des richesses au sein de la famille. Une autre partie pourra être conservée et utilisée pour répondre à ses seuls besoins si l’homme est célibataire, à ses besoins et ceux de son foyer restreint composé de sa femme et de ses enfants s’il est marié.

Toutes les familles n’appliquent pas cette règle, mais très généralement le temps de la semaine ou le temps de la journée sont organisés de telle manière que certains jours, ou certains horaires, sont proprement dédiés au produit familial. Les gains réalisés grâce à des activités menées en dehors de ces jours ou horaires spécifiques reviennent intégralement à celui qui les a entreprises. Par exemple, les bénéfices tirés de la vente de poissons d’une pêche nocturne pourront être conservés par un dépendant alors qu’ils devront être restitués au chef de famille si les poissons ont été pêchés en plein après-midi.

Les femmes non mariées exercent rarement des activités extra-agricoles, les charges qui leur incombent sont très restreintes et leurs besoins sont généralement satisfaits par un parent (leur mère ou leur grand-mère notamment) ou par le chef de famille. A partir de leur mariage, les femmes mariées exercent fréquemment des activités rémunératrices pour subvenir aux nouvelles charges qui leur incombent (parfois le savon, les frais de moulin, certains frais médicaux ou scolaires…). Les bénéfices de leurs activités leurs sont réservés et ne sont généralement pas mêlés au budget familial. Les bénéfices des activités qu’elles mènent doivent répondre à la nature de leurs besoins : généralement des montants faibles et réguliers dans le temps.

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3.2 ANALYSE DU FONCTIONNEMENT DES MENAGES

3.2.1 Cadre théorique

L’organisation économique d’une population peut-être perçue comme la résultante d’une combinaison entre un système de parenté générale, dont découle une morphologie spécifique des structures familiales, et un système économique qui est le résultat de l’histoire et de la valorisation du milieu écologique.

Pour décrire cette organisation, J.M. Gastellu (1978) propose, afin de mieux appréhender l’unité familiale telle qu’elle est structurée en Afrique de l’Ouest, de déterminer au sein des familles les différentes « unités fonctionnelles » qui les composent. Ces unités possèdent chacune des centres décisionnels différenciés, susceptibles ou non de se superposer.

« La communauté de production » est l’unité fondamentale de l’analyse économique, elle regroupe les individus qui participent à la création et à la fourniture du produit, sous la responsabilité d’un même chef de communauté. C’est à ce niveau que sont faits les choix des cultures et l’organisation du travail sur les champs principaux en ce qui concerne l’activité agricole.

« La communauté de consommation » correspond à l’unité de production auxquels viennent s’ajouter les inactifs. Les prises de décision de cette unité portent principalement sur la gestion des stocks alimentaires. Ce groupe de distribution, regroupant l’ensemble des proches au sein duquel la nourriture est quotidiennement répartie, porte le nom de kore en Soninké.

Enfin, « la communauté d’accumulation » correspond au produit (bétail, épargne…) qui sert dans les échanges sociaux, les dépenses inhabituelles (mariages, fêtes…). Cette communauté est généralement dissociée en plusieurs unités plus élémentaires, si bien que les centres de décision qui régissent sa gestion sont souvent multiples.

On distinguera enfin « l’unité de résidence » qui ne correspond pas à une fonction économique à proprement parler, mais qui est un repère géographique regroupant les individus d’une même famille, partageant généralement le même grenier.

3.2.2 Observation des familles Soninkés

Le phénomène de migration contredit quelque peu ce schéma de l’unité familiale puisqu’une partie de l’unité de production est déplacée en dehors de l’unité de résidence (les membres à l’étranger) et ne participe pas à la consommation de la famille.

Si les centres de décision orchestrant l’organisation des communautés de production et de consommation sont en grande partie confondus en la personne du chef de famille, il convient toutefois de modérer ce constat par une série d’observations :

En premier lieu, si le chef de famille atteint un âge si avancé que sa raison ou sa mobilité l’empêchent de rester au cœur des décisions familiales, il délèguera un certain nombre de responsabilités à d’autres membres de la famille. Il laissera par exemple le soin à son frère cadet ou à son fils aîné de gérer le champ collectif ainsi que le budget global de la famille. Il pourra également confier la clé du grenier à l’une de ses femmes, la laissant juger par elle-même de l’alimentation quotidienne qu’il convient d'extraire du grenier familial.

D’autre part, la communauté de production affiche une scission nette entre la participation des hommes et la participation des femmes au grenier alimentaire. Ce

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phénomène joue sur la nature de la gestion des ressources des différents membres de la famille. En effet, alors que l’ensemble du travail des hommes au sein du champ collectif est à destination du grenier familial commun, les récoltes des femmes sont à destination de leur propre grenier individuel. Cette distinction entraîne une différenciation forte entre la gestion budgétaire des hommes et celle des femmes. Alors que les cultures menées en période d’hivernage par les hommes ont principalement une vocation de sécurité alimentaire, les cultures menées par les femmes pendant la même période (arachide, mil et gombo notamment) ont une vocation double. Elle permettent d’une part de compléter la céréale amenée par les hommes, mais répondent d’autre part à un objectif de commercialisation, dans une proportion plus ou moins grande en fonction de l’abondance des pluies et des obligations de la femme au sein de la famille. En effet, afin de caractériser l’apport des femmes au produit familial, il convient de distinguer cinq périodes de la vie d’une femme au cours desquelles ses contributions diffèrent :

- les jeunes filles ne participent pas au produit de la famille et font seulement partie de l’unité de consommation, elles ont toutefois pour tâche d’assurer la surveillance des nouveaux nés lors des travaux agricoles de leur mère.

- les jeunes adolescentes, dès l’âge de 14 ans, participent au produit agricole en accompagnant leurs mères sur leur champ ou leur jardin afin de les épauler dans les divers travaux agricoles (arrosage, binage, désherbage…). Celles d’entre elles qui sont scolarisées ne pourront que très partiellement participer aux travaux de récolte qui ont lieu en période scolaire.

- la femme mariée se retrouve avec de nouvelles charges et responsabilités qui expliquent la nécessité pour elle de cultiver son champ personnel. Ce champ lui permettra, au même titre que toutes les autres femmes mariées de la concession, de participer à la préparation de la sauce lors de son tour de cuisine à partir du produit de ses cultures (arachide, gombo…). Il lui permettra d’autre part, à travers la vente d’une partie de la récolte, de subvenir à l’ensemble des charges et dépenses qui sont sous sa responsabilité.

- la femme dont les fils se sont mariés peut quant à elle progressivement se retirer de sa participation à la préparation des repas, ses belles-filles prenant cette responsabilité à sa place. Elle n’a dès lors plus aucune obligation de retirer de son grenier le produit alimentaire familial et pourra vendre la majeure partie de la récolte de ses champs. L’argent dégagé de ces ventes lui permettra de subvenir aux besoins éventuels de ses filles encore célibataires ou de ses petits-enfants. Toutefois, en cas de mauvaise saison agricole, elle appuiera les autres femmes de la concession en leur accordant une partie voire la totalité de sa récolte pour la préparation des repas en période de soudure.

- même si certaines d’entre elles avancent vouloir aller aux champs jusqu’à la fin de leurs jours, les femmes âgées (mussokoroba) sont dans l’obligation d’arrêter les travaux agricoles, basculant de la communauté de production à la seule communauté de consommation. Cet âge de « retraite » est généralement d’autant plus repoussé que la situation économique de la famille est précaire. Les familles dont la reproduction de l’unité économique est menacée sont en effet contraintes de maximiser le ratio nombre d’actifs/nombre de consommateurs.

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3.3 OBSERVATION DE LA STRUCTURE DES FAMILLES

Au village de Gory Gopéla, nous avons pu disposer du registre des impôts qui affichait un certain nombre d’informations susceptibles de nous aider à caractériser les familles du village : notamment le nom du chef de famille, le nombre de membres qui composent la famille, le nombre d’individus imposables, le nombre de bœufs (les têtes de bétail étant taxées), le nombre de charrettes et le montant global de l’impôt. En plus de ces informations, il a été possible, en consultation avec l’un des membres du village, d’ajouter une colonne d’informations précisant le nombre de migrants par famille (toutes destinations confondues), et le nombre de migrants à destination de l’Europe (généralement en France ou en Espagne) :

Nom du

chef de

famille

Nombre de

membres

Nombre

d’individus

imposables

Nombre de

bœufs

Nombre

de

charrettes

Montant

de

l’impôt

Nombre

de

migrants

Migrants

en

Europe

Tableau 3. Rubriques détaillées pour l’ensemble des familles de Gory Gopéla. Le détail du tableau est reporté en annexe 12.

De telles informations ont permis de confirmer et illustrer un certain nombre d’hypothèses sur la corrélation entre la taille et le degré de capitalisation des familles (troupeau de bœufs, charrettes) et le degré d’insertion dans la migration (caractérisé par le nombre de membres à l’étranger).

3.3.1 Des familles plus ou moins élargies en foncti on du degré d’insertion dans les stratégies migratoires

Il apparaît qu’aujourd’hui, les familles qui se sont historiquement insérées les premières dans les stratégies migratoires, au lendemain de l’indépendance pendant les années 1960, sont les familles qui affichent habituellement le plus grand nombre d’individus. Les transferts économiques des migrants vers le village ont permis de maintenir des familles élargies sans qu’il n’y ait de scission ou de séparation des cuisines. Si une branche vient à se désolidariser de la famille, elle peut perdre le bénéfice de la rente migratoire et déstabiliser l’équilibre de son budget familial. Le cas, certes exceptionnel mais le plus illustratif, de Gory Gopela est une famille de 118 personnes avec 15 migrants en France. L’ensemble de la famille dépend du même grenier, les hommes actifs de la famille cultivent ensemble le même champ commun et les femmes tournent à tour de rôle par petits groupes pour assurer les repas pour l’ensemble de la famille.

Les familles les plus nombreuses aujourd’hui sont généralement celles dont les membres se sont le plus tôt lancés dans la migration, à une époque où les coûts d’un départ en France étaient moins onéreux.

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Nom

bre

Nombre de personnes

Part de la population du village

Nombre de migrants

Nombre moyen de migrants par famille

Nombre de charrettes

Nombre moyen de charrettes par famille

Nombre d'ânes

Nombre moyen d'ânes par famille

Nombre de bœufs

Nombre moyen de boeufs par famille

Total des familles 125 2759 100% 161 1,3 84 0,7 113 0,9 961 7,7

moins de 10 membres

42 259 9% 9 0,2 12 0,3 15 0,4 17 0,4

entre 10 et 20 membres

25 387 14% 16 0,6 20 0,8 22 0,9 108 4,3

entre 20 et 30 membres

26 654 24% 42 1,6 24 0,9 31 1,2 159 6,1

entre 30 et 50 membres

21 764 28% 43 2,0 22 1,0 28 1,3 256 12,2

Familles comprenant:

plus de 50 membres

11 695 25% 60 5,5 18 1,6 32 2,9 438 39,8

Tableau 4. Nombre de migrants et degré de capitalisation moyens par type de famille

Le tableau 4 expose le nombre moyen de migrants par type de famille et le degré de capitalisation des familles à travers l’observation de trois indicateurs : les nombres moyens de charrettes, d’ânes et de bœufs par famille. Le nombre moyen de migrants est négligeable pour les familles composées de moins de 20 membres (les familles sans migrants comptent en moyenne 7 ou 8 membres). Les familles dont les effectifs dépassent 20 membres sont systématiquement appuyées par au moins un migrant. Plus globalement, la taille des familles, le degré d’équipement agricole et le nombre d’animaux affichent une corrélation positive avec le nombre de personnes appuyant financièrement la famille depuis l’étranger. Ces familles très élargies rendent l’étude des budgets familiaux d’autant plus complexes.

Dans les familles plus modestes, dont aucun des membres ne vit à l’étranger, soit les moyens ne suffisent pas pour envisager une migration, soit il apparaît que les candidats à la migration rencontrent de fortes difficultés à voir leur démarche aboutir. Se lancer dans la migration sans être inséré dans un réseau ou sans appui peut même avoir des conséquences néfastes sur le niveau de capitalisation de l’exploitation familiale (voir l’encadré page suivante).

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3.3.2 La rente migratoire : facteur d’unité ou d’éc latement des familles

Il convient malgré tout de modérer l’affirmation selon laquelle les familles de migrants affichent un nombre plus élevé d’individus. En effet, les familles de migrants ont pu suivre deux principaux scénarii débouchant sur des situations opposées. Soit la famille, historiquement, a été appuyée de manière homogène par les migrants, si bien que l’ensemble de la famille a pu profiter d’une redistribution équitable des revenus issus de la migration, soit au contraire le ou les migrants ont plus particulièrement soutenu l’une des branches de leur famille. Ce dernier cas aboutit très souvent à des situations économiques contrastées au sein d’une même concession, et se poursuit généralement par la séparation des cuisines et de la consommation, puis par le déménagement d’une partie de la famille dans une nouvelle concession. La mort d’un chef de famille, ayant maintenu coûte que coûte l’unité de sa famille de son vivant, peut être un évènement déclanchant cet éclatement familial. Autrement, il apparaît que le chef de famille tend à suivre la branche de la famille dont la situation économique est la plus favorable.

De manière générale, même dans les familles qui ont su préserver leur unité et un grenier alimentaire commun, il apparaît que l’inégale répartition de l’appui financier dispensé par les migrants reste un important facteur de jalousie entre femmes ou cousins. Il est d’ailleurs possible d’observer des distinctions notables de comportement en termes de gestion du budget ou d’utilisation du crédit entre les femmes de migrants et les autres femmes, même

Partir « à l’aventure » : une remise en cause de l’exploitation familiale en cas d’échec

Dans certaines familles des villages sillonnés, des candidats à la migration étaient partis depuis plusieurs années à Dakar dans l’optique d’y travailler jusqu’à rassembler assez d’argent pour partir. Ce type de scénario a fréquemment des conséquences dramatiques sur la famille restée au village, pour plusieurs raisons : d’une part, l’ensemble de l’argent amassé par le candidat à la migration durant cette période est conservé par ce dernier dans l’espoir de rassembler la somme nécessaire au départ. Si bien que rien n’est envoyé à la famille pendant cette période parfois très longue pendant laquelle la force vive du foyer a abandonné les champs et les travaux familiaux. La famille restée sur place peut même être amenée à décapitaliser son troupeau pour combler le départ d’un homme valide de la famille. Le candidat à la migration, si sa tentative de départ n’a pas abouti, reviendra alors dans un foyer dont la situation économique s’est dégradée par rapport à l’époque où il l’a quitté. De plus, si sa tentative a échoué, il arrive qu’il n’ose même pas rentrer au foyer, trop honteux de revenir exposer l’échec de sa tentative au chef de famille à qui il a fait défaut pendant tant d’années sans pouvoir l’appuyer financièrement. Ce sont alors des bras valides qui quittent définitivement le foyer.

Il peut advenir d’autre part que l’essentiel des surplus monétaires dégagés par la famille soient orientés vers la seule perspective de réunir assez d’argent pour faire partir l’un des membres de la famille à l’étranger. Cette situation interdit tout investissement dans un secteur productif, et peut même aller jusqu’à limiter les capacités de la famille à renouveler le capital préexistant. Là encore, si ces efforts se soldent par un échec à pouvoir quitter le pays et s’installer en Europe ou un pays d’Afrique centrale, la reproduction de l’unité familiale peut être menacée.

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à l’intérieur d’une même famille. Par exemple, les femmes de migrants pourront éventuellement prendre un crédit en début de campagne agricole pour payer les frais de labour et faire assurer le remboursement plus tard par leur mari, alors que les autres femmes sont généralement contraintes d’assurer les frais de labour sur la seule vente de leurs récoltes ou le produit de leur commerce.

Si les femmes de migrants peuvent se permettre ce genre d’initiative, c’est qu’elles sont sous la responsabilité financière de leur mari, il en va tout autrement pour les autres membres de la famille. Les hommes notamment évitent de concéder à se faire aider par un migrant pour rembourser un prêt qu’ils auraient contracté. Ils ne tiennent pas à ce que le migrant, déjà en grande partie responsable des frais alimentaires de la concession, se retrouve à combler les frais liés à la mauvaise gestion d’un prêt. D’autant plus qu’amener un migrant à constater que sa famille gère maladroitement les ressources qu’il leur envoie peut le conduire à revoir sa contribution au foyer.

3.3.3 Les familles sans migrants

Les familles sans migrants sont plus réduites, composées généralement de 5 à 10 personnes, elles n’excédent que très rarement 20 individus. Une des clés de compréhension de ce phénomène semble être purement économique : les familles moins aisées arrivent plus facilement à un point de rupture dans la consommation, entraînant la scission de la famille. Avec un niveau de vie relativement bas, les conditions matérielles pèsent fort sur les dimensions de la famille et son existence.

Prenons l’exemple de deux frères, chacun en partie responsable de la consommation alimentaire de la famille. Si l’un des deux peine à avancer les ressources nécessaires à la satisfaction des besoins de la famille, alors même qu’il possède un plus grand nombre d’enfants et donc de dépendants, la tentation sera grande pour l’autre frère de se séparer de cette charge. Ce genre de situation aboutit souvent à la séparation des cuisines, et donc de la consommation alimentaire, et à plus long terme si le différend n’a pas été réglé, au déménagement de l’une des branches de la famille.

Très généralement, la pression villageoise est grande pour tenter de solutionner ce genre de crise. L’implication des familles environnantes pour maintenir l’équilibre des familles en situation conflictuelle est généralement très forte. Toutefois, si la crise est trop aiguë, elle conduira irrémédiablement vers une division familiale.

Si les femmes des Soninkés ont pu maintenir leurs greniers personnels, c’est en partie lié au nombre d’actifs et à la situation économique plus favorable de ces familles. Les familles moins aisées, par solidarité, sont généralement contraintes de fondre les récoltes dans un grenier commun, et de céder la majeure partie de leurs revenus au chef de famille. De manière générale, plus le rôle de pourvoyeur en alimentation du chef de famille est difficile à tenir, plus ce dernier doit nécessairement capter une grande partie du produit familial, à tous les niveaux, pour assurer le maintien de la famille. Les autres membres de la famille ne pourront développer leur sphère d’autonomie qu’au prix de travail supplémentaire effectué en dehors des horaires de travail strictement dédié au produit familial.

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3.4 CARACTERISATION DES ROLES ECONOMIQUES ET DES DEPENSE S DES MEMBRES DE LA FAMILLE

3.4.1 Le cas des familles avec migrants

3.4.1.1 Composition de la famille

Le chef de famille habite avec ses femmes, ses fils et leurs épouses et enfants, ainsi que toutes ses filles encore célibataires (les filles rejoignent la famille de l’époux à l’issue du mariage). Très généralement, dans les familles élargies, les frères du chef de famille cohabitent avec ce dernier, accompagnés de leurs épouses et de tous leurs descendants. Le schéma suivant illustre la composition générale des familles :

Figure 7. Schéma de la composition des familles

Les chefs de familles élargies sont généralement mariés avec deux, voire trois femmes. Chacune d’entre elles, tout en maintenant des relations avec les enfants de ses coépouses, n’a d’obligation qu’envers ses propres enfants ou petits enfants. Selon les moyens de la famille, les épouses et leurs enfants respectifs pourront ou non être logés dans des bâtiments d’habitation distincts. Les chefs de familles plus réduites et aux revenus plus modestes ne sont généralement mariés qu’à une seule femme, en accord avec les préceptes de l’Islam qui recommandent de n’épouser une seconde femme qu’à condition d’avoir les moyens matériels de satisfaire ses besoins dans la même mesure que pour la première.

Les familles se déclinent en sous-unités (ou foyers restreints) composés d’un homme, ses femmes et ses enfants. Même si des regroupements familiaux peuvent avoir lieu, les femmes des migrants restent très généralement au village avec leurs enfants, sous la responsabilité du chef de famille et des frères du mari. La plupart des dépenses de la femme restent toutefois à la charge du mari expatrié qui lui enverra régulièrement de l’argent.

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3.4.1.2 Fonctionnement du budget familial

Une partie des ressources familiales est en nature, destinée à la vente ou à l’autoconsommation. Une autre partie est sous forme monétaire, destinée à couvrir les dépenses alimentaires et non-alimentaires, les charges liées aux activités agricoles et extra-agricoles (consommations intermédiaires et renouvellement du capital) et les éventuels investissements. Pour appréhender ce budget il convient :

� De distinguer la part de chacun au produit familial et les mécanismes de redistribution des richesses au sein de l’unité familiale.

� D’analyser l’équilibre entre le produit familial et les dépenses et consommations de la famille.

La figure 8 p.52 expose les mécanismes en place dans la composition et l’utilisation des ressources familiales. Ce schéma distingue les gains qui viennent incrémenter le produit familial (en nature ou en espèces), les dépenses retranchées aux ressources familiales, les cotisations1 qui correspondent à des ressources mises en commun pour faire face à des dépenses communes et enfin les transferts qui sont des mouvements de trésorerie internes à l’unité familiale.

3.4.1.2.1 Composition du produit familial

Le produit du budget familial se décompose en différents postes :

� En premier lieu le produit agricole, issu de la récolte et de la vente éventuelle des cultures. Ce produit est commun pour les hommes. Il est individuel pour les femmes (même s’il doit partiellement contribuer à la consommation globale). Une autre partie du produit est issu de l’élevage : reproduction et vente des animaux, valorisation des produits issus de l’élevage. Certains animaux sont considérés comme partie intégrante du patrimoine familial, d’autres sont soumis à des droits de propriété plus individuels. Certaines femmes se sont vues attribuer un bovin au moment de leur mariage et en restent propriétaires. Les dépendants peuvent également être responsables d’un ovin ou d’un caprin et bénéficieront du produit de la vente.

� En second lieu les activités extra-agricoles, dont le produit revient partiellement à celui qui entreprend l’activité. L’autre partie du produit reviendra au chef de famille, responsable du budget global et chargé de la redistribution des ressources.

� En troisième lieu la rente migratoire, destinée à couvrir différents secteurs de dépenses : les compléments en alimentation, certains frais de santé, une partie des frais liés aux évènements exceptionnels (mariages, baptêmes…), une partie des besoins de la femme ou des frères du migrant, parfois les salaires de la main d’œuvre ou des bergers.

(1) Sur le schéma 8 p.52 : concernant les cotisations féminines pour les dépenses au moulin, il s’agit d’un exemple qui ne s’observe pas systématiquement. Cet exemple vient illustrer la variété des stratégies et mouvements de trésorerie observables à l’échelle des familles.

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� Et enfin, parallèlement aux envois des migrants, des mouvements de fonds transitant par l’INPS1 liés aux versements des transferts sociaux bénéficient aux familles des travailleurs ou anciens travailleurs maliens en France. Ces transferts couvrent notamment le versement de prestations familiales pour les migrations familiales ; et plus particulièrement le versement des pensions de vieillesse pour les anciens migrants.

3.4.1.2.2 Postes de dépenses et de consommation :

� Dépenses et consommations alimentaires

Même si une grande partie des dépenses alimentaires sont prises en charge par les migrants, la responsabilité des dépenses incombe en dernier lieu au chef de famille. Il est chargé de combler les déficits en céréales (mil, sorgho et maïs) et en arachide, d’acheter les stocks de riz systématiquement consommé pour les repas de midi. Il est d’autre part tenu de maintenir un stock d’huile, de sucre et de poisson séché. La viande est achetée au jour le jour auprès des bouchers du village, de même que les condiments (ingrédients pour la sauce, bouillons cubes…).

� Prise en charge des frais généraux (Consommation primaire)

Les frais généraux impliquant des dépenses régulières tout au long de l’année se divisent en différents postes principaux : les frais de scolarité, les frais de santé, les frais d’habillement, les frais de détergents pour les vaisselles et lessives familiales et les frais d’équipement ménager usuel (vaisselle, seaux, ustensiles…). Les frais en détergents et équipements sont souvent sous la responsabilité des femmes. Concernant l’habillement, le chef de famille prend très souvent en charge l’achat d’habits pour les grandes occasions (rentrée scolaire, fête de l’indépendance et tabaski notamment) tandis que les achats de vêtements plus sporadiques sont très souvent pris en charge par les femmes ou le chef du foyer restreint.

Les frais de santé affichent une certaine variabilité dans l’année, ils sont généralement plus élevés pendant la saison des pluies (août et septembre en particulier), périodes où les parasites et insectes abondent. Le paludisme et autres maladies infectieuses se font alors plus fréquents.

La scolarisation des enfants engendre un certain nombre de frais au mois de septembre pour le renouvellement des habits et du matériel scolaire, ainsi que des participations mensuelles par élève pour les classes du premier et second cycle (au niveau de la commune).

� Dépenses en autres biens de consommation (Consommation secondaire)

Ce poste de dépense est beaucoup plus difficile à évaluer car il correspond généralement à des frais plus exceptionnels et n’affiche pas de véritable régularité. Ces dépenses ne rentrent pas dans les frais indispensables au bon fonctionnement de la famille et sont généralement plus conjoncturels : elles seront effectuées en fonction des disponibilités immédiates en ressources monétaires et après évaluation de la satisfaction de l’ensemble des secteurs primaires de consommation. Il peut s’agir des frais d’essence des cyclomoteurs pour les familles qui en disposent, des cartes d’unités pour les téléphones mobiles qui occupent un

(1) INPS : Institut National de Prévoyance Sociale. Sur les bases d’un accord entre la France et le Mali sur les droits des travailleurs migrants et leur famille, le travailleur qui retourne dans son pays natal ou son pays d'origine peut bénéficier des fonds d'assurance sociale échus à l'étranger avant son rapatriement.

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espace de plus en plus important dans les familles aisées (en ville le budget alloué au téléphone mobile peut quasiment égaler le budget alloué à la consommation alimentaire)…

� Dépenses relatives aux fêtes et cérémonies

Les dépenses liées aux cérémonies de mariage et aux baptêmes, prévus plusieurs mois à l’avance, font part d’un traitement spécifique. Le montant de ces évènements demande de développer une épargne visant à couvrir plusieurs postes de dépense : l’alimentation des villageois conviés dans la concession qui accueille la cérémonie, le prix des habits arborés pour l’occasion, la valeur de la dot (en nature et monétaire) pour les mariages…

Les cérémonies sont souvent un espace de forte expression des distinctions sociales et les montants alloués sont donc très variables d’une famille à l’autre. Chaque famille organise ces évènements à la hauteur de ses moyens, de quelques dizaines de milliers de francs CFA pour les familles les plus modestes à plusieurs centaines de milliers pour les familles plus aisées. La migration a engendré, d’une famille à l’autre, des distinctions tellement fortes en termes de budget que certains chefs de village ont pris la décision de plafonner le montant de la dot destinée à la famille de la mariée afin de modérer les engouements du « marché du mariage ».

On peut observer à Gouméra un système de cotisation par quartier (le village est divisé en 3 quartiers) : il s’agit d’une cotisation annuelle par famille destinée à supporter une partie des frais liés aux funérailles d’un membre décédé du quartier. Le fait que cette caisse soit à destination de tels évènements n’est pas anodin. Les frais occasionnés par les cérémonies représentent souvent des chocs importants dans la trésorerie des familles. Le décès d’un membre de la famille n’étant généralement pas prévisible (contrairement aux mariages et baptêmes), la caisse permet de soutenir une lourde dépense non planifiée dans la gestion générale des ressources familiales.

Ce système de caisse de solidarité par quartier ou par famille (certaines familles très présentes dans un village et dispersées dans différentes concessions peuvent avoir mis le même type de caisse en place) trouve parfois son écho au sein des associations de migrants, qui mettent en place une caisse de cotisation par quartier en plus de la cotisation à destination de l’ensemble du village.

3.4.1.2.3 Charges liées au système de production agricole et aux activités extra-agricoles

� Dépenses et charges agricoles

Pour les cultures, les consommations intermédiaires se résument essentiellement aux semences (issues de la récolte précédente ou achetées en fonction des années), aux frais de main d’œuvre temporaire lors des pics de travail (au moment des désherbages notamment) et aux prestations de labour pour les familles qui ne disposent pas de bœufs de trait.

Pour les élevages, l’essentiel des frais sont liés à l’alimentation des animaux (achat de foin et de résidus de coton) et aux frais de santé.

Au niveau du système de production dans sa globalité, les charges correspondent principalement au renouvellement annuel du petit matériel (houes et dabas essentiellement), à l’entretien et au renouvellement du gros matériel (réparation des charrettes et charrues) et au salaire de la main d’œuvre permanente et des bergers pour les familles qui en emploient.

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� Charges des activités extra-agricoles

Selon leur nature, les activités extra-agricoles demandent un investissement initial et un fonds de roulement plus ou moins élevé. Le fonds de roulement devra assurer l’entretien du capital et supporter les différentes charges liées à l’activité (achat de matières premières et autres frais).

3.4.1.2.4 Nature de la contribution des migrants

On peut identifier plusieurs postes de dépenses pour lesquels les migrants apportent un appui financier :

� La consommation alimentaire

La consommation alimentaire correspond au poste de dépense principal des migrants, il s’agit de l’appui le plus régulier. Les migrants ont généralement une bonne connaissance de l’évolution des stocks alimentaires et des besoins de la famille. Cet appui concerne principalement la consommation en riz, en huile, en viande et en poisson séché ainsi que le déficit en céréales et arachides si la production des champs n’a pas été à la hauteur des besoins annuels de la famille.

Etant donné la taille des familles, cette contribution des migrants au secteur de l’alimentation représente des dépenses considérables.

Si un magasin coopératif a été créé au village, les migrants pourront passer des commandes auprès du magasin et leur famille pourra venir s’y approvisionner en denrées alimentaires. Sinon, des arrangements peuvent être établis entre les migrants et les commerçants du village (ou avec les commerçants de Kayes si le village n’est pas trop éloigné du centre urbain), afin d’assurer l’approvisionnement de leur famille.

