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Avec vos élus, parlons-en
L’allongement de la vie active a rendu indispensables le renforcement de la prévention des risques professionnels et un départ anticipé pour les plus exposés. Mais le compte pénibilité apporte-t-il une réponse adaptée ?
PÉNIBILITÉ Quelles avancées au bout du compte ?
Tout comité d’entreprise a pour objet d’assurer une expression
collective des salariés, permettant la prise en compte de leurs intérêts.
Le Code du travail a doté les comités d’entreprise de moyens
de contrôle de la gestion de l’employeur. Ses membres, élus par les salariés pour les représenter, sont consultés sur les orientations stratégiques de l’entreprise et sur leurs
conséquences sur l’activité, l’emploi, l’évolution des métiers et des compétences,
et enfin l’organisation du travail.
Depuis 1990, les élus du personnelde la RATP assurent leur mission économique :
- au niveau de 11 comités d’établissement, les élus des CDEP – Comités Départementaux Économiques et
Professionnels - traitent des questions professionnelles qui concernent leur
secteur respectif dans l’entreprise.
- au niveau du comité d’entreprise aux attributions élargies, 27 élus du CRE - Comité Régie d’Entreprise -
prennent en charge les questions transversales. Pour cela,
ils sont appelés à se prononcer chaque mois, en séance,
sur des dossiers qui structurent la vie de l’entreprise.
Mars 2017 ▪ Avec vos élus, parlons-en ▪ PÉNIBILITÉ Quelles avancées au bout du compte ?3
Le travail n’est pas sans danger. Exposés à des risques d’accidents et de maladies pro-fessionnelles, nombre de salariés sont aussi confrontés à la pénibilité. Cette usure détériore l’état de santé et accélère le vieillissement. Elle réduit l’espérance de vie et augmente la probabilité de pathologies à effet différé. La pénibilité se trouve au carrefour de plusieurs enjeux dont ceux liés au recul de l’âge de la retraite et au maintien à leur poste des salariés les plus âgés. Sa reconnaissance s’est retrou-vée au cœur des débats sur les réformes des retraites ces dix dernières années. Le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P), dernier dispositif mis en place, pose à nouveau des questions de prévention de ces risques et de compensation sous forme de départ anticipé.
Les lois sur la réforme des retraites du 9 novembre 2010 et
du 20 janvier 2014 ont relancé la définition des facteurs de
pénibilité. L’allongement de la vie professionnelle est en
effet conditionné par la capacité des salariés à occuper leur
emploi jusqu’à leur retraite. Or, le maintien dans l’emploi, no-
tamment pour les seniors, n’est possible sans une prise en
compte de l’ensemble des situations de travail. Les critères
de pénibilité ont été posés en 2003 dans deux rapports :
Pénibilité et Retraite, d’Yves Struillou (conseiller d’État), puis
en 2005 dans Départs en retraite et Travaux pénibles, de
Gérard Lasfargues (médecin du travail), tous deux rédigés
à la demande du Conseil d’orientation des retraites (COR).
Depuis le législateur caractérise la pénibilité par le fait d’être
ou d’avoir été exposé durant sa carrière à des risques pro-
fessionnels liés à « des contraintes physiques marquées »,
à « un environnement physique agressif » ou « à certains
rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables,
identifiables et irréversibles sur la santé du travailleur » (C. trav.,
art. L. 4161-1).
« L’allongement de la vie professionnelle est conditionné
par la capacité des salariés à occuper leur emploi »
PÉNIBILITÉQuelles
avancées au bout du compte ?
Mars 2017 ▪ Avec vos élus, parlons-en ▪ PÉNIBILITÉ Quelles avancées au bout du compte ? 4
Un décret du 30 mars 2011 énumère les facteurs de risques
susceptibles de répondre à cette définition (encadré ci-
dessous). Sont visées les pénibilités objectives : manutentions
manuelles de charges, postures pénibles définies comme
positions forcées des articulations, vibrations mécaniques,
agents chimiques dangereux, bruit, travail en milieu hyperbare
ou par température extrême, travail de nuit, en équipes
successives ou alternantes, travail répétitif. Ces facteurs
sont tous de nature physique ou matérielle, la pénibilité
vécue ou mentale qui prend en compte les sollicitations
psychiques, a été ignorée par le Code du travail.
ATTEINTES À LA SANTÉ
La notion de pénibilité est liée à des expositions profession-
nelles porteuses de risques pour la santé. Cette évaluation
peut être immédiatement visible comme les troubles pro-
fessionnels et les accidents du travail. La connaissance des
atteintes à la santé au travail repose essentiellement sur les
statistiques établies par la Caisse nationale de l’assurance
maladie des travailleurs salariés (Cnamts). Si les accidents
ont nettement diminué (pour 1 000 salariés 43 en 2002 et
33,8 en 2013), les maladies professionnelles indemnisées
ont été multipliées par dix depuis les années 1980. Bien
que ces évolutions soient liées à l’élargissement du champ
des maladies reconnues, et d’une meilleure information des
médecins et des salariés, la situation reste préoccupante. Le
régime général et le régime agricole ont reconnu en 2012
plus de 56 100 nouveaux cas de maladies professionnelles
(Dares Résultats, décembre 2016 N° 081). Avec entre 2005
et 2012, une augmentation de 4 % en moyenne par an.
« Les maladies professionnelles indemnisées
ont été multipliées par dix depuis les années 1980 »
Ces données comportent cependant de nombreuses carences
qui empêchent d’appréhender l’ampleur du phénomène.
