point d'orgue

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DÉCEMBRE 1994 / JUIN 1997 POINT D’ORGUE POINT D’ORGUE X cahier [ [

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Page 1: Point d'orgue

DÉCEMBRE 1994 / JUIN 1997

POINTD’ORGUE

POINTD’ORGUEXcahier[ [

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DÉCEMBRE 1994 / JUIN 1997

POINTD’ORGUE

Page 3: Point d'orgue

Le Nouveau Théâtre Expéri -mental conviait le public à un 5à 7 dans l’atmosphère feutréedu Bar du Roi David. Une ques-tion capitale était proposée:celle de la mort de Dieu. Béancefertile s’il en est, l’éclipse duPère sonne-t-elle aussi le glasde la transcendance? Richesujet, à la mesure de l’espaceouvert et mal aperçu quedécouvre Son absence.

Deux menus proposés:• programme A – les lundi,mardi et mercredi, sept presta-tions, du colloque à la perfor-mance, en passant par le hap-pening; • programme B – les jeudi etvendredi, une pièce de théâtre,Matroni et moi, inspirée par laquestion de la mort de Dieu,satellite noir de la consciencecontemporaine...

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Les 5 à 7 de

LA MORTDEDIEU

La méditation précède l’actionRobert Gravel, Jean-Pierre Ronfard, Alexis Martin.

Photo: Mario Viboux

La vérité sortant du piedJean-Pierre Ronfard

Photo: Mario Viboux

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«Messieurs jevous demande...»

Montréal 30 septembre 1994

Messieurs Jean-Pierre Ronfard et Robert Gravel directeurs artistiques duNouveau ThéâtreExpériemental

Messieurs,

À votre attention je désigne ceprojet: faire de votre prochainesaison le premier grand bilanthéâtral portant sur LA MORTDE DIEU.

Bien que je me doute que vousy ayez déjà beaucoup pensé,laissez-moi jeter devant votreréflexion qui s’amorce, quel -

ques signes éclairants: la mort de Dieu est difficilement datableavec précision; toutefois, elle semble se révéler dans toute sa forcequand le sentiment de transcendance en l’homme se brouille...

Transcendance: notion très complexe, dont je choisis, à dessein,une définition très partielle: dans l’angoisse, l’homme penché surlui-mê me reconnaît un autre; un être qui le dépasse et en lequel ilse confie.

Riche sujet, direz-vous avec raison, mais qui prête plus à glosagequ’à théâtre... Non! non... Secouons un peu le lierre dont le quoti-dien fade use pour voiler notre regard plus profond: RIEN de plusMODERNE que de traiter de LA MORT DE DIEU.

Sujet gris, ennuyeux? Sade, alors, est ennuyeux à ce compte... CarSade, par exemple, parle toujours de la mort de Dieu... et de Saprésence larvée dans les chairs suintantes des corps vautrés.

Ou encore, la mort de Dieu excellent prétexte à comédie; comédiecinglante de l’idéalisme de gauche (la gauche est-elle autre choseque le rêve d’un dieu en bleu de travail?). La prétendue mort desidéologies est-elle indifférente à Sa disparition? Mais... est-Il biendisparu, au fait?

J’ai moi-même commis une pièce qui tourne autour de cettebéance fertile: c’est une comédie «pleine de bière et de drames...»;il me reste bien du boulot pour la hisser à la hauteur de son sujet,mais un règlement est en voie. Je pourrai vous la dire, si vous ledésirez.

Ne serait-ce pas le plus extraordinaire projet de saison théâtraledepuis longtemps? Un tryptique sur la mort de Dieu; ou encore,une série de courtes pièces autour du satellite noir de la cons -cience contemporaine. Imaginez le retentissement! Exemple:

Cette saison, le Nouveau Théâtre Expérimental de Montréal se proposede ramener sur le tapis un sujet des plus brûlant et que peu ont oséaborder: LA MORT DE DIEU. - Alain Stiffert, La Belgique libre

Quel programme! Quel choc... Imaginez encore: panels avec théolo-giens de pointe; ateliers sur les nouvelles religions; discussions-débats avec des croyants; déjeuners-causerie sur un avenir sansDieu ... et combien d’autres choses imaginables.

Je suis confiant de vous avoir ébranlés. Rappelez-moi, nous enreparlerons.

Sachez-moi, je vous prie, vôtre.Alexis MARTIN

Colloque. Pierre Lebeau, Françoise-Anne Thomas,Stéphane Lépine, Louis Champagne.

Une troupe de théâtre venue d’un pays de l’Est jouele drame de Prométhée.

Françoise-Anne Thomas, Jean-Pierre Ronfard, Pierre Lebeau.

Le Bar du Roi David. Photos: Mario Viboux

ColloqueJean-Louis Quirion: chansonnier Le pied (conférence)

3 miracles36 temples (diaporama)

Performance Happening (attente de Dieu, 12 minutes)PR

OGRA

MM

E A

Photo:

Mario

Vib

oux

À l’origine du spectacle, une lettre, celle d’Alexis Martin:

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Jésus et les 36 temples

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Robert et moi élaborions le contenu del’atelier LA MORT DE DIEU. La conversa-tion roule autour de bien des sujets, no -tam ment la religion et ses temples, dont laville de Montréal regorge; Robert s’inquiètede ces maisons en partie abandonnées:qu’est-ce qui arrivera à tous les objets de laliturgie, les étoffes, les instruments duculte, à cette mémoire-là? Robert avait ren-contré un prêtre; celui-ci lui avait fait visi -ter la sacristie de son église. Robert avaitlonguement admiré les objets et les vête-ments de l’ancien culte, que Vatican IIavait confiné aux tiroirs...

L’idée était celle-ci: produire un diaporamaavec les photos de 36 églises de la ville; detemps à autre, un personnage s’immiscedans la photo (déguisé en Christ). Le dia-porama doit laisser une impression d’aban-don, de désaffectation; toutes ces églisesdésertées, la solitude de Jésus-Christ quipasse sous le porche... faire en sorte que lespectateur soit touché, atteint par un senti-ment de vide, une vague inquiétude pourle destin de cette mémoire-là... et amorceune réflexion sur la place qu’occupaitautrefois ces temples... dans quel but? Ça,on ne le savait pas... c’était à voir.

Évidemment, cette idée saugrenue ne nousattira que des rires moqueurs et des soupirsd’ennui à peine retenus... d’autant queRobert, revêtu d’une soutane noire, prenaitun malin plaisir à étirer le temps; ildéroulait le contenu du carrousel de dia-positives en commentant brièvement lesimages, c’est-à-dire en donnant le nom del’église... et son emplacement géogra -phique. Inutile de dire que 20 minutes dece régime-là en exaspéra plus d’un.

Mais Robert adorait ce moment du specta-cle! Il y avait là une expérience assez radi-cale de «platitude»; d’une «platitude» rela-tivement intéressante, puisque l’objet nais-sait d’une intention claire, se déroulait parla suite dans une zone incertaine, entre lecomique et le plat, contre tout bon sensthéâtral.

Pour mémoire, nous avons passé près demourir, à l’intersection de Maisonneuve etPlessis: Mario le photographe, Robert etmoi, assis sur la banquette arrière, déguiséen Christ de pacotille, en sandales, avecune barbe postiche et une couronned’épines... Robert cochait les noms deséglises à mesure que nous les prenions enphoto.

Mario, qui conduisait, regardait un peuailleurs. Il a brûlé un feu rouge, à l’inter-section de Maisonneuve. Deux autos nousont passé au nez à toute vitesse. Robert arelevé la tête, a laissé partir un gros Heilllle!.Nous sommes passés indemnes. Robert adit: On aurait eu l’air fin à l’urgence de Saint-Luc... le comédien Robert Gravel, un pho-tographe et un homme déguisé en christ, vic-times d’un accident de la circulation... beautitre! Stie...

Voilà l’anecdote. Pour petite mémoire, sansplus...

Alexis Martin

(Une autre idée invraisem blable en 36 diapositives)

À propos de...

Photos: Mario Viboux

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Matroni et moi raconte l’his-toire d’un amour improbableentre un philosophe en herbe(il est l’auteur d’une thèse surla mort de Dieu...) et uneserveuse de bar de la rueOntario (ses clients sont plutôtindifférents à la question de lamort de Dieu).

Gilles et Guylaine ne viennentpas du «même monde», maistous les deux veulent changer...

Il se demande s’il y a une jus-tice possible dans un mondesans dieu; elle rêve d’un grandamour libérateur; il étudie dansun chic collège de Boston; sonfrère à elle est le bras droitd’un petit baron de la drogue.

À la place d’une histoired’amour, on a une nuit pleinede surprises et de sueurs: on nejoue pas impunément dans lesplates-bandes d’un mondeenfoncé dans les voies du sang!

Matroni et moi est unecomédie nerveuse, pleine demots à cinq piastres et d’expli-cations à deux sous, où despersonnages colorés croisent lefer et règlent des comptesqu’ils ne pensaient pas liquidersi tôt.

Robert Gravel et Alexis Martin. Photo: Mario Viboux

PROG

RAM

ME

B Matroni et moi(Précédée d’une entrevue avec l’auteur Alexis Martin)

CQFSCE QU’IL FAUT SAVOIR

Programme A

Conception et mise en scène:

Robert Gravel, Jean-Pierre Ronfard, Alexis Martin

Distribution: Gary Boudreault, Louis Champagne,

Robert Gravel, Pierre Lebeau, Stéphane Lépine, Alexis

Martin, Jean-Pierre Ronfard, Françoise-Anne Thomas

Programme B

Texte: Alexis Martin

Mise en scène: Alexis Martin

Distribution: Gary Boudreault, Robert Gravel,

Pierre Lebeau, Alexis Martin, Guylaine Tremblay

Régie et élairage: Yves Mercier

Construction du décor: Luc Proulx

assisté de toute l’équipe

Le staff du bar du Roi David: Gaétan Pilon,

Olga Claing

Administration et publicité: Marthe Boulianne

Graphisme: Folio et Garetti

Production: Nouveau Théâtre Expérimental

Date: 12 au 23 décembre 1994, du lundi au vendredi,

de 5 h à 7 h

Lieu: Espace Libre

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endant denom b reu s e san nées, le NTE,comme son an -cêtre le Théâtre

Expé ri mental de Mont réal, aprésenté des œuvres presqueexclusivement conçues etécrites par ses seuls membres.Depuis 1991, on constate enrevanche que les saisons fontplace de plus en plus à des écri-tures et des con cep tions venuesd’ailleurs – même si leursauteurs sont très souvent liésplus ou moins étroitement à lavie et à l’histoire du NTE.

Le point de départ de cettenouvelle ligne semble se situeraprès l’essai d’ouverture dugroupe directeur à 4 nouveauxmembres, essai abandonnéaprès deux spectacles.

En 1991 fut réalisé La Con -quê te de Mexico d’Yves Sioui-Durand, coproduction avec legroupe amé rindien Ondinnok.Le Théâ tre au printemps, uncombiné d’acti vités dont le NTEvoulait remplir Espace Libredurant les mois de mai et juin1992, incluait des ateliersorgani sés par l’éphémèreThéâtre de l’heure et sur -tout les premiers Cabarets-théâtre qui par leur formulemême livraient Espace Libre àla bienheureuse invasion decréateurs de tous genres:musiciens, artistes de va riété,chanteuses, mimes, acrobates,jongleurs, poètes... Les nuitss’étoilaient de gestes, derythmes et de mots venus departout ...

Les cabarets-théâtre ont fonc-tionné trois années de suite, tou-jours avec un très grand succès.Ils commençaient même à deve -nir une tradition, une routine

qu’il a bien fallu interrompre.Mais d’autres struc tures sesont mises en pla ce pour ac -cueillir des grou pes informelscomme Les Frères Bunker oule Western Souvlaki, desévénements aberrants commeAd Deliro ou les rendez-vousmensuels du GTEQ, et aussiune troupe française, leThéâtre 95 de Cergy-Pon toiseavec qui se fit échange de trilo-gies – celles de Robert Gravel etde Joël Dragutin –, sans omet-tre la magnifique participationd’un comédien français, GeorgesTrillat, à la soirée 50 + 1 en 1995.

C’est comme si le NouveauThéâtre Expérimental, dont lafonction essentielle et la pré-tention affichée sont de con-tester l’ordre établi, avaitéprouvé le besoin de se con-tester lui-même en appelant àun renouvellement venu del’extérieur. Au risque, bienévidemment, de donner dansle flou artistique, l’inorganiqueou pire, la complaisance bondiable, la démagogie, le par-rainage aveugle. Il y a là undéfi intéressant. Ouvrir la mai-son mais en restant soi-même.

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Ouverture...accueil... envahissement...

parrainage?

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Qu’est-ce que leGroupement forestier? Une association assez informellede gens de théâtre, qui sont liéspar l’amitié, bien sûr, et quipartagent les vues suivantes:• on peut faire du bon théâtre

avec peu, avec des restes decachets de télévision parexemple;

• les théâtres institutionnelssont légitimes, mais ne sontpas à eux seuls la cultureréellement vivante.

À ceux qui prophétisent la lenteasphyxie du théâtre québécois,sa lente glissade vers les limbesdes cultures marginales, nousopposons un sourire idiot et desforces intactes: nous ne faisonspas du théâtre parce que noussommes ruinés ou misérables,mais parce que nous voulonsnous ruiner.

Nous aimons une pratiquedésin volte ( mais cette désinvol-ture, chaque fois conquise avec

peine, n’est pas sans angoisse...),déba ras sée au maximum descontraintes de production habi -tuelles, des schémas industriels,de calcul comptable.

La quantité (de spectateurs, d’ar-gent) n’est pas une raison supé -rieure.

Qu’est-ce que l’artisanatflamboyant?L’artisanat flamboyant, c’estnotre esprit de gosseux de boutde bois, délivré de toute amer-tume: une pratique de la non-chalance devant les forces ducapital et de la technosciencequi contaminent toutes lesactivités humaines avec ce goûtpersistant et parfois écœurantpour la vitesse, la quantité etl’obsession du temps perdu.Nous ne rêvons pas d’un âged’innocence, qui n’a jamaisexisté, ne pourra jamais exister,non; nous n’envions pas lespalais de terre battue de nos

ancêtres; nous voulons affirmernotre souveraineté, toujours dif-ficilement acquise, sur le mondede l’utilité, crucifié dans ses pro-pres échéances, sur le monde ducalcul: sur ce monde d’employésqui veut cadastrer jusqu’à lamort.

Notre coupe continuellementpleine déborde, nous sommespleins d’envie de gaspillage, desourires idiots et pourtant nosforces sont intactes.

Sur ces quatre tapis élimés, nousallons danser, maladroits; et lesmaigres objets que nous avonsrapaillés, les lignes indécises del’espace et de la lumière, lesourire fatigué des choses quinous entourent ne noustromperont pas sur le sens denotre temps passé ici-bas:l’amour de cette vie, unelégèreté odieuse dans l’amourde cette vie...

Alexis Martin

Gary Boudreault, Guylaine Tremblay, Alexis Martin, Allain Roy, Daniel Brière et Zoomba. Photo: Mario Viboux

Le groupementforestier du théâtre et l’artisanat flamboyant

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Déséquilibre

Je terminais mon baccalauréaten cinéma d’animation àl’Université Concordia. Fièred’avoir enfin mon papier, jepouvais maintenant com-mencer ma vie, «ma carrière endevenir». Suite à une annonce,j’ai posé ma candidature à unposte de coloriste par ordina-teur. Après avoir passé quelquestests d’aptitude, on me deman-da si j’étais éligible au pro-gramme PAIE, c’est-à-dire êtrebénéficiaire de l’aide socialedepuis au moins six mois. Cen’était pas mon cas, donc j’ai

perdu cet emploi. Aprèsplusieurs mois, j’étais écœuréede rencontrer tant de difficultéspour trouver du travail et com-mençais à croire sérieusementque le gouvernement ne nousfacilitait pas la tâche, à nous lesjeunes. Je m’emmerdais à nerien faire, je me demandais àquoi la vie servait si on n’avaitrien à y faire. J’avais l’impressionde perdre mon temps, m’imagi-nant qu’à 50 ans, je regretteraisd’avoir perdu ma jeunesse. Jetrouvais injuste d’avoir à passerpar autant de critères de sélec-tion et de compétition pourarriver à me réaliser.

Frustrée par la vie, c’est à cemoment que j’ai imaginé AdDeliro. Un lieu, un événementoù chacun pourrait venir y créerlibrement son projet, sans passerpar aucun comité de sélection.