A cette consommation de base s’ajoutent les dépenses en viande et denrées alimentaires exceptionnelles lors d’évènements particuliers : mariages, baptêmes, fêtes religieuses…

� Les requêtes individuelles

Les migrants sont souvent sollicités par les différents membres de leur famille pour des achats personnels. Dans la mesure où il est difficile de concevoir de la part d’un membre de la famille resté au village qu’un migrant puisse avoir des problèmes de ressources et rare de voir un migrant partager avec sa famille ses soucis financiers, les migrants sont très souvent amenés à répondre à ces requêtes individuelles.

Ces contributions à l’endroit du chef de famille, des parents, des frères ou des neveux se destinent généralement à des consommations secondaires. La femme du migrant reçoit généralement de l’argent de la part de son mari sans en faire la demande, mais peut être amenée à le solliciter pour des dépenses exceptionnelles.

� Cotisation pour les fêtes ou frais exceptionnels

Les migrants contribueront dans une proportion plus ou moins élevée à l’organisation de fêtes ou de cérémonies. De même, ils prendront très souvent en charge les frais de santé exceptionnellement élevés (transfert d’un des membres de la famille à l’hôpital de Kayes par exemple). De manière générale, l’appui des migrants permet d’alléger tous les chocs importants que peut subir la trésorerie des familles.

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Figure 8. Schéma de fonctionnement du budget familial.

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� La construction

Même si la construction d’une concession en dur correspond souvent aux attentes de la famille, elle découle habituellement d’une initiative personnelle du migrant. La hauteur de l’investissement est très variable d’une construction à l’autre mais se situe généralement dans une tranche variant de cinq à dix millions de francs CFA pour l’ensemble de la concession, généralement constituée de plusieurs bâtiments. Les frais sont liés à l’emploi d’un maçon et de main d’œuvre, à l’achat de parpaings et de ciment et au transport des matériaux. Ce type d’investissement est tellement élevé qu’il s’étale généralement sur de longues périodes, souvent plusieurs années. Les travaux sont suspendus lorsque le migrant ne peux plus prendre en charge les frais et recommencent lorsqu’il est à nouveau en mesure d’envoyer la somme nécessaire à la poursuite des travaux.

Certains investissements s’orientent même vers les nouveaux quartiers de la ville de Kayes, en perpétuel agrandissement, ou vers la ville de Bamako et ses environs. Ce phénomène ouvre certaines opportunités aux villageois, sur place, parfois chargés de trouver un terrain constructible favorable en échange d’une commission s’élevant généralement à 5 ou 10% de la valeur du terrain.

� Utilisation des ressources des migrants pour des activités productives

Les ressources des migrants semblent moins systématiquement se destiner à des activités productives. En agriculture, il advient très communément que les salaires de la main d’œuvre permanente et des bergers soient pris en charge par les migrants. L’alimentation du bétail peut également être financé sur ces ressources. Concernant le matériel ou les investissements agricoles, les migrants financent parfois l’achat de charrettes ou de charrues, plus rarement la construction de puits individuels pour les productions maraîchères ou arboricoles.

La contribution la plus courante semble être l’achat de bétail, de bovins notamment, pour la constitution du troupeau familial. Les bovins présentent l’avantage d’exercer la fonction d’épargne et d’asseoir le prestige social de la famille.

Les migrants peuvent également appuyer leur famille pour la mise en place d’un fonds de roulement pour une boutique ou l’achat de machines ou ustensiles pour un atelier (achats de machines à coudre pour un atelier de couture par exemple).

� Prise en charge du départ à l’étranger d’un des membres de la famille

La prise en charge du départ d’un des membres de la famille à l’étranger est un apport non négligeable. D’une part parce qu’il représente une somme considérable, et d’autre part car dans les stratégies familiales, cet apport peut rentrer dans la même optique que le financement d’une activité productive. Entre le financement d’une activité familiale et la prise en charge d’un départ en migration, la seconde solution présente l’avantage pour le migrant de le soulager à terme de l’appui qu’il apporte à sa famille. Le fait d’avoir un individu en plus à l’étranger divise la charge par migrant. Flore Gubert montre à cet effet que l’appui individuel par migrant diminue en fonction du nombre de migrants dans la famille.

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Nombre de migrants dans la

famille

Montant moyen annuel reçu par la

famille Participation moyenne par migrant au budget annuel

1 1 040 057 1 040 057 2 1 656 593 828 297 3 1 995 484 665 161 4 2 546 413 636 603 5 2 598 363 519 673

Tableau 5. Hauteur moyenne des transferts par migrant. Source : F.Gubert.

3.4.1.2.5 Liens entre l’apport des migrants et la capacité d’épargne des familles

De manière générale, la participation des migrants vient lisser les effets de tous les aléas endurés par la trésorerie des familles. La prise en charge des frais exceptionnels, des évènements onéreux et le soutien redoublé en cas de mauvaise saison agricole stabilise les budgets familiaux et permet d’éviter toute décapitalisation fortuite.

Cette contribution des migrants participe indirectement à la forte capacité d’épargne des familles. Les frais d’alimentation en moins, notamment pour des familles aussi élargies, sont autant de richesses qui peuvent être épargnées. Les pensions perçues par les anciens migrants, aux montants réguliers et relativement élevés, peuvent également participer à cette forte capacité d’épargne.

3.4.2 Familles sans migrants

Les familles sans migrants, et notamment parmi elles les familles les plus modestes, ont une gestion économique beaucoup moins différenciée entre les membres de la famille. Il apparaît que les minces revenus globaux de la famille ne permettent pas à chacun d’avoir autant d’autonomie, si bien que les ressources sont fortement concentrées autour du chef de famille. Dans ces familles, parfois composées du mari, de sa femme et de leurs seuls enfants, le responsable de famille capte plus systématiquement les revenus de ses enfants, et la femme peut participer parfois très activement à des secteurs de dépenses qui sont généralement du ressort du seul chef de famille.

En effet, les capacités de la famille à subvenir à ses besoins étant relativement faibles, il convient de concentrer l’essentiel de la ressource en une seule bourse, essentiellement dédiée à la satisfaction des besoins de consommation primaire. Il en va de même pour la gestion des productions agricoles, les greniers sont moins systématiquement différenciés entre les hommes et les femmes, il n’y aura d’ailleurs souvent qu’un seul grenier, preuve encore que l’ensemble des ressources familiales sont fondues en une seule. Cette tendance sera d’autant plus vraie si la famille est dans une situation où le ratio « nombre de consommateurs/nombre de travailleurs » est élevé.

3.4.3 Gestion des déficits vivriers : possibilité d ’achats à l’avance ou soumission au marché

Les familles dans les situations économiques les moins confortables sont généralement les premières soumises à la variabilité des prix du marché. Dans les familles pour lesquelles la majeure partie des ressources monétaires est allouée au seul secteur de la consommation alimentaire, une telle soumission aux aléas du marché a de grandes conséquences sur la capacité de ces familles à pouvoir orienter une partie de leur budget vers un secteur productif, ou même le seul renouvellement de leur capital.

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Le revenu issu de la migration, même s’il parvient à la famille dans la mesure des capacités du migrant à envoyer de l’argent à son foyer, permet généralement de prévoir les stocks d’aliments (pour la famille comme pour les animaux) et d’être moins soumis à ces fluctuations du marché.

Une des grandes contraintes en termes de consommation pour les familles dont la trésorerie est restreinte, est l’incapacité pour ces dernières à pouvoir prévoir et combler les déficits vivriers à l’avance. Leurs ressources ne leur permettent généralement pas, en cas de déficit de leur production vivrière une année donnée, de combler le manque de céréales par la constitution d’un stock de prévoyance avant que les prix des céréales n’augmentent. Si bien que les familles dans les situations économiques les plus précaires sont généralement les premières soumises à la variabilité des prix du marché.

Les familles plus aisées ou appuyées par des migrants pourront quant à elles, dès les récoltes, faire une estimation du stock qu’il convient de constituer pour assurer l’alimentation de la famille pour toute l’année et acheter des céréales en conséquences au moment où les prix ne sont pas encore trop élevés.

Il en va de même pour la gestion de l’alimentation animale. Les résidus de coton, utilisés pour l’engraissement ou pour compléter l’alimentation en période de déficit fourrager, affichent également une forte variabilité de prix à travers l’année. Là encore, les familles les plus aisées peuvent constituer des stocks d’aliments après les récoltes, alors que les familles dont le budget est plus modeste sont contraintes d’acheter ces aliments au fur et à mesure, soumis à l’augmentation progressive des prix pendant l’année. En l’occurrence, ces prix sont les plus élevés au moment où les animaux ont le plus besoin de tels compléments alimentaires (pendant la période s’étalant d’avril à juin avant l’arrivée des pluies), si bien que les animaux des propriétaires les moins fortunés passent difficilement cette période de transition.

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4 ANALYSE DES ACTIVITES ET DE LA TRESORERIE DES FAMILLES

4.1 MISE EN VALEUR DU MILIEU

4.1.1 Les contraintes du contexte sahélien

Le contexte agro-écologique du milieu sahélien impose un certain nombre de contraintes à l’agriculture. Les sols sont relativement pauvres et déficitaires en matière organique, or les sols les plus lessivés exigent un taux minimum de matière organique afin de conserver une structuration favorable à la mise en culture et à l’assimilation des éléments nutritifs par les plantes. L’accès à la fumure organique conditionne donc beaucoup les niveaux de rendement des cultures. Les agriculteurs détenant d’importants troupeaux peuvent maintenir ces apports en fumure sur une large proportion de leurs surfaces ensemencées. Cela représente un avantage notoire face aux agriculteurs qui n’ont pas la possibilité d’associer ainsi cultures et élevages.

Certaines dépressions argileuses (ou bas-fonds) présentent des caractéristiques agronomiques plus intéressantes, mais ces terrains sont généralement plus accidentés et la terre y est moins meuble, rendant le travail du sol plus délicat et fastidieux avec les outils manuels.

L’outillage principalement manuel rend particulièrement laborieux les travaux de sarclage qui représentent les principaux pics de travail du calendrier agricole. Même les grandes familles équipées de charrues et de bœufs de labour cultivant des surfaces plus importantes sont amenées à employer parfois une main d’oeuvre importante au moment du désherbage des champs.

La faible pluviométrie est le principal facteur limitant la production de biomasse et le rendement des plantes cultivées (Dufumier, 2004). Au-delà du faible volume de pluies annuelles (674 mm/an en moyenne à Kayes pour la période 1940-2006), la contrainte réside dans la forte variabilité interannuelle des pluies et leur inégale répartition. Les deux premières périodes de pluie, permettant de travailler les sols et d’initier les semis, sont parfois trop espacées pour entraîner la germination et contraignent les agriculteurs à réitérer leurs semis. Cela représente deux à trois fois plus de semences à conserver pour les semis et surtout des surfaces ensemencées plus faibles. La mauvaise répartition des pluies à un impact général sur l’organisation des travaux de labour au sein du village. Lorsqu’il y a peu de jours de pluie pendant le premier mois de pluie, le temps dédié au labour devient particulièrement restreint. Les familles non dotées de bœufs de labour et souhaitant accéder aux services des bœufs des autres familles sont les premières à en pâtir et à devoir réduire leurs surfaces ensemencées. Elles complètent généralement leurs labours manuellement.

Concernant l’élevage, les rares points d’eau contraignent les éleveurs à concentrer les animaux sur des surfaces restreintes à proximité des eaux disponibles, engendrant par endroits d’inévitables phénomènes de surpâturage.

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4.1.2 Les villages de Gory Gopéla et Gouméra

4.1.2.1 Organisation des cultures

Ces villages ne disposent que d’un réseau hydrographique temporaire composé de deux cours d’eaux principaux : le Télékou et le Kassampara ainsi que leurs affluents. Ces cours d’eau, présents pendant la seule période d’hivernage, voient leur influence durer suite à la saison des pluies puisque leurs eaux alimentent les nappes et mares environnantes. Les mares qui se remplissent dans les bas-fonds argileux restent remplies d’eau pendant les quelques mois qui suivent la saison des pluies, elles permettent de maintenir une activité de pêche malgré le retrait des pluies et de pratiquer des cultures de décrues sur les bordures des mares. Ces eaux se maintiendront d’autant plus longtemps que la saison des pluies a été abondante. La pluviométrie conditionne donc aussi bien les rendements des cultures pluviales que les possibilités de maintenir les activités de contre-saison. Les derniers arrosages des cultures de décrue, en mars ou avril selon l’abondance des pluies de l’hivernage précédent, sont généralement réalisés à partir de puits creusés dans le fond des mares en période d’assèchement.

Ce réseau hydrographique conditionne la nature des sols sur l’ensemble de la zone. Ceux-ci vont de sols sablo-limoneux à proximité des cours d’eau à argileux pour les zones plus distantes, en passant par des sols sablo-argileux (voir figure 9 p.59 : sols et réseau hydrographique). L’arachide est généralement mise en culture dans les zones sableuses (terroir de Prowal et Koton par exemple pour le village de Gory), qui facilitent le développement des gousses souterraines. Le mil et le sorgho seront préférentiellement implantés dans les zones plus argileuses (on ne trouve quasiment que du mil sur le terroir de Katama). Concernant les cultures céréalières, la culture du maïs est beaucoup plus développée dans cette zone que dans les deux villages de Samé et Darsalam où la culture du maïs se limite à de petites parcelles à proximité du village (au niveau des champs de case). Ici, la culture du maïs est pratiquée sur de plus grands champs, à proximité du village comme en brousse. Nous verrons que la migration est une explication partielle de l’investissement des familles dans la culture du maïs (dont les rendements sont plus aléatoires que le mil ou le sorgho d’une année à l’autre).

La mise en valeur des parcelles est en partie conditionnée par la nature des sols, mais également par la distance qui sépare les champs des habitations. Les parcelles les plus fumées sont situées à proximité du village tandis que les parcelles les moins fertilisées et les plus souvent mises en jachère sont les parcelles les plus éloignées. Les villages de migrants que sont Gory Gopéla et Goumera abritent un nombre relativement élevé d’animaux, les grands troupeaux y sont bien plus fréquents que dans les villages de Samé et Darsalam, si bien que les disponibilités en fumier y sont globalement plus importantes. C’est pour cette raison qu’il est possible d’observer certaines parcelles très fertilisées jusqu’à une distance de plusieurs kilomètres du village. Le fumier y est transporté en charrette au cours d’une succession de voyages.

Quelques jardins et vergers (principalement composés de manguiers) sont implantés à proximité des habitations afin d’en faciliter la surveillance et l’entretien.

Les espaces les plus éloignés du village ne sont généralement pas mis en valeur et sont parcourus par les animaux en saison sèche. Certains éleveurs Peuls ou Maures partent en transhumance pendant la saison sèche pendant la période de déficit fourrager (de janvier à juin), mais la plupart des détenteurs de troupeaux des autres ethnies, qui confient très souvent leurs animaux à des bergers Peuls, les gardent à proximité du village pendant la saison sèche.

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Les bergers les amènent dans des zones de pâturage situées à l’extérieur des zones de culture pendant la journée (terroir de Kholilémé pour Gory) puis le troupeau est parqué pendant la nuit. Pendant cette période et en fonction des moyens de la famille, l’alimentation pourra être complétée par des concentrés de graines de coton, notamment de mars à juin.

4.1.2.2 Mise en valeur des bas-fonds

Des zones de dépressions argileuses forment un terreau fertile pour des cultures de décrues. Les femmes mettent en valeur ces cuvettes pendant l’hivernage en y implantant du riz inondé sur de petites parcelles. Une fois la saison des pluies terminées, les paysans y implantent des cultures maraîchères en bordure, en suivant la baisse du niveau d’eau. Ces bas-fonds s’assèchent plus ou moins vite pendant la saison sèche en fonction de la nature des sols et de leur proximité avec la nappe phréatique.

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Figure 9. Sols et réseau hydrographique des villages de Gouméra et Gory Gopéla

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4.1.3 Les villages de Samé et Darsalam

4.1.3.1 Organisation des cultures

Dans la mesure où ces villages sont situés au bord du fleuve, les cultures ne s’organisent pas vraiment en cercles concentriques autour du village. La lecture du paysage se fait plutôt en fonction de la distance au fleuve (voir figure 10 p.61). Des cultures maraîchères sont implantées le long des berges, et des cultures de maïs, des petits vergers ou des jardins maraîchers alimentés par des motopompes sont situés un peu plus en amont.

Suivent le village et ses champs de case (maïs principalement). Puis, derrière la route qui longe le fleuve, sont implantés les cultures de sorgho, de mil et d’arachide sur les zones les plus meubles. Des cultures de pastèques sont également implantées à partir du mois de septembre, ainsi que des cultures de riz et de concombre dans les bas-fonds. La forte implantation de la pastèque sur cette zone peut en partie s’expliquer par la proximité du centre urbain qui permet d’écouler facilement la production.

4.1.3.2 Les berges : une zone favorable à la pratiq ue du maraîchage

Les berges constituent des zones de prédilection pour la pratique des cultures maraîchères. D’une part le fleuve représente une source d’eau permanente pour arroser les cultures, à l’aide d’un arrosoir ou d’une motopompe, d’autre part les crues du fleuve pendant la saison des pluies enrichissent les sols par des apports de limons. Le maraîchage est essentiellement pratiqué de début octobre jusqu’à mi-avril, pendant la saison sèche. La fin du mois d’avril, le mois de mai et le début du mois de juin, périodes pendant lesquelles les températures sont trop élevées, marque l’arrêt de l’activité maraîchère. Les agriculteurs les plus investis dans le maraîchage reprendront cette activité de fin juin à octobre, pendant la saison des pluies, parallèlement à leurs cultures pluviales, mais généralement sur des surfaces maraîchères restreintes (d’autant plus que le lit mineur est généralement inondé en cette période, si bien que seuls les agriculteurs disposant de parcelles sur les berges surélevées peuvent mettre en valeur leurs surfaces en cette saison).

Les principales cultures rencontrées sont la tomate, la pomme de terre, l’oignon, le piment, le chou, la salade, l’aubergine, le concombre et le gombo. Les agriculteurs disposant d’une motopompe cultivent également le bananier, parfois en association avec le papayer, tous deux particulièrement exigeants en eau.

L’organisation des parcelles diffère en fonction du mode d’irrigation. Les maraîchers irrigant leur parcelle à l’aide d’un arrosoir confectionnent des casiers (entourés d’une digue) d’une dimension de 2 x 3 m environ, permettant de concentrer l’eau au pied des plants. Ces casiers atteignent des dimensions variant de 4 x 5 m à 6 x 10 m lorsqu’ils sont irrigués à l’aide d’une motopompe.

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Figure 10. Organisation des cultures au village de Samé

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4.2 ANALYSE DES ACTIVITES AGRICOLES

4.2.1 Analyse des systèmes de culture

4.2.1.1 La culture du maïs

4.2.1.1.1 Une culture exigeante en eau et en éléments nutritifs qui permet d’assurer l’alimentation de la fin de la période de soudure

Cette culture, dans la mesure où son cycle est de 70 jours à peine, est la première céréale semée lors des premières pluies et la première récoltée à la fin du mois de septembre (voir les calendriers culturaux en annexe 4). Elle permet à ce titre, lorsque les stocks de l’année passée sont faibles, d’assurer la transition entre la fin des stocks alimentaires et l’arrivée du mil à la fin du mois d’octobre. Le maïs est d’ailleurs souvent récolté par petites quantités successives pour combler les éventuels déficits vivriers des mois de septembre et d’octobre. Après l’arrivée du mil, le reste de la production est complètement récolté pour être conservé dans le grenier et consommé pendant l’hivernage qui suivra.

Lorsque les pluies ont été abondantes, la culture du maïs affiche des rendements plus élevés que la culture du mil, mais plusieurs facteurs concordent pour ne pas faire de cette culture une priorité. En premier lieu, même s’il permet d’assurer la transition entre la période de soudure et la période de récolte, le maïs n’affiche pas les caractéristiques de sécurité alimentaire qu’offre le mil. Cette culture est en effet plus sensible au stress hydrique et atteint des rendements très faibles en cas de mauvaise saison des pluies. Cette culture est également très exigeante en fumure, si bien que les personnes qui ne possèdent pas beaucoup d’animaux ne la cultivent que sur de petites surfaces. Enfin, étant donné que les parcelles de maïs sont très fumées, la pression des adventices y est généralement plus forte, si bien que le travail que requiert la culture du maïs par unité de surface au moment des désherbages est souvent plus élevé que pour les autres céréales.

4.2.1.1.2 Une céréale que seules les familles aisées cultivent sur de grandes surfaces

Les exigences de cette culture expliquent que les familles qui cultivent le maïs sur de grandes surfaces possèdent généralement beaucoup d’animaux pour répondre aux besoins du maïs en fumure et les moyens nécessaires pour pouvoir payer une importante main d’œuvre au moment des désherbages. D’autre part, face au caractère aléatoire des rendements du maïs, ces familles possèdent généralement la double assurance de pouvoir décapitaliser une partie du troupeau ou recevoir l’appui d’un migrant en cas de mauvaise récolte. Les familles qui ne réunissent pas ces conditions cultivent généralement le maïs sur des surfaces qui permettent tout juste d’avoir de quoi assurer la consommation de l’hivernage prochain et d’assurer la transition alimentaire à la fin de la soudure.

Cependant certains villages situés sur des zones agro-écologiques favorables et pour lesquels la qualité des sols assure des rendements satisfaisants de façon plus régulière ont également fait du maïs l’une de leurs cultures principales. Il s’agit notamment des villages situés sur la zone du Jombugu, à l’Est du cercle de Kayes, qui bénéficient des apports alluvionnaires du large bassin versant du fleuve Kolombiné.

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4.2.1.2 Le mil et le sorgho : les cultures de sécur ité alimentaire

Pour les paysans ou les villages pour lesquels le maïs reste plus marginal, le sorgho et le mil sont les cultures dominantes. Il s’agit de céréales sécuritaires, n’atteignant jamais de très haut rendements mais qui produisent quelles que soient les conditions pluviométriques. Cette céréale est très souvent cultivée en association avec le niébé, plante légumineuse qui assure l’apport de nutriments aux céréales à travers la fixation d’azote atmosphérique.

Un même itinéraire technique est suivi pour ces deux cultures. Les champs sont nettoyés au mois de juin. Les résidus de récoltes de la campagne précédente sont parfois brûlés. Le labour est initié à la mi-juillet, généralement après le labour du maïs, les sols sont alors assez meubles pour accueillir la charrue. Pour les grands champs, les travaux de labour peuvent durer plusieurs semaines. Parfois les premiers désherbages des premières surfaces labourées du champ coïncident avec le labour des dernières surfaces ensemencées. Le labour à la charrue nécessite généralement le travail de trois actifs : un premier guide les bœufs, un second les fait avancer et le dernier tient la charrue. Les techniques de semis peuvent différer. Soit cette opération est assurée par les femmes ou les enfants qui sèment directement dans les sillons creusés par la charrue, soit elle est effectuée après le labour à l’aide d’une daba, permettant de creuser les trous dans lesquelles les graines seront directement déposées (ce qui prend plus de temps mais requiert moins de semences à l’hectare, car le taux de germination est plus élevé, et favorise parfois une meilleure implantation des cultures).

Le premier sarclage est réalisé deux à trois semaines après le semis. Les premières lignes semées sont sarclées en premier. Le deuxième sarclage a lieu encore deux à trois semaines après. Il coïncide parfois avec la période de récolte du maïs et nécessite souvent le recours à de la main d’œuvre extérieure pour achever rapidement ces travaux. La récolte du mil ou du sorgho a lieu vers la fin du mois d’octobre ou au début du mois de novembre, quatre mois après le semis. Les champs sont surveillés pendant tous le mois qui précède les récoltes afin d’éviter les dommages occasionnés par les divers granivores. S’agissant de la récolte, si les grains de maïs peuvent rester en place sur l’épi pendant une longue période, il en va autrement des grains de mil et de sorgho qui exigent d’être récoltés rapidement, avant de tomber à terre à maturité. Cette période constitue donc une forte pointe de travail. Certains agriculteurs s’organisent en groupes de travaux et passent successivement dans les champs des uns et des autres, en essayant de suivre l’ordre d’arrivée à maturité des cultures des différents champs. Pendant les travaux de récolte, certains sont chargés de coucher les pieds, d’autres passent derrière pour couper les panicules et les femmes et les enfants se chargent de les rassembler par tas. Ces tas sont ensuite laissés sur place, protégés par des branches épineuses afin de dissuader les animaux, et sèchent au soleil pour être ramassés plus tard lorsque l’ensemble des travaux agricoles d’hivernage auront été achevés. Les familles dont les besoins en céréales sont les plus immédiats seront contraintes d’acheminer rapidement les nouvelles récoltes jusqu’à leur grenier.

4.2.1.3 Charges et rendements des cultures céréaliè res

De manière générale sur la zone, aucun traitement ni engrais ne sont utilisés pour les cultures céréalières. Les consommations intermédiaires se limitent donc aux semences, au prix de la main d’œuvre pour ceux qui y ont recours et au prix des prestations de labour pour les exploitants qui n’ont pas de bœufs.

La conduite et les rendements diffèrent d’un exploitant à l’autre en fonction de leur capacité à pouvoir restituer la fertilité de leurs champs. Certains parquent leurs animaux dans les champs pendant la période qui précède les cultures et d’autres emmènent des chargements

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de fumier par charrette, à hauteur de la disponibilité en fumier que leur offre leur troupeau. Certains, si leurs surfaces en terres le leur permettent, laissent reposer leurs terres pendant deux à trois ans avant d’y réimplanter une culture de céréales.

Tableau 6. Tableau des caractéristiques des systèmes de culture céréalier.

Rendements (en kg.ha)

VAB/ha (en FCFA/ha)

Système de

culture Successions

Niveau de fertilisation par

hectare

Temps de travail par hectare

années pluvieuses

années sèches

années pluvieuses

années sèches

SC1 C + N // C + N 15 charrettes 90 hj 800 70

500 * 50

103 000 65 000

SC2 C + N // J // J pas d'apport 30 hj 800 70

500 50 34 000 22 000

SC3 C + N // C + N pas d'apport travail manuel 110 hj

650 60

400 40 80 000 48 000

SC4 Maïs parcs mobiles 70 hj 900 400 ** 104 000 66 000

SC5 Maïs (champs de case)

15 à 30 charrettes

90 hj 900 400 104 000 66 000

Les chiffres qui ont été retenus pour les modélisations sont ceux qui figurent dans ce tableau.

C = Culture de céréale (Sorgho ou Mil) ; N = Culture de Niébé ; J = année de mise en jachère

+ : association culturale ; // = rotation interannuelle

* les rendements peuvent aller en deçà, voire être nuls lors de très mauvaises années.

** les plus grands écarts de rendements pour le maïs entre année pluvieuse et année sèche expriment la plus forte variabilité des résultas de cette culture par rapport au mil et au sorgho.

4.2.1.4 La culture d’arachide

4.2.1.4.1 Une culture principalement féminine

L’arachide est cultivée dans la majorité des exploitations. De manière générale, cette culture est réservée aux femmes, notamment dans les familles Soninkés, même si les hommes contribuent habituellement aux travaux de récoltes qui précèdent les travaux liés à la récolte du mil et du sorgho (la fin de la période de récolte de l’arachide et le début des récoltes du mil et du sorgho se chevauchent). Les hommes participent plus activement aux travaux liés à cette culture dans les familles plus petites, ou plus nucléaires, au sein desquelles les membres actifs féminins peuvent difficilement parvenir à dégager du temps pour assurer l’entretien d’un important champ d’arachide.

4.2.1.4.2 Utilisation des résidus de culture

Concernant la culture d’arachide, les fanes sont exportées des champs de manière quasi systématique. Elles seront utilisées pour nourrir les animaux, ou pourront être vendues à des éleveurs pour ceux qui ne possèdent pas d’animaux. Concernant les autres cultures (mil, maïs et sorgho), les tiges ne sont pas forcément exportées du champ. Les éleveurs possédant un gros élevage les donnent généralement aux animaux, les résidus ne sont donc pas utilisés pour restituer des éléments nutritifs aux sols. La perte des bénéfices des résidus est toutefois largement compensée par les fortes doses de fumures apportées aux champs par la suite. Les agriculteurs possédant peu ou pas d’animaux tendent généralement à laisser ces résidus dans leurs champs : une partie sera consommée par les animaux au moment des vaines pâtures qui suivent la période d’hivernage.

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Les agriculteurs qui ne possèdent pas d’animaux vendent généralement leurs fanes d’arachide aux éleveurs, cela permet d’obtenir un léger revenu monétaire pendant la période où les zones de pâturages commencent à faire défaut (de février à juin), ou plus tôt pour ceux qui ne peuvent pas les conserver. La valeur des fanes s’élève à 3 000 Fcfa par chargement de charrette, en sachant qu’un hectare produit l’équivalent d’une quinzaine de chargements.

4.2.1.5 La culture du gombo

Ingrédient de base pour la plupart des sauces, le gombo est produit dans la majorité des exploitations. Il peut être cultivé en plein champ, à proximité des autres cultures, pendant la saison des pluies (exclusivement par des femmes), ou cultivé sur des parcelles maraîchères arrosées en saison sèche, au bord du fleuve ou dans les bas-fonds (par les hommes comme par les femmes). Une grande partie du gombo cultivé pendant la saison pluviale sera généralement autoconsommée, alors que le gombo cultivé pendant la saison sèche pourra être vendu. La forte demande en gombo, continue à travers l’année, rend cette culture relativement intéressante sur le plan commercial. D’autant plus qu’il est relativement simple de le conserver. Le gombo peut en effet être séché au soleil, découpé, puis pillé en poudre pour être conservé et ajouté par la suite dans les sauces en tant qu’épaississant. Cette possibilité de conservation pallie partiellement au problème de production massive de gombo et de saturation du marché à certains moments du calendrier.

