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Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

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Page 1: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Poèmes En vrac !

DeGérard Trougnou

Poèmes En vrac !

DeGérard Trougnou

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Préface

Témoin d’une époque tyrannisant les rêves, les désirs et les âmes, Gérard Trougnou apparaît comme le baladin des déroutes quotidiennes, des luttes pour respirer, des engagements pour tenir le coup.

Vivante et puissante sa poésie va de la confidence au cri, de l’appel au chant, elle est émotion nue et vibrante, expression d’une urgence aussi réelle que la joie, la souffrance, la rage, dans une langue véhémente surgie des profondeurs du corps dont la résonance survit à l’état de sensibilité qui l’avait suggérée.

Les titres sont révélateurs, de « La mort pour Pardon » à « La chanson d’un p’tit gas », des « Serres de la déchirure » aux « Verbiages de fin de siècle », la gouaille succède à la tendresse, la raillerie cache l’angoisse, le réel se mêle au rêve.

Tantôt fougueuse révolte, style vif et coloré, parole drue et rugueuse à l’instar du Richepin de la "Chanson des Gueux " – ne craignant pas quelque audacieuse incursion dans la langue populaire- tantôt lyrique nostalgique, proche du " Pierrot " de Jules Laforgue, découragé devant les ironies cruelles du destin qui frappent les faibles, accablé devant la fatalité toute puissante, déçu par la vie dérisoire et impitoyable.

Pour Gérard Trougnou, la poésie est la compagne favorite, libre, débordante de vie ; en habit de guerre ou de lumière elle est de tous les combats, défaite ou en lambeaux elle chante toujours, sensuelle, généreuse, elle seule sait consoler, et par temps de disette elle a toujours un cœur d’enfant. Nicole Durand

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Avant et après-propos !...

C’est dans l’adversité que l’on trouve ses amis !!!

Alors merci à tous ceux qui, par leur mépris m’ont apporté un soutien dont ils ignorent la grandeur.

Que les êtres qui, par leur crachat ont fortifié ma poésie, sachent combien je leur en suis reconnaissant, car aujourd’hui je leur prouve que je ne suis pas inférieur à eux.

Tout être a en soi un domaine où il peut confondre l’autre.

© Gérard Trougnou

Page 4: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

A mes enfants Alexis et Grégory

Quand j’s’rai grand J’s’rai papa

Quand j’s’rai grand j’s’rai papa. Au cinéma on ira voir les films Qui font peur comme ça ! Il se blottira en mes bras.

Et puis ! On ira dans les fêtes forainesLà où les manèges tournent ! Tournent !Et puis on mangera des barbes à papa, Qui collent au nez parfois !

Quand j’s’rai papa, Et ben on rira, on pleur' ra ensemble, Car mon papa à moi il n’est jamais là !

Il fait des poésies au bout de la grande table, Il est loin dans les planètes, celles des poètes !

Quand j’s’rai grand j’s’rai papa. Et puis ! Moi aussi j’s’rai poète !Parce qu’au fond, J’sais qu’mon papa y m’aime !

© Gérard Trougnou 06/1990

Page 5: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Au temps lointain

J’avais sept ans et toutes les larmes de la terre.Quand mes parents décidèrent de quitter la Porte de Choisy pour aller s’installer dans un pavillon du côté de Champigny-sur-Marne, non loin de Gégène et du petit Robinson, ces guinguettes qui ont fait danser nos grands-parents. Il est vrai que la mansarde où nous habitions rue Maurice Berteaux devenait étroite, en effet, comment pouvions-nous vivre à cinq dans une seule pièce ? Devenu adulte, je compris ce déménagement, mais enfant, je ne pouvais l’admettre.

J’avais sept ans et toutes les larmes de la terre.Quand je laissais à mille lieues derrière moi un instituteur (Mr Bansse) que j’aimais. La rupture fut immédiate, mon inconscient m’ordonna de cesser toute activité scolaire dés l’instant où je mis les pieds dans ma nouvelle école.

J’avais sept ans et toutes les larmes de la terre.Quand je devins l’habitué du fond de la classe. Souvent je me dirigeais à pas lents, sous le regard amusé des autres élèves vers le tableau noir. Le maître m’y interrogeait ! Pour ensuite me faire copier dix, vingt ou cinquante fois, selon son humeur, la leçon non apprise. J’avais sept ans et toutes les larmes de la terre.Quand je guettais les minutes qui trop lentement défilaient, impatient d’ouïr la sonnerie qui annoncerait la récréation ou la fin de classe du soir. Ah ! Que d’heures ai-je passées à scruter les aiguilles de l’horloge rêvant aux billes et soldats de plomb que j’allais gagner. Si aujourd’hui le temps passe aussi vite qu’une Formule 1, en cette époque lointaine, il n’allait assurément pas à la vitesse d’un T.G.V. J’ai trente-sept ans de plus et parfois quelques larmes. Quand le film trop âgé de mon enfance surgit en ma mémoire et que j’y décèle quelques bribes de bonheur. J’ai la nostalgie de ce temps où l’envol d’un papillon m’émerveillait.

© Gérard Trougnou

Page 6: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

J’écris comme j’veux !...J’écris comme J’cause !

Ben oui !J’aurais pu dire ben ouais !

Mais j’sais me t’nir,J’respecte mon public.

J’écris comme J’cause et alorsJ’sais qu’j’ne fais pas dans la finesse

C’est du brut, c’est du costaudN’en déplaise aux scribouillardsSi j’ne fais pas dans la dentelle !

Mais il est d’autres, domainesOù j’peux les confondre !

Si j’écris comme J’causeC’n’est pas ma faute !J’étais encore minos

Quand qu’j’ai quitté la communalePour d’venir plombard

Vous voyez non seulementJ’manie la plume

Qu’j’nai pas dans l’culMais aussi la truelle et l’marteauSans la faucille bien entendu !

J’ne suis pas né druideMême si mes vieux étaient gaulois

Ca ne fait pas d’moi un arracheur de guiJ’écris simplement d’la poésie !

J’écris comme J’causeBen oui ! Et alors !

C’est du brut, c’est du costaudSi j’ne fais pas dans la finesse

J’fais peut-être dans la tendresse !...

