pisanello et les médailleurs italiens : étude critique / par jean de foville
TRANSCRIPT
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7/29/2019 Pisanello et les mdailleurs italiens : tude critique / par Jean de Foville
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LES
GRANDS
ARTISTES
LEUR
VIE
LEUR
UVRE
PISANELLO
et
les
Mdailleurs
italiens
JEAN
DE
FOV1LLE
SOUS-BIBLIOTHCAIRE
AU
CABINET
DES
MDAILLES
DE
LA
BIBLIOTHQUE NATIONALE
TUDE
CRITIQUE
ILLUSTRE
DE
VINGT-QUATRE
REPRODUCTIONS
HORS
TEXTE
PARIS
LIBRAIRIE
RENOUARD
HENRI
LAURENS,
DITEUR
6,
RUE
DE TOURNON
(VI
e
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et
de
reproduction
rservs
pour tous pays.
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LES
GR N S RTISTES
PIS NELLO
et
les
Mdailleurs
italiens
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PISANELLO
ET
LES
MDAILLEUKS
ITALIENS
Bien
que
Pisanello ait
joui,
de
son
vivant
mme,
d'une
grande
gloire,
et
qu'aujourd'hui
cette
gloire
grandisse
encore
sa personnalit
reste
assez
mystrieuse pour
nous.
Parce
qu'il
tait
de
Vrone, il
a moins
bnfici
que
les
Toscans
de
la
prolixit
de
Vasari.
D'ailleurs ses
peintures
sont
fort
rares
:
nous
le
jugeons surtout
d'aprs
ses des-
sins
et ses
mdailles.
Or dessins
et
mdailles nous
rvlent
un artiste
extraordinaireinent
dlicat, vif. pntrant, origi-
nal : mais son
art
fut-il
le produit presque spontan
d'un
gnie heureux?
ou
bien
tout
fut-il
chez
lui
conscient,
calcul
et
voulu?
fut-il un intuitif,
ou
un
esprit
cultiv
et
subtil?
Aucun tmoignage
prcis ne
nous
renseigne
ce
sujet. Pourtant
plus nous
analysons
le
caractre,
trs
par-
ticulier,
de son
uvre,
plus nous
voudrions
savoir
explici-
tement
si
Pisanello,
qui a
tant
influ
sur
l'volution
dfinitive
de
la
Renaissance
italienne,
n'a
suivi
que
sa
pente naturelle
ou
s'il
a raisonn
son
gnie.
Ses
contemporains,
parlant de
ses
peintures,
ont
lou-
son
ralisme,
et surtout
son
trs
rare
talent d'animalier
:
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6
P1SANHLL0.
pour
nous
qui
mesurons
son
rle
de
plus
loin,
c'est
comme
crateur
de
la
mdaille
moderne
que
nous le
jugeons
hors
de
pair.
Comme
peintre,
il ;i des
gaux
ou
des
rivaux,
Gentile da
Fabriano
ou
Masaccio,
des
titres diffrents.
Mais
comme
mdailleur,
il
n'est
pas
seulement
l'inventeur
d'un
art
appel
une
longue
fortune, il
en
reste
le matre
ingal.
Orla
mdaille,
telle
qu'il la
conut, fut plus
qu'une
heureuse
nouveaut
:
ce fut
encore l'art
o
se reconnut le
mieux
l'esprit
de
la
Renaissance,
dont
l'essence
est l'indi-
vidualisme,
un
individualisme
souvent violent,
parfois
outrancier
:
la
mdaille de
Pisanello
portrait
d'une
indi-
vidualisation
rigoureuse,
comment
par
une allgorie
devait
donc
sduire
extrmement
une socit,
curieuse
de
renouvellement,
o
tout
commenait
concourir
l'exal-
tation de
l'individu,
la
glorification
du hros.
Entre
l'idalisme
instinctif du
moyen
ge
et
l'idalisme
raisonn'
du \\T
sicle.
l'Italie
traversa au
temps de Pisa-
nello une
crise
de
ralisme,
o
se
fixa
l'art du
portrait
;
car
si
l'on
trouve
des
portraits
de
donateurs
dans
des
manus-
crits du x ni sicle ou
dans
des
vitraux du
\i\'.
dans la sta-
tuaire
funraire
et
jusque
dans
les
fresques
de
Giollo.
il
n
y
a
d'art du
portrait
que
le jour
o
le
peintre
y
veut
mettre
une
vrit
psychologique
particulire
et
volontairement
observe
:
ce
fut
l le parti
pris
trs
net
de
Pisanello.
et
la
mdaille
telle
qu'il
la
renouvela
en
dut
paratre
la
formule
la
plus
concise en
mme
temps
que
la
plus
acheve, L in-
dividualisme
du
XV
e
sicle
s'y
mira
avec
complaisance.
.Mais.
quelle
fui,
dans
celte
invention,
la
part
de l'intuition
el
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PISANELLO.
7
quelle fui
celle
de
la
volont
claire
cl
consciente,
en quoi
Pisanello
obit-il
obscurment
au
got
de
son
temps,
el
en
quoi le prcda-t-il
ou
le prpara-t-il,
nous
ne
le
mesure-
rons
jamais avec
certitude.
Notons cependant
combien la
mdaille de
Pisanello est
chose
nouvelle
:
en
effet,
dpouille
de tout
caractre
montaire,
coule
dans un
moule, faite
gnralement
de
bronze
ou
de
plomb,
ne
valant
que
par
son
mrite
artis-
tique, elle diffre
de
toutes
les
mdailles
qui
l'ont
prcde.
Elle
n'est
pas
directement
imite
de
la mdaille
antique,
(jui
est
toujours
une
monnaie
.
les Italiens
du
moyen
ge
recherchaient
et
vnraient
cependant
la
mdaille
antique
;
les fameuses
augustales
de
Frdric
II, au
revers desquelles
se
raidit
un
aigle
menaant,
sont
copies
des
monnaies
d'or de
l'Empire
romain;
dans
les mdailles
o
Franois II
de
Carrara.
tyran de
Padoue,
lit
frapper
en 1390
son
effigie et
celle
de
son
pre
et
que
l'on
considre
comme
les
plus
anciennes
mdailles
italiennes
l
I
),
l'imitation
des
grands
bronzes
de
Galba,
de
Vitellius
ou
de
Vespasien
se
combine
avec
celle
des
monnaies
de
Padoue
du
\iv'
sicle;
on
trouve
encore
des
copies
presque
textuelles
de
mdailles
antiques
dans
les
pices
graves
Venise
en 1393
et
1417
par
les
(Il
Cf.
Guiffrey,
Revue
numismatique,
1891,
p.
17
:
J.
von Schlosser,
Jahrbuch
der
kunsthistorischen
Sammlungen,
Wien,
1S97,
p.
75;
C.
von
Fabriczv,
Medaillen
der italienischen
Renaissance,
p.
7;
E.
Babelon,
Reue
de
Vart
ancien
et
moderne,
1905,
p.
101,
et
dans
l'Histoire
de Vart publie
sous
la
direction
d
.M.
Andr
Michel,
t.
III.
2
partie.
On
trouvera
chez
ces
diffrents
auteurs
l'tude
approfondie
de
ces
trs
curieuses
mdailles.
Dans son
beau
livre
sur
Pisanello,
cit
plus bas, M.
G.
F.
Hill
a
rsum
toutes les
questions
relatives
l'origine
de
la
mdaille
moderne.
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8
PISANELLO.
Sesto
(
I i.
famille
d'artistes
montaires.
Quanl aux
deux
clbres
mdailles de
Constantin
el
d'Hraclius
(2),
que
possdait
le
duc
de
Berry,
el
que
l'on attribue
gnrale-
ment
l'arl italien, ce
son des
pices
d'orfvrerie tra-
vailles au repouss
el soudes,
d'un caractre toul
l'ail
gothique,
H
d'un
style
manir
(]iii
contraste
avec
la beaut
large
el
noble
des
mdailles
de
Pisanello. Enfin
le
style
des
monnaies
du
moyen
ge
el
de
la
premire
partie
du
w'
sicle, stylepuremenl
dcoratif,
souvent monotone,
par-
fois
d'une
grce
dlicieusement
lgante, n'a
rien
de
com-
mun
ni
avec
la
monnaie
antique,
ni
avec
la
mdaille
de
la
Renaissance.