Tableau 7. Tableau des caractéristiques des systèmes de culture SC6, SC7, SC8 et SC9.

Rendements (en kg.ha)

VAB/ha (en FCFA/ha)

Système de

culture Successions

Niveau de fertilisation par hectare

Temps de travail par hectare

années pluvieuses

années sèches

années pluvieuses

années sèches

SC6 Arachide Pas d’apport 110 hj 450 * 250 * 200 000 115 000

SC7 Gombo en culture pluviale Pas d’apport 60 hj 2 000 ** 1 300 ** 260 000 180 000

SC8 Culture de riz dans les bas-fonds

Pas d'apport 120 hj 1 200 700 120 000 70 000

SC9 Culture de pastèque

15 charrettes 70 hj 400 200 200 000 100 000

* Poids de l’arachide décortiquée. ** Le gombo pluvial est généralement cultivé sur des surfaces de l’ordre d’un dixième d’hectare, dont

le rendement moyen est de 15 baignoires/0,1ha (une baignoire fait 12 kg), vendues chacune 1800 Fcfa en moyenne.

4.2.1.6 Les cultures maraîchères, conditionnées par le degré d’équipement

(Les caractéristiques des différentes cultures maraîchères sont détaillées en annexe 5)

L’arrosage est quotidien et a lieu sur des intervalles de temps restreints (tôt le matin et en début de soirée pour éviter les périodes de trop forte chaleur). Cela fait de l’arrosage l’une des principales contraintes en travail, il conditionne la surface maximale valorisable. Un maraîcher ne disposant que d’un simple arrosoir pourra mettre en culture une surface plus restreinte que celui équipé d’une motopompe.

Une motopompe représente un investissement relativement élevé (au moins 150 000 Fcfa) et des charges supplémentaires en carburant et en entretien pendant la campagne de contre-saison, notamment en période chaude où la pompe est particulièrement sollicitée. En plus de disposer d’une certaine capacité d’investissement, un maraîcher souhaitant acquérir

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une motopompe devra détenir une surface relativement importante à proximité du fleuve afin d’amortir son équipement.

A Samé, où les producteurs sont particulièrement impliqués dans le maraîchage, les hommes font généralement l’acquisition de motopompes à titre individuel alors que les femmes s’organisent en groupement pour faire l’acquisition d’un système plus puissant, à plus haut débit, géré sur des terres collectives divisées entre les membres de l’association.

Les surfaces maraîchères exploitables (dans les bas-fonds ou à proximité de puits) des villages de Gouméra et Gory Gopéla sont relativement limitées et ne justifient généralement pas un investissement tel qu’une motopompe. Dans ces zones, le maraîchage est une activité peu destinée à la commercialisation, dont la production est majoritairement autoconsommée et essentiellement pratiquée par les femmes, organisées en groupement pour certaines d’entre elles.

4.2.2 Les systèmes d’élevage

4.2.2.1 Les élevages bovins

4.2.2.1.1 Migration et influence sur la constitution de cheptels bovins

Certaines familles de migrants, dès les migrations des années 60 et 70, ou parfois plus tardivement, ont pu accumuler un grand nombre de bovins. Si nous prenons l’exemple de Gory Gopéla, dans les années 1960, la garde du cheptel de l’ensemble du village pouvait être assurée par quelques bergers chargés de regrouper tous les bovins. Aujourd’hui, bon nombre d’éleveurs disposent d’un berger personnel (voire deux pour certains) qui s’occupe des animaux toute l’année durant. Pour les familles qui se sont investies dans la constitution d’un troupeau, la migration a permis d’accumuler très rapidement un grand nombre d’animaux. Deux raisons viennent expliquer cela : d’une part les migrants ont appuyé leur famille pour constituer le cheptel initial, et d’autre part, dans la mesure où les migrants appuyaient leur famille à hauteur du déficit vivrier de l’année, le troupeau n’avait plus besoin de jouer son rôle de « caisse d’assurance » et d’être décapitalisé les années de faible pluviométrie, si bien qu’un grand nombre d’animaux ont pu être maintenus quelles que soient les conditions.

Ainsi aujourd’hui, pour le village de Gory Gopéla dont nous disposons de chiffres sur le cheptel, on peut observer que l’ensemble des 70 familles de migrants possèdent en moyenne 12 bovins par famille, avec certaines d’entre elles qui disposent de plus de 100 bovins. Par ailleurs, ces chiffres basés sur les registres d’impôts peuvent être revus à la hausse dans la mesure où, afin de limiter le montant de l’impôt, le nombre d’animaux déclarés à la commune est très souvent inférieur au nombre exact d’animaux que possèdent les familles.

Concernant les 20 familles de Gory dont le nombre de membres en migration est supérieur ou égal à trois, elles disposent en moyenne de 27 bovins par famille. Inversement, parmi les 40 familles ne disposant actuellement d’aucun migrant à l’étranger, seules 6 d’entre elles disposent de bovins, mais la plupart d’entre elles n’en ont aucun et n’élèvent que des petits ruminants.

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4.2.2.1.2 Calendrier fourrager et gardiennage

La plupart des paysans sont davantage des propriétaires d’animaux que des éleveurs. Seules certaines familles Peuls restent avec les animaux toute l’année, les leurs comme les animaux des autres familles qui leurs sont confiés (Soninkés, Khassonkés, Bambaras…). Les bergers Peuls reçoivent, en échange de leurs services, une rétribution monétaire ainsi qu’une partie de la production de lait du troupeau.

La figure suivante expose la localisation des troupeaux à travers l’année en fonction des disponibilités fourragères :

Figure 11. Calendrier fourrager et localisation des bovins.

4.2.2.1.3 Des distinctions dans la valorisation des produits issus de l’élevage

Si les cheptels sont généralement plus modestes dans les zones de Samé et Darsalam, la conduite des animaux et surtout la valorisation des produits d’élevage diffèrent quelque peu des pratiques d’élevage observées en zone Soninké.

Plus le troupeau est grand, plus il est objet d’ostentation parmi les Soninkés, si bien que les animaux sont très rarement vendus. Les bœufs sont généralement consommés au moment de cérémonies ou à l’arrivée de migrants, parfois offerts à des groupes de jeunes après des travaux de main d’œuvre collectifs dans les champs. De même le lait qui n’est pas prélevé par les Peuls et qui revient à la famille est très peu valorisé, il est parfois vendu à 100 Fcfa le litre au sein du village. Au contraire, les éleveurs de Samé, disposant de cheptels plus réduits, se sont organisés pour vendre le lait collecté en ville à 200 Fcfa le litre et bénéficient ainsi d’une meilleure valorisation de la production.

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4.2.2.2 Les élevages de petits ruminants

Quelques rares familles Peuls ou Maures disposent de troupeaux importants. Les autres familles ne disposent que de quelques ruminants dont le gardiennage lors des parcours est assuré par des bergers Peuls en échange d’une rétribution monétaire mensuelle calculée sur la base du nombre de têtes de bétail gardées.

Les caprins et les ovins sont conduits de la même manière. La valeur ajoutée brute par mère diffère quelque peu (voir annexe 6). Les animaux divaguent sur les parcelles et se nourrissent d’herbes et de résidus de récolte pendant la saison sèche. Les bergers les amènent sur les zones de pâturage éloignées des cultures pendant la saison des pluies.

La divagation des petits ruminants non surveillés, tout comme celle des ânes, pose parfois de sérieux problèmes aux maraîchers. Ces derniers tentent de prévenir les dégâts en dressant chaque année des barrières végétales constituées de branchages denses. La mise en place de grillages (généralement onéreux) est devenue à ce titre une condition sine qua non à l’instauration des jardins communs initiés par certains groupements de femmes.

L’activité d’embouche, c’est-à-dire l’achat d’animaux et leur engraissement sur une période de quelques mois à partir de fourrage et de compléments alimentaires, n’est généralement pratiquée que par les familles les plus modestes. La rentabilité de l’activité est parfois soumise aux aléas des prix des compléments alimentaires, d’autant plus que les paysans disposant d’un très faible fonds de roulement sont contraints d’acheter les graines de coton au détail.

4.2.2.3 L’utilisation de l’âne

Les familles les plus aisées disposent généralement de plusieurs ânes et de plusieurs charrettes. Cela est particulièrement avantageux pendant la fertilisation des champs : une charrette peut être sollicitée pour transporter du fumier au champ pendant que l’autre peut être utilisée pour les travaux de transport de bois et de foin (à un moment où justement le fourrage vient à faire défaut).

Certaines familles ne disposant pas de bœufs de labour utilisent parfois la traction asine (avec une charrue plus petite) pour labourer leurs champs. Les villageois de Darsalam, particulièrement versés dans l’exploitation du bois pendant la contre-saison, ne peuvent généralement pas exploiter leurs ânes au moment des labours. Leurs animaux sont souvent exténués et chétifs quand arrive la période des labours car ils ont été particulièrement sollicités pour le transport du bois. Les agriculteurs préfèrent alors avoir recours aux prestations de services des détenteurs de bœufs.

4.3 DEGRE D’EQUIPEMENT ET INFLUENCE SUR LE SYSTEME D ’EXPLOITATION

4.3.1 La traction attelée

Les familles de migrants sont généralement toutes équipées d’une ou plusieurs paires de bœufs. Dans le cas où elles possèdent plusieurs paires, elles les utilisent généralement pour des prestations de services rémunérées dont les bénéfices permettront notamment de payer une éventuelle main d’œuvre au moment des pics de travail pendant la saison de culture.

Pour les exploitations qui n’ont pas accès à la traction attelé, les barrières à l’acquisition de bœufs de labours sont nombreuse : la paire de bœufs accompagnée d’une charrue représente un investissement de 280 000 à 400 000 Fcfa selon l’âge des bœufs (qui

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commencent à tirer la charrue dès l’âge de 4 ans généralement). Enfin, la période de labour qui commence en juillet coïncide justement avec la période de moins grande disponibilité fourragère, et les animaux atteignent généralement leur poids minimal en juin et juillet avant de reprendre du volume pendant la saison des pluies. Les bœufs de labour, si l’on tient à ce qu’ils soient efficaces pour les travaux agricoles du mois de juillet, exigent donc une alimentation complétée par des graines ou des tourteaux de coton. L’incapacité de certains agriculteurs à pouvoir assurer une alimentation suffisante à leurs bœufs certaines années peut fortement compromettre les travaux de labour. Dans certains villages, les paysans qui ne possèdent pas de bœufs préfèrent parfois louer les services d’un tracteur, certes plus onéreux, que de faire appel à la prestation des bœufs des voisins trop épuisés pour assurer d’autres travaux agricoles que ceux de leur seul propriétaire.

Dans les villages de Samé et Darsalam, où les bœufs sont moins nombreux et donc moins disponibles, l’attente des familles ne possédant pas de bœufs de labour et faisant appel à des bœufs de prestation peut porter préjudice aux travaux de labour pour les chefs des exploitations les moins équipées. Ces derniers sont contraints d’attendre la disponibilité des bœufs, parfois déjà exténués, pour poursuivre le déroulement des travaux agricoles. Ils se trouvent parfois dans l’obligation de réduire les surfaces ensemencées.

4.3.2 La charrette : un investissement à destinatio n des activités agricoles comme extra-agricoles

La charrette conditionne à la fois les activités agricoles et extra-agricoles. En agriculture, elle facilite le transport du fumier, du grain, du fourrage et des résidus de culture. En dehors des activités agricoles, elle peut être utilisée pour le transport de bois, de marchandises ou de bidons d’eau.

Les familles de migrants en ont généralement une ou deux à disposition. Les familles les moins aisées qui n’en possèdent pas ne peuvent généralement pas y avoir recours en période pluviale, car toutes les charrettes du villages sont utilisées, mais parviennent parfois à emprunter celles d’autres familles en saison sèche afin d’améliorer la productivité de leurs activités de contre-saison (coupe de bois ou de foins notamment). Elles concéderont parfois une partie de la production transportée au propriétaire.

4.3.3 Le recours au multiculteur et au semoir pour les cultures pluviales

Le multiculteur ou trident, tracté par les bœufs de labour, permet de faciliter le désherbage entre les rangs de culture. Ce matériel peut seulement être utilisé pour les céréales (mil, sorgho et maïs) dont la largeur entre les rangs permet de faire passer les bœufs. La distance qui sépare les rangées d’arachide est quant à elle trop réduite pour permettre une telle pratique. Le multiculteur permet d’alléger la pointe de travail du premier désherbage, mais un travail manuel complémentaire s’avère toutefois nécessaire pour sarcler les pieds des céréales. Le travail en profondeur du multiculteur permettra également de diminuer la pression des adventices au moment du deuxième désherbage. Toutefois, la hauteur des céréales au moment du deuxième désherbage interdit l’utilisation du multiculteur, les bœufs risqueraient d’abîmer les épis, le deuxième désherbage est donc systématiquement manuel. Pour faciliter l’utilisation du multiculteur, il convient d’utiliser ce matériel en association avec un semoir qui permet d’homogénéiser l’espace entre les rangs de culture et de faciliter ainsi le passage des bœufs au moment du désherbage. Cette association de matériel n’est pas systématique puisque le semoir représente un investissement plus onéreux (60 000 Fcfa environ) que le seul

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multiculteur (de 20 000 à 30 000 Fcfa). Ce type de matériel n’a pas été adopté par les paysans des villages de migrants étudiés, il est beaucoup plus répandu dans les villages de Darsalam et Samé. Cela peut en grande partie s’expliquer par la proximité du centre de recherche (basé à Samé) qui a participé à la vulgarisation de telles techniques.

4.4 LES ACTIVITES EXTRA-AGRICOLES

La répartition du travail agricole étant très irrégulière dans le temps, notamment dans une zone où les pluies sont concentrées sur quatre mois de l’année, les travaux extra-agricoles sont particulièrement développés.

Les travaux effectués par les paysans pendant la saison morte permettent d’équilibrer le budget voire même de dégager les seules ressources monétaires de l’année lorsque l’agriculture pratiquée en période d’hivernage est exclusivement vivrière. Les surplus commercialisables liés à la production agricole étant généralement faibles, le renouvellement du capital ou le recours à une main d’œuvre extrafamiliale peut être majoritairement conditionné par les bénéfices monétaires de ces activités.

Certaines familles limitent la pratique d’activités extra-agricoles aux périodes sèches. D’autres familles sont contraintes de les pratiquer au même moment que les cultures d’hivernage, généralement au prix de nombreuses heures de travail, afin d’obtenir les liquidités nécessaires au bon déroulement de la campagne agricole et au passage de la soudure.

4.4.1 Le cas des villages de migrants

Dans les villages de migrants, les activités extra-agricoles sont fortement conditionnées par les transferts d’argent de l’étranger qui ont un impact non négligeable sur l’économie locale. Alors que le filage, le tissage et la teinture traditionnelle occupaient une place prépondérante dans les stratégies d’équilibre du budget des ménages, le paysage des activités extra-agricoles s’est métamorphosé sous l’impulsion des nouveaux besoins importés par le pouvoir d’achat des émigrés. Les transferts d’argent voués à la construction permettent, outre d’acheter les matières premières, de payer la main d’œuvre pour l’extraction de sable et les travaux de maçonnerie. Les briqueteurs, menuisiers, et réparateurs de cyclomoteurs viennent répondre aux nouveaux besoins que représentent les maisons en ciment et les nombreuses motos et mobylettes qui sillonnent les villages de migrants.

Ces villages représentent à ce titre de forts pôles d’attraction économique, conduisant à des mouvements de population saisonniers, voire à des installations de familles visant à mener une activité dont la demande est assurée par la stabilité des budgets des familles de migrants. Le nombre de boulangers a considérablement augmenté ces dernières années, répondant aux commandes quotidiennes des familles de migrants. Il apparaît que les familles les plus impliquées dans ce type d’activité extra-agricole (boulangerie, maçonnerie, coupe de foin…) sont généralement les familles qui ne disposent d’aucun appui de l’étranger. Les activités extra-agricoles sont donc elles-mêmes indirectement alimentées par la migration.

Si les activités agricoles d’hivernage ne sont toutefois jamais abandonnées au bénéfice de ces activités, il semblerait que ces travaux de saison sèche représentent des coûts d’opportunité supérieurs à l’agriculture de décrue qui tend parfois à être délaissée.

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Activité Gory Gopéla Gouméra Boulangers 14 10 Moulins à grain 4 6 Bouchers traditionnels ? 3 Atelier de réparation 5 1 Boutiques 34 20 Tailleurs 10 10 Maçons 10 5 Menuisiers 2 2 Potiers 2 1 Forgerons 4 5 Bijoutiers 2 4 Cordonniers 1 3

Tableau 8. Liste des métiers et ateliers des villages de Gory Gopéla et Gouméra

(Source : monographies GRDR)

S’ils n’arrivent pas à s’employer auprès des autres, les membres des familles qui n’ont que la possibilité d’offrir leur main d’œuvre sont contraints de se restreindre aux activités qui sont malencontreusement les plus covariantes avec le climat (cueillette de jujubiers ou de pains de singe, coupe de bois et de foin…). Les personnes pouvant investir un peu plus peuvent mettre en place une activité plus indépendante du climat : atelier de construction de charrette, boulangerie.

En prenant l’exemple de la boulangerie et en calculant la rentabilité de cette activité ramenée à l’heure de travail (tableau 9), la rémunération du travail n’est pas nécessairement plus élevée que pour un travail manuel exercé dans la construction. L’investissement dans une telle activité trouve sa justification dans la stabilité de l’emploi et dans le fait qu’elle permette à l’entrepreneur de s’extirper des aléas de la demande en main d’œuvre.

Tableau 9. Rentabilité comparée d’une boulangerie et du travail de main d’oeuvre

ACTIVITE Charges Produit Bénéfices Nombre d'heures de travail

rémunération horaire

Boulangerie (pour une semaine de travail) 15 000 * 20 000 5 000 30 167 Fcfa

Main d'œuvre en maçonnerie (pour une journée de travail) 0 1 200 1 200 8 150 Fcfa

* hors investissement dans le four à pain, généralement auto-construit.

Si nous poursuivons notre analyse sur la boulangerie, la demande en pain est généralement plus forte pendant l’hivernage, ce qui augmente les charges en travail du boulanger à un moment où lui-même se doit d’aller aux champs. Pour les boulangers enquêtés, cette contradiction est généralement contournée au prix d’un surtravail : ils s’occupent de leur pain de 3H à 7H et poursuivent la matinée avec leurs travaux aux champs.

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72

4.4.1.1.1 Les activités commerciales

La nature des activités commerciales menées varie principalement en fonction de deux paramètres : les moyens financiers disponibles et le degré de mobilité. Le degré de mobilité est certes lié aux moyens disponibles (capacité à pouvoir prendre en charge les coûts de transport ou payer l’essence pour les individus motorisés), mais également au sexe. Les femmes ne peuvent généralement pas se permettre de mener des activités commerciales qui les amènent aussi loin que certains hommes qui vont jusqu’aux cercles ou même jusqu’aux pays voisins pour mener leur commerce. De tels déplacements sont en effet socialement peu acceptés, et d’autre part les femmes ont généralement des moyens financiers qui ne peuvent que leur laisser envisager des activités entre leur village et le centre urbain de Kayes.

Certaines femmes toutefois, assez aisées et moins regardantes sur ce que peuvent penser les villageois de leurs activités, pratiquent des échanges commerciaux sur de plus grandes distances. Mais cela reste relativement rare.

� Le petit commerce

Ce commerce consiste généralement à acheter des biens ou denrées alimentaires à Kayes pour les vendre au détail au village. Ce type de commerce fait l’objet de nombreux crédits, chez les femmes notamment. Il répond effectivement aux caractéristiques mêmes des types de crédits qui sont octroyés par les caisses villageoises : des petits montants à rembourser rapidement. Les taux d’intérêt pratiqués, de 2% par mois, permettent de pouvoir rembourser les intérêts tout en maintenant un bénéfice non négligeable.

Dans le cas de la vente au détail du riz, les premiers consommateurs sont généralement les familles les plus démunies qui assurent l’achat de leur alimentation au jour le jour. Un tel commerce peut apparaître comme une opportunité de profiter de la situation précaire des plus démunis, il reste toutefois pour eux un service qui les dispense de se déplacer eux-mêmes pour aller acheter leurs denrées. Un déplacement représenterait du travail en moins dans leurs activités quotidiennes.

� L’exemple du commerce des boeufs

Le commerce des bœufs, tel qu’il est pratiqué par certains villageois, demande généralement un fort pouvoir d’investissement et concerne les familles les plus aisées. Les commerçants se déplacent jusqu’au marché des bœufs de Troungoumbé dans le cercle de Nioro, à 220 km de Kayes environ, et vont acheter là-bas des bœufs qui seront acheminés vers Kayes à pied par des Peuls à qui ils doivent payer un salaire et assurer les frais de nourriture pour l’ensemble du trajet. Les bœufs y sont généralement payés 120 000 Fcfa pour être vendus autour de 150 000 Fcfa dans les villages du cercle de Kayes. Les frais qu’implique cette activité sont particulièrement élevés (essence pour les déplacements jusqu’à Nioro et pour démarcher des acquéreurs, frais de prise en charge par les Peuls), si bien qu’il convient d’acheter au moins 5 à 6 bœufs (soit un capital de plusieurs centaines de milliers de francs) pour que cela soit rentable. Les commerçants de boeufs s’organisent parfois en groupe pour diviser les frais. Ce type de commerce est réservé aux familles les plus aisées, mais a souvent été rencontré dans les villages étudiés (à Darsalam et à Gory Gopéla notamment).

4.4.1.1.2 Genèse de nouvelles formes d’activité

Le phénomène de migration a généré, outre un marché de l’emploi pour des travaux de main d’œuvre qui ne demandent à l’employé que sa seule force de travail, des activités nécessitant plus de moyens, généralement assurées par des membres d’autres familles de migrant. Certaines familles ont par exemple investi dans un camion remorque pour assurer le

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transport de sable pour la construction. D’autres assurent la recherche de terrains constructibles à Kayes pour les migrants qui souhaiteraient investir dans l’immobilier. Les individus qui mènent ce type d’activité perçoivent généralement 5% de la vente (très souvent autour de 50 000 Fcfa par transaction), auxquels il faut retrancher les frais d’essence pour les déplacements en moto entre Kayes et leur village, et parviennent à mener quelques transactions dans l’année.

4.4.2 Le cas des villages de Darsalam et Samé

Dans le village de Samé, de nombreuses familles sont impliquées dans le maraîchage et cette activité peut représenter l’essentiel du produit familial en contre-saison. Cette forte activité maraîchère ainsi que la production de pastèques alimente également le commerce des femmes entre Samé et Kayes.

Pour Darsalam, plus proche du centre urbain, les paysans, parfois sous la pression de la commune, ont vendu une grande proportion des terres situées sur les berges à des particuliers de Kayes qui en font l’exploitation sous forme patronale. La plus faible solvabilité des familles interdit l’essor de nombreuses boutiques ou ateliers dans le village. Les familles de Darsalam se sont donc fortement orientées vers l’exploitation du bois et le commerce avec le centre urbain à proximité.

L’exploitation du bois se décline sous trois formes, selon les moyens des familles impliquées :

Formes d’exploitation du bois Capital

Amortissement mensuel du

capital Salaires permis Produit

(en Fcfa)

Bénéfices mensuels (en Fcfa)

Avec une charrette et un manoeuvre

permanent 125 000 1 000 12 000 Fcfa

par mois 16 000

Fcfa 110 000 81 000

Avec une charrette et sans main d’oeuvre 125 000 1 000 0 16 000

Fcfa 70 000 53 000

Sans capital 0 0 0 0 30 000 30 000

Tableau 10. Les différentes formes d’exploitation du bois

Les bénéfices mensuels varient de 30 000 à 81 000 Fcfa selon la forme d’exploitation et les moyens mis en œuvre. Le permis correspond à une autorisation nécessaire pour le prélèvement du bois dans la principale forêt de la zone (située à quelques dizaines de kilomètres de Darsalam). Les individus qui ne prélèvent que de faibles quantités, à pied ou en vélo, ne s’aventurent pas jusqu’à la forêt et se contentent des quelques arbres disséminés à proximité du village.

Il semblerait que malgré le système de permis d’extraction mis en place, la strate arbustive et arborée soit en forte régression sous la pression de cette exploitation de bois, partiellement liée à des systèmes agricoles non-viables.

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4.5 TYPOLOGIE DES FAMILLES

L’agriculture tient un rôle économique prépondérant pour l’ensemble des familles enquêtées. Toutes ces familles, même si certaines emploient une main d’œuvre permanente ou temporaire, pratiquent une agriculture familiale1. Les membres de la famille représentent la première source de travail et les processus de décision et les stratégies familiales influent sur le système de production mis en œuvre.

Toutefois, selon un certains nombres de critères, les activités entreprises comme la nature du produit familial affichent de grandes variations d’une famille à l’autre. Dans l’objectif d’appréhender cette diversité, nous avons pris la liberté de réduire la variété des situations observées à une typologie réunissant quatre grandes tendances observables dans les villages de migrants.

4.5.1 Critères de différenciation au sein des villa ges de migrants

La présence (et le nombre) de migrants au sein des familles apparaît comme l’une des premières clés de différenciation dans l’établissement d’une typologie des familles. L’influence de ce facteur se lira aussi bien à travers leur structure et la nature de leur consommation qu’à travers le système d’exploitation et leur degré de capitalisation (en matériel agricole et en bétail).

La figure 12 p.75 reprend les grands traits qui caractérisent chaque type de famille. Cette figure n’a pour objectif que de mettre en évidence certaines grandes tendances, et les similarités entre le type I et le type II nous ont amené à les regrouper sur une même ligne. Les caractéristiques de chaque type sont les suivantes :

� Type I : Familles avec plusieurs migrants, comprenant plus de 40 personnes, pratiquant la céréaliculture fumée (dont d’importantes surfaces en maïs) et disposant d’un troupeau de bovins important et de plusieurs paires de bœufs de labour. Ces familles pratiquent des activités extra-agricoles nécessitant un important fonds de roulement.

� Type II : Familles avec un migrant, composées d’environ 20 à 30 personnes, pratiquant la céréaliculture fumée, disposant d’une à deux paires de bœufs de labour et d’un troupeau d’une dizaine de bovins. Ces familles pratiquent des activités extra-agricoles nécessitant un fonds de roulement moyen.

� Type III : Familles sans migrants, plus réduites, disposant de quelques animaux et parfois de la traction asine, impliquées dans des activités extra-agricoles nécessitant un léger fonds de roulement (boulangerie, réparation…).

� Type IV : Familles sans migrants, plus nucléaires, sans pouvoir d’investissement et bénéficiant d’un équipement rudimentaire, proposant leur force de travail en contre saison ou pratiquant des activités extra-agricoles qui ne requièrent aucun investissement matériel.

(1) « L’agriculture familiale se caractérise par le lien structurel particulier existant entre les activités économiques et la structure familiale. Cette relation influe sur le processus de décision ; c’est-à-dire sur le choix des activités, la gestion des facteurs de production et la transmission du patrimoine » (CIRAD-TERA, 1998).

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Figure 12. Typologie des familles – Liens entre rente migratoire, structure de la consommation et système de production.

Page 76: Potentialités de financement de l'économie agricole et rurale dans

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Le tableau suivant reprend plus précisément les types d’activités extra-agricoles retenus pour la modélisation des trésoreries des ménages et les spécificités de la consommation de chacun des types :

Système de production Activités extra-agricoles

Nombre de

membres

Nombre de

migrants

Cultures Elevages Equipements Principale secondaires

Spécificités de la Consommation

Type I 40 3

Céréaliculture fumée / traction attelée

Elevage Bovin

3 paires de bœufs de labour 2 charrettes

Commerce du bétail

petit commerce des femmes

prestations pour le labour

Consommation quotidienne de

viande/sucre/lait Utilisation de moto et

frais d'essence

Type II 25 1

Céréaliculture fumée / traction attelée

Elevage Bovin

2 paires de bœufs de labour charrette

Atelier de couture

petit commerce des femmes

prestations pour le labour

Consommation quotidienne de

viande/sucre/lait Utilisation de moto et

frais d'essence

Type III 15 0

Céréaliculture / traction asine

Elevage ovins / caprins

traction asine / charrette

Boulangerie Maçonnerie Petit commerce

cueillette

Plus faible consommation en viande/sucre/lait Peu de frais de déplacement

Type IV 7 0

Céréaliculture / travaux manuelles

pas d'animaux

pas de capital

Coupe de bois Maçonnerie cueillette

Faible consommation en viande/sucre/lait

Réduction de certains postes de

consommation pendant la soudure

Faibles dépenses en santé / habillement

Tableau 11. Typologie des familles dans les villages de migrants.

A Darsalam, étant donné qu’il y a très peu d’appui financier de membres en migration, il y a proportionnellement plus de familles répondants aux types III et IV. La majorité d’entre elles se situent à des niveaux de vie bien moins élevés que les familles de villages de migrants. Les faibles ressources en épargne de la caisse villageoise illustrent d’ailleurs la plus faible capacité d’épargne des villageois. Les opportunités d’activités extra-agricoles étant plus limitées, les familles se tournent plus spontanément vers l’exploitation du bois. Quelques rares familles plus aisées s’approchent du type II.

4.5.2 Les familles fortement impliquées dans l’acti vité maraîchère

Le maraîchage suppose une gestion particulière du budget pour assurer le financement des campagnes en saison sèche et modifie sensiblement la nature du produit agricole. Pour le village de Samé, la forte implication des familles dans le maraîchage a donc amené à établir une typologie différente reprise dans le tableau 12 p.77. La plus grande proximité du centre urbain, l’important temps de travail requis pour le maraîchage ainsi que la plus faible demande en services jouent sur la nature des activités extra-agricoles. Le nombre d’ateliers, de boulangers, de tailleurs y est proportionnellement moindre que dans les villages de migrants.

