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7/26/2019 Poster présenté au 10ème Congrès international d’addictologie de l’ALBATROS, 1 au 3 juin 2016, à Paris
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Clinique psychologique et recherche en alcoologieClinical Psychology and Research of alcohology
Valérie Blanc, Pierre Gaudriault, Elodie Marchin
Psychologues, Cap14 – ANPAA75 (5bis, rue Maurice Rouvier 75014 Paris)
(Poster présenté au 10ème Congrès international d’addictologie de l’ALBATROS, 1 au 3 juin 2016, à Paris)
The research and clinical oppose seem like work of the researcher and the
clinician. The term clinical research we commonly use and that makes sense
both for researchers and for clinicians brings together what is opposed in
appearance. The study we conducted between 2010 and 2014 within the
CSAPA of ANPAA75 illustrates this complementarity. 13 patients followedin psychotherapy were examined at the beginning of their treatment and a
year later. Those with the most advanced compared to alcohol show an
enrichment of their representations in the Rorschach test. We present the
advantages but also the limits of such research in which therapists are
involved as clinician scientists. In 2016, a new research is undertaken to
study more widely the evolution of the representations of the patients during
their care.
Recherche et clinique semblent antithétiques car la clinique renvoie à
l’intime du travail et la recherche à ce qui va être montré ou démontré. Larecherche enrichit le travail clinique en ouvrant de nouvelles perspectives etcontribue à alimenter le corpus théorique. La clinique s’appuie sur
l’expérience et la théorisation de l’expérience. Clinique et recherche ont
pour finalité l’accroissement de nos connaissances et de nos compétences,
elles sont nécessaires l’une à l’autre. Et pourtant, ces approches paraissents’opposer : cliniciens et chercheurs ne poursuivent pas les mêmes objectifs
immédiats. La question a été débattue depuis longtemps, dans divers
secteurs des soins [1].
Elle est particulièrement sensible à propos des psychothérapies dont iln’existe pas de conception unitaire mais multiple, malgré le paradoxe de
l’équivalence de leurs effets thérapeutiques [2]. Certains praticiens estiment
que la psychothérapie ne relève d’aucune méthode scientifique, mais d’une
qualité de la relation personnelle établie entre le patient et le soignant.Pour tenter d’y voir plus clair, des recherches ont été effectuées sur l’effet
des psychothérapies avec le modèle des ECR (essais contrôlés randomisés)
sans apporter de conclusions probantes. Car on ne peut pas considérer l’état
psychique d’un individu qui entreprend une psychothérapie comme l’étatbiologique de celui qui se soumet à un traitement médical. Des facteurs très
personnels doivent être pris en compte et échappent à de pures
quantifications. De plus, la notion de groupe de contrôle est difficile à
concevoir à la fois pour des raisons techniques et éthiques [3]. Il ne s’agit pas de conclure que les psychothérapies ne sont que des pratiques
empiriques, mais d’admettre qu’elles constituent un objet d’étude original
nécessitant des moyens spécifiques.
Les choses paraissent encore se compliquer en alcoologie où la fonction de
la psychothérapie peut apparaître paradoxale. Les personnes qui plongent
dans l’alcool l’utilisent comme une tentative d’auto-guérison de leurstensions psychiques et sont souvent méfiantes envers toute cure de parole.
La psychothérapie n’aurait pas sa place en alcoologie ? Au contraire, Henri
Gomez estime que toute alcoologie est une psychothérapie [4].
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Nous pouvons l’entendre comme la nécessité de remettre en branle le
travail psychique étouffé par l’alcool . Mais comment ? La psychothérapie à
l’épreuve de l’alcool nécessite, de la part du patient comme du thérapeute,
un engagement important. Le désespoir abyssal du patient est tel que lethérapeute lui-même peut s’y sentir aspiré. Celui-ci doit souvent, dans un
premier temps, douter en lieu et place du patient, de sa relation absolue à
l’alcool afin d’envisager d’autres possibles.
