polyarthrite rhumatoïde et syndrome de kartagener : association exceptionnelle

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La prise en charge des patients atteints de MOP est surtout préventive, et vise à diminuer au maximum la fréquence et lintensité des poussées inflammatoires (formations tumorales richement vascularisées). Les interventions chirurgicales repré- sentent des procédures à haut risque et doivent être évitées dans la mesure du possible. La biopsie musculaire est contre- indiquée tout comme pour lablation chirurgicale des forma- tions osseuses ectopiques. La prise en charge de la scoliose est décevante ; en particulier, la chirurgie rachidienne nest pas possible et est dangereuse sur ce terrain. Par ailleurs, une corticothérapie de courte durée peut être proposée dans les 48 heures suivant le début dune poussée aiguë inflammatoire dans lespoir davorter une réaction lymphocytaire au sein du muscle squelettique. Lusage des corticoïdes au long cours est cependant néfaste. À côté des corticoïdes, dautres produits ont été essayés (ACTH, étidronate par voie orale, AINS); cependant, le résultat était décevant. Des essais cliniques sont actuellement en cours pour évaluer lefficacité dautres pro- duits tels que létidronate par voie intraveineuse, linterféron, le thalidomide et la squalamine [2]. Références [1] Bridges AJ, Hsu KC, Singh A, Churchill R, Miles J. Fibrodysplasia (myo- sitis) ossificans progressiva. Sem Arthritis Rheum 1994;24:15564. [2] Urtizberea JA. Fibrodysplasia ossificans progressiva (FOP).Orphanet encyclopedia, October 2001: http://orphanet.infobiogen.fr/data/patho/GB/ uk-fop.html. [3] Lu L, Cheng HH, Chuang JC, Chen JH, Chen C. Myositis ossificans pro- gresiva mimicking ankylosing spondylitis: a case report. Zhonghua Yi Xue Za Zhi (Taipei) 1992;49:3738. [4] Crouzet J, Juan LH, Beraneck L, Busy F, Idir C, Friez L. Ankylose rachi- dienne et sacro-iliaque évoquant la spondylarthrite ankylosante au cours de la myosite ossifiante progressive. Rev Rhum 1988;11:9667. [5] Calvert GT, Shore EM. Human leukocyte antigen B27 allele is not corre- lated with fibrodysplasia ossificans progressiva. Clin Orthop Relat Res 1998;346:6670. Mohamed Elloumi * Héla Fourati Mariem Ezeddine Sofiène Baklouti Service de rhumatologie, CHU H.-Chake, 3029, Sfax, Tunisie Adresse e-mail : [email protected] (M. Elloumi). Reçu le 7 avril 2005 ; accepté le 4 octobre 2005 Disponible sur internet le 24 février 2006 * Auteur correspondant. 1169-8330/$ - see front matter © Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.rhum.2005.10.017 Polyarthrite rhumatoïde et syndrome de Kartagener : association exceptionnelle Rheumatoid arthritis and Kartagener syndrome: a rare combination Mots clés : Polyarthrite rhumatoïde ; Syndrome de Kartagener ; Bronchiectasie Keywords: Rheumatoid arthritis; Kartagener syndrome; Bronchiectasis 1. Introduction Le syndrome de Kartagener (SK), caractérisé par la triade situs inversus, sinusite chronique et bronchiectasie [1] fait parti dun groupe daffectations connues sous le terme de « syn- drome des cils immobiles », et plus récemment sous le terme de « dyskinésie ciliaire primitive » [2]. Cette triade symptoma- tique est secondaire à une immobilité ou à un dysfonctionne- ment ciliaire par anomalie des bras externes de dynéine entraî- nant une insuffisance de la clairance mucociliaire [2,3]. Fig. 1. Radiographie de lépaule droite de face : ossification hétérotopique reliant lomoplate à lextrémité supérieure de lhumérus. Fig. 2. Radiographie du bassin de face : ossification hétérotopique reliant lischion droit à lextrémité supérieure du fémur. Pour citer cet article, utiliser ce titre en anglais et sa référence dans le même volume de Joint Bone Spine. Lettres à la rédaction / Revue du Rhumatisme 73 (2006) 960969 961

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Page 1: Polyarthrite rhumatoïde et syndrome de Kartagener : association exceptionnelle

Fig. 1. Radiographie de l’épaule droite de face : ossification hétérotopiquereliant l’omoplate à l’extrémité supérieure de l’humérus.

Fig. 2. Radiographie du bassin de face : ossification hétérotopique reliantl’ischion droit à l’extrémité supérieure du fémur.

◊ Pour citer cet article, utiliser ce titre en anglais et sa référence dans lemême volume de Joint Bone Spine.