© Gérard Trougnou

Page 7: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Pour croquer la tronche d’un piafPastiche

de Pour faire le portrait d’un oiseauDe Jacques Prévert

D’abord acheter une cage, une grosse cageAux puces de préférence

Une grosse cage pour un gros piaf !Parce que cela fait plusieurs jours

Que l’on n’a pas becté !Donc acheter

Quelque chose de primaire, quelque chose de laidQuelque chose d’inutile, pour un piaf,

Parce qu’un piaf c’est con…Pourquoi faire dans la finesse ? ? ?

Même pour un poème ! ! !Placer ensuite la cage sur un résineux

Dans un potager, dans un fourré ou un bosquetOù vous voulez ! C’que j’en dis !C’est pour vous, moi j’m’en tape

Je n’aime pas la bidocheEnsuite s’planquer derrière l’résineux ou autre,

C’est vous qui voyez !Attendre, sans jacter, sans broncher

Attendre que l’piaf veuille bien s’déciderA s’pointer. Attendre mais pas l’éternité

Quand l’piaf s’pointe ! Dans la cage, refermer fissa la cageEnsuite le ram’ner dans sa piaule

Faire bouillir de l’eauL’tremper d’dans pour l’dépouiller

Puis l’mettre dans l’four, au moins une plombeSi l’piaf chante au bout d’une plombe

C’est mauvais signe, signe qu’il est encore vivantSi l’piaf ne chante pas c’est bon signe

Signe que l’on peut s’bâfrerUn dernier conseilSi l’putain d’piaf

Ne vient pas dans la putain d’cageOui ! Je sais putain c’est vulgaire

Mais je n’ai pas trouvé mieuxDonc ! Si l’piaf ne se pointe pasAllez chez l’commerçant du coinAcheter un p’tit poulet fermier

C’est moins chiantCar déjà plumé et vidé

Et si vous n’avez pas de thuneEt bien volez-le !

© Gérard Trougnou

Page 8: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Je suis pervers

J’aime les femmes en chairJe suis pervers

J’ai mal à la têteBarman ! Une autre bière.

Un coude sur le zincLe verre à l’autre mainTranquillement je lève

Celui-ciEt le porte à mes lèvres.

Je suis perversJ’aime les femmes en chair

Je suis perversEt j’ai toujours mal à la têteBarman ! Encore une bière.

A terre, j’y pose mon culEt dans mon crâne tout s’bouscule

J’y vois des femmes aux mains crochuesPrès d’mon porte-monnaie

Pour un dernier tour de fête.Je suis pervers

J’aime les femmesJ’aime les femmes

Tout explose dans ma têteBarman ! Amenez la civière.

© Gérard Trougnou

Page 9: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Partir, revenir.

Partir en des contrés lointaines puis revenir, avec un pied-bot ou borgne ou estropié je ne sais où ! Voila qui alimenterait un roman d’aventures.

Revenir avec des tas de mensonges qui feraient saliver le lecteur. Chercheur d’or en Amazonie, éleveur de chèvres chez les Touaregs, poète militant en Irlande, mercenaire des bonnes causes.

Partir à pied, à cheval, en voiture, en bateau, en avion, en train, en RER, en montgolfière, à mobylette, à trottinette, mais toujours avec le sac à dos. Revenir avec la petite vérole, revenir tel un Christ vieillissant prêchant la mauvaise parole.

Oui ! Revenir tel un gourou (tiens cela me plairait et puis gourou rime avec Trougnou ça

pourrait faire un petit poème sympa !...) donc ! Revenir avec des milliers d’adeptes à qui j’aurais rendu le cerveau mou. Revenir avec de nouveaux évangiles et je deviendrais le pape de tous les tarés de la terre.

Partir et ne jamais revenir, me cacher tel un lâche pour ne plus être pollué par l’homme bien-pensant, aux discours vils, aux pensées destructrices.

Homme réveille-toi ! Nul dogme n’est sacré, nul ne détient une vérité absolue. Brisons la chaîne des doctrines qui emprisonne notre esprit et par-delà notre liberté.

© Gérard Trougnou

Page 10: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Dérisoire !...

Les heures passent pareilles à elles-mêmesLes heures filent comme une vieille bergère

Les heures coulent comme une rivière en colère

Et je passe en ce siècleEcoutant le tic! Tac!

De l’horloge qui rend fouTic! Tac! Tic! Tac!

Guettant d’un œil sombreLes demains austèresEspérant chaque jour

Voir un futur de lumière

Las du temps qui passeJ’assoie ma conscienceSur un tas d’excréments

Me confondantEn ce nouvel espacePour ne faire qu’un.

Les heures passent, filent, coulentAujourd’hui je sais

J’appartiens au Monde.

© Gérard Trougnou

Page 11: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

C’est…

C’est dans l’eau des rivièresQue ton visage se reflète

Et où mes pleurs se jettent

C’est dans l’eau des torrentsQue sont gravés les ans

Et où se sculpte ma barbe blanche

Je te dédie toutes mes larmesComme des vagues de mer

Se heurtant au récif de ton cœur.

© Gérard Trougnou

Deuil

Et des siècles et des sièclesOnt passé sur les rives du temps

Abreuvant notre terreDe la sève des ans

Et perdu dans sa nasseEros sur le Mont-Parnasse

Titille la muse à l’encre noireComme on porte le deuil !

De l’espoir.

© Gérard Trougnou

Page 12: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Sur un pont

Quel pont ?Je ne sais pas moi ! N’importe quel pont

Qui enjambe un fleuveQuel fleuve ?

Je ne sais pas moi !N’importe quel fleuve qui traverse une ville

Quelle ville ? Je ne sais pas moi !

N’importe quelle villeD’un quelconque pays

Quel pays ? Je ne sais pas moi !N’importe quel pays

D’EuropeQuelle....

Oh ! Vous m’agacez !

Donc ! Sur un pontUn homme

N’importe quel hommeD’une grande tristesse

Se penche et regarde le fleuve.

Que regarde-t-il ?

Il regarde le fleuveQui traverse une ville

De n’importe quel pays d’EuropeL’Europe qui se trouveSur le vieux continent

Le vieux continentQui se trouve sur la terre

La terre qui se trouveDans la galaxie

La galaxie qui se trouveDans l’Univers

L’Univers que regarde Dieu.

Et Dieu aperçoit l’hommeL’homme sur le pont

L’homme d’une grande tristesseL’homme penché

Et se pose la questionLa fameuse question

Que regarde l’homme sur le pont ?

Oui ! En effet que regarde-t-il ?

Si Dieu ne le sait pas !Comment voulez-vous que je le sache.