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Système de production Activités extra-agricoles

Nombre de

membres

Nombre de

migrants Cultures Elevages Equipements Principale secondaires

Spécificité de la Consommation

Type I ' 15 0

Céréaliculture fumée / maraîchage avec motopompe /traction attelée

Elevage Bovin

1 paire de bœufs de labour 1 charrette motopompe

petit commerce

coupe de bois

prestations pour le labour

Consommation quotidienne de

viande/sucre/lait

Type II ' 10 0

Céréaliculture / maraîchage avec pompe à pied / travaux manuels, recours aux prestations de labour

Elevage Ovins-caprins

1 charrette Pompe à pied

petit commerce

coupe de bois

cueillette

Plus faible consommation en viande/sucre/lait

peu de frais de déplacement

Type III ' 7 0

Céréaliculture, labour manuel / maraichage avec arrosage manuel

pas d'animaux

pas de capital

coupe de bois cueillette

Faible consommation en viande/sucre/lait

Réduction de certains poste de consommation

pendant la soudure Faibles dépenses en santé / habillement

Tableau 12. Typologie des profils maraîchers à Samé.

Les successions culturales pratiquées sur les surfaces maraîchères (et représentatives de chacun des types en fonction de leur degré d’équipement) sont illustrées sur la figure suivante. Il s’agit des successions retenues pour la modélisation du produit maraîcher de ces familles.

Figure 13. Successions culturales maraîchères en fonction du degré d’équipement.

24 casiers de 5x4 m sur les berges et le lit mineur.

30 casiers de 2x3 m sur le lit mineur du fleuve.

20 casiers de 2x3 m sur le lit mineur du fleuve.

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4.6 MODELISATION ECONOMIQUE DE LA TRESORERIE DES FAMILLE S

4.6.1 Création du modèle économique

La modélisation du produit et de la consommation familiale vise à évaluer la part des différentes activités et ressources dans le produit familial ainsi que les capacités d’investissement des familles. Elle a également vocation à observer l’influence de la rente migratoire et de la variabilité de la pluviométrie sur les trésoreries des familles.

Malgré la diversité des activités extra-agricoles rencontrée, la modélisation s’astreint à des exemples d’activités précis (vente de bétail, boulangerie…), représentatifs de chacun des types de famille illustrés.

L’ensemble des produits, rentes, charges, consommations, secteurs de dépenses et dons sont détaillés pour chacun des types en annexe 7.

4.6.2 Limites du modèle

Le degré de complexité des économies familiales observées limite les possibilités de reproduire fidèlement le fonctionnement des trésoreries des familles. Notamment pour les familles très élargies : même si une activité extra-agricole de contre-saison est généralement prépondérante, les dépendants peuvent parfois mettre en œuvre une grande variété d’activités satellites.

De même, certains secteurs de dépenses peuvent présenter de forte variabilité selon les circonstances (frais de santé notamment). Le calcul a été établi sur les bases des dépenses moyennes déclarées lors des enquêtes en fonction de chaque type de familles. Les frais plus exceptionnels que sont les cérémonies (mariages, baptêmes ou autres) n’ont pas été pris en compte. Etant plus imprévisibles, il devient délicat de les insérer dans le calendrier de trésorerie.

Toutefois, le nombre d’informations recueillies et l’évaluation des performances économiques des exploitations permettent d’élaborer un modèle pouvant établir des comparaisons relativement illustratives entre les différents types établis. La finalité d’une telle approche et d’obtenir une approximation des grandes tendances observables d’un type à l’autre.

4.6.3 Présentation des résultats

Le tableau suivant présente les résultats pour chacun des types. Les revenus agricoles et extra-agricoles, globaux et par actifs y sont détaillés. Le tableau résume également la part des différents types d’activité et de la rente migratoire dans le produit et les dépenses et consommation de la famille (voir également annexe 8).

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Type I Type II Type III Type IV Type I ' Type II ' Type III '

année pluvieuse

année sèche

année pluvieuse

année sèche

année pluvieuse

année sèche

année pluvieuse

année sèche

année pluvieuse

année sèche

année pluvieuse

année sèche

année pluvieuse

année sèche

Revenu Agricole 2 540 000 1 494 000 1 436 500 924 500 757 700 464 700 339 000 183 200 2 044 300 1 736 300 856 400 690 400 554 300 410 900

Revenu issu des activités extra-agricoles 1 757 000 1 757 000 822 500 822 500 770 500 770 500 335 500 335 500 225 000 225 000 253 500 255 500 126 000 126 000

Revenu total 4 297 000 3 251 000 2 259 000 1 747 000 1 528 200 1 235 200 674 500 518 700 2 269 300 1 961 300 1 109 900 945 900 680 300 536 900

glob

al

Rente migratoire 1 838 000 2 070 000 1 044 375 1 132 600 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

Revenu agri/actif 141 111 83 000 130 593 84 048 108 243 66 386 84 750 45 800 292 043 248 043 214 100 172 600 138 575 102 725

Revenu des activités extra-agri/actif 97 611 97 611 74 773 74 773 110 071 110 071 83 875 83 875 32 143 32 143 63 375 63 875 31 500 31 500

Revenu total/actif (hors rente migratoire) 238 722 180 611 205 366 158 821 218 314 176 457 168 625 129 675 324 186 280 186 277 475 236 475 170 075 134 225

Revenu

par

actif

Rente migratoire/actif 102 111 115 000 94 943 102 9 64 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0

Part de la rente migratoire dans le produit global

16% 19% 18% 21% 0% 0% 0% 0% 0% 0% 0% 0% 0% 0%

Part de l'agriculture dans le produit 34% 26% 38% 32% 40% 32% 55% 43% 88% 87% 75% 72% 83% 79%

Analyse du

produit

Part des activités extra-agricoles dans le produit 41% 44% 27% 29% 60% 68% 45% 57% 12% 13% 25% 29% 17% 21%

Part des charges agricoles 15% 15% 17% 17% 8% 8% 10% 10% 21% 21% 13% 13% 12% 12%

Part des charges des activités extra-agricoles 32% 32% 16% 16% 27% 27% 0% 0% 5% 5% 7% 7% 0% 0%

Part d'autoconso. dans l'alimentation

37% 31% 38% 34% 43% 33% 49% 43% 47% 39% 49% 39% 49% 42% Part des dépenses de la famille dans l'alimentation

25% 25% 25% 25% 57% 67% 51% 57% 53% 61% 51% 61% 51% 58%

Part prise en charge par les migrants 38% 44% 37% 41% 0% 0% 0% 0% 0% 0% 0% 0% 0% 0%

Ana

lyse

des

dép

ense

s et

de

la

cons

omm

atio

n

Con

som

mat

ion

et

dépe

nses

alim

.

Part de la consommation alimentaire dans la consommation et les dépenses totales

35% 35% 47% 47% 51% 51% 68% 69% 56% 56% 62% 62% 69% 69%

Tableau 13. Présentation des résultats de la modélisation de la trésorerie des familles.

Page 80: Potentialités de financement de l'économie agricole et rurale dans

80

4.6.3.1 Analyse des revenus et liens avec le produi t, les dépenses et la consommation des familles

Les revenus annuels par actif oscillent de 130 000 Fcfa à plus de 300 000 Fcfa. Le revenu de 130 000 Fcfa par actif observé chez les types IV et III’, familles sans capital, correspond approximativement au seuil de survie puisqu’il suffit tout juste à couvrir l’ensemble des besoins élémentaires des familles. Il s’agit d’ailleurs des familles pour lesquelles la consommation alimentaire représente environ 70% des dépenses et consommations familiales. Ce niveau de revenu n’autorise que le renouvellement du matériel agricole de base mais interdit tout investissement.

Globalement, pour les villages de migrants étudiés, les revenus agricoles représentent une part moindre du revenu global (en comparaison aux résultats des familles investis dans le maraîchage). Les charges relatives au secteur extra-agricoles sont même souvent plus élevées que les charges agricoles, à l’exception du type IV qui ne peut s’autoriser aucun investissement dans le secteur extra-agricole. D’autre part, pour les familles disposant de migrants (Type I et II), ces charges sont plus particulièrement liées à l’élevage. Le salaire du berger et les frais d’alimentation sont parmi les dépenses principales du système de production agricole.

Pour ces familles insérées dans les stratégies migratoires, une rente migratoire annuelle par actif de l’ordre 100 000 Fcfa (soit quasiment le revenu annuel par actif des familles les plus modestes) vient s’ajouter au revenu total par actif. Cette rente, assurée par seulement un à trois membres expatriés, représente à elle seule 16 à 21% du produit global de familles comprenant 25 à 40 membres. S’ajoutent à cela les transferts sociaux perçus par les anciens migrants (qui très souvent approvisionnent des comptes d’épargne des caisses villageoises dès leur perception). En somme, le revenu agricole, même s’il est indispensable à l’équilibre économique de la famille, n’est pas autant au cœur du produit familial que pour les autres familles.

Pour les familles de migrants, le fait que seulement 35% à 47% des consommations et dépenses soit liées à l’alimentation permet aux familles de dépenser leurs ressources à destination d’autres secteurs de consommation, et leur offre une certaine capacité d’investissement. En l’occurrence, pour les familles du type I, cette capacité d’investissement s’adresse plus spécifiquement aux activités extra-agricoles (représentant 32% des dépenses et consommation de la famille contre 15% pour le système de production agricole). Ce résultat tranche avec les familles du type I’, investies dans le maraîchage, qui concentrent leurs dépenses liées au système productif vers l’agriculture (avec 21% des dépenses et consommations liées à l’agriculture contre 5% liées aux activités extra-agricoles).

4.6.3.2 Influence du climat sur la trésorerie

La distinction entre les résultats économiques des unités familiales en années sèches par rapport aux années pluvieuses permet d’appréhender les effets de mauvaises années sur la dégradation du produit familial.

Les familles impliquées dans le maraîchage, grâce à la plus forte stabilité interannuelle des rendements des cultures maraîchères alimentées par l’eau du fleuve, affichent des revenus qui varient moins d’une année à l’autre. Dans les villages des migrants, les années de moins bons rendements sont partiellement compensées par l’augmentation de l’appui des migrants à la consommation alimentaire (ils comblent notamment le déficit en céréales et en arachide). Ce type d’appui permet d’assurer les besoins primaires des familles en évitant d’avoir à

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décapitaliser une partie du troupeau ou de l’équipement de l’exploitation. La capacité des migrants à pouvoir augmenter leur appui à leur famille trouve toutefois ses limites et la capacité d’investissement reste affectée en cas de mauvaise saison agricole.

Pour les familles les plus modestes, en cas de mauvaise saison agricole, les secteurs de dépenses liés aux besoins primaires sont généralement diminués. Les dépenses en santé ou en alimentation dispendieuse (viande, sucre, lait…) sont revues à la baisse dans le budget familial.

Le tableau suivant expose la dégradation relative du produit familial globale selon le niveau de pluviométrie de la campagne agricole :

Produit global variation

année pluvieuse 11 789 500 Type I

année sèche 10 995 500 - 6,7%

année pluvieuse 5 711 075 Type II

année sèche 5 287 275 - 7,4%

année pluvieuse 2 297 000 Type III

année sèche 2 004 000 - 12,8%

année pluvieuse 740 500 Type IV

année sèche 584 700 - 21,0%

année pluvieuse 2 803 900

Type I ' année sèche 2 495 000

- 11,0%

année pluvieuse 1 337 900 Type II '

année sèche 1 171 900 - 12,4%

année pluvieuse 756 300 Type III '

année sèche 612 900 - 19,0%

Tableau 14. Variation du produit familial global selon la qualité des campagnes agricoles.

Les familles de migrants (type I et II) sont les moins exposées à ces variations avec une baisse de 6,7 à 7,4% du produit tandis que les familles les moins aisées voient leur produit familial réduire de 20%.

4.6.3.3 L’effet de la rente migratoire sur la tréso rerie

L’appui plus conséquent des migrants à leur famille en cas de fort déficit vivrier permet donc de lisser les effets des aléas climatiques sur la trésorerie des familles. La participation à la consommation familiale va de 37 à 44% de la consommation alimentaire globale, ce qui est conséquent à l’échelle de familles élargies comprenant 25 à 40 membres voire davantage.

Les migrants prennent en charge un certain nombre d’autres frais, notamment certains frais exceptionnels (mariages, baptêmes, santé, etc…) qui perturbent habituellement l’équilibre des budgets familiaux. Ces dépenses sont souvent plus difficiles à prévoir et à intégrer dans l’organisation du budget familial. L’appui des migrants dans ces circonstances soulage là encore particulièrement la trésorerie familiale et tempèrent les chocs liés à certaines dépenses élevées.

Par rapport à la hauteur de la rente migratoire, les résultats obtenus à travers l’évaluation de cette rente dans la modélisation trouvent leur écho dans les résultats déjà obtenus par Flore Gubert en 1996 au sein d’un échantillon statistique plus large.

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Concernant la modélisation, l’approche ne consiste pas à faire une moyenne des résultats de l’ensemble des familles enquêtées, mais plutôt à cerner chacun des secteurs de dépenses pris en charge par les migrants pour chacun des types de famille étudiés et à remonter par le calcul à la hauteur de cette rente. Les résultats obtenus par les deux voies sont sensiblement du même ordre de grandeur :

Résultats enquêtes F.Gubert Résultats de notre modélisation

Echantillon (en nombre de familles)

Montants moyens reçus au cours de l'année 1996

Année pluvieuse Année sèche

Familles avec 1 migrant 65 1 040 057 1 044 375 1 132 575

Familles avec 3 migrants 15 1 995 484 1 838 000 2 070 000

Tableau 15. Comparaison de l’évaluation de la rente migratoire pour des familles avec 1 et 3 migrants.

4.6.3.4 Périodicité des revenus et influence de la période de soudure sur la trésorerie

La saison des pluies est une saison où la majeure partie du travail familial est orientée vers les cultures, dont les rendements détermineront le degré d’autosuffisance alimentaire de la famille pour l’année à venir.

Cette période est difficile à double titre : d’une part les stocks du grenier familial arrivent à terme parallèlement à une montée des prix des denrées alimentaires. D’autre part le nécessaire investissement en travail dans l’agriculture interdit partiellement la poursuite d’activité extra-agricole et diminue donc le produit familial sous forme monétaire.

Les budgets des familles de migrants, grâce à l’appui extérieur et la capacité financière des familles à pouvoir gérer leurs stocks alimentaires, sont beaucoup moins soumis à ce phénomène. Ces familles peuvent, tout comme les familles qui disposent de l’appui d’un membre salarié en ville, bénéficier d’argent à un moment où il est difficile de s’octroyer du temps pour en gagner. Cette forme d’appui est particulièrement avantageuse et renforce là encore l’équilibre du budget familial au cours de l’année.

En d’autres termes, la rente migratoire à le double avantage de renforcer la stabilité inter et intra-annuelle de la trésorerie des familles.

Dans les caisses villageoises, les déficits observés en période de soudure dans les trésoreries familiales plus vulnérables justifient l’augmentation de la demande en petits crédits (émanant généralement de familles aux revenus modestes) pendant les mois de juillet, août et septembre. Ce phénomène sera développé dans la partie suivante par l’analyse de l’utilisation des crédits.

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5 MICROFINANCE ET POSSIBILITES DE FINANCEMENT POUR L’AGRICULTURE

5.1 CONTRAINTES LIEES AU FINANCEMENT DU MONDE RURAL

5.1.1 Spécificité du financement de l’agriculture e t position des IMF

Face à la covariance des performances économiques de l’agriculture avec les conditions climatiques, les institutions financières restent parfois frileuses à l’idée de financer ce secteur. Certains besoins de financement sont peu élevés : achats de semences, achats d’intrants, etc. Mais beaucoup d’investissements restent particulièrement lourds (achat d’une motopompe, achat de bœufs de labour, forage d’un puit…) et à rentabilité différée.

En l’occurrence, les montants accordés par les IMF sont généralement assez faibles et à courts termes, avec des taux d’intérêt annuels élevés qui conduisent à des sommes trop importantes à rembourser sur des périodes longues. Les spécificités de ces crédits sont donc en contradiction avec les besoins agricoles et la nature des cycles de production de ce secteur.

Les IMF, de manière générale, se doivent d’afficher une certaine rentabilité pour pérenniser leur action et se développer. A ce titre, elles sont souvent tentées de se détourner du secteur agricole pour se concentrer sur des populations et des zones plus accessibles et financer des secteurs jugés plus rentable et moins risqués.

Même les IMF implantées en milieu rural financent parfois majoritairement des activités annexes (commerce, transport…), sans s’adresser au secteur agricole. Les institutions de microfinance restent toutefois les seuls interlocuteurs capables de répondre aux demandes de financement de paysans disposant de garanties très minimes, voire inexistantes.

5.1.2 Spécificité de l’économie paysanne

L’économie paysanne affiche un grand nombre de spécificité qu’il convient d’exposer et d’analyser avant de discuter du financement du secteur agricole. En effet, l’analyse de la trésorerie des ménages l’a bien démontré, l’activité agricole et son financement sont la résultante d’un équilibre économique complexe au sein de l’exploitation familiale. Cet équilibre repose entre la satisfaction des besoins de consommation immédiats et les capacités d’investissement de l’exploitation pour la reproduction de l’unité familiale à l’issu de la campagne agricole suivante. L’agriculteur se retrouve à devoir considérer cette question en permanence : quelle part du budget convient-il de consacrer à la satisfaction des besoins primaires et secondaires, à l’entretien des réseaux sociaux et à l’investissement dans le secteur productif ?

Il convient d’admettre que lorsque les besoins primaires ne sont pas satisfaits, et donc le budget peu élevé, le processus de formation du capital ou tout simplement de reconstitution du capital ne peut occuper une place prépondérante dans l’allocation des ressources familiales. La non-satisfaction des besoins est en effet parfois si forte qu’elle ne permet pas d’envisager une limitation de la consommation au bénéfice du capital (Tchayanov).

Nous pouvons croire, au premier abord, que si un éventuel investissement tend à améliorer le revenu de la famille, cet investissement sera nécessairement réalisé si la famille dispose des ressources nécessaires à un instant donné. Cependant, les équilibres internes à l’exploitation viennent contredire cette hypothèse, il est toujours difficile de déterminer quelle

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part de la somme sera utilisée pour les besoins de consommation et quelle part le sera pour les besoins de l’exploitation. Tchayanov avance même qu’il s’agit là d’une des questions les plus complexes de l’organisation de l’exploitation paysanne.

Dans le cas où une famille dispose d’une certaine capacité d’investissement, ce dernier pourra être effectué s’il permet une augmentation de la productivité du travail, occasionnant une baisse du temps de travail et de la pénibilité des travaux agricoles ou une augmentation des surfaces exploitables à temps de travail égal. Généralement, il conviendra d’augmenter les surfaces exploitées pour assurer le renouvellement du capital et éviter que ce dernier ne représente au final qu’un coût supplémentaire. Sinon, l’augmentation de la productivité du travail permettra de dégager du temps qui pourra être alloué à une autre activité productive, dont les bénéfices eux-mêmes pourront participer au renouvellement du capital. C’est là l’une des complexité dans l’appréhension du fonctionnement de l’économie paysanne : outre la relation entre consommation et utilisation du budget, il existe une grande interrelation entre les activités elles-mêmes, agricoles et extra-agricoles, vivrières et commerciales.

Une activité permettra d’en financer une autre, et le maintien de la productivité de cette dernière activité peut s’avérer nécessaire pour que la première activité soit réalisable. Afin que ces considérations s’éclaircissent, prenons l’exemple maintes fois observé dans la zone d’un agriculteur pratiquant une agriculture essentiellement vivrière pendant la saison des pluies et le commerce pendant la saison sèche. La réussite de la campagne vivrière permettra d’atteindre une relative capacité d’autoconsommation, évitant d’allouer une trop grande partie du budget à la consommation alimentaire. Les ressources monétaires pourront donc être destinées à la constitution d’un fonds de roulement nécessaire à la pratique du commerce. Les fruits de ce commerce, s’il réussit, seront d’une part alloués à la consommation familiale et d’autre part alloués à la reconstitution du capital (entretien des bœufs de labour, de la charrette…), voir à son augmentation (achat de nouveau matériel…) afin d’assurer une bonne campagne vivrière. C’est d’ailleurs ainsi que le financement d’une activité extra-agricole peut partiellement participer au financement de l’agriculture. Nous pouvons observer le même type d’interrelation entre les cultures pluviales et les campagnes maraîchères à vocation commerciale de saison sèche.

Pour une famille dont les besoins alimentaires sont satisfaits, l’utilité marginale à investir dans du capital sera mise en confrontation avec l’éventuelle pénibilité marginale du travail qu’il conviendra de fournir en plus pour maintenir l’exploitation à un niveau de production suffisant pour permettre de reconstituer le capital d’année en année et de maintenir un niveau de vie et de consommation au moins égal à la situation précédente. Dans le cas précis d’un crédit, si l’augmentation du revenu obtenu par l’augmentation du capital ne suffit pas pour rembourser l’emprunt et entretenir le capital tout en continuant à satisfaire ses besoins personnels, l’utilisation d’un tel crédit pourra être remise en cause.

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5.2 LES DIVERSES EXPERIENCES DE FINANCEMENT DE L ’AGRICULTURE DANS LA ZONE

Plusieurs expériences, plus ou moins fructueuses, concernant le financement du secteur agricole ont vu le jour dans certaines communes du cercle de Kayes. Il semble intéressant de revenir dessus et de chercher à cerner les causes qui ont participé à leur échec pour les expériences les moins concluantes.

5.2.1 L’exemple de l’AAILAD

L’AAILAD (Association d’Appui aux Initiatives Locales d’Actions de Développement) est né en 1984 à Kakoulou, dans la commune du Logo, dans l’idée d’appuyer les paysans à travers des interventions ciblées vers l’appui individuel dans les domaines de l’élevage, de l’agriculture et du maraîchage. En 1994, cette association a bénéficié d’un fonds destiné aux prêts à l’équipement mis à disposition par un bailleur européen. Les premiers prêts étaient de l’ordre de 100 000 Fcfa, proposés sur des périodes pouvant s’étaler jusqu’à trois ans, avec un intérêt de 10%, sans garantie ni caution. Les membres de l’association, bénévoles, préparaient eux-mêmes les dossiers de projets avec les demandeurs de prêts. Chaque élément du projet était analysé afin d’en étudier la viabilité économique : la surface cultivée, les rendements espérés, etc. Le matériel demandé était acheté par l’association elle-même qui le mettait à disposition des demandeurs. Les membres de l’association se rendaient ensuite sur l’exploitation pour vérifier la bonne mise en œuvre des projets et assurait le suivi des remboursements.

Malgré toutes ces dispositions, l’association a rapidement rencontré des problèmes de remboursement. La plupart des crédits n’ont pas été recouverts et l’association, qui a arrêté son activité il y a trois ans, attend encore plusieurs millions de Fcfa de la part de ses débiteurs. Le matériel présente l’avantage de pouvoir être saisi, mais sa valeur peut avoir diminué par rapport à l’année d’achat. L’appel à un huissier ou tout autre recours à la justice est perçu comme des frais supplémentaires qui ne résoudront pas nécessairement les problèmes de remboursement.

Ce scénario illustre la difficulté de certaines organisations paysannes à développer spontanément des capacités de financement sans expérience antérieure dans le domaine. Les fonds mis à disposition, ne reposant pas sur l’épargne villageoise et mal encadrés par un ensemble de procédures, sont parfois soumis à une gestion incertaine.

5.2.2 Le volet financement de l’URCAK

L’URCAK, spécialisé dans le domaine des périmètres irrigués, est très rapidement rentré dans une démarche d’intervention à différents maillons de la filière maraîchère. A titre d’exemple, les membres de l’association avaient observé que l’état de fonctionnement des motopompes était un frein fréquent au bon déroulement des campagnes maraîchères. Une courte période de dysfonctionnement de la motopompe pendant les périodes les plus chaudes peut suffire à altérer à une bonne partie du produit de la campagne. L’URCAK a donc mis en place un atelier de mécanique, opérationnel depuis plus de 10 ans, employant un mécanicien permanent sur les fonds de l’association, afin de faciliter la réparation du matériel agricole.

L’URCAK a également voulu élargir ses services en mettant en place une caisse d’épargne et de crédit uniquement orientée vers l’activité agricole, visant aussi bien à financer la campagne d’hivernage que le maraîchage de contre-saison. Le fonds initial a été, là encore,

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mis à disposition par l’un des partenaires de l’URCAK, et s’est décliné en différent types de crédits affichant des taux de 12% : des crédits maraîchage pour l’achat des semences et des intrants, des crédits hivernage pour les éventuels frais de semences, de labour ou de main d’œuvre et des crédits élevage (pour les frais d’alimentation notamment). Ce système de crédit s’adresse exclusivement aux membres de l’URCAK, rattaché à l’une des coopératives de l’union. Les coopératives se positionnent en garants sur le remboursement des crédits.

Pour l’URCAK, ce service fait l’objet du suivi d’un membre de l’association mais rencontre également quelques problèmes de recouvrement. Le taux de recouvrement déclaré par les membres s’élève à 60%, ce qui compromet la pérennité du système financier. Bien qu’ayant souhaité associer un service d’épargne à son service de crédit, la caisse de l’URCAK contracte essentiellement des dépôts à vue qui ne représentent pas une ressource convertible en crédit. Il a toutefois été impossible à travers nos enquêtes d’obtenir des chiffres plus précis sur l’état financier de la caisse, qui semble toutefois beaucoup reposer sur l’appui des bailleurs de fonds.

5.3 PRESENTATION DES CAISSES VILLAGEOISES DES VILLAGES E TUDIES

5.3.1 La caisse de Samé : une caisse née de la coor dination féminine

L’organisation paysanne qu’est l’URCAK a souhaité s’affranchir de l’appui d’une institution spécialisée dans la microfinance. La caisse de Samé quant à elle est issue de la demande de la coordination des femmes de Samé à pouvoir bénéficier de l’appui du CAMIDE pour la gestion de leur service de financement.

La coordination a été créé en 1993 et regroupent les femmes de cinq associations autour de l’activité maraîchère. Un fonds destiné au financement des membres de la coordination a été mis à disposition par le GRDR en 2002 à hauteur de 3,5 millions de Fcfa. Un fonds d’investissement d’un montant de 13 millions a également été mis à disposition par les Jardins de Cocagne. La coordination a voulu se prémunir de certains échecs qu’avaient connus les services de financement d’organisations paysannes. Elle a donc sollicité les services du CAMIDE pour instaurer une caisse villageoise qui ne répond pas intégralement au modèle des autres caisses villageoises du réseau. En plus d’abriter des lignes de crédits exogènes parallèlement à l’épargne villageoise, la caisse était à l’origine exclusivement destinée aux femmes. Elle a toutefois progressivement ouvert son activité aux hommes.

Les crédits mis à disposition à partir de lignes de crédit tranchent avec les spécificités des crédits de 24 à 25% généralement proposés par les caisses villageoises. Une partie des crédits proposés sur les fonds exogènes est exclusivement orientée vers le maraîchage, avec des taux de 16%. Les crédits octroyés sur le fonds des Jardins de Cocagne sont des crédits d’investissement à 8%, collectifs ou individuels, contractés sur une période de 1 à 5 ans. Il est nécessaire de passer par l’une des associations de la coordination des femmes pour bénéficier de ces crédits. L’association se porte alors garant pour le demandeur.

Les crédits maraîchage ont connus jusqu’à présent de bons taux de remboursement. Concernant les crédits investissements à plus long terme, l’expérience est encore trop jeune et la plupart des crédits ne sont pas arrivés à échéance. Il est donc impossible de dire si ces crédits parviennent à être remboursés. Un certain nombre d’entre eux se sont orientés vers l’aménagement de parcelles maraîchères collectives.

L’annexe 9 présente les chiffres relatifs à l’activité 2006 des caisses d’épargne et de crédit des quatre villages étudiés.

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Concernant la caisse de Samé, les chiffres indiquent que 75% de l’épargne mobilisée pendant le courant de l’exercice 2006 provient de groupes, principalement des associations féminines, et la caisse rencontre encore des difficultés à mobiliser l’épargne des villageois.

La caisse est confrontée à un certain nombre de problèmes de gouvernance qui limitent l’extension de ses activités au-delà des groupements de femmes. La caisse est essentiellement gérée par une personne, particulièrement qualifiée pour la gestion des ressources mais ayant quelque peu monopolisé l’administration de la caisse. La coordination des femmes et la caisse sont gérées par des membres de la même famille, en conflit (politique ou relationnelle) avec un certain nombre d’autres familles du village. Leur autorité sur les affaires de la caisse leur permet de filtrer quelque peu l’accès des crédits aux villageois.

5.3.2 Les caisses de Gouméra et de Gory Gopéla : de s caisses aux ressources financières importantes

La caisse de Gory Gopéla, avec une épargne cumulée de 75 203 110, compte parmi les caisses dont les dépôts sont les plus élevés. Elle accorde à ce titre un nombre élevé de crédits par an. 402 crédits ont été octroyés au cours de l’exercice 2006, cela représente plus du double du nombre moyen (165) de crédits octroyés par an et par caisse villageoise sur le réseau.

Contrairement à certaines autres caisses villageoises, la politique menée à Gory Gopéla sur l’analyse de l’objet des crédits permet d’avoir des chiffres précis sur l’orientation des crédits. En effet, alors qu’à Gouméra l’objet mentionné dans les registres est généralement vague (commerce, besoin…), les indications mentionnés dans les registres de la caisse de Gory Gopéla sont bien plus précis (achat de bétail ou de semences, embouche…) et permettent d’avoir des statistiques plus fiables sur le portefeuile.