J’en ai parlé à mes amis aveclesquels j’avais fait, au cégep, un72 heures d’improvisation. Avecquelques autres de nos connais-sances respectives, nous avonsdiscuté de nos visions sur le pro-jet et essayé d’établir plus pré-cisément les grandes lignes decette idée. On s’est entendu sur3 choses: la durée (48 heures), lefait que nous ne voulions que de

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Ad Deliro, c’est plus de 300artistes qui se sont rassemblés.D’illustres inconnus sont venusexpérimenter, échanger et pro-poser le résultat de leurs créa-tions. Ad Deliro, 48 heures dedéséquilibre, a été un grand«work in progress» où l’occa-sion a été donné aux artistesd’exprimer ce qu’ils voulaientdire et ce, en toute liberté.

Ad Deliro a envahi Espace Libreau complet. La grande salle, aurez-de-chaussée, fut le lieu oùont été présentés les spectaclesde danse, de théâtre et les con-certs. L’atelier, au premierétage, fut le théâtre des instal-lations, des créations en directet d’une chambre noire. Le cafépermettait d’assister à de cour-tes pièces, à des lectu res, à desperformances et des projec-tions. C’était aussi l’endroitpour casser la croûte, discuter,se reposer et même monter surla petite scène de service si l’en-vie vous en prenait.

Olga Claing. Photo: Kim McCraw

AD dELIRO48 heures de déséquilibre

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la création et toucher le plus dedisciplines artistiques possible.Ces questions réglées, il fallaitmettre sur pied une méthode defonctionnement. C’est ce quienvenima, entre autres, labonne entente dans le groupe. Jecommençais à comprendre quej’essayais de recréer ce quej’avais appris au NTE, dans cesréunions où tout était voté à l’u-nanimité. Dans mes souvenirsd’enfant, toute cette règle de l’u-nanimité me semblait alorsbeaucoup plus simple et évi-dente. Je n’ai pas réussi à fairecomprendre ni à faire acceptercette méthode à notre groupe.En fait, personne ne semblaitvouloir s’écouter.

Comme si le fait d’avoir lemême âge (début de la ving-taine) faisait étrangement quenous ne nous respections pas, nevoulant pas qu’un autre commenous nous dise quoi faire. C’estce que j’en déduis et j’ai étédéçue de ces rapports humains,surtout lorsque l’on croit bienconnaître les gens, qui sont audépart des amis. Ce qui en estressorti, c’est surtout la non-con-fiance, le non-respect et, mal-heureusement, une lutte de pou-voir incompréhensible etinutile.

Il faut dire que l’événement étaitde taille. Ad Deliro, 48 heures dedéséquilibre regroupait plus de300 artistes qui se devaient, en48 heures continues et dans unmême lieu, Espace Libre, deprésenter plus de 70 créations detoutes disciplines artistiquestelles que la danse, l’écriture, lecinéma, les arts visuels (peinture,sculpture), la musique et lethéâtre. On devait envahirtotalement Espace Libre. Ce quenous avons fait; il ne restaitqu’un recoin dans la cuisine,pour dormir si l’envie nous enprenait. Il y avait des spectaclesdans chaque salle, des exposi-tions dans la cage d’escalier,dans les toilettes et dans l’entrée;on pouvait trouver un labo -ratoire de photo et de création.On y a produit des spectaclesd’humour. On y a conçu unepièce de théâtre, de l’écriture à lamise en scène, en 48 heures. Ona assisté, pêle-mêle, à des exposi-tions de peinture par jets decanon, à un numéro de trapèzede corde, à une conférence sur le

temps et, évidemment, à unspectacle de “tout nu”. Ce nesont là que quelques exemplesdu contenu de cet événementhaut en couleurs.

Ce qui m’a surprise, c’est quemalgré tout, l’événement futune réussite. Je ne saurais l’expli -quer... L’ambition? L’engagementenvers 300 artistes, ou plutôtl’engagement envers le NTE sontprobablement des éléments quiont aidé au succès.

J’étais allée voir personnelle-ment Jean-Pierre Ronfard pourlui demander d’accueillir le pro-jet au théâtre et, par le faitmême, je devenais, aux yeux duNTE, responsable d’Ad Deliro, cequi n’était pas du tout le caslorsque je travaillais avec legroupe. Je me suis mise dans unesituation où j’avais l’impressionque la confiance que m’accor-dait le NTE était en jeu si le pro-jet n’aboutissait pas. Il fallaitque le groupe s’entende et j’étaisloin de pouvoir décider de lavolonté de chacun. Nous étions15 au départ et plus de la moitiédu groupe quitta avant le débutde l’événement. Il fallait mettrenotre «personne» de côté etaccepter que l’événement nousdépasse et que si l’on a choisi del’alimenter, il faut le faire sansattendre de reconnaissance.

C’est peut-être ce qui nous a leplus «déséquilibrés». Au départ,on croyait vraiment faire ceshow davantage pour nous,pour que nous puissions réalisernos envies artistiques.

Seulement, il était trop tard pourreculer et heureusement quenous n’avons pas lâché car latâche était immense. Ce fut durpour l’orgueil de chacun.

De plus, j’aurais bien voulu faireune analyse de cet événement,analyse sur le temps ou sur l’es -pace théâtral, mais je ne l’ai pasfait. Après un an d’organisationbénévole, de stress, de longuesargumentations, après plusieursnuits sans sommeil, lorsqu’AdDeliro commença, j’étais déjà,comme mes compagnons,épuisée. J’avais l’impression deflotter d’un spectacle à un autre,m’assurant du bon déroulementet veillant à ce que les specta-teurs soient confortables, mon-

tant et descendant les escaliersau moins une cinquantaine defois. Mon esprit n’arrivait pas às’arrêter pour saisir l’action quise déroulait à chaque création.Bref, j’ai été à Espace Libre pen-dant environ 40 heures et je neme souviens que de quelquesspectacles que je n’ai même pasvus dans leur entièreté.

Ad Deliro fut un beau projet, dif-ficile mais intéressant car les par-ticipants étaient totalementlibres de faire et de dire ce qu’ilsvoulaient. Dans la mesure dupossible, on faisait participer lepublic, soit à l’écriture depoèmes ou à la création d’unfilm d’animation. Ce fut unincroyable lieu de rencontreentre les arts et les gens.

Tous les artistes, bénévoles etspectateurs, ont participé demanière harmonieuse et sur-prenante car tout aurait pufacilement tourner àla cacophonie. Lafatigue a provoquéun sentiment de soli-darité entre tous.J’aurais voulu avoir laconscience de m’arrêteret de discuter avec lesgens mais, il m’était dif-ficile d’être objective etéveillée à toute cetteaction. Je devais être tropoccupé «à faire du change»pour le bar...

Quelques spectacles furentrepris dans d’autres théâtres,à titre professionnel, durantles deux années qui suivirentAd Deliro, et ça, pour moi,c’est la preuve réelle de la réus-site de notre projet. Nousavons créé un tremplin pourcertaines personnes et nousavons ouvert des portes àd’autres qui n’avaient jamais eu

l’occasion de s’expo ser. Plusieursnous ont demandé, à la fin du48 heures, si nous allions refaireAd Deliro. Évidemment, nous,nous n’en avons plus l’énergie,mais je crois que ce serait néces-saire.

Cet événement, en plus d’ouvrirdes portes, rend l’art accessibleen ayant comme critère de sélec-tion ce qui est le plus important:avoir la volonté de mener unprojet à terme, quel qu’il soit.

Il faut encourager les jeunes etles compagnies sans subventionà créer. Faire de la place pourtoutes personnes ayant de l’am-bition, diplôme ou pas. Faire ensorte que personne ne resteenfermé chez-soi, à ne rien faired’autre que de rêver à ce qu’ilferait si on lui donnait lachance. On gaspille des bouts devie alors que l’on pourraitavancer davantage. En tantqu’artiste, nous devrions tousavoir accès à notre outil de tra-vail. La scène. Qu’elle s’appelleécran de cinéma, livre, salled’exposition, atelier. Cette scèneest le lieu où l’œuvre et le spec-tateur peuvent se rencontrer. Ilest si facile de ne rien faire et dese décourager lorsque l’on n’apas de possibilité d’exposer sacréativité.

Olga Claing

CQFSCE QU’IL FAUT SAVOIR

Organisateurs:

Annie Bélanger, Pascal Brullemans,

Olga Claing, Nathalie Cloutier,

Marie-Hélène Copti, Philippe Ducros,

Marthyne Gagnon, Simon Jodoin,

Emmanuel Jouthe, Lancelôt Tremblay

Directeur de production:

Pierre Charbel Massoud

Assistant directeur de production

et directeur technique: Daniel Ross

Régisseur: Christian Denis

Éclairagiste: Jean Laurin

Sonorisateur: Charles De Lorimier

Scénographie: Alexandre Picotte

Coproduction: Nouveau Théâtre

Expérimental et les Productions

Ad Deliro

Date: 14 au 16 avril 1995

sans interruption

Lieu: Espace Libre

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Le Grand Théâtre Émotif duQué bec, c’est Louis Champa -gne, Stéphane Crête et GabrielSabourin qui, accompagnés deplus d’une centaine d’inter-venants, ont dirigé des re cher -ches durant toute l’année1996. Leur but: cerner l’émo-tion par le médium théâtral etfaire de l’année 1996 L’Annéemondiale de l’ébranlement.Leur devise: «Nous sommesfous mais nous ne sommes passeuls.» 12 spectacles différentsen douze mois. P.S. Il est évident qu’en recon -stituant cette gigantesqueliste, nous avons dû oublierquel qu’un. On s’en excuse àl’avance.

ÉdenMise en scène: Louis Champagne, StéphaneCrête, Gabriel Sabourin Distribution: Louis Champagne, StéphaneCrête, Gabriel Sabourin Conception: Pierre Charbel MassoudAttachée de presse: Olga ClaingProduction: Grand ThéâtreÉmotif du QuébecDate: 1er, 2 et 3 janvier 1996Lieu: Espace Libre

BarbarieTexte: Louis Champagne,Daniel Desputeau, René-DanielDubois, François Marquis,Gabriel SabourinMise en scène: Daniel DesputeauDistribution: Louis Champagne,Catherine Chouinard,Stéphane Crête, René-DanielDubois, Christine Filteau,Charles Lafortune, NicolasLégaré, Valérie Le Maire,François Marquis, MichelMilot, Luc Roy.Conception: Pierre CharbelMassoud, Sylvain PoliquinAttachée de presse: Olga ClaingProduction: Grand ThéâtreÉmotif du QuébecDate: 1er, 2 et 3 février 1996Lieu: Espace Libre

RienMise en scène: Stéphane CrêteDistribution: Nefertari Belizaire, Jean Boilard,Jean-Robert Bourdage, IsabelleBrouillette, Michel-AndréCardin, Louis Champagne,Henri Chassé, GuillaumeChouinard, Marie-Hélène Côté,Stéphane Crête, Pierre Dallaire,Catherine De Sève, ClaudeDespins, Muriel De Zangroniz,Pierre Fabrice, Frank Fontaine,Robert Gravel, Soleil Guérin,Élise Guilbault, Christopher,Heyerdahl, GuillerminaKerwin, Claude Laroche,

Jacques Le Blanc, Marie DianeLee, Valérie Le Maire, MarikaLhoumeau, Didier Lucien,François Marquis, AlexisMartin, Kim McCraw, PascalNadeau, François Papineau,Marie-Chantal Perron, Marc-André Piché JeannePicker, Sylvie Potvin, Jean-Guy Poulin, HélèneReeves, Nathalie Richer, Daniel Ross, Michael Rudder,Gabriel Sabourin, AnneSaucier, Jean-Nicolas VerraultAttachée de presse: Olga ClaingProduction: Grand ThéâtreÉmotif du QuébecDate: 1er, 2 et 3 mars 1996Lieu: Espace Libre

AvrilTexte: Stéphane Crête, Valérie Le MaireMise en scène: Stéphane CrêteDistribution: Francis Bergonzat, GaryBoudreault, Jean-RobertBourdage, Pascal Contamine,Charles Imbeau, Robert Lavoie,Stéphane Leblanc, GabrielSabourinConception: Éric Clément, CatherinePhilibert, Daniel RossAttachée de presse: Olga ClaingProduction: Grand ThéâtreÉmotif du QuébecDate: 1er, 2 et 3 avril 1996Lieu: Espace Libre

NuditéTexte: Robert Gravel, Alexis MartinMise en scène: Louis ChampagneDistribution: IsabelleBrouillette, Stéphane Demers,Jean Petitclerc, Marc-AndréPiché, Brigitte PoupartConception: Éric Clément, Daniel Ross Attachée de presse: Olga ClaingProduction: Grand ThéâtreÉmotif du QuébecDate: 1er, 2 et 3 mai 1996Lieu: Espace Libre

LâchetéTexte: François Archambault,Raymond Arpin, YvanBienvenue, Jocelyn Blanchard,Dominic Champagne, PascalContamine, Jean-RochGaudreau, Dominic Lapointe,Suzanne Larocque, Jean-Frédéric Messier, Patrick Olafson-HénaultMise en scène: LouisChampagne, PascalContamine, Gabriel SabourinDistribution: Raymond Arpin,Jocelyn Blanchard, JacquesCaron, Pascal Contamine,Daniel Desputeau, MichelGingras, Chantal Lapointe,Suzanne Larocque, Jean-Frédéric Messier, PatrickOlafson-Hénault, David SavardConception: Daniel RossAttachée de presse: Olga ClaingProduction: Grand ThéâtreÉmotif du QuébecDate: 1er, 2 et 3 juin 1996Lieu: Espace Libre

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Les nocturnes duGRAND THEATRE ÉMOTIF DU

Jean-Pierre Ronfard dans Siducie. Photo: Kim McCraw

Gabriel Sabourin, Louis Champagne, Stéphane Crête dans Elle.Photo: Kim McCraw

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ElleMise en scène: Louis Champagne, NathalieClaude, Stéphane Crête,Valérie Lemaire, Kim McCraw,Line Nault, Nathalie Richer,Gabriel SabourinDistribution: Louis Champagne,Nathalie Claude, StéphaneCrête, Valérie Le Maire, Line Nault, Nathalie Richer,Gabriel SabourinConception: Marthyne Gagnon,Annick La Bissonnière, André Nault, Line Nault, David Poulin.Attachée de presse: Olga ClaingProduction: Grand ThéâtreÉmotif du QuébecDate: 1er, 2 et 3 juillet 1996Lieu: Espace Libre

MinuteTexte et mise en scène:Stéphane CrêteDistribution: MireilleBrullemans, GuillaumeChouinard, Stéphane Crête,François Marquis, GabrielSabourin, Sylvain ScottConception: Éric Clément,Pierre Fontaine, MarthyneGagnon, Daniel Laberge,David Poulin, Daniel RossAttachée de presse: Olga ClaingProduction: Grand ThéâtreÉmotif du QuébecDate: 1er, 2 et 3 août 1996Lieu: Espace Libre

ExécutionTexte: François Archambault,Louis Champagne, Valérie LeMaire, Didier LucienMise en scène: Louis ChampagneDistribution: François Archambault, SylvioArchambault, Jean Asselin,Robin Aubert, Yves Bélanger,Néfertari Bélizaire, FrancisBergonzat, Jocelyn Blanchard,Réal Bossé, Gary Boudreault,Jean-Robert Bourdage, DanielBrière, Louis Champagne,Violette Chauveau, GuillaumeChouinard, Marie-AndréeCorneille, Stéphane Crête,Annie De Raiche, Isabel DosSantos, Claude Despins, DianeDubeau, Ghyslaine Dupont-Hébert, Nicole Filiatrault,Frank Fontaine, MoniqueGosselin, André-Jean Grenier,Jean Harvey, Charles Imbeau,Mireille Jodoin, LyndaJohnson, Emmanuel Jouthe,Guillermina Kerwin, Marie-

Claude Langlois, MichelLaperrière, Jan-Marc Lavergne,Robert Lavoie, Marie Lefebvre,Sylvie Legault, Roger Léger,Valérie Le Maire, Éric Loiseau,Didier Lucien, Alexis Martin,Pascale Montpetit, SylvieMoreau, Sylvie Morissette,Mireille Naggar, ClaudinePaquette, Patricia Pérez, Marc-André Piché, JacquesPiperni, Marcela Pizarro,Claudine Raymond, HélèneReeves, Nathalie Richer,Christopher Ryan, GabrielSabourin, Éloi Savoie,Henriette Senay, Luc Senay,Frédéric Teyssier, StéphaneThéoret, Yvette Thuotet dans nos cœurs Robert Gravel

Conception: François Archambault, Jean Bard, Daniel Brière, LouisChampagne, Jacques Doucet,Claude Legault, Valérie Le Maire, Didier Lucien, Kim McCraw, David PoulinAttachée de presse: Olga ClaingProduction: Grand ThéâtreÉmotif du QuébecDate: 1er, 2 et 3 septembre 1996Lieu: Espace Libre

NombrilTexte et mise en scène:Gabriel SabourinDistribution: LouisChampagne, Louis-MartinDespa, Patrice Godin, KarenHader, Gabriel SabourinConception: StéphaneDuquette, Éric Lafond,Charlotte RouleauAttachée de presse: Olga ClaingProduction: Grand ThéâtreÉmotif du QuébecDate: 1er, 2 et 3 octobre 1996Lieu: Espace Libre

TroubleMise en scène: Louis Champagne, StéphaneCrête, Gabriel SabourinDistribution: Jean-ClaudeBoudreau, Jacques CaronConception: Éric Lafond, Kim McCraw, Nathalie RicherAttachée de presse: Olga ClaingProduction: Grand Théâtreémotif du QuébecDate: 1er, 2 et 3 novembre1996Lieu: Espace Libre

Siducie (suicide)Texte: Claude Gauvreau,François Archambault, GaryBoudreault, Louis Champagne,Stéphane Crête, GabrielSabourinMise en scène: StéphaneCrête, Gabriel SabourinDistribution: FrancisBergonzat, Hélène Boissinot,Gary Boudreault, Jean-RobertBourdage, Daniel Brière,Michel A. Cardin, LouisChampagne, VioletteChauveau, Pascal Contamine,Stéphane Crête, DanielDesputeau, Stéphane Duquette,Soleil Guérin, Linda Johnson,Guillermina Kerwin, PhilippeLambert, Valérie Le Maire,Jacques L’Heureux, FrançoisMarquis, Dominique Meunier,Lyne Nault, Brigitte Poupart,Jean-Pierre Ronfard, GabrielSabourinConception: Jean Bard, Éric Clément, Éric LafondAttachée de presse: Olga ClaingProduction: Grand ThéâtreÉmotif du QuébecDate: 1er, 2 et 3 décembre 1996Lieu: Espace Libre

Nathalie Richer et Valérie Le Maire dans Elle. Photo: Kim McCraw

Daniel Desputeau (de dos), Raymond Arpin et Chantal Lapointedans Lâcheté. Photo: Kim McCraw

QUEBECA

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Page 13: Point d'orgue

Que s’est-il passé à partirdu 1er janvier 1996?Douze spectacles ayant chacunpour thème un mot dont l’initiale est une lettre deÉ.B.R.A.N.L.E.M.E.N.T.S.

