pierre termier (1859-1930)

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Pierre TERMIER (1859-1930) Voir aussi photo et autres informations sur Pierre Termier. Notice sur la vie et l'oeuvre de Pierre Termier, par Eugène Raguin. Notice lue à la Séance générale annuelle de la Société géologique, le 15 juin 1931. Publiée dans Annales des Mines, 1932, t.I Peu de jours après avoir entrepris, plein de santé et d'entrain, un nouveau voyage au Maroc, arrêté dès le début par la maladie, Pierre Termier refit pour la dernière fois une pénible traversée de la Méditerranée, qu'il avait si souvent parcourue. Il fut soigné à Grenoble au milieu de ses enfants, en ce pays aimé voisin des montagnes familières. Il s'éteignit doucement le 23 octobre 1930. Esprit vaste et lumineux s'il en fût, dont les vues ressemblaient parfois à des anticipations de l'avenir, Pierre Termier a toujours placé à la base de ses travaux l'observation minutieuse et sincère des faits concrets. Il saisissait aisément leur signification, leur portée lointaine ou même leur cachet de mystère. Il pressentait l'inexplicable qui, peut-être, sera résolu demain, ou peut-être ne sera jamais pénétré. Il allait d'instinct à l'essentiel, sur le terrain, dans un texte ou sur une carte. Son audacieuse synthèse de la structure des Alpes, comme aussi diverses autres idées qu'on peut dire créatrices, sont tout à la fois le fruit de cette sûreté d'analyse et de cette puissance d'interprétation. Elles subsisteront, malgré les inévitables retouches qu'apportera le cours des recherches. Il a marqué de son empreinte la Géologie du premier tiers du siècle présent et il a ouvert des voies qui se perpétueront. Dépassant le point de vue de l'interprétation des faits naturels, il ne craignait pas d'élever ses méditations à ce plan supérieur où s'affrontent les grands problèmes du Temps, de la Vie et de la Destinée. Sa pensée y évoluait à l'aise, et servi par un splendide talent, il savait en donner de saisissantes évocations. Son culte passionné du Beau, son aspiration inlassable à la suprême Vérité, qui pour lui n'était autre que Dieu lui-même, transparaissaient alors en ses paroles et les animaient. Un peu de cette flamme passait à l'esprit et au coeur des auditeurs tenus sous le charme de celui qui fut si réellement un Maître. Pierre Termier est né le 3 juillet 1859 à Lyon. Ses parents étaient d'un milieu très simple, travaillant l'un et l'autre, sa mère dans la soierie et son père voyageur de commerce. L'enfant ressentit profondément l'influence de cette famille sérieuse, vouée au culte du devoir, catholique et traditionnelle. Il fît toutes ses études, jusqu'au baccalauréat, au collège des Maristes de Saint- Chamond et reçut une formation littéraire telle qu'on savait la donner à cette époque, et dont toute sa vie demeura imprégnée. Là, il s'enthousiasma aussi pour les mathématiques et se décida à préparer Polytechnique, au grand chagrin de son père qui eût voulu le voir se consacrer au commerce. A l'Ecole Sainte-Geneviève à Paris, il rencontra un professeur de mathématiques éminent, le Père Saussié, dont l'influence fut décisive sur son esprit, car c'est par la beauté de la Science des nombres et des grandeurs que Pierre Termier fut fasciné tout d'abord, conquis et orienté définitivement sur la vocation scientifique. Le séjour à Polytechnique, de 1878 à 1880, fut pour lui "un paradis " où il vécut dans " l'ivresse de deux années d'études purement spéculatives ". http://www.annales.org/archives/x/termier.html 1 of 32 21/05/15 10:12

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Page 1: Pierre Termier (1859-1930)

Pierre TERMIER (1859-1930)Voir aussi photo et autres informations sur Pierre Termier.

Notice sur la vie et l'oeuvre de Pierre Termier, par Eugène Raguin.

Notice lue à la Séance générale annuelle de la Société géologique, le 15 juin 1931. Publiée dansAnnales des Mines, 1932, t.I

Peu de jours après avoir entrepris, plein de santé et d'entrain, un nouveau voyage au Maroc, arrêtédès le début par la maladie, Pierre Termier refit pour la dernière fois une pénible traversée de laMéditerranée, qu'il avait si souvent parcourue. Il fut soigné à Grenoble au milieu de ses enfants, ence pays aimé voisin des montagnes familières. Il s'éteignit doucement le 23 octobre 1930.

Esprit vaste et lumineux s'il en fût, dont les vues ressemblaient parfois à des anticipations del'avenir, Pierre Termier a toujours placé à la base de ses travaux l'observation minutieuse et sincèredes faits concrets. Il saisissait aisément leur signification, leur portée lointaine ou même leurcachet de mystère. Il pressentait l'inexplicable qui, peut-être, sera résolu demain, ou peut-être nesera jamais pénétré. Il allait d'instinct à l'essentiel, sur le terrain, dans un texte ou sur une carte.Son audacieuse synthèse de la structure des Alpes, comme aussi diverses autres idées qu'on peutdire créatrices, sont tout à la fois le fruit de cette sûreté d'analyse et de cette puissanced'interprétation. Elles subsisteront, malgré les inévitables retouches qu'apportera le cours desrecherches.

Il a marqué de son empreinte la Géologie du premier tiers du siècle présent et il a ouvert des voiesqui se perpétueront.

Dépassant le point de vue de l'interprétation des faits naturels, il ne craignait pas d'élever sesméditations à ce plan supérieur où s'affrontent les grands problèmes du Temps, de la Vie et de laDestinée. Sa pensée y évoluait à l'aise, et servi par un splendide talent, il savait en donner desaisissantes évocations. Son culte passionné du Beau, son aspiration inlassable à la suprêmeVérité, qui pour lui n'était autre que Dieu lui-même, transparaissaient alors en ses paroles et lesanimaient. Un peu de cette flamme passait à l'esprit et au coeur des auditeurs tenus sous le charmede celui qui fut si réellement un Maître.

Pierre Termier est né le 3 juillet 1859 à Lyon. Ses parents étaient d'un milieu très simple,travaillant l'un et l'autre, sa mère dans la soierie et son père voyageur de commerce. L'enfantressentit profondément l'influence de cette famille sérieuse, vouée au culte du devoir, catholique ettraditionnelle. Il fît toutes ses études, jusqu'au baccalauréat, au collège des Maristes de Saint-Chamond et reçut une formation littéraire telle qu'on savait la donner à cette époque, et dont toutesa vie demeura imprégnée. Là, il s'enthousiasma aussi pour les mathématiques et se décida àpréparer Polytechnique, au grand chagrin de son père qui eût voulu le voir se consacrer aucommerce. A l'Ecole Sainte-Geneviève à Paris, il rencontra un professeur de mathématiqueséminent, le Père Saussié, dont l'influence fut décisive sur son esprit, car c'est par la beauté de laScience des nombres et des grandeurs que Pierre Termier fut fasciné tout d'abord, conquis etorienté définitivement sur la vocation scientifique. Le séjour à Polytechnique, de 1878 à 1880, futpour lui "un paradis " où il vécut dans " l'ivresse de deux années d'études purement spéculatives ".

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Mais voici que la géologie fait son apparition dans sa vie : " La première fois que j'ai entenduparler de la géologie, c'est en 1879, par près de 3.000 m. d'altitude, au sommet de Belledonne.J'étais alors un polytechnicien en vacances et, pour l'instant, un simple alpiniste ; et j'aurais ditvolontiers que trois choses seulement valent la peine de vivre : les beaux vers, les intégralesélégantes et les rudes escalades. Il y avait avec moi dans cette promenade alpestre quelquesétudiants de Lyon et de Grenoble, et, parmi eux, un bon élève de Charles Lory, qui est mort depuisprématurément, après être devenu professeur à la Faculté de Médecine de Lyon. Didelot - c'étaitson nom - était, dès cette époque, membre de la Société géologique et géologue ardent. Et commeil savait son Lory par coeur, et qu'il parlait volontiers et bien, il nous fit, là-haut, toute uneconférence. Je le verrai toujours, brandissant une dalle de micaschistes où il y avait de grandscristaux de grenat ; et je l'entendrai toujours nous expliquer le métamorphisme, tandis que d'ungeste large de sa main restée libre, il nous montrait la place et nous expliquait l'allure degigantesques failles. Cette conception des Alpes n'était pas très exacte, mais elle était simple etgrande. Du coup je fus séduit et conquis... "

Sorti major de Polytechnique, il entra à l'École des Mines comme élève-ingénieur au Corps desMines.

Il y fut vite désillusionné par un enseignement principalement utilitaire, ainsi qu'il est normal enune Ecole d'application. Mais il lui restait les Sciences de la Terre. " Heureusement je trouvai,dit-il, la Minéralogie, la très bonne et très accueillante Minéralogie, et pour me l'enseigner unhomme infiniment humble et vraiment un peu sublime qui était Mallard . Je trouvai encore uneautre consolatrice, la Géologie ; et elle me fut présentée par un idéologue passionné, un cerveautoujours en ébullition, qui ne ressemblait à Mallard que par sa bonté proverbiale et sondésintéressement absolu : c'était Béguyer de Chancourtois. " Grâce à ces deux professeurs, ilressentit de plus en plus l'attrait passionnant de la science des cristaux et de celle plus mystérieuseencore des transformations de la Terre, et il oublia insensiblement les mathématiques.

Marié depuis quelques mois, il fut nommé ingénieur ordinaire à Nice en 1883. Il passa deux ans ence séjour agréable où le service n'était, paraît-il, pas très chargé. Il en profita pour visiter la Corsequi était dans son administration. Il devait y retourner plus tard, en géologue, et y découvrir lesplus remarquables phénomènes tectoniques parmi tous ceux qu'on observe dans les pays de laMéditerranée occidentale. Pour le moment il n'en était pas question, et même, ainsi qu'il lerappelait à son dernier voyage dans l'île, il dormit à la longue montée en voiture de la route deMorosaglia, là même où 44 ans plus tard il devait constater avec G. Steinmann et un groupe degéologues alpins le fait capital de la présence des radiolarites du Jurassique supérieur dans la sériedes Schistes lustrés.