Caisse de Gory Gopéla

Caisse de Gouméra

% du montant des crédits octroyé pour le commerce

52% 76%

% du montant des crédits octroyé pour l'agriculture

6% 0%

% du montant des crédits octroyé pour autres activités productives

0% 0%

% du montant des crédits octroyés pour les dépenses sociales

42% 24%

Tableau 16. Portefeuilles de crédits des caisses de Gory Gopéla et Gouméra

Les chiffres font état de 6% du volume des crédits de Gory Gopéla destinés à l’agriculture, contre 0% pour Gouméra. Même s’il est possible que les habitants de Gouméra aient moins eu recours à des crédits pour l’agriculture, ce chiffre de 0% résulte d’une négligence dans la description de l’objet des crédits et ne reflète pas la véritable utilisation de la caisse (certains agriculteurs ont déclarés utiliser la caisse pour leurs activités agricoles lors des enquêtes).

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88

5.3.3 La caisse de Darsalam : une caisse contrainte de se limiter aux petits crédits

A Darsalam, village sans migrants, les capacités d’épargne des familles sont réduites. De ce fait, la caisse parvient difficilement à mobiliser l’épargne de ses sociétaires et n’affiche que 4 853 505 Fcfa de dépôts cumulés au cours de l’année 2006. Ces faibles ressources n’autorisent pas les membres du comité à octroyer des crédits aux montants élevés si la caisse veut satisfaire le large nombre de demandes. Le montant moyen des crédits y est particulièrement faible, 35 000 Fcfa. Malgré ces contraintes, la caisse est particulièrement sollicitée avec 262 crédits accordés sur l’année et un taux de recouvrement élevé (99%).

5.4 UTILISATION DES CREDITS PAR LES FAMILLES

5.4.1 Les différents biais par rapport à l’analyse de l’utilisation des crédits

Certains biais viennent corrompre les possibilités de pouvoir bien analyser l’utilisation des crédits. Comme nous l’avons vu, le premier biais est la qualité des données retranscrites sur les registres de demande. L’objet des crédits octroyés y est détaillé de manière plus ou moins précise, si bien que les données qu’il est possible de collecter au sein des différentes caisses montrent une certaine hétérogénéité. Cela dépend de la politique qui a été menée à la base par le caissier chargé de reporter les demandes de crédit et la disposition des villageois à préciser l’utilisation qu’ils souhaiteraient faire de l’argent emprunté. D’autant plus que traditionnellement, lorsqu’un villageois prête de l’argent à l’un de ses paires, il est perçu comme déplacé d’interroger l’emprunteur sur ses intentions quant à l’utilisation de cette ressource.

Certains caissiers sont exigeants et particulièrement consciencieux sur l’objet du crédit, si bien que sur le registre, il est possible de trouver la mention « achat de semences », « mariage », « achat de bœufs » ou même « achat de savon ». Ce degré de précision ne concerne malheureusement que quelques caisses parmi la quarantaine de caisses du réseau, la plupart des registres ne font mention que d’objets de crédit relativement imprécis tels que « besoin » ou encore « travail ». Par défaut, la case est très généralement remplie par la mention « commerce ». Cet état de fait rend difficile et approximative l’analyse de la destination des crédits, et compromet partiellement les résultats que nous pouvons tirer de certaines analyses statistiques.

Le second biais se situe dans les déclarations des emprunteurs. Que ce soit les déclarations faites aux caissiers ou les informations récoltées lors de nos enquêtes au sein des foyers, il peut advenir que l’objet mentionné, aussi précis ou imprécis soit-il, ne corresponde pas nécessairement ou que partiellement à l’utilisation qui sera faite de l’argent emprunté. Bien que les crédits à la consommation soient acceptés, les emprunteurs préfèrent souvent avancer le projet d’utiliser leur crédit à des fins productives. Même si cela n’est pas toujours le cas et qu’au final, le crédit se fond dans une trésorerie complexe, aux allocations multiples, et peut également être réquisitionné pour des dépenses initialement imprévues.

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89

5.4.2 Peu de crédits destinés à l’agriculture sur l ’ensemble du réseau

Malgré les différents biais mentionnés, il est important de noter que les chiffres du réseau révèlent que seulement 4% du volume de crédits se destinent à l’agriculture. Même si ce chiffre est certainement légèrement sous-estimé, il nous amène à deux conclusions : soit la nature des crédits n’est pas adaptée au financement de l’agriculture et les sociétaires préfèrent les utiliser à d’autres fins (consommation ou activité extra-agricoles), soit le financement de l’activité agricole n’est pas au cœur des préoccupations des villageois qui préfèrent emprunter de l’argent à la caisse pour financer d’autres activités.

Sur les 44 caisses villageoises, seules 6 caisses ont émis en moyenne plus de 10 crédits par an destinés à l’agriculture (ou du moins identifiés comme tels) sur la période d’activité s’étalant de 2002 à 2006. Parmi ces caisses, la part des crédits octroyés pour l’agriculture ne représente en moyenne plus de 10% de l’ensemble des crédits que pour les seules caisses de Samé et Kouroukoula (tableau annexe 10).

5.4.3 Confrontation entre une approche statistique et les observations au sein des foyers

5.4.3.1 Méthode de traitement de l’ensemble des cré dits

Le CAMIDE dispose de l’historique de toutes les épargnes déposées et de tous les crédits octroyés sur l’ensemble des caisses du réseau CVECA Kayes. En ce qui concerne les crédits, pour chacun d’entre eux est spécifié, entre autre, le sexe de l’emprunteur, la caisse où le crédit a été octroyé, le montant et la durée du crédit, la hauteur de l’intérêt, la date d’octroi et la date de remboursement ainsi que le nombre de jours de retard.

Le traitement d’une telle base de données a permis de mettre en évidence un certain nombre de phénomènes quant à l’utilisation des crédits. Cette approche globale des crédits a permis entre autre de relever certaines grandes tendances distinguant le comportement des hommes du comportement des femmes face au crédit, ainsi que d’analyser la nature de la demande en crédit en fonction de la période de l’année et du type de montant sollicité.

L’analyse statistique, afin d’être représentative, porte sur l’ensemble des crédits octroyés par 25 caisses pendant la période de cinq années s’étalant du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2006. Afin que les chiffres utilisés reflètent plus fidèlement des années d’activité normale, les caisses ont été sélectionnées parmi celles dont l’activité avait déjà commencé depuis au moins un ou deux ans avant le 1er janvier 2002. C’est ainsi 23 178 crédits qui ont été traités statistiquement pour obtenir les résultats qui suivent.

5.4.3.2 Analyse par genre

D’une manière générale, les caisses sont plus largement sollicitées par les hommes (66% des crédits traités contre 34% par les femmes) qui demandent des crédits plus élevés (119 000 Fcfa en moyenne contre 65 300 Fcfa pour les femmes).

En ce qui concerne les remboursements, les hommes sont parfois accusés de rembourser plus difficilement ou moins ponctuellement que les femmes. Afin de mesurer cette capacité de remboursement, nous avons décidé d’utiliser comme indicateur la part des crédits octroyés ayant été remboursés plus de trois mois en retard (crédits en souffrance). Les chiffres attestent ainsi de cette tendance puisque 9,7% des crédits octroyés à des hommes tombent en souffrance contre 8,8% en moyenne pour les femmes. Cette accusation (certes vérifiée) portée à l’égard des hommes a parfois été justifiée par un comportement moins rigoureux de la part

Page 90: Potentialités de financement de l'économie agricole et rurale dans

90

des hommes face à l’argent. Il convient de modérer cette affirmation, la difficulté des hommes a pouvoir rembourser à temps étant aussi fortement lié aux charges économiques qui leurs incombent au sein du foyer. Les hommes sont à la fois les gestionnaires de la trésorerie globale de la famille lorsqu’ils sont chef de famille et les premiers éléments sollicités en cas de besoins immédiats de liquidité. Conserver assez d’argent de côté pour assurer le remboursement de leurs emprunts devient alors difficile.

Femmes Hommes

Nombre de crédits 7 777 34% 15 250 66% montant moyen octroyé 65 300 119 000

Crédits en souffrance 685 8,80% 1496 9,70%

Tableau 17. Caractéristiques moyennes des crédits par genre.

Afin d’observer plus finement la demande de crédit par genre en fonction des montants, les crédits ont été classés selon différentes tranches comme suit :

FEMMES HOMMES

Montants des crédits octroyés Nombre de crédits

Part des crédits des

femmes

Taux de souffrance

Nombre de crédits

Part des crédits des hommes

Taux de souffrance

Crédit de 0 à 10 000 Fcfa 621 8% 2,1% 344 2,2% 8,1% De 10 000 à 20 000 Fcfa 1292 16,6% 6,3% 901 5,9% 7,0% De 20 000 à 30 000 Fcfa 1762 22,8% 8,4% 2069 13,4% 8,9% De 30 000 à 50 000 Fcfa 1619 20,9% 9,0% 3161 20,5% 10,0% De 50 000 à 100 000 Fcfa 1396 18,0% 10,6% 3992 25,9% 10,8% De 100 000 à 150 000 Fcfa 436 5,6% 13,8% 1830 11,9% 9,4% De 150 000 à 200 000 Fcfa 268 3,4% 15,3% 1173 7,6% 10,7% De 200 000 à 300 000 Fcfa 244 3,1% 13,5% 947 6,1% 11,2% De 300 000 500 000 Fcfa 104 1,3% 11,5% 597 3,9% 7,0% De 500 000 à 1 000 000 Fcfa 15 0,2% 13,3% 192 1,2% 11,5% Supérieurs à 1 000 000 Fcfa 2 0% 0% 42 0,3% 7,1%

Figure 14. Part de la demande en crédits et taux de souffrances en fonction du genre et du montant.

Page 91: Potentialités de financement de l'économie agricole et rurale dans

91

Le graphique précédent permet d’observer que la demande de la part des femmes et la plus forte pour les petits crédits de 20 000 à 30 000 Fcfa. 8% de la demande féminine concerne des très petits crédits inférieurs à 10 000 Fcfa. Les hommes quant à eux ne sollicitent que peu les crédits inférieurs à 20 000 Fcfa. Ils présentent d’ailleurs une plus grande difficulté à rembourser ce type de crédits (le taux de souffrance pour les crédits inférieurs à 10 000 Fcfa est de 8,1% pour les hommes contre seulement 2,1% pour les femmes). Lors des enquêtes, les hommes avouaient éviter de faire appel à ce type de crédit (une forme d’autocensure). Ils savent en effet qu’au regard du nombre de charges qui leur incombent, ce type de crédit risque d’être immédiatement absorbé dans la consommation.

En revanche, au-delà d’un certain seuil, pour les crédits supérieurs à 100 000 Fcfa, les femmes affichent une moins bonne capacité à rembourser que les hommes. La nature des activités des femmes n’est peut-être pas toujours en mesure de rentabiliser de telles sommes. Néanmoins, quelques femmes sollicitent la caisse pour des montants relativement élevés (plusieurs centaines de milliers de francs).

5.4.3.3 Périodicité de la demande en crédits

5.4.3.3.1 Périodicité intra annuelle

En partant du constat que les familles les plus modestes (types III et IV et III’) sont les plus soumises aux aléas climatiques et au phénomène de soudure, et en faisant l’hypothèse que la demande en crédit de petits montants émanent essentiellement de ces familles, nous avons souhaité observer la variabilité de la demande en crédit selon la période de l’année. L’annexe 11 présente la hauteur de la demande en petits et gros crédits selon la période de l’année pour la période 2002-2006. Concernant les petits crédits1, la demande évolue selon la courbe suivante :

Figure 15. Nombre moyen de demandes de petits crédits par mois sur la période 2002-2006. (1) Sont ici considérés comme « petits crédits » les crédits inférieurs ou égaux à 30 000 Fcfa. Ils représentent 30% de l’ensemble des crédits (22% des crédits octroyés aux hommes, 47% des crédits octroyés aux femmes).

0

20

40

60

80

100

120

140

160

180

200

janvie

r

févr

ierm

ars

avril m

ai juin

juille

tao

ut

sept

embr

e

octo

bre

nove

mbr

e

déce

mbr

e

Mois de l'année

Nom

bre

de p

etits

cré

dits

oct

royé

s

nombre moyende créditsdemandés

dont créditsoctroyés à desfemmes

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92

La demande augmente très fortement pendant les mois de juillet et août, en période de soudure. Même s’il est possible que certains de ces crédits soient destinés à supporter des charges agricoles (charges liées à la main d’œuvre par exemple), il reste fort probable qu’un grand nombre d’entre eux soient destinés à la consommation, ou du moins viennent combler les déficits en ressources à un moment de l’année où le produit sous forme monétaire est faible (voir par exemple la modélisation de la trésorerie du Type IV/Annexe 7 au mois de juillet et août).

Cette demande en petits crédits peut être confrontée à la demande en gros crédits1 (d’un montant supérieur à 200 000 Fcfa). La courbe suivante montre que cette demande ne répond pas aux mêmes variations intra annuelles :

Figure 16. Nombre moyen de demandes de petits crédits par mois sur la période 2002-2006

La demande en gros crédits, à l’inverse de la demande en petits crédits, chute pendant les mois de juillet et août. Les ressources des caisses diminuent en cette période face à la forte demande en petits crédits, si bien qu’elles ne peuvent pas satisfaire la demande en gros crédits à ce moment. Cette période ne correspond pas nécessairement à une forte phase d’investissement de la part des familles qui réalisent ce type d’emprunt. La demande augmente plutôt en décembre, une fois l’ensemble des travaux agricoles des cultures pluviales réalisés. Cela afin d’investir dans les activités de contre saison pour lesquelles, nous l’avons observé, les familles du type I et II réalisent une plus large part d’investissements monétaires.

(1) Sont ici considérés comme « gros crédits » les crédits supérieurs à 200 000 Fcfa. Ils représentent 10% de l’ensemble des crédits (12% des crédits octroyés aux hommes, 5% des crédits octroyés aux femmes).

0

10

20

30

40

50

60

70

80

90

janvie

r

févr

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avril m

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aout

sept

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nove

mbr

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mbr

e

mois de l'année

nom

bre

de g

ros

créd

its o

ctro

yés

nombre moyensde gros créditsdemandés

dont créditsoctroyés à desfemmes

Page 93: Potentialités de financement de l'économie agricole et rurale dans

93

5.4.3.3.2 Périodicité interannuelle

Le graphique suivant expose les niveaux de demande en petits et gros crédits, mis en confrontation avec l’augmentation du nombre d’adhérents et des données climatiques1 :

Figure 17. Corrélation entre climatologie et demande en crédits.

La pluviométrie influe sur le produit agricole et les réserves en denrées alimentaires pour l’année qui suit la campagne agricole. A ce titre, nous pouvons faire l’hypothèse que la pluviométrie annuelle qui précède l’année considérée conditionne partiellement les problèmes de trésorerie des familles/individus dont l’économie est la plus soumise aux aléas climatiques. En maintenant l’hypothèse que la majeure partie des petits crédits est contractée par des individus issus de familles modestes (type III et IV ou III’), la courbe précédente illustre que la demande en crédits de ces familles est particulièrement élevée en 2003, année précédée par une mauvaise campagne agricole.

La demande en gros crédits semble quant à elle plus constante. Quelque soit la qualité des campagnes agricoles, cette demande ne fait que suivre l’augmentation du nombre d’adhérents au fil des ans. En gardant là encore l’hypothèse que les crédits volumineux sont majoritairement octroyés à des familles des types I et II (disposant des garanties nécessaires à avancer pour justifier un tel prêt auprès du comité), cette observation confirme la plus grande indépendance de l’économie de ces familles face à la climatologie et ses effets sur la variation du produit agricole.

(1) La pluviométrie annuelle moyenne (de 569 mm/an) a été calculée sur la décennie 1991-2000.

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

1600

1800

2002 2003 2004 2005 2006

Année

Nom

bre

de c

rédi

ts /

adh

éren

ts

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

1600

1800

Pluviom

étrie en mm

/an

pluviométrie del'annéeprécédente

pluviométriemoyenne

nombred'adhérents

demande enpetits créfits

demande en groscrédits

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94

5.4.3.4 Etude de la répartition des crédits parmi l es familles du village de Gory Gopéla

Sur les 23 178 crédits traités, 1 926 proviennent de la caisse de Gory Gopéla. Parmi ces 1 926 crédits, il a été possible, avec l’aide d’un villageois et des registres de crédits (faisant mention de l’identité du demandeur de crédit à travers son numéro d’adhérent), de définir la famille d’origine des demandeurs pour 1 145 de ces crédits.

Ces crédits ont ensuite été classés selon trois échantillons. Les crédits contractés par des individus :

� 1. Provenant de familles sans migrants,

� 2. Provenant de familles disposant d’un migrant ou plus,

� 3. Provenant de famille disposant de 3 migrants ou plus (l’échantillon 3 est donc inclus dans l’échantillon 2).

* Les crédits « extraits » sont les crédits pour lesquelles la famille d’origine du demandeur a été déterminée

Crédits octroyés aux hommes

Crédits octroyés aux femmes

Echantillon

Population concernée au village

(en nombre d'habitants)

Part de la pop.

Du village

Nombre de

crédits octroyés

Part des crédits

Extraits* nombre

part de l'ensemble des crédits

de l'échantillon concerné

montant moyen

(en Fcfa) nombre

part de l'ensemble des crédits

de l'échantillon concerné

montant moyen

(en Fcfa)

Tous les crédits octroyés à Gory Gopéla sur la

période 2002-2006

2 466 x 1 926 x 1 316 68% 144 500 610 32% 104 000

Crédits dont la famille d’origine du demandeur

a été déterminée

2 466 x 1 145 100% 866 76% 142 614 279 24% 109 251

Familles sans migrants 356 14% 156 14% 130 83% 100 800 26 17% 82 500

Familles avec migrants

(1 ou plus) 2 110 86% 989 86% 736 74% 150 000 253 26% 112 000

Familles avec 3 migrants ou

plus 954 39% 469 41% 306 65% 160 000 163 35% 121 000

Tableau 18. Analyse des crédits octroyés aux différents types de familles.

Le nombre de crédits octroyés respecte la représentativité de chacun des échantillons : les familles sans migrants représente 14% de la population du village1 et bénéficie de 14% du nombre de crédits. Les familles avec migrants représentent 86% de la population du village et bénéficient de 86% du nombre de crédits. Toutefois le montant moyen des crédits est plus élevé pour les individus provenant de familles de migrants que pour ceux provenant de familles sans, pour les hommes (de 100 000 à 160 000 Fcfa) comme pour les femmes (de 82 500 à 121 000 Fcfa). Les familles de migrants étant considérées comme plus solvables, elles bénéficient généralement de crédits plus importants. Elles disposent en effet d’une double caution : celle de posséder plus de biens matériels à présenter comme garantie (les (1) Les familles sans migrants représentent en revanche 40 familles sur les 125 que comptent le village (soit 32% des familles). S’agissant de familles moins élargies, elles représentent une plus faible part de la population villageoise.

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95

familles de migrants disposent d’un capital plus important, en bovins et en matériel) et celle de disposer de membres à l’étranger pouvant les appuyer en cas d’impossibilité de remboursement. Provenir d’une famille insérée dans les stratégies de migration est, de manière plus ou moins déclarée, une forme de garantie aux yeux des comités des caisses lors des prises de décisions portant sur l’octroi des crédits.

5.5 QUELS TYPES DE FINANCEMENTS POUR L ’AGRICULTURE ?

5.5.1 Les limites du crédit à court terme dans le c adre du financement des exploitations agricoles familiales

5.5.1.1 Limites du crédit à court terme dans le cad re du financement de la traction attelée

Comme nous l’avons vu, les enjeux autour de l’accès à la traction attelée sont forts. Les familles qui en bénéficient peuvent à la fois augmenter leur surface cultivée et éviter d’être soumises à l’attente des prestations des bœufs de labour des familles voisines (attente qui perturbe parfois leur calendrier agricole). Les familles qui ne disposent pas de bœufs de labour placent souvent cette acquisition au cœur de leurs priorités. Certaines d’entre elles en ont possédés à un moment donné de la vie de leur exploitation agricole, mais ont été contraintes de les céder à la vente pour faire face à une situation de crise dans la trésorerie familiale.

Des exemples d’exploitants contractant des emprunts auprès des caisses villageoises pour investir dans des bœufs de labour ont déjà été observés dans les villages. Mais de tels crédits avaient été contractés par des exploitations possédant déjà une ou deux paires de bœufs et souhaitant se procurer une paire de bœufs supplémentaires pendant l’hivernage.

Prenons l’exemple d’un agriculteur faisant un emprunt de 300 000 Fcfa pour acheter deux bœufs d’une valeur de 150 000 Fcfa chacun en début d’hivernage (ce qui évite d’avoir à payer les frais en compléments alimentaires en saison sèche). Si le crédit est effectué en juin pour une durée de six mois, l’agriculteur devra rembourser, avec un taux annuel de 25%, un montant total de 337 500 Fcfa (capital et intérêts). En l’occurrence, cette paire de bœufs supplémentaire pourra être utilisée pour labourer les champs d’autres exploitants. Deux jours de la semaine sont alloués à de telles prestations de service, si bien qu’à hauteur de 7 500 Fcfa pour une journée de labour, il est envisageable de gagner environ 60 000 Fcfa pendant le mois de juillet (période de labour). Les bœufs, une fois l’hivernage terminé, auront profité de la période de plus grandes ressources fourragères d’août à septembre et pourront être vendus à un prix sensiblement plus élevé que leur prix d’achat (environ 175 000 Fcfa par bœuf).

Charges Produit

Achat des

bœufs

Achat d’aliments

bétail

Charges liées aux surfaces

supplémentaires ensemencées*

Valeur des

intérêts sur 6 mois

Prestations de service

Revente des bœufs engraissés

pendant l'hivernage

Surfaces agricoles accrues

300 000 20 000 20 000 37 500 60 000 350 000 Centaine de milliers de Fcfa

377 500 Fcfa 410 000 Fcfa + augmentation du produit agricole

de 100 à 200 000 Fcfa (selon cultures et pluviométrie)

Tableau 19. Charges et produit liés à l’achat de bœufs de labour avec un crédit à court terme.

Page 96: Potentialités de financement de l'économie agricole et rurale dans

96

Au final, les bœufs auront permis de dégager un produit monétaire de l’ordre de 410 000 Fcfa (prestation et revente des boeufs) et d’augmenter les surfaces ensemencées, donc d’augmenter le produit agricole. Ce produit permet de rembourser le capital ayant permis d’acquérir les bœufs ainsi que les intérêts, de couvrir les frais d’alimentation des bœufs pendant les mois de juin et juillet (environ 20 000 Fcfa) et de couvrir les charges liées aux surfaces supplémentaires ensemencées grâce à la paire de bœufs additionnelle. Ces charges comprennent les semences et les éventuels frais de main d’œuvre destinée à désherber les surfaces supplémentaires. Cette opération permet de dégager un léger bénéfice monétaire et d’augmenter la production agricole.

L’investissement dans la traction attelée pratiqué avec de tels taux d’intérêt ne paraît donc envisageable qu’à la seule condition que les bœufs soient revendus après l’hivernage pour rembourser le capital emprunté et ses intérêts. Ce type de formule ne convient pas à une famille qui ne bénéficie pas de la traction attelée et qui souhaiterait s’équiper de bœufs de labour. D’autant plus que des crédits d’un montant si élevé s’adresse à des exploitations qui possèdent déjà des bœufs et qui peuvent justement les avancer à titre de garantie. Dans ce contexte, ce type de crédit paraît inadapté pour les exploitations de type III ou IV qui souhaiterait améliorer leur système de production.

Si nous prenons l’exemple du type IV : la valeur du produit des cultures pluviales est de l’ordre 400 000 Fcfa. Sur les bases d’une augmentation de 50% de ce produit par le passage à la culture attelé grâce à l’augmentation des surfaces, soit un produit annuel supplémentaire de 200 000 Fcfa environ, et la possibilité d’obtenir 60 000 Fcfa grâce aux prestations de labour, le produit annuel supplémentaire peut-être de l’ordre de 200 000 Fcfa.

Pour un crédit de 360 000 Fcfa visant à prendre en charge l’achat des bœufs (300 000 Fcfa) et l’entretien des bœufs pour la première année (60 000 Fcfa environ, comprenant l’alimentation, le gardiennage et les soins vétérinaires), il apparaît nécessaire d’étaler le remboursement du prêt sur 3 ans. Avec un taux d’intérêt de 15% (voire inférieur), cela permet de pouvoir rembourser le capital et ses intérêts en trois versements tout en pouvant maintenir une somme d’argent nécessaire à l’entretien des bœufs, et sans dégrader le niveau de consommation familiale. Un crédit établi sur une période inférieure permettrait difficilement de pouvoir maintenir les bœufs sur l’exploitation.

1ère année 2ème année 3ème année

Capital restant à rembourser 360 000 240 000 120 000

Montant des intérêts 54 000 36 000 18 000 Somme à verser 174 000 156 000 138 000 Charges

annuelles Entretien des bœufs 60 000 60 000 60 000 Produit annuel

(valeur prudentielle) 260 000 260 000 260 000

Tableau 20. Charges et produit annuels liés à l’achat de bœuf de labour avec un crédit sur 4 ans.

A Darsalam par exemple, où les bœufs de labour font cruellement défauts, les ressources de la caisse apparaissent comme une limite majeure à la mise en place de tels crédits. L’encours moyen des dépôts était de 3 318 170 Fcfa en 2006, et des crédits de

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97

400 000 Fcfa trancheraient avec les crédits actuels qui sont en moyenne de 27 000 Fcfa à Darsalam. D’autant plus que, par mesure prudentielle au sein du réseau, les crédits sont plafonnés à hauteur de 5% de l’encours moyen de la caisse dont ils proviennent. Cela limite les crédits à 165 000 Fcfa pour Darsalam. Limiter la hauteur des crédits permet de réduire les risques de faillites en cas de non-remboursements.

Une autre limite à ce type de crédit est que les familles qui souhaiteraient s’équiper en bœufs de labour ne disposent pas de garantie de valeur équivalente à un tel emprunt. Les bœufs pourraient éventuellement être saisis pour être revendu en cas de non-remboursement, mais cela reste une garantie faible.

5.5.1.2 Limites du crédit à court terme dans le cad re du financement du maraîchage

5.5.1.2.1 Liens entre le maraîchage et la trésorerie générale

La difficulté pour la mise en place d’une campagne maraîchère est la nécessité d’avoir des ressources disponibles dès le début du mois de septembre (voire la fin du mois d’août) pour se procurer les semences et mettre en place les pépinières. Le mois de septembre est malheureusement un des mois les plus difficiles. Il s’agit du dernier mois de soudure (on attend l’arrivée du maïs) et il coïncide actuellement avec le ramadan, période de grande dépense, ainsi que la rentrée des classes pour les enfants scolarisés. Il est parfois délicat pour les maraîchers de maintenir une réserve d’argent suffisante depuis la fin de la campagne maraîchère précédente pour initier la nouvelle campagne.

Toutefois, les stratégies qu’ont développé les agriculteurs pour financer leurs campagnes maraîchères sont nombreuses. Même si la période d’hivernage est généralement consacrée à la culture des céréales et que le créneau libéré pour les autres cultures est mince, les agriculteurs s’organisent pour implanter quelques cultures de rente (concombres dans les bas-fonds notamment qui rentrent en production après 45 jours) en période d’hivernage afin d’assurer une rentrée d’argent pendant le mois d’août. Sinon ils tentent d’accommoder leur emploi du temps pour trouver quelque emploi rémunéré qui permettra de financer le début de la campagne.

De toute évidence, parvenir à réunir le fonds de trésorerie nécessaire pour entamer la campagne maraîchère s’avère plus délicat encore que de réunir les ressources nécessaires au démarrage de la saison agricole pluviale. Cela rend le financement de cette activité d’autant plus crucial. Malheureusement, octroyer des crédits en septembre à destination du maraîchage implique une double difficulté : d’une part les dépôts des épargnants ont pu être retirés pour faire face à la soudure, et d’autre part la demande est élevée et ne peut pas attendre (car les fenêtres d’intervention en maraîchage, et en agriculture de manière générale, sont relativement restreintes).

Pour les villages qui bordent le fleuve, l’activité maraîchère affiche une relative indépendance par rapport à la pluviométrie. Que la saison des pluies soit bonne ou mauvaise, l’eau du fleuve qui vient alimenter ces cultures reste disponible. Ce constat peut laisser penser que le financement du secteur maraîcher est un investissement plus sûr que l’agriculture pluviale, puisque moins corrélé aux aléas du climat. La forte interrelation, en termes de gestion de la consommation et de la trésorerie, entre l’activité maraîchère et l’agriculture pluviale nous amène toutefois à invalider cette hypothèse. Une mauvaise année de culture céréalière condamnera le maraîcher à allouer une grande partie des bénéfices tirés du maraîchage à des fins de consommation en denrée de base, amputant ainsi ses capacités à renouveler son capital ou à rembourser un éventuel crédit.

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5.5.1.2.2 Quel type de prêt pour le financement de motopompes

Les avantages liés à l’utilisation d’une motopompe dans l’activité maraîchère sont nombreux. Un tel matériel permet de considérablement réduire la pointe de travail lié à l’irrigation manuel des casiers, surtout en période chaude, lorsque les cultures sont particulièrement exigeantes en eau. D’autre part, la capacité d’irrigation des motopompes permet d’augmenter la productivité des cultures. Le temps gagné par l’usage d’une motopompe permet d’augmenter les surfaces maraîchères misent en valeur et de libérer du temps pour d’autres activités. Certains maraîchers ont rapporté pouvoir se libérer du temps pour assister à des formations en maraîchage dispensées par des membres du GRDR depuis qu’ils avaient fait l’acquisition d’une motopompe, leur permettant de perfectionner leurs techniques dans une zone où la pratique du maraîchage est encore relativement récente.