Tous les accidents et maladies ne sont pas déclarés - ou
alors qu’au-delà d’une certaine gravité - et pas toujours
reconnus. Deux éléments peuvent expliquer les sous-
déclarations d’accidents : pressions de l’employeur ou
renoncement de la victime par peur de perdre son emploi.
Quant aux maladies, de nombreux cas sont ignorés par
manque de connaissances des victimes à qui il revient
de lancer les procédures de déclaration. Aux démarches,
longues et fastidieuses, s’ajoutent la crainte de l’inaptitude
et une baisse de revenu. Par ailleurs, selon le code de la
Sécurité sociale est présumée d’origine professionnelle
toute maladie désignée dans un tableau. Ainsi la Caisse
élabore des statistiques ne tenant compte que des maladies
figurant sur une liste modifiable uniquement par décret.
Ces données disponibles masquent un déficit d’évaluation
des autres maladies.
Que dit la législation ?
L’article D. 4161-2 du Code du travail classe et détaille dix facteurs de pénibilité :
Contraintes physiques marquées
1 Manutentions manuelles de charges.
2 Postures pénibles définies comme positions forcées des articulations.
3 Vibrations mécaniques.
Environnement physique agressif
4 Agents chimiques dangereux y compris les poussières et les fumées.
5 Activités exercées en milieu hyperbare.
6 Températures extrêmes.
7 Bruit.
Certains rythmes
8 Travail de nuit.
9 Travail en équipes successives alternantes.
10 Travail répétitif caractérisé par la répétition d’un même geste à une cadence contrainte.
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LES SALARIÉS EN DANGER
Cette situation relève avant tout de la méconnaissance de
l’origine professionnelle d’une maladie ou de la difficulté
à en établir la cause, aussi bien de la part des salariés que
des médecins traitants. La grande majorité de ces maladies
ne relève en effet que de deux catégories de pathologie :
les troubles musculo-squeletiques (TMS) et les affections
causées par l’amiante : respectivement 86 % et 8 % (graphique
ci-dessus). En définitive, une grande partie des atteintes
à la santé par le travail et les problèmes qu’elles posent en
matière de prévention restent méconnus. Cette sous-
estimation est confirmée par l’écart entre les chiffres de la
Cnamts et les études épidémiologiques. Le programme de
surveillance des maladies à caractère professionnel, mis
en place depuis 2007 par l’InVS (devenu Santé publique
France depuis mai 2016), décrit les effets délétères du travail.
Toutes les maladies à caractère professionnel (MCP) observées
par la médecine du travail ainsi que les facteurs d’exposi-
tion sont signalées. En 2012, 6,4 % des salariés présentaient
une maladie jugée imputable au travail. Plus de la moitié
sont des TMS. Si l’on applique ce taux aux 18 millions de
salariés du régime général, on obtient un peu plus d’un
million de cas de maladies à caractère professionnel (Les
Risques du travail, de Philippe Davezies, 2015). Soit 20
fois plus que ce que les statistiques de la Cnamts révèlent.
« 6,4 % des salariés présentaient une maladie jugée imputable
au travail »
Les médecins du travail soulignent que la santé des salariés
est indissociable de leurs conditions de vie. Il convient en
effet de reconnaître l’imbrication des causes profession-
nelles et des facteurs liés à l’histoire privée du salarié. La
multiplicité des risques rend ainsi complexe la question de
la santé au travail. Certaines expositions professionnelles
ne provoquent des pathologies que vingt ou trente ans
plus tard. Ce décalage entre l’exposition et l’apparition
des symptômes (cancers, amiante) et l’usure physique du
corps (TMS, surdité) impose de se préoccuper en priorité
des salariés les plus âgés. Pour preuve, les plus de 50 ans
sont à l’origine de plus de la moitié des maladies profes-
sionnelles reconnues contre à peine 20 % pour les moins
de 40 ans.
QUANTIFIER LA PÉNIBILITÉ
Souvent difficile à supporter, le travail pénible n’est pas
nécessairement un travail immédiatement dangereux.
L’accident et la maladie étant le degré ultime des multiples
risques auxquels sont exposés les salariés. Dans son sens
courant, la pénibilité est liée à des conditions de travail et
à des expositions dégradées et mal vécues susceptibles de
détériorer l’état de santé. Elle peut entraver directement la
capacité de travailler, ce qui peut influencer le souhait des
travailleurs vieillissants de quitter rapidement leur vie profes-
sionnelle. Les conditions de travail ayant des conséquences
sur le bien-être sont multiples. Elles incluent des aspects
matériels (outils de travail, contraintes physiques, conditions
sanitaires, expositions à des substances dangereuses, etc.),
organisationnels (temps de travail, rythme, autonomie, etc.)
et psychosociaux (relations avec les clients, hiérarchie et
collègues, conflits de valeurs, satisfaction et difficultés, etc.).