Bref,
lorsque,
vers
1438-
&39,
Pisanello
mo-
dle el coule
sa
premire
mdaille, il
fonde
un
art
nouveau
dont
nous
ne
saurions
trouver
avant
lui
l'quivalent.
Par
quel concours
de
circonstances
et
d'ides
ce
grand
artiste en vint-il
imaginer
et
raliser
celte
forme
abrge
du
portrait,
comment
ce
peintre
fut-il
amen
concevoir
(lj
-On a
mis
plus d'une fois
l'hypothse
que
le
graveur des
mdailles
des Carrara
|
rrail tre un
membre
de
cetle
famille des Sesto.
(2)
Guiffrey,
Revue
numismatique,
1890,
p.
87;
Fabriczy,
op.
laud.,
H
Babelon,
loc.
cit.
Les
Inventaires
de
Jean
lu-
de
Berry
dcrivenl
dj
ces
deux curieuses pices qui sonl parvenues
jusqu' nous,
el
permetteni
do
1rs
dater
de
la
lin
du
\iv
sicle.
Pol
de
Limbourg
s'en
est
inspir
tex-
tuellement dans
1rs
Trs Riches
Heures du
duc
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12
PISANELLO.
sur
lui
marie
Bartolomeo di
Andra
dlia
Levata,
fils
d'un
riche
notaire
de
Vrone.
Son
surnom
de
Pisanello,
qui veul
dire
Le
petil
Pisan
. lui
vint
donc
le son ori-
gine
toscane.
Mais,
autant
que par
sa
mre,
il
apparte-
nait
Vrone
par
son
ducation
et
par sa
vie
:
de
cette
ville
puissante,
dont
les
murs
rouges,
le
pont
fortifi
cl
la
citadelle
dominent
la valle
de
l'Adige
et
la
route
de
l'Europe
centrale,
les
Scaliger
avaient
fait,
surtoul
depuis
Can
Grande,
une
cil*''
prospre,
accueillante
aux
rudits et
aux
artistes;
malgr
la
chute
d'Antonio
dlia Scala,
en
HX7,
et
l'asservissement
de
la
ville
Jean
Galas
Visconti,
celait pour
Pisanello
un berceau
un
peu
farouche et
pour-
tant
magnifique.
Vrone
d'ailleurs
possdait
la
fin
du
\i\'
sicle
une
cole
de
peinture
d'une
vitalit
sin-
gulire
:
le
voisinage
de
Padoue
el
de
Venise
avail
contribu
la
former;
les
divins
chefs-d'uvre de
Giotto
la
Madonna
dell'
Arna de
Padoue,
demeuraient
le
plus
attirant
modle
de
ces
artistes,
dont
les
meilleurs
sont
Guariento,
Altichiero
et
Avanzo
:
c'est
videmment
sous
leur
influence
que
le
gnie
d'Antonio
Pisano
s'veilla.
Sans
doute
aussi
la
route
des
montagnes
avait
port
dans
Vrone
l'influence
des vieux
matres du
Nord;
peut-tre
est-ce
eux
en
mme
temps
qu'aux
miniaturistes
du
\i\
sicle
(I),
que
Pisanello prit
ce
got,
si
vif
chez
lui.
des
dtails
familiers
et
minutieux,
animaux,
fleurs et
feuil-
ih A
propos
des
affinits
que
l'on peul
dcouvrir
entre
certaines
com-
positions de
Pisanello el les
uvres de Pol de
Limbourg
et
de
son
cole,
v.
l\
Durrieu,
Les
Trs
Riches
Heures du
duede
Berry
el
les
Heures
de
Turin.
-
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Clich
Istiluio
Italiai
Pisanello.
Portrait
de
Lionel
d'Est.
(Bergame,
Acadmie
Carrara.
Collection
Morelli.)
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PISANELLO.
l-j
lages
qui
animent
et
gayent
ses
tableaux.
En
tout
cas
l'exemple
d'Altichiero,
tel
que
nous le
jugeons
d'aprs
ses
fresques de
Vrone et
-
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Iii
PISANELLO.
de
Gentile
da
Fabriano,
el
peut-tre
de
loul
l'arl ombrien,
est
le
mlange
du
charme
intime
H
du
luxe
pittoresque,
la
double
influence
de
Gentile
el de
Venise
ne
pouvail
qu'ac-
centuer
chez
le
jeune
Vronais
l'amour de
l'lgance, de la
couleur
somptueuse
el de
la
grce.
Nous retrouvons
bien
toutes
ces
qualits dans
I
Annon-
ciation
que
Pisanello
peignit,
entre
I
i20
et
i
\'-\\
sans
doute,
au
dessus
du
tombeau
les
Brenzoni,
dans
I
glise
San
Fermo
Maggiore
de
Vrone,
el
o,
malgr
les
injures
du
temps,
nous meuvent
encorela
suavit
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PISANELLO.
19
ge
de
quatre
ans.
une
maison
de
la
rue
San
Paolo.
Vrone,
maison
qu'il
possdait
encore
en
144b.
Peignit-il
avant
1438
(date
laquelle
il
dut s'exiler
pour
quatre
ans
au
moins
de
sa
patrie) l'admirable fresque
de
la
chapelle
Pellegrini, Sainte-Anastasie
de
Vrone
?
ou
bien
l'ut-ce
la
grande
uvre
de
la
lin
de
sa
carrire,
et ne
doit-on
pas
la
placer
en 1446 ?
11
est
difficile de
le
dcider
: en
tout
cas,
quoique
ce
grand ensemble
soit
depuis
longtemps
mutil,
ce
qui en
survit
suffit
nous
donner une ide du
gnie de
Pisanello comme peintre,
et
demeure
son
chef-d'uvre
;
ces
fresques
comprenaient
l'histoire
de
saint
Georges et
un
Saint
Eustache
: il
ne
subsiste que le
Saint Georges
mon-
tant
cheval,
cot de
la
Princesse
de
la
lgende
et au
milieu
de
soldats
aux
physionomies
et
aux
costumes
bizarres,
qui le
peintre a
donn
dessein ces mines
exotiques.
La
composition n'a pas ce
noble
quilibre et cette
logique
dont Masaccio
avait dj
fait
preuve
au
Carmin
de
Flo-
rence
;
Pisanello
se
laisse trop sduire par
le
pittoresque
o
il
excelle
;
mais
la
tenue des morceaux,
les prouesses
de
perspective,
la
perfection
des
chevaux
et
des autres
animaux
qui
occupent la
plus grande
partie
de
la
scne,
la
richesse
du
dcor
et
des
costumes,
la
beaut
dlicate
du
Saint
Georg'es et de
la
Princesse, le
model dj
souple
des
visages s'ajoutent
aux
dtails
curieusement
observs
pour
constituer
un
chef-d'uvre
tout
fait nouveau
cette
poque,
et
aussi original
de
conception
que
d'excution.
Jamais
on
n'avait
vu
autant de
fermet
de
mtier
se
mler
autant de
savoureuse
et piquante
observation
ni
une
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20
PISANELLO.
telle
somptuosit* de
dcor.
En mme
temps,,
les
visages
taient
peints
avec
une
dlicatesse
pntrante
et
forte
qui
donne
la
sensation
de
la
beaut
H
de
la vrit
la
lois.
et
qui
annonce un merveilleux portraitiste. Ce
Vronais
ioinl
une
fantaisie,
qui
prlude
de
loin
celle
de
Vro-
nse. une
prcision raliste
el
une
intime
posie qui
caractrisent
plus
encore son
gnie
propre.
Le
temps
a
trop
fltri
ce
chef-d'uvre
pour que nous
en
jugions
la
couleur.