Très attiré par l'enseignement, il demanda et obtint en 1885 la chaire de Géologie, de Minéralogieet de Physique à l'Ecole des Mines de Saint-Etienne. Il y eut même à inaugurer le premier coursd'électricité industrielle qui ait été professé en une école d'ingénieurs. Mais, étant avant toutgéologue, il se fit dès l'année suivante nommer collaborateur-adjoint au Service de la Cartegéologique de la France, et, à la suite de sa première campagne, il donna déjà, dans une note àl'Académie des Sciences, la succession des éruptions volcaniques de la région du Mézenc. Enoutre des laves tertiaires du Mézenc et du Meygal, les terrains cristallophylliens et granitiques dusubstratum dans l'Est du Massif Central constituèrent un second sujet d'études qu'il poursuivit enmême temps.

A Saint-Étienne, il se lia avec Urbain le Verrier, le fils du célèbre astronome, professeur aussi àl'École des Mines. " Sa passion scientifique dominante était pour la géologie et la pétrographie,

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écrit Pierre Termier ; nous travaillions presque constamment ensemble, dans la même petite salle,sur la même table de bois blanc placée devant l'unique fenêtre, table qui servait de support à nosmicroscopes. Ce que Michel-Lévy avait été pour lui, Le Verrier le devenait pour moi : l'initiateur,l'animateur, le professeur, en un mot le maître. On ne s'arrachait un instant à l'observationmicroscopique que pour regarder à l'oeil nu quelque curieuse roche, ou faire ensemble un tourdans les salles de collections, toutes voisines, ou discuter de omni re scibili". Deux saisons decourses communes à travers les montagnes du Forez, de la Haute-Loire et la chaîne du Pilatcimentèrent cette amitié, et c'est là, par ce premier contact intime prolongé avec le terrain, et en sesdiscussions avec Le Verrier, que Pierre Termier connut vraiment le métier de géologue, et enmême temps apprit à pratiquer " la vraie méthode scientifique, et la critique rigoureuse des autreset de soi-même ", à mesurer " la différence qui existe entre nos hypothèses et nos rares certitudes",sans rien perdre, bien au contraire, de son enthousiasme pour la recherche.

Le premier fascicule du Bulletin du Service de la Carte géologique, publié en 1889, est constituépar son " Etude du Massif cristallin du Mont-Pilat ". L'examen pétrographique détaillé des schistescristallins et des roches massives lui permet, à l'exemple de Michel-Lévy, de définir unestratigraphie du cristallophyllien et de reconstituer une tectonique, d'ailleurs très simple, car lesassises sont souvent peu inclinées ou en plis à grand rayon. Plus tard il reconnaîtra la complexitéréelle qui se cache sous ces apparences, tandis que s'affirmera, d'ailleurs en quelque pays que cesoit, la fragilité de tous les essais de stratigraphie dans les grands massifs de schistes cristallins, enl'absence de passages latéraux à des terrains datés.

Professeur de Minéralogie, et sachant même rendre singulièrement attrayante à ses élèves unescience qui a la réputation d'être assez austère, il aimait manier et décrire les beaux cristaux, et unepart importante de son activité a été consacrée à des études minéralogiques originales. A troisreprises, il fut élu président de la Société française de Minéralogie. Plusieurs découvertes deminéraux nouveaux lui sont dues : la leverriérite, sorte de mica très hydraté, développé in situ enabondance dans certaines assises du terrain houiller, et antérieurement décrit comme un organisme; la zoïzite beta, variété faiblement dispersive de zoïzite, fréquente dans les schistes cristallins dumétamorphisme alpin ; enfin la néotantalite des kaolins du département de l'Allier. Il a donnébeaucoup d'autres notes diverses sur des particularités morphologiques, tantôt simplementcurieuses, tantôt douées de conséquences théoriques d'une certaine importance, et l'on aurait tortd'oublier, en lisant telle ou telle de ces jolies observations, le labeur combien ardu que représentetoute étude cristallographique poussée. Il décrit par exemple un singulier quartz de Grindelwaldriche en formes nouvelles ou rares, qui ont servi de faces-limites temporaires dans unecristallisation en eau saturée de carbonate de calcium, ainsi qu'en témoigne la précipitationpériodique de lamelles de calcite sur le cristal de quartz en formation. Il y met en évidencel'influence des substances étrangères, dissoutes dans l'eau mère d'une cristallisation, sur la formedes cristaux.

Une autre étude curieuse se rapporte aux cristaux de cinabre de Ouen-Shan-Tchiang, Chine, quisont des associations d'individus prismatiques à pouvoir rotatoire différent et dont la symétrie esthexagonale et hémièdre, et non ternaire ainsi qu'il était admis. Diverses déterminations de formescristallines concernent en particulier la bournonite, le zinc et le cadmium métalliques, le protoxydede plomb, la célestine. Enfin, il a étudié les rapports des deux zoïzites et de l'épidote.

Ces recherches minéralogiques constituèrent une base précieuse à ses travaux pétrographiques. Parla rigueur des observations géométriques et physiques qu'elles impliquent, les habitudes deprécision et l'habileté qu'il y a acquises font la qualité de ses innombrables descriptions de roches,et la sûreté des déductions tirées de celles-ci. Presque toutes les roches des Alpes françaises sont

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passées par ses mains, soit recueillies personnellement, soit envoyées par W. Kilian. Bien qu'àdivers degrés d'altération ou de métamorphisme, il les a classées sans incertitude, et a pu en fairesurgir souvent des conclusions importantes, déterminant par exemple celles qui sont apparentéesaux roches voisines et celles qui sont au contraire exotiques.

Le buste de Pierre Termier à MINES ParisTechPhoto R. Mahl

En 1890 il fut chargé par A. Michel-Lévy de l'étude des montagnes de la Vanoise en Savoie, pourle lever de la Carte géologique au 80.000e, sur le conseil de Marcel Bertrand qui avait vu parhasard dans un journal le récit d'un accident de montagne de Pierre Termier et s'était dit : voilàl'homme qu'il nous faut ! A ce moment une grande activité géologique régnait dans nos Alpes, oùl'on s'efforçait de sortir de la période des premières ébauches, d'obtenir par une explorationminutieuse une stratigraphie précise, et d'éprouver dans les zones orogéniques alpines les

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ressources nouvelles de la théorie des grands plis couchés, étayée sur une analyse structurale pluslarge, plus riche d'expérience, plus soucieuse de la continuité et des variations de chaque accidenttectonique.

Marcel Bertrand s'était attaqué à la région intra-alpine métamorphique où des questionsfondamentales de l'âge des gneiss, des micaschistes et des schistes lustrés des Alpes franco-italiennes étaient à l'ordre du jour. Il fut heureux de voir confier le haut massif de la Vanoise à sonjeune camarade, dont l'amour de l'alpinisme était manifeste, et dont la compétence de pétrographes'affirmait dans le déchiffrage des plaques minces des gneiss et des laves du Forez et du Velay.Dans ces zones métamorphiques intra-alpines, il fut l'initiateur de Pierre Termier à l'observationtectonique et, en de longs entretiens pendant des journées de courses de montagne, le renditfamilier des problèmes de la Chaîne alpine. De là date cette amitié célèbre qui faisait dire plus tardà Pierre Termier que " jamais il ne parlait de la Terre ou du Monde sans penser à cet homme degénie qui fut son Maître, et sans essayer de conformer sa parole à celle de Marcel Bertrand ".

" L'Etude sur la constitution géologique du massif de la Vanoise ", publiée par Pierre Termier en1891, fait époque ; elle montre pour la première fois le passage d'une série sédimentaire à une sérievraiment métamorphique d'une énorme extension, pour des couches aussi jeunes que lePaléozoïque supérieur. Sans doute Reusch avait signalé dès 1882 des fossiles siluriens dans desmicaschistes près de Bergen en Norvège. Mais ici en Vanoise, c'est du jeune métamorphisme alpinqu'il s'agit, les phénomènes sont plus proches de nous, l'évidence des transformations plus nette.Sur le versant ouest de la Vanoise, Zaccagna avait rapporté en 1888 les schistes plus ou moinscristallins de Modane et de Bozel au Permien métamorphique. ". Mais il n'était venu à l'esprit depersonne d'englober dans le Permien ou le Houiller les assises cristallophylliennes siprofondément métamorphiques du haut massif. "

L'existence de véritables gneiss permiens n'avait pas encore été prouvée. La démonstration dePierre Termier, basée sur la superposition stratigraphique de ces terrains à du Houiller à anthraciteencore identifiable et surtout sur une analyse pétrographique des transitions semi-métamorphiquesqui est un modèle de finesse et de précision, a subi avec succès les contradictions, et résisté àl'épreuve du temps. Dès le début, elle a servi à étayer les idées de Marcel Bertrand sur les massifsd'Ambin, du Grand-Paradis, du val Grisanche, et lui a permis d'établir le fait capital de l'âgemésozoïque des Schistes lustrés. En même temps Pierre Termier précisait la stratigraphie à trois ermes du Trias, qui devait se montrer valable d'un bout à l'autre de la Chaîne alpine et il révélait, àl'aide de neuf planches de coupes et d'une carte complète du massif, une complication structuraleinsoupçonnée, avec de puissants et capricieux laminages tectoniques des assises et des torsionsbrutales des faisceaux de plis.

Il consacre l'été de 1892 à l'exploration des Grandes-Rousses et en donne une monographie auService de la Carte géologique. Il en relève les contours géologiques détaillés et étudie un grandnombre de plaques minces de ses roches. Dans le Houiller il découvre d'énormes coulées detrachyte atteignant jusqu'à 1.000 mètres d'épaisseur, assez inattendues dans ce terrain, puisque lesroches analogues du Plateau Central sont plus anciennes. Dans le cristallophyllien il signale despoudingues dont les galets sont empruntés à une plus ancienne série cristallophyllienne qui eut étéinsoupçonnée sans eux. Il montre que le massif résulte de la surélévation axiale d'un faisceau deplis alpins, et non du jeu de grandes failles comme Ch. Lory l'avait enseigné. Les axes des plis ontdes ondulations très accusées correspondant à un véritable système de plis orthogonaux. Leurcoïncidence avec les plis hercyniens est assez grossière, et la règle de la permanence des plisformulée par Marcel Bertrand ne peut être envisagée que d'une manière approximative. Pour avoirpu lever en un seul été, de manière aussi précise, toutes les Grandes-Rousses, comme d'ailleurs la

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Vanoise deux ans auparavant, il fallait être un alpiniste enthousiaste et infatigable. Pierre Termierprenait gîte dans les hauts chalets et menait la vie austère des bergers. C'est ainsi qu'il passaplusieurs semaines au chalet de Sarenne à 2.000 m. en un site splendide d'où il contemplaitlonguement chaque soir la Meije et le troupeau des cimes de l'Oisans dans le charme de l'heuretardive. Ce séjour plus qu'aucun autre lui avait laissé un lumineux souvenir.