Notons que ces contraintes ne sont pas toujours vécues
comme pénibles. L’exposition à des substances cancérigènes
en est une illustration. Les pénibilités qui ont des effets
indéniables sur la santé mentale (dépression, anxiété) sont
également reconnues pour conduire à des troubles de la
santé physique, les principales étant les TMS et les maladies
cardiovasculaires. Ces facteurs influent par ailleurs sur
l’hypertension, le cholestérol ou le diabète et augmentent
Les maladies professionnelles reconnues en 2012
1% Rhinites et asthmes
1% Dermatoses
2% Surdités
2% Autres maladies
8% Affections de l’amiante86% Trouble musculo-squelletique
Source : CnamTS – MSA – Insee, calcul Dares
Mars 2017 ▪ Avec vos élus, parlons-en ▪ PÉNIBILITÉ Quelles avancées au bout du compte ? 6
les comportements à risques individuels (tabagisme, alcoo-
lisme). Selon l’InVs, 2 % des salariés présentent directement
une souffrance psychique pathologique attribuable au
travail.
« 23 % des salariés
se déclarent en situation
de job strain »
Plusieurs études sur les nouvelles formes d’organisation du
travail ont établi des corrélations montrant une augmentation
des risques psychosociaux en fonction de l’intensification
des rythmes. Sous la pression des logiques de rentabilité,
les salariés sont de plus en plus contraints par les délais à
respecter, par les normes de production ou les rapports à la
clientèle. Leurs marges d’initiative ont tendance à se réduire
sans diminuer le contrôle hiérarchique. Or la progression
de la pénibilité mentale naît principalement du cumul de
ces contraintes. Plusieurs modèles ont été proposés pour
intégrer cette complexité. Celui de Karasek, utilisé par la
Direction de l’animation de la recherche, des études et des
statistiques (Dares), combine l’intensité de la demande
psychologique à laquelle le salarié est soumis, sa latitude
décisionnelle et le soutien social qu’il reçoit sur son lieu de
travail. Il en ressort que la tension est supportable quand elle
va de pair avec une latitude suffisante. À l’inverse, quand les
individus n’ont pas de marges de manœuvre, cela génère
de la tension (job strain). 23 % des salariés se déclarent en
situation de job strain, ce qui correspond à près de 4 millions
si on extrapole aux 18 millions de salariés.
LES INÉGALITÉS FACE AUX RISQUES
Cette question des risques en milieu professionnel et de leur
intensité se pose depuis plusieurs décennies et la Dares a
produit des enquêtes permettant d’évaluer la situation :
Conditions de travail, Surveillance médicale des expositions
aux risques professionnels (Sumer), Santé et itinéraire pro-
fessionnel (Sip). Les données montrent qu’en 2013, plus de
60 % des ouvriers déclarent subir au moins trois contraintes
physiques (tableau page 7), contre seulement 11 % des
employés administratifs et 8 % des cadres. 54 % des ouvriers
qualifiés déclarent être soumis à plus de trois contraintes
de rythme (contre 35 % pour l’ensemble des salariés). 46 %
des ouvriers non qualifiés disent qu’ils ne peuvent pas régler
eux-mêmes les incidents (contre 30 % des salariés). Les
cadres sont soumis à une pression temporelle plus forte :
74 % déclarent devoir souvent s’interrompre pour effectuer
une tâche non prévue (contre 64 % des salariés), mais ils
disposent de plus d’autonomie car 84 % peuvent régler eux-
mêmes les incidents. 20 % des salariés déclarent avoir subi
au cours des douze derniers mois une agression verbale,
physique ou sexuelle de la part du public ; principalement
chez les employés et les professions intermédiaires. Concer-
nant le sentiment de reconnaissance, 65 % estiment que leur
travail est apprécié à sa juste valeur : c’est moins souvent le
cas chez les employés administratifs et les ouvriers (62 %),
mais plus fréquent chez les cadres (73 %). 9 % des salariés
déclarent devoir toujours ou souvent faire des choses qu’ils
désapprouvent. Ces conflits de valeurs sont un peu plus
souvent signalés par les employés de commerce et de service
et les ouvriers qualifiés (11 %). La crainte de perdre son emploi
dans l’année est exprimée par un quart des salariés. C’est
notamment le cas parmi les ouvriers non qualifiés : 32 %.
« 63 % des ouvriers déclarent subir au moins trois contraintes
physiques, contre seulement 11 % des employés et
8 % des cadres »
Il apparaît que certaines catégories comme les ouvriers sont,
de loin, les plus durablement touchés De même, les salariés
sont inégalement exposés au job strain selon leur catégorie
socioprofessionnelle. Le personnel exécutant comme les
employés administratifs, les ouvriers non qualifiés et les
employés de commerce et de service sont plus souvent en
situation d’être tendus (tableau page 8) : ils cumulent une
forte demande psychologique à une faible latitude déci-
sionnelle. À l’inverse, les métiers de cadre, notamment les
ingénieurs et les cadres techniques de l’industrie, sont sou-
mis à une forte exigence, donc au stress, mais bénéficient
davantage de marges de manœuvre pour y répondre. Ces
différences d’exposition aux risques reflètent les inégalités
sociales dans les parcours professionnels. Le thème de la
pénibilité est au premier plan de la réflexion sur l’amélioration
de la qualité de vie au travail, mais il est aussi porteur d’un
autre enjeu fondé sur l’équité sociale.
Mars 2017 ▪ Avec vos élus, parlons-en ▪ PÉNIBILITÉ Quelles avancées au bout du compte ?7
Conditions de travail des salariés en 2013 par catégorie sociale (en %)
* Parmi les cinq contraintes : rester longtemps debout, rester long-temps dans une posture pénible, effectuer des déplacements à pied longs ou fréquents, devoir porter ou déplacer des charges lourdes, subir des secousses ou des vibrations.** Parmi les sept contraintes de rythme suivantes : rythme de travail imposé par le déplacement automatique d’un produit ou d’une pièce, la cadence automatique d’une machine, d’autres contraintes
techniques, la dépendance immédiate vis-à-vis des collègues, des
normes de production à satisfaire en une journée, une demande
extérieure, les contraintes ou surveillances permanentes exercées
par la hiérarchie.