.Mais,
depuis
qu'on a
rendu
Pisanello
le charmant
Saint Eustche
de
la
.National
Gallery
(o
du
reste
tous
ces
animaux
sems
plaisir
dans
une
forl
tontine
quivalent
une
signature),
nous
comprenons
que
les
Ions
vifs,
chauds
el
dors
de
ses
peintures
aient
tant
sduit
ses
contemporains.
On
retrouve
ce coloris
d'une
qualit
vrai-,
ment
vnitienne
dans
un
portrait
de
Lionel
d'Est
lgu par
Morelli l'Acadmie
Carrara de Bergame.
et
il
faut
le
restituer
en
pense
celle
petite
Madone
arec
saint
Georges
et
saint
Antoine,
de
la
National
Gallery,
o
le
lier dessin
du
Saint
Georges est
digne
du matre,
mais
dont
tout
le
panneau
a
t
compltement
repeint
dans
une
tona-
lit
froide
qui le
dnature
compltement.
LteSaint
Eustche,
plein
de
ressouvenirs
des
miniatures
franaises, est
sans aucun doute de
beaucoup antrieur
la
fresque
le
Sinle-Anastasie.
el
les
deux
autres
tableaux
cits
sont
probablement
postrieurs
1440.
D'ailleurs
le
temps
;i
si
peu
mnag
la
peinture
de
Pisanello, qu'il
nous
suffit
de
mentionner
encore
le
curieux
portrait
de
Ginevra
d
Este,
au
Louvre,
pour
clore
la liste
de ses
fresques
et
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Clich
Giraudon.
Pisanello.
tude
de
costumes.
Dessin
;i
la
plume
rehauss
l'aquarelle.
(Chantilly,
Muse
Gond.)
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PISANELLO.
2.'J
tableaux
connus.
Ce petit
portrait
autour duquel Pisanello
s'est
plu
peindre
minutieusement
une
toutie
d'illets
el
d'ancolies
o se
posent
d'admirables
papillons,
et
o
il
semble
bien
qu'il faille
reconnatre
la malheureuse
femme
de
Sigismond
Pandolphe
Malatesta,
vaut
parla franchise
d'un
ralisme
qui.
malgr une
tonnante
lgret
de
pinceau,
n'a
rien
attnu
de
la
blme
et
ehtive
laideur
de
celte
princesse
disgracie.
Peint
dans
la
mme
priode sans
doute
et
avec
le mme
talent
que la
Princesse
de la
fresque
de
Sainte-
Anastasie et
que cette
dame en
grand
costume
d'un dessin
clbre
du
Muse
de
Chantilly,
ce
portrait
nous
permet
de
mesurer
l'impitoyable
vracit' du
matre,
comme
les
silhouettes des
deux
autres
nous
racontent
son idal
de
beaut
hautaine,
dlicate
et
somptueusement
pare.
Pisanello
possdait
la
plnitude
de
son
gnie,
lorsqu'il
vit
en
1438,
Ferrare.
o
venait
de
s'ouvrir
le
fameux
concile
destin
rconcilier
l'glise
romaine et
l'glise
grecque,
l'empereur
d'Orient,
Jean
VII
Palologue.
Chass
de Ferrare
par la
peste,
le
concile
se
transporta
Florence,
o
Jean
VII
sjourna
jusqu'au
26
aot
1439. Est-ce
Fer-
rare, est-ce
Florence
que
Pisano
excuta
et
signa
la
mdaille
de cet
empereur
au
lin
visage et
qui.
sans
ses
boucles
soigneusement
frises
et
ce
bizarre
chapeau
la
grecque
dont
s'amusait
encore
Paul
Jove,
nous
semblerait
si
moderne?
Ce
serait
Florence,
selon
Paul
Jove
;
en tout
cas,
tout
concourt
prouver
que
c'est
l
la
premire
mdaille
de
Pisanello.
nous
devrions
presque
dire
:
la
premire
mdaille:
car ce
large
mdaillon
de
bronze
coul.
-
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24/129
24
PISANELLO.
avec
ce
portrail
en
buste,
et, au
revers,
ce
sujet
trait en
bas-relief:
l'empereur
cheval,
dans un paysage
rocheux,
adorant
la
croix,
diffre
autanl
des
monnaies antiques
que
des
mdailles
d'apparence
montaire
ou
des
mdail-
lons
travaills
au
repouss
que
des
orfvres
du
xi\
'
et
du
xv
e
sicle
avaient
conus
avant Pisanello.
Cet
art
si
original
tait
la
cration
d'un
peintre
(l'isa-
nello
ne
manque
pas
de
nous
en
avertir
dans
sa
double
signature
en
latin
et
en
grec),
et
c'est
pour
cela
sans
doute
que
cette
uvre
nous
sduit
tout
de suite
par
une
saveur
si
particulire
: en
effet,
outre
le
got
si
pur
dont
tmoi-
gnent
l'aspect
extrieur
de
la mdaille,
la
lettre
des
lgen-
des,
la
composition
du
petit
tableau
qu'elle
constitue, nous
en
aimons
ds
le
premier
regard
le
model
trs
dlicat,
de
peu de
relief,
o
les
plans
si
nettement
tablis
se fondent
pourtant
si
doucement
et si
naturellement
les uns
dans
les
autres,
et
o
l'artiste
a
mis
tant
de franchise
directe
et
stricte
sans
l'ombre
le
violence
:
et,
du
reste, au
revers,
ce
qui
nous
frappe
dans
le
paysage,
dans
l'tonnant
raccourci
du
cavalier
plac derrire
l'empereur,
et
dans
ce
dessin
raliste
des
gros
chevaux
de
combat,
o
s'affirme avec
complaisance
le
talent
d'animalier
du
matre, c'en
est
encore
le
caractre
franchement pictural.
En
cela
Pisanello
innovait,
mais il
ne
manquait
pourtant
pas de
modles,
dont
aucun
n'tait antique,
et
dont
le
prin-
cipal
tait
tout
fait
contemporain
:
parmi
les
plus
anciens
je
citerai
seulement
les
admirables
mdaillons
du
Cam-
panile
de
Sainte-Marie-des-Fleurs,
dus
la
collaboration
-
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\?v
\
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PISANELLO.
27
de
GioKo
et
d'Andra
Pisano;
quant
au
plus
rcent,
qui
naissait,
Florence,
au
moment
o
Pisanello
crait
la
premire
mdaille
moderne,
c'taient
ces
Portos
du
Paradis
auxquelles
Lorenzo
Ghiberti
travailla
depuis
I
2:\
et
donllafonte
commena
en
1440.
Si
la
mdaille
de
Jean
Vil
Palologue
fut
fondue
Florence
en
1439, comme
l'affirme
Paul
Jove,
Pisanello
subissait
certainement
alors
l'influence
directe
des
bas-reliefs
que
Ghiberti
(peintre
comme
lui,
au
dbut
de
sa vie)
achevait
dans
un
style
qui
se
rapproche
si
curieusement
du caractre
de
la
peinture.
Toutefois,
mme
lorsqu'il
imite
la
faon
dont
Ghiberti
pose,
approfondit
et
dgrade
les
plans
dans
le
bas-relief.
Pisanello
demeure
intimement
original
: rien
de plus
diffrent
que
la
manire
de
sentir
de
ces
deux
matres,
quoiqu'on
doive
quelquefois
les
louer
par les
mmes
mots.
Du
reste,
ils
ne
se
sont
rencontrs
qu'un
moment
:
pendant
que
le
Florentin
achve
lentement
son
uvre,
au
cur
de
sa
patrie,
le
Vronais
errant
va
de
Ferrare
Milan,
de
Milan
Ferrare.
de
Ferrare
Mantoue.
La
mdaille
du
Palolog-ue a
tellement
sduit
les
petites
cours
glorieuses
et raffines
de
ces
cits
que
leurs
princes,
tous
protecteurs
de
Pisanello,
veulent
obtenir
de
lui
leur
effigie.
On
ne
saurait
dater
avec
prcision
les
mdailles
qui
suivirent
celle
de
Jean
VII.