L’introduction d’une motopompe dans l’exploitation agricole suppose d’avoir les surfaces nécessaires pour amortir son utilisation et de dégager des revenus supplémentaires par rapport aux revenus qu’apportait le maraîchage dans la situation antérieure. Soit l’agriculteur dispose déjà d’une surface suffisante pour valoriser l’utilisation d’une motopompe, soit il devra parvenir à trouver de nouvelles surfaces.

Pour un prêt permettant de passer du type II’ au type III’ en termes d’activité maraîchère, donc nécessitant l’investissement dans une motopompe et la prise en charge des frais liés au fonctionnement de la motopompe et à une plus grande surface cultivée, les frais sont les suivants :

Investissement : Motopompe 4 chevaux + boyau d’aspiration/crépine = 230 000 + 40 000 = 270 000 Fcfa

Produit maraîcher Charges liées à l’activité maraîchère

Type I’ 855 000 Fcfa 160 000 Fcfa

Type II’ 330 000 Fcfa 20 000 Fcfa

Tableau 21. Charges et produits maraîchers pour les type I’ et II’.

En partant sur les bases d’un crédit à 25% sur an tel qu’il en est classiquement délivré dans les caisses : le prêt doit pouvoir prendre en charge l’investissement (270 000 Fcfa) ainsi que les charges supplémentaires (160 000 – 20 000 = 140 000 Fcfa), soit un prêt de 410 000 Fcfa. La différence en termes de produit est de 855 000 – 330 000 = 525 000 Fcfa. Cela permet de rembourser le prêt de 410 000 Fcfa en 1 an avec une différence de 115 000 Fcfa qui couvre tout juste les intérêts de 25%. Mais cela impliquerait de dédier quasiment l’ensemble du produit de la campagne maraîchère au remboursement du prêt ! En d’autres termes l’ensemble des bénéfices serait absorbé, ce qui ne permettrait pas d’assurer les charges de 160 000 Fcfa sur la campagne maraîchère suivante.

Pour permettre à l’emprunteur de conserver une marge de l’ordre de 250 000 Fcfa afin d’assurer à la fois :

� Les éventuels frais de consommation familiale supplémentaires liés à une mauvaise saison agricole ou un évènement imprévu

� Les charges de la campagne maraîchère suivante

� Une éventuelle réparation de la motopompe

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Il convient d’étaler le remboursement du prêt sur 2 ans avec un taux de 15% : 210 000 Fcfa du capital de départ sont remboursés la première année (auquel on ajoute les intérêts sur l’ensemble du montant), et les 200 000 Fcfa restant sont remboursés la deuxième année.

Montant du prêt

(en Fcfa)

Montant des intérêts

première année

Somme à rembourser première

année

Capital restant à

rembourser

Montant des intérêts 2ème

année (sur le capital

restant)

Somme à rembourser deuxième

année

Prêt sur 1 an à 25% 410 000 102 500 512 500 0 0 0

Prêt sur 2 ans à 15% 410 000 61 500 271 500 200 000 30 000 230 000

Tableau 22. Remboursements liés à des prêts sur un an ou deux ans.

Ce type de prêt permettrait d’assurer le remboursement du prêt sans dégrader la consommation familiale tout en se prémunissant du risque d’une mauvaise année agricole (où le produit du maraîchage viendrait à équilibrer les déficits en céréales). Il convient toutefois de s’assurer que l’emprunteur dispose de surfaces suffisantes pour valoriser un tel investissement.

5.5.1.3 Bilan sur les limites du crédit à court ter me

Les crédits à court terme trouvent largement leur place dans bon nombre de cas, et peuvent s’insérer à des moments stratégiques dans la trésorerie des familles. Dans le cadre de l’agriculture, ils peuvent aider à financer des campagnes maraîchères, à acheter des semences, à payer l’alimentation des animaux d’embouche ou tout simplement aider à combler les trous de la trésorerie à des moments décisifs du cycle des exploitations (ex : forte demande en petits crédits au moment de la soudure).

Toutefois, les exemples de la traction animale et du maraîchage viennent mettre en avant les limites du crédit à court terme et de sa capacité à faire évoluer les exploitations agricoles d’un système de production à un autre.

De manière générale, les crédits à court terme, aux montants élevés, trouvent plus facilement leur place dans des activités commerciales dont les profits s’étalent sur des échéances courtes. Dans le cadre du commerce tel qu’il est pratiqué, des biens sont achetés et sont revendus à un prix plus élevé quelques semaines ou mois après. Si tout est revendu, le capital de départ est récupéré (donc le capital du crédit peut être remboursé). Il reste la marge entre le prix d’achat et le prix de vente qui couvre généralement les intérêts et les frais de transport, tout en laissant au commerçant un léger bénéfice. Dans le cadre du financement d’équipements (bœufs/motopompes/charrettes), l’objectif est de maintenir le capital acquis au sein de l’exploitation. Le crédit à court terme ne fonctionnera que si les bœufs, la motopompe ou la charrette sont revendus à l’issue de leur utilisation pour recouvrir le montant de l’emprunt. Cela est à la fois risqué et en désaccord avec l’idée de faire évoluer le système de production des familles de façon durable.

Il apparaît donc que l’agriculture ne soit efficacement finançable qu’au travers de crédits à moyen terme de deux ou trois ans. Ce type de crédit permettrait une nette évolution des systèmes de production et garantirait un meilleur équilibre des budgets familiaux sur le

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long terme. Dans le cadre de l’agriculture, les crédits à court terme peuvent s’avérer efficace pour maintenir le système de production en cas d’insuffisance monétaire sans avoir à décapitaliser, mais ne permettent pas une évolution notable du système de production.

5.5.2 Des perspectives de crédits à moyen terme

Les crédits à moyen terme ne sont toutefois pas encore d’actualité au sein du réseau et la majorité des crédits octroyés par les caisses sont des crédits à court terme (à l’exception de la ligne d’investissement abritée par la caisse de Samé). Les caisses manquent de ressources, en termes de volume, mais surtout en termes de durée. Mettre en place des crédits à moyen ou à long terme implique d’avoir une épargne qui réponde à ces cycles de financement, immobilisée sur des cycles supérieurs à une année.

Les élus responsables au sein des caisses villageoises, et plus globalement au sein du réseau, ont souvent déclaré ressentir le besoin de pouvoir accéder à ce type de crédits à moyen terme. La trajectoire d’évolution du réseau et les perspectives du CAMIDE (cf. Annexe 1), à travers la mise en oeuvre du système de transfert des fonds de migrants, de la mise en place d’une banque centrale urbaine (qui bénéficiera également du fort taux d’épargne en ville), laissent présager de la possibilité de proposer des crédits sur des cycles plus longs, avec des taux d’intérêts plus faibles.

5.5.3 Nature des ressources issues de la migration et utilisation

Les ressources des villages liées à la migration prennent trois formes principales :

� La première forme est le transfert d’argent direct, du migrant à sa famille. Elle s’adresse directement au foyer et vient principalement en appui à la consommation.

Cette ressource s’oriente apparemment peu vers des activités productives. Engager un investissement, quel qu’il soit, peut poser des problèmes de contrôle. Le migrant demeurant à l’étranger ne peut pas vérifier l’orientation que prend l’argent investi, susceptible d’être dissolu au sein de la famille.

Certains migrants, en France, préfèrent peut-être même investir dans le départ d’un des membres de leur famille à l’étranger que dans un investissement au village. Cela constitue une certaine garantie sur l’utilisation de l’argent, et cela permet surtout d’alléger le poids de leur soutien économique à la famille. Le membre de la famille nouvellement arrivé pourra en effet aider les migrants déjà sur place à supporter les dépenses de la famille au village.

� La seconde forme est indirecte : nous avons vu que cette appui à la consommation créait une importante capacité d’épargne monétaire au sein des familles.

C’est de cette seconde forme dont bénéficient jusqu’à présent les caisses du réseau dont l’épargne est en grande partie alimentée par ces ressources. L’argent est alors octroyés au villageois sous l’autorité de la caisse, et doit nécessairement être remboursé. Cette forme de responsabilité oriente certainement plus spontanément l’utilisation de l’argent vers des activités productives. Mais la nature des prêts ne cadre pas nécessairement avec les caractéristiques des besoins de l’activité agricole.

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� La troisième forme est la mobilisation de l’épargne collective au sein des associations de ressortissants, gérée sur place par une association villageoise.

Ces associations disposent du niveau de structuration et d’expérience nécessaire pour cibler l’orientation de l’argent. Certaines d’entre elles déposent même leurs fonds dans les caisses villageoises. Mais il n’existe jusqu’à présent aucune articulation concrète entre les caisses et ces associations.

La mise en place du système de transfert d’argent constituera une quatrième forme de ressource liée à la migration. Il permettra de mobiliser directement les ressources des migrants au sein des caisses en leur proposant des produits d’épargne. D’autre part, une partie des commissions perçues pourra couvrir les charges d’exploitation du système de transfert tout en dégageant des surplus convertibles en crédits à l’échelle du réseau.

5.5.4 Quelles potentialités pour des crédits à l’éc helle collective ?

Le financement de l’agriculture peut se faire à l’échelle de l’exploitation comme à une échelle plus large, collective. Les potentialités du CAMIDE et le pouvoir d’investissement des associations de migrant laisse entrapercevoir des possibilités de financement qui sortiraient du cadre classique de la microfinance comme appui aux simples capacités d’investissement familiales.

Il est certes déjà possible d’emprunter de l’argent des caisses à titre individuel comme à titre de groupe (banque de céréales, groupement féminin…). En ce sens, les caisses octroient déjà des prêts collectifs. Mais aucun produit de crédit spécifique n’a été créé à leur égard. Ces crédits répondent aux mêmes caractéristiques que les autres, à savoir des crédits à court terme à des taux de l’ordre de 25%.

Dans le cadre de financements plus conséquents avec ces perspectives de crédits à moyen terme, il convient de définir quels seraient les interlocuteurs privilégiés.

Historiquement, la quasi inexistence de surplus agricoles et la faible présence de cultures commerciales n’a pas amené le monde rurale de la région à s’organiser autour de la commercialisation ou de l’accompagnement de la production. De manière générale, les organisations paysannes sont soit inexistantes, soit peu structurées. Seules celles qui se sont organisées autour du maraîchage ont pris un certain essor. La coordination des femmes de Samé en est un exemple. Il s’agit d’une organisation paysanne relativement structurée qui a su s’insérer dans de nombreux réseaux et démarches. Mais globalement, s’adresser aux groupements ou organisations paysannes reviendrait à écarter une large partie des exploitants agricoles. Les formes associatives les plus structurées sont finalement les associations de migrants et leur écho au sein des villages. Elles représentent de fortes potentialités en termes de mobilisation de ressources, et leur structuration commence à se calquer sur les schémas de la décentralisation : des associations communales et des fédérations commencent à faire leur apparition.

Il convient toutefois de s’interroger sur la place qu’accordent ces associations aux projets agricoles. Au sein des familles de migrants, le montant de la rente migratoire peut être équivalent voire supérieur aux revenus agricoles (tableau 13). Elles ne placent donc pas nécessairement l’agriculture sur le même plan que les familles sans migrants pour lesquelles l’agriculture représente la moitié voire les trois quarts du revenu annuel. Ce phénomène peut être une explication partielle à la faible implication des associations de migrants dans les projets agricoles.

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Au-delà de l’importance économique du secteur agricole dans les budgets familiaux, d’autres aspects sont à prendre en compte. La vision des différents acteurs clés sur ce sujet : certains jeunes notamment n’aspirent aujourd’hui qu’à partir à l’étranger et imiter leurs aînés qui à leurs yeux prospèrent en dehors de la région de Kayes. Cela limite l’idée d’investir à long terme dans l’appareil productif agricole et favorise l’implication dans des activités à court terme. L’école est quant à elle très peu perçue comme une stratégie de mobilité du statut sociale, et laisse encore le champ libre à la migration.

5.5.5 Des partenariats sont-ils envisageables ?

Outre l’éventuel renforcement des liens entre le CAMIDE et les projets des associations de migrants, le réseau des caisses peut chercher à s’appuyer sur des projets qui visent à mettre en place un cadre favorable à l’évolution du secteur productif dans la zone. En dehors des innovations envisageables en termes de mobilisation de ressources et de crédits, les stratégies d’évolution du CAMIDE et des caisses villageoises peuvent reposer sur des partenariats avec d’autres associations ou ONG. La multidisciplinarité de l’équipe du CAMIDE (à la fois composée de financiers et d’agronomes) laisse place à cette ouverture.

A titre d’exemple, le GRDR dispose d’une expérience de plus de 30 ans dans le secteur rural dans la région. Les histoires du CAMIDE et du GRDR sont fortement entremêlées, certains acteurs ont évolué dans les deux structures, pourtant aucun partenariat concret n’a été mis en œuvre. Des efforts communs permettraient de mettre à profit le degré de capitalisation en expériences du GRDR et les capacités financières et techniques du CAMIDE. Si de nouveaux types de prêts à moyen terme sont accordés, autant les insérer dans des initiatives plurisectorielles et un cadre de partenariats solide.

A ce titre, le projet TKLM1 est un exemple de projet mené par le GRDR qui pourrait attirer le regard du CAMIDE. Ce projet est mené sur trois communes pilotes, dont les communes de Koussané et Marintoumania (voir carte p.14) où des caisses du réseau sont présentes. Il porte entre autre sur la définition de règles de gestion et d’usage d’aménagements hydro-agricoles et des ressources locales avec l’appui de techniciens locaux. Le projet porte actuellement sur 15 aménagements hydro-agricoles, 6 retenues d'eau et 180 Ha valorisés pour les cultures de décrue.

L’initiative mérite d’être examinée mais nous n’avons pas été sur ces communes pour avancer des arguments justifiant un tel partenariat. Toutefois, la problématique de l’aménagement et la maîtrise des ressources en eau apparaissent comme des facteurs décisifs de sécurisation des investissements agricoles dans une zone qui connaît tant d’irrégularités pluviométriques. Les familles sans migrants mais disposant d’un léger pouvoir d’investissement oriente parfois plus volontiers leurs ressources vers des activités extra-agricoles rentabilisées par la demande stable des familles de migrants. La maîtrise de l’eau et l’encadrement des cultures de décrue, appuyés par un système de financement adapté, pourraient éventuellement réorienter une partie de leurs ressources vers le secteur agricole.

(1) TKLM : Térékollé - Kolimbiné - Lac Magui : zone hydrologique partant de la ville de Kayes jusqu’à l’Est de Yélimané. Véritable épine dorsale de toute la zone de migration (la plupart des villages y sont installés), elle s’étend sur un bassin de 25 000 km² autour d’un axe de près de 200 km de long. Cette zone a fait l’objet de plusieurs études en 1935, dans les années 60, dans les années 80 et enfin en 2000 par le GRDR. Près de 10 000 ha sont aménageables et une réflexion est en cours sur l’éventuelle mise en place d’une agence de bassin.

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CONCLUSION

Le phénomène migratoire, bien qu’ancien chez les Soninkés, s’est accentué avec les perturbations qu’a rencontré le système agraire pendant la phase de colonisation dans la zone de Kayes. D’une migration saisonnière et locale, le phénomène est devenu prolongé et orienté vers l’international, prenant une dimension économique de plus en plus prépondérante.

L’appui économique des membres expatriés à leur famille a créé des clivages importants et a redessiné l’environnement socio-économique des villages. Aujourd’hui des distinctions se constatent à plusieurs niveaux : la structure des familles, les systèmes de production agricole en place, le niveau de consommation et la nature des activités extra-agricoles diffèrent entre les familles insérées dans les stratégies migratoires et celle qui ne le sont pas.

Parallèlement à l’appui à leurs familles, les migrants investissent dans des infrastructures au sein de leur village d’origine à travers une épargne collective. Ces investissements répondent aux motivations fondamentales qui ont pu encourager les migrants à quitter leur village, à savoir améliorer les conditions de vie et le confort de leurs familles restées sur place. Cependant, les investissements réalisés (centre de santé, adduction en eau potable…) engendrent parfois des charges qui maintiennent la dépendance économique que la migration a instaurée. L’exemple des magasins coopératifs qui visent à réduire le prix des biens de consommation apparaît plus comme un instrument de gestion de cette dépendance économique qu’un véritable moyen de lutte à l’encontre de ce phénomène.

Globalement, l’économie des familles de migrants apparaît moins soumises aux variabilité intra et interannuelle que peut afficher la trésorerie familiale. Cela justifie la persistance des familles dans les stratégies migratoires. Au sein de l’économie familiale, même si l’agriculture reste indispensable à l’équilibre des budgets, elle ne semble pas nécessairement justifier une allocation importante du budget à ce secteur. Même les familles sans migrants, pour certaines d’entre elles, semblent favoriser des investissements dans des activités extra-agricoles permettant de répondre à la demande stable des migrants plutôt que d’investir dans le secteur de l’agriculture. Les familles dont l’économie est la plus vulnérable sont quant à elles dans une position où l’évolution du système de production s’avère indispensable. Ces distinctions font que la part de l’agriculture n’est pas la même d’une famille à l’autre, et que la nature des besoins en financement pour le secteur agricole diffère également.

Les crédits à court terme tels qu’ils sont proposés dans les caisses villageoises peuvent trouver leur place dans les budgets familiaux, mais affichent des limites pour l’évolution des systèmes de production. Ce constat justifie la faible utilisation des crédits à destination du secteur agricole à l’échelle du réseau. Les familles de migrants sont généralement équipées en matériel agricole de base (bœufs, charrettes…), et pourtant seules ces dernières peuvent utiliser des crédits à court terme pour réaliser ce type d’investissement. Sur les bases de calculs prenant en compte les capacités de remboursement des familles et le maintien de leur niveau de consommation, le crédit à moyen ou long terme semble être la seule réponse financière appropriée à l’évolution des systèmes de production des familles les moins équipées.

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Les familles de migrants étant déjà relativement équipées, l’évolution du cadre du secteur productif agricole associés à des crédits à moyen terme conforteraient peut-être sensiblement l’intérêt qu’ils portent au secteur agricole. Ce type d’environnement semble pouvoir plus spontanément se dessiner à travers la mise en place de partenariats appropriés avec les associations de migrants et les ONG évoluant dans le domaine rural que par la simple élaboration de crédits individuels adaptés.

Les perspectives du CAMIDE, l’accroissement des ressources du réseau et la mise en place de nouveaux instruments de financement (système de transferts de fonds des migrants, caisse centrale…) laissent envisager la satisfaction d’une demande de crédits à plus long terme. Même si la gestion de tels crédits n’est pas encore intégrée dans l’activité du CAMIDE, le cadre que l’institution a su créer semble permettre la mise en place de tels financements.

Le CAMIDE se doit toutefois de se positionner sur certaines questions. L’hétérogénéité des situations économiques s’observe d’une famille à l’autre, mais également d’un village à l’autre. Les villages sans migrants, plus tributaires de l’activité agricole, peinent à mobiliser les ressources nécessaires à la mise en place de crédits. La dynamique d’expansion du réseau amènera très certainement le CAMIDE à se demander s’il souhaite parfaire les équilibres économiques des caisses ou écarter celles jugées moins rentables (à l’image de celle de Darsalam).

Certains défis commencent à poindre pour la zone. La migration est remise en cause par les politiques européennes actuelles. L’impact d’un ralentissement des flux migratoires se verrait à l’échelle des familles de migrants comme à l’échelle de celles sans migrants, devenues pour certaines tributaires de la demande des familles aux ressources monétaires plus conséquentes. Le désenclavement de Kayes lié à l’inauguration de la route reliant Bamako à Kayes, sur le point d’être intégralement goudronnée, pourrait également porter atteinte à l’économie locale. Cet axe est susceptible d’augmenter la concurrence interrégionale et d’affaiblir le secteur agricole du cercle, justifiant certaines mesures pour son renforcement.

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Index des Figures

Figure 1. Situation géographique du cercle de Kayes et découpage des communes. .............. 14 Figure 2. Production céréalière par région (en kg/habitant)..................................................... 19 Figure 3. Répartition des secteurs d’intervention des associations de ressortissants............... 25 Figure 4. Répartition des volumes d’investissements selon les secteurs ................................. 26 Figure 5. Localisation des villages étudiés dans le cercle de Kayes ........................................ 35 Figure 6. Ancienne organisation du travail agricole................................................................ 39 Figure 7. Schéma de la composition des familles .................................................................... 47 Figure 8. Schéma de fonctionnement du budget familial......................................................... 52 Figure 9. Sols et réseau hydrographique des villages de Gouméra et Gory Gopéla ................ 59 Figure 10. Organisation des cultures au village de Samé ........................................................ 61 Figure 11. Calendrier fourrager et localisation des bovins. ..................................................... 67 Figure 12. Typologie des familles – Liens entre rente migratoire, structure de la consommation et système de production. ................................................................................ 75 Figure 13. Successions culturales maraîchères en fonction du degré d’équipement. .............. 77 Figure 14. Demande en crédits et taux de souffrances en fonction du genre et du montant.... 90 Figure 15. Nombre moyen de demandes de petits crédits par mois. période 2002-2006. ....... 91 Figure 16. Nombre moyen de demandes de petits crédits par mois sur la période 2002-2006 92 Figure 17. Corrélation entre climatologie et demande en crédits. ........................................... 93

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Index des Tableaux

Tableau 1. Nombre d’établissements éducatifs dans les communes de Logo, Hawa Dembaya, Gory Gopéla et Ségala.............................................................................................................. 15 Tableau 2. Production de céréales en kilogrammes par habitant pour les différentes régions du Mali. ......................................................................................................................................... 19 Tableau 3. Rubriques détaillées pour l’ensemble des familles de Gory Gopéla...................... 43 Tableau 4. Nombre de migrants et degré de capitalisation moyens par type de famille.......... 44 Tableau 5. Hauteur moyenne des transferts par migrant.......................................................... 54 Tableau 6. Tableau des caractéristiques des systèmes de culture céréalier.............................. 64 Tableau 7. Tableau des caractéristiques des systèmes de culture SC6, SC7, SC8 et SC9....... 65 Tableau 8. Liste des métiers et ateliers des villages de Gory Gopéla et Gouméra .................. 71 Tableau 9. Rentabilité comparée d’une boulangerie et du travail de main d’oeuvre............... 71 Tableau 10. Les différentes formes d’exploitation du bois...................................................... 73 Tableau 11. Typologie des familles dans les villages de migrants. ......................................... 76 Tableau 12. Typologie des profils maraîchers à Samé............................................................. 77 Tableau 13. Présentation des résultats de la modélisation de la trésorerie des familles. ......... 79 Tableau 14. Variation du produit familial global selon la qualité des campagnes agricoles. .. 81 Tableau 15. Comparaison de l’évaluation de la rente migratoire pour des familles avec 1 et 3 migrants.................................................................................................................................... 82 Tableau 16. Portefeuilles de crédits des caisses de Gory Gopéla et Gouméra......................... 87 Tableau 17. Caractéristiques moyennes des crédits par genre. ................................................ 90 Tableau 18. Analyse des crédits octroyés aux différents types de familles. ............................94 Tableau 19. Charges et produit liés à l’achat de bœufs de labour avec un crédit à court terme................................................................................................................................................... 95 Tableau 20. Charges et produit annuels liés à l’achat de bœuf de labour avec un crédit sur 4 ans............................................................................................................................................. 96 Tableau 21. Charges et produits maraîchers pour les type I’ et II’. ......................................... 98 Tableau 22. Remboursements liés à des prêts sur un an ou deux ans. ..................................... 99

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Sommaire détaillé

Résume....................................................................................................................................... 5 Abstract ...................................................................................................................................... 6 Remerciements ........................................................................................................................... 7 Sommaire ................................................................................................................................... 8 Introduction ................................................................................................................................ 9 1 Le phénomène de migration et son influence sur le secteur agricole.............................. 11

1.1 Histoire de la migration en pays Soninké................................................................. 11 1.1.1 Les migrations pendant l’époque coloniale : des migrations saisonnières pour combler les défaillances d’un système agraire en crise.................................................... 11 1.1.2 Les migrations post-coloniales : d’une forme de migration saisonnière à une migration prolongée et lointaine ...................................................................................... 12

1.2 Caractérisation de la migration dans le cercle de Kayes.......................................... 13 1.2.1 Une migration qui ne concerne pas tous les villages, ni toutes les ethnies ...... 15

1.2.1.1 Une différenciation des stratégies par l’accès à l’éducation ........................ 15 1.2.1.2 Des histoires villageoises divergentes.......................................................... 16

1.2.2 Des situations hétérogènes d’une famille à l’autre........................................... 16 1.3 La relative marginalisation de l’activité agricole..................................................... 17

1.3.1 Le secteur agricole : le premier secteur économique du Mali.......................... 17 1.3.1.1 Evolution du rôle de l’état dans le secteur des céréales ............................... 17 1.3.1.2 Les autres secteurs de l’économie agricole au Mali..................................... 18

1.3.2 Une production agricole déficitaire dans la région de Kayes........................... 18 1.3.3 Une zone très monétarisée et de forte importation........................................... 20

1.4 Les associations de ressortissants maliens en France : d’une stratégie familiale à une stratégie collective autour de la migration ........................................................................... 20

1.4.1 Contexte d’émergence...................................................................................... 20 1.4.2 Contribution au budget familial et mise en place d’une épargne collective .... 21 1.4.3 Evolution du rôle des associations de migrants ............................................... 22

1.4.3.1 De la construction de mosquées à l’appui à l’éducation .............................. 22 1.4.3.2 Quelle place pour l’agriculture dans les projets des associations ?.............. 22

1.4.3.2.1 Naissance de L’URCAK ........................................................................23 1.4.3.2.2 L’ORDIK ............................................................................................... 23 1.4.3.2.3 L’association Diama Djigui ................................................................... 24 1.4.3.2.4 Poids des projets agricoles dans les associations à l’échelle du cercle .. 25

1.4.4 Les associations de migrants à l’origine du paysage des ONG à Kayes : l’exemple du CAMIDE .................................................................................................... 26 1.4.5 Interrogations actuelles au sein des associations de migrants.......................... 27

2 Problématique et présentation des villages étudiés .......................................................... 28 2.1 Problématique........................................................................................................... 28 2.2 Méthodologie ........................................................................................................... 29

2.2.1 Enquêtes auprès des ménages .......................................................................... 29 2.2.1.1 Gestion des ressources et du produit familial............................................... 30

2.2.1.1.1 Consommation alimentaire ....................................................................30 2.2.1.1.2 Consommation et dépenses primaires .................................................... 31 2.2.1.1.3 Equipements et investissements ............................................................. 31 2.2.1.1.4 Dépenses spécifiques.............................................................................. 31

2.2.1.2 Systèmes d’activité et modélisation de la trésorerie des familles ................ 31 2.2.1.2.1 Systèmes de production.......................................................................... 31

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2.2.1.2.2 Activités extra-agricoles......................................................................... 32 2.2.1.2.3 Modélisation des différents types d’unité familiale ............................... 32

2.2.2 Etudes antérieures ............................................................................................ 32 2.2.3 Analyse des crédits et de leur utilisation.......................................................... 33 2.2.4 Analyse du contexte institutionnel ................................................................... 33

2.3 Présentation des villages .......................................................................................... 34 2.3.1 Critères de choix des villages et familles étudiés............................................. 34 2.3.2 Des histoires divergentes.................................................................................. 35

3 Analyse de la structure et du fonctionnement des familles.............................................. 37 3.1 Organisation sociale ................................................................................................. 37

3.1.1 Une société hiérarchisée................................................................................... 37 3.1.2 Hiérarchie familiale et migration ..................................................................... 38 3.1.3 Organisation du travail familial et évolutions récentes.................................... 38

3.1.3.1 Travaux agricoles ......................................................................................... 38 3.1.3.2 Travaux extra agricoles ................................................................................ 40

3.2 Analyse du fonctionnement des ménages ................................................................ 41 3.2.1 Cadre théorique ................................................................................................ 41 3.2.2 Observation des familles Soninkés .................................................................. 41

3.3 Observation de la structure des familles .................................................................. 43 3.3.1 Des familles plus ou moins élargies en fonction du degré d’insertion dans les stratégies migratoires........................................................................................................ 43 3.3.2 La rente migratoire : facteur d’unité ou d’éclatement des familles.................. 45 3.3.3 Les familles sans migrants ............................................................................... 46

3.4 Caractérisation des rôles économiques et des dépenses des membres de la famille47 3.4.1 Le cas des familles avec migrants .................................................................... 47

3.4.1.1 Composition de la famille ............................................................................ 47 3.4.1.2 Fonctionnement du budget familial.............................................................. 48

3.4.1.2.1 Composition du produit familial ............................................................ 48 3.4.1.2.2 Postes de dépenses et de consommation : .............................................. 49 3.4.1.2.3 Charges liées au système de production agricole et aux activités extra-agricoles 50 3.4.1.2.4 Nature de la contribution des migrants .................................................. 51 3.4.1.2.5 Liens entre l’apport des migrants et la capacité d’épargne des familles 54

3.4.2 Familles sans migrants ..................................................................................... 54 3.4.3 Gestion des déficits vivriers : possibilité d’achats à l’avance ou soumission au marché 54

4 Analyse des activités et de la trésorerie des familles ....................................................... 56 4.1 Mise en valeur du milieu.......................................................................................... 56

4.1.1 Les contraintes du contexte sahélien................................................................ 56 4.1.2 Les villages de Gory Gopéla et Gouméra ........................................................ 57

4.1.2.1 Organisation des cultures ............................................................................. 57 4.1.2.2 Mise en valeur des bas-fonds ....................................................................... 58