© Gérard Trougnou

Page 13: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

C’est l’bordel !

Tout fout l’camp sur la TerreEt moi du fond de l’Univers

Sur mon trône éternelAssis bien pépère

J’vous r’garde faire la guerreY a tant d’poussière

Qu’j’vois plus l’bleu des mers !Encore moins les hémisphères

Y a pas d’quoi être fier !

Oui ! Y a pas d’quoi être fierD’avoir créé c’monde en galèreJ’ai un mal, un mal planétaireQui est loin d’être éphémère !

C’est l’bordel !Tout fout l’camp sur la Terre

J’sais c’que j’vais fairePour réparer mon erreurD’avoir créé l’hommeFaire sauter la planèteEt voir ! Voir ailleurs

Voir si j’y suisMais y a un blême

Et c’est l’bordelQui m’prend vraiment la tête !Moi l’Esprit ! Moi l’Invisible

Comment démolir !Démolir mon père

L’Homme mon créateur ?S’il disparaît j’disparais avec ! …

C’est l’bordel !C’est vraiment l’bordel !

Tout fout l’camp sur la TerrePlus rien ne m’émerveilleTout est couleur vermeille.Y aura donc jamais la paixSur cette foutue planète ?

© Gérard Trougnou

Page 14: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Nos amours

Elles ont vécu ce qu’elles devaient vivre ! Fortifier nos cœurs pour de nouvelles moissons, humidifier nos chairs à plus soif !

Elles ont ouvert leurs terres, aux sillons où d’autres voyageurs hument leurs parfums et se perdent !

Sur l’arbre on a cueilli leurs fruits qui se tendaient dans le verger des passions. Avec volupté on a caressé leurs frondaisons et bu la sève, spiritueux magique où va la vie !

Ô terre fertile ! Combien de fois avons nous ensemencé ce sombre tombeau où s’égarer il est si bon ?

Combien de fois encore irons-nous nous noyer en cette mer où nous sommes nés ?

Autant de fois que l’aube se lèvera, nous irons boire à la fontaine de jouvence !

© Gérard Trougnou

Page 15: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Il y a bien longtemps...

C’était, il y a bien longtemps.En un temps

Où la paix régnait sur la terre.En un temps

Où le verger de ses fleurs s’épanouissait.En un temps

Où Eve nue s’éveillait.En un temps

Où Adam nu s’étirait, Et tous deux eurent faim,

Une faim de pomme !Alors, ils consommèrent le fruit interdit...

Et depuis ce jour le monde fut damné.

Qui inventa une telle histoire, Où l’amour de deux êtres était à bannir ?

Certainement un eunuque...

© Gérard Trougnou

Page 16: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

La Pouffe et la NaseParodie

deLa Cigale et la Fourmide Jean De La Fontaine

Une Pouffe ayant braillé tout l’étéS’trouva sans rien à becter

Quand l’froid fut v’nu.La Pouffe pas dégonflée

Alla mendier (quel culot !)Chez la Nase d’à coté

La quémandantQuelque reste pour bouffer

"J’te casquerai, lui jacte t-elle, Avant l'été, foi, d’ Pétasse

Agios et capital. "Manque de pot !

La Nase est une Pleure-misère :C'est bien là sa tare.

Que faisais tu à la canicule ?Gloussa t-elle à cette emmerdeuse.

- Du crépuscule à l’aubeJe gazouillais, ne vous contrarie.

- Vous gazouilliez ? Vous gueuliez oui !.Eh bien ! Gesticulez maintenant.

© Gérard Trougnou

Le Corbac et le CombinardMerci

Monsieur De La Fontaine

Un Corbac sur un arbre planquéT’nait entre ses crocsUn comac frodogome.Renard le combinardQui n’avait pas bectéS’radina en loucedéPour lui chouraver.

- Eh ! Salut mon pote !J’n’avais pas vu qu’t’étais si bath !!!

Et si balancé...A ces vannes

Le corbac n’s’sentit plusEt pour mieux jacter

Lâcha son calendosse.Ah ! Ah ! J’t’ai eu tête de nave

Avec mon baratinEt v’la un coulantQu’mon estomac

Appréciera !Le Corbac d’vint écarlate

Et pour pas perdre les pédalesRépondit :

- J’m’en tape ce fromgis avait des bloches.

Moralité:Tout mecton qui veut point faire de bourdes

F’rait mieux d’gamberger avant d’la ram’ner.

© Gérard Trougnou

Page 17: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Blessure

Dans le tombeau froid et obscurDe ma blessure, ma déchirure

J’aime boire la sève, le sucComme un nectar de luxure,

Comme une goutte de roséeUn matin d’automne lézardéDe brume. Encor me nicher

Là d’où je viens, où j’aime aller.

© Gérard Trougnou

Au lever du soleil

J’aime prendre le cheminQui sent bon l’apathie du matin

Ce chemin d’où je viensMe voit chaque fois de bon teint

Car c'est à sa claire fontaineQue j’aime me ressourcer

Quant à l’aurore je vais baiserQuelque fraîche goutte de roséeAu buisson ardent des voluptés.

© Gérard Trougnou

Page 18: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

On aurait pu encor s’aimer

Tu aurais pu prendre encor ma main, On aurait pu boire du mauvais vin, Qui donne aux amants un air coquin, Où baguenaudent les plaisirs anciens.

Tu aurais pu dire des mots anodins, On se serait dit des mots enfantins, Qui limpides vont ressourcer les chagrins, Où se perdent les vers en leurs écrins.

Tu aurais pu pour un dernier office, Me donner m’offrir cette cicatrice, Où explosent mille feux d’artifice.

Tu aurais pu prendre encor ma main, Mais ! Mais l’amour s’est drapé de satin, Dans le tombeau des jours sans lendemain.

© Gérard Trougnou

Je n’ai plus rien à vous offrir

Je n’ai plus rien à vous offrirQue ma présence misérable,

Mon esprit méprisable, Et mes maux en délires.

Je n’ai plus rien à vous offrirQue des vocables ordinaires !Qui de mon gosier vocifèrent !

Des métaphores infertiles.

Je n’ai plus rien à vous offrirQue des mots sur le papier !

En forme de larmes, de rires, Qui me servent à noircir la vie !

Je n’ai plus rien à vous offrirAu seuil de la vieillesseQue différents souvenirs

En fragments de jeunesse !

Je n’ai plus rien à vous offrirAu soir de ma pauvre fin

Que mes vieux os en déclinQui ne peuvent vous séduire !