Toutefois,
en
1441,
le
matre
passe
Milan,
et
c'est
alors
sans
doute
qu'il
modela les
mdailles
de
Filippo
Maria
Visconti,
de
Francesco
Sforza
et
du
Piccinino.
Filippo
Maria
Visconti.
dont
l'histoire
nous
dcril
la
-
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28
PISANELLO.
laideur
el
la
perfidie, n'a
pas
permis
d'autre
qu'
Pisanello de
tracer
son
portrait
:
sur
sa
mdaille,
son
profil
renfrogn
nVsl
indiqu
que
par de
larges
touches,
el
son
grand
bonnet,
adroitemenl
chiffonn,
ail ire
assez
noire
attention
pour
la
distraire
de
situ
triste
visage
:
l'artiste
ne
pouvait
mler
plus
de
tact
plus
de
sincrit.
Au
revers, trois
cavaliers
cuirasss
el
arms,
la
visire
baisse,
voluent
dans
un
pre
paysage
I
horizon
duquel
pointent
quelques
difices
de
Milan
:
c'esl
l'art
mme
du
revers
du
mdaillon
de
Jean
VII,
mais
avec
plus
de
recherche
encore
de
la
virtuosit;
sur
le
casque
de
I un
des
cavaliers
(Filippo
Maria, videmment),
la
guivre
des
Visconli
se convuls
avec
colre;
un
autre
cavalier
s'loigne
tranquillement,
et
son
cheval
est
figur
dans
une
perspec-
tive
tonnamment
observe
:
il
y
a mme
quelque
excs
en cet emploi
des
procds
de
la
peinture,
cai-
la mdaille
appelle
une
composition
plus sobre
et
plus
simple.
Pisa-
nello le
comprit :
au
revers
le
sa
mdaille
de
Francesco
Sforza,
o
le
portrait
du
condottiere
nous
frappe
par
sa
nettet
simple,
dlicate
et
rigoureusement
vridique,
il
s'est
content
de
nu
nie 1er
au-dessus
d'une
peet
de trois
livres
un
buste
de
cheval
d'une
prcision
forte et
vive,
lequel
doit
tre lui
aussi un
portrait^
son
talent
d'animalier s'esl
complu
et
o
le
grand
capitaine
reconnut
la
Lte
d'une
monture
favorite.
La
belle
mdaille
du
Piccinino
rappelle
beaucoup
celle
du
Sforza,
et
vaut
par
les
mmes
qualits.
Au
revers,
une
magnifique
bte
hraldique,
nui
lient
du
griffon
et de
la
louve,
el
qui
est le symbole
de
-
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i
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PISANELLO.
M
Prouse.;
allaite
deux
enfants
nus, qui
sont
nomms
dans
l'inscription
:
Braccio
et
Piccinino,
le
matre
et
l'lve,
les
deux
grands
condottires
de Prouse,
au
\V'
sicle
;
1
imagination
de
l'artiste
a conu avec
joie
et
cr
avec
une
vigueur superbe
ce
beau
monstre
frmissant,
qui
ressemble
la
fois
la louve
romaine,
au
lion de Saint-Mare
et
l'aigle
de Ferrare.
La
sobrit
de
ces
deux
derniers
revers
contraste
avec
la
complication
de
ceux
des
deux premires
mdailles
de
Pisanello
:
maintenant il
saura
trouver
le
juste milieu,
et
concilier son
got
l'une
composition
vivante,
traite
comme
un
tableau dans une nette
et heureuse
perspective,
avec
la
simplicit
et
l'quilibre
ncessaires
la
mdaille.
C'est
en
effet
cette
claire
et
logique
perfection
qui
nous
frappe
dans
les clbres mdailles des Malatesta et
dans
la
mdaille de
mariage
de
Lionel
d'Est. Celle-ci est
date de
H44 et
les autres
appartiennent
la
mme
priode
(1443-1447).
De
Lionel d'Est,
nous
connaissons
plusieurs
mdailles
signes
par
Pisanello
avec des
diffrences
qui
ne
sont
que
des
nuances
d'expression,
selon
que
le
prince y
est montr plus
belliqueusement
ou
plus
pacifiquement
chevaleresque;
toutes
mettent
sous
nos yeux le
mme
profil,
intelligent
et
brutal,
imprieux
et
passionn, avec
cette
coiffure
bizarre, en
forme de
bonnet
rejet
en
arrire,
qui ne
voile rien
de cette
laideur osseuse
et
terrible.
La
plus
expressive de
ces
pices
celle
o
le
buste
est
de
profil
droite
dpasse
mme
en intensit
le
noble portrait
de
Lionel,
peint
par
le
matre
en
des
tons
-
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32
PISANELLO.
brillants
el
mtalliques,
H
conserv
aujourd
Imi
dans
la
galerie
Morelli
(Bergame).
Outre
de
nouvelles
recherches
d'lgance
dcorative
dans
la
lettre
des
lgendes,
ces
mdailles
nous
montrent,
dans
leurs
diffrents
revers,
des
allgories
curieuses
par leur
subtilit,
forl
en
harmonie
du
reste
avec
l'espril
du
temps et de la
cour
de
Ferrare
:
une
tte d'enfant trois
visages,
obscur symbole
de la
prudence
:
deux
hommes
nus
qui
s'arrtent
l'un
en
face
de
l'autre,
portanl
sur
la
tte
de grandes mannesjonches
de
rameaux
d'olivier,
el
c'est
l
probablement
une allusion
la
paix;
un
jeune
homme cl
un
vieillard,
nus
encore,
assis dans
un
paysage
rocheux, prs d'une
colonne
laquelle
pend
une voile
que
gonfle
inutilement l'orage,
el
il
faut y-voir,
je
crois,
une
allgorie
de
la
scurit
que
donne
ses
peuples le
solide
gouvernement
du
marquis de
Ferrare;
un
lynx
aux
veux
bands accroupi
sur
un
coussin,
el
ce
lynx doit
tre l'emblme
de
la
clairvoyance
et de
la
dis-
simulation
politiques;
un
homme
nu
couche sur
un
rocher,
prs d'un vase
auquel
pendent
des
ancres,
ce
qui
constitue,
peut-tre,
une
allusion
la
confiance
des
sujets
de
Lionel
en
leur matre,
allusion
eu
tout
cas
tnbreuse.
Les
nus.
dans
ces
divers
sujets, sont
traits avec une
prcision nerveuse
el sche,
trs curieuse
el
tout
fait
particulire
Pisanello
:
seuls
Mantegna
el
les peintres de
Ferrare
en
garderont le
souvenir.
Cette prcision
volontaire,
dont
lematre
ne
se
dpartit
jamais,
mais
qui,
selon
son inspiration,
le conduit
soit
la
svrit, soit
l'extrme
dlicatesse,
mais
jamais
la
-
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-
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PISANELLO.
35
rudesse
violente,
il
l'adoucit
un
peu dans
le
revers de
la
mdaille
qui
commmore
le
mariage
de
Lionel
d'Est
avec-
Marie
d'Aragon
(1448);
l'allgorie
mme
devient
plus
claire
: dans un
paysage
encore
pierreux,
o
chante
pourtant une colombe,
un
lion
(Lionel)
se
laisse
barrer
le
chemin
par
l'Amour. Cet art reste
robuste
;
le
portrait
de
l'avers est d'une concision
rigoureuse; le
revers,
d'une
vrit
sans
mollesse,
o
Pisanello
a
affirm
une
fois
de
plus
son talent d'animalier
:
mais
l'ensemble vaut surtout
par une
distinction absolument
pure.
Cette
distinction,
cette
noblesse
parent davantage encore
les
trois
splendides mdailles
des
Malatesta
: deux d'entre
elles
glorifient
le fameux
Sigismond Pandolphe, celui qui
mit
sang
la
Romagne
et
la
Marche
et
le
Golfe,
btit
un
temple,
fit
l'amour
et
le
chanta
.