*** Au cours des 12 derniers mois, agression verbale, physique ou
sexuelle.
Cadres
Profe
ssions
inte
rmédia
ires
Emplo
yés
admin
istratif
s
Emplo
yés
de comm
erce
Ouvriers
qualifiés
Ouvriers
non qualifi
és
Ensemble
Contraintes et risques physiques
Avoir au moins trois contraintes physiques * 8 25 11 46 63 64 34
Intensité du travail et pression temporelle
Avoir au moins trois contraintes de rythme ** 26 35 32 28 54 45 35
Devoir se dépêcher 51 47 44 46 44 40 46
S’interrompre pour effectuer une tâche
non prévue
74 72 72 58 52 44 64
Autonomie, marges de manœuvre
Avoir un travail répétitif 11 27 44 58 61 72 41
Ne pas pouvoir régler soi-même les incidents 16 24 34 37 36 46 30
Coopération, soutien
Être aidé pour mener les tâches à bien par :
les supérieurs hiérarchiques 75 74 77 67 72 69 72
les collègues 86 83 77 67 77 72 78
Conflits, harcèlement
Victime d’une agression *** de la part :
du public 15 25 25 26 12 8 20
de collègues ou supérieurs hiérarchiques 13 14 13 12 13 12 13
Reconnaissance
Au vu des efforts, recevoir l’estime
et le respect que mérite le travail
73 65 62 66 61 62 65
Conflits de valeur
Devoir faire des choses que je désapprouve
(toujours, souvent)
7 9 9 11 11 9 9
Insécurité économique
Crainte de perdre son emploi 19 22 23 24 31 32 24
Source : Dares-Drees-DGAFP-Insee, enquêtes Conditions de travail 2013 ; traitement Dares
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L’USURE EN DÉBAT
Les statistiques sur l’espérance de vie et les risques de pa-
thologies font ressortir des inégalités selon les catégories
socioprofessionnelles. Les ouvriers ont une vie plus courte
que les cadres (graphique page 9). Un ouvrier de 35 ans peut
espérer vivre jusqu’à 77,6 ans contre 84 ans pour un cadre
du même âge soit six ans d’écart (Insee Première N° 1584,
février 2016). Une étude plus ancienne de l’Institut national
d’études démographiques (Ined) montrait que les ouvriers
passent moins de temps indemnes de toute incapacité que
«ACTIFS» «PASSIFS» «DÉTENDUS» «TENDUS»
ENSEMBLEforte demande psychologique et forte latitude
décisionnelle
faible demande psychologique
et faible latitude décisionnelle
faible demande psychologique et forte latitude
décisionnelle
forte demande psychologique
et faible latitude décisionnelle
Ensemble 22 26 29 23 100
Sexe
Hommes 24 28 27 21 100
Femmes 20 22 32 26 100
Catégorie sociale
Cadres et professions intellectuelles supérieures
51 27 7 15 100
Professions intermédiaires
28 30 20 22 100
Employés administratifs
15 21 34 30 100
Employés de commerce et de service
11 22 41 26 100
Ouvriers qualifiés 16 30 33 21 100
Ouvriers non qualifiés, ouvriers agricoles
8 20 45 27 100
Source : Dares-DGT-DGAFP, enquête Sumer 2010.
les cadres. À 60 ans, ces derniers peuvent espérer vivre en-
core en moyenne 23 ans, dont 21 sans incapacité. Alors que
les ouvriers ont une espérance de vie à 60 ans de 19 ans,
dont 16 sans incapacité. Non seulement ils vivent moins
longtemps, mais aussi en moins bonne santé. Ces inégali-
tés résultent du cumul de plusieurs facteurs : travail, condi-
tion de vie, qualité des soins médicaux, comportements à
risques liés à des déterminants sociaux importants.
Les risques psychosociaux selon les caractéristiques du salarié (en%)
Mars 2017 ▪ Avec vos élus, parlons-en ▪ PÉNIBILITÉ Quelles avancées au bout du compte ?9
Si l’usure au travail accélère le vieillissement et augmente
les troubles pathologiques à long terme, les travailleurs
exerçant des tâches pénibles profiteront donc de leur retraite
moins longtemps sans incapacité et dans des conditions
économiques plus modestes. Cette question a été examinée
lors des réformes successives qui ont fait reculer l’âge légal
du départ à la retraite. La loi du 21 août 2003 avait déjà
ouvert le débat en invitant les partenaires sociaux à négocier
sur « la définition et la prise en compte de la pénibilité » tout
en insistant sur le « traitement équitable des assurés ».
La pénibilité a toujours été un sujet de désaccord entre le
gouvernement et les partenaires sociaux. Les discussions
achoppent la plupart du temps sur l’instauration d’un
mécanisme de compensation sous forme d’un droit à la
cessation anticipée d’activité que le patronat refuse de
financer. Non seulement l’allongement de la durée de la
vie active accentue les inégalités sociales, mais il durcit
également les difficultés de ceux usés par leurs mauvaises
conditions de travail. Pour de nombreux salariés vieillissants
se pose en effet la question de leur capacité à lier au
quotidien leur problème de santé aux exigences de leur
activité professionnelle.