ÉDEN ou on avait oublié quec’était le jour de l’an...On croyait tous les trois qu’enouvrant les portes, il n’y auraitpersonne et qu’on retourneraittranquillement manger de la

dinde en famille. Maisnon, à minuit, le

public y était. Enentrant, exposi-tion ayant pourthème les fonda-teurs du GTEQ,

accompagnée d’unvin d’honneur.

La pièce: Fiction et réalité secôtoient. Les trois directeurs duGTEQ, dans la pièce, ont misél’argent des cartes de membre àla loterie et dans quelquesheures, ils seront millionnaires.Les projets sont nombreux:engager Depardieu et l’humilier,engager Marc Béland pour notreseul plaisir et passer des heures àembrasser Juliette Binoche enrépétition. Les résultats sortent, ilsont tout perdu. Ils doivent fairedes spectacles avec presque rien.

BARBARIE ou changement devitesseÀ la réunion du 4, lendemain detoutes nos dernières, un ventnouveau s’infiltre. Plusieurs per-sonnes sont présentes pour nousproposer leurs idées. C’est ledébut des collaborateurs. La pièce: La Barbarie économi -que de notre société. Toutes lesdécisions prises au nom de l’é-conomie et qui ont des répercus-sions barbares sur notre société.Le public entre dans un bar oùles cadavres jonchent le sol.Assis au bar, un homme lit leJournal de Montréal et se révolte àchaque gros titre. Ce spectacleétait un cri de révolte, incon-trôlé et adolescent, beaucoupinfluencé par l’actualité sordidedu mois de janvier 1996 (meur -tre à coup de marteau, dramefamilial sanglant, etc...)

RIEN ou l’art de faire rienNous avons passé près de prendrele terme à la lettre et de partir envacances. C’était trop simple.La pièce: Une pseudo-auditionpour une pub. On demande auxcandidats de jouer 1) rien; 2) rien puis quelque chose; 3)quelque chose qui ne signifierien. Pour comble d’expérimen-tation, les personnes qui audi-tionnaient, professionnels ouamateurs, ne savaient rien de cequi les attendait.

AVRIL ou les plaisirs deGabrielCe mois-là, Gabriel part entournée et nous dit qu’il a enviede jouer quelque chose de gros.Il nous met au défi, acteur clas-sique qu’il est, de lui écrirequelque chose qu’il ne sera pascapable de jouer. La pièce: Gabriel, un jeunehomme au prise avec ses pulsionsonanistes, se réfugie dans uneabbaye auprès de moines chastespour contrer ses pulsions. C’estd’ailleurs dans ce spectaclequ’une des répliques les plussavoureuses de l’année a été dite:«J’me crosse trop.» Avril, le prin -temps nous influen çait, les robesfleuries, les vélos, les cuisses...

NUDITÉ ou est-ce que lesmédias et le publics’intéres sent plus auxfesses qu’au théâtre?Quoi dire qui n’a pasété dit? C’est peut-êtrele lieu pour parler de laréaction de Robert Gravellorsqu’on lui a annon-cé que la pièce qu’onlui avait commandé, àlui et à Alexis Martin, nemettrait pas seulement enscène des comédiens nus, maisque tous ceux qui entre raientdans le théâtre devraient l’êtreaussi. Robert nous a trouvé pasmal niaiseux. La pièce: Courte pièce de 20minutes qui met en scène deuxcouples qui se rencontrent pourprendre un verre et discuter; leshommes, de tondeuses, les fem -mes, de certaines soirées chicsdans Outremont. Ils sont nusmais il ne le savent pas.

N.B. Nous ne sommes jamaisrevenus sur le traitement que lesmédias ont fait de cette pièce. Direà quel point c’est troublant derecevoir des insultes à la radio, dese faire accuser de dépenser l’argentde l’état alors que nous avons passédes centaines d’heures à travaillergratuitement. Voilà pour ce qui estdes journalistes à scandale. Quantà ceux de la section culturelle, quine s’étaient pas intéressés à notretravail depuis le début de l’année,ils se jetaient sur nous. L’interven -tion de l’escouade de la moralité afait annuler la troisième représen-tation du spectacle. D’où nouveauremous médiatique. Morale de l’af-faire: la solution au problème de laculture et de sa couverture par lesmedias? Mettez des tout nus dansvos pièces.

LÂCHETÉ ou FLQ (Fédérationde lâches du Québec)À l’instar des alcooliques ano -nymes, une réunion a lieu à labrasserie de la rue Fullum, coinOntario, le FLQ se rassemble.La pièce: Cagoule sur la tête, leslâches accueillent le public.Dirigé de main de maître parRaymond, le plus ancien dugroupe. Au menu: la prière dulâche, des témoignages, uneintervention de fausse police(pour un clin d’œil à Nudité),une manif dans la rue à 2 heuresdu matin pour aller planterune graine de maïs en signed’amitié. L’imprévu est aurendez-vous, la réalité se mêleà la fiction avec les vrais clientsdu bar qui ne savent pas qu’ilsassistent à une pièce de théâtre.

Pour ce qui est du processusde création, une quin zained’auteurs, autant d’ac teurs,aucune répétition, tout tient

entre les mains du destin.

ELLE ou femme, je vous aimeLes filles qui sont dans l’entou -rage du GTEQ veulent jouer. Onse fait accuser de n’être qu’unegang de gars, avec des discoursde gars, bref de faire des showsde gars. Elles n’ont pas tort. La pièce: On divise la soirée endeux: en premier lieu, laféminité insérée de force dansnos gros corps d’hommes et en

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Mot des anciens directeurs du GTEQ

historique

Que s’est-il passé le 19 octobre 1995?Assis confortablement dansmon divan, ne faisant riend’autre que regarder monnombril et réfléchir au sort duthéâtre québécois, je prends ladécisison énorme que leglandage doit cesser. J’appelledeux collègues qualifiés pourleur faire part de mon idée trèshumble de faire 12 créations en12 mois. Quelques heures plustard le projet est en branle.

On prend alors rendez-vousavec MM. Jean-Pierre Ronfardet Robert Gravel. Surprise, ilsnous prêtent leur théâtre pourl’année et nous donnent del’argent. Nous serons lesjeunes dieux du stade, les 1er,2 et 3 de chaque mois à minuit.De plus, les 4 de chaque moisaura lieu une rencontre-bilande l’événement passé.

On envoie aussi à 500 person-nes triées plus ou moins sur levolet, c’est-à-dire aux membresde nos familles, à nos amis, àcertains membres du milieuque l’on connaissait et àd’autres que nous voulionsnarguer, une carte de membredu GTEQ, carte qu’ils peuventvalider en nous envoyant lamodique somme de vingt dol-lars canadiens. La surprise esténorme, les chèques se sui -vent, la boîte aux lettres seremplit, 200 personnes nousencouragent avec leur don,mais surtout avec leur petitmot d’appui. Nous sommesgonflés à bloc, l’aventure peutcommencer.

Louis Champagne

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second lieu, une partie fémininese jouant tout en douceur et enamour mais cachant quandmême un écœurement face àcertaines situations du quotidienque les femmes ont à vivre.

N.B. Un des moments forts de l’an-née, l’achat de sous-vêtementsféminins pour Louis, un acteur auphysique troublant.

MINUTE ou minuteStéphane avait depuis presqueun an l’idée de monter ce projet,un fait divers dans un quotidienfrançais l’avait intrigué.La pièce: L’histoire de Thierry,un homme qui, après un acci-dent d’automobile, devient sim-ple d’esprit. Ce Thierry accepte50 000 $ pour tuer un hommeavec qui il s’est lié d’amitié. Lechèque est sans fonds. Thierry seretrouve en prison.

N.B. Un des moments forts de l’an-née, cet entracte d’une minute dansun show de trente minutes.

EXÉCUTION ou la mort du roiTréborLe 12 août, Robert Gravel meurt.Louis était en charge du specta-cle Exécution du 1er, 2 et 3septem bre, mais tout est cham-boulé. On a l’intention de met-tre un brassard noir sur lesportes du théâtre mais, envivant notre peine et voyant latristesse partout autour denous, d’un coup de tête onfonce. Après avoir contacté desproches de Robert, à savoir si cen’était pas opportuniste de faireun show, la décision est prise:on fêtera le Roi Trébor (lireRobert). On remettra de la viedans ce lieu le plus tôt possible.

La pièce: Accompagné deFrançois Archambaut, Louis créele spectacle. Il commande destextes, reçoit des surprises. Oncontacte les 50, Omnibus, leGroupement et d’autres soli -daires de la peine. En 8 jours et 8nuits, la pièce est là. À souligner,la générosité de Jean Bard et deJacques Doucet aux décors etaux costumes et de tous ceux etcelles qui y ont participé.

N.B. 1 Ce spectacle était dédié auxdeux naufragés Marthe et Jean-Pierre, à qui on voulait dire qu’onles aimait.

N.B. 2 Cher Robert, j’ai l’impressionque la peine va en s’amplifiant, si leciel existe et que tu bois un bonscotch avec ton nouveau meilleurami Coluche, ça me va. Sinon, net’en fais pas, on est plusieurs ici-bas à boire le nôtre en pensant àtoi. Salut vieux, on s’en vient...✗✗✗

NOMBRIL ou du théâtre pourenfant à minuitGabriel est chargé d’écrire et demettre en scène cette saga mor-bide de l’avant-révolution russe.La pièce: Un couple de tsarsméchants revient du royaumedes morts pour parler à leurpetit-fils à travers les murs de sachambre. Au menu, accentrusse, combats d’épées, mortssanglantes, etc... La fatigue estplus que jamais dans nos âmes.Les trois soirs de spectacle se ter-minent dans des fous rires, lafamille Karkinski n’a rien à en -vier à la famille Rozon, des vraisboute-en-train.

TROUBLE ou vous avez ditbizarre?C’est le sprint final, on est brûlé.La pièce: On loue un autobus,on amène le public dans unecampagne éloignée où il estinvité par un vieux cultivateur àassister à une séance de quelque

chose qui n’arrivera pas. Àsouligner le talent de M.

Jacques Caron, notrefaux habitant touchant

de fragilité. Au retour,dans l’autobus, soupe,

cognac et musique. Le pu -blic ici a fait le spectacle.

SUICIDE ou la mort en directPour la première fois au Québec,trois jeunes créateurs dans levent décident de saborder latroupe qu’ils ont mis une annéeà construire. Dès le début decette aventure du GTEQ, le sui-cide était présent. C’est d’ail -leurs une des choses qui avaitbeaucoup plu à MM. Ron fard etGravel. Le côté éphémère decette démarche, la non-volontéde persister dans le but d’avoirdes subventions, un lieu, unerue, une statue... Mainte nant,pour nous, tout est à recom-mencer, même si cette année del’ébranlement 1996 nous aurapermis de nous définir commetrio, mais surtout comme indi-vidus; un nouveau rapport faceà la création nous est apparu. LeGTEQ est mort. Vive les projetsfuturs. La pièce: Lecture du testamentdu GTEQ, scène au paradis avecle barman céleste, parents etamis qui se confrontent, musi -que tsigane et mélancolique,toxédo blanc de chez Pat, tenuede gala, piña-colada. Enfin, lestrois suicidés, grâce à la magiedu théâtre, peuvent voir les réac-tions des veuves, des amis et desconfrères et, en flashback, leurspropres réactions. Ils croyaientavoir marqué l’histoire, ils serendent compte qu’on lesoubliera bien vite.

Louis Champagne, Gabriel Sabourin et Stéphane Crête. Photo: Isabelle Brouillette

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Le Théâtre expérimental (TEM puis NTE) a toujours entretenu avec l’écriture des rapports ambigus, parfois contradictoires, mais toujours incisifs.

Il faut d’abord rappeler que c’est autour d’une œuvre de Robert Claing, Colette et Pérusse, présentée au Théâtre de Quat’Sous en janvier1975, que s’est nouée, entre Pol Pelletier, Robert Gravel et Jean-Pierre Ronfard, une complicité artistique qui présida à la naissance du TEM.

Rappeler aussi que le premier spectacle du TEM, Une femme un homme, (juillet 1975), jouait sur, jouait avec ou se jouait de l’écriture. Certainesscènes étaient muettes, d’autres livrées aux hurlements inarticulés et aux onomatopées; le texte d’une scène changeait tous lessoirs, c’était une page du bottin téléphonique ouvert au hasard; une autre scène, développant le mythe de Prométhée, était écrite en style

soutenu; une autre reprenait un passage d’Il ne faut jouer de rien d’Alfred de Musset (Pol jouant le rôle de Valentin et Robert celui de Cécile!).

On peut encore noter que cinq des six membres du Théâtre expérimental de Montréal en ses débuts ont fait ensuite œuvre d’au teurs: Anne-Marie Provencher avec Où est Unica Zürn, La Tour et Rictus; Pol Pelletier avec À ma mère, à ma mère, à ma mère, à ma voisine, La Lumière blanche et, tout récemment, ses étonnants solos: Joie, Océan et Or. Jean-Pierre Ronfard a produit une quinzaine de textes

dramatiques. Robert Claing n’a cessé d’écrire des pièces qui ont été jouées par le NTE et Omnibus ainsi que par plusieurs théâtres en France.Robert Gravel enfin, après son Galipotte (8) du temps des jeunes comédiens du TNM, nous a donné La Tragédie de l’homme (trilogie) et Thérèse, Tom et Simon...Voilà donc une bonne livrée d’écri tures qui jalonnent un parcours d’une vingtaine d’années. Il y a eu également

une pratique constante de l’écriture comme soutien, entraînement et outil pour le jeu.Au cours des séances de travail de Garden-Party, il y avait Nicole Lecavalier qui, chaque jour, apportait le résumé dûment rédigé

de ce qui avait été tenté la veille en improvisations. Louise Laprade et Jean-Pierre Ronfard s’acharnaient à pondre dans leurs temps libres des textes jouables. Et pour Orgasme 1: le jardin, il y eut surcharge d’écri tures d’Alice Ronfard,

Robert Gravel, Anne-Marie Provencher, Christian Saint-Denis et Jean-Pierre Ronfard.