4.1.3 Les villages de Samé et Darsalam.................................................................... 60 4.1.3.1 Organisation des cultures ............................................................................. 60 4.1.3.2 Les berges : une zone favorable à la pratique du maraîchage...................... 60

4.2 Analyse des activités agricoles................................................................................. 62 4.2.1 Analyse des systèmes de culture ...................................................................... 62

4.2.1.1 La culture du maïs ........................................................................................ 62 4.2.1.1.1 Une culture exigeante en eau et en éléments nutritifs qui permet d’assurer l’alimentation de la fin de la période de soudure...................................... 62

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4.2.1.1.2 Une céréale que seules les familles aisées cultivent sur de grandes surfaces 62

4.2.1.2 Le mil et le sorgho : les cultures de sécurité alimentaire ............................. 63 4.2.1.3 Charges et rendements des cultures céréalières ........................................... 63 4.2.1.4 La culture d’arachide.................................................................................... 64

4.2.1.4.1 Une culture principalement féminine..................................................... 64 4.2.1.4.2 Utilisation des résidus de culture ........................................................... 64

4.2.1.5 La culture du gombo .................................................................................... 65 4.2.1.6 Les cultures maraîchères, conditionnées par le degré d’équipement ........... 65

4.2.2 Les systèmes d’élevage .................................................................................... 66 4.2.2.1 Les élevages bovins...................................................................................... 66

4.2.2.1.1 Migration et influence sur la constitution de cheptels bovins................ 66 4.2.2.1.2 Calendrier fourrager et gardiennage....................................................... 67 4.2.2.1.3 Des distinctions dans la valorisation des produits issus de l’élevage .... 67

4.2.2.2 Les élevages de petits ruminants.................................................................. 68 4.2.2.3 L’utilisation de l’âne .................................................................................... 68

4.3 Degré d’équipement et influence sur le système d’exploitation .............................. 68 4.3.1 La traction attelée ............................................................................................. 68 4.3.2 La charrette : un investissement à destination des activités agricoles comme extra-agricoles .................................................................................................................. 69 4.3.3 Le recours au multiculteur et au semoir pour les cultures pluviales ................ 69

4.4 Les activités extra-agricoles ..................................................................................... 70 4.4.1 Le cas des villages de migrants ........................................................................ 70

4.4.1.1.1 Les activités commerciales..................................................................... 72 4.4.1.1.2 Genèse de nouvelles formes d’activité................................................... 72

4.4.2 Le cas des villages de Darsalam et Samé.........................................................73 4.5 Typologie des familles ............................................................................................. 74

4.5.1 Critères de différenciation au sein des villages de migrants ............................ 74 4.5.2 Les familles fortement impliquées dans l’activité maraîchère......................... 76

4.6 Modélisation économique de la trésorerie des familles ........................................... 78 4.6.1 Création du modèle économique...................................................................... 78 4.6.2 Limites du modèle............................................................................................ 78 4.6.3 Présentation des résultats ................................................................................. 78

4.6.3.1 Analyse des revenus et liens avec le produit, les dépenses et la consommation des familles .......................................................................................... 80 4.6.3.2 Influence du climat sur la trésorerie............................................................. 80 4.6.3.3 L’effet de la rente migratoire sur la trésorerie..............................................81 4.6.3.4 Périodicité des revenus et influence de la période de soudure sur la trésorerie 82

5 Microfinance et possibilités de financement pour l’agriculture....................................... 83 5.1 Contraintes liées au financement du monde rural.................................................... 83

5.1.1 Spécificité du financement de l’agriculture et position des IMF ..................... 83 5.1.2 Spécificité de l’économie paysanne ................................................................. 83

5.2 Les diverses expériences de financement de l’agriculture dans la zone ............... 85 5.2.1 L’exemple de l’AAILAD................................................................................. 85 5.2.2 Le volet financement de l’URCAK.................................................................. 85

5.3 Présentation des caisses villageoises des villages étudiés........................................86 5.3.1 La caisse de Samé : une caisse née de la coordination féminine ..................... 86 5.3.2 Les caisses de Gouméra et de Gory Gopéla : des caisses aux ressources financières importantes .................................................................................................... 87

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5.3.3 La caisse de Darsalam : une caisse contrainte de se limiter aux petits crédits. 88 5.4 Utilisation des crédits par les familles...................................................................... 88

5.4.1 Les différents biais par rapport à l’analyse de l’utilisation des crédits ............ 88 5.4.2 Peu de crédits destinés à l’agriculture sur l’ensemble du réseau ..................... 89 5.4.3 Confrontation entre une approche statistique et les observations au sein des foyers 89

5.4.3.1 Méthode de traitement de l’ensemble des crédits ........................................ 89 5.4.3.2 Analyse par genre......................................................................................... 89 5.4.3.3 Périodicité de la demande en crédits ............................................................ 91

5.4.3.3.1 Périodicité intra annuelle........................................................................ 91 5.4.3.3.2 Périodicité interannuelle......................................................................... 93

5.4.3.4 Etude de la répartition des crédits parmi les familles du village de Gory Gopéla 94

5.5 Quels types de financements pour l’agriculture ? .................................................... 95 5.5.1 Les limites du crédit à court terme dans le cadre du financement des exploitations agricoles familiales ..................................................................................... 95

5.5.1.1 Limites du crédit à court terme dans le cadre du financement de la traction attelée 95 5.5.1.2 Limites du crédit à court terme dans le cadre du financement du maraîchage 97

5.5.1.2.1 Liens entre le maraîchage et la trésorerie générale ................................ 97 5.5.1.2.2 Quel type de prêt pour le financement de motopompes......................... 98

5.5.1.3 Bilan sur les limites du crédit à court terme.................................................99 5.5.2 Des perspectives de crédits à moyen terme.................................................... 100 5.5.3 Nature des ressources issues de la migration et utilisation ............................ 100 5.5.4 Quelles potentialités pour des crédits à l’échelle collective ?........................ 101 5.5.5 Des partenariats sont-ils envisageables ? .......................................................102

CONCLUSION ...................................................................................................................... 103 Bibliographie.......................................................................................................................... 105 Index des Figures ................................................................................................................... 108 Index des Tableaux................................................................................................................. 109 Sommaires détaillés................................................................................................................ 110 Table des Annexes ................................................................................................................. 114 ANNEXE 1 - Spécificités du modèle CVECA et de sa mise en place dans la région de Kayes................................................................................................................................................ 115 ANNEXE 2 Guides d’entretiens ............................................................................................ 123 ANNEXE 3 : Climat de Kayes............................................................................................... 131 ANNEXE 4 : Calendriers culturaux. [Temps de travaux en Homme-Jours (hj)]................. 132 ANNEXE 5 : Caractéristiques des principales cultures maraîchères..................................... 133 ANNEXE 6 : Caractéristiques des systèmes d’élevage ......................................................... 134 ANNEXE 7 – Modélisation de la trésorerie des familles ...................................................... 137 ANNEXE 8 – Analyse du produit, des dépenses et consommations des différents types d’exploitations........................................................................................................................ 166 ANNEXE 11 – Analyse de la demande en petits et gros crédits sur la période 2002-2006 .. 171 ANNEXE 12 – Registre des impôts de Gory Gopéla ............................................................ 172

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Table des Annexes

ANNEXE 1 : Spécificités du modèle CVECA.................................................................... 115 ANNEXE 2 : Guides d’entretiens ....................................................................................... 123 ANNEXE 3 : Climat de Kayes ............................................................................................ 131 ANNEXE 4 : Calendriers culturaux. [Temps de travaux en Homme-Jours (hj)]........... 132 ANNEXE 5 : Caractéristiques des principales cultures maraîchères ............................. 133 ANNEXE 6 : Caractéristiques des systèmes d’élevage ..................................................... 134 ANNEXE 7 : Modélisation de la trésorerie des familles................................................... 137 ANNEXE 8 : Analyse du produit, des dépenses et consommations des différents types d’exploitations....................................................................................................................... 166 ANNEXE 11 : Analyse de la demande en petits et gros crédits ...................................... 171 ANNEXE 12 : Registre des impôts de Gory Gopéla ......................................................... 172

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ANNEXE 1 : Spécificités du modèle CVECA et de sa mise en place dans la région de Kayes

1 LE RESEAU CVECA DE KAYES

Pendant les années 1980, à l’heure des premiers plans d’ajustements structurels, et dans un contexte de désengagement progressif des états dans les mécanismes économiques, certains pays en voie de développement ont vu naître les premières institutions de microfinance visant à offrir des services financiers aux populations exclues du système bancaire classique. Les divers caractéristiques de la microfinance (montants des crédits généralement faibles, populations parfois peu accessibles, frais de gestion élevé, éventuels refinancements par les banques classiques) convergent vers une pratique de taux de crédits habituellement élevés, variant entre 20 et 30% par an. Les diverses expériences effectuées dans le domaine de la microfinance ont démontré les capacités des emprunteurs à rembourser de tels montants à court terme (sur des périodes généralement inférieures à un an), mais la divergence des contextes dans lesquelles les IMF se sont implantées ont amené ces dernières à développer une série de modèles et d’adaptations en vue de pérenniser leur fonctionnement.

1.1 LE MODELE CVECA

L’élaboration du « modèle » CVECA par le CIDR repose sur une analyse des limites du modèle mutualiste classique. Ainsi, dans les réseaux mutualistes, la centralisation des ressources financières et la constitution d’une structure fédérative pyramidale écartent progressivement les membres de base de la maîtrise de la gestion et des orientations stratégiques du système financier (CERISE, 2004).

L’implantation du modèle CVECA a commencé en 1986, au pays Dogon, dans la 5e région du Mali. Ce modèle est le fruit d’une recherche du CIDR (Centre International de Développement et de Recherche) qui cherchait à définir un modèle fortement décentralisé et calqué sur l’organisation sociale villageoise. L’unité de base est donc la communauté villageoise et l’ensemble des membres de la communauté peut y adhérer. Des représentants des structures de gestion et de contrôle sont élus chaque année au cours d’assemblées rassemblant tous les villageois. Les représentants sont formés au préalable par le service d’appui technique ou SAT (le CAMIDE pour le réseau CVECA de Kayes). Des caissiers et des contrôleurs, désignés parmi les villageois pour leurs compétences, seront chargés d’assurer le fonctionnement de la caisse et les tâches techniques sous la responsabilité du comité élu. Pour renforcer les capacités des villageois à gérer leur caisse, le Camide organise diverses formations au moment de la mise en place des caisses puis tout au long de leur évolution. Ces formations portent sur divers thèmes : le contrôle des supports de gestion, l’analyse des crédits…

Le système de vérification de la concordance des registres avec l’état financier des caisses repose sur un triple contrôle :

� de la part du contrôleur interne de la caisse à l’échelle villageoise,

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� de la part d’un superviseur, désigné parmi les contrôleurs internes villageois les plus compétents, chargé d’aller vérifier l’état de l’ensemble des caisses du réseau,

� de la part du service d’appui technique qui effectue des contrôles réguliers dans les caisses.

Les ressources des caisses reposent majoritairement sur l’épargne villageoise des familles. L’accès au crédit n’est pas conditionné par une épargne préalable et les crédits sont aussi bien orientés vers les dépenses sociales que vers les activités productives.

Le CIDR a accompagné le développement du réseau CVECA de Kayes et du CAMIDE pendant leurs sept premières années d’existence (phase projet) avant de se retirer de la fonction d’opérateur technique. Il joue le simple rôle de conseiller technique à présent.

1.2 SPECIFICITES DU RESEAU CVECA DE KAYES

Dans la mise en place des caisses villageoises, le CAMIDE a très rapidement pris certaines libertés par rapport aux recommandations du CIDR. Le modèle développé jusque là par le centre de développement français recommandait d’implanter les caisses dans des villages n’excédant pas plus d’un millier d’habitants. C’est d’ailleurs dans des villages répondant à ces critères de faible démographie que les caisses ont majoritairement été implantées dans les autres réseaux de caisses CVECA du Mali. Jugeant que le CIDR, à travers cette limite, sous-estimait l’étendue des réseaux sociaux des villages maliens, le CAMIDE a fait le pari d’introduire des caisses dans des villages de plusieurs milliers d’habitants (parfois jusqu’à 5 000). Cette orientation vers les gros villages, aux potentialités économiques souvent plus importantes, peut toutefois se faire au détriment de l’appui de petits villages. Les caisses ouvrent toutefois une partie de leur ligne de crédit aux villages environnant. Le volume de crédit octroyé à l’extérieur du village est cependant plafonné afin de ne pas disséminer une part trop importante des ressources de la caisse dans des zones où la pression sociale villageoise ne fait plus effet.

Une des autres spécificités du réseau CVECA de Kayes est d’être implanté dans une zone de forte migration. Là encore, cette dimension avait été quelque peu négligée par le CIDR. Le fort degré de monétarisation des villages de migrant a permis de mobiliser une ressource en épargne familiale importante, ce contexte de migration apparaît même comme l’un des principaux facteurs d’autonomisation du réseau (alors que certains autres réseaux CVECA du Mali puisent encore leur ressource auprès de financements de la BNDA).

Le réseau CVECA de Kayes, en comparaison aux autres réseaux CVECA Mali, a su prendre certaines libertés concernant le cadre initial fixé par le CIDR et développer son pouvoir d’initiative. Cela est très étroitement lié à l’histoire même des réseaux et de leurs dirigeants. Les autres réseaux ont été longtemps conduits par des expatriés français venus mettre en place le modèle CVECA, et les directeurs actuels sont des anciens animateurs de ces réseaux. La démarche pour le réseau de Kayes a été tout autre puisque les actuels dirigeants ont pris eux-mêmes l’initiative de trouver un modèle de microfinance qui soit adapté au contexte de leur région. Ils ont demandé l’appui du CIDR tout en souhaitant garder un degré de liberté sur la nature du système financier à mettre en place dans leur zone de travail.

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1.3 LES SPECIFICITES DU MODELE CVECA

Le modèle CVECA, dans la mesure où les acteurs du système sont les villageois eux-mêmes, représente un modèle très particulier. En premier lieu, il convient de trouver parmi les villageois des éléments capables d’occuper les responsabilités liées à la caisse. En ce qui concerne les caissiers et les contrôleurs internes, il faut sélectionner les villageois dont le niveau d’éducation permet de répondre aux exigences d’un tel poste. Par contre, toute personne peut faire partie du comité, lettrés comme illettrés, les personnes désignées par le village pour occuper ces postes étant généralement sélectionnées parmi les personnes influentes du village. Cela représente à la fois un avantage et un inconvénient : d’une part ces personnes appuient la crédibilité de la caisse et favorise l’adhésions des villageois, mais d’autre part les hiérarchies sociales du village sont généralement conservées dans cette organe, cristallisant les sphères décisionnelles déjà en place.

Le fait que les divers acteurs (emprunteurs, caissiers, membres du comité) se connaissent mutuellement représente une autre grande spécificité du modèle CVECA. Cette particularité induit elle aussi un certain nombre d’avantages et d’inconvénients. La bonne connaissance des activités des uns et des autres permet aux membres du comité d’avoir une vision fine sur l’utilisation potentielle des crédits par les villageois. De même, les villageois sont bien placés pour évaluer par eux-mêmes les capacités de remboursement de leurs pairs. Le revers d’un tel système est que les personnes chargées d’octroyer les crédits ne sont pas neutres et peuvent favoriser l’accès aux crédits à leur proche, notamment lorsque l’enveloppe de crédit est limitée. Le nombre élevé de membres du comité (censés représenter les différentes communautés et ethnies) reste un des moyens d’éviter de faire prévaloir les logiques familiales.

D’autre part, le fait d’avoir comme membre du comité un villageois qui lui-même peut se retrouver emprunteur (comme cela est généralement le cas) crée une forte pression sur les dirigeants de la caisse et l’équilibre de cette dernière. Une crise du remboursement peut facilement se déclencher si les dirigeants viennent eux-mêmes à avoir des difficultés régulières à rembourser leurs crédits. Les villageois, amenés à constater que même les personnes les plus impliquées dans le fonctionnement de la caisse ne remboursent pas leurs crédits, pourraient vite se résoudre à faire de même.

La gestion villageoise demande donc un suivi particulièrement rigoureux et des procédures fermes afin d’éviter tous biais. Malgré cela, certaines manipulations liées au mode de fonctionnement même des caisses villageoises persistent. A titre d’exemple, il a parfois été constaté qu’un dirigeant de la caisse multipliait les crédits parallèles en associant ses divers crédits aux noms de certains membres de sa famille, parfois sans même que ces derniers soient au courant.

1.4 LES LIMITES DU BENEVOLAT

L’une des contraintes fortes du modèle CVECA, et qui reste l’objet de réflexions et de remises en cause récurrentes, est le fait que l’activité des caisses repose exclusivement sur le bénévolat. Cette situation présente de nombreux avantages : elle limite les frais de gestion et garantie parfois une motivation forte des gens impliqués. Mais le temps consacré à la caisse est généralement d’une ou deux journées de travail hebdomadaire pour les caissiers, d’une réunion hebdomadaire pour les membres du comité, ainsi que des participation à divers ateliers de formation et autres rencontres. Pour les caissiers et membres du comité qui s’investissent dans le fonctionnement de la caisse, c’est autant de temps qui n’est pas utilisé

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pour des activités plus productives. Les membres reçoivent généralement des indemnités et les résultats de la caisse permettent également de couvrir les éventuels frais de déplacement des membres. Toutefois, ces compensations restent assez minimes au regard des efforts fournis, d’autant plus dans les caisses dont les résultats ne sont pas très élevés. Ce statut de bénévole a d’ailleurs était la cause d’un certain nombre de départs parmi les membres de quelques caisses.

Face aux appréhensions que soulève cette situation, le Camide a décidé de systématiser le système d’indemnisations mensuelles pour certaines caisses, mais là encore cette avancé ne s’adresse qu’aux caisses dont le volume d’activité est le plus élevé.

D’autres part, par rapport aux utilisateurs mêmes de la caisse, le fait que les caisses ne soient ouvertes qu’une à deux fois par semaine peut représenter un frein à l’idée d’y déposer son argent. Pour peu qu’un adhérent ne soit pas présent le jour d’ouverture, il peut se passer deux semaines sans que ce dernier puisse accéder à son argent. Cela peut représenter une contrainte face aux offres de services financiers des autres institutions de microfinance. Les caisses de Kondo Jigima par exemple, dont les caissiers et gestionnaires sont salariés, ouvrent la majeure partie des jours de la semaine. En ce sens, le bénévolat peut restreindre le volume potentiel d’activité de la caisse.

2 L’ACTIVITE DE CREDIT DES CAISSES VILLAGEOISES

2.1 CALCUL DE L ’ENVELOPPE DE CREDIT

Le montant total de la caisse ne peut être transformé en crédit puisqu’une partie de l’argent est mobilisable à tout instant (les DAV) et que certains dépôts bloqués peuvent arriver à terme pendant le courant du mois. Pour calculer l’enveloppe de crédit mensuel (EC), c'est-à-dire le montant total que la caisse peut octroyer sous forme de crédit, le contrôleur interne se charge d’effectuer le calcul suivant :

EC = (Montant de la caisse – DAV – DAT arrivant à terme pendant le mois + remboursements de crédits prévus pendant le mois) x 75%

Les crédits qui arrivent à échéance peuvent quant à eux représenter une somme potentiellement transformable en crédit, toutefois les risques de retard impliquent qu’un taux prudentiel de transformation de 75% soit appliqué à l’ensemble de l’enveloppe.

2.2 CONDITIONNALITES DES CREDITS

2.2.1 Conditions d’accès au crédit :

L’accès au crédit n’est pas conditionné par un volume proportionnel d’épargne et même si un effort d’épargne est essentiel pour constituer les ressources financières de la caisse, les sociétaires n’ayant pas fait de dépôts peuvent tout de même accéder à un crédit.

Les taux d’intérêt du crédit et de l’épargne sont fixés par les caisses villageoises, mais les services d’appui propose une fourchette de valeurs assurant la viabilité du service. L’épargne est ordinairement rémunérée à un taux de 5% et les crédits et les crédits doivent être remboursés avec un intérêt de 24% ou 25%.

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Extrait du règlement d’une caisse du réseau :

� Tout adhérent peut solliciter un crédit, son acquisition est subordonnée à l’approbation du comité de gestion.

� Tout octroi de crédit est cautionné par une garantie matérielle saisissable (TROMA) à valeur juridiquement supérieure au capital et son intérêt (Xalisin delle d’i tono).

� La garantie matérielle peut être surveillée par les membres du comité de gestion avant échéance prévue.

� Le crédit peut être cautionné par un garant (gaddu), un groupe, ou une association (caution solidaire) à travers leur dépôt sur engagement des responsables.

� Les fonctionnaires, les saisonniers, les émigrants et les adhérents non résidents dans le village doivent avoir un garant. Ce dernier doit présenter une garantie acceptée par le comité de gestion.

� Tous les types de crédit sont acceptés (productifs et sociaux).

� La durée minimum du crédit est fixée à 6 mois.

� Le remboursement est unique à l’échéance. Le taux d’intérêt du crédit est fixé à 25 % l’an.

� La caisse ne peut dépasser 5% de l’encours de crédit à un seul membre.

� La caisse ne doit pas dépasser 20% de l’encours du crédit aux dirigeants de la caisse.

� Le montant des crédits en retard ne doit pas dépasser 2% du montant total des crédits.

� Les membres du comité de gestion et les caissiers contrôleurs internes ne peuvent pas être garants d’un client.

2.2.2 Recouvrement des crédits :

Le comité de gestion est chargé du recouvrement des crédits.

A ce titre :

� Il fait un rappel aux débiteurs un mois à l’avance avant la date d’échéance du crédit.

� Après l’échéance, il peut à tout moment saisir la garantie et procéder à sa vente pour recouvrer son dû.

� Pour un crédit cautionné, le non remboursement à terme entraîne automatiquement la saisie de la garantie du garant et sa vente.

� Pour les cautions de groupes ou d’associations : la caisse prélève son dû sur leur dépôt ou autre garantie matérielle présentée.

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� Les retards de payement seront pénalisés. Laissé au choix et l’appréciation des membres du comité de gestion à condition que les clients soient informés dès le jour de l’octroi.

2.3 LIEN ENTRE EPARGNE ET CREDIT

Pour que la caisse soit viable, c'est-à-dire qu’elle parvienne à rémunérer l’épargne de ses déposants à hauteur de 5% tout en parvenant à dégager un résultat permettant de couvrir ses charges (achat des supports de gestion, prise en charge des frais de déplacement des membres, paiement des cotisations auprès des associations de caisses, paiement des prestations du Camide…).

Dans des caisses parfois en surliquidité comme celles que l’on peut trouver dans les villages de migrants, la mise en place de crédit adapté apparaît comme un enjeu majeur. Si l’épargne n’est pas transformée en crédit dans certaines proportions, elle peut devenir un coût pour la structure.

Transformation de l’épargne en crédit

Epargne Epargne + 5% Crédit Crédits +

intérêts (25%) Gains sur l'épargne

100% 200 000 210 000 200 000 250 000 +20% 75% 200 000 210 000 150 000 187 500 +14% 50% 200 000 210 000 100 000 125 000 +8% 20% 200 000 210 000 40 000 50 000 0% 10% 200 000 210 000 20 000 25 000 -3%

Le tableau précédent permet d’observer le gain effectué sur l’épargne en fonction du taux de transformation de l’épargne en crédit. On peut voir que les crédits rémunèrent l’épargne pour un taux de transformation de 20%. En dessous de ce seuil, l’épargne représente une charge pour la caisse. Toutefois, afin de pouvoir à la fois rémunéré l’épargne et couvrir les charges de la caisse, il est nécessaire d’atteindre des taux de transformation plus élevé. Les éventuels gains sur l’épargne pourront également être transformés en crédits.

3 PERSPECTIVES D’EVOLUTION DU RESEAU CVECA DE KAYES

3.1 PERSPECTIVES DE L’ASAT

Les différents directeurs des services d’appui technique des différents réseaux CVECA ont décidé depuis 2005 de se regrouper en association, l’ASAT (Association des Services d’Appui Technique), afin de joindre leurs efforts pour le développement des réseaux CVECA. Cette association est encore aujourd’hui a l’état d’embryon et la difficulté pour les différents membres à pouvoir se rencontrer fréquemment rend la mise en œuvre fastidieuse. Toutefois, un certains nombres d’objectifs ont été émis à l’issu des différentes réunions. Il a notamment été jugé que la dynamisation de l’ASAT passerait par la création d’un siège sociale à Bamako visant à améliorer la représentativité et la visibilité de l’association, ainsi qu’à favoriser la communication entre les différents réseaux CVECA.

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La mise en commun des réseaux pourrait permettre de faciliter la recherche de partenaires (techniques ou financier) et de développer une réflexion commune autour de l’évolution du modèle CVECA.

3.2 CREATION D’UNE CAISSE CENTRALE DANS LE CENTRE URBAIN DE KAYES

En fin de chaque exercice, une partie des résultats nets des caisses villageoises est déposée auprès d’un compte de la BNDA et peut-être mobilisée pour un éventuel refinancement. L’idée de la mise en place d’une caisse centrale repose sur le constat que l’ensemble de ces fonds déposés au niveau de la BNDA en fin d’année par les caisses villageoises représente un volume suffisant pour satisfaire les demandes de refinancement du réseau. Il s’agit à présent de définir des règles de gestion et de créer un cadre de garantie adapté afin de sécuriser le fonctionnement d’une telle caisse.

Cette caisse, telle qu’elle est envisagée actuellement, prendra la forme d’une caisse urbaine situé au centre de Kayes, regroupant les fonds des divers programmes du Camide sur certains comptes. Elle proposera également des crédits aux populations urbaines tout en hébergeant les comptes des différentes caisses villageoises. Elle permettra de mener certaines opérations de transferts de fond d’une caisse villageoise en surliquidité à une autre caisse nécessitant un refinancement. Un tel projet de transferts de fonds représentent de nombreux risques, le CIDR à d’ailleurs toujours conseillé aux SAT d'éviter ce genre de processus afin d’échapper à un éventuel risque de propagation d’une crise financière au sein du réseau de caisses. Les avantages d’un tel système amène toutefois le Camide à vouloir esquiver ce conseil en mettant en place un certains nombres de garde-fous visant à maximiser la sécurité de telles opérations.

Effectivement, si de l’argent est transféré d’une caisse à une autre, il s’agira très concrètement d’une partie de l’épargne de certaines caisses villageoises, qui vise à être rémunérée. Il conviendra donc de ne pas prélever trop d’argent afin de ne pas porter préjudice à la caisse d’origine du transfert, et de veiller à ce que la caisse bénéficiaire rembourse l’argent emprunté avec un taux d’intérêt suffisant pour rémunérer l’épargne de la caisse auprès de laquelle elle emprunte. Pour sécuriser ces transferts, il est prévu que les associations elles-mêmes (Jamanu et Jombugu) constituent un fond de garantie qui leur permette de se porter garante sur toutes ces opérations à l’échelle de toutes les caisses de l’association. Ainsi, si une caisse venait à rencontrer des difficultés à rembourser l’argent emprunté, l’association viendrait en dernier recours rétablir l’équilibre financier.

3.3 LES TRANSFERTS DES MIGRANTS

la nécessité de mettre en place un système de transferts de fonds qui permettrait de faire parvenir les sommes envoyées directement au village. Nous allons donc présenter dans cette partie les procédures à mettre en place pour la création d’un tel produit ainsi que les effets attendus au niveau des caisses, de l’ensemble du réseau ainsi que pour le Service d’Appui Technique, le CAMIDE.

Les objectifs techniques à atteindre pour le système de transferts prochainement en place sont les suivants (Keïta et Ourabah, 2007) :

� Service en 24h maximum

� Livraison des remises à la CVECA du village le plus proche

� Accessibilité aux migrants non bancarisés de la région parisienne

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� Facilité d’utilisation permettant d’éviter des pertes de temps pour les migrants.

� Veiller à un coût le plus faible possible.

� Transferts vers différents bénéficiaires ou affectations à des comptes dans les CVECA (DAT, DAV, Remboursements, autres produits)

� Sécuriser l’ensemble (traçabilité, lutte contre le blanchiment, prévention/détection de fraudes et vols).

� Fournir l’information au bénéficiaire dans les minutes qui suivent le dépôt, par l’envoi d’un SMS.

� Améliorer l’efficacité des back-offices (d’où la réduction des coûts) par :

o Saisie directe des transactions au guichet

o Envoi automatisé au CAMIDE d’un listing des états par CVECA sous 24H

o Crédit en compte BNDA Kayes sous 24H

o Fonds d’avance de trésorerie de 1 jour

o Réduction sensible des tâches BNDA

� Fournir des avis de réception aux intéressés dès que les fonds sont retirés.

� Prévoir une solution quand le bénéficiaire ne dispose pas de téléphone (ou pas de réseau).

3.4 POSSIBILITE DE CREDITS A MOYEN TERME

Les projections d’Alou Keïta et d’Adel Ourabah font état d’une augmentation de 220% du volume globale de crédit entre 2006 et 2011 suite à la mise en place du système de transfert de migrant (le volume passant de 448 000 000 Fcfa en 2006 à 1 442 241 420 Fcfa en 2011). Les services d’épargne proposés avec le transfert ainsi que l’épargne mobilisée au sein de la caisse centrale permettraient de cumuler un volume important de ressources à moyen terme à partir desquelles des crédits à moyen terme pourraient être octroyés.