© Gérard Trougnou

Page 19: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Je crèv’rai c’est sûr !

Je crèverai avant d’être grand pèreJe les f’rai pas chier avec mes guerresCelles que l’on raconte sans complexe

Pour des vieux cons et leur morale malsaine.

Je crèverai avant d’être grand pèreAvant ! Avant d’avoir les cheveux gris

Avant ! Avant de dire des conneriesEt qu’dans ma tête, déraille mon esprit.

Je crèverai avant d’être grand pèreJ’ crèv’rai c’est sûr ! En pleine jeunesse

D’un bel éclatement de la cervelleOu p’t’être d’avoir trop fait la vaisselle.

Je crèverai avant d’être grand pèreSûrement d’une maladie vénérienne

Ou empalé sur un vélo sans selleEt c’est normal, je suis homosexuel.

Je crèverai avant d’être grand pèreLa tête dans le caniveau d’l’oubliPareil à l’homme bête et lubrique

Ou alors de coliques néphrétiques.

Je crèverai avant d’être grand pèreEt tant que j’vivrai, ne vous en déplaise

J’écrirai, j’écrirai que j’crèveraiComme un vulgaire ver de terre.

© Gérard Trougnou

Page 20: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

InventairePour une poubelle

Un ordinateurUn pot de moutarde mi-forte

Une boîte de sel extra fin iodéUn thé à la framboise

Un pain de campagne coupéUn fromage de chèvre

Et un aïl et fines herbesUne corbeille de fruitsUne paires de lunettes

Une rondeQui donne l’air intello

Une télécommande câbleUne télécommande télévision

Télécommandes pour s'ramollir le cerveau

Un tube de colle pas à sniferDeux petites cuillères

Deux verresUn reste de rienUn rien inutile

Un boîte de cure-dents en boisUn programme câble et satellite

Un sirop FluisédalUne boîte d’Ultra-levure

Une bouteille d’eau de deux litresUn paquet de Gauloise

Un paquet d’ Royale mentholUne boîte de disquettes

Un appareil Olympus numériqueUne revue poétique

Une atmosphère sordideUn reste de rienUn rien inutile

Et moi et moi et moi….

© Gérard Trougnou

Page 21: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Un homme chien A Robert Desnos Juin 1987

Un chien seul dans la nuit hurlaitAu visage morne d’la citadelleTandis qu’une lumière balayaitLe baraqu’ment d’tôle ondulée.

Un chien seul dans la nuit hurlaitAu regard fou de la sentinelleTandis qu’la neige se tapissaitDans l’silence froid de l’hiver.

Un chien seul dans la nuit hurlaitAu rire sinistre du criminelTandis que des soldats rythmaientDe sombres cantiques mauvais.

Un chien seul dans la nuit hurlaitAux yeux lumineux du tortionnaireTandis que le jour se levaitL’Humain en terre on portait.

© Gérard Trougnou

Page 22: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Ah ! L’amour

L’amour c’est !Des larmes parfoisDes larmes de soie

Qui saignent les cœursD’ignoble douleur !

L’amour c’est !Des larmes amèresDes larmes acerbesQui creusent la terre

De boueuses ornières !

L’amour, c’est une charognePleine d’exhalaisons

Qui nous, nous ronge l’âme !

© Gérard Trougnou

A la passante

Sur les rives de l’espéranceSur les coteaux de transhumanceUne rose aux épines moqueusesS’est faite un jour lumineuse.

Ô clarté, aliment mystiqueAmour infini et tragiqueQui porte en son sein trémièreToute la rime du trouvère.

Chemin de croix aux braises ardentesLève le glaive et pourfendsLes cieux de nos maladiesSur la scène de nos comédies !

Enfant, Pierrot et ArlequinEcoute ! Ecoutez le matinQue chantent les cœurs qui saignentIls vous seront peut-être des bienfaits.

© Gérard Trougnou

Page 23: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Prière

Vieil amantAu sexe flou

Envahit la chimèreEnvahit la camarde

Charpente de flammesMomie de courage

Vieil amantAu sexe mou

Pénètre le néantPénètre la mort

Squelette infâmeOssature sans âme

Où renaissentNos cendres.

© Gérard Trougnou

Belle d’un jour

Sous mes mains hasardeusesIndolente maîtresse

Je vous sentis rêveuseA mes lentes caresses

Ô combien affectueuses.

Ô divine ivresseOù naquit la charmeuse

Et où avec hardiesseJ’allais en ma logeuseDéposer l’allégresse

D’un désir amoureux.

© Gérard Trougnou

Page 24: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Fantasme A Une antillaise M.L.G

Oh ! Madame quels sont ces seinsQue ma bouche saurait saluer.Que mes mains sauraient caresserDans un combat Olympien.

Votre image m’a pervertiEt c’est pour moi un martyreAcceptez cet élixirJe ne puis plus me contenir.

M’abreuver dans le délireA la fontaine de vos cuisses,Goûtant au fruit exotiqueIl me semblera m’épanouir.

© Gérard Trougnou

Page 25: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Paresse

Je me souviens d’un temps lointainOù mon corps enlacé au tien, En une frénésie, non artificielle, Nous permettaient de paresser de longues heures.

Et nous rêvions aux demainsQui seraient fait de sauvages aventures.Et nous fantasmions et nous nous enlacionsA nouveau en des bruits de fureursEt de râles afin de reposer nos corpsComblés et las de ces joutes enflammées.

Ô ma jeunesse ô doux souvenirs, Je rêve encore de ta paresseSur la couche où ondulaient les plaisirsEt où tu n’as goûté parfoisQu’aux bienfaits éphémères.

Ô vieillesse ta paresseN’a plus les mêmes sens d’autrefois, Tu te courbes du fardeau des ansEt l’envie disparaît peu a peuDans la nuit de tes yeux clos.

© Gérard Trougnou

Page 26: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

En la mémoire(Chanson)

En un hameau de FranceGalope un enfant

Par tous les temps (bis)Dans les prés, dans les champs (bis)

Où sont passésMon cahier d’écolierMon livre d’histoire

Et le tableau noirLa table de bois

L’encrier d’porcelaineEt son encre violette.