Même si les soins physiques et biologiques sont prioritaires dans le temps,
ils sont souvent insuffisants pour affronter la part du soi qui échappe à
l’alliance thérapeutique parce qu’elle n’est plus accessible à sa raison ni à
celle des autres. Cette part du soi, écrit Descombey [5], est expulsée hors de
la psyché, « dispersée sous forme d’actes » et finalement retournée en auto-
destruction. Il s’agit alors d’intégrer dans les soins une fonction de
réactivation et d’élaboration des représentations de soi. La psychothérapie
ne prétend pas à autre chose : que son orientation soit cognitiviste,
psychanalytique ou humaniste, elle vise à développer la conscience de soi
avec une plus grande liberté dans la relation au produit.
Le problème pour le thérapeute est de concilier l’engagement dans la
pratique et la distanciation propre à une démarche scientifique. Il s’agit de
préserver la singularité de la position du thérapeute et celle de chercheur.
Cette singularité est d’autant plus nécessaire en alcoologie que lapsychothérapie implique fortement le thérapeute : il est confronté à la
longue durée des soins, aux réalcoolisations, à l’espoir et au découragement,
aux absences et aux rendez-vous manqués.
C’est ensuite que peuvent apparaître des remaniements psychiques dans une
réelle créativité. Même s’il arrive encore aux patients de côtoyer le produit,cela est différent. C’est comme un « instant de grâce » après des années delabeur, parce qu’il ouvre une perspective de vie meilleure et parce qu’il
paraît un peu magique ; nous avons eu envie de le soumettre à un dispositif
de recherche, permettant notamment d’introduire un regard tiers dans la
dyade patient-thérapeute.
Une recherche clinique sur les psychothérapies
L’hypothèse principale a été que le développement des représentations au
cours de la psychothérapie modifie la fonction du symptôme addictif et
permet de restaurer une certaine liberté de pensée à laquelle l’alcool
s’opposait. Des patients en difficulté avec l’alcool ont été observés au début
de leur thérapie (t1) et un an plus tard (t2), avec un entretien semi-directif etun Rorschach. L’observateur était extérieur à la prise en charge du patient.
18 patients, âgés de 32 à 65 ans, ont été inclus dans la recherche entre
décembre 2011 et février 2013. 13 ont poursuivi leur traitement et ont pu
être retestés en t2. Notre hypothèse était que les sujets améliorés par la
psychothérapie auraient un meilleur niveau de représentation, visible dans
Rorschach en t2 par un accroissement des réponses à déterminant expressif
(kinesthésies, Clob, Texture et Vista. [6]).
Les psychothérapies ont été réalisées au sein du CSAPA75 en lien avec
d’autres types de soins (entretiens médicaux, thérapie psychomotrice, suivi
social, groupe d’expression) définis en équipe d’une façon personnalisée.Dans 11 cas sur 13, l’usage de l’alcool a diminué ou disparu au stade t2. Le
plus souvent, c’est le rapport à l’alcool qui a changé, comme l’exprimait
l’un des patients de l’étude : « maintenant je bois pour me détendre, pas
pour me défoncer ». Dans deux cas, les rémissions ont été de courte durée et
l’alcoolisation massive s’est finalement maintenue.
Nos analyses ont porté particulièrement sur les onze cas améliorés
cliniquement. L’un des résultats les plus importants concerne l’apparition
de nouvelles réponses expressives en t2. Si leur nombre en valeur absoluen’augmente guère (la moyenne passe de 6, 91 à 7, 27), en revanche on en
voit apparaître de nouvelles tandis que d’autres disparaissent. Les nouvelles
réponses sont souvent des kinesthésies, et notamment coopératives, parexemple : « deux clowns qui se tiennent par la main et qui dansent… »(Femme, 58 ans, planche II). Ce type de réponse correspond à une meilleure
représentation relationnelle, déjà observé chez des sujets en progrès dans
leur thérapie [7].