L’aventure de Vie et mort du Roi Boiteux est sortie tout droit d’une étude de Shakespeare et d’essais d’écritures shakespeariennes. Cette pratiquede l’écriture s’est même parfois approchée d’une véritable méthode de création: bon nombre de spectacles comme Le Grand

théâtre du monde, Tête à tête, Cinquante, etc... ont trouvé leur dynamique et leur nourriture dans des rendez-vous épistolaires réglés par consignes IMPÉRATIVES du genre: le 15 juin, envoi de lettre de chacun à tous; le 6 juillet, réponse; le 28 juillet, nouvel envoi; le 23 août,réponse; le 8 septembre, réunion générale au théâtre. Il y avait, dans cette ascèse rigou reuse, l’idée que les fameux brainstormings si chers

aux artistes, ne révèlent leurs vertus, ne trouvent leur aboutissement que grâce aux formulations précises qu’exige l’écriture et à desdélais intangibles. Il y eut aussi les rencontres mensuelles d’une fantômatique «cellule philosophique»

qui se manifesta pen dant environ deux ans (1979-81), où l’écri ture était à l’honneur.Donc,pourrait-on penser, c’était bien là une bande de gens sérieux qui vouaient à l’écriture une attention et un respect louables,qui la reconnaissaient comme essentielle à l’acte théâtral! [Wouais... Oui. Dans un sens, oui! Mais dans l’autre...! ]

Il y eut aussi, dès l’origine, une autre ligne beaucoup moins hono rable, celle qui favorisait l’absence de l’écriture ou son maniement quasiment délic tueux: les 12 heures puis, les 24 heures d’improvisation puis, la création de la LNI à la Maison Beaujeu; les spectacles-cadeaux,chaque semaine improvisés, chaque semaine différents, durant la tournée européenne de Garden-Party; des écritures collectives fondées surdes règles insensées comme celles qui menèrent au texte du Trésor des pyramides (la première réplique aura 3 lignes; la seconde, 1 ligne;

la troisième, 8 lignes, etc., etc.); sans parler des fameux ateliers de La Pipe à papa qui parvenaient à faire écrire et repré senter une pièce en une journée; étranges fabriques d’écritures barbares dont les répliques étaient choisies à main levée...

Que signifiaient ces débauches, ces fantaisies de gamins en rupture de ban? Peut-être tout simplement une attitude assez semblable àcelle des écoliers du Moyen Âge qui, d’une part étudiaient par cœur Aristote, Cicéron et Saint-Augustin, mais d’autre part déchargeaient

leur exubérance dans des sermons en latin macaronique, des fatrasies, des jeux de fous, des soties,des procès burlesques. Il y avait là aussi l’affirmation arrogante et doucement scandaleuse que l’écriture, tout compte fait, ce n’est

passi difficile que ça, pas la peine d’en faire une montagne, on est capable d’en produire à volonté, après tout ce ne sont que de petits signes

noirs sur du papier blanc. L’affirmation aussi qu’on peut faire du théâtre avec n’importe quelle sorte d’écri ture... Cette attitude iconoclaste a eu, en son temps, ses mérites. Elle a du moins permis à ceux qui l’adoptaient de se livrer aux plaisirs de

l’expression débridée, au hasard des belles rencontres comme aux risques de la médiocrité. N’est-ce pas une résurgence des

OUvrages de LItté rature POtentielle (Oulipos) que les surréalistes avaient inventés?

Aujourd’hui en 1997, après avoir considéré toute cette démarche pour en faire le bilan, on est bien obligé de constater que c’est essentiellementsur l’écriture qu’ont porté les travaux de Robert Gravel et de Jean-Pierre Ronfard depuis qu’ils se sont trou vés seuls, à deux, codirec teurs du NTE.

ÉCRITURES SOLITAIRES, comme La Tragédie de l’homme et Thérèse, Tom et Simon... de Robert Gravel et comme Précis d’histoire générale du théâtre en 114 minutes et Les Amours de Jean-Pierre Ronfard.

ÉCRITURES SIGNÉES CONJOIN TEMENT: Tête à tête, Cin quante, Matines: Sade au petit déjeuner. Or toutes ces œuvres, une fois écrites, ont été montées dans un respect méti cu leux du texte.

Finalement, oui, toute cette histoire, avec ses atermoiements, ses refus, ses batailles, illustre un style de dramaturgie où l’écri ture, la formulation par les mots, contribue fortement, presque essentiellement à la fête théâtrale. ■

au Nouveau Théâtre ExpérimentalL’écriture

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PROGRAMME DOUBLE: 50 + l

CINQUANTE

1. De face.

2. De dos.

3. Profil.

4. Autre profil.

5. Le ha a a.

6. Émotions: joie, peur,espoir, tristesse.

7. Le saut.

8. Le coup de pied.

9. La Danse de noces[Breughel].

10. La Liberté guidant le peuple [Delacroix].

11. Le Jardin des délices[Bosch].

12. Un dimanche après-midià la Grande Jatte [Seurat].

13. L’Enseigne de Gersaint[Watteau].

14. L’Enterrement du comted’Orgaz [El Greco].

15. Saint-Just à la Conventionnationale française le 10 octobre 1793.

16. Cicéron. Catilinaires.

17. Madame Thatcher.

18. Hitler.

19. Mais quel est le sens detout cela?

20. Place au théâtre: au Rideau Vert.

21. Au TNM.

22. Chez Jean-Duceppe.

23. Au Festival Juste pourrire.

24. À Espace Libre.

25. Une distribution shakespearienne.

26. Autre distributionshakespearienne.

27. Le récit du Cid.

28. Bergers et bergères.

29. Macbeth. La forêt deDunsinane.

30. L’Assassinat de JulesCésar.

31. Love Me Tender.

32. La plage.

33. Les files d’attente.

34. Transports en commun.

35. Dans le noir.

36. Le cri.

37. Côte-des-neiges. Le champ.

38. Côte-des-neiges. Les pierres.

39. Côte-des-neiges. La veuve et l’orphelin.

40. Break.

41. L’arche d’alliance ou letemple de Bhubaneswar.

42. La pluie.

43. Mauvaises nouvelles del’étranger.

44. L’heure de la prière.

45. Étrange.

46. Les anges de la paix.

47. Napalm.

48. Hiroshima.

49. Le sauna.

50. Tout nu.

25 comédiens et 25 comé -diennes jouent d’abord Cin -quan te. C’est la pièce dont laligne et le ton étaient annoncésdans la séquence finale de Têteà tête. Cin quante interprètes,obéissant aux ordres d’unerégisseuse-maîtresse de céré-monie, exécutent cinquanteactions d’une durée de 10 se -condes à 10 minutes. On passe à travers toutessortes d’émotions théâtralestransmises par les cinquanteinterprètes, eux-même choisisavec le plus grand éclectisme(âge, style de jeu, couleur depeau, réputation, emploi,appar tenance à tel ou telgroupe). Ce spectacle a tâchéd’exploiter à fond le capitalque peut représenter un telnombre d’interprètes, nombreinhabi tuel et même considérécom me impossible au théâtre.

Les 50 thèmesUne régisseuse donne sesordres, implacablement maissans méchanceté évidente, enfaisant apparaître au comp-teur le chiffre de l’exercice queles cinquante exécu teront.

La régisseuse, Sylvie Morissette.Photo: Mario Viboux

34. Transports en commun. Photo: Mario Viboux

47. Napalm. Photo: Mario Viboux

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Il est de notoriété publiqueque le Nouveau Théâtre Expé -ri mental ne fait jamais leschoses comme tout le monde.

Au départ chaque interprèteavait reçu le Kit du parfaitCinquante dans lequel il y avaitle texte de la pièce, un horairede répétition (échelonné surtrois fins de semaine), des pho-tocopies de tableaux de maître(sur lesquelles chaque person-nage de la toile portait unnuméro) et la partition d’unetrès belle chanson du XVIIe

siècle.

Je pourrais dire, sans trop metromper, que la distributions’est faite en deux étapes. Lapremière consistait à distribuerdes personnages au verbegénéreux: Madame Thatcher,Cicéron, Saint-Just, Macbeth,etc., pour n’en citer que quel -ques-uns. Si le goût de faire unde ces personnages nous pre-nait, nous levions la main.Notre nom, s’il y avait compé ti -tion, était dûment pris en notepour être ensuite tiré au sort, àpile ou face, et ce, jusqu’à cequ’un seul d’entre nous soitfinalement désigné par le ha -sard pour faire le personnage.Cette partie fut jouée, dans lefou rire général, lors d’une denos premières rencontres dansla salle de répétition donnantsur la rue Fullum.

La seconde étape, plus rapideet tout aussi excitante, s’estjouée dans la salle de spectacleau cours de la première répéti-tion. Il s’agissait cette fois des’assigner un personnage dansles toiles de maître, numérotéesau préalable par Jean-Pierre etRobert. Comme pour une pein -ture à numéros les personnagesdes toiles portaient chacun le

leur. Notre mission était de rem-plir de notre propre couleurlocale le dit personnage de ladite toile.

Exemple: dans le tableau inti -tu lé Un dimanche après-midi àla Grande Jatte de Seurat, j’ai

eu l’envie irrépres sible de fairele numéro 14; une dame te -nant par la main une petitefille. Si je n’avais pas été laseule sur les rangs pour l’inter-prétation de ce personnagenous aurions, encore là, fait untirage au sort.

Ce qu’il y a de passionnantdans cette histoire c’est l’espritd’équipe qui s’est tout de suiteamorcé. Le résultat fut unspectacle harmonieux joué par50 personnes dont la majoriténe se connaissait encore quetrès peu.

Comment se fait

12. Un dimanche après-midi à la Grande Jatte, Georges Seurat, 1884-1886

Claudine Raymond

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50. Didier Lucien dans Tout nu.Photo: Mario Viboux

une distribution avec 50 acteurs au NTE?

CQFSCE QU’IL FAUT SAVOIR

Conception et mise en scène: Jean-Pierre Ronfard et Robert Gravel

Distribution: Sylvio Archambault, Roch Aubert, Robin Aubert, Chantal Baril, Yves Bélanger,

Nefertari Belizaire, Francis Bergonzat, Jean-Robert Bourdage, Daniel Brière, Louis Champagne,

Violette Chauveau, Chantal Collin, Marie-Andrée Corneille, Annie De Raiche, Daniel Desputeau,

Isabel Dos Santos, Diane Dubeau, Nicole Filiatrault, Frank Fontaine, Cassandre Fournier,

Monique Gosselin, Jocelyne Goyette, Robert Gravel, André-Jean Grenier, Charles Imbeau,

Mireille Jodoin, Lynda Johnson, Emmanuel Jouthe, Guillermina Kerwin, Michel Laperrière,

Geneviève Lavigne, Robert Lavoie, Valérie Le Maire, Jacques L’Heureux, Éric Loiseau,

Didier Lucien, Mireille Naggar, Claudine Paquette, Patricia Perez, Marc-André Piché,

Jacques Piperni, Marcella Pizarro, Luc Proulx, Claudine Raymond, Hélène Reeves,

Jean-Pierre Ronfard, Éloi Savoie, Stéphane Théoret, Françoise-Anne Thomas, Yvette Thuot

Régisseuse-maîtresse de cérémonie: Sylvie Morissette

Scénographie: Jean Bard

Conception sonore: Larsen Lupin

Éclairage: Sylvie Morissette

Direction technique: Christian Gagnon

Assistance à la régie: Sylvain Poliquin

Guichet: Danielle Broué, Olga Claing

Administration et publicité: Marthe Boulianne

Graphisme: Folio et Garetti

Production: Nouveau Théâtre Expérimental

Date: 21 mars au 8 avril 1995 à 20 h

Lieu: Espace Libre

15. Saint-Just à la Convention nationale française. Photo: Mario Viboux

Un procès révolutionnaire. Gravure anonyme.

9. La Danse de noces, Breughel.

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Depuis Vie et mort du RoiBoiteux, l’équipe du NouveauThéâtre Expérimental ne nousavait plus habitués à des produc-tions d’une telle ampleur, quiprennent en écharpe un groupede personnes pour explorer sen-siblement les traits pertinentsd’une communauté humaine.Un fil ténu, des transitions, desrépétitions, des liens thématiquesou alors le hasard pur (dont onsait, grâce à Mallarmé, qu’uncoup de dés jamais ne l’abolira),un mouvement perpétuel, unecirculation anonyme, furtive,relient entre eux 50 êtreshumains en 50 scènes anodinesou traumatiques.

Cinquante rassemble 50 person-nes qui forment à eux seuls lemonde. Cinquante réunit 50tableaux sur les rapports de l’unau multiple, de l’un à l’Autre.Cinquante peut très bien être vucomme un superbe document,ténu et vibrant, d’une «inquié-tante étrangeté», sur le mondede notre époque, en images, enscènes, sur lesquelles viendraientse greffer des images, des rémi -niscences d’un Paris d’avant, (laFrance de Saint-Just ou celle dupeintre Seurat) ou d’une Romed’encore plus avant (à l’épo quede César et de Cicéron), desimages et des scènes du Viet-nam ou du Japon, de l’Angle -terre sous Thatcher ou de toutesles grandes villes du monde oùpeuvent se produire des rencon-tres au sommet et où des enne-mis se serrent la main sous l’œildes caméras et des gardes ducorps. Partout où il y a de l’é-trange et de l’étranger.

Que peut-il y avoir de communentre un bas-relief du temple deBhubaneswar recréé par 50comédiens, 50 musulmans saisisà l’heure de la prière, 25 couplesenlacés et dansant sur Love MeTender, une veuve et un orphelinqui se rendent sur la tombe d’undisparu au cimetière Côte-des-Neiges au milieu de 48 tombesétendues au sol? Quoi de com-mun sinon le temps qui passeou s’arrête dans chaque scène,suscite le regard sous les dif-férentes espèces de contempla-tion, de l’impatience, de l’at-tente, de la douleur ou de la fas-cination? Quel lien, quelle justi-fication, hors ce regard, conduitd’une scène à l’autre, dans l’or-dre hasardeux d’un album descènes animées que l’on feuil-lette, promené entre les accrocsde telle ou telle perception de ladurée?

La grande force de Cinquante– cet «objet impuissant et incom -plet, chaotique et imparfait, quine croit pas au tout et à la per-fection», aurait dit ThomasBernhard – tient essentiellementà son travail sur la banalité.Hormis vers la fin, où unemanière de dramatisation inter-vient sans crier gare, et de façondiscrète et subtile, les faits et lesposes qui constituent ici lamatière de cette représentationsont parfaitement quotidiens etanti-dramatiques.

L’art de Robert Gravel et de Jean-Pierre Ronfard dans Cinquanteconsiste en fait en une observa-tion extérieure de l’humanité,mais de cette extériorité décou -lent une dimension ludique, unsens du dérisoire, un tragiquedésarmant qui font naître laforme absolument énigmatiquede l’existence. Ici, le personnageest littéralement n’importe qui,entraîné dans des hypothèses devie, de situations et de transportsparfaitement contingentes. Tousces individus dans cet «espacelibre» sont traités sur un pied d’é-galité, sans hiérarchie apparente,dans une sorte d’atonalité. Pasde but ou de destination prévisi-bles, mais une forme d’in dé ter -mi na tion absolue, de variationaléa toire continue, qui permetde ne jamais privilégier tel ou teltrajet, telle ou telle pré sence, telou tel segment, et qui offre plutôtune vue en coupe d’un monde àla fois familier et inconnu.

Dans Cinquante sont rassemblés50 corps en une seule présenceunifiante, 50 hommes et fem mes

qui, la plupart du temps, sontdépourvus d’identité et qui vontet viennent au sein d’unereprésentation qui abolit l’êtreindividuel pour mieux montrerle théâtre au monde. Et c’est sansdoute là l’un des sujets deCinquante, qui met en scène ungroupe sans esprit de groupe,une solitude collective, des êtresqui ne se détachent de lacollecti vité que pour la diriger, lamettre au pas, se donner en spec-tacle ou se faire tuer. «Toujoursseul: sans famille», écrivaitRimbaud. Une conscience dumonde et de la douleur s’affirmediscrètement au fil des tableaux:les usagers du métro sont «trans-portés», le temps d’une modifi-cation d’éclairage, dans les trainsmenant à Auschwitz; les vic-times du Viet-nam oud’Hiroshima, aussi ano nymessoient-elles, reprennent viedevant nos yeux, silencieuses etimmobiles; l’inquiétude et l’an-goisse sont clairement percepti-bles, de manière troublante,dans le tableau inti tulé Étrangeoù les Cinquante s’agitent danstous les sens, vont et viennent,chuchotent, échangent des re -gards affolés. Mais toute lecturesocio-politique de ce spectacleserait mise en échec. Il n’y ajamais de point de vue surplom-bant de la mise en scène dansCinquante. Il ne s’agit jamaisd’observer l’humanité de haut etde bâtir à partir de cette observa-tion un diagramme qui décriraitl’ensemble des principes et desmécanismes qui régissent lesrelations entre les individus etleur environnement, ou encoreles rapports entre les individusentre eux.