« Une santé plus fragile du fait des expositions
professionnelles passées contraint nombre de
salariés à une sortie de l’emploi avant l’âge de la retraite »
Selon l’enquête Santé et itinéraire professionnel (Dares
Analyses, N°20, Mars 2011), les personnes de 50 à 59 ans,
qui ont été longtemps exposées à des pénibilités physiques,
sont moins souvent en bonne santé : 24 % se déclarent limi-
tées dans leurs activités quotidiennes du fait d’un problème de
santé contre 17 % des autres seniors. Elles sont également
moins souvent en emploi après 50 ans, notamment après
un cumul de pénibilités : 68 % des personnes exposées à au
moins une pénibilité et 62 % de celles exposées à au moins
trois pénibilités sont en emploi après 50 ans contre 75 % de
celles qui n’ont pas été exposées ou qui l’ont été moins de
quinze ans. Une santé plus fragile du fait des expositions
professionnelles passées contraint nombre de salariés
à une sortie de l’emploi avant l’âge de la retraite. Cet état
de fait place la prévention de la pénibilité au premier plan
des politiques d’amélioration des conditions de travail afin
d’éviter l’exclusion des travailleurs de plus de 50 ans usés
mais aussi de permettre aux plus jeunes de construire leur
santé au travail. Ces données posent aussi la question de
la réparation en accordant un départ anticipé à la retraite.
Lecture : en 2009-2013, l’espérance de vie à 35 ans des femmes cadres
est de 53 ans.
Source : Insee
Évolution de l’espérance de vie à 35 ans par sexe pour les cadres et les ouvriers (en année)
19761984
19831991
19911999
20002008
20092013
Homme cadre Femme cadre
Homme ouvrier Femme ouvrière
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ÉTAT DES LIEUX DE LA PÉNIBILITÉ
La dernière enquête Sumer (Dares Analyses, n° 95, décembre
2014), réalisée à partir d’un questionnaire de 2010, apporte
des éclairages sur l’ampleur de l’exposition des salariés.
Cette enquête montre que plus de 8 millions de salariés,
soit près de 40 %, apparaissent exposés à au moins un des
facteurs de pénibilité (tableau page 11). 10 % des salariés
(soit environ un quart des salariés exposés) subissent le
cumul d’au moins trois des pénibilités retenues. Les ouvriers
sont toujours en première ligne. 70 % d’entre eux sont
exposés à au moins un des facteurs, contre seulement 12 %
des cadres et professions intellectuelles supérieures. Les
employés de commerce et de services sont eux aussi large-
ment concernés (48 %).
« Plus de 8 millions de salariés, soit près de 40 %,
sont exposés à au moins un des facteurs de pénibilité »
Au regard des trois catégories de facteurs (contraintes
physiques marquées, environnement physique agressif,
rythmes de travail contraints), les plus touchés restent les
ouvriers : 43 % d’entre eux subissent des contraintes physiques
marquées (manutention manuelle des charges, postures
pénibles, vibrations mécaniques) contre 26 % des employés
de commerce et de services, et 48 % sont exposés à un fac-
teur de pénibilité lié à un environnement physique agressif
(produits chimiques, travail en températures extrêmes, bruit
nocif) contre 20 % des employés de commerce et de ser-
vices. Ces derniers sont par ailleurs souvent exposés aux
produits chimiques (16 %). La pénibilité relative aux rythmes
de travail (travail de nuit, travail en équipe et travail répétitif)
révèle une vision plus équilibrée de l’exposition puisque
29 % des ouvriers sont concernés contre 24 % des employés
de commerce et de services.
Dans certains secteurs, la proportion de salariés exposés
est particulièrement élevée. Il en est ainsi de la construction
(66 %), de l’industrie manufacturière (56 %), de l’agriculture et
du secteur de l’eau et de la gestion des déchets (52 %) et de la
santé, du commerce et de la réparation d’automobiles (40 %).
La Dares souligne que la proportion de salariés exposés à
la pénibilité diminue avec la taille de l’établissement. Dans
ceux de 50 à 499 salariés, 44 % sont exposés contre 34 %
dans les établissements de 500 salariés ou plus. D’autre
part les hommes sont plus exposés que les femmes (46 %
contre 31 %), ce qui s’explique notamment par la différence
de fonctions, les hommes étant plus présents dans les sec-
teurs de la production, de la construction, de la réparation,
de la manutention ou encore de la logistique. Néanmoins
des écarts subsistent entre hommes et femmes à fonction
identique. Ainsi, dans la « production », 75 % des hommes
sont exposés contre 61 % des femmes.
Autre élément, la pénibilité touche davantage les jeunes. Un
salarié de moins de 25 ans sur deux est exposé à au moins
un facteur de pénibilité contre un tiers (32 %) des 55 ans ou
plus. Enfin, plus un salarié est exposé plus le risque d’ac-
cident du travail est élevé. 12 % des salariés exposés ont
connu au moins un accident de travail au cours des douze
derniers mois contre 5 % pour les non-exposés.
Une enquête indispensable
L’enquête Sumer (Surveillance médicale
des expositions aux risques professionnels)
est une étude transversale réalisée par les
médecins du travail et coordonnée par la
Dares et la DGT (Direction générale du travail).
L’intérêt de cette enquête est de reposer
d’une part sur l’expertise professionnelle du
médecin du travail, et d’autre part sur un
grand nombre de salariés interrogés. Elle
permet de cartographier les expositions
aux risques professionnels, la durée de ces
expositions et les protections collectives ou
individuelles éventuelles mises à disposition
du personnel.