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ANNEXE 2

Guides d’entretiens

A – Histoire du village Premières familles installées, évolutions du village Organisation du village Evolution de la mise en valeur agricole, partage des terres Repérer les dates charnières dans le village (dont premières migrations saisonnières et premières migrations internationales) Evolution des infrastructures du village (banques de céréales, magasins coopératifs, énergie, dispensaires…) et origines des financements B – Caractérisation de la caisse villageoise Certaines informations seront déterminées à partir du journal de la caisse et du registre de crédits où auront été calculées au niveau du CAMIDE, il s’agira de les commenter avec les membres du comité Date de mise en place Membres du comité, caissiers et contrôleur interne (sur quels critères ont-il été retenus) Caractéristiques du village justifiant la mise en place de la caisse ? Y a-t-il eu des renouvellements des membres ? Le règlement intérieur est-il respecté ? Quelles sont les causes de non remboursements des crédits ? Quels sont les objets des crédits ? (à confronter avec les données du registre de crédit) Quels sont les profils des demandeurs de crédits ? Quelles garanties sont utilisées ? (à confronter avec les données du registre de crédit) Détail des pratiques d’analyse des crédits, procédures de décision pour l’octroie des crédits Comment est effectué le calcul de l’enveloppe de crédit ? Quels problèmes ont été rencontrés dans l’histoire de la caisse ? (crises, etc.) Comment la caisse est-elle perçue au sein du village ? Chiffres et résultats à commenter avec les membres des comités/caissiers : Taux de pénétration et évolution Volume d’activité (dépôts, crédits, encours moyen…) Crédits octroyés (montants moyens, fréquences, …) Part des crédits accordés aux dirigeants du comités/de la caisse Taux de remboursements des crédits (crédits en retard, crédits en souffrance, pertes…) Part des dépôts/crédits des migrants Part des dépôts/crédits des femmes Part des dépôts/crédits des villages voisins

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C – Organisation de la concession 1 – Entretien avec le chef de concession

• Caractérisation du foyer Nom et prénom : Ethnie : Age : Nombre d’épouses : Nombre d’enfants : Déterminer tous les membres/ménages résidents dans la concession et leurs liens de parenté (Caractériser les responsabilités du chef de concession sur eux) Y a-t-il des migrants ? Combien ? Liens de parenté ? Brève histoire de la concession (des ménages se sont-il détachés de la concession ?) Organisation de la consommation : Les repas sont-ils pris en commun ? Si oui, le « grenier » alimentaire est-il commun ? Si plusieurs greniers : déterminer les différents responsables

• Organisation de l’exploitation familiale Les différentes terres de l’exploitation (et origine) Surface totale Parcellaire et statuts fonciers/modes de faire-valoir Pour chaque production : surface, type de sols, saison d’activité (les calendriers seront détaillés dans une seconde phase d’enquête) et destination (vendu, autoconsommé…) Elevages : type d’élevage, description du troupeau (race, effectif…) (le calendrier sera caractérisé dans une seconde phase d’enquête également)

• Organisation du travail dans les champs : Qui travail et dans quels champs ? Pour quels opérations ? Faites-vous appel à de la main d’œuvre extérieure ? Comment sont prises les décisions pour la mise en culture des champs ?

• Histoire et trajectoire de l’exploitation Quels étaient les culture en place auparavant, quelles ont été les évolutions et pourquoi ? Comment s’organise le partage des terres entre les membres de la concession lors des héritages ?

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2 - Entretiens avec les dépendants Nom et prénom : Lien de parenté : Age : Formation reçue : Situation matrimoniale : Nombre d’épouses :

• Champs personnels et organisation du travail Sur quels champs travaillent-ils spécifiquement ? Comment vous ont-ils été attribués ? Comment décidez-vous des mises en culture ? Quelle est la destination des cultures (autoconsommées, vendues…) ? Quel matériel utilisez-vous ? Comment faites-vous l’acquisition des semences ? Avez-vous des animaux d’élevages ? 3 - Entretiens avec les femmes Nom : Lien de parenté : Age : Formation reçue : Situation matrimoniale : Nombre d’enfants : Quelles sont vos obligations dans la concession ? Dans l’exploitation ? Comment s’organise la préparation des repas ?

• Champs personnels et organisation du travail Sur quels champs travaillent-ils spécifiquement ? Comment vous sont-ils attribués ? Comment décidez-vous des mises en culture ? Quelle est la destination des cultures (autoconsommées, vendues…) ? Quel matériel utilisez-vous ? Comment faites-vous l’acquisition des semences ? Avez-vous des animaux d’élevages ?

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D – Organisation du budget [Approche par la consommation] : 1 – Entretien avec le chef de concession a - Consommation alimentaire Consommation mensuelle en différents produits ? Variation de l’alimentation en fonction des périodes de l’année. Pour chaque denrée alimentaire :

- définir l’origine : de quelle parcelle vient-elle ? - Si elle été achetée, avec quelles ressources :

• Les ressources proviennent d’une activité extra agricole :

[Entretien avec le responsable de l’activité] Quels sont les investissements nécessaires ? (+ Déterminer le fond de roulement nécessaire pour démarrer l’activité) Quelles ressources ont été utilisées pour mettre en place cette activité ? Recours à un crédit ? Déterminer le calendrier de l’activité/aménagement du temps avec les autres activités Déterminer les Charges/Recettes Quelles sont les perspectives de développement de l’activité ?

• Les ressources proviennent de la migration : Quand le migrant est-il parti ? Pour quelles raisons ? Comment ont été rassemblées les ressources pour son départ ? Quel montant a-t-il fallu rassembler ? Quelles sont les activités du migrant en France (ou ailleurs) ? Quelle est sa contribution au foyer ? Prendre le contact du/des migrant(s) en France pour éventuellement le(s) rencontrer pendant la phase d’enquête d’octobre.

b - Dépenses courantes (hors alimentation) Quelles sont les dépenses courantes (habits, santé, frais de scolarisation…) ? Quand ont-elles lieu ? Origine des ressources (activités, migration…) ? Qui les prend en charge ? c - Inventaire des équipements/investissements et bâtiments : Pour chaque investissement : Quand a eu lieu la dépense ? Qu’est-ce qui justifiait un tel investissement ? Origine des ressources (activités, migration…) Quels sont les investissements prévus et pour quelle raison ? Avec quelles ressources ? d – dépenses spécifiques Déterminer les dépenses spécifiques (mariages, baptêmes, etc…) Evaluer le montant de tels évènements (ressources en nature + ressources monétaires) Quel est l’origine (ou les origines) des ressources ?

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2 - Entretiens avec les dépendants ou avec les femmes Quelles dépenses sont sous votre responsabilité ? Devez-vous vous reporter à un aîné pour toutes vos décisions concernant les dépenses ? Pour chaque type de dépenses, quelles sont les ressources utilisées :

• Si les ressources vous sont attribuées par le chef de famille Quelle est la nature des ressources concédées par le chef de famille (montants, fréquence, objets des dépenses…)

• Si les ressources sont issues d’une activité propre - Une activité agricole : période de travail et de vente (les calendriers détaillés, charges et recettes seront déterminés dans une seconde phase d’entretien) - Une activité extra-agricole : Quels sont les investissements nécessaires ? (+ Déterminer le fond de roulement nécessaire pour démarrer l’activité) Quelles ressources ont été utilisées pour mettre en place cette activité ? Recours à un crédit ? Déterminer le calendrier de l’activité/aménagement du temps avec les autres activités Déterminer les Charges/Recettes Quelles sont les perspectives de développement de l’activité ?

• Si les ressources proviennent d’un migrant Avec quelle fréquence vous fait-il parvenir de l’argent ? Pour quelles dépenses ? Lui faites vous des requêtes propres ?

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E - Utilisation de la caisse villageoise Entretien avec le chef de concession / les dépendants / les femmes a - Pour les adhérents à la caisse

Utilisation du crédit

Combien de crédits avez-vous contractés ? Comment sont gérées les décisions au sein de la famille avant de prendre un crédit ? Quel était l’objet du crédit ? A quelle période de l’année a-t-il été contracté ?

• S’il s’agissait d’un crédit pour un besoin ponctuel : Comment seriez-vous subvenu à ce besoin sans la caisse ? Faites-vous souvent appel à la caisse pour couvrir ce type de besoin ? Comment avez-vous remboursé le crédit ?

• Si le crédit a été utilisé pour financer une activité :

Si la caisse n’avait pas été là, y avait-il d’autres alternatives pour financer cette activité ? L’activité a-t-elle permis de réaliser un bénéfice ? Comment ce bénéfice a-t-il été utilisé ? Comment avez-vous remboursé le crédit ? Comportement d’épargne Utilisez-vous les différents produits d’épargne de la caisse ? Dans quel but ? Utilisez-vous d’autres formes d’épargne que la caisse ? Sur quelles ressources comptez-vous pour des frais inhabituelles/imprévus ? b - Pour les non-adhérents Quelles sont les raisons pour lesquelles vous n’adhérez pas à la caisse ? Les commerçants vous proposent-ils des crédits ou des paiements échelonnés ? Empruntez-vous de l’argent auprès d’autres villageois ? Quelles sont les modalités de remboursement ?

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F – Caractérisation des activités agricoles a - Pour les cultures : Sur quelles terres/terrains pratique-t-on cette culture ? Quelles sont les règles de succession des cultures ? Est-il toujours possible de suivre ces règles ? Pour chaque opération culturale : - Dates (dates limites et pourquoi, contraintes des autres cultures…) - Temps de travaux, main d’œuvre nécessaire - Les charges Comment sont soulagées les pointes de travail ? Comment les charges sont-elles financées ? Comment la fertilité du champ est-elle restituée ? Destination des cultures : autoconsommation, animaux, vente…

• Si la culture est autoconsommée : quel est le mode de stockage ? A quelle période est-elle consommée ? Comment est-elle consommée ? Quelle est la variabilité des performances ?

• Si la culture est destinée aux animaux d’élevage : quel est le mode de stockage? A

quel période est-elle distribuée aux animaux ? • Si la culture est vendue : Quel proportion de la culture est vendue ? Par quel circuit

de commercialisation ? A quel période ? Quelles sont les variations intra et inter annuelles des prix ? Quelle stratégie adoptez-vous pour vendre au meilleur prix ?

b – Pour les élevages : Déterminer le mode de conduite du troupeau Comment est assurée la reproduction du troupeau Y a-t-il beaucoup de pertes ? Comment est assuré l’alimentation à travers l’année Déterminer les charges Quelle est la dynamique du troupeau ? (Quels sont les facteurs qui régulent la capitalisation/décapitalisation) Destination des animaux :

• Si les animaux sont autoconsommés : A quelle période/occasion sont-il consommés ?

• Si les animaux sont vendus : Quel proportion de la culture est vendue ? Par quel

circuit de commercialisation ? A quel période ? Quelles sont les variations intra et inter annuelles des prix ? Quelle stratégie adoptez-vous pour vendre au meilleur prix ?

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c. Pour le maraîchage Quelles sont les différentes productions ? Sur quels terrains sont implantées les cultures ? Quelles sont les règles de succession des cultures ? Pour quelles raisons agronomiques ? Est-il toujours possible de suivre ces règles ? Comment se fait le choix des cultures, selon ces différents critères : - accessibilité des semences - superficie disponible - main d’œuvre disponible - habitude agricole - débouchés potentiels (connaissance du marché et des clients…) Pour chaque opération culturale (dont mise en pépinière) : - Dates (dates limites et pourquoi, contraintes des autres cultures…) - Temps de travaux, main d’œuvre nécessaire - Les charges Comment sont soulagées les pointes de travail ? Comment les charges sont-elles financées ? Comment la fertilité du champ est-elle restituée ? Pour chaque production : - Dans quelle proportion la culture est-elle autoconsommée ? - Quelles sont les contraintes/risques de chaque culture (pression parasitaire, sensibilité au stress hydrique, spécificités des charges…) ? - Caractériser la demande (dans le temps et dans l’espace) Pour l’ensemble des productions : - Observer le niveau de complémentarité des cultures sur la trésorerie (cultures de cycle associées à des cultures de cycle court, etc…)

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ANNEXE 3 : Climat de Kayes

L’année se découpe en trois saisons : la saison sèche froide, de novembre à février, la saison sèche chaude, de mars à mai et la saison des pluies de juin à octobre (l’essentiel des pluies est concentré sur les mois de juillet, août et septembre).

Des relevés de pluviométrie s’étalant de 1940 à nos jours ont permis de mettre en évidence la baisse tendancielle des pluies à travers le siècle : le volume annuel des précipitations et le nombre de jours de pluie tendent à diminuer.

Pluviométrie annuelle et nombre de jours de pluie

674,1

816,6781,9

698,6

605,9 591,6 569,6624,6

0,0

100,0

200,0

300,0

400,0

500,0

600,0

700,0

800,0

900,0

Moyenne(1940-2006)

Moyenne1941-50

Moyenne1951-60

Moyenne1961-70

Moyenne1971-80

Moyenne1981-90

Moyenne1991-2000

Moyenne2001-2006

Période

Pré

cipi

tatio

ns (

en m

m)

0,0

10,0

20,0

30,0

40,0

50,0

60,0

70,0

80,0

Nom

bre

de jo

urs

de p

luie

Total

Nbre de jours de pluie

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ANNEXE 4 : Calendriers culturaux. [Temps de travaux en Homme-Jours (hj)]

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ANNEXE 5 : Caractéristiques des principales cultures maraîchères

La culture de patates douces : il s’agit de la culture maraîchère la plus extensive, elle est relativement peu exigeante en eau et en travail. La patate douce est généralement cultivée dans le lit mineur du fleuve, d’octobre à janvier, profitant de l’humidité des sols suite à l’hivernage. Certains agriculteurs implanteront des cultures plus exigeantes en travail mais plus rémunératrices pendant cette période, cela dépendra de leur calendrier, d’autant plus que cette culture coïncide avec celle de la pastèque. Cette culture ne demande aucun traitement, les charges se limitent à l’achat des pieds.

La tomate : cette culture suit un cycle de trois mois et peut être cultivée pendant la saison froide (d’octobre à décembre) comme pendant la saison chaude (de janvier à mars). Toutefois, la relative sensibilité des pieds de tomate aux maladies et parasites impliquera de plus nombreux traitement en saison chaude. Les pieds sont sarclés chaque semaine, l’arrosage est quotidien et représente la plus forte charge en travail lorsqu’il est manuel. Les prix de vente des tomates sont généralement intéressants, mais affichent de très fortes variations (de 2 500 à 5 000 Fcfa la bassine).

Le concombre : le concombre suit un cycle de 45 jours et n’est cultivé qu’en période chaude, sauf pendant les mois d’avril et mai où les températures sont trop élevées (généralement de janvier à fin mars ou de fin juin à septembre).

Le gombo : il est envisageable de mettre du gombo en culture toute l’année (voir calendrier), toutefois les maraîchers évitent généralement d’en mettre en trop grande quantité dans leur parcelle pendant la période qui suit l’hivernage puisqu’il deviendrait difficile d’écouler la production (en effet, pendant cette période la majeure partie des familles sont autosuffisantes en gombo). Il devient plus intéressant de mettre en culture du gombo en janvier, productif à partir de février jusqu’en avril (tant qu’il est arrosé selon ses besoins), au moment où la demande en gombo est plus forte.

L’oignon : La demande en oignons est généralement élevée puisque qu’ils sont très utilisés comme condiments dans de multiples sauces. L’oignon présente l’avantage de pouvoir se conserver beaucoup plus longtemps que la plupart des productions maraîchères. Certains le conservent à l’abri en attendant que son prix augmente.

Le piment : Les pieds de piment sont généralement planté a partir d’octobre et rentrent en production trois mois après. La production peut-être maintenue tant que les pieds sont arrosés jusqu’à la saison chaude. Cette production est particulièrement rentable.

Charges et produit des cultures :

sans motopompe pour 10 casiers de 3x2m

avec motopompe pour 4 casiers de 5x4m

Charges Produit Charges Produit oignon (1 cycle de 3 mois) 4 200 50 000 11 000 70 000 gombo (1 cycle de 2 à 3 mois) 1 200 40 000 6 500 60 000 concombre (1 cycle de 3 mois) 3 000 52 000 9 500 75 000 patate douce (1 cycle de 3 mois) 2 000 35 000 7 500 45 000 tomate (1 cycle de 3 mois) 2 400 110 000 8 500 120 000 piment (1 cycle de 6 mois ) 4 000 120 000 10 000 150 000

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ANNEXE 6 : Caractéristiques des systèmes d’élevage

Système d’élevage 1, SE1 : Bœufs de labour Système d’élevage 2, SE2 : Elevage Bovin Système d’élevage 3, SE3 : Elevage Asin Système d’élevage 4, SE4 : Elevage Ovins-Caprins

Calcul des performances zootechnique et économique du système d’élevage 2 (SE2) Indicateurs zootechniques Soins vétérinaires : vaccination Alimentation : pâturage et parcours, compléments (graines et résidus de cotons) en période de faibles ressources fourragères (du mois de mars au mois de juin, parfois jusqu’en juillet). Reproduction : 1 veau tous les 1,25 à 1,5 ans pour les vaches de 4 à 12 ans :

Nombre de mise bas par an : 0,7 Nombre de veaux par mise bas : 1

Taux de mortalité avant sevrage : 0,2 Taux de mortalité/vols/pertes chez les adultes : 0,1 Productivité numérique post-sevrage : 0,7 x 1 x (1-0,2) = 0,56 Productivité numérique à la vente : 0,56 x 0,9 = 0,5 Calcul du produit brut par vache sur 8 ans Les génisses sont mises à la reproduction à l’âge de 4 ans et continuent leur carrière jusqu’à l’âge de 12 ans. Prix d’une génisse à 4 ans : 80 000 Fcfa Prix d’une vache à 12 ans (âge de la réforme) : 110 000 Fcfa Les femelles sont conservés dans le troupeau pour être mise à la reproduction et ne seront vendu qu’en cas d’extrême nécessité tandis que les mâles sont vendus vers l’âge de 8 ans (et un peu plus jeunes en cas de besoin immédiat). Prix de vente des mâles à 8 ans = 175 000 Fcfa Données générales sur la production de lait :

Production par vache et par jour : D’août à septembre : 2L/jour D’octobre à février : 1L/jour De mars à juin : pas de production Pendant le mois de juillet : 1L par jour On peut considérer que 2/3 des vaches mettent bas entre juin et septembre, et 1/3

mettent bas pendant le reste de l’année. Durée de lactation : 8 mois. Production annuelle moyenne de lait par vache : 140 L / vache

Produit brut par vache sur 8 ans : Achat vache de 4 ans : -80 000 Vente vache de réforme : 110 000 Vente des jeunes mâles à 8 ans :

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Productivité numérique à la vente x taux de mâles x 8 ans x prix des mâles à la vente 0,5 x 0,5 x 8 x 175 000 = 350 000 Fcfa Production de jeunes mères : 0,5 x 0,5 x 8 x 80 000 = 160 000 Fcfa PB sur 8 ans (hors lait) = coût de la vache (prix de vente – prix d’achat) + produits = 30 000 + 350 000 + 160 000 = 540 000 Fcfa PB an (hors production laitière) = 67 500 Fcfa par vache reproductrice PB total (production laitière + production de jeunes) = 67 500 + 140 x 200 = 95 500 Calcul des consommations intermédiaires Consommations intermédiaires par vache sur 8 ans Le prix en alimentation pour une vache et sa suite a été évalué à 192 000 Fcfa Le prix des soins vétérinaires pour une vache et sa suite : 60 000 Fcfa Consommation intermédiaire pour une vache et sa suite sur 8 ans : 252 000 Fcfa CI par an et par vache reproductrice : 31 500 Fcfa Calcul des performances zootechnique et économique du système d’élevage 4 (SE4) Informations zootechniques générales sur les ovins et caprins

Ovins Caprins Durée de gestation 6 mois 6 mois

Nombre de mise bas par an 1,8 1,8

Nombre de petits par mise bas 1,2 1,5

Taux de mortalité des jeunes 0,3 0,3

Taux de mortalité des adultes 0,1 0,1

Productivité numérique post sevrage 1,5 1,9

Productivité numérique à la vente 1,4 1,7

Age à la reproduction 1 an 1 an

Age à la réforme 6 ans 5 ans

Prix d’une femelle reproductrice 20 000 Fcfa 12 500 Fcfa

Prix d’une femelle de réforme 30 000 Fcfa 20 000 Fcfa

Prix de vente moyen des jeunes 30 000 Fcfa 18 000 Fcfa Calcul du produit brut des ovins sur 5 ans Achat d’une reproductrice : -20 000 Fcfa Vente d’une brebis de réforme : 30 000 Fcfa Vente de jeunes : Productivité numérique à la vente x 5 ans x prix de vente des jeunes 1,4 x 5 x 30 000 = 210 000 Fcfa

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PB sur 5 ans = coût de la brebis + produits = 220 000 Fcfa PB annuel par brebis = 44 000 Fcfa Calcul du produit brut des caprins sur 4 ans Achat d’une reproductrice : -12 500 Fcfa Vente d’une chèvre de réforme : 20 000 Fcfa Vente de jeunes : Productivité numérique à la vente x 4 ans x prix de vente des jeunes 1,7 x 4 x 18 000 = 122 400 Fcfa PB sur 4 ans = coût de la chèvre + produits = 129 900 Fcfa PB annuel par brebis = 32 500 Fcfa PB annuel moyen pour l’élevage ovins-caprins : 38 000 Fcfa par an et par reproductrice Calcul des consommations intermédiaires

Les consommations intermédiaires de ces élevages se limitent aux soins vétérinaires (en générale 1 000 Fcfa par animal en début d’hivernage).

Généralement, aucune alimentation n’est acheté, mise à part quelques résidus de cotons juste avant l’hivernage certaines années.

Parmi les ovins, l’espèce Bal Bal demande beaucoup plus d’entretiens (plus de charges en alimentation et plus de soins) pour des prix de vente plus élevés. Mais cette espèce est rarement élevée en grand nombre (on trouvera parfois un ou deux ovins d’espèce Bal Bal dans les concessions). Par contre, de nombreux ovins résultent du croisement de cette espèce avec les moutons maures.

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ANNEXE 7 : Modélisation de la trésorerie des familles

Type I – Année pluvieuse

Type I – Année sèche

Type II – Année pluvieuse

Type II – Année sèche

Type III – Année pluvieuse

Type III – Année sèche

Type IV – Année pluvieuse

Type IV – Année sèche

Type I’ – Année pluvieuse

Type I’ – Année sèche

Type II’ – Année pluvieuse

Type II’ – Année sèche

Type III’ – Année pluvieuse

Type III’ – Année sèche

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ANNEXE 8 : Analyse du produit, des dépenses et consommations des différents types d’exploitations

negl. = négligeable

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ANNEXE 9 : Présentation des caisses des villages étudiés

indicateurs du CAMIDE au 31/12/2006

Gory Gopela Goumera Dar Salam Plantation Same

Durée fonctionnement caisse (mois) 78 54 54 66

Adhésions

Population adulte des villages en fin d'exercice estimée 1 057 1 500 950 600

Nombre d'adhérents en fin d'exercice 833 542 316 354

dont hommes 481 374 167 67

dont femmes 330 162 147 272

dont groupes 22 6 2 15

dont migrants 36 113 - -

Taux de pénétration prévisionnel 60% 40% 40% 50%

Taux de pénétration réalisé 69% 34% 30% 57%

Epargne

Cumul des dépôts pendant l'exercice 75 203 110 37 719 970 5 718 130 17 668 235

dont DAV 27 988 700 15 161 640 864 625 4 892 120

dont DAT 47 214 410 22 558 330 4 853 505 12 776 115

dont hommes 28 939 150 18 683 460 4 825 755 1 466 215

dont femmes 29 241 405 6 719 030 98 240 2 911 500

dont groupes 17 022 555 12 317 480 794 135 13 290 520

dont migrants 7 751 715 9 478 520 - -

Encours moyen des dépôts pendant l'exercice 45 525 330 19 386 070 3 318 170 17 702 865

dont DAV 9 282 910 4 167 705 405 525 1 953 035

dont DAT 36 242 420 15 218 365 2 912 645 15 749 830

Nombre de déposants pendant l'exercice 177 70 98 34

dont hommes 108 54 67 10

dont femmes 55 10 30 20

dont groupes 14 6 1 4

dont villages voisins 17 4 7 -

dont migrants 21 7 - -

% membres déposants 21% 13% 31% 10%

Montant moyen des DAT et PE 235 000 175 000 35 000 375 000

Crédits

Taux d'intérêt débiteur 25% 25% 25% 24%

Cumul des crédits de l'exercice 66 642 500 46 207 500 7 130 000 24 425 000

dont hommes 48 435 000 39 175 000 3 740 000 4 675 000

dont femmes 13 787 500 7 032 500 3 390 000 16 200 000

dont groupes 4 420 000 - - 3 550 000

dont villages voisins 9 895 000 2 860 000 575 000 -

dont migrants 1 200 000 4 995 000 - - Encours moyen de crédits de l'exercice 47 039 755 18 577 120 3 286 930 19 162 620

Nombre de crédits octroyés au cours de l'exercice 402 278 262 78

dont hommes 261 203 134 18

dont femmes 136 75 128 54

dont groupes 5 - - 6

dont villages voisins 78 11 17 -

dont migrants 3 21 - -

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Gory Gopela Goumera Dar Salam

Plantation Same

Nombre de bénéficiaires de crédit au cours de l'exercice 322 174 212 62

dont hommes 250 124 112 14

dont femmes 69 50 100 43

dont groupes 3 - - 5

dont villages voisins 62 6 14 -

dont migrants 3 14 - -

% membres bénéficiaires de crédit 39% 32% 67% 18%

Cumul montants octroyés pour le commerce 34 570 000 35 042 500 7 130 000 19 095 000

Cumul montants octroyés pour l'agriculture 4 090 000 - - 130 000

Cumul montants octroyés pour autres activités productives 100 000 - - 5 200 000

Cumul montants octroyés pour dépenses sociales 27 882 500 11 165 000 - -

% montants octroyés pour le commerce 52% 76% 100% 78%

% montants octroyés pour l'agriculture 6% 0% 0% 1%

% montants octroyés pour autres activités productives 0% 0% 0% 21%

% montants octroyés pour les dépenses sociales 42% 24% 0% 0%

% des montants octroyés villages voisins 15% 6% 8% 0%

Durée moyenne des crédits 7,0 5,0 5,0 10,0

Montant moyen des crédits de l'exercice 166 000 166 000 27 000 313 000

Qualité du portefeuille

Encours des crédits en retard et en souffrance 13 678 865 2 210 775 44 165 356 175

crédits en retard (0 à 3 mois) 8 488 835 2 210 775 44 165 326 265

crédits en souffrance (3 à 6 mois) 3 708 750 - - 16 990

crédits en souffrance (6 à 12 mois) 1 481 280 - - 12 920

Nombre de crédits en retard et en souffrance 76 17 2 10

crédits en retard (0 à 3 mois) 43 17 2 6

crédits en souffrance (3 à 6 mois) 18 - - 2

crédits en souffrance (6 à 12 mois) 15 - - 2

Taux de dégradation du portefeuille 11% 0% 0% 5%

Taux de remboursement à l'échéance 37% 63% 33% 76%

Taux de remboursement à 3 mois 64% 94% 76% 92%

Taux de recouvrement du portefeuille 73% 95% 99% 97%

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ANNEXE 10 : Part des crédits agricoles dans les 6 caisses les plus impliquées dans le financement du secteur agricole.

Gory Gopela 100 Marentoumania 60 Kouroukoula 50

Année

nombre de

crédits

%age du

nombre de

crédits

%age du

volume de

crédits de

l'année

montant moyen

des crédits

(en Fcfa)

nombre de

crédits

%age du

nombre de

crédits

%age du

volume de

crédits de

l'année

montant moyen des

crédits (en Fcfa)

nombre de

crédits

%age du

nombre de

crédits

%age du

volume de

crédits de

l'année

montant moyen

des crédits (en Fcfa)

2002 4 1,2% 0,9% 92 500 6 3,6% 1,8% 14 167 3 4,5% 4,5% 63 333

2003 30 6,8% 3,6% 57 667 13 5,2% 3,5% 20 385 18 26,1% 22,7% 61 806

2004 35 8,0% 4,5% 77 071 43 13,8% 10,1% 28 605 11 18,6% 17,8% 86 591

2005 28 9,4% 4,9% 68 393 32 8,5% 4,2% 22 969 17 30,9% 30,4% 91 765

2006 43 10,7% 9,2% 143 023 21 5,8% 3,1% 31 190 1 2,1% 1,0% 40 000

Moyenne 28 7,3% 5,1% 91 875 23 7,8% 4,7% 25 826 10 16,8% 16,4% 77 100 Dar salam Peul 0 Bougoutinti 40 Samé 60

Année

nombre de

crédits

%age du

nombre de

crédits

%age du

volume de

crédits de

l'année

montant moyen

des crédits

(en Fcfa)

nombre de

crédits

%age du

nombre de

crédits

%age du

volume de

crédits de

l'année

montant moyen des

crédits (en Fcfa)

nombre de

crédits

%age du

nombre de

crédits

%age du

volume de

crédits de

l'année

montant moyen

des crédits (en Fcfa)

2002 1 0,9% 0,7% 15 000 0 0,0% 0,0% x x x x x

2003 1 0,4% 0,4% 20 000 12 3,3% 1,7% 14 792 40 41,2% 23,0% 77 625

2004 30 14,4% 13,8% 22 667 15 3,6% 1,3% 14 833 13 21,0% 4,2% 40 769

2005 27 18,8% 16,6% 26 346 42 12,7% 4,9% 15 048 17 23,0% 11,0% 93 529

2006 22 16,7% 19,0% 38 295 1 0,2% 0,1% 25 000 18 23,1% 34,5% 467 778

Moyenne 16 9,5% 10,7% 28 031 14 3,8% 1,5% 15 100 22 28,3% 21,0% 155 057

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ANNEXE 11 : Analyse de la demande en petits et gros crédits sur la période 2002-2006

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ANNEXE 12 : Registre des impôts de Gory Gopéla

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