Où sont passésMa trousse de cuir

Mes crayons bigarrésEt mon sac de billes

Les gamins et leurs chahutsLe cancre et le lèche-culEt mes soldats de plomb

Où sont passésHenriette et MarcelLeur vieille maison

Et son toit de chaumeIls sont tous en ma mémoire

Je n’oublierai jamais l’histoireDu temps de mon enfance

A Pommay petit hameau de France

En un hameau de FranceGalope un enfant

Par tous les temps (bis)Dans les prés, dans les champs (bis)

© Gérard Trougnou

Page 27: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Peinture ou Poème intello !!!

Il y a PicassoIl y a le pic assietteIl y a le pic à glace,

La glace dans le seauEt la Glace qui reflète les âmes

D’amis absents,Les ans qui passent

Et les passes de la prostituéeEt le tué des champs de batailles

Et l’ail du rosbif,Bifton du pauvre

Et l’autre qui n’a rien à direDirect à l’asile, île déserte

Désertion du monde, onde d’amourOurdir les cancrelats, las de la paixPaisible et fondre comme la glace

Glace dans le seauLe sot pas si sot, qui saute la haie

Pas Brigitte mais d’horreurHeure propice pour l’hospiceEt les pissenlits, lit d’orgueil

Deuil d’espoir, poire WilliamsAmante (où âme hante) mes nuits,

Nuisible au tempsTant qu’il y aura des hommes,

Omelette au lardonDon de soi, sois toi-même

Même si le sot n’est pas celui qu’on croitCrois en toi.

© Gérard Trougnou

Page 28: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

En vrac !

Tout ou rienEn un seul lot Mesdames, Messieurs !

Nous ne faisons pas dans le détail.

A vendreUn compas à faire des ronds dans l'eau

Un marteau à briser les nuagesUne fourchette à coiffer

Le clou d'un fakir homosexuelL'érection d'un Eunuque

La main gauche d'un cul-de-jatteLe pied droit d'un manchot

Les lunettes d'un sourdLe sonotone d'un aveugle

L'ouïe d'un muetUn bout d'ongle du non-être.Les moissons de novembreLes vendanges de décembre

Le Beaujolais d'avrilLa pâque de maiLe muguet d'aoûtL'été de janvierL'hiver de juillet

L'Automne de marsDes saisons insaisissables.

Tout ou rien, je vous dis !En un seul lot Mesdames, Messieurs !

Nous ne faisons pas dans le détailA vendre, une raison déraisonnée.

© Gérard Trougnou

Page 29: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Au secours !

J’accroche mes mainsAu bar du désespoirChante le juke-box

A l’ivrogne solitaireJe me noie

Dans un pastis aigre.Dans les nuitsDe débaucheAux auroresJe patauge

Au gré du ventImpitoyable

Qui hurleA l’impotent

Que le chagrinS’efface

Au fil des ans.Au bar des angoisses

Sous la tonnelle je noieMa tristesse

Le cœur à l’ouvrageJ’y construis l’ivresse

Comme un appelDe détresse.

© Gérard Trougnou

Page 30: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

La p’tit chanson

Où est passée la p’tit chansonCell’que j’chantais dans la maisonQuand j’étais qu’un p’tit garçonQui n’apprenait pas ses leçons

Dans le verger de mon pèreLes lilas sont flétrisEt la belle perdrix

A tire-d’aile s’est enfuieVers d’autres pays (bis)

Meunier si tu dorsPrès de la claire fontaine

A l’ombre de l’OrmeEcoute le vent (bis)

Et s’il pleut bergèreSavoure les gouttes d’eauxEn remplissant ton seauPour ton cœur tari (bis)

Pierrot est en peineOui ! Pierrot de la lune

A cassé sa plumeA écrire trop de mots

Pour son frère JacquesEt l’ami DagobertPierrot de la lune

A rendu son cahier (bis)

Sanglote mère MichèleSon chat s’en est allé

Flairer les Colchiques dans les présNe pleure pas Jeannette

Cadet RousselleEst descendu en son jardin

Y cueillir du romarinEt les roses couleur carmin (bis)

Dans les prisons de NantesLa fille du geôlier

A jamais s’est envoléeSur les marches du palaisLe prince et la princesse

On depuis longtemps expiré (bis)

Où est passée la p’tit chanson !Cell’que j’chantais dans la maisonQuand j’étais qu’un petit garçonQui n’apprenait pas ses leçons

© Gérard Trougnou

Page 31: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Spectre

La mort survole l’infiniEntre les tombeaux de l’oubli

Et monte jusqu’à leur pèreLes brumes pâles et amères.

Les vagues faites de larmesS’échouent au lointain rivageCreusant sillages et remparts

De dunes sculptées de marbre.

© Gérard TrougnouLorsque dormira

Lorsque dormira mon âme damnéeAu fond d’un crasseux caveau

Et que la pluie en mon tombeauBercera mes jours sacrés

Je vous verrai barbouillée de RimmelL’échine courbée sur ma demeure

Implorant d’inutiles pardonsAu pauvre poète rimailleur.

© Gérard Trougnou

Page 32: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Purs impurs

Il y a les pursLes croyants

Les bonnes gensCeux qui prient

Et qui n’ont nul regardPour les plus indigents !

Il y a les impursLes mécréants

Les mauvaises gensCeux qui jamais ne prient

Et qui donnent aux plus démunis

Si Dieu est !…

Des deux qui en est le plus près ?

© Gérard Trougnou

Mes cieux !!!

Mes cieux !Que je me courbasse !

A tous vos désirs.Que je m’aplatisse !

A tous vos fantasmes.Que je satisfasse ! Tous !

Tous vos plaisirs.Ne serait de votre part

Qu’un rêve vil !

Mes cieux !Sachez tout de même

Que j’eusse aimé de votre part !Recevoir une honnête caresse,

Que j’eusse aimé je l’avoueEtre à cet instant à votre place.

Pour savourer ce bienfaitQui vous fit maître.Mais sachez encore

Que rien ne me fera, À vos pieds m’allonger

Pour une place au soleil assurée.

© Gérard Trougnou

Page 33: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Un homme dans la foule

Un homme était parmi les hommes, égaré dans la foule des hommes.

- Ce soir j’écris l’histoire des hommes !

Avait-il crié à la foule des hommes et les hommes continuaient la marche des hommes. De marbre étaient les hommes et ils marchaient droit devant, et rien ne résistait à la foule des hommes pas même les murs de béton qu’ils avaient édifiés pour laisser une empreinte de leur passage, comme les chiens qui lèvent la patte le long des arbres pour marquer leur territoire.