Pour lever l'Oisans, il lui fallut quatre saisons, toutefois non complètes. La superficie de ce massifest de plus de 1.000 km2. La difficulté de ses ascensions est classique chez les alpinistes quiconsidèrent cette région comme une école d'escalade comparable au massif du Mont-Blanc. Dèsqu'on quitte les vallées principales il faut grimper très raide ; bien peu d'itinéraires se réduisent ad'agréables promenades, comme c'est le cas ailleurs. Le plus souvent Pierre Termier les parcouraitencordé entre deux guides, et il put jouir de longues journées du spectacle grandiose de lapuissance ici sans égale de l'érosion, qui a creusé des abîmes presque verticaux, ciselé etdéchiqueté la solide protogine. Je crois bien qu'il dut ressentir aussi le conflit pénible du désir demieux voir de son oeil de géologue, et du sentiment de l'impossible, de la limite dont on peuts'approcher plus ou moins et qu'on ne peut pas dépasser.

Il rapporta néanmoins des résultats singulièrement précis. Outre le prolongement des troistectoniques anté-triasiques constatées dans les Grandes-Rousses, il mit en évidence l'existence destructures plissées d'âge alpin, c'est-à-dire post-jurassiques. Des coins calcaires de Trias ou deLias, disposés souvent comme de véritables filons, pénètrent ça et là très profondément lecristallophyllien ou le granite, telle cette lame de Trias de Rif-du-Sap en Valgaudemar, épaisse de25 m. et qu'on peut suivre sur 1.000 m. de hauteur dans l'escarpement. Ces coins se prolongentsouvent par des synclinaux indubitables, où d'ailleurs la multiplicité des plissotements internestémoigne de l'intensité du serrage. De tels accidents étaient jusqu'alors interprétés comme dus àdes failles, notamment le plus accessible d'entre eux, celui de la base du glacier de la Meije face àla Grave, découvert autrefois par Elie de Beaumont, visité en 1881 par la Société géologique deFrance conduite par Ch. Lory, et où Pierre Termier mena plusieurs fois l'Ecole des Mines.

Le système de ces plis est vertical ou légèrement déversé vers l'extérieur de la Chaîne, sauf à leurpartie supérieure où tous, à partir d'une certaine hauteur, paraissent se coucher jusqu'àl'horizontale. L'exemple de la structure du Mont-Joli, mise en évidence l'année d'avant par MarcelBertrand et E. Ritter permet donc à Pierre Termier d'interpréter ces plis comme les racines de pliscouchés à grand cheminement horizontal. Pour lui c'est l'indice du chevauchement de tout le payspar des nappes de charriage plus hautes, venues de l'Est et détruites aujourd'hui par la dénudation.

On avait cru que le massif si rigide n'avait pu céder aux poussées orogéniques et s'était seulementbrisé en quelques énormes fractures, par où il dominait de haut une périphérie effondrée. Maisnon, il a cédé, constate Pierre Termier, il s'est plissé avec violence ; toutefois sa rigidité a contraintles plis à d'étranges adaptations. Des faisceaux de synclinaux continus sur de grandes longueurs(jusqu'à 40 km.) se sont tordus de plus d'un angle droit ou ont été affectés d'un second système deplissement orthogonal. La partie centrale du massif, celle du principal corps de granite qui s'étendde la Meije aux Écrins, a résisté et constitue un amygdaloïde représentant le tiers de la superficietotale et étroitement entouré par les plis.

La monographie que Pierre Termier avait annoncée n'est jamais parue. Il a seulement donnévingt-cinq pages de schéma tectonique en une note à la Société géologique en 1896, et de brèvescommunications aux comptes rendus des collaborateurs du Service de la Carte, ainsi que diversesnotes de pétrographie. En réalité il trouvait la région trop difficile pour pouvoir se prêter à unedescription fouillée. D'ailleurs le Briançonnais l'absorbait déjà, car il avait senti que " la clef de la

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structure des Alpes françaises se trouve certainement dans les montagnes entre Briançon etVallouise ".

En 1894 Pierre Termier fut nommé professeur de minéralogie et pétrographie à l'École des Minesde Paris, en remplacement de Mallard, mort subitement. Il avait été désigné par ce savant commeson successeur en cette chaire, mais l'événement se trouva brusqué et ce n'est pas sans regret qu'ilquitta Saint-Etienne, trop tôt à son sens. L'ambiance laborieuse de cette ville et une activité moinsdispersée que dans la capitale lui convenaient ainsi qu'à sa famille. L'année suivante il étaitnommé Adjoint à la Direction du Service de la Carte géologique et il recevait le prix Saintour del'Institut en récompense de ses mémoires sur le Mont-Pilat, la Vanoise et les Grandes-Rousses.

De cette époque datent une série d'importantes notes lithologiques consacrées aux roches alpines.Il poursuivit d'ailleurs toute sa vie ce genre de travaux, comme un corollaire indispensable de sesétudes de géologie régionale et aussi dans le but plus général de jeter quelques lumières sur lagenèse des magmas et le métamorphisme. On lui doit notamment une étude très précise,poursuivie plusieurs années, des intrusions logées dans le Houiller briançonnais. Il leur a appliquéavec un succès particulier un procédé de restitution des roches altérées, suivant une méthode dontil était l'auteur et dont il fit un usage fréquent. Elle consiste à identifier la nature originelle desminéraux détruits, d'après divers indices et d'après des comparaisons avec des roches analoguesplus fraîches, à déduire de leur évaluation quantitative la composition chimique originelle del'échantillon. L'incertitude qui en résulte est généralement chiffrable, et si elle est inférieure àl'amplitude des variations normales de la composition d'une roche déterminée dans un mêmegisement, le problème de la restitution peut être considéré comme résolu. Il a montré ainsi que cesintrusions du Briançonnais appartiennent à une suite lithologique allant de microdiorites basiquesau microgranite et qu'en classant ces roches, dont il distingue sept types, par teneur croissante ensilice, on les classe en même temps par teneur croissante en potasse et décroissante en oxyde defer, magnésie et chaux.

Par la comparaison des compositions chimiques restituées et actuelles des roches éruptivesbasiques de la région du Pelvoux, il a mis en évidence leur décalcification générale. Dans une notedétaillée à la Société géologique, en 1898, il a traité ainsi des roches très variées : mélaphyresliasiques, diabases et lamprophyres qui semblent la forme profonde de ces mélaphyres,microdiorites briançonnais. Les feldspaths, voisins initialement du labrador par exemple, setransforment en anorthose et albite, sans que l'édifice du cristal soit détruit, et c'est là un fait quin'avait pas encore été signalé. Les autres minéraux calciques s'altèrent suivant leur mode habituel.La cause est l'action des eaux de pluie, qui attaquent les granites et gneiss du Pelvoux et sechargent d'alcalis, mais point de chaux. Rencontrant ensuite par le ruissellement les rochesbasiques, elles leur enlèvent la chaux mais non les alcalis, dont elles paraissent même leur céderparfois une certaine proportion. Aucun minéral ne résiste à l'eau de pluie. Ces immensestransformations métasomatiques correspondent à des équilibres qui varient suivant les époques,car au début le Pelvoux, enveloppé de sa couverture calcaire, était au contraire une source dechaux ; dans l'avenir, quand il aura perdu tous ses alcalis et sera réduit à du quartz, de l'argile et dela chlorite, ses eaux dissoudront à leur tour les silicates alcalins des roches basiques. L'ampleur deces transformations, l'analogie de leurs produits avec les chloritoschistes du métamorphismegénéral sont saisissantes. " Qui fera le départ, dit-il, entre la métasomatose superficielle et lemétamorphisme d'origine profonde, dans l'histoire des terrains cristallophylliens ? "

Le Briançonnais a été le champ d'études de prédilection de Pierre Termier.

Dès 1895, en ses premières courses à l'Est du Pelvoux, il voit le problème que posent les terrains

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cristallins de l'Eychauda et de Serre-Chevalier, avec les poudingues gigantesques de leur base et lacomplexité exceptionnelle de la tectonique. Il donne de ces terrains, en une note à la Sociétégéologique, une description pétrographique précise, à laquelle il n'y a rien aujourd'hui à changer,bien que leur interprétation conforme à ses dernières idées soit maintenant bien différente de cequ'elle était au début. D'après les rapports stratigraphiques avec les terrains voisins, ces formationsénigmatiques appartiendraient au Flysch tertiaire sur lequel elles reposent. Il y aurait là, dit-il, uncas extrême de dynamométamorphisme, allant jusqu'à la production de gneiss porphyroïdes etd'amphibolites à biotite, et explicable par un charriage d'éléments supérieurs aujourdhui enlevéspar l'érosion.

Mais bientôt des découvertes importantes élargissent sa manière de voir. W. Kilian rencontre prèsdu Mont-Genèvre des brèches semblables à celles de l'Eychauda, dans les micaschistes et rochesvertes associés au complexe des Schistes lustrés. Pierre Termier trouve une lame écrasée deRouiller et Trias à la base de la formation de l'Eychauda et Serre-Chevalier, qui est donc séparéedu Flysch sous-jacent par des contacts anormaux. Son âge est remis en question. Elle estcertainement charriée, et non plus seulement d'hypothétiques assises supérieures détruites parl'érosion. Il établit que son substratum comporte une disposition en écailles ramenant deux fois lasérie normale du Mouiller au Flysch au-dessus d'une série semblable.

Les phénomènes d'étirement et laminage y ont une ampleur extraordinaire, bien supérieure à celleconstatée dans le Pelvoux et la Vanoise.