Lettres à la rédaction / Revue du Rhumatisme 73 (2006) 960–969 961

La prise en charge des patients atteints de MOP est surtoutpréventive, et vise à diminuer au maximum la fréquence etl’intensité des poussées inflammatoires (formations tumoralesrichement vascularisées). Les interventions chirurgicales repré-sentent des procédures à haut risque et doivent être évitéesdans la mesure du possible. La biopsie musculaire est contre-indiquée tout comme pour l’ablation chirurgicale des forma-tions osseuses ectopiques. La prise en charge de la scolioseest décevante ; en particulier, la chirurgie rachidienne n’estpas possible et est dangereuse sur ce terrain. Par ailleurs, unecorticothérapie de courte durée peut être proposée dans les48 heures suivant le début d’une poussée aiguë inflammatoiredans l’espoir d’avorter une réaction lymphocytaire au sein dumuscle squelettique. L’usage des corticoïdes au long cours estcependant néfaste. À côté des corticoïdes, d’autres produits ontété essayés (ACTH, étidronate par voie orale, AINS…) ;cependant, le résultat était décevant. Des essais cliniques sontactuellement en cours pour évaluer l’efficacité d’autres pro-duits tels que l’étidronate par voie intraveineuse, l’interféron,le thalidomide et la squalamine [2].

Références

[1] Bridges AJ, Hsu KC, Singh A, Churchill R, Miles J. Fibrodysplasia (myo-sitis) ossificans progressiva. Sem Arthritis Rheum 1994;24:155–64.

[2] Urtizberea JA. Fibrodysplasia ossificans progressiva (FOP).Orphanetencyclopedia, October 2001: http://orphanet.infobiogen.fr/data/patho/GB/uk-fop.html.

[3] Lu L, Cheng HH, Chuang JC, Chen JH, Chen C. Myositis ossificans pro-gresiva mimicking ankylosing spondylitis: a case report. Zhonghua YiXue Za Zhi (Taipei) 1992;49:373–8.

[4] Crouzet J, Juan LH, Beraneck L, Busy F, Idir C, Friez L. Ankylose rachi-dienne et sacro-iliaque évoquant la spondylarthrite ankylosante au coursde la myosite ossifiante progressive. Rev Rhum 1988;11:966–7.

[5] Calvert GT, Shore EM. Human leukocyte antigen B27 allele is not corre-lated with fibrodysplasia ossificans progressiva. Clin Orthop Relat Res1998;346:66–70.

Mohamed Elloumi*

Héla FouratiMariem EzeddineSofiène Baklouti

Service de rhumatologie, CHU H.-Chake, 3029, Sfax, TunisieAdresse e-mail : [email protected] (M. Elloumi).

Reçu le 7 avril 2005 ; accepté le 4 octobre 2005

Disponible sur internet le 24 février 2006

*Auteur correspondant.

1169-8330/$ - see front matter © Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.rhum.2005.10.017

Polyarthrite rhumatoïde et syndrome de Kartagener :association exceptionnelle

Rheumatoid arthritis and Kartagener syndrome: a rarecombination◊

Mots clés : Polyarthrite rhumatoïde ; Syndrome de Kartagener ; Bronchiectasie

Keywords: Rheumatoid arthritis; Kartagener syndrome; Bronchiectasis

1. Introduction

Le syndrome de Kartagener (SK), caractérisé par la triadesitus inversus, sinusite chronique et bronchiectasie [1] faitparti d’un groupe d’affectations connues sous le terme de « syn-drome des cils immobiles », et plus récemment sous le termede « dyskinésie ciliaire primitive » [2]. Cette triade symptoma-tique est secondaire à une immobilité ou à un dysfonctionne-ment ciliaire par anomalie des bras externes de dynéine entraî-nant une insuffisance de la clairance mucociliaire [2,3].

Page 2: Polyarthrite rhumatoïde et syndrome de Kartagener : association exceptionnelle

Fig. 2. Scanner thoracique : bronchiectasie cylindrique du lobe pulmonaireinférieur droit avec situs inversus.

Lettres à la rédaction / Revue du Rhumatisme 73 (2006) 960–969962

L’incidence du SK est estimée à 1/30 000 naissances [4]. Ànotre connaissance, l’association SK et PR a été décrite seule-ment dans quatre cas [5–8].

Nous rapportons une nouvelle observation associant un SKet une PR et nous discutons le rapport qui pourrait exister entreces deux affections.