L’homme parmi les hommes, las, avait posé son arrière-train sur le premier banc venu et l’homme parmi les hommes regardait la foule des hommes passer dans leurs costumes trois-pièces-cravate, l’attaché-case à la main droite. La foule des hommes avait le même habit, avait la même cravate, avait le même attaché-case à la main droite.

L’homme parmi les hommes en habit de guenille était triste, sa musette était vide, le regard sombre l’homme fixait la foule des hommes et pleurait.

L’homme parmi les hommes soudain ! Se mit debout sur le banc et tel un orateur, il haranguait la foule des hommes mais les hommes restaient sourds à son vomissement verbal. Il hurlait, crachait des mots d’injures qui telles des légions sataniques semblaient sortir de la gueule d’un démon. Ses insultes ne touchaient pas les hommes qui imperturbables, continuaient leur marche.

La foule des hommes ignorait l’homme sur le banc.

Alors l’homme parmi les hommes leur parla d’amour, de liberté, de justice, de fraternité et de paix.

Surprise ! La foule des hommes comme un seul homme stoppa son allure et tous les hommes tournèrent la tête d’un seul mouvement vers l’homme parmi les hommes.

Un homme sortit de la foule des hommes, s’approcha de l’homme parmi les hommes, posa son attaché-case, fouilla dans sa poche revolver, en extrait un P38, ajusta son tir et un bruit sec retentit.

L’homme parmi la foule des hommes s’écroula une balle dans la tête. L’homme sortit du rang, fit demi tour, rallia les siens, la marche des hommes pouvait se poursuivre.

© Gérard Trougnou

Page 34: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Un soir

Il est tard ce soir. Froid, chaud ! Ouvre, ferme ! La fenêtre ! Je ne sais plus, je ne sais plus !

Assis au bout de la grande table les mots s’inscrivent un à un. Mots qui se cherchent, s’entrechoquent, explosent comme des pétards ! Mots venus d’un lointain passé où encore spermatozoïde, je combattais mes congénères pour trouver la lumière.

Sur le balcon un éléphant hurle à la mort !...Un fantôme se balance dans le rocking-chair !Sous leurs couettes chaudement dorment les enfants. Dans le cendrier une clope se consume en soupirant c’est bon ! Souvenir d’une liaison ancienne qui me fait toujours de l’effet !Relecture de poèmes, écrits par un adolescent attardé.Un chien fait ses courses au supermarché.Le Christ poing levé chante “La Jeune Garde” et les douze tiennent réunion sur l’Europe.Une grenouille aux commandes d’un ULM survole mon HLMJ’ai bu mes savates et enfilé mon café.Sous le pont Mirabeau la Seine n’est plus, on y installe le chemin de fer.Baudelaire, Desnos, Vian jouent à la marelle et chacun d’eux a atteint le ciel et nous << Nous resterons sur la terre qui est quelquefois si jolie>>

Il est deux heures du matin, le requiem Allemand de Brahms tourne en trente trois et me chatouille les sens.

Juste le temps ! Le temps d’écrire pour être un souvenir, une ombre. Une ombre qui se cherche et qui jamais ne se trouvera ! Sauf peut-être lorsqu’elle sera une ombre parmi les ombres. Passé, présent, futur, mots qui ne s’accordent qu’avec les simples mortels.

Car seuls les Poètes sont éternels. © Gérard Trougnou

Page 35: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Voyage posthume

Elle avait fait son lit dans la Seine asséchée, elle regardait les péniches roulant sur la rive. Notre-Dame plantée sur le Pont des Arts sonnait le tocsin. C’était la Pâque du Jour de l’An, les troglodytes du Pont de l’Alma sortant de l’hibernation s’étiraient. L’instant était splendide, le littoral couvert d’œillets embaumait l’air. La bergerie de la rue des Martyrs se vidait, de toutes les fermes les loups partaient en transhumance, c’était la fête. Elle chantait des refrains anciens, sa longue chevelure noire cachait ses seins nus. Une légère brise parfois dégageait quelques mèches on y voyait apparaître un téton de lune noir. Ô doux automne de mai, nature berce de ton indolence le réveil de l’humanité. Le temps ne nous préoccupait pas, notre insouciance était égale à notre jeunesse et pourtant déjà au fond de nous l’amer avenir se faisait jour.

Te souvient-il des autobus à plate-forme, on y grillait une cibiche été comme hiver et la chaînette du receveur ordonnant au conducteur le départ ? Te souvient-il du Cent Six qui, de Champigny-sur-Marne à Joinville le Pont, traversait le bois et terminait sa course au Château de Vincennes ? Nous partions dès l’aube, la nuit était encore sur les visages, le bus exhalait les parfums de mauvaise qualité, les bleus de travail étaient repassés, nous étions lundi.

Te souvient-il des Dimanches, le pot-au-feu avait rempli nos ventres, les restes étaient servis dans la gamelle toute la semaine. Du marché des Citées Jardin, lieu de rendez-vous, on cherchait à gagner quelques sous en déchargeant les camions de leurs marchandises et on revenait sur les coups de treize heures, remballer ce qui n’avait pas été vendu. On repartait heureux d’avoir quelques Francs, nous faisions partie du monde des grands.

Te souvient-il du chemin de la Mercière, du Ru en bas du champ, de l’itinéraire de l’école Albert Thomas, de la grande pente où l’hiver nous mettions à terre nos cartables qui nous servaient de luges, de l’horloge du temps qui trop lentement défilait au-dessus du tableau noir ? …/…

Page 36: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Te souvient-il du petit hameau en pays beauceron, de la passe à brebis où le berger menait son troupeau, de la classe avec les petits devant et les grands derrière, de Marie, André, Noël et les autres... D’Henriette et Marcel et de leur maison au toit de chaume ? Et puis vint l’heure de saluer le drapeau et puis vint l’heure de ressembler à ceux qui nous avaient élevés afin d’être grand !... Et puis vint l’heure à notre tour d’être parent. Éternel recommencement, d’un temps qui tourne... tourne...

Te souvient-il de notre première rencontre, rue du Clos de Bourges, rien n’existait que son regard en ce soir de nouvel an tu l’as tenue en tes bras et depuis trente cinq ans elle dort près de toi. Vos enfants devenus grands ont largué les amarres et votre solitude s’amuse à vous rendre séniles.