En une note de 1899 à l'Académie des Sciences et un mémoire de la même année à la Sociétégéologique, il donne une synthèse tectonique des Alpes franco-italiennes. Le Briançonnais estformé d'une série de nappes superposées qui se sont avancées de l'Est à l'Ouest sur la zone duFlysch bordant l'Oisans. La plus haute de ces nappes est celle des Schistes lustrés, à laquelleappartiennent les terrains cristallins de l'Eychauda, disposés sur les nappes briançonnaises à lamanière d'une quatrième écaille. L'éventail briançonnais, consistant dans le déversement des plisorientaux vers l'Est et des plis occidentaux vers l'Ouest, s'est produit par des plissementspostérieurs à l'édification du paquet de nappes. " Les Schistes lustrés sont la vraie nappe charriée,celle qui vient de loin et dont la migration se rattache à une cause générale. Les écailles duBriançonnais ne doivent être considérées que comme des lames de charriage, de simples lambeauxarrachés au substratum par le cheminement de la nappe". La théorie du charriage général desSchistes lustrés et du Briançonnais est aussitôt combattue par W. Kilian et E. Haug, invoquant unesolidarité slratigraphique et tectonique entre les diverses zones alpines. Certains plis se prolongentde l'une dans l'autre, et des faciès considérés comme caractéristiques de ces zones s'y mêlent. Poureux la question de charriage n'a lieu d'être posée que dans les montagnes voisines de Briançon etmême là, conclut W. Kilian, " l'hypothèse d'un charriage partiel des Alpes françaises estabsolument gratuite, et semble contredite par un grand nombre de faits incontestables. " Après unediscussion vive et serrée, Pierre Termier se laissa finalement convaincre de l'absence de charriagegénéral. Evoquant sa polémique avec W. Kilian : " les montagnes qui se dressent entre Briançon etVallouise, écrit il, nous les avons parcourues ensemble, admirées ensemble. Nous y avons passédes heures qui resteront parmi les plus belles de notre jeunesse : et je ne saurais dire ce qui pourmoi donnait à ces heures le plus de charme, de l'azur triomphal du ciel briançonnais, de la beautégrave et majestueuse des cimes, ou du plaisir de converser avec un véritable ami. Plus tard nosconversations se sont mêlées d'ardentes controverses sans cesser un seul jour de rester amicales etcharmantes. Et maintenant que sur la question capitale qui nous séparait j'ai reconnu que mon amiavait raison et que j'étais dans l'erreur, maintenant dis-je, je n'ai rien à regretter... La discussion aété pour nous le meilleur des stimulants ; elle nous a fait entrer plus avant dans l'étude du

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problème ; j'y ai, pour mon compte, beaucoup appris, et je crois bien que la science y a, de toutefaçon, beaucoup gagné : et cependant, grâce à Dieu, notre amitié n'y a rien perdu. "

En 1902, il publie au Bulletin de la Société géologique " Quatre coupes à travers les Alpes franco-italiennes ". La solidarité des zones des massifs cristallins, du Flysch, du Briançonnais, et desSchistes lustrés y est admise. " Nulle part, dit-il, sauf dans la Quatrième écaille, les Schistes lustrésn'apparaissent avec la soudaineté qu'il faudrait pour qu'on put légitimement les considérer commecharriés ". Tous les terrains des Alpes françaises entre les latitudes de la Vanoise et de Pierre-Eyrautz sont autochtones à l'exception de cette Quatrième écaille, témoin d'une nappe venue del'Est en retroussant les plis de l'éventail déjà constitué.

L'adhésion est donc complète au point de vue de W. Kilian, hormis ce dernier fait dont lesconséquences demeurent capitales. Car la zone du sommet de l'éventail où repose la Quatrièmeécaille est toujours le siège de formidables étirements, non seulement au substratum de cette unitétectonique, mais toujours, bien que les plis y soient peu accentués et comme indécis. Il faut qu'unemasse pesante, dont cette écaille est un vestige, ait passé sur le Briançonnais, une sorte de traîneauécraseur formé d'un morceau de la moitié des Alpes qui nous manque, aujourd'hui effondrée sousla plaine du Piémont. Par rapport à l'hypothèse de 1899, le niveau de l'effort de refoulement decette masse est remonté, mais sa nécessité demeure. D'autre part, l'examen du détail des laminagestectoniques met en évidence l'inefficacité du dynamométamorphisme à provoquer larecristallisation des terrains, et dès lors Pierre Termier devient l'adversaire décidé dudynamométamorphisme.

Le beau mémoire sur " les montagnes entre Briançon et Vallouise ", tout imprégné de la lumière etdu charme des paysages briançonnais, est conçu sous l'empire des mêmes idées, et donne uneminutieuse description de cette importante région.

Au printemps de 1903, il se voit attribuer par la Société géologique le prix Prestwich, dont il est lepremier lauréat, en témoignage d'admiration pour ses travaux de géologie alpine. Trois ans plustôt, il avait dirigé une excursion du 8e congrès géologique international dans l'Oisans et leBriançonnais. Nous voici en cette année de 1903 qu'il a qualifiée lui-même de décisive, et où il vaétablir par ses découvertes dans le Tyrol la synthèse structurale des Alpes, basée sur " laconstatation de la permanence, tout le long de la Chaîne, d'un seul et même plan bien déterminé destructure, et de certains traits de stratigraphie ".

Si l'on se reporte à l'état des connaissances à cette époque ou les théories nouvelles n'ont guèreencore la sanction d'une expérience patiente et répétée, où l'exploration de vastes districts de laChaîne est à peine ébauchée, où l'on sent des incertitudes et peut-être des conflits latents dans lestravaux parcellaires en cours de beaucoup de savants pétrographes et stratigraphes, ce qui frappedans cette grande page de l'histoire de la géologie, c'est l'audace de Pierre Termier, une audacecalme, consciente de la sûreté de la méthode et de la valeur des arguments.

Sans doute Eduard Suess et Marcel Bertrand avaient enseigné à voir grand en matière deTectonique, à se mettre à l'échelle de la planète. Sans doute les belles études de Heim, de Schardt,de Lugeon, dans les Alpes Suisses, consacraient le triomphe de la théorie des charriages, et cedernier dans une conférence toute récente, faite en 1902 à la Société géologique, étendait enfin à laSuisse entière la structure en nappes superposées. Il fallait cependant une singulière audace pourprétendre apporter d'un coup une solution concrète à la complexité des Alpes orientales.

Pierre Termier était d'ailleurs admirablement préparé pour la découverte de cette solution. On

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aurait tort de voir là une soudaine illumination, déchiffrant brusquement et sans fondements bienpositifs les grandes lignes d'une immense énigme : c'est l'erreur de psychologie de sescontradicteurs qui voulaient déprécier son oeuvre par le mot de " géopoésie ". Toute l'expériencede plus de dix années de patientes recherches alpines, la méditation à longue échéance deshypothèses si débattues relatives aux problèmes essentiels des Alpes avaient doué son esprit d'uneaptitude étonnante pour scruter ces montagnes.

" Le géologue ne doit rien oublier ", disait-il plus tard à ses élèves.

Certes, ce n'était pas en vain qu'il avait appris à lire les faciès des terrains métamorphiques desAlpes, où la fragilité des points de repère stratigraphiques force le géologue à affiner à l'extrêmeson oeil aux critériums minéralogiques. L'habitude du travail cartographique où il faut passerpartout où faire se peut et disséquer les paysages pour acquérir la notion de la géométrie desassises, presque insaisissable parfois en des pays capricieux comme le Briançonnais ; les leçons deMarcel Bertrand sur la continuité, ce fil conducteur essentiel en matière de tectonique; lesdiscussions avec W. Kilian sur les anomalies de " l'éventail " des Alpes occidentales etl'interférence de phases distinctes d'orogénie, tout cela lui avait acquis une véritable maîtrise en cegenre de spéculation et devait lui permettre d'apporter tout à la fois les arguments les plus simpleset les plus puissants, rassemblés dans une géniale conception synthétique.

Si, après la conférence de Lugeon, la tectonique des charriages s'avérait dans les Alpes franco-suisses, quel témoignage viendrait-il du prolongement oriental de la Chaîne : " Démenti formel ouconfirmation éclatante ? J'avoue, écrit Pierre Termier, que depuis ce moment, aucune question nem'a paru présenter, ni un intérêt aussi vif, ni une semblable actualité. C'est pour essayer, non pasde résoudre le problème - j'étais loin de m'attendre à ce que la solution en fut aussi aisée - mais deme faire une opinion personnelle sur la structure des Alpes orientales, que j'ai voulu suivre, aprèsle Congrès géologique international de Vienne, l'excursion que M. le Professeur F. Becke devaitdiriger dans les montagnes du Zillertal. " - Dès le premier jour de l'excursion, il fut frappé deretrouver l'aspect de ses montagnes familières de Haute-Tarentaise, de Haute-Maurienne et duQueyras. L'analogie de la série des terrains allait jusqu'à l'identité pétrographique : c'étaient lesmêmes Schistes lustrés avec leurs Roches vertes, associés au même Trias pennin à trois termes, etconcordants sur des gneiss, micaschistes et amphibolites semblables au Permo-houillermétamorphique de la Vanoise et des massifs piémontais. Elle se traduisait en d'identiques paysageset sauta aux yeux du sagace observateur. Ce lui fut un trait de lumière : dès lors il a " prévu tout cequi viendrait ensuite ".

Des beaux observatoires qu'offrirent ces montagnes du Zillertal à la faveur d'un temps superbedurant cette excursion, de voir peu à peu se préciser l'idée, quelle dut être votre joie, Maître ! Il enperce quelques lueurs dans les notes et le mémoire, très objectifs et volontairement sobres, où vousavez exposé vos conclusions. Mais on en a bien mieux encore le sentiment par l'évocationsplendide que vous avez faite de la " joie de connaître ", cette récompense suprême du savant, endes accents qui portent la marque d'une expérience vécue.

Les massifs des Tauern dans les Alpes orientales sont formés de gneiss passant à du granite, le "Zentralgneiss " des géologues autrichiens, enveloppé d'une épaisse série concordante de schistescristallins, la " Schieferhülle ", faite de micaschistes, amphibolites, calcschistes et roches vertes.Cette série considérée alors comme continue, d'âge paléozoïque, et régulièrement comprise entreles gneiss réputés très anciens et du Trias, est en réalité, déclare Pierre Terrnier, complexe, ainsique E. Suess l'avait soupçonné treize ans avant. Des lames de calcaires, souvent accompagnées deQuartzite et de Marbres phylliteux, situées tantôt à la base de la Schieferhülle, tantôt en

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intercalations, ne sont autres, dit-il, qu'un Trias étiré et lenticulaire jusqu ici méconnu. LaSchieferhülle se décompose, par conséquent, en plusieurs vastes nappes de charriageindépendantes du Zentralgneiss. L'âge de ces schistes métamorphiques est mésozoïque, du moinspour la partie supérieure, étonnamment semblable à la série des Schistes lustrés des Alpesoccidentales.