2. Observation

Une patiente H.N. de 35 ans, non tabagique et sans antécé-dents pulmonaires connus, notamment d’infections broncho-pulmonaires à répétition, présente depuis un an une sinusitechronique évoluant par poussée et nécessitant des cures répé-tées d’antibiotiques. Elle est hospitalisée dans notre servicepour exploration d’une polyarthrite chronique des grosses etdes petites articulations, bilatérale et symétrique, évoluantdepuis quatre mois. L’auscultation pulmonaire trouve quelquesrâles ronflants aux deux champs pulmonaires. Le bilan biolo-gique montre une vitesse de sédimentation à 55 à H1, des glo-bules blancs à 8300/mm3, un facteur rhumatoïde positif avecLatex à 320 UI/ml et Waler-Rose à 192 UI/ml, et des anticorpsantinucléaires négatifs.

Le bilan radiologique montre un pincement des métacarpo-phalangiennes et des interphalangiennes proximales desdeuxième et troisième doigts, quelques géodes des deux carpeset une géode sur la tête du cinquième métatarsien gauche. Laradiographie du thorax objective des images aréolaires de labase droite, une dextrocardie et une poche à air gastrique àdroite (Fig. 1). Le scanner thoracique montre une dilatationdes bronches cylindriques au niveau du lobe pulmonaire infé-rieur droit et des foyers de bronchiectasie cylindrique en para-cardiaque, au niveau de la lingula et au niveau du segmentpostérobasal gauche (Fig. 2). L’échographie abdominaleconfirme le situs inversus complet.

Le diagnostic de PR associée à un SK est alors retenu. Lapatiente est mise sous indométacine : 100 mg/j, prednisone :

Fig. 1. Radiographie du thorax : images aréolaires de la base droite,dextrocardie et poche à air gastrique à droite.

10 mg/j et métothrexate : 10 mg/semaine entraînant une amé-lioration modérée avec persistance d’une raideur matinaled’une heure, un indice de synovite à 5 et une vitesse de sédi-mentation à 45 à H1. Un bolus d’hémisuccinate d’hydrocorti-sone à 250 mg/j trois jours de suite et une augmentation duméthotrexate à la dose de 15 mg/semaine entraînent une amé-lioration notable.

3. Discussion

Notre patiente présente une véritable PR récente associée àun SK complet avec situs inversus, sinusite chronique et bron-chiectasie confirmée par le scanner thoracique. Toutefois,l’association PR et bronchiectasie est connue depuis longtempsmais reste discutée sur le plan pathogénique [9]. Chez notrepatiente, l’absence d’antécédents d’infections bronchopulmo-naires à répétition et la courte évolution de la PR fait rattacherla bronchiectasie plutôt au SK qu’à la PR. Le premier casd’association PR et SK a été rapporté par Mastaglia et al. [5]en 1980 chez une femme de 60 ans. En 1992, Beutler et al. [6]ont rapporté le deuxième cas chez une femme présentant unePR sévère associée à un SK. L’étude immunologique chezcette patiente a montré un typage HLA DR4 et DR1, unedépression de la fonction granulocytaire et de la réactiond’hypersensibilité tardive. Ces auteurs suggèrent que les infec-tions récurrentes causées par le SK pourraient jouer un rôledans le développement et le cours évolutif sévère de la PR.Ces mêmes suggestions ont été avancées par Porawaska en1996 [7] qui a rapporté le troisième cas chez un homme avecaussi HLA DR1, comme c’est le cas de notre patiente qui asso-cie aussi un SK et une PR sévère et séropositive mais sansHLA déterminé. Cependant, il est bien démontré que le terrainHLADR1 et DR4 augmente la susceptibilité au développementde la PR et contribue à sa sévérité avec le facteur rhumatoïderetrouvé chez ces deux patients. Le dernier cas a été rapporté

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Lettres à la rédaction / Revue du Rhumatisme 73 (2006) 960–969 963

en 2001 par Riente et al. [8] avec un typage HLA ne montrantpas les antigènes habituellement associés avec la PR.

Il n’a pas été démontré aucune relation entre SK et un halo-type particulier du système HLA, ce qui peut expliquer l’asso-ciation rare et accidentelle entre SK et PR [10]. Le nombre depublications actuelles semble retrouver cette association defaçon plus rare que ne le voudrait le hasard selon la prévalencedes deux pathologies. Compte tenu du petit nombre de cas rap-portés dans la littérature, il est difficile d’établir comment leSK pourrait jouer un rôle dans la physiopathologie de la PR.La description d’autres nouveaux cas pourrait aider à compren-dre comment le SK favoriserait le développement et l’évolutionsévère d’une PR et ne serait pas une simple coïncidence.

Références

[1] Kartagener M. Zur Pathogenese der Bronchiektasien: Bronchiektasien beisitus viscerum inversus. Beitr Klein Tuberk 1933;83:489–501.