L’indétermination est totale,jamais enserrée dans la con-trainte formelle ou un détermi -nisme quelconque des concep-teurs. Au contraire, Gravel etRonfard se laissent aller auxjoies du hasard, de l’incongruité,de la neutralité du point de vue.Leur travail s’apparente à un col-lage cubiste qui ferait miroitertoutes les facettes d’une réalité.Leur théâtre demeure d’unegrande légèreté.

Il fuit les dogmes, les référenceset les niveaux de savoir pourmettre en scène d’abord et avanttout une belle communauté

33. Les files d’attente. Photo: Mario Viboux

30. L’assassinat de Jules César. Photo: Mario Viboux

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À LA fin du match, Robert m’a dit: «À Montréal, tu aurais eu une étoile». Çam’avait fait chaud après la dégelée qu’on avait prise sur la patinoired’Aubervilliers, suite à la première bataille d’improvisations, à la mode québécoise,que venaient d’importer sur le vieux continent Robert Gravel et Yvon Leduc en1987. Ce que j’aimais bien dans le jeu, c’était les improvisations comparées.

En 1995, j’avais déjà joué en France Une saison en enfer de Arthur Rimbaud.C’était un bon thème. Françoise Boyer et Yvon Leduc m’ont proposé une rencontreau Nouveau Théâtre Expérimental chez Jean-Pierre Ronfard et Robert Gravel.

Pour la traversée de l’Atlantique, le petit caddie de ménagère de mon décor étaitbourré de joie et de fierté d’avoir été choisi pour jouer, là-bas, au pays de l’hiver, dela neige et de Bozo.

Marthe Boulianne fut bonne conseillère pour les défis de la rencontre, si bienqu’en fait de comparée, ce fut une mixte libre et illimitée, grisant comme un bonpastis, et en fait d’Enfer, ce fut le Paradis. Le spectacle avait perdu l’aridité de lasolitude et c’était bon.

Ici, à Paris, je raconte souvent les paroles de Robert disant sa douleur à l’instant de sa mort:«Je meurs», au moment juste où elle est venue; comme la belle histoire d’une fière sortie de scène.

J’ai vu dans le parc du Mont-Royal des arbres morts que les sculpteurs et les peintres fontvivre encore en leur donnant des formes et des couleurs. Des Gravel bien enracinés qui jouentencore avec les autres, les feuillus, avec le vent. Incomparable.

Georges Trillat

Paris 1er mars 1997

+l:Une saison en enfer, présentée enpostface à Cinquante et inter-prétée par le comédien françaisGeorges Trillat, est un éblouisse-ment absolu. Il faut, pour en par-ler, redonner leur sens fort à desmots un peu galvaudés, un peuaffaiblis surtout: poésie, inspira-tion, fulgurance de la présenceen scène. En un mot: émotion.En voulant transmettre les motsde Rimbaud, Trillat n’a manifes -tement en rien cédé sur soninjonction personnelle: «Tu doisfaire ça.» Le comédien se livre ànous avec la fraîcheur (qu’on mepasse ce mot défraîchi, mais c’estle seul) de l’adolescent qui, à dix-huit ans, veut tout dire ce qui lemobilise – en l’occurence, le sen-timent amoureux –, et en mêmetemps avec l’urgence du créateurau bord de la mort et qui veutdire, montrer, faire sentir le plusde choses possible, comme si«plus tard» risquait de devenir«trop tard».

Stéphane Lépine

DANS LA MÊME

SOIRÉE, un comédien venude France, Georges Trillat, toutseul, éclairé par une ampouleunique, itinérant inspiré pous-sant son petit nécessaire surroulettes, dit et incarne Une sai-son en enfer de Rimbaud.

Ici c’est la parole qui est à la fête,qui occupe tout le champ, laparole solitaire et double, laparole d’un poète confondue àcelle d’un comédien. Les deuxspectacles, s’enchaînant l’unaprès l’autre, permettaient auspectateur de passer une soiréetout en contraste.

UNE SAISONEN ENFER

CQFSCE QU’IL FAUT SAVOIR

Texte: Arthur Rimbaud

par Georges Trillat

Régie: Sylvain Poliquin

Agent: Yvon Leduc

Production: Nouveau

Théâtre Expérimental

Date: 21 mars au 8 avril

1995 à 22 h

Lieu: Espace Libre

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LE CRU et LE

Un cénacle à l’ancienne mode.Un salon théâtral comme il yeut, au XIXe siècle, le salon desartistes indépendants ou, auXVIIIe, les Salons de Diderot. Entout cas, une soirée de cons pi -rateurs (des gens qui respirentensemble) apportant à uneassemblée sur le qui-vive leursplus précieux secrets, faisantcadeau à tous de ce que per-sonnellement ils estiment lemeilleur de leur talent et deleur savoir-faire. Défi périlleuxau quel participent, à diverstitres, des acteurs de talent.

Patricia Perez. Photo: Robert Etcheverry

Roger Léger. Photo: Robert Etcheverry

Jean Asselin (au premier plan), Jean-Pierre Ronfard. Photo: Robert Etcheverry

Jean-Pierre Ronfard. Photo: Robert Etcheverry

ily a un salon à moquetteopulente, divans en cuirblanc, tables laquées,

verres de cristal à longs pieds,vins qu’on devine délectables.Il y a un plafond aux mouluresdistinguées. Il y a aux extrémi -tés du salon des recoins tapis-sés de tableaux d’une bonneculture retardataire. Il y a,comme si les 4 murs de la sallerectangulaire avaient été abat-tus, les estrades étroites desspectateurs, voyeurs rappro -chés d’une fête qui leur estétrangère. Il y a les participantsà cette prétendue fête. Ilsboivent. Ils mangent des metscrus ou cuits.

L’un après l’autre, ils présen-tent à leurs compagnes etcompagnons des numéros deleur cru: qui, un texte d’écri -ture logorrhéïque; qui, uneconférence illustrée de pas detango; qui, une improvisation

de mime corporel; qui, unelecture d’un chant d’Homère;qui, un jeu de chansons spon-tanées; qui, un mini-récital descènes d’anthologie théâtrale.

Il y a entre tous ces gens desrapports de complicité réelle,de faux enthousiasmes, d’ap-plaudissements affectés, de raf-finement, de suffisance. Il y aune maîtresse de maison énig-matique qui se déplace et faitdes gestes et des mouvements,selon une esthétique bizarre.Accueille-t-elle ses hôtes avecune entière chaleur? Se moque-t-elle d’eux? Se moque-t-elle dela cérémonie mondaine qu’ellepréside? Se moque-t-elle d’elle-même et de cette gestuellequ’elle seule maîtrise parfaite-ment? Elle ne dit pas un mot.Quand la soirée s’achève, elleéclate en sanglots.

Jean-Pierre Ronfard

Une coproduction Nouveau Théâtre Expérimental et Omnibus

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CUIT

CQFSCE QU’IL FAUT SAVOIR

Soirée théâtrale conçue, écrite, décorée,

éclairée ou jouée par: Francine Alepin,

Jean Asselin, Jean Bard, Denise Boulanger,

Robert Gravel, Jacques Le Blanc,

Sylvie Legault, Roger Léger, Patricia Perez,

Jean-Pierre Ronfard, Daniel Ross

Majordome: Pablo Diconca

Confection des costumes: Jacques Doucet

Construction du décor:

Yco Productions enr., Olivier Brunet,

Carl Thibaudeau

Guichet: Olga Claing, Isabelle Pastena

Administration: Marthe Boulianne,

André Tardif

Publicité: Marthe Boulianne,

Laurence Jourde

Graphisme: Folio et Garetti

Coproduction: Nouveau Théâtre

Expérimental et Omnibus

Date: 21 novembre au 16 décembre 1995

Lieu: Espace Libre

Denise Boulanger Photo: Michael Slobodian

Denise Boulanger Photo: Robert Etcheverry

Quoiqu’elle fasse sur une scène,Denise Boulanger est une artistefascinante, impossible à quitterdes yeux. Elle a une époustou-flante virtuosité cor-porelle, qui fait l’ad-miration de ses élèvesà l’École de mimequ’elle dirige avec Jean Asselin;elle l’a développée par unapprentissage précoce et pro-longé du mime auprès du maîtreÉtienne Decroux. Mais elle aaussi, et d’autant plus, uneprésence forte, pas du toutmonolithique, faite plutôt dechassés-croisés, de tensionsintérieures et de paradoxes inso -lubles.

Sous sa peau, un tourment, unevigilance, une inquiétude, unmystère. Il y a chez elle une partd’ombre qu’elle assume sansjamais pouvoir l’élucider.Comme si l’artiste recelait unsecret, dont elle ignore non pasl’envahissante existence, mais lanature même. Ce secret, il ne luiappartiendrait pas de plein droit,il aurait été dérobé; elle se senti-rait coupable de le garder pourelle, d’en être le réceptacle, dû àon ne sait plus quelle obscure etancienne opération.

Chaque fois qu’elle monte surscène, c’est comme si elle ten-tait de se défaire d’un surcroîtd’existence, de dilapider ceten combrant capital. Elleapparaît ainsi in fi nimentpuissante et fragile à lafois. Unique. Différente.Choisie. À l’encontre de

la plupart de ses congénères, quisont attirés par le mime corporeldramatique et les choix esthé-tiques qu’il en gen dre justement

parce qu’il leur permet de briderla pulsion et l’émotion, ou dumoins de fabriquer l’illusion del’entière lucidité et du parfaitcontrôle, elle laisse affleurer savulnérabilité.

L’hôtesse qui pleure, personnagecréé et interprété pour Le Cru etle Cuit, peut se lire comme lamétaphore d’une critique del’esthétique qu’elle a superbe-ment servie au cours de sesvingt-cinq ans de pratique théâ-trale: une lassitude devantl’obligation du contrôle et de laperfection, l’irruption désordon-née de l’irrationnel dans unmonde de codes et de conven-tions, voire d’autosatisfaction.Le personnage fait office demanifeste. Il annonce peut-être,pour l’interprète magnifique, lefranchissement d’un seuil. Uneentrée en création?

Aline Gélinas

L’hôtesse qui pleure

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Se présageant porteur dans sestripes d’une nouvelle «saga»théâtrale, Robert Gravel, nepeut s’empêcher de livrer, dansun premier temps, certainsextraits d’une œuvre nonencore écrite. Ce sera uneétude structuraliste, c’est-à-dire une recherche poussée surles relations qui unissent lesfaits plutôt que sur les faitseux-mêmes, leur synchronicitéplutôt que leur évolution.

Curieusement, cet auteurdécidément en ébullition, s’im-plique avec Thérèse, Tom etSimon... dans une probléma-tique urbaine (l’auteur estobsédé par l’idée d’être assissur une bombe à retardement)et tente de jeter un éclairagenouveau sur la détériorationdu tissu social en en revirantles coutures de bord.

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THERESE, TOM

Madame Dionne (Diane Dubeau). Photo: Mario Viboux

Monsieur Brochu (Jacques L’Heureux). Photo: Mario Viboux

´ ´EXTRAITS PRÉMONITOIRES D’UNE ŒUVRE DISTRIBUÉEMAIS NON ENCORE COMPLÈTEMENT ÉCRITE.

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CQFSCE QU’IL FAUT SAVOIR

Texte et mise en scène: Robert Gravel

Décor et costumes: Jean Bard

Éclairage et régie: Sylvie Morissette

Direction technique: Christian Gagnon

Conception sonore: Larsen Lupin

Assistant aux costumes: Jacques Doucet

Chef d’atelier: Carl Thibaudeau

Distribution: Luc Senay (Simon, homme ordinaire);

Jacques L’Heureux (Monsieur Brochu), Chantal Baril

(Madame Brochu), Jacky Boileau (le fils Brochu);

Diane Dubeau (Madame Dionne);

Nathalie-Ève Roy (la fille avec un seul bas rose);

Joël Côté, François Ladouceur, Christian Vanasse

(trois Iroquois); Éric Loiseau (le préposé à la maintenance),

Robert Gravel (le chef de police Tanguay).

Production: Nouveau Théâtre Expérimental

Date: 9 avril au 4 mai 1996

Lieu: Espace Libre

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ETSIMON...[Prodrome]

La fille avec un seul bas rose (Nathalie-Ève Roy). Photo: Mario Viboux

Madame Dionne et Simon (Diane Dubeau et Luc Senay).Photo: Mario Viboux

Le préposé à la maintenance (Éric Loiseau) et le chef de policeTanguay (Robert Gravel). Photo: Mario Viboux

Madame Brochu (Chantal Baril). Photo: Mario Viboux

Page 25: Point d'orgue

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Morceaux du casse-tête du scénographe Jean Bard

Ci-dessus: Pierre Laniel etChristian Gagnon.

Ci-contre: Sylvie Morissette et Larsen Lupin

Photo: Mario Viboux

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Ghislain Dufour, Carl Thibaudeau et Christian Gagnon.

Yves Lalande.

Carl Thibaudeau,Glenn Landry et Éric Locas.

Michel Verdon.Photos (p.24-25): Léo Lagassé

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SADEau petitdejeuner« ...un désir ardent d’être foutueme fait tout hasarder sans craindre...»

Eugénie, La Philosophie dans le boudoir

Le Nouveau Théâtre Expéri mentalérotise le café-croissant du petit matin. Une façon ori gi nale dedébuter la jour née. Heure de re pré sentation: 7 h 30 le matin.

Le prétexte:Des comédiens, engagés dans

une pro duction radiophonique surSade, profitent des pauses entre

chaque enre gis trement pour discuter,philosopher et jouer certains personnages del’auteur de La Philosophie dans le boudoir.

Matines:

CQFSCE QU’IL FAUT SAVOIR

Texte et mise en scène:

Robert Gravel et Jean-Pierre Ronfard

Distribution: Chantal Bisson, Robert Gravel,

Danielle Proulx, Jean-Pierre Ronfard,

Daniel Ross

Aménagement scénique et costumes:

Charlotte Rouleau

Régie: Daniel Ross

Technicien: Serge Simard

Guichet: Danielle Broué

Administration et publicité:

Marthe Boulianne

Graphisme: Folio et Garetti

Production: Nouveau Théâtre Expérimental

Date: 3 au 14 juin 1996, du lundi au vendredi

à 7h30 du matin

Lieu: Espace Libre

REPRISE: 28 au 31 mai et 2 au 7 juin 1997

Distribution: Chantal Bisson, Pierre Charbel

Massoud, Danielle Proulx, Jean-Pierre

Ronfard, Paul Savoie

Régie: Pierre Charbel Massoud

Équipe technique: Charles de Lorimier,

Sophie Lavoie, Benoit Lacour

en collaboration avec le Festival de

théâtre des Amériques

´

Page 28: Point d'orgue

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Au départ, une idée,une idée un peu idiote, une idéede taverne, un projet d’adoles-cents boutonneux préparant unshow de cégep. Faire un showérotique qui reposerait sur desbruits suggestifs produits par desfruits et des légumes, genre me -lon d’eau, concombre, mangues,pamplemousses, courgettes cruesou cuites, patates molles, etc...Le tout pour illustrer La Philoso -phie dans le boudoir de Sade.

Dans un accès de gaminerie oud’aveuglement débile, on décideaux alentours de mars 1995d’inscrire ce spectacle (à faire)

dans la programmation officiellede la saison prochaine. Il s’ap-pellera: Matines: Sade au petitdéjeu ner. Le spectacle se joueraau printemps 1996, le matin, à7 h 30, du lundi au vendredipuisqu’il est destiné aux gensqui vont travailler!

Et la saison commence avec unepre mière production ou plutôtune coproduction avec Omni bus,Le Cru et le Cuit, puis la prépara-tion de Thérèse, Tom et Simon...[pro drome] qui déjà s’avère unemontagne, et il y a aussi les évé -nements suscités par le remuantGrand Théâ tre Émotif du

Québec... Bref, pas le temps des’occuper de Sade et de son petitdéjeuner. Pourtant, la dateappro che et comme il y a une loitacite au NTE qui veut qu’onfasse ce qu’on a décidé de faire,voici donc les deux compères,Gravel et Ronfard, qui se retrou-vent en février 1996 avec la char -ge de réaliser ce fameux spec tacleérotico-matinal. Rendez-vous detravail. Déconfiture. Cha cun deson côté s’est fait une documen-tation sérieuse et constate que lajovialité du projet primitif neconvient absolument pas ausujet à traiter. Sade n’est pasRabelais! Autres séances de tra-vail désespérantes. Puis le décliclibérateur se fait. On proposeraau public d’assister à la pause-café, au petit déjeuner d’un grou -pe de comédiens qui enre gistrentpour la radio La Philo sophie dansle boudoir du Marquis de Sade. Lepublic lui aussi prendra son petitdéjeuner, café-croissants-jus defruits, tandis que les comédiensœuvreront. Mais de quoi parle -ront-ils? Évidemment de ce qu’ilssont en train d’enregistrer. Enfait, surtout de la philosophie deSade plutôt que de son érotisme.