Autre fait essentiel noté par Pierre Termier : la Schieferhülle, au Nord comme au Sud des Tauern,s'enfonce sous des terrains paléozoïques. Il n'y a pas, comme on l'a cru, de faille longitudinale aubord septentrional, mais une plongée souvent très rapide, et parfois verticale avec intercalationfréquente d'une lame concordante de Trias. Ainsi le pays tout entier des nappes des Tauern sedessine comme une immense fenêtre laissant émerger, sous les vieux gneiss, les nappes profondesavec leurs terrains mésozoïques, ployées en voûte anticlinale.

Ce bord septentrional présente d'ailleurs des coupes étranges. Les géologues y ont bien vu deslambeaux de Trias posés à la fois sur les vieux gneiss du Nord et sur la Schieferhülle, et les ontdécrits comme transgressifs. Cette interprétation n'est pas possible, dit-il : ce Trias a même facièsque le Trias concordant de la Schieferhülle ; il repose parfois en discordance angulaire sur cedernier bien qu'étant de même âge, ou se présente en série renversée, ou porte des lambeaux deterrains plus anciens témoins de nappes de charriage plus hautes. La conséquence en est que ceTrias soi-disant transgressif est en contact anormal avec la Schieferhülle, et appartient à la nappedes phyllades paléozoïques recouvrant la plongée septentrionale des nappes des Tauern. Par lesRadstadter Tauern, il va se souder aux Alpes calcaires du Nord et celles-ci font donc partie dumême complexe tectonique, c'est-à-dire des nappes les plus élevées des Alpes orientales.

Ces observations amènent Pierre Termier à la conception suivante. Dans la fenêtre des Tauern,déchirure longue de 170 km. et large de 30 km., apparaissent au moins deux nappes dont la plusbasse est formée de Zentralgneiss et de Trias et la plus haute de micaschistes permo-houillers, deTrias et de Schistes lustrés. Au-dessus, visible en bordure, vient une nappe très laminée, faitesurtout de Trias. Plus haut, enfin, se placent au moins deux nappes, formées de phylladespaléozoïques avec une couverture de Trias et Lias. A celles-ci se rattachent les Alpes calcaires duNord. " Où sont les racines de ces nappes ? Je réponds sans hésiter : au Sud " écrit-il, car de cecôté des Tauern, on ne voit jusqu'à la ligne du Gail que des plis verticaux incroyablement serrés etmultipliés, ayant le caractère de zones de racines ; au Nord, au contraire, l'allure est onduleuse outabulaire; " le contraste est absolu et le doute n'est pas permis ".

Antérieurement Frech avait montré que la ligne tectonique du Gailtal sépare les deux faciès duMésozoïque sud-alpin et nord-alpin, Haug avait rattaché par l'Ouest le Gailtal au Rhatikon et auxAlpes calcaires du Nord, Rothpletz, puis Lugeon avaient montré que le Rhatikon est une nappe.Tout dernièrement Haug et Lugeon viennent de voir la complexité des Alpes calcaires du Nord etleur structure charriée ; ils ont communiqué à Pierre Termier la substance de leur mémoire encoreinédit.

Les arguments tectoniques s'ajoutent aux arguments stratigraphiques. Conduit à chercher au Suddes Tauern, dans la zone plissée, les racines des nappes austro-alpines supérieures, Pierre Termierne doute pas qu'il faut les placer dans le Gailtal et le Drauzug. Les Alpes calcaires du Nord seprésentent donc à la façon d'un immense lambeau de recouvrement long de 450 km.; " lecheminement de ces nappes à partir de leur origine a atteint et peut-être dépassé 120 km ".

D'importants corollaires de ces résultats s'étendent aux massifs plus occidentaux et plus orientaux.Les Schistes lustrés de la Basse-Engadine qui s'enfoncent de tous côtés sous les gneiss et

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micaschistes des massifs de l'Oetztal et de la Silvretta ne peuvent être autres que ceux des Tauernréapparus dans une fenêtre de 55 km. de longueur et 18 de largeur. Il faut rapporter Oetztal etSilvretta à la même nappe que les phyllades paléozoïques du Nord de la fenêtre des Tauern. Cesbeaux massifs qui culminent à plus de 3.700 et possèdent des glaciers parmi les plus étendus desAlpes, " où l'on peut se promener pendant des jours et des jours, dont les rochers paraissentenracinés bien avant dans l'écorce terrestre ", ils ne sont pas en place non plus, mais ils viennentd'ailleurs.

Une autre propriété essentielle de la Chaîne alpine apparaît en même temps en singulier relief :c'est la zone des Schistes lustrés, la zone axiale des Alpes, où des séries compréhensives "embrassent sous un faciès constant les dépôts d'une longue suite d'âges géologiques " et où s'estdéveloppé le métamorphisme régional alpin. Ces Schistes lustrés qui de Gênes au Rhin sepoursuivent sans discontinuité, ils se poursuivent en réalité bien au delà, cachés sous les nappesaustro-alpines, et nul ne l'aurait soupçonné sans les fenêtres de l'Engadine et des Tauern. De l'autrecôté, c'est jusqu'en Sierra-Nevada qu'il convient de les prolonger en passant par la Corse, car, dansla Sierra-Nevada, Pierre Termier a découvert peu auparavant les indices d'une structure encarapace dans des schistes cristallins à faciès du métamorphisme alpin.

Suess a tracé avec précision au Sud des Tauern et jusqu'à l'extrémité Est de la Chaîne alpine laligne tectonique séparant Alpes et Dinarides. Pierre Termier la prolonge à l'Ouest par laTonalelinie de Salomon jusqu'aux lacs italiens. Jalonnée souvent de failles ou de bandes de rochesbroyées, elle court peu au Sud de la zone des racines les plus méridionales et marque une frontièretrès accusée, non seulement par le contraste des faciès mais par la tectonique.

Quelle hypothèse, d'ailleurs soigneusement distinguée des résultats positifs, peut expliquer cesfaits ? La translation d'ensemble du pays dinarique sur le pays alpin, à la façon d'un traîneauécraseur, masse immense qui est tout le Rückland des Alpes, masse rigide qui n'a fléchi que bienplus tard en des plissements dus à une décompression. " Je ne me lasserai pas de dire, écrit-il, qu'iln'y a pas de pli couché sans un déplacement relatif de la zone superficielle de l'écorce et d'unezone plus profonde..., ou bien il faut donner aux plis des propriétés singulières, et les faire, à lasurface du sol, s'écouler comme des laves. " Le mobilisme des plus nouvelles théories n'est-il pasen germe dans cette dérive de la zone supérieure de l'écorce terrestre sur son substratum?Toutefois, il n'exclut pas l'influence de la gravité dans le phénomène :

" Cette translation a été facilitée, sinon déterminée, par un affaissement préalable de toute larégion alpine : et il est probable que les sommets les plus élevés du pays transporté ne se sonttrouvés à aucun moment du transport beaucoup au-dessus du niveau de la mer... Les nappes, unefois mises en place et enfouies sous les lambeaux dinariques, sont lentement remontées au jour, ense ployant, d'ailleurs, et s'ondulant suivant deux systèmes de rides orthogonales. Et comme lavitesse d'ascension était partout supérieure à la vitesse d'érosion, la région alpine s'est constituée,peu à peu, à l'état de montagnes... ".

Telle est, dans ses grandes lignes, déjà si complète et si fortement construite, l'idée nouvelle sur lastructure d'ensemble de la Chaîne alpine, exposée dans trois notes à l'Académie et dans lemémoire à la Société géologique : " Les nappes des Alpes Orientales et la synthèse des Alpes ", dela fin de 1903.

L'idée lancée fera son chemin ; elle va sans tarder susciter des orages et allumer en même tempsdes enthousiasmes. " Zu mächtig! " Trop puissant, impossible ! avait-on déjà répliqué à PierreTermier, au premier exposé de ses vues, sur le terrain même. C'était la première fois qu'était tentée

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une explication structurale précise d'un si grand ensemble de la planète par une analyse de faitsconcrets directement accessibles. Génératrice aussitôt de multiples conséquences applicables à unepoussière immense de nouvelles observations, elle n'était pas de ces théories qui ne descendentguère du haut domaine un peu arbitraire des vues de l'esprit; elle ne pouvait être indifférente. Ilfallait nécessairement être pour ou contre.

Pierre Termier se rend compte qu'il ne peut laisser aller dès lors les discussions sans fortifierencore sa propre conviction, sans apporter des arguments surabondants s'il est possible.

Il faut revoir les lieux seul et à loisir et préciser des points encore douteux. Il passe donc la plusgrande partie de l'été 1904 dans les montagnes entre le Brenner et la Valteline, pour étudierl'extrémité de la fenêtre des Tauern et les nappes qui la surmontent plus à l'Ouest et qu'il découvredans l'Ortler.

Les années passent. Il serait vain d'évoquer des polémiques dont l'issue constitue la vérification laplus puissante qu'on puisse imaginer.

Pierre Termier a vu dès le début toute la portée de sa découverte : " Ces observations, encore quepeu nombreuses et très simples, ont une importance capitale. Parce qu'elles arrivent à leur heure, etqu'elles sont le couronnement d'une longue série de travaux analytiques, elles sont décisives etchangent grandement toutes nos conceptions sur la structure des Hohe Tauern, de la Zentralzone etde toutes les Alpes Orientales". Sur le chaos de la géologie des Alpes, " le brouillard estentièrement levé ".

L'orage doit s'apaiser devant l'évidence des faits. Quand, en 1912, sur l'initiative de G. Steinmann,lui-même partisan convaincu de la Deckenbau, a lieu dans le Tyrol la réunion annuelle de laGeologische Vereinigung, à laquelle Pierre Termier est invité, l'adhésion est presque unanime auplan structural à grands charriages par dessus les fenêtres des Tauern et de la Basse-Engadine. Cefurent de splendides journées où l'on communiait vraiment dans la joie d'avoir enfin compris lesAlpes ! Eduard Suess vint tout exprès à l'Assemblée générale tenue à Innsbruck, apporterlui-même au cours de cette réunion, malgré ses 81 ans, son témoignage favorable d'un prixinestimable.