Le
profil
anguleux
et
m-
ditatif
de
Sigismond ressemble
quoique
moins
brutal
celui
de
Lionel
:
plus
concentr
sur l'une des
pices,
d'une
gravit
plus
sereine
sur
l'autre,
il garde
dans
toutes
les
deux
cette
nettet presque
dure
o
il entre de la
gran-
deur.
En
de
tels portraits,
si
calmes
et
si
simples,
pourtant,
le ralisme
pntre
jusqu' l'me.
Les
revers
sont
rudes et
superbes :
ici, nous
voyons
le
Malatesta
cuirass
de
la
tte
aux
pieds,
le
visage
cach
par son
heaume,
debout
entre les
emblmes
d'Isotta,
joints
aux
siens
;
l,
toujours
cuirass,
chevauchant
un
lourd
cheval
capara-
onn
dans
un
pre
paysage
fortifi,
il
lve
d'un
geste
brusque
et
raide
son
bton de
condottiere
:
n'taient
ces
primevres symboliques
rpandues
autour
de
ce
guerrier
-
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36/129
36
PISANELLO.
d'allure
farouche,
tout
ici
nous
parlerait
de
violence;
pourtant
le
souvenir
d'Isotta
ajoute
cette
violence
une
grce
secrte,
et
aussi l'art
de
Pisanello,
dont
la composi-
tion et
le
dessin
si vigoureux
et
si
nets
sont
adoucis
par une
touche qui
reste
presque mystrieusement
dlicate.
Ds
son
enfance. Pisanello
avait
vu,
dans les
statues
questres
des
Scaliger,
que
les
sculpteurs
de
Campione
ont
riges
sur
les
cimes
de
leurs
tombeaux,
des
modles
pour
ces
types
farouches
de
guerriers bards
de 1er
chevauchant
de
rudes
montures
:
niais
la
dlicatesse
qu'il
v
a
ajoute,
sans amollir
pourtant
ses modles,
venail
bien
de
son
propre
gnie et
c'est
celle mme qui survit
en
ses
peintures
mutiles
et dans
ces
dessins,
o
sons
sa main la
vrit
la
plus
rigoureuse
se
lait
toujours
caressante.
Dans
la
mdaille
de
Malalesta .Novello. la
dlicatesse
l'emporte
sur
la
grce,
(le
frre
de
Sigismond
lui
ressem-
blait,
mais
avec
plus
de
distinction
et
de
mesure
:
son
portrait,
moins
aigu
que
celui
de
Sigismond,
vaut
surtout
par
un
charme
simple
et une
pure
lgance.
Le
revers,
l'un
des
plus
caractristiques
de
tout
l'uvre
du
matre,
est
tout
un
tableau,
mais d'une
composition
admirablement
quilibre
:
dans
un de
ces
paysages
montagneux
qu'ai-
mail
Pisanello.
se dresse
un
crucili.x.
O
pend
l'image
du
Christ,
douloureuse
et
remue
de
piti
:
.Malalesta
Novello,
arm
de
pied
en
cap.
s'est
arrt
en la vovant
:
il
a
attach
son
cheval
un
arbre,
et
s'est
jet'
an
pied
du
crucili.x qu'il
treint
avec
une
dvotion
ardente
:
la
perspective
du pay-
sage
est
indique
de
la
faon
la
plus
sobre
et
la
plus
lieu-
-
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PISANELLO.
37
reuse
;
le
raccourci
du
cheval,
qui
regarde
le
fond
du
tableau,
est
une
merveille
de
virtuosit
: et.
pourtant,
au
premier
regard, ce
ne
sont
(tas
ces
perfections
de facture
qui
frappent,
car il
y
a
un tel
sentiment
dans
le
geste par lequel
le
condottiere
agenouill, le visage
cach
sous
son
casque,
embrasse les pieds
sanglants
du
Christ,
qu'il
absorbe seul
toute 1
attention.
C'est
ainsi que Pisano a clbr
le
vu
qu'avait
fait
ce
Malatesta,
serr
de
prs
par
Francesco
Sforza la
bataille
de Montolmo
(1444),
de
ddier
un
hpital
la
sainte
Croix.
Une telle
mdaille
accorde
l'orgueil humain
et la
ferveur
religieuse
qui en
ce
quattrocento brillant
et
ml
divisaient
les
hommes et
parfois
luttaient
dans
la
mme
me. Deux
autres
mdailles, certainement
contemporaines
l'une de
l'autre,
et dont
l'une est
date
de
1417,
opposent
encore
ces
deux
sentiments
:
celle de Louis
de
Gonzague,
second
marquis
de
Mantoue.
et celle de
sa
sur,
la pieuse
Ccile
qui alla
mourir
dans
un
clotre,
la
fleur
de
l'ge.
On
pourrait
joindre
d'ailleurs
celle
de
Louis,
celle
de
son
pre,
Gian
Francesco
:
toutefois cette
mdaille,
probable-
ment
posthume, a
moins
d'accent
que
celle
de
Louis,
el
le
revers en
rappelle,
sans
les
dpasser,
ceux o
le
matre
s'est
plu
figurer des
cavaliers en
marche.
Au
revers
du
beau
portrait,
tonnamment
concis,
de
Louis
de
Gonzague,
le
seul
sujet
c'est
encore
ce
prince
en
armure
et
coiff
d'un
casque
ferm,
norme
panache,
qui,
arrtant
le pesant
cheval
qu'il
monte, se
dresse
sur
ses
triers et
scrute
l'horizon
:
mais la
beaut
fire
et pr-
-
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38
PISANELLO.
cise
du
dessin,
le
charme
et
la
vrit
du
model atteignent
ici
la
perfection
mmo,
et
doux
emblmes,
un
soleil
et
une
marguerite,
ajouts
par
l'artiste
dans
le
champ
gayent
heureusemenl
ce
tableau
svre
et superbe.
L'exquise
mdaille
de
Ccile
do
Gronzague,
qui exalte
uno
vierge
dvote
et
non
plus un
princo
ambitieux,
contraste
avec
celle
de
son
frre, sans
nous
toucher
moins.
Cette
princesse,
aime
des humanistes
et
qui
prfra Dieu
un
Montefeltre,
nous apparat
pourtant
ici chtive et
sans
beaut :
tout,
son charme
rside
dans sa gracilit
el
dans
l'ternelle
songerie de
son
regard
demi
clos.
Mais,
au
revers
de
ce portrait
d'un
model
si
doucement
caress,
le
mdailleur a
trac
une
allgorie
d'une posie
infiniment
tondre
:
sous
le
croissant
de
la
lune.
Ccile
de
Gonzague,
demi
nue comme
une ombre
lysenne,
est assise
dans
un
paysage
rocailleux et
dsol,
et
elle
retient, soumise et
couche
ses pieds, une
nigmatique
licorne,
dont le
corps
est
celui d'une
chvre et
non
d'un
cheval.
C'est
une
variante
de
l'image
traditionnelle
de la
jeune
lille
la licorne.
la licorne, disait-on, ne trouve
d'asile
que
contre
le
sein
d'une
vierge,
el
c'est
une
allgorie
de
la
puret.
Le
paysage
et
l'animal
fabuleux
sont
ici
d'un
virtuose,
mais
la
vierge
rveuse
et
pacifie,
son
geste
tranquille et
souverain,
et
toute
l'indfinissable
grce
rpandue
dans
l'ensemble de
cette composition
et
l'inimi-
table
souplesse
de
ce model
nous ravissent
mieux
encore,
tel
point
qu'on
se demande,
en
face
de
celte
image
qui
n'occupe
qu'un
troit
espace,
si, dans tout
l'art
de
cette
-
7/29/2019 Pisanello et les mdailleurs italiens : tude critique / par Jean de Foville
39/129
PISANELLO.
39
grande
priode qui
a
vu
natre
tant
de chefs-d'uvre,
rien
nous
sache
plus
confusment
et
plus
profondment
troubler.
De
la mme
anne
que
ce chef-d'uvre
(1447),
est
date
la
charmante
mdaille
de
Belloto
Cumario,
gentilhomme
padouan
dont
cette
effigie, gracieuse, pure et vivante,
est
le
meilleur titre
de
gloire. La
mdaille du
fameux Vittorino
de
Feltre,
mort
en
1446,
et
o
revit
ce
noble
et
fin
profil
mditatif, est-elle
posthume?