C’était en un temps oublié, quand la mémoire des hommes ne faisait pas défaut, aujourd’hui quelques bribes du passé remontent en surface comme des images voilées. Le Montparnasse n’est plus qu’un cratère où pleurent les défunts, quelques poètes de leur lyre chantent les vers de demain, gardiens du savoir ils ne savent plus.

Les nations les plus clairvoyantes n’ont rien vu, aveugles de leur destinée, ils ont armé de grands vaisseaux et par delà les galaxies ils se sont perdus, ils errent en des lieux d’où nul n’est revenu.

Elle avait fait son lit dans la Seine asséchée, elle regardait les péniches roulant sur la rive. Notre-Dame plantée sur le Pont des Arts sonnait le tocsin. C’était la Pâque du jour de l’an, les troglodytes du Pont de l’Alma sortant de l’hibernation s’étiraient. La Tour Eiffel enjambait la Manche, les pommiers donnaient leurs premières cerises.

Elle était belle dans sa robe noire comme une veuve à éternité. Oui ! La mort était belle.

© Gérard Trougnou

Page 37: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Le mangeux d’vinA Christian Gros

Dans l’bar D’mon l’village Ousque j’habite

Du souère au matinVu qu’fait pus ren

Qu’à bouère el bon vinY a un gas qu’a pas l’air malinMais il l’est coumme un singe

On l’nommeLe mangeux d’vin.Oh ! Ne riez poins

Bonne gensCar c’est du sérieux !

Quand il trempe dans son varreSon gatieau c’est l’silence

Alentour du zinc !Les hoummes l’r’gardent

Tremper son gatieau Ben a lèse Il le lève

Jusqu'à sa boucheEt ça dégouline !Et ça dégouline !

Partout sus sa moustache

- J’parie qui tache sa ch’mise ?Lance un étranger

- Pari t’nu disent les habitués.Et ça dégouline !Et ça dégouline !

Et le mangeux d’vin N’a poins taché sa ch’mise

Mais l’étranger a pardu la sienneEtranger toi qui pass’ra

Près du bar d’cheux nous Si tu as faim

Passe ton ch’min Car

A bouèreEt à manger

Y en a qu’dans l’fond’ varre

Du mangeux d’vin.

© Gérard Trougnou

Page 38: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Épithalame“ Au loin voguent les réverbères têtes nues “

Nabokov

Depuis que l’on a décrochéLe dénommé De NervalLes réverbères sont nus.Ils s’étirent vers la lune

Recherchant l’ectoplasmeQui chante les vers de l’allumeur.

De Nerval, Poe, GainsbarreOnt foutu l’camp sous l’bar

Et sur les voies sidéralesIls skient sur le scandale

Éructant l’outrage.Ils sont nus comme des versNus comme les réverbèresDe Nabo le Russe Kov !...

Sur la voie lactée au lait amerLes réverbères ne sont pas nus mon cher !

Qui brille si haut ? Les poètes !De leurs, éclats, ils ont habillé nos âmes

Comme lacérées d’épigrammes.

© Gérard Trougnou

Page 39: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Tu as bien fait de partir Arthur RimbaudTon petit val qui mousse de rayonsN’est plus. Les hommes y ont bâti de hauts murs.

Le veilleur du mal (Pastiche du Dormeur du Val)

C’est un trou de béton où hurle la colèreS’effritant tristement aux portes aux haillonsObscurs, où le soleil sur la ville fourmilièreNe luit, c’est une grande cité à l’abandon.

Un homme jeune, pauvre, salement vêtuEt rugissant d’écume d’être miséreux, Veille. Raide, sous le froid battant ses mains nues, Blême, il cherche ce que le monde a de pieux.

Les pieds sur le bitume, il rêve. Pleurant commePleurerait en habit noir la mère de l’enfant mort.Humain aidez-le à survivre : il exhorte

L’exhalaison des nuits aux chemins des enfers, Vomissant les jurons de l’agonie des hommes.Il veille dans la haine, les poings dans le ciel.

© Gérard Trougnou

Page 40: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Poème à ne pas dire

Ah ! Comme j’aimeraisVoir Rimbaud et VerlaineTravestis en brésilienneTenir une conférence de presseSur le S.I.D.A de notre siècle.

Ah ! Comme j’aimeraisPrendre la main de BaudelairePour ensemble rue BlondelVoir les putes les plus bellesQui ont les seins comme je les aime.

Ah ! Comme j’aimeraisJouer au poker avec VillonAvec lui me saouler dans un vieux tripot,Et dégueuler l’ennui des mornes citésPour avoir des histoires à raconter.

© Gérard Trougnou

Page 41: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Discours

Sur les perchoirs aux bonnes mœurs, Les scribouillards littérateursOnt dans leurs poches des censuresQui débordent de vomissures.

Ô race des Mandarinats, Maquilleurs hautains de l’histoire !Comme ces dames du trottoir, Vous vivez de maquignonnage.

Vous édifiez comme fossoyeurs, Les tombeaux blasphémateurs, Où tous vos doigts inquisiteursNous montrent toutes vos laideurs.

Dans tous les hémicycles aveugles, L’exhalaison des orateursEmbaume pareils à des bâtisseurs, Nos crânes de morales veules.

© Gérard Trougnou

Page 42: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Te Deum

Les crimes les plus laids et les plus immondes, S’absolvent dans la prière en ce lieu, à genoux.Et demain de nouveau en ce lieu à genoux, Il priera encore pour l’éternel pardon.

Et demain l’homme refera ce chemin, Crachant, écumant, les excréments prophétiques, Sur un monde condamné à la bouffonnerie.Alors autant sur vos crânes faire avant demain !

Doctrinal, épiscopal, cérémonial, Discours sacrés aux canons du désastre, Je vous injecte mon Sida avant l’ère posthume !

La flamme même du bûcher se refuse, A lécher toute cette vermine en peignoir.En enfer seul, se plantera le drapeau noir !

© Gérard Trougnou

Page 43: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Marin mon frère

Entendez-vous l’écho du flux des errementsDe la mer en ce coquillage esseulé ?Ecoutez, les vastes pleurs de l’océan,Où se berce un chant, cruellement pleurer !

Marins ensevelis, que de larmes verséesQui enfantent le cri des demains ténébreuxOù les pêcheurs ont donné leurs âmes à Dieu !Recommandez pour sereine éternité !

Deuils aux yeux embués et pourpres accueilliesAux crachats de haine sans cesse ravaléePour leurs mers déchaînées, sans pitié à noyer !