Dans d’autres cas, apparaissent en t2 des réponses plus inquiétantes comme« un animal maléfique avec des ailes impressionnantes, une chauve-souris
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gigantesque et terrifiante… » (homme, 51 ans, planche I). Ces réponses
(cotées Clob), pourraient correspondre à l’émergence d’angoisses
archaïques contre lesquelles les patients tentaient de se protéger avec
l’alcool. Elles sont aussi un progrès dans la représentation de soi.
La plupart des patients qui ont accepté de participer à cette recherche s’en
sont saisis comme d’une occasion d’en savoir plus sur eux-mêmes, pourcertains, comme un prolongement de leur thérapie.
Nous pensons qu’ils en ont retiré un avantage supplémentaire, du fait de
l’implication indirecte de leur thérapeute. Celui-ci était, rappelons-le, tantôt
en position de chercheur clinicien, tantôt en position de thérapeute, ce qui aété pour lui un étayage par rapport aux patients. Le positionnement de
« chercheur clinicien » à l’écoute des patients en dehors des espaces de
psychothérapie, constitue en soi une autre façon de soutenir sa
compréhension clinique.
Cette recherche a confirmé ce qui s’observe cliniquement : un patient qui
boit moins enrichit son activité représentationnelle ; un patient qui
développe ses représentations est capable de mieux contrôler son rapport à
l’alcool. Mais on ne peut définir, au début du traitement, le temps nécessaire
pour obtenir ce résultat. L’écart des douze mois entre t1 et t2 peut se révéler,
dans certains cas, largement insuffisant pour obtenir des remaniementspsychiques. Un patient qui modère sa consommation d’alcool ou qui devient
abstinent peut traverser une période de sevrage psychique pendant laquelle
il est extrêmement troublé voire dépressif avant de retrouver un nouvel
équilibre.
La recherche doit tenir compte des impératifs cliniques de chaque patientpour ne pas perturber son traitement en cours. Nous avons discuté souvent
ensemble et privilégié la compréhension du patient peut-être au détriment de
la rigueur de l’expérimentation. Ainsi les thérapeutes étaient informés desrésultats de l’évaluation, ce qui a pu influencer la suite de leur relation avec
le patient.
Nous souhaitons maintenant prolonger ce travail dans une exploration
des représentations de la maladie et son évolution au cours des soins, du
point de vue de celui qui les vit. Ces représentations sont issues à la fois des
causes perçues, du sens donné par chacun, associé, de manière plus oumoins congruente, au discours médical et aux représentations sociales. Il
semble bien que les patients qui évoluent favorablement sont ceux qui ont
pu de cette façon donner un sens à leurs addictions. Se soigner est
finalement une formidable occasion d’ouvrir et d’explorer sa créativité, cequi était indicible alors par d’autres voies.
Cette nouvelle recherche élargie fera appel à plusieurs moyens
d’observation sur une période de suivi pendant un an et demi ; elle sera mis
en œuvre par des intervenants de l’ANPAA 75 ainsi que des ANPAA 95 et
ANPAA 89.
Références bibliographiques
1 - VOLKMAR C. Les praticiens de la recherche en psychologie clinique.Bulletin de Psychologie. 1990 ; 43 (3-6) : 121-131.
2 - DESPLAND JN. Quelle psychothérapie pour quel patient ? Données de
recherche et problèmes cliniques. Psychotropes. 2010 ; 16 (2) : 9-29.
3 - FISHMAN G. L’évaluation des psychothérapies et de la psychanalyse.Paris : Masson ; 2009.
4 - GOMEZ H. Guide de l’accompagnement des personnes en difficulté avec
l’alcool. Paris : Dunod ; 2011.
5 - DESCOMBEY JP. L’économie addictive. L’alcoolisme et autresdépendances. Paris : Dunod ; 2005.
6 - R
AUSCH DET
RAUBENGERGN.
La pratique du Rorschach. Paris : Puf ;1970.
7 - EXNER J. Le Rorschach : un système intégré. Paris : Editions Frison-
Roche ; 1995.