Par ailleurs, un auto-questionnaire est pro-
posé aux salariés sur leur vécu au travail afin
d’évaluer les facteurs psychosociaux. Répé-
tée tous les sept ans, l’enquête Sumer offre
ainsi un suivi de l’évolution des principales
expositions et sert à orienter les politiques
publiques de prévention.
Mars 2017 ▪ Avec vos élus, parlons-en ▪ PÉNIBILITÉ Quelles avancées au bout du compte ?11
ETRE EXPOSÉ À AU MOINS UN FACTEUR DE PÉNIBILITÉ
Ensemble des
salariés
Employés de commerce
et de service
Ouvriers
Ouvriers
qualifiés
Ouvriers
non qualifiés
Ensemble
ouvriers
Contraintes physiques marquées
21,1 26,1 42,2 43,7 42,8
Dont : manutention
manuelle de charges lourdes *10,1 15,4 19,2 23,2 20,7
posture pénible * 11,3 15,2 19,4 22,1 20,4
vibrations mécaniques * 6,9 2,0 22,0 18,0 20,5
Environnement physique agressif
21,2 19,6 48,2 48,3 48,2
Dont : exposition
aux produits chimiques *14,2 16,4 30,9 31,0 30,9
travail en températures extrêmes * 1,8 1,3 4,1 4,9 4,4
bruit nocif * 11,4 3,3 31,7 28,9 30,7
Certains rythmes de travail
17,9 23,7 26,0 33,6 28,9
Dont : travail de nuit
(entre minuit et 5 h) *4,7 6,3 9,6 5,5 8,0
travail en équipe
en 3x8, 4x8 et 2x12 *3,1 3,3 5,2 4,5 4,9
travail répétitif * 12,4 16,0 16,0 28,4 20,7
Etre exposé à au moins une pénibilité
39,2 48,0 69,2 70,3 69,6
Salariés exposés aux différents types de pénibilités* (en%)
* Avec les seuils retenus pour l’étude.Lecture : 26,1 % des employés de commerce et de service sont exposés aux contraintes physiques marquées.
Champ : salariés France métropolitaine et Réunion.Source : Dares-DGT-DGAFP, enquête Sumer 2010.
Mars 2017 ▪ Avec vos élus, parlons-en ▪ PÉNIBILITÉ Quelles avancées au bout du compte ? 12
Facteurs Action ou situation de pénibilité et intensité minimale d’exposition Durée d’exposition
Manutention manuelle de charges lourdes
• Lever ou porter des poids de 15kg et plus (seuil abaissé à 10kg en cas de prise au sol ou au-dessus des épaules ou de déplacement en charge)
• Pousser ou tirer des poids de 250kg et plus• Cumul de manutention de charges de 7,5t et plus/jour
• Alternativement ou en cumul temps
de manutention de 600 heures/an
• 120 jours/an
Postures pénibles (positions forcées des articulations)
• Accroupi, à genoux• Bras au-dessus des épaules
• Torsion du torse (plus de 30°)• Torse fléchi (plus de 45°)
• Alternativement ou en cumul temps de 900h/an
Vibrations mécaniques
Valeur d’exposition rapportée à une période de référence de 8h• 2,5 m/s2 pour les mains et les bras• 0,5 m/s2 pour le corps entier
• 450 heures/an
Agents chimiques dangereux, y compris poussières et fumées
• Seuil déterminé, pour chacun des agents chimiques dangeureux, par application d’une grille d’évaluation prenant en compte le type de pénétration, la classe d’émission ou de contact de l’agent chimique concerné, le procédé d’utilisation ou de fabrication, les mesures de protection collective ou individuelle mises en œuvre et la durée d’exposition, qui est définie par arrêté
• 150 heures/an
Milieuhyperbare
• 60 interventions ou travaux par an à plus de 1200 hectopascals
Températures extrêmes
• Température ≤ 5°C • Température ≥ 30°C • 900 heures/an
Bruit • Niveau d’exposition au bruit rapporté à une période de référence de huit heures d’au moins 81 décibels
• Exposition à un niveau de pression acoustique de crête au moins égal à 135 décibels
• 600 heures/an• 120 jours/an
Travail de nuit • Une heure de travail entre 24 heures et 5 heures • 120 nuits/an
Travail en équipes successives alternantes
• Travail en équipes successives alternantes impliquant au minimum une heure de travail entre 24 heures et 5 heures
• 50 nuits/an
Travail répétitif
Réalisation de travaux impliquant l’exécution de mouvements répétés, sollicitant tout membre supérieur à une fréquence élevée et sous cadence contrainte :• Temps de cycle inférieur ou égal à 30 secondes : 15 actions techniques
ou plus• Temps de cycle supérieur à 30 secondes, temps de cycle variable ou
absence de temps de cycle : 30 actions techniques ou plus par minute.
• 900 heures/an
Seuils d’exposition applicables selon le Code du travail
Mars 2017 ▪ Avec vos élus, parlons-en ▪ PÉNIBILITÉ Quelles avancées au bout du compte ?13
DE NOUVEAUX DROITS
Notons que les seuils de pénibilité proposés par la Dares
sont différents de ceux retenus par la législation (tableau page
12). Ces derniers ont été définis par la loi du 20 janvier 2014
« garantissant l’avenir et la justice du système de retraites ».