La
lgende
ne
le
dit
pas;
le
tvpe
du
revers, ce
plican qui
nourrit
sa
couve
de son
sang,
fait-il
allusion
la fin de
ce
matre,
dvou
ses
disciples
et
aim
d'eux? Je
n'ose
l'affirmer.
En
tout
cas
l'uvre
ne
saurait
avoir t
cre longtemps
avant la
mort
de
Vittorino.
C'est
en
1448
que
Pisanello
grava
la
mdaille
de Pier
Candido
Decembrio.
mais
les
exemplaires
que
nous
en
connaissons
nous
montrent
une
uvre si
peu digne
de
l'artiste
que
nous
doutons
de
leur
authenticit.
On
a
de
mme rvoqu
souvent
en
doute
l'attribution
Pisanello
d'une
curieuse
mdaille o
est
grav,
avec
esprit,
son
propre
portrait
:
le
profil
souriant,
le
bonnet
si
adroitement
chiffonn
qui
coiffe
la
tte,
la
faon
dont
est
indiqu
le
buste
sont,
dignes
du
matre.
Pourtant
il
a
fait
mieux
que
ce
spirituel
portrait,
qui
pourrait
avoir t
excut
par un
de
ses
lves
d'aprs
un
dessin ou
une
maquette
de
lui.
En
1448,
la
gloire
de
Pisanello
remplissait
l'Italie.
De
Mantoue
il
avait
gagn
Ferrare.
DeFerrare,
il
gagna
Naples,
et
un
magnifique
dessin
de lui
(recueil
Vallardi),
dat
de
I 4
48,
nous
montre
le
projet
d'une
mdaille
d'Alphonse
V
-
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40/129
40
PISANELLO.
d'Aragon.
Des
trois
mdailles
o
il
a
grav-
le
buste
le
ce
roi,
la
seule
date
l'est
-
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/
-z
*%.
>
-
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-
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PISANELLO.
43
nue
Rome-
l'automne
de
1455.
Travaillait-il
encore?
Nous
n'en
savons
rien.
Outre
1rs
mdailles
que
j'ai
cites,
certains
auteurs lui
en
attribuent
d'autres,
les
unes
per-
dues, les autres
non
signes
:
en
ralit,
ces
attributions
restent
fort
douteuses,
et
ce n'est
pas
le
lieu
de
les discuter.
Au
reste,
son
uvre, tel
que
nous
l'avons dcrit, suffit
sa gloire.
Les dessins,
que
le recueil
Vallardi nous
a
conservs, soulignent
davantage
encore
la
noblesse,
la
virtuosit
et l'extrme dlicatesse
de
touche
qui
ne lui
manqurent
jamais,
mais
quoi s'ajoutent dans
toutes
ses
mdailles cette
fermet
concise et
ce
souci d'une
vrit
pn-
trante, puissamment
observe
et
individualise,
qui font
de
lui
un
matre
si robuste.
Par
cet accord
d'un
ralisme
solide
et
d'une
grce
intelligente
et
raffine,
Pisanello
est
unique.
Il l'est aussi, dans son temps, par cet amour
du
pit-
toresque
dont tmoignent
ses peintures
:
il
aimait
l'trange
et
le nouveau.
C'est
ce got qui
le
poussa
fonder
cet
art
de la
mdaille,
o.
malgr
lui,
peut-tre,
survit
si
peu
le
souvenir
de
la mdaille antique :
il
vit
avant
de
mourir
cet
ait
nouveau
fleurir
dans
toute
l'Italie.
Mais
nul
n'gala
la
matrise
ni
la
sduisante
complexit du
prcur-
seur
:
il
se
connut
des
imitateurs,
et
non pas
des
rivaux.
Aussi, plus
on
analyse ses
mdailles, plus on prouve
de
peine
le
rattacher
aucun
prdcesseur. Si.
comme
je
l'ai dit, il
s'est
inspir, dans ses
revers,
du
paysage
en
bas-
relief
tel
que
l'entendait
Gbiberti,
il
n'a
pris
ce
matre
qu'une ide, et
non
pas
son
style.
Mais,
vrai
dire, il
ne
demanda
point de
modles aux sculpteurs
:
il
n'en demanda
-
7/29/2019 Pisanello et les mdailleurs italiens : tude critique / par Jean de Foville
44/129
44
PTSANELLO.
qu'aux
peintres.
Dans
les fresques
des vieux
matres
de
Vrone
apparaissent
des
visages
aux
profils
prcis
et
purs,
et
de
grandes
silhouettes
d'hommes
en
armures qui s'appa-
rentent
aux fires
crations
de
Pisanello.
Des
dessins
de
Jacopo
Bellini
rappellent
quoique
d'assez
loin
des
dessins de
Pisanello.
sans
qu'on
puisse
drider
Lequel
des
deux
a imit
l'autre.
Si
Vasari
lui donne
tort
Andra
del
Castagno
pour
matre,
Pisanello
a
pourtant
connu
les
chevaliers
bards
de
fer
peints
par
ee
fresquiste
brutal.
D'ailleurs,
au
moment
o
il
cre
la mdaille
italienne,
la
Renaissance
fleurit
partoul
el
toute
l'Italie
s'prend
d'un
ralisme
raffin
:
toutes
les
influences
s'entre-croisent,
mais
Pisanello a
plus
donn
que
reu.
De
sa
fresque
de
Sun
FermoMaggiore
ses
mdailles
des
Gonzagueou
d'Alphonse
d'Aragon,
nous
mesurons
le
chemin
parcouru
:
le
mani-
risme
charmant
et familier
du
moyen
ge
son
dclin
sur-
vit
encore
en
celte fresque
pieuse:
dans
les
dernires
mdailles
du
matre
au
contraire,
l'individualisme
ambi-
tieux
de
la
Renaissance,
son
ralisme
pntrant et
dtaill,
sa
posie
complexe
et
son
humanisme
mme
ont
laiss'
des
traces
profondes;
c'est
l
la
raison du
succs
prodigieux
des
mdailles
de Pisanello
:
elles
rsumaient
sous
une
forme
infiniment
concise
tout
l'esprit
de
ce
temps.
Et c'est
bien ce
qui
m'empche
de
croire
que
Pisanello
n'ait
pas
eu
pleine
conscience de son
rle.
Il
a trop volu
lui-mme
pour
n'avoir
suivi
que
son
instinct.
Les
allgories
de
ses
mdailles
sont
empruntes
souvent
aux
livres
du
temps.
Les
cours
o
il
vcut
taient
des
foyers
de
l'huma-
-
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PREMIERS
IMITATEURS
DK
P1SANELL0.
17
nisme.
Les
princes
qui
le
protgrent
nous
paraissent
aujourd'hui les
figures
les
plus
complexes
de
l'histoire.
Un
artiste
qui
a travers
un tel
milieu
et
y
a jou un tel
rle dut
tre,
n'en
pas douter,
non
seulement
un
esprit
cultiv,
mais
encore
un
gnie
volontaire
plein
de
clart,
d'ides
nouvelles
et
de lucide posie
II
Premiers
imitateurs
de
Pisanello.
Matteo
de'
Pasti.
Les
premires
mdailles
de
Pisanello
suscitrent
de
toutes
parts
des imitations
: elles
crrent
une
mode.
La
mdaille de Lionel
d'Est,
au revers
de
laquelle
Pisanello
avait figur le lynx
aux
yeux bands,
emblme
de
ce
prince, fut copie
(1)
la fois
par un artiste
sec
et
brutal
qui signe
Nieholaus
(Niecl
Baroncelli)
et par
le dlicat
orfvre de Milan, Amadeo,
qui donna
sa
mdaille
l'aspect
d'un sceau :
cela,
rien d'tonnant,
car
il
y
avait
une
ressemblance
vidente
entre
les grands
sceaux
princiers
de
l'poque
et
la mdaille fondue,
et
les
orfvres,
dont
la
gravure
sigllaire tait une des
spcialits,
devaient
tendre
ncessairement
rapprocher
davantage
encore
ces
deux
arts.