La pièce se transforme en débatoù entrent les réflexions les plusbousculantes de Sade sur la li ber -té, l’égalité, la justice, la peine demort, l’engagement révolution-naire, la violence, la loi natu -relle, le bonheur, les rapportsentre la morale et la politique.

Écrit en mars, le texte sera répétéen mai et joué au mois de juin1996. Il sera repris en mai 1997avec Paul Savoie dans le rôle queRobert Gravel avait créé.

Un spectacle à 7 h 30 du matin.Ça ne tient pas debout. C’estimpossible. Il faut être aussi foupour s’y rendre que pour le con-cevoir!!! Les mises en garde etpropos alarmistes allaient bontrain. Curieuse ment, dès le pre-mier jour, la salle de répétitiond’Espace Libre, où se jouait lapièce, s’est remplie d’un publicapparemment fort heureux de cepetit déjeuner inaccoutumé. Lesuccès ne s’est jamais démenti.

C’est une étrange affaire que lagestation d’une pièce de théâtre.

Robert Gravel, Danielle Proulx, Chantal Bisson,

Jean-Pierre Ronfard.Puis Paul Savoie (reprise).

Photos: Mario Viboux

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13 août 1996

Début radieux d’après-midi en Provence. Coup de téléphone d’Alexis apportant la nouvelle

insupportable. «Qu’est-ce que tu racontes?» C’est ce quej’ai dit. Impossible à imaginer. C’est une histoire. Ça nepeut être qu’une histoire. Une mauvaise histoire. Uneplaisanterie de mauvais goût!

Mais non! Robert est mort. Il faut que je m’enfoncecela dans la tête. D’abord dans la tête. Le cœur viendraensuite. Dans la tête. Oui. Les choses pratiques. Un spec-tacle à achever. Un autre à reprendre. Les remplacementsà faire. Et aussi, plus proche encore, les billets d’avion.C’est la veille du 15 août. Les avions sont pleins.Finalement, grâce à Yvon Leduc, tout s’arrange.

Trajet Paris-Montréal en compagnie d’Yvon. On neparle que de lui. Sourde rancœur partagée contre lui. Ilaurait dû. Il n’aurait pas dû. Ça ne se fait pas. Il aurait dûnous avertir. Tout cela n’est pas bien, pas correct.Pourtant, quand je lui ai appris la nouvelle, mon fils Benoîtqui l’aimait beaucoup, a dit: «C’est le mieux qui pouvaitlui arriver.»

Débarquement à Mirabel et tout droit, on va authéâtre. Là, l’éblouissement, la merveille! Tous les amis, lescomplices, les copines, les copains, la tribu, ils se sontrassemblés spontanément. Ils ont peint les murs en blanc.Comme quand on avait ouvert Espace Libre 15 ans plustôt. Comme un berceau joyeux. Robert peut partir enpleine splendeur. Nous tous, nous lui ferons fête.

La fête fut très belle et dura tard dans la nuit. Il y avaitbeaucoup d’enfants.

Dans le chagrin, on est égoïste. Je pense à moi. À ceque nous nous sommes donné l’un à l’autre. À ce que nousavons reçu l’un de l’autre. À ce que nous avons fait. Jepense aux cinq dernières années remplies à ras bord; cha-cun suivant sa ligne divergente, tous deux aussi nous

rassemblant pour concevoir, écrire, monter, jouer nos œuvres communes. Je penseaux gens que nous atti rions dans nos eaux, au remous informel de chaleur, d’audace,d’amusement, de désir qui s’est développé autour de nous. Dans le chagrin, on estégoïste mais c’est pourtant cette chaleur d’amour manifestée par tous les membresde la tribu qui m’a aidé à porter le chagrin, à le retourner en furieux désir de vivreencore plus et de faire encore et encore toutes sortes de choses.

Sans le vouloir expressément, j’ai réglé mon deuil en mars 1997 avec laconception et la réalisation de Soirée chaude! où mon texte, Les Amours, faisait lapremière partie. Dans ce texte, la mort de Robert était partout présente, comme unsubstrat nourrissant, mais le plaisir, le plaisir de faire du théâtre encore et toujourstriomphait.

Salut, Robert! Salut, mon jeune camarade, mon vieux frère!

Jean-Pierre

Le 12 août

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La mort du Roi La

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Quickly:C’est fait. Falstaff et mort.

Doll:Qu’il repose en paix.

Bardolphe:Je voudrais être avec lui, auciel ou en enfer.

Quickly:Pour sûr il n’est pas enenfer. Il est dans le seind’Arthur si jamais hommeest allé dans le seind’Arthur. Il a fait une bellefin. Il s’en est allé commeun enfant en robe de bap-tême, entre midi et uneheure, juste à la descentede la marée. Quand je l’aivu chiffonner ses draps etjouer avec les petites fleursde la broderie... il souriaitdu bout de ses doigts...alors j’ai bien vu qu’il n’yavait plus d’autre issue.Son nez était pointu com -me un couteau. Il bredouil-lait: «Verts pâturages...verts pâturages.» «Com -ment ça va, Sir John?» jelui ai dit. Il ne m’a pasrépondu. «Eh, l’homme,ayez bon courage!» Alors ila crié: «Mon Dieu! monDieu! mon Dieu!» trois foisou quatre. Moi, pour leréconforter je lui ai dit qu’ilne devait pas penser à Dieu,que ça ne servait à rien des’embargnificoter avec deshistoires de même. Il m’afait signe de lui mettre plusde couvertes sur les pieds.J’ai mis la main dans le litet je les ai tâtés. Ils étaientfroids comme de la pierre.Alors j’ai tâté jusqu’auxgenoux et puis plus haut.Et puis plus haut. Toutétait froid comme de lapierre.

Peto:On dit que ces derniersjours, il criait contre le vin.

Quickly:C’est vrai.

Bardolphe:Et contre les femmes.

Quickly:Ça c’est pas vrai.

Poins:Il disait que les femmesétaient des démons.

Quickly:Des fois il lui est arrivé dechicaner les femmes, maisc’est à cause de son grosventre. Son ventre les recu-lait par en arrière pour lafornification.

Doll:On finissait toujours pars’arranger!

Peto:Un jour il a vu une pucesur le nez de Bardolphe.Bardolphe dormait labouche ouverte. Il a ditque c’était une âme noirequi brûlait en enfer avantde tomber dans le trou.

Bardolphe:Mon nez rouge c’est toutce que j’ai gagné à son ser-vice.

Shakespeare Henri V

acte 2, scène 3

Boiteux

Francine Alepin et Robert Gravel, Le Cycle des rois, production Omnibus.Photo: Pierre Desjardins

Robert Gravel a été un splendide Falstaff dansLe Cycle des rois de Shakespeare monté àEspace Libre par la Compagnie Omnibus, dansune mise en scène de Jean Asselin.

(La scène se passe dans le cabaret de Madame Quickly où les compagnons de Falstaff sont rassemblés. Quickly entre.)

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TETE aTETEsuite´^ ^

JEAN-PATRICE:– Te voilà revenu. Tiens! Tu t’es remis à fumer.GILLES:– Tu vois bien.JEAN-PATRICE:– Et ton asthme?GILLES:– Fini. De la vieille affaire.JEAN-PATRICE:– Eh bien, dis-donc, ça c’est du changement!

GILLES:– Radical.JEAN-PATRICE:– Qu’est-ce que tu viens faire?GILLES:– Voir comment ça marche... tout ça...JEAN-PATRICE:– Oh, ça marche... (un long temps)

Pourquoi tu es parti?GILLES:– Je me suis éclipsé...JEAN-PATRICE:– Pourquoi?GILLES:– C’était le temps. J’avais achevé tout ce

que je voulais faire.JEAN-PATRICE:– Ouais... Achevé... en nous laissant toute la

grosse job sur les bras.GILLES:– Tu aimes ça.

JEAN-PATRICE:– Quand je te proposais, il n’y a pas si longtemps,

un gros chantier du même genre, tu disais que ça ferait TNM.

GILLES:– On change.JEAN-PATRICE:– Alors... tu as vu?..GILLES:– Ouais...

JEAN-PATRICE:– Tu es content... Ça te plait?..GILLES:– Ouais...JEAN-PATRICE:– Est-ce assez non-jeu pour toi?GILLES:– Pas pire.JEAN-PATRICE:– Tu crois toujours au non-jeu?GILLES:– Certainement.JEAN-PATRICE:– Le non-jeu, ce que tu appelles le non-jeu,

ça n’est possible que pour les gens qui ont beaucoup de présence. Sinon, la perfection du non-jeu, c’est l’absence. J’ai horreur de l’absence. L’absence, ça peut être dramatique mais ça n’est jamais théâtral.

GILLES:– Tu ne m’as jamais compris...

Acte VI –(Jean-Patrice est à sa table. Arrive Gilles. Il dépose sa valise et sort une cigarette. Il l’allume.)

(Ils se disputeront encore pendant de nombreuses scènes. Mais – le problème se pose – qui pourra jamais jouer le rôle de Gilles?)

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Photo:

Mario

Vib

oux

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Photo: Pierre Desjardins

Page 33: Point d'orgue

La soirée chaude débutait dès l’ouverture des portes à 17 h 30. Un restau-rant improvisé offrait, au menu, une soupe délicieuse et réconfortante. À 19 h, les convives, rassasiés, étaient invités à venir se sustenter desproduits plus délicats de l’esprit avec Les Amours de Jean-PierreRonfard. À 20 h 30, il était encore possible de boire et de manger.Suivait, à 21 h, 15 secondes, de François Archambault.

La soirée se terminait dans la chaleur des échanges entre les convives, lescuisiniers et les acteurs des spectacles. Une fête pour le cœur!

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Les Amours

«...Et des amoursdesquelles nous parlons,

quand serons morts,n’en sera plus nouvelle.

Pour ce, aimez-moicependant qu’être belle.»

Pierre de Ronsard

Depuis que le monde est monde,tout a déjà été dit sur l’Amour. Il est absolument inutile d’enparler. Et pourtant...

C’est un sujet, semble-t-il, quin’est pas épuisé. Il inspire encoreune bonne part de la créationromanesque, cinématogra phique,lyrique... et le théâtre n’est pasen reste.

Ici, le Nouveau Théâtre Expé -rimental prend plaisir à proposerau public une série de jeux,actions, paroles, personnages,images qui se bousculent pourillustrer les noces incestueusesd’Éros et d’Aphrodite. Dieuxancestraux dont tous les hiversimaginables n’ont pas encore puéteindre les ardeurs.

´SOIREECHAUDE!

En ce temps de l’année où l’hiver ne finitplus de finir, la proverbiale convivialitédu NTE était au rendez-vous.

Scénographie: Charlotte Rouleau

Costumes: Richard Labbé assisté de Camille Demers

Éclairage et régie: Sylvie Morissette

Guichet: Danielle Broué, Olga Claing

Cuisinière en chef: Danielle Broué

Serveur: Érik Palardy

Administration et publicité: Marthe Boulianne

Graphisme: Folio et Garetti

Direction technique: Éric Lafond

Production: Nouveau Théâtre Expérimental

Date: 3 au 22 mars 1997 à 19 h et 21 h

Lieu: Espace Libre

CQFSCE QU’IL FAUT SAVOIR

LES AMOURS

Texte et mise en scène:

Jean-Pierre Ronfard

Assistance à la mise en scène:

Olga Claing

Distribution: Manon Brunelle,

Daniel Gadouas, Pascale

Montpetit, Louis-David

Morasse, Danièle Panneton,

Luc Picard, Jean-Pierre Ronfard

Gestuelle théâtrale:

Huy Phong Doan

Bande sonore:

Catherine Gadouas

15 SECONDES

Texte: François Archambault

Mise en scène:

Normand D’Amour

Distribution:

Normand D’Amour,

Michel Laprise,

Dave Richer,

Marie-Hélène Thibault

L’AMOUR QUI PASSE

Page 34: Point d'orgue

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SILENCE MON AMOURL’HOMME QUE J’AI CONNUUN AMOUR COMME LE NÔTRE

DIS-MOI QUE TU M’AIMES

JE NE L’AI PAS ASSEZ AIMÉGROS COCHON

DIALOGUE SOCRATIQUE

CHANT D’AMOUR

PAROLES D’AMOURPhotos:

Duclo

s

COUP DE FOUDRE

Page 35: Point d'orgue

Michel Laprise, Marie-Hélène Thibault et Dave Richer. Photo: Duclos

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Que dire de la pièce 15 secondes? Sinon que c’est le jeune auteurFrançois Archambault qui l’a écrite et que la distribution des rôles a étébien faite. Que le lieu, Espace Libre, était l’endroit rêvé pour produirece spectacle. Je pense que le succès de cette pièce appartient un peu àtous ces facteurs. Cette pièce est le résultat de deux ans d’efforts et derêves. Cette pièce a été conçue à partir d’une idée des plus banalesmais, sous l’habile direction de François, elle a pris forme et envergure.

15 secondes est le résultat de vingt-cinqans de vie. François a réussi avec uneétonnante lucidité à cerner la réalité etles problématiques des personnes handicapées. Jouer dans cette piècea été pour moi l’aboutissement d’un rêve, mais jouer sa propre vien’est pas évident car c’était comme si je mettais mon âme à nu. Touteune chance que j’ai eue d’avoir l’honneur et le bonheur de jouer avecdes comédiens aussi extraordinaires. Je lève mon chapeau aux perfor-mances de Marie-Hélène Thibault, de Normand D’Amour et deMichel Laprise, car je sais que jouer avec une personne comme moin’était pas une mince affaire mais le résultat s’est avéré remarquable.Je vous ai dit que mon âme avait été mise à nu, mais grâce à ces pro-fessionnels, une fabuleuse communion de leur savoir s’ést répandueen moi afin de donner à cette pièce des instants magiques.

Normand et moi n’avions pas besoin d’apprendre à jouer ensemble,parce que dans la vie, nous sommes comme deux vrais frères. Je savaisque cette pièce avait un certain potentiel mais jamais jusqu’à ce point.Je suis très fier du résultat et les gens ont accueilli cette délicate piècecomme une nouvelle forme d’art. Suite à ce succès, je crois et j’espèreque 15 secondes restera longtemps dans la mémoire des gens pourainsi ouvrir la porte à la connaissance et non à l’ignorance. Je tiens àremercier toutes les personnes d’Espace Libre pour nous avoir donnécette chance. Vous avez donné naissance à quelque chose d’uniquequi me tenait à cœur, à moi et mon équipe.

Dave Richer

Mathieu est atteint de paralysie cérébrale. Malgré un handicap lourd,il arrive à marcher, à ga gner sa vie, à conduire son automobile... Il aune vie normale ou presque. Ses désirs normaux (il aime tomber enamour avec des filles «normales») lui compliquent un peu la vie. Est-ce que l’amour est possible au-delà des apparences? Comment sesent-on quand on est prisonnier d’un corps qui nous empêche de«boire dans un verre, de couper un steak, de cruiser de belles filles»?

15 secondes est un texte qui explore les handicaps visibles ou invisi blesqui souvent nous empêchent de vivre nos rêves ou d’atteindre nosidéaux, mais qui parfois, aussi, nous font accomplir des petits miracles...

Ma soirée chaude

Vendredi 14 mars 1997

C’est le prin temps bientôt et on

se gèle toujours les rotules. On va

oublier tout ça, car au NTE, l’am-

biance est tendre et humide

comme une soirée d’été.

Les Amours. Onze tableaux sur

l’amour. Onze manières de vivre

l’amour en passant par le coup

de foudre, la haine, l’humour, la

dérision et jusqu’à la mort.

À l’entracte, il est possible de

manger. J’en profite pour essayer

la spécialité du chef Danielle

Broué, une tarte tatin pas piquée

des vers. 15 secondes de François

Archambault. Un amour de

pièce jouée, entre autres, par un

acteur atteint de paralysie

cérébrale. 15 secondes pour

décider d’une vie, d’une voie à

prendre ou d’un handicap.

Cette pièce va droit au cœur.

À la fin des représentations,

on peut traîner un peu dans ce

café improvisé et rencontrer les

acteurs du spectacle.

J’aime ce théâtre et surtout

j’aime les gens qui l’habitent.