[2] Sleigh MA. Primary ciliary dyskinesia. Lancet 1981;2:476.

[3] Afzelius BA. A human syndrome caused by immotile cilia. Science1976;193:317–9.

[4] Meeks M, Bush A. Primary ciliary dyskinesia (PCD). Pediatr Pulmonol2000;30:307–16.

[5] Mastaglia GL, Goatcher P. Rare association of rheumatoid arthritis andkartagener’s syndrome : a common denominator? Med J Aust 1980;2:400.

[6] Beutler A, Mackiewicz SH. Association of rheumatoid arthritis with Kar-tagener’s syndrome in a patient with HLA-DR1-DR4-B27 haplotype. ZRheumatol 1992;51:253–5.

[7] Porawska W, Swierkocki K, Marszalek A, Mackiewicz S. An unusualcase of Kartagener’s syndrome associated with rheumatoid arthritis. PolArch Med Wewn 1996;96:577–80.

[8] Riente L, Fadda P, Mazzantini M, Frigelli S, Fattori B, Neri E. Kartage-ner’s syndrome and rheumatoid arthritis : an unusual association. ClinRheumatol 2001;20:282–4.

[9] Perez T, Rémy-Jardin M, Cortet B. Airways involvement in rheumatoidarthritis. Am J Respir Crit Care Med 1998;157:1658–65.

[10] Neffen H, Oehling A, Crisci CD. Kartagener’s syndrome: a report of sixcases with special reference to humoral and cellular immunity. Respira-tion (Herrlisheim) 1980;40:161–7.

Mohamed Younes*

Ismail BéjiaSaoussen Zrour-Hassen

Mongi TouziNaceur Bergaoui

Service de rhumatologie, EPS Monastir,5000 Monastir, Tunisie

Adresse e-mail : [email protected] (M. Younes).

Reçu le 17 mai 2005 ; accepté le 30 novembre 2005

Disponible sur internet le 30 juin 2006

*Auteur correspondant.

◊ Pour citer cet article, utiliser ce titre en anglais et sa référence dans lemême volume de Joint Bone Spine.

1169-8330/$ - see front matter © Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.rhum.2005.11.025

Métastase rachidienne d’un carcinome primitif parotidien :un cas

Spinal metastasis from a primary parotid carcinoma:a case report ◊

Mots clés : Métastase rachidienne secondaire ; Métastase parotidienne

Keywords: Spinal secondary; Parotid metastasis

1. Introduction

Si l’existence de métastases rachidiennes de cancers dedivers organes est attestée dans la littérature, les observationsprovenant de tumeurs malignes des glandes salivaires sontrares. Nous décrivons ici un cas rare de métastase rachidienneà partir d’un carcinome développé dans un adénome pléo-morphe. Les néoplasmes des glandes salivaires et la présenta-tion clinique des tumeurs parotidiennes sont plus particulière-ment décrits ainsi que les options thérapeutiques et lesindications chirurgicales.

2. Présentation du cas

Un homme de 65 ans s’est présenté avec une douleur dansle bas du dos irradiant jusque dans la jambe gauche qui duraitdepuis six mois. Ce patient rapportait sa douleur un effort entorsion, qu’il s’était fait en jouant au golf. La douleur s’estaggravée sur une période de six mois, mais il était encorecapable de se débrouiller pour la plupart des activités quoti-diennes normales en recourant à des analgésiques. Il avait éga-lement remarqué une perte de poids d’environ 5 kg en troismois.

Sept ans auparavant, le patient avait subi une parotidectomiesuperficielle pour un adénome pléomorphe dans la glande paro-tide gauche (diagnostiqué à l’histopathologie). Trois ans plustard, il avait subi une parotidectomie totale en raison d’unerécidive, avant de connaître une autre récidive l’année suivante.Une cytologie par aspiration à l’aiguille fine (FNAC) avaitconfirmé un carcinome développé dans l’adénome pléomorphe,traité par excision radicale et radiothérapie.

L’examen clinique montrait une douleur à la pression rachi-dienne à partir de L3–L5, avec contracture des muscles para-vertébraux, mais sans déformation évidente du rachis. Àl’examen neurologique, il existait une hypoesthésie sensitivedans les dermatomes L4 et L5 gauches et sans déficit moteur.Les réflexes ostéotendineux étaient normaux à l’exception d’unréflexe achilléen diminué du côté gauche. Le toucher rectalétait normal.

Les radiographies du rachis lombosacré montraient uneostéolyse de la moitié gauche du corps de L4 avec absencedu pédicule du même côté. Une scintigraphie osseuse a mis