Toutefois,
leur conception
dcorative
de
la mdaille
en
diminuait la signification. Il fallait
des artistes d'esprit
plus
large
pour
continuer l'art
de
Pisanello
: aussi
le
premier,
par le talent, de
ses
successeurs
immdiats
est
(1)
Cf.
Gruyer,
L'Art
ferrarais, t. I,
p.
S92,
sur
ces
pices et
leur
date.
-
7/29/2019 Pisanello et les mdailleurs italiens : tude critique / par Jean de Foville
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48
PREMIERS
IMITATEURS
DK PISANKLLO.
un
artiste
aux
dons
multiples,
la
fois
peintre,
sculpteur,
architecte
et
ingnieur
militaire,
.Malte
de'
l'asti,
le
Vrone,
le
surintendant
des
beaux-arts
le
Sigismond
Malatesta,
Kiinini,
o
il
acheva
l'uvre
de
Lon
Battisla
Alberti.
La vie et
la
carrire
de
Matte de'
Pasti
nous
sont
mal
connues.
Compatriote
de Pisanello el
n
proba-
blemenl
entre lill)
et
1420,
il
vcut ds
l'enfance dans
le
rayonnement
de
ce
matre. En
1441
il
excutail
Venise
des miniatures
pour
le
compte
de
Pierre
de
Mdicis
Mis
de Gosme
l'ancien.
En
1441.
Sigismond
Malatesta
le
l'ail
venir
de
Vrone
Rimini
:
plus
de
la moiti
de
ses
mdailles
sonl
dates de
1446,
c'est--dire de
l'poque
o
Pisanello vienl
de
graver
celles
de
Lionel
d'Est
el des
Malatesta.
Du
reste,
connue
mdailleur,
Malien
imite
dlibrment
Pisanello,
mais
sans
atteindre
jamais
au
mme
accent,
ni
la
mme
grce
:
ses
mdailles
sonl des
uvres plus
improvises,
quoique
un
peu
lourdes,
el
o
pourtant
il
v
a
de
la
vrit el de
la
vie, en
mme
temps
qu'une gravit
qui va
quelquefois
jusqu'
la
noblesse.
Les
deux
premires
mdailles
de
Matteo
de' Pasti,
ant-
rieures
sa
venue
a
Rimini,
sont
celles
de
son
frre
Benedetto
el
celle
du
grand
Guarino de
Vrone,
toutes
deux
d'un
ralisme
un
peu
pesant
mais consciencieux
:
le
visage de Guarino
respire
la
bonhomie, la
srnit,
L'intel-
ligence
:
son
grand
fronl
dcouvert,
son
regard
fixe et
tranquille semblent
briller,
el
l'on
croirait
que
ses
lvres
serres
vont s'ouvrir
pour
parler
:
enfin
le
buste est
simple-
ment
el
habilement
plac-
dans le
cercle
de
la
mdaille.
-
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PREMIERS IMITATEURS
DE
P1SANELL0.
ol
avec
plus
de
bonheur notamment
que
dans
la
mdaille
de
Timoteo
Maffei
de
Vrone.
Mais
c'est
Rimini.
o
il demeura
de
1446
1483
(sauf
un
sjour
Candie
suivi
d'un
sjour
Venise,
de
1460
1464),
que
Matteo
conquit
ses
meilleurs
titres
de
gloire.
11 dut
y
tre
appel d'abord comme
mdailleur,
puisque
ses portraits
de
Sigismond
et
d'Isotta
sont
dats
de
1446
(deux
petites
pices seules
portent
les
millsimes de
1447
et
1450);
sa
mdaille
sobre,
nette et
distingue
de Lon
Battista
Alberti
fut
videmment
excute
la
mme
poque.
Pendant
le
reste
de
sa
carrire,
il
dlaissa
la
mdaille
pour
L'architecture
et
la sculpture
(f
1491
Vrone).
Les
neuf revers diffrents
des
bustes
de
Sigismond
et
d'Isotta
nous
intressent plus
par
les
documents
qu'ils
nous
fournissent qu'ils ne nous
sduisent par
leur
beaut
:
c'est
par eux que
nous
connaissons
l'aspect
du
chteau de
Rimini
et
la
faade
du
temple
malatestien
tel
que
le proje-
tait
Lon
Battista
Alberti.
Toutefois la
desse
deux
fois
rpte qui
soutient une
colonne brise, l'cu
o
le
chiffre
de
Sigismond
enlace
celui
d'Isotta
et
que
surmonte
un
casque
magnifique,
ou
encore le
clbre lphant qui
foule
des
primevres
nous
plaisent par une
grce
dcorative
heureuse et
simple,
en
mme
temps
que
par leur sens
all-
gorique
assez
compliqu,
trs
significatif
du
temps
de
Sigismond.
Mais
le
buste
trs
noble
et
trs
net
de
ce
prince,
et
surtout
celui
de
sa
matresse
mritent
mieux
notre
admi-
ration.
D'ailleurs l'nigmalique
et
souriante
Isotta
rpand
un
charme dont
on
ne
se
dfend
point,
quoique
sous
le
-
7/29/2019 Pisanello et les mdailleurs italiens : tude critique / par Jean de Foville
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52
PREMIERS
IMITATEURS
DE
PISANELLO.
voile,
qui
du
sommet
de sa haute
coiffure
retombe
sur
ses
paules,
son
profil,
trs
accus
et
trs
nu.
nous
agre
par
tout autre chose
que par
une
beaut
rgulire
:
presque
laide,
sans doute,
mais
dlicate,
trs
affine,
l'il petit
et
le
regard
pntrant,
la
bouche
mince
serre
parun
sourire
tranquille
et
presque
ironique,
elle possde,
cache
dans
sa
grce ambigu,
une
force
vidente,
tel
point
que
ce
port
i'ail
nous
aide mieux
comprendre
le
mystrieux
attrait
de
celle
chtive
amie
des
Muses
qui
retint
en
sa
puissance
le
plus
imprieux
des
Malatest
;
c'est
le
plus
bel
loge
qu'on
puisse
faire
du
talent
de
Matteo
de'
Pasti.
Ds
qu'elles
se
rpandirent
en
Italie, de
telles
uvres
crrent
une
mode
:
vers
1450-1453
trois
mdailleurs
nouveaux
huilent
Pisanello
et
Matteo
:
Paul
de
Raguse,
Pierre
de
Fano el
.Marescotli.
Du
premier,
nous
possdons
un fin
el
vivant
portrait d'Alphonse d'Aragon,
el
un
autre
du
duc
d'Urbin,
Frdric
de
Montefeltre,
dont
le
revers serait
particulirement intressant,
si
ces
deux
petites
mdailles datent
bien
de
l451,commeon
l'a
presque
prouv,
parce
qu'il
est
videmment imit
du
style
des
mdaillons
romains
de
l'poque impriale. Pietro
du
Fano,
non moins
obscur
que
Paolo
da
Ragusa,
a sign
une
mdaille
de Louis
de
Gonzague,
portrait
sobre
el
sans
doute
fidle,
au
revers
duquel
une
bizarre
allgorie
est
grave
dans un
style
pais.
Antonio
Marescotti
est un
Ferrarais
:
il
subit,
Ferrare
sans doute,
l'influence
de
Pisanello.
Le
style
nerveux
des
mdailles
de Lionel
d'Est
se
traduit
dans
les uvres de
Marescotti
en
un
manirisme
-
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MDAILLEURS
TOSCANS
DU
XV
e
SICLE.
oo
pre
et
anguleux;
la
recherche
de
l'accent
le
mne
des
outrances
dplaisantes
: le
dessin
d'un
Cosimo
Tura
sem-
blerait
gracieux
ct
de
celui
de
Marescotti
;
d'ailleurs,
s'il
a
imit
non
sans
bonheur
le
style
de
Pisanello
dans
ses
portraits
d'Antonio
et
de
Galeazzo
Marescotti,
ou
de
Borso
d'Est
(1),
il
a,
par
got
personnel,
recherch
des
modles
asctiques
comme
saint
Bernardin
de
Sienne,
ou
Giovanni
Tavelli,
vque
de
Ferrare,
dont
il
exalte
le
brlant
mysticisme
1
1446),
ou ce
fra
Paolo
Veneziano
qu'il
nous
montre
mditant
devant
une
tte
de
mort
(1462).