Claudine Raymond

15 secondes

Marie-Hélène Thibault et Dave Richer. Photo: Duclos

Normand D’Amour et Dave Richer. Photo: Duclos

Quinze secondesde pure magie

Page 36: Point d'orgue

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Le théâtre et la cuisine

Est-ce penchantsnaturels, vicesc o n g é n i t a u x ,

manie ou rencontres de hasard?Quand on fait le compte de tousles repas qui jalonnent, de spec-tacle en spectacle, la marche duNTE, on reste rêveur. Serait-ce lefait de gens qui ont crevé defaim dans leur enfance et qui, enétalant la bouffe sur la scène, serevanchent symboli quement deleurs misères passées? À pre-mière vue, il ne semble pas quece soit le cas. Mais alors, quoid’autre?

Depuis le repas royal de Vie etmort du Roi Boiteux jusqu’auxcafés-croissants de Sade au petitdéjeuner en passant par les Milleet une nuits, thé et pâtisseriesorien tales; l’odieux régal duCyclope, deux marins d’Ulyssecuits en brochettes (et ça sentaitle steak!); la table conventuelle

du Grand théâtre du monde avecoranges, sangria et olives; lerestaurant de Thérèse, Tom etSimon... et j’en oublie un bonnombre, il y a au NTE une imagerécurrente, quasi obsessive: latable, la bouffe. Lançons lespsycha nalystes sur le sujet. Ilstrouveront sans doute des expli-cations.

Mais peut-être que tout simple-ment une réflexion en paral lèlesur la cuisine et le théâtre noussuffira. Qu’est-ce que la cuisine?Ne commence-t-elle pas au mar -ché où l’artiste-queux choisit lesmets qu’il se propose de traiter,le légume qu’il chérit, l’identitéprécise du légume qu’il a élu, caril y a 20 sortes de patates et il nes’agit pas de confondre. Viennentensuite le travail d’apprêt, le dé -cor tiquage des chairs, le dé grais -sage des os et des tendons, le dé -cou page, l’épluchage, le mélangeprogressif et la composition dessaveurs. Il est toujours questionde temps. Le temps nécessaire àla cuisson, mais, attention! Pastrop! Le moment où tel geste

intervient, attention! Ni troptôt, ni trop tard! À tel momentprécis, tel rajout essentiel. Duranttant de temps, telle réduction àopérer. Et enfin, le plat est prêt.

Quand le plat est prêt com-mence l’autre angoisse. Lesinvités vont-ils venir? Seront-ilsà l’heure? Désespoir du souffléau fromage qui monte trop viteet qui risque de retomber quandles convives tardent. Ou pire!Quoi de plus triste qu’un ban-quet que l’assistance boude ou adéserté sans recours? Les mets sedéssèchent, à demi entamésdans des plats trop remplis.

N’est-ce pas la même chose authéâtre? Les mêmes désirs?Comment raconter le mieux noshistoires? Comment bien leschoisir, les découper, les dresserensemble avec la chaleur néces-

saire, le piquant adéquat? Maisattention! Pas trop de piquant!La sauce la plus alerte, la garni-ture de table la plus belle, lesplus beaux couverts, le vin leplus savoureux. Commenttransformer l’information endélices, la nourriture en jouis-sance? Comment aussi accueillirnos hôtes simplement et cha leu -reusement sans mondanité sur-faite ni laisser-aller méprisant?

Théâtre et cuisine! Oui, c’est lamême chose. Et nous autres, lesthéâtreux, expérimentaux ounon, enfonçons-nous donc danscette idée simple que le théâtreest toujours le lieu et l’occasiond’un banquet où des gensvivants accueillent dans leurintimité d’autres gens vivantspour leur faire partager les platsqu’ils ont découverts, qu’ilscroient les meilleurs et qu’ils ontmis toute leur âme à cuisiner.Doux ou amers. Légers ou graves.Divertissants ou sérieux ou lesdeux à la fois. Ephémères oulaissant dans la bouche unarrière-goût d’éternité.

Page 37: Point d'orgue

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THERESE, TOM

Thérèse (Violette Chauveau) et Robert (Marc-André Piché). En mortaise: Le party d’acteurs.Photos: Mario Viboux

Sophie (Marie-Claude Langlois)Photo: Mario Viboux

Robert (Marc-André Piché) etRoger (Jean-Robert Bourdage).Photo: Mario Viboux

Mélanie (Valérie Le Maire) Photo: Mario Viboux

Florian (Éric Forget)Photo: Mario Viboux

´ ´

Page 38: Point d'orgue

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ET SIMON...[L'intégrale]

Geneviève (Isabelle Brossard)Photo: Mario Viboux

François (François Tassé).Photo: Mario Viboux

Jean-Paul (Jean-Pierre Ronfard) et Alexandre (Stéphane Théoret). Photo: Mario Viboux

Après avoir écrit et mis en scène La Tragédie del’homme (Durocher le milliardaire en 1991, L’Hommequi n’avait plus d’amis en 1991 et Il n’y a plus rienen 1992), Robert Gravel s’était attelé à une œuvreencore plus ambitieuse que les précédentes. Ils’agissait d’aller au bout d’une démarche théâtraleoù se conjuguent écriture, scénographie, style dejeu, dans la recherche d’un hyperréalisme radical.

Robert Gravel avait conçu cette réalisation en deuxétapes, plus exactement en deux vagues. Il aappelé la première vague «prodrome», comme s’ilvoulait humoristiquement la désigner comme lesymptôme encore bénin de la grosse maladie quidevait s’ensuivre. Ce n’était pas un work in progress,Robert détestait ce mot. Il avait donné au prodro -me le sous-titre: «Extraits prémonitoires d’uneœuvre distribuée mais non encore complètementécrite.» Dans cette première vague n’apparaissentni Thérèse, ni Tom mais s’impose déjà la présenced’un building peuplé d’individus et d’objets de lavie courante, tragiquement remarquables par leurbanalité. Le prodrome les montre et montre aussi,sans l’expliquer, la violence qui côtoie et menacecette réalité apparemment sans histoires.

La deuxième vague, abondante (on passe de 11 à43 comédiens), charrie en scène le monde des dis-coureurs et des artistes, pour compléter un tableaude société où la parole, la communication, lesvaleurs échangées, les désirs et les ambitions desuns et des autres, se juxtaposent à la ressemblancedes pièces d’un immeu ble qu’on verrait en coupe.

Thérèse, Tom et Simon... [prodrome] a été joué àEspace Libre au printemps 1996.

Genèse

Page 39: Point d'orgue

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En mortaise:Tom (Benoît Rousseau).

Ci-contre:M. Brochu, à l’étage(Jacques L’Heureux).

Le fils Brochu (Jacky Boileau), trois Iroquois (Joël Côté,

François Ladouceur,Christian Vanasse).

Photos: Mario Viboux

DISTRIBUTION – les 43 comédiens:

Simon, homme ordinaire Luc Senay

Thérèse, directrice d’un théâtre Violette Chauveau

Robert, acteur Marc-André Piché

Alexandre, acteur Stéphane Théoret

François, acteur François Tassé

Sophie, actrice Marie-Claude Langlois

Geneviève, actrice Isabelle Brossard

Mélanie, figurante Valérie Le Maire

Jean-Paul, metteur en scène Jean-Pierre Ronfard

Florian, dramaturg Éric Forget

Roger, machiniste Jean-Robert Bourdage

Monsieur Brochu Jacques L’Heureux

Madame Brochu Chantal Baril

Le fils Brochu Jacky Boileau

Madame Dionne Diane Dubeau

Les syndiqués:

RosaireÉric Loiseau

FirminJacques Piperni

NoëllaPatricia Perez

NicoleNefertari Belizaire

JohanneClaudine Paquette

GuyDaniel Brière

MarcelleClaudine Raymond

GervaiseMireille Naggar

SorelLouis Champagne

Les anciens de Sainte-Croix:

TomBenoît Rousseau

MonetteJacques Rossi

SamsonClaude La Roche

DesnoyersRoch Aubert

TrempeSébastien Dhavernas

MartineauJean Asselin

La fille qui s’ennuie Chantal Lamarre

L’homme aux énigmes Sylvio Archambault

Un amant potentiel de Thérèse Éloi Savoie

Fernand, maître d’hôtel Frank Fontaine

Clément, serveur José Malette

Henri, serveur Michel Laperrière

La fille avec un seul bas rose Nathalie-Ève Roy

Trois Iroquois Joël CôtéFrançois Ladouceur

Christian Vanasse

Trois de l’escouade tactique Patrick Caux

Daniel Desputeau

Nicole Sylvie Lagarde

* La scène du restaurant a été recomposée, à partir des notes

et documents laissés par Robert, par un comité d’écriture

formé de Diane Dubeau, Alexis Martin et Luc Senay.

ÉQUIPE DE PRODUCTION – les 38 techniciens:

Assistant aux costumes Jacques Doucet

Chef machiniste et Carl Thibaudeau

régisseur de plateau

Construction du décor Martin Daigle

Ghyslain Dufour

Guillaume Daoust

Marthyne Gagnon

Hervé Holdrinet

Glenn Landry

Jeff LandryÉric LocasÉric Michaud

Luc Perreault

Catherine Philibert

Sylvain Poliquin

Michel St-Amand

Iseult St-Jacques

Yvan Zanetti

Plateau tournant Yves Lalande

Michel St-Amand

Yvan Zanetti

Mécanisme de levage ARTECH:Jacques Després

Michel Leblanc

SoudeursJean Letendre

Michel Verdon

Peinture scénique Martine Chérix

Chef électrique Pierre Laniel

Équipe électrique Dany Beaudoin

Michel Biron

Gérard Bourque

Charles De Lorimier

Lucie Janvier

Marc Tétrault

GréageÉric Michaud

Hervé Holdrinet

Éric Locas

Stagiaire aux accessoires Jany Grenier

CoursiersMartin Philippe Hudon

José Malette

GuichetDanielle Broué

Administration et publicité: Marthe Boulianne

Graphisme: Folio et Garetti

Production: Nouveau Théâtre Expérimental en collabo-

ration avec le Festival de théâtre des Amériques

Date: 21 mai au 14 juin 1997

Lieu: Espace Libre

CQFSCE QU’IL FAUT SAVOIR

Texte: Robert Gravel Mise en scène: Robert Gravel reprise et achevée par: Diane Dubeau

Scénographie: Jean Bard Éclairage et régie: Sylvie Morissette

Direction technique: Christian Gagnon Conception sonore: Larsen Lupin

Page 40: Point d'orgue

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Robert Gravel travaillait à l’intégrale (qui compre-nait deux nouvelles scènes et omettait la scènefinale du prodrome) lorsqu’il fut surpris par la mort.

Le NTE, qui avait mis la réalisation de l’intégraleau programme de sa saison 1996-97, décida de l’ymaintenir. L’une des deux scènes, la scène du partyd’acteurs, était complètement écrite. L’autre, celledu restaurant où se retrouvent des syndicalistes,des anciens amis de collège, la directrice d’unthéâtre, etc... ne l’était pas complètement, mais lesnotes de travail, des éléments de documentation etun long monologue, support constant du jeu, ontété retrouvés, dûment groupés dans des classeurs,car Robert Gravel était un homme ordonné.

Un comité d’écriture formé de Diane Dubeau,Alexis Martin et Luc Senay, amis et collaborateursde longue date de Robert Gravel, fut chargé par leNTE d’achever son œuvre dans la ferveur et lerespect.

De même, sa mise en scène sera fidèlement repro-duite, mais reprise et complétée par Diane Dubeauqui depuis Il n’y a plus rien a toujours été artistique-ment très proche de Robert Gravel.

Thérèse, Tom et Simon... est pour le NTE un énormebateau qui a été secoué par la tempête mais quiporte allègrement de nouvelles couleurs.

Les syndiqués: Noëlla (Patricia Perez), Firmin (Jacques Piperni), Sorel (LouisChampagne), Nicole (Nefertari Belizaire), Johanne (Claudine Paquette), Marcelle(Claudine Raymond), Guy (Daniel Brière), Gervaise (Mireille Naggar) et Rosaire(Éric Loiseau, de dos). À l’arrière, Henri (Michel Laperrière) et l’homme auxénigmes (Sylvio Archambault). Photo: Mario Viboux

La fille qui s’ennuie (Chantal Lamarre) et l’homme aux énigmes (Sylvio Archambault).Photo: Mario Viboux

Thérèse (Violette Chauveau) et un amant potentiel (Éloi Savoie)Photo: Mario Viboux

Simon (Luc Senay). Photo: Mario Viboux

Page 41: Point d'orgue

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Si je fréquente le Festival dethéâtre des Amériques, c’estpour voir des spectacles qui vontsoit m’étonner, soit m’ébranlerou parfois même me choquer,mais surtout me faire évoluercomme spectatrice en remettanten question mes idées sur lareprésentation théâtrale. Thérèse,Tom et Simon... [L’intégrale] m’aoffert un tel spectacle.

Pour rendre compte de monexpérience, j’ai choisi unmoment magi que, dans le senslittéral du mot, mettant enprésence, mais non en relationdirecte, Thérèse, Tom et Simon.Cette scène me permet de par-ler au tant de la scénographieque du jeu des comédiens et dupropos de la pièce.

Lorsque des murs latéraux sort,comme un lapin d’un chapeau,un grand restaurant tout équipé,serveurs et clients compris, l’ef-fet de surprise et d’étonnement(un plaisir inoubliable) produitcomme une rupture dans lerythme lent et parfois statiquedes scènes précédentes. Unimpressionnant portrait d’OscarWilde nous indique que noussommes chez Oscar, restaurant

mentionné antérieurement parSimon.

Il semble ne rien se pas ser pen-dant cette scène. Rien d’autre queles ac ti vi tés habi tuel les d’unrestau rant haut de gamme. Lesserveurs servent, les clientsmangent dans le brouhaha descon ver sations. Para doxa le -ment, c’est ce «rien» qui enfait une expé rience théâ-trale intéressante. Cet tescène est cinéma togra phi -que dans le sens où deszooms sonores mettent àl’avant-plan des bribes deconversations, sans faireperdre, cependant, contactavec les autres personnagesqui continuent à vivreleurs actions respectives.N’étant pas captive d’une actioncentra le, je pouvais librementcirculer parmi les divers groupes,et m’infiltrer, selon mon choix,dans les univers privés des per-sonnages. La durée de la scènem’a donné le temps de mepromener de l’une à l’autretable; de constater la poignantesolitude de Simon mangeantseul, toujours; de découvrir Tomparmi ses vieux confrères de col-lège, tous professionnels et

hommes d’affaires, qui refont lemonde une fois par mois, endéconnant lamentablement;d’é couter un syndicaliste s’ex-primer sans fin, pour le plusgrand ennui de ses nombreuxcompagnons; d’observer à unetable voisine, un couple don-nant le spectacle d’un verbo-

moteur et de sa victime impuis-sante, tandis que dans un coinisolé par une plante verte,Thérèse vit son drame d’alcoolo-nymphomane toujours rejetéepar les jeunes hommes con-voités, malgré le contrat possiblecomme appât. Cette scène nousmontre en concentré, et dansl’humour, la bêtise, l’insigni -fiance, la médiocrité, et la vio-

lence latente que nous portonstous en nous.

Le jeu d’acteur est ici mis à rudeépreuve. L’action est réduite à untel degré qu’il serait facile detomber dans le piège des clichéscorporels pour souligner desétats d’âme. Certains comédiensont peu ou pas de texte mais, parla seule qualité de leur présenceet de leur écoute, créent des per-sonnages colorés et crédibles quim’ont raconté autant leurs his-toires que les autres.

Cette merveilleuse scène prendfin lorsque Thérèse, par une sor-tie spectaculaire, ramène lefocus sur elle seule, en captantles regards de tous, tant protago-nistes sur scène que spectateurs.Elle nous fait d’abord rire, puisnous boulverse en s’enfuyantavec le portrait de Wilde, vers lamême solitude que Simon, partisans éclat, et sans que je m’enaperçoive.

Avec le recul, je constate l’effetque cette scène a produite surmoi. En me permettant dedevenir une spectatrice active,ce concept de mise en scène aenrichi ma perception de ce quim’était présenté dans la suite du

spectacle, et accrû macapacité de voir au-delàde l’anecdote. Ainsi,dans le tableau où LucSenay, dans un jeudépouillé de toutcliché, se pare de des -sous féminins, je n’aipas vu un pervers ouun fou, mais un êtrequi, enfermé dans l’im-possibilité de trouverhors de lui l’«autre» qui

lui est nécessaire, se joue par ledédoublement une ridicule ettragique comédie.

Thérèse, Tom et Simon... [L’inté -grale] a comblé mes attentes. Jesuis sortie de cette représenta-tion avec une foule de person-nages qui continuent d’inter-peller mon imagination.