Fils enfant de la côte, pour toujours prier !De l’espoir volé en la vague emportéScintille un cierge à jamais dans la nuit.

© Gérard Trougnou

Page 44: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Ma gloire

Te trouverai-je en un coin de ce monde, assise, paisible et la mine réjouie ?

Te trouverai-je courbée au poids des douleurs, ou sanguinolente, ou encore au feu d’un quelconque bûcher ?

Je te salue ! Mon agonie et je ris et je ris ! A ce temps d’ironie où l’écho des palabres en ma caisse de bois, à mon ouïe parviendra.

Je te salue ! Mon ennemie toi qui versera d’impudiques larmes, au pied de ce marbre qui en la nuit de paix sera mon domaine.

Je te salue ! Ô ma gloire en la mort trouvée.

© Gérard Trougnou

Page 45: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Les copains !

Quand partiront les vieux copains, Je leur chant’rai les vieux refrains, Ceux de nos drapeaux d’espérance, Qui abolissaient la souffrance !

Quand partiront les vieux copains, Je leur clamerai les quatrains, Ceux de nos chants de délivrance, Qui amnistiaient l’intolérance !!!

Quand partiront les vieux copains, Je leur cit’rai les mots d’airain, Ceux de nos pas de doléances, Qui sacrifiaient tant de romances !

Quand partiront les vieux copains, Ils sont partis les vieux copains, Sans se retourner. Un Dimanche, Triste comme la pluie sur la Manche !

© Gérard Trougnou

Page 46: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Pensées et autres sottises

La poésie est trop souvent inaccessible, Sauf ! Avec un escabeau de dix mètres.

***

Le poète est-il utopiste?Heureux il est!

Car lui seul encore, rêve.***

La poésie est le reflet d’images intérieuresDu poète: Elle est à mourir de rire ou d’ennui.

A vous de choisir! ...***

Etre où ne pas être ?Est-ce là la question ?

Oui ! Etre ce que l’on estNon pas ce qu’ils

Voudraient que l’on soit.***

La femme n’est pas inférieure à l’homme !Car l’homme n’est pas supérieur à la femme !

(Ah ! c’est marrant !...)***

J’aime les femmesElles me le rendent si mal

(Ah ! c’est triste !...)***

…/…

Le Penseur Auguste Rodin

Page 47: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Je trouve la jouissance dans le malJ’aime éjaculer mes larmes !

***N’arrachez pas les feuilles du vieux chêne

Même pour achever vos poèmes.***

J’escaladerai la luneComme une vielle salope

Pleine ! Pleine de pustules Et les raboterai de ma varlope !

***J’attends les vagues

Sur le bitume de mes pasJ’attends le lever de rideauSur la scène de mes délires

*** Aux bétons des villes mornes

Les murs suintent la mortAux dortoirs de la haineOn meurt comme on naît

© Gérard Trougnou

Le Penseur Auguste Rodin

Page 48: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Pour elle et par elle.

Le temps a chassé les croquenots de l’hiver et nous avons chaussé les sandales de l’été.

Le temps va cahin-caha son bonhomme de chemin, semant ça et là les graines du renouveau et le soleil fait germer en nos cœurs un avenir radieux.

Ma plume aux froidures de l’hiver, s’était il est vrai quelque peu engourdie. Aux premières heures du Printemps les rayons du soleil ont réchauffé mon âme et comme réveillé après un long sommeil, je vais de nouveau graver sur la page les mots, les vers de cette poésie pour laquelle chaque fois je vibre.

La poésie est une femme, forte et fragile, détestant et aimant la vie, hurlant de haine et d’amour. J’aime profondément cette féminité charmeuse, qui me le rend bien puisqu’elle apaise tant de maux en moi. Cette féminité qui me fait aimer la vie et qui me fait dire et écrire mille mots, me semble inépuisable tant sa source est profonde en mon esprit. J’aimerais la posséder chaque jour, chaque nuit, la sentir près de moi vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour ne vivre que pour elle et par elle.

- Ah ! Madame la poésie, le poète est quelque part un peu fou !

Se dit l’étranger.

- Fou ! Certes mais fou d’elle !

Répond le poète

© Gérard Trougnou

Calliope, muse de la poésie

Page 49: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

La mort pour pardon

Je suis à toi, plus proche encoreDu fruit pourri que du Condor.Je suis à toi, plus proche encoreDes cendres du feu que de l’or.

Ecriture achevée de remordsSaine comme un passeportOuvrant l’astre de miséricordeLà où tous les saints dorment.

Poussière d’étoiles rayonnantesAux confins solaires des ventsPose ta froide main, au corps tombant.

Drape du linceul comme ornementL’âme qui se veut humblementEtre ! Etre bénie des Saint Sacrements.

© Gérard Trougnou

Page 50: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Epitaphe

Et la mer aux vagues amèresBercera les chants du poèteEt le vent versera ses larmes

Sur la niche du chien

Au clair d’une lune imparfaiteComme un ver disgracieux !

Criant sa déroute aux pieds bétonnésD’une épitaphe malheureuse

On lira : Ci-gît Poète inconnu.

© Gérard Trougnou

Page 51: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Quand la pendule aura cessé de battre

Je reviendrai usé, le dos courbé, Vous conter l’homme qu’il voulut être.

Je reviendrai de ce pas lent de la vieillesse, Comme l’émotion qui ne trouve plus ses mots.

Je reviendrai un jour peut-être !...

Je reviendrai de ces lointaines lunesQui sourient entre les soleils.

Je reviendrai vous narrer le long cheminDes hommes qui ne sont pas encore nés.

Je reviendrai un jour peut-être !...

© Gérard Trougnou

Page 52: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Mon PanthéonAux petits hommes la patrie mécontente

Au Panthéon des consJ’irai comme les autres

Allongé sur le dosLes yeux fermés au mondeJe veux une seule chanson

Celle d’AragonLe Réséda et la Rose.

J’ai inversé le titrePour vous donner la rimeMais est-ce que cela suffit

Pour trouver mon poème sublimeQuelle importance cela a-t-ilJe serai bouffé par la vermine

J’aurai alors triste mine.

La Rose et le RésédaJe ne veux que celle-là

A l’heure de mon trépasJe serai alors respectable

Enfermé dans la cagePour l’ultime croisadeAu Panthéon des cons.

© Gérard Trougnou

Page 53: Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou Poèmes En vrac ! De Gérard Trougnou

Fin