En cette heure triomphale, Pierre Termier a certainement regretté que Marcel Bertrand ne fût pluslà. Dans la suite, il lui a fait hommage, comme précurseur et comme inspirateur, de la gloire desgrandes découvertes de cette période : " Dans cette masse de travaux hardis sur les Alpes suisses,sur les Alpes franco-italiennes, sur les Carpathes enfin, qui, de 1902 à 1907, en moins de cinqannées, ont si vivement éclairé et transformé la géologie européenne, la meilleure part revient àMarcel Bertrand. " Plus tard, dans son cours de l'École des Mines : " Un élève de Marcel Bertranda découvert la structure des Tauern ", disait-il sans se nommer.

Si, après 1912, la théorie a semblé marquer un recul, les travaux analytiques généralisés et unecartographie complète sont venus fournir peu après la guerre les confrontations décisives,constituant une sanction qui paraît, cette fois, définitive. On a vu de plus en plus la multiplicité desreplis et subdivisions de nappes, le caprice de la variation en tous sens de chaque élémentstructural, les zones de " mélange tectonique ", les " mylonites de nappes ". Enrichi de milledétails, le tableau de la Chaîne issue de l'écrasement d'une large zone de la planète très diversifiée,avec ses cordillères, ses archipels, ses fosses océaniques, apparaît suggestif, vraimentimpressionnant, et dépasse de loin en puissance évocatrice les visions qu'une imagination en délireaurait pu retracer. Ce n'était pas une exagération de chercher des analogies plastiques à ces

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phénomènes dans les jeux de l'atmosphère, qui échappent presque à toute règle, et qui s'exprimentà nos regards dans le dessin, diversifié à l'infini, des fumées chassées par le vent.

Dans cette complexité, le cadre très simple tracé par Pierre Termier en 1903 subsiste.

Il lui fut très agréable de voir dans ses dernières années l'accord se faire sur cette théorie, et leparchemin qui, aux jours du Centenaire de la Société géologique, lui a apporté le titre de Docteurhonoris causa de l'Université d'Innsbruck, le centre intellectuel de la géologie austro-alpine, lui fitune réelle joie. Peu après sa mort, le directeur de la Geologische Bundesanstalt de Vienne tint àexprimer avec ses condoléances la reconnaissance des géologues alpins, pour l'impulsionfondamentale apportée par lui à la connaissance structurale des Alpes autrichiennes.

En 1906, le prix Wilde lui fut décerné par l'Académie des Sciences à l'occasion de ses travaux surles Alpes orientales.

En 1907, par une note à la Société géologique " Sur la nécessité d'une nouvelle interprétation de laTectonique des Alpes franco-italiennes ", il reprend son hypothèse de 1899 pour laquelle lesdécouvertes de M. Lugeon et de E. Argand concernant le Mont-Rosé et le Grand-Paradis, ainsi quede nouvelles observations faites par W. Kilian et par lui-même en Vanoise, apportent desarguments décisifs.

Les géologues alpins savent que le progrès dans leur ordre de recherches est fait de vicissitudes, etnon point seulement d'approximations successives dans un même sens. Si généralement, engéologie, la tectonique découle de la connaissance de la stratigraphie locale, dans les chaînesalpines la stratigraphie ne peut se perfectionner sans que la tectonique ne soit débrouillée dans unecertaine mesure. Car les contacts tectoniques, presque toujours très semblables en pays de nappesà des contacts stratigraphiques, à cause du réarrangement des assises pressées ou laminées l'unecontre l'autre, faussent l'établissement de l'échelle stratigraphique, d'ailleurs généralement peufossilifère. Ce n'est que peu à peu, par beaucoup d'indices convergents, et les deux disciplinesmarchant de front, que le progrès peut s'accomplir, malgré cette relative incertitude de la méthoderesponsable de bien des tentatives partielles entachées d'erreurs. Singulière école de sincéritédevant les faits et de désintéressement personnel, que la carrière d'un géologue alpin !

Pierre Termier s'appuie sur le fait que Mont-Rosé et Grand-Paradis sont deux bombements d'unemême carapace cachant d'autres nappes enfouies. Pour lui, la même conclusion s'étend à laVanoise où il voit à cette époque une réapparition du Grand-Paradis au delà d'un synclinal. Cetargument n'est plus valable aujourd'hui où l'on sait que la Vanoise appartient à une nappesubordonnée au Grand-Paradis ; mais le suivant a gardé toute sa force : la couverture de terrainssecondaires de la Vanoise est un empilement complexe d'écailles comme le prouvent diverseslames tectoniques, telle l'assise de Malm du Plan-de-Nette, découverte par W. Kilian. Solidaire dela Vanoise, toute la zone houillère briançonnaise appartient au pays de nappes. Passé le Pelvoux,en marchant vers l'intérieur des Alpes, rien n'est autochtone. En même temps, il distingue les plissecondaires, postérieurs à la formation des empilements de nappes et écailles, plis de tracécapricieux et localement très intenses. Ce sont eux surtout qui ont trompé les tectoniciens dans lesprécédents essais d'interprétation en leur faisant méconnaître l'essentiel des structures, et endonnant une solidarité fictive aux diverses zones alpines. L'éventail briançonnais leur appartient etl'argumentation opposée à sa vue si juste de 1899 tombe, puisqu'elle est basée sur ce phénomènetrès accessoire du déclin de l'orogénie. La distinction féconde des plis secondaires lui permet enmême temps de négliger les apparences de poussée générale vers l'Est, par lesquelles W. Kilian esttenté d'envisager en Vanoise des nappes ayant cheminé vers l'Italie. Il sauvegarde ainsi l'unité

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structurale de la Chaîne alpine et montre que la répartition des faciès cadre avec elle.

Mais parallèlement, son premier champ d'activité, le Massif Central, n'a pas cessé de l'intéresser.

En 1906, en collaboration avec Georges Friedel, il signale à l'Académie des Sciences l'existence dephénomènes de charriage antérieurs au Stéphanien dans la région de Saint-Etienne. Le Stéphanienne repose pas sur les micaschistes, mais sur un complexe intercalé de roches diverses plus oumoins déformées et où domine une roche étrange, assimilée d'abord à une arkose en voie degranitisation, et qui n'est autre qu'un granite écrasé réduit souvent par laminage à une bouilliepresque amorphe. Une déformation mécanique aussi intense implique un charriage et ladiscordance de la nappe sur les micaschistes le confirme. Le phénomène se place avant le dépôt duHouiller dont le poudingue de base contient des galets de granite écrasé. Les charriages ont unegrande extension vers le Sud, et vont jusqu'aux Cévennes; les parties hautes des montagnes decette région sont faites d'étages gneissiques affectés d'importants laminages.

L'année suivante, les deux auteurs apportent des précisions nouvelles. Puis Pierre Termierenvisage en 1908 l'extension des nappes jusqu'à l'Ouest de Largentière, jusqu'aux dislocations duMont-Lozère et de l'Aigoual. Les nappes de Saint-Etienne iraient se souder aux nappesantéstéphaniennes du Vigan décrites par Bergerou, et par celles-ci aux nappes de la Montagne-Noire. Ayant tracé les grandes lignes de la question, Pierre Termier, convaincu que l'heure estplutôt maintenant à une étude analytique fouillée, et n'ayant pas le loisir de l'entreprendre, laisserace soin à ses élèves. Beaucoup plus tard seulement, au congrès de Bruxelles en 1922, il donne unemise au point et insiste sur l'ampleur des érosions antéstéphaniennes qui ont réduit les anciennesnappes à des débris, conservés parfois seulement grâce à la protection d'une couverture deStéphanien. Il révèle en même temps la curieuse observation faite avec Georges Friedel d'uncharriage important dans le bassin de Blanzy effectué à l'époque permienne ; il interprètel'énigmatique Sillon houiller du Massif Central comme un fossé africain refermé lors de cetteseconde phase orogénique.

En 1904, Pierre Termier donne une note sur des brèches de friction dans le granite et le calcairecristallin à Moiné-Mendia, près de Hélette, dans le Pays basque. Il apporte ainsi une premièrecontribution personnelle aux problèmes des Pyrénées. Toutefois, il ne les prit jamais pour sujetd'études suivies. Soit dans les Pyrénées occidentales en levant la Feuille de Saint-Jean-Pied-de-Port, soit dans la Cordillère Cantabrique au cours d'expertises pour des mines, il fit, pour ainsidire en passant, des observations tectoniques curieuses qui ne lui parurent explicables que parl'hypothèse de grandes nappes de charriages. Deux communications à l'Académie, datant de 1905,les résument. Les étirements extraordinaires de divers termes de la série stratigraphique empilés enplis couchés horizontaux dans la province de Santander, les anomalies de la base du Crétacébasque et des terrains inférieurs, souvent lenticulaires, en constituent la substance et lui fontconclure que ces deux régions sont pays de nappes. Enfin, en 1911, il donne une note sur latectonique du Pays basque français en collaboration avec M. Léon Bertrand. Celui-ci venait deprolonger, jusqu'au voisinage de la Nive, le système des nappes nord-pyrénéennes établi par luidans les parties orientales de la Chaîne. Pierre Termier, qui avait reconnu la complexité du Paysbasque, " sans avoir pu résoudre le problème tectonique, faute de renseignements sur la structuredes régions plus orientales ", se rallie donc à cette interprétation à cause de l'importance deschevauchements qu'il constate avec Léon Bertrand à la Rhune et au Labourd.

Toutefois on sentait bien dans ces dernières années qu'il estimait la synthèse tectoniquepyrénéenne insuffisamment au point. Il disait volontiers que c'était une chaîne particulièrementdifficile. Il n'y menait pas ses élèves en excursion géologique, comme s'il attendait quelque

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nouveau progrès rendant plus saisissant et plus directement perceptible le schéma structural de cesmontagnes. Et quand il a parlé de " vraies joies scientifiques ", en remerciant les conducteurs de laRéunion Extraordinaire de la Société géologique dans les Pyrénées orientales en 1928, on peutcroire sans peine qu'il les a en effet ressenties très vivement. Bien qu'ayant adhéré comme laplupart des géologues contemporains à la théorie des nappes nord-pyrénéennes, et ayant admisqu'elles pouvaient se prolonger à l'Ouest en se traduisant par les anomalies du Pays basque et de laCordillère Cantabrique, il n'hésita pas, au cours de cette réunion, à abandonner ces idées, et à serallier à la conception de Charles Jacob, à une tectonique dont les nappes du genre des Alpes sontabsentes, mais où néanmoins les puissantes lames anticlinales des plis de fond, plus conformes icià la réalité, dessinent une vision imposante.