Ces
premiers
mdailleurs
ne
fondent
pas
encore
de
vritables
coles.
Mais que
quelques
annes
seulement
se
passent, et
la
mdaille
se
rpandra
assez
dans
toute
l'Italie
pour
que de
nombreux
sculpteurs
ou
orfvres
s'essaient
cel
art
concis
et
parlant
: si
bien
qu'aux
environs
de
1460
ces
mdailleurs
italiens
se
rpartissent
dj
en
groupes
dfinis,
qu'il
faut
maintenant
tudier
un
un.
111
Mdailleurs
toscans
m
xv
e
sicle.
Malgr
les
curieux
et
mdiocres
essais
de
mdaille
de
Filarte,
Florence
ne
possda
qu'aprs
Ferrare
une
cole
de
mdailleurs.
C'est
Ferrare
que
le
Florentin
Petrocini
grava
(1)
Excut
en
1460.
la
mme
anne
qu'une
autre
intressante
mdaille
du
mme
prince,
signe
par
Jacopo
Lixignolo,
autre
Ferrarais
plus
obscur
encore,
et
dont
nous
ne
connaissons
pas
d'autre
uvre.
-
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56
MD AILLEURS TOSCANS
DIT
XV
e
SICLE.
en
1460
son
lgante mdaille
de
Borso
d'Est
(qui
ressemble
celles
de Mareseotti
et
de
Lixignolo).
Un
mdailleur
d'un
talent original
parat
en Toscane
mi
I
. ).'*>:
mais il
n'est
pas
(ils do
Florence,
et
il
choisit
pour
ses
modles
des
papes
ou
des
princes
napolitains:
Andra
Guazzalotti
de
Prato, cha-
noine
de
cotte
ville
(
1
135-4.495),
est donc
Je
premier
par la
date
des
mdailleurs
toscans.
Dans
les
dix mdailles
qu'on
lui
attribue
avec
certitude,
le
souvenir
de
Pisanello
est
quelquefois
moins
sensible
que
celui
les
mdailles
antiques
:
cet
artiste,
plus
consciencieux
et plus
chercheur
du
reste
que
bien
dou,
a progress
singuliremenl
de
ses
premires
uvres,
sches
et peu
adroites,
ses
dernires,
o
les
portraits
sont
solides
et
vivants,
et les
revers
imits
non
sans
charme
des
mdaillons
romains
et
des
gemmes
antiques.
Son
effigie
de
Sixte
IV.
prcise,
nergique,
par-
lante,
dcorative
aussi,
est
accompagne,
au
revers,
par une
ligure
nue
de
la
Constance,
pose
avec la
grce
un
peu
manire
d'une
Venus
Yiclrix
:
et
su
lis curieuse
mdaille
d'Alphonse de
Calabre
contient
l'avers
un essai de
buste
de
trois
quarts,
d'une
remarquable
vivacit,
et
au
revers
la
reprsentation
moins
heureuse
quoique intressante
d'une
grande
scne
thtrale:
l'entre
triomphale
du
prince
dans
une
ville,
prcd
d'une
troupe de
captifs
turcs.
Le
clbre lve
de
Donatello,
Bertoldo,
;i
sign
une
mdaille
de
Mahomet
II, souvent
cite
plus
encore
pour
la
singularit
du
modle
que
pour
la
beaut de
l'uvre
:
plus
que
le
buste
du sultan,
d'une
prcision
sche,
le
revers,
grav
en
mplat,
attire
l'attention
:
c'est
un char
de triomphe
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MEDAILLEUKS
TOSCANS
DU XV
SIECLE.
5
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60
MDAILLEURS
TOSCANS
DU
XV SICLE.
sont
presque
toujours
composs
avec
une
grce potique,
brutalement
trahie
par
une
excution
lourde,
parfois
vul-
gaire
(et
d'ailleurs
de
ses
lves
anonymes,
ou
groups
sous
les
noms
de
Mdalleur
l'Esprance,
Mdailleur
la
Fortune, Mdailleur
l'Aigle,
nous
devons dire
la
mme
chose)
:
qu'elles
soient
nes
de
son
imagination
comme
celte
Florence assise sous
un
arbre
et
respirant
des
lis
(mdaille
de
Laurent
le
Magnifique),
ou
qu'elles
soient
imites
de
l'antique comme
cette
figure
de
la
Religion que
seul
un
encensoir distingue de
Y
Abondance
si
souvent
grave
sur
les
monnaies
romaines
(mdaille
de
Geraldini), ou
encore
que
les
plis nombreux
de
leur
robe
flottent
capri-
cieusement
ainsi
que
font
les
robes
des
hrones
lgantes
ou
passionnes
deBotticelli
et
de
Filippino
Lippi,
et
comme
on
le voit
dans
ces
figures de
la
Charit
(
mdaille
de Bernardo
Salviati)
ou de l'Esprance
(uvre
du
Mdailleur
l'Esp-
rance),
toutes ces
desses
sont
dessines
en
traits
pais,
et
cependant,
si
maladroites
qu'elles
soient, semblent
tra-
duites
d'un
modle charmant.
Peut-tre
ces
artistes
ont-ils
demand
des
peintres
plus
renomms
qu'eux
les
dessins
de
ces
revers, et
c'est
ce
qui
expliquerait qu'un
mme
mdailleur,
comme
Niccol,
grave
au
revers
de deux de
ses
pices des
compositions
aussi
profondment
dissemblables
que
ce
fougueux
char
de
tri
phe
de la
mdaille d'Alphonse
d'Est
et que
sa
molle
Florence
assise
l'ombre
d'un olivier.
Mais
cette
main
pesante,
lorsqu'elle trace
en
fort
relief
le
portrait
d'un contemporain,
fixe
puissamment
dans le
bronze la
physionomie relle et
la
vivante
vrit.
La
suite
-
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MDAILLEURS
TOSCANS
DU
XV
P
SICLK.
6i
des
effigies
modeles
par Niccol
Fiorentino
porte
tout
entire
la
trace
d'un
bauchoir
sans
finesse
:
traits
larges,
cheveux
gros
comme
des
cordes,
plis
de
vtements
tordus,
tout
y
est
loin
del
touche
large
mais
raffine
de
Pisanello.
Cependant
on n'y
songe
qu'
la
rflexion,
car
ces
visages
vivent;
si
leur
laideur
est
trangement
accentue
comme
celle de
Laurent le
Magnifique,
leur
beaut
survit
en dpit
(1rs
rudesses
du
model,
comme
dans
les
mdailles
d'Al-
phonse
d'Est
ou
de
Giovanna
degli
Albizzi.
En
cela,
les
lves
font
comme
le
matre
:
quoi
de
plus
parlant
que
le
portrait
refouill
de
Filippo
Strozzi
(Mdailleur
l'Aigle)?
quoi
de
plus
simplement
gracieux
et
pur que
celui de
la
pensive
Nonina
Strozzi
1
1
1
(Mdailleur
l'Esprance)?
Sans
doute
l'me
florentine
a laiss
un
peu
d'elle-mme
dans
une
telle
uvre,
mais
son
charme
est
surtout
fait
de
venir.
Toutefois
dans
l'art
florentin
de
son
temps,
le
ralisme
,1,.
Niccol
Fiorentino
retarde
:
celui
de
Ghirlandajo.
qui
a
peint
quelques-uns
des
mmes
modles,
est
autrement
subtil,
et
le
gnie
de
Lonard
qui
triomphe
au
mme
moment
semble
la
contradiction
mme
de
l'art
de
Niccol.
Mais, dj
vieux
lorsqu'il