Yvonne Laflamme

8 juin 1997

La scène du restaurant. En mortaise: Clément, serveur (José Malette) et Simon (Luc Senay).Photos: Mario Viboux

Un grand restaurant toutéquipé sort des murs. Photo: Mario Viboux

Lettre d’Yvonne Laflamme spectatrice éclairée

Page 42: Point d'orgue

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Nous finissons ce soir. La mortde Robert nous laisse orphelins,encore une fois. La peine estgrande, profonde et peut êtreinépui sable. Je connais lemanque... le grand vide. Je nepeux que répéter les mêmesmots pour dire le chagrin face àsa mort... et je les ai dis et redis.

Et puis après... une fois que toutça est vécu et nommé, il y apourtant un après. Une suite,qui, elle, appartient à la vie, quin’est pas du domaine desmorts, mais qui pourtant setisse à même la chair de tousnos morts. Le passage peut sem-bler difficile parce qu’il estinconnu, obscur. Le déséquili-bre, dans lequel nous nousretrouvons tous, est pourtant lasource même du nouveau et duchange ment. Lentement, pa -tiem ment il faut regarder etvoir, reprendre contact avec cequi est en mouvement.

Dans le travail avec Robert, deséléments comme l’écoute, lais -ser les choses se construire, nepas être volontaire, la recherchedu vivant, ont été les guides dujeu d’acteur. Je crois sincère-ment que c’est également ceque nous devons continuer àfaire comme artiste dans lapoursuite de notre travail théâ-tral. Apprivoiser le flou.

J’ai beaucoup pensé à Robertpen dant toute cette aventure.J’ai pensé à lui avec tendresse etreconnaissance. C’est un cadeaumagnifique de pouvoir jouerdans ses pièces et surtoutd’avoir pu poursuivre son tra-vail. La sim plicité avec laquelleles répétitions se sont dérouléesappartient en grande partie àl’équipe que Robert avait lui-même choisie. Les acteurs quil’entouraient ont tous cettegrande générosité que Robertprivilégiait.

Les aventures de Robert ne mesemblaient jamais risquées.

J’a vais une telle confiance enlui que la question ne se posaitmême pas. Alors quand je mesuis retrouvée à la premièrerépétition de la scène du restau-rant avec les 23 acteurs, là je fusenvahie d’une grande crainte.Comment organiser cette scènede fou?* Je me suis rendu comp -te à quel point ses aventuresétaient audacieuses et à quelpoint il faisait confiance auxacteurs. Je crois qu’une grandepartie de son travail s’établissaitsur cette confiance. La famillequ’il a su créer autour de lui estextrêmement solide et prête àvoler de ses propres ailes, entoute liberté. Avec Robert, j’aiappris à assumer qui j’étais, ilm’a obligée à avoir du culot. Sagrande tolérance envers lesêtres humains m’a fait aimer cegrand homme ironique.

Je me retrouve maintenant del’autre côté de cette aventure,secouée par la beauté et la forcede l’équipe, et je sais que mesprojets de création ne pourrontplus être comme avant. Unchangement s’est opé ré, la forcede Robert continue d’être à l’œu-vre et je crois que nous le por -

tons tous au-de dans de nous,nous avons tous un petit Robertenfoui quelque part et il conti -nue à vivre en chacun de nous.

Merci à vous tous et longue vieà tous les petits Robert!

Diane Dubeau

* Note explicative:

Deux scènes laissées par Roberts’ajoutaient au Prodrome pourformer l’intégrale de Thérèse,Tom et Simon...: la scène du partyet la scène du restaurant. Deuxscènes de groupe, où, selon cetteidée d’hyperréa lisme, la viedevait se maintenir constammentet où le texte était utilisé commecanevas de base sur lequelvenaient se greffer toutes lessous-conversations, les discussionsparallèles, les commentaires,etc... la vie quoi! Tout ça devait sefaire sans l’aide d’effets d’é-clairage ou autres procédés théâ-traux. Les acteurs, eux, devaientmaintenir cette idée de non-jeu,c’est-à-dire jouer sans projeter, nepas aller porter les répliques dansla salle et redécouvrir tous lessoirs la vérité et la justesse de lasituation. Alors imaginez le défique posait une scène avec 23 per-sonnages dans un restaurant oùles conversations se poursuivaientà chacune des tables tandis queles serveurs s’occupaient de toutce beau monde. Une scène impos-sible, comme Robert les aimait.

Croquis du restaurantpar Robert Gravel

À toute l’équipe de Thérèse, Tom et Simon...

Cette lettre de Diane Dubeau, metteur en scène qui a repris etachevé la mise en scène de Thérèse, Tom et Simon... [L’intégrale] deRobert Gravel, a été lue le 14 juin 1997 à toute l’équipe du NouveauThéâtre Expérimental, lors de la dernière représentation.

Les anciens de Sainte-Croix: Desnoyers (Roch Aubert), Martineau(Jean Asselin), Tom (Benoît Rousseau), Trempe (SébastienDhavernas), et Monette (Jacques Rossi). Debout: Fernand, maîtred’hôtel (Frank Fontaine). Photo: Mario Viboux

Page 43: Point d'orgue

Agathon: ... m’accorderas-tu qu’il impor -te au menuisier de discourir demenuiserie?

Euthydème: Certes!

Agathon: Et au jardinier de l’art du jardi-nage?

Euthydème: Il est vrai.

Agathon : Et au muscien de la musique?

Euthydème: C’est bien évident.

Agathon: Et que de même aux personnesqui font des pièces de théâtre ilimporte de s’interroger sur cequ’elles font et sur la manièredont elles le font?

Euthydème: Bien sûr. Me prends-tu pour unstupide? Où veux-tu en venir?

Agathon: À ce brillant pamphlet que tuviens de publier dans lequel turailles le terme «expérimental».

Cahier X page

42

Et touts comptes faits,qu’est-ce que c’est qu’un «théâtre expérimental»?

Par un beau matinensoleillé,

le jeuneEuthydème

et le vieil Agathonqui se sont

rencontrés à laboulangerie

cheminent dansla ville. Nous les

surprenonsen pleine

discussion...

DIALOGUE

SOCRATIQUE

Page 44: Point d'orgue

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Euthydème: Il est vrai que je le raille pourson allure pseudo-scientifiqueet aussi parce que je croiscons tater, en parcourant l’his-toire de nos amis, que cefameux théâtre «expérimen-tal» n’a jamais fait que desexpérimentations portant surla forme, sur les formes théâ-trales.

Agathon: Sur quoi aurais-tu vouluqu’elles portent?

Euthydème: Sur le contenu: contenu depensées, de désirs, de révoltes,d’amour, de rage, de conscien -ce, de folie, d’histoire...

Agathon: Oh! oh! j’admire ton enthou -sias me et je conviens sanspeine que tous ces sujets quetu énumères sont la chair et lesang de toute création artis-tique. Mais je crois que le tra-vail de l’artiste, dans quelquediscipline que ce soit, consisteprécisément à prêter aux émo-tions une forme originale. Unmême cas de jalousie inter -ethnique, ça peut donner unarticle sanglant dans Allo Policeou un roman-savon pour la TVdu matin ou Othello deShakespeare.

Euthydème: Mais pourquoi ces gens dontnous parlons ont-ils voulufonder un théâtre expérimen-tal plutôt qu’un théâtre toutcourt? As-tu quelque lumièresur ce sujet?

Agathon: Eh oui, je les ai connus d’assezprès. Ce qu’ils voulaient avanttout, c’était faire des expéri-ences, fabriquer des «objetsthéâtraux» totalement dif-férents de ce que, commecomédiens ou metteur enscène, ils réalisaient ailleurs,dans d’autres théâtres. Je croisaussi que le terme «expéri-mental» leur plaisait juste-ment par sa prétention scien-tifique, comme s’ils avaientvoulu appliquer au théâtre lesprincipes de recherche d’unClaude Bernard dans sonIntroduction à la médecineexpérimentale (1865), qui a étéun moment pour eux un livre

de référence.Euthydème: Assimiler le théâtre à la méde -cine, c’est fou, cette histoire- là!

Agathon: La démarche artistique n’estpas celle de la médecine (onne risque pas de mourir et onne tue personne!), mais ilssoupçonnaient que certainesméthodes empruntées à Clau -de Bernard pouvaient êtrefructueuses. Par exemple lapratique de l’ablation d’unorgane pour en découvrir lafonction ou encore la mise endoute de toutes les idées

reçues. Au théâtre, qu’est-ce que çadonnait? Souvent un jeu desuppressions. Suppressions dela lumière, du texte, des sièges,des costu mes, des décors, descomédiens, du metteur enscène.... Contes ta tion têtuedes évidences. Il est évidentqu’une pièce de théâtre se jouedans une salle, aux alentoursde 20 h, 20 h 30, qu’elle dureenviron 2 heures, etc..., lethéâtre c’est ceci, le théâtrec’est cela, ou mieux – tautolo-gie incontestable et cependantniaise – le théâtre c’est lethéâtre! Ils s’acharnaient àfaire tout le contraire de cequ’on attendait pour voir si decette ascèse exigean te, il pou-vait sortir des spectacles d’unnouveau type. S’ajoutait à celaune attitude activiste (tu voisque j’évite le terme «expéri-mental» qui t’exas père) quiconsistait à sauter comme desvibrions d’une expérience àune autre dans le plus granddésordre et le plus grandplaisir.

À la différence de ClaudeBernard qui a révolutionné lamédecine du XIXe siècle, je necrois pas que ces essais en tout

genre aient révolutionné lethéâtre, mais par leur seuleprésence dans la géographiedu théâtre au Québec, ils ontsans doute contribué à diffuserchez les artistes et dans le pu -blic l’idée que la scène est unlieu de liberté inépuisable.L’idée aussi que toute dé -marche artistique, toute expé -rience inhabituelle, touterecherche de nouvelles formesse justifie en soi; qu’au fondrien n’est impossible en art;que tout ce qui est reconnucomme impossible devient dumême coup désirable et mérited’être tenté. L’art conçucomme un plongeon systéma-tique, délibé ré ment organiséet insensé, dans les exaltationsde l’impossible.

Euthydème: Wooaah! Je ne t’ai pas inter-rompu, Agathon, car tu m’assemblé à ton tour possédé parje ne sais quel enthousiasmedio nysiaque.

Agathon: Je ne m’en cache pas.

Euthydème: Je m’étonne toujours dedécouvrir chez toi de ces accèsde puérilité bavarde que d’au-cuns apprécient mais que pourma part je ne goûte guère car,sous leur apparente désinvol-ture, ils me semblent révélerun attachement indélébile àde vieilles valeurs, à un lan-gage totalement dépassé.

Agathon: Décidément, moncher Euthy dème, tune m’épargnes pasmais ta franchise me plaît.

Euthydème: Trève de congratulations!N’aurions-nous pas encore àdébattre de ce qu’un théâtredit expérimental, à trois ans dela fin d’un siècle agité, devraitêtre capable d’inventer pourrester solidaire de son époque?La question se pose avec d’au-tant plus d’acuité que celuidont nous parlons n’est quefort peu porté sur les tech-niques de la modernité quipourraient justement influersur ces formes dont tu fais tantde cas.

Agathon: Ah, Euthydème, je voudrais tesuivre dans ce nouveau débat,le plus important qui soitpuisqu’il porte sur l’avenir,mais me voici devant maporte, le soleil est déjà bienhaut dans le ciel au-dessus desruines de l’entrepôt qu’on afait sauter à la dynamite lasemaine dernière. Trop de tra-vail utilitaire m’attend sur matable. Nous retrouverons-nousdemain à la même heure à laboulangerie?

Euthydème: J’y serai. L’odeur du pain fraism’est un délice. Chaquematin, quand j’entre dans celieu béni, un appétit féroce memonte aux dents. L’appétit devivre une journée de plus... etdans tous les plaisirs dontchaque journée me comble, jene tiens pas pour le moindrecelui de débattre avec toi.

Agathon: Bonne journée, Euthydème.

Euthydème: À demain, Agathon.

(À suivre..)

Jean-Pierre Ronfard

Claude Bernard

Page 45: Point d'orgue

Cahier X page

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JANVIER 1989 / OCTOBRE 1990

➣ Le grand théâtre du monde➣ Autour de Phèdre ➣ La pipe à papa I et II ➣ Variations

(six objets expérimentaux)➣ L’Apocalypse de Jean➣ Nous courons tous le Loup Garou➣ La Voix d’Orphée

MARS 1991 / DÉCEMBRE 1992

➣ Durocher le milliardaire➣ La Conquête de Mexico➣ L’homme qui n’avait plus d’amis➣ Précis d’histoire générale du théâtre

en 114 minutes➣ Cabaret Théâtre I, II et III➣ Il n’y a plus rien

JANVIER 1993 / NOVEMBRE 1994

➣ Corps à corps➣ Violoncelle et voix➣ La trilogie des tables➣ Tournée La tragédie de l’homme➣ Les ateliers du printemps :

Les frères BunkerLa tragédie américaine : un western souvlaki

➣ Tête à tête

JUILLET 1975 / JANVIER 1979

➣ Une femme, un homme ➣ Garden Party➣ Essai en trois mouvements pour

trois voix de femmes➣ 12 heures d’improvisation➣ 24 heures d’improvisation➣ Le secret du colonel

(Le théâtre des deux couilles)➣ Lear➣ Lumière s’il vous plaît➣ Finalement➣ Zoo➣ Tournée européenne Garden Party

(2e version) et Happenings Beau Jeu➣ La Ligue Nationale d’Improvisation➣ En Pleine Table➣ À ma mère, à ma mère, à ma mère,

à ma voisine➣ Orgasme I➣ Orgasme II➣ Inceste

DÉCEMBRE 1979 / AOÛT 1980

➣ Troisième saison de la LigueNationale d’Improvisation

➣ Treize Tableaux➣ Où est Unica Zürn?

DÉCEMBRE 1994 / JUIN 1997

➣ La Mort de Dieu :programme Aprogramme B

➣ Ad Deliro➣ GTEQ➣ 50 + 1 :

CinquanteUne saison en enfer

➣ Le Cru et le Cuit➣ Thérèse, Tom et Simon...

[prodrome]➣ Matines : Sade au petit déjeuner➣ La mort du Roi Boiteux➣ Soirée Chaude!:

Les Amours15 secondes

➣ Thérèse, Tom et Simon... [l’intégrale]

JUILLET 1981 / JUILLET 1982

➣ Vie et mort du Roi Boiteux

NOVEMBRE 1982 / JUILLET 1984

➣ Peurs➣ Gigogne ➣ Marée basse➣ La Californie➣ Les mille et une nuits

MARS 1985 / DÉCEMBRE 1986

➣ Le cyclope➣ Amore Amore➣ Le temps est au noir➣ À Beloeil ou ailleurs➣ La tour➣ Les objets parlent

JANVIER 1987 / MARS 1988

➣ Nouvelles pour le théâtre :Regards Une histoire qui se répète Sieste

➣ Mao Tsé Toung ou Soirée demusique au consulat

➣ Marylin (journal intime de Margaret Macpherson)

➣ La femme d’intérieur➣ Le trésor des Pyramides

couvertureMATINES: SADE AU PETIT DÉJEUNERphoto Mario Viboux

conceptionJean-Pierre Ronfard Claudine Raymond

coordinationClaudine Raymond

administration-coordinationMarthe Boulianne

conception graphiqueFolio et Garetti

Nous tenons à dire merci à ceux et celles qui, par des textes, des photographies ou des informations précieuses, ont collaboré à ce cahier: Louis Champagne, OlgaClaing, Diane Dubeau, Aline Gélinas, Yvonne Laflamme, Stéphane Lépine, Alexis Martin,Claudine Raymond, Dave Richer, Jean-Pierre Ronfard, Georges Trillat (textes); IsabelleBrouillette, Pierre Desjardins, Duclos, Robert Etchevery, Léo Lagassé, Kim McCraw,Michael Slobodian, Mario Viboux (photographies); Jean Bard, Sylvie Daigle, GustaveDoré, Robert Gravel, Charlotte Rouleau (croquis).

Le Nouveau Théâtre Expérimental a bénéficié d’une subvention spéciale du Conseildes arts de la Communauté urbaine de Montréal pour la réalisation de ces cahiers.

Le NTE est subventionné par le Conseil des arts et des lettres du Québec, le Conseildes Arts du Canada et le Conseil des arts de la Communauté urbaine de Montréal.

Cahier I

Cahier II

Cahier III

Cahier IV

Cahier V

Cahier VI

Cahier VII

Cahier VIII

Cahier IX

Cahier X

Page 46: Point d'orgue