L'Afrique du Nord a retenu l'attention de Pierre Termier, en tant qu'élément des chaînesméditerranéennes. Il donne d'abord des études pétrographiques sur les roches intrusives grenues del'époque tertiaire, mais, très vite, le problème tectonique le captive. Il constate que très souvent lesous-sol de la Tunisie et du département de Constantine présente des étirements d'assisesimportants et brusques, en des zone de faible plissement. De tels phénomènes sont bien connus enpays de nappes, et les Alpes briançonnaises en donnent maints exemples. Sinon comment lesexpliquer ? Pendant longtemps toutefois, il ne trouve pas de véritable recouvrement anormal,pouvant fonder l'hypothèse des charriages nord-africains, jusqu'au jour où le Djebel Ouenza luifournit l'exemple tant cherché. Le Trias recouvre là le Crétacé inférieur ployé en dôme et supporteune nouvelle série faite de Crétacé supérieur et d'Eocène, avec parfois du Jurassique à la base. Dèslors il ne doute plus de l'existence de grandes nappes, s'étendant à la Tunisie et à la plus grandepartie de l'Algérie, ainsi qu'il l'expose en ses notes de 1906 et 1908, et il fait confiance aux étudesfutures pour apporter une solution adéquate aux difficultés que lui-même ne considère nullementcomme résolues.

C'est seulement en 1926, après les études patientes et détaillées de M. Solignac et des observationsfaites en commun avec ce géologue, que Pierre Termier possède enfin des éléments d'appréciationsuffisants pour conclure, et qu'il doit renoncer à l'idée des nappes. Il se rallie à la théorie de latectonique spéciale des terrains salifères, soutenue depuis longtemps par les géologues algériensauxquels il rend justice. A cette époque, le diapirisme et les anomalies du Trias sont mieux connusdans la géologie mondiale, et précisément Pierre Termier en a rencontré presque au même momentun exemple saisissant dans le " Problème de Suzette " des montagnes de la Drôme. Il admet doncmaintenant dans l'Afrique du Nord la montée de dômes de sel capables d'étirer les assises et depercer à travers la série sédimentaire en des zones de faible plissement général. Il insiste sur lafréquence de l'extravasion latérale des terrains salifères dans des terrains plus récents, à de grandesdistances et suivant une faible pente, en des pays où l'intensité des poussées orogéniqueshorizontales est pourtant d'ordre modéré. Ces anomalies sont traduites sous sa plume par ce motheureux : " Le Trias peut changer d'étage. " Ce phénomène, moins explicable et plus facilementsource de méprise pour le tectonicien que la simple montée de dômes à noyaux de percement,attirera maintenant l'attention de tous. D'autres observations faites dans le R'Arb marocain l'annéesuivante confirment Pierre Termier dans cette manière de voir, et les fortes pages qu'il a écrites surla question forment la base du corps de doctrine de cette branche spéciale de la tectonique, mise enhonneur dorénavant en France.

Parmi tous les pays de la Méditerranée occidentale, la Corse, l'Ile d'Elbe et la Ligurie ont été de sapart l'objet de recherches approfondies, de 1907 à 1912. C'était le prolongement de l'arc alpin dansles régions effondrées qu'il poursuivait, c'est-à-dire le tracé d'un élément de la ligne directrice laplus importante de la structure actuelle de la Terre.

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Il y a préludé avant 1903 en retrouvant dans la Sierra-Névada la zone axiale des Alpes, et lastructure en carapace. Voyageant avec un ami qui chassait dans la haute région montagneuse, ilemployait ses journées, le plus souvent solitaire, à étudier la géologie bien peu connue de lacontrée. Là où du vieux Paléozoïque granitisé eût été vraisemblable, il observa des schistescristallins analogues au Permo-houiller et au Trias métamorphiques des Alpes franco-italiennes,ployés en une vaste coupole régulière. Quant il connut la structure des Alpes orientales, il n'hésitapas à tirer la conclusion de ces faits, et à annoncer le passage de la zone des séries compréhensivesalpines dans la région méridionale de la péninsule ibérique, et la permanence, en un secteur siéloigné de la Chaîne, de la structure en nappes empilées, où des culminations à grand rayonpermettent la formation de vastes fenêtres tectoniques. Au congrès international de Madrid en1926, le professeur H. A. Brouwer, auteur de recherches détaillées autour de la Sierra-Nevada, arendu hommage à Pierre Termier de cette vue si remarquable, qu'il ne pouvait que confirmer.

J. Deprat avait reconnu dès 1905, par l'observation des granites écrasés, la translation de la Corseorientale sur la Corse hercynienne. En 1907, par l'examen de la minute de la Feuille de Bastialevée par E. Maury, Pierre Termier se rend compte que la Corse orientale est effectivement un paysde nappes. Il y en a même au moins deux : l'une formée de Schistes lustrés posés sur la protoginelaminée, l'autre avec Trias, Rhétien, Eocène posés sur les Schistes lustrés. L'année suivante, d'unvoyage en Corse avec E. Maury, il rapporte un argument décisif en faveur de cette manière de voirpar la découverte d'une lame de granite écrasé à la base de cette seconde nappe, et de brèches defriction où des éléments des deux nappes se mêlent.

L'Ile d'Elbe prend alors à ses yeux une importance capitale, puisque c'est un jalon conservé aumilieu de la mer entre les deux systèmes de grandes nappes corses et apennines. Il visite l'île auprintemps de 1909 et s'aperçoit que les écrasements de ses terrains granitiques y sont tout aussiintenses et évidents que dans la Corse. Il y distingue bientôt trois nappes séparées par des surfacesde laminage caractéristiques, et dont l'intermédiaire est faite de Schistes lustrés. Par l'analogie dela nappe supérieure de la Corse et de celle de l'Ile d'Elbe, et par le raccordement certain de lapremière avec la Corse occidentale granitique, il est conduit à enraciner en Corse, comme l'avaitproposé G. Steinmann, les nappes de l'Apennin. Il y aurait eu une avancée en bloc du massifancien corso-sarde vers l'Est, par-dessus les Dinarides ; et les terrains de la zone des Schisteslustrés interposés auraient été chassés en nappes du second genre, chevauchant les Dinarides deprès de 300 km. dans le sens transversal ; le massif corso-sarde séparerait l'Apennin, chaîne derégime dinarique, à l'Est, et des chaînes occidentales prolongeant les Alpes, avec charriages desens inverse. On verra ci-dessous comment il eut à modifier cette conception, à la suite de sondernier voyage en Corse en 1928.

Plus au Nord subsistait une difficile énigme : que se passe-t-il en Ligurie où le massif corso-sarden'existe plus et où l'Apennin et les Alpes paraissent soudés? Dans une conférence à Fribourg en1911, Pierre Termier disait : " La Ligurie nous apparaît comme une région très singulière... C'est làque doivent affleurer les deux surfaces de charriage, celle qui est au-dessus du paquet de terrainsdinariques enfoncé souterrainement à la façon d'un coin, et celle qui est au-dessous du paquet deterrains dinariques transporté superficiellement à la façon d'un traîneau écraseur; et c'est là, enfin,que les affleurements de ces deux surfaces doivent se réunir. " Il s'attaque à la solution de ceproblème avec Jean Boussac. Les deux géologues constatent d'une part le raccord de la sérieophiolitique crétacée ou tertiaire de l'Apennin à celle des Schistes lustrés par naissance rapide,mais graduelle, du métamorphisme dans la première au Nord-Ouest de Gênes. Ils observent d'autrepart une mylonitisation d'une ampleur remarquable dans le massif cristallin ligure de Savone : " laproportion des mylonites aux roches intactes est ici plus grande qu'en Corse, ou à l'île d'Elbe, ou

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en Laponie suédoise; plus grande même que dans la région de Saint-Etienne. " Enfin, ce massif seplace à la façon d'une sorte de coin compris entre deux surfaces de charriage très manifestes par oùil supporte les Schistes lustrés de l'Apennin et surmonte le Permo-houiller métamorphique desAlpes. On peut difficilement concevoir plus saisissante vérification de la prévision scientifiqued'un phénomène. Pierre Termier et Jean Boussac conclurent que le massif de granites et gneissécrasés du Savonese représente avec infiniment de probabilité " un morceau du pays dinarique,forcé entre Apennin et Alpes et appartenant tout à la fois au traîneau écraseur qui a marché sur lesAlpes et au coin qui a glissé sous l'Apennin. "

Les trois communications de 1911 à l'Académie des Sciences et la note de l'année suivante à laSociété géologique sont de première importance. En dehors de l'étude tectonique, on y trouve unedescription précise des divers types de mylonites de roches cristallines si souvent méconnues àl'époque. Enfin et surtout, un argument difficilement contestable en faveur de l'âge crétacé ettertiaire de la partie haute du complexe des Schistes lustrés, que Pierre Termier avait déclarédepuis longtemps être une série compréhensive allant du Trias à l'Eocène.

Pourtant ces belles recherches portent la marque de l'inachevé, et sont peut-être les seules ainsi detoute l'oeuvre de Pierre Termier. Il n'a pu les reprendre malgré son désir, quelques années ontmanqué. D'autres tectoniciens ont proposé d'autres solutions qui semblent moins vraisemblables,et quelque chose d'étrange demeure attaché au massif ligure et au raccord des deux chaînes demontagnes. Jean Boussac, qui était devenu son gendre et qui eût certainement poursuivi l'oeuvrecommencée, a été tué à la guerre en 1916. Sa mort fut l'un des grands chagrins de Pierre Termier,avec plusieurs autres qui firent sa vie douloureuse : son fils Joseph, mort dans un accidentd'ascenseur à l'âge de 13 ans, puis " le deuil cruel entre tous ", la mort de Mme Termier après delongues années de maladie, son fils Pierre en 1924, son gendre Henri Artru en 1926, et plusieurspetits-enfants à divers âges dont la disparition endeuilla de façon cruelle cette famille sitendrement unie.