La législation assure une nouvelle orientation avec la création
du « compte personnel de prévention de la pénibilité » (C3P).
Ce compte ouvre, à mesure de l’exposition, des droits aux
salariés qu’ils peuvent utiliser pour se former en vue d’occuper
un autre emploi, pour réduire leurs temps de travail avec
compensation de la perte de salaire ou pour anticiper leur
départ à la retraite dans la limite de 8 trimestres, soit 2 ans.
Avec le compte personnel de formation (CPF), le C3P figure
dans le nouveau compte personnel d’activité (CPA) que
chacun peut consulter depuis janvier 2017.
« le C3P figure dans le nouveau compte personnel d’activité
(CPA) que chacun peut consulter depuis janvier 2017»
La réforme de 2014 fait suite à deux précédentes qui
avaient posé les premiers jalons de la reconnaissance de
la pénibilité. La loi de 2003 a renvoyé ces questions à une
négociation interprofessionnelle entre 2005 et 2008 qui n’a
pas abouti. Celle de 2010 a promu des dispositifs de négo-
ciations collectives et de traçabilité. Mais concernant les
départs anticipés, la réforme s’est focalisée sur des incapa-
cités permanentes dont l’origine professionnelle ne fait pas
de doutes. Seuls les salariés pouvant justifier d’une maladie
professionnelle ou d’un accident du travail reconnus par
l’assurance maladie (incapacité permanente d’au moins
20 % avec une exposition de 17 ans à au moins un facteur de
pénibilité) pouvaient prétendre à un départ en retraite à 60
ans à taux plein. Les syndicats ont dénoncé cette approche
médicale et individualisée qui excluait de nombreuses
victimes de pathologies non déclarées ou non signalées
dans la liste des maladies professionnelles.
En revanche, le C3P s’intéresse à l’exposition dans des situa-
tions réelles de travail à partir de critères identiques pour tous,
quels que soient la branche et le métier. Il permet dans une
logique de parcours professionnel de cumuler des points à
raison d’un point par trimestre d’exposition (deux s’ils sont
soumis à plusieurs facteurs), dans la limite de cent points. Les
vingt premiers sont obligatoirement consacrés à la formation.
Il revient à l’employeur de déterminer pour chaque salarié les
différents niveaux d’exposition dans une fiche de prévention
et de transmettre les informations dans la déclaration annuelle
de données sociales (DADS) ou dans la déclaration sociale
nominative (DSN). Toutefois la loi n’impose pas une identifi-
cation salarié par salarié. Pour établir sa déclaration, l’employeur
peut utiliser les postes, métiers ou situations de travail défi-
nis par un accord collectif de branche étendu ou, à défaut,
par un référentiel professionnel de branche homologué par
le ministère du Travail. Lorsqu’ils existent, ces documents
d’aide à l’employeur déterminent l’exposition des travailleurs
aux facteurs de pénibilité en tenant compte des mesures de
protection collective et individuelle (D. 4161-1).
La politique de santé au travail
le C3P s’inscrit dans le cadre des lignes
directrices qui ont guidé l’élaboration et
l’adoption, par le Conseil d’orientation des
conditions de travail (COCT), du 3ème plan
santé au travail (PST3) 2016-2020, le 8
décembre 2015 : « faire de la prévention
une priorité, en rupture avec une approche
faisant prévaloir la réparation ».
Axes stratégiques du PST3
Axe 1 - Développer la prévention primaire
1. Favoriser la culture de prévention
2. Prévenir l’usure professionnelle et la
pénibilité
3. Cibler des risques prioritaires (produits
chimiques, chutes, RPS, risque routier)
Axe 2 - Qualité de vie au travail, maintien en emploi et performance
1. Favoriser la qualité de vie au travail
2. Prévenir la désinsertion professionnelle
3. Agir en transversalité pour promouvoir
un environnement de travail favorable
à la santé
Mars 2017 ▪ Avec vos élus, parlons-en ▪ PÉNIBILITÉ Quelles avancées au bout du compte ? 14
La loi du 20 janvier 2014 exclut du compte pénibilité, les salariés affiliés à un régime spécial de re-
traite comportant un dispositif de reconnaissance et de compensation de la pénibilité (L. 4162-1). Les
agents statutaires ne sont donc pas éligibles à ce compte. Le décret n° 2014-1617 du 24 décembre
2014 fixe la liste des entreprises écartées du dispositif. Ce droit nouveau est cependant ouvert aux
contractuels de la RATP, soit 2 652 agents sur 45 315 (bilan social RATP 2015).
Dans le cadre de la réforme de son régime spécial de retraite en décembre 2007, la RATP a mené
des réflexions sur la pénibilité liée à l’allongement de la durée de vie professionnelle. Elle a défini un
plan d’action dans lequel elle s’engage à créer un observatoire des conditions d’exercice des métiers
(OCEM). L’activité de l’observatoire devait s’articuler « autour de la réflexion nationale sur la pénibilité
des métiers ». Un protocole d’accord sur le fonctionnement, le champ de compétences et les mis-
sions de l’observatoire a été signé en juin 2009 puis renouvelé en 2013 pour une durée de quatre ans.
L’OCEM a pour mission « de contribuer, par ses travaux à la politique de prévention de l’entreprise.
Il est un lieu d’informations, d’échanges, d’analyses et de recommandations. Ces échanges peuvent
donner lieu à des recommandations transversales sur les bonnes pratiques de l’entreprise, notamment
des préconisations en matière de prévention des risques professionnels et de protection de la santé »
(Article 1.2).