Il n'eut pas " l'incomparable joie de la survie par un fils qui continue l'oeuvre paternelle ". Dumoins eut-il celle de voir sa nombreuse famille se développer florissante, conservant pieusementles traditions qu'il lui avait léguées. Ses filles Marie, Jeanne, Thérèse, Marguerite, se marièrent, etla cinquième, Geneviève, devint Fille de la Charité. L'été, à Varces, plus de vingt petits-enfantsanimaient la maison familiale qui n'était plus assez grande. Une atmosphère de gaieté sereine etconfiante régnait, que les deuils répétés n'avaient pas assombrie. Pierre Termier ne parlait à sesamis des chagrins de son existence que par brèves et rares allusions, et c'est un réconfort que l'onsentait en approchant de sa forte et chrétienne famille.

En 1909, son prestige scientifique reçut sa consécration dans son élection à l'Institut au fauteuil dugrand paléontologiste Albert Gaudry dans la section de Minéralogie.

En 1911, à la mort d'Auguste Michel-Lévy, il succéda à ce Savant comme Directeur du Service dela Carte Géologique, situation tout particulièrement importante en France où l'organisation duService implique une collaboration éclairée et confiante entre le Directeur et l'élite des géologuesde notre pays. Il y était préparé de longue date, étant lui-même auteur de nombreuses cartes, entout ou en partie : les Feuilles de Saint-Etienne, Monistrol, le Puy, Valence, Roanne, Saint-Jean-de-Maurienne, Bonneval, Tignes, Briançon, Albertville, Gap, Grenoble, Vizille, Saint-Jean-Pied-de-Port. Pour beaucoup d'entre elles, il s'agissait d'un terrain presque inconnu. Le mériteen est grand, notamment dans les Alpes. En lui attribuant le prix Prestwichen 1903, Albert deLapparent disait : " Après avoir si remarquablement décrit la constitution des quatre massifs desGrandes-Rousses, de la Vanoise, du Pelvoux et de Belledonne, c'était un vrai tour de force que de

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vouloir débrouiller la tectonique d'un ensemble aussi disloqué ; et l'on est presque effrayé de laseule dépense d'activité physique que représentent les cartes, qui, entre les mains de l'infatigableexplorateur, ont subi une transformation complète, grâce à la masse des faits de détail qu'il a sualler chercher là où d'autres auraient reculé devant l'effort à accomplir. " Sous la direction de PierreTermier, le Service a pu arriver à l'achèvement de la publication en première édition des Feuillesde toute la France continentale. Ce n'est pas sans beaucoup de sollicitude et de talent qu'il obtint cerésultat, malgré des moyens financiers modestes.

Il savait stimuler les Collaborateurs par le prestige de l'oeuvre à réaliser, et maintenir oudévelopper chez tous une activité très scientifique et très dévouée.

En 1912, il fut nommé Professeur de Géologie à l'Ecole des Mines de Paris et en 1914 Inspecteurgénéral des Mines. Puis vint la guerre avec ses devoirs, ses préoccupations et ses deuils, etl'obligatoire interruption de l'oeuvre géologique. Il la reprit dès 1918 par une étude sur unproblème tectonique des Asturies, ouvrant des horizons inattendus. Le prix Albert Gaudry, décernépar la Société géologique en 1920, sanctionna de nouveau la haute estime en laquelle ses confrèrestenaient ses travaux.

En même temps, il poursuivait un travail devant aboutir à des développements remarquables. Dès1918, la Cie des Mines de la Grand-Combe avait chargé MM. Pierre Termier et G. Friedel d'uneétude du bassin houiller du Gard, avec la collaboration de P. Bertrand pour la paléobotanique et deP. Thiéry pour la tectonique des morts-terrains. L'année suivante, ils publient d'importants résultatsauxquels le perfectionnement de l'échelle stratigraphique donne beaucoup de sûreté. Dans la partiedu bassin voisine de la localité de la Grand-Combe, le charriage déjà constaté par Marcel Bertrandest vérifié, superposant un grand lambeau de Houiller à flore Rive-de-Gier sur un Houillerautochtone à flore Saint-Étienne plus jeune. Au Nord, dans la région de Bessèges, une structurecompliquée est mise en évidence, avec deux surfaces de charriage délimitant sous la nappe unepuissante série intermédiaire lenticulaire. Par conséquent, de deux bassins houillers d'âge différent,le plus ancien qui était le plus à l'Est a été amené en superposition sur le plus récent ; lemouvement s'est fait suivant des surfaces de faible inclinaison, produisant toutes les particularitésde structure de détail habituelles dans les charriages.

Mais de telles circonstances ne sont pas exclusivement le fait du Houiller. Pierre Termier etGeorges Friedel vont plus loin. Ils constatent que les divers étages du Secondaire et du Tertiaire dela région présentent constamment une structure lenticulaire, et sont compartimentés par de grandesfailles peu inclinées témoignant de translations voisines de l'horizontale. Enfin, les blocs et lespetits massifs urgoniens qui émergent ça et là au milieu du bassin oligocène d'Alais sont desklippes posées sur ce Tertiaire, conformément à une supposition de Marcel Bertrand. En effet, lesdeux savants observent la mylonitisation générale de ces calcaires, et leur superposition àl'Oligocène partout où le contact est bien visible. Les klippes d'Alais sont les vestiges d'une nappede charriage démantelée presque totalement par l'érosion.

La conformité de style entre les grands accidents du Houiller et ceux des terrains plus récentsjusqu'au Chattien, et aussi le chevauchement du Trias par le Houiller constaté en un point,conduisent Pierre Termier et G. Friedel à rapporter l'ensemble de ces charriages, ainsi que lesstructures lenticulaires en série normale, au contrecoup des mouvements alpins venant mourir aubord de la région résistante du Massif Central. Si des perturbations de cette importance émanentdes Alpes, il doit en exister des traces dans les pays intermédiaires. Pierre Termier étend sesinvestigations dans la vallée du Rhône. Il y reconnaît des mylonites, jalonnant, ainsi qu'il estvraisemblable, des surfaces de contact anormal analogues aux précédentes.

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Des vestiges d'unités tectoniques plus hautes existent près d'Avignon. Au NE de là, se trouve lemassif de Suzette dans les singularités duquel Pierre Termier, avec la collaboration de L. Joleaud,va chercher la clef de l'explication de l'ensemble, dans une vue des plus hardies, maisincontestablement très séduisante. Il y a lieu de se souvenir ici de cette phrase de Marcel Bertrand: " C'est Lyell, le plus sage des géologues, qui a dit que dans certaines questions il ne fallait pascraindre de se tromper. " Le progrès, en effet, est à ce prix, car certaines théories provisoires ont unétonnant pouvoir d'impulsion et de rajeunissement. Le fait est que, si la nappe de Suzette n'eutqu'une existence éphémère, le " problème de Suzette " aboutit à une démonstration d'une portéegénérale.

Qu'on se représente, dans le pittoresque pays des montagnes de la Drôme, d'une part un vastelambeau d'une formation énigmatique de cargneules flottant autour du hameau de Suzette sur lesterrains jurassiques, crétacés, oligocènes plissés ; d'autre part, semés à l'intérieur d'un domaineayant 70 km. en tous sens, de nombreux affleurements analogues ou des gîtes métallifères qui s'yrattachent et paraissent des témoins de tels lambeaux aujourd'hui enlevés par l'érosion. Cetteformation, antérieurement classée dans l'Eocène avec doute, ou attribuée à une modificationchimique de divers terrains, est en réalité du Trias, comme l'établissent les deux géologues. Sesrapports capricieux avec tous les autres terrains, sa situation souvent en recouvrement sur eux, leurparaissent inexplicables si l'on ne voit pas dans ces lambeaux les vestiges d'une même grandenappe de charriage, presque en totalité disparue aujourd'hui dans la dénudation. Post-chattienne etanté-burdigalienne, comme les chevauchements d'Aramon et d'Alais, d'origine alpine d'après sonâge et le faciès du Trias de Suzette, cette nappe, émanée peut-être du Briançonnais, seraitresponsable des chevauchements en bordure du Massif Central et de tous les traits essentiels de lastructure de la contrée.

L'étude de cette grande question, mise en pleine lumière dans une série de notes à l'Académie desSciences en 1919 et 1921, forme l'objet de la Réunion extraordinaire de la Société géologique en1923, dirigée par Pierre Termier. Au cours de celle-ci, la grande nappe d'origine alpine souleva defortes objections. W. Kilian, E. Haug, M. Gignoux proposèrent l'enracinement sur place du Trias,en des plis de forme déjetée, attribuables à la nature plastique spéciale du Trias salifère. Mais il nefut en somme pas possible d'arriver à une démonstration de l'une ou l'autre hypothèse.

Pierre Termier conclut que de nouvelles recherches s'imposaient et il eut à coeur de les faireaboutir. Il confia à P. Thiéry le soin d'exécuter un relevé géologique détaillé de la région deSuzette, en vue d'une réédition de la Feuille d'Orange. Le résultat dépassa les espérances par laprécision des faits nouveaux, trouvés d'abord par P. Thiéry en 1925 et complétés en 1926 en descourses avec Pierre Termier. La note à la Société géologique " Nouvelle contribution à l'étude duproblème de Suzette ", par Pierre Termier, apporta la mise au point attendue. Le chevauchementdes terrains plus récents par le Trias est anté-oligocène, contrairement à ce qui semblait manifesteet comme les observations minutieuses permirent de le déterminer de manière indubitable. Il est enrapport avec les mouvements pyrénéens. La reprise alpine anté-burdigalienne créa un plissementintense en forme de virgation, où le Trias joue le rôle d'élément profond. C'est dire qu'il n'était quelocalement extravasé par les mouvements antérieurs. Il n'y a donc pas de nappe d'origine lointaine,mais seulement des anomalies locales de gisement du Trias, qui a bavé ça et là, changé d'étage,s'insinuant de préférence dans les parties les moins résistantes de la série des terrains plus récents.Simultanément la notion de virgation trouve pour la première fois dans notre pays son applicationpratique en vue d'une question tectonique locale. Le problème de Suzette offre un exemplefrappant, étudié de manière particulièrement précise, de la tectonique propre aux terrains salifères,contestée jusqu alors par beaucoup de géologues ou reléguée volontiers en des contrées

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exceptionnelles. Dorénavant il n'est plus possible de douter de sa généralité, constate PierreTermier