Ces premiers travaux ont conduit à la « constitution d’une cartographie des contraintes pesant sur les
métiers de l’entreprise afin d’en suivre l’évolution en fonction d’actions de prévention mises en œuvre
dans le cadre d’une politique globale de prévention en santé au travail » (Etat des lieux pour l’Obser-
vatoire des conditions d’exercice des métiers, Département GIS, novembre 2008).
Identification des contraintes
génératrices de pénibilité
Identification des métiers
représentatifs exposés :
Rythmes de travail (travail de nuit, rythmes
alternants, repos décalés…).
15 métiers d’exploitation (environ 26 000
salariés),
Charge physique (port de charges,
mouvement des membres déplacement…).
27 métiers de maintenance (environ 7 600
salariés),
Environnement de travail (bruit, luminosité,
qualité de l’air…).
25 métiers du secteur tertiaire (environ 450
salariés).
Charge mentale inhérente à l’activité
(vigilance liée à la conduite, à certains
travaux sur des installations électriques…).
Facteurs psychosociaux, entendus comme
des éléments environnementaux pouvant
induire chez un salarié une inquiétude quant
à son intégrité physique ou psychologique.
Le traitement de la pénibilité à la RATP
Mars 2017 ▪ Avec vos élus, parlons-en ▪ PÉNIBILITÉ Quelles avancées au bout du compte ?15
ARTICULER PRÉVENTION ET COMPENSATION
La particularité du dispositif est d’articuler compensation
et prévention. Le financement du compte personnel de
pénibilité est à la charge des entreprises. Ainsi les employeurs
sont d’autant plus incités à réduire la pénibilité que la
cotisation à verser dépend en partie du niveau d’exposition
de leurs salariés (A. Jolivet, économiste, Cee). Par ailleurs,
même si l’employeur n’identifie pas de risques de pénibilité,
son obligation générale de sécurité demeure. En effet, l’en-
treprise est tenue d’évaluer les risques liés à ses activités, de
retranscrire les résultats de son évaluation dans le document
unique (DUER) et de prendre les mesures nécessaires pour les
prévenir et garantir la santé et la sécurité des travailleurs
(L. 4121-1). À cet égard, les entreprises (dont 50 % de l’effec-
tif est exposé à des facteurs de pénibilité) ont l’obligation de
conclure un accord collectif ou à défaut d’élaborer un plan
d’action en faveur de la prévention. Ce dispositif (L. 4163-1,
D. 4163-1) permet aux salariés exposés de bénéficier d’actions
de suppression ou de réduction de ces risques.
« Les employeurs sont d’autant plus incités à réduire la pénibilité que la cotisation à verser dépend en partie du niveau d’exposition
de leurs salariés »
La mise en place du compte pénibilité a soulevé de nombreuses
critiques de la part des employeurs. Les plus réfractaires
s’opposent à prendre en charge l’évaluation des postes
et se livrent à un bras de fer en invoquant la complexité
de l’application des seuils d’exposition et l’augmentation
des coûts. Parallèlement, les représentants patronaux misant
sur une éventuelle suppression du C3P que plusieurs
candidats à la présidentielle ont promis d’abroger, sont
suspectés de faire pression pour retarder les dépôts de
référentiels de branche. Le dispositif souffre néanmoins de
plusieurs défauts (rapport au ministre « Améliorer la santé
au travail, l’apport du dispositif Pénibilité », novembre 2016)
dont la non-prise en compte de certaines formes de pénibi-
lité comme les risques psychosociaux (RPS) ou la pénibilité
subjective liée à l’état de santé précis d’un salarié (S. Volkoff,
statisticien et ergonome, Creapt). Autres critiques, l’effet per-
vers des seuils qui exclut les travailleurs dont l’exposition se
situe à la limite des critères retenus. Restent sur la touche
ceux qui sont exposés à plusieurs facteurs (pluri-exposition).
Enfin, le dispositif résout imparfaitement la question de la
réparation qui est seulement réservée aux personnes très
exposées. Pour partir à la retraite à 60 ans plutôt qu’à 62
ans, il faudra cumuler 10 ans d’exposition à 2 facteurs de
pénibilités et 20 ans d’exposition à un seul (25 ans en fait
puisque les premiers points sont affectés à la formation). De
quoi douter de l’efficacité du C3P pour diminuer la pénibilité
et envisager une retraite anticipée pour les plus exposés.
Le C3P en chiffres
512 162 comptes personnels ont été ouverts
en 2015 première année d’application du
dispositif par 25 820 entreprises en faveur
de leurs salariés exposés. La principale ex-
position est le travail de nuit (au seuil de
120 nuits par an), qui représente 241 989
déclarations, dont 75 % pour les hommes,
essentiellement les plus de 40 ans. Le travail
en équipes successives alternantes (avec
au moins 50 nuits par an) concerne
148 039 salariés, à 84 % des hommes. Le
travail répétitif reste une contrainte pour
80 063 salariés, dont 25 % de femmes de
plus de 40 ans.
Source : Cnav
Supplément au N°189 (janvier - mars2017) de la revue Connexions de la Direction de Analyses Economiques du CRE-RATP
E-Mail : [email protected] Pour plus d’informations / portailde la DAE : www.ce-eco.ratp.fr
P É N I B I L I T É Quelles avancées au bout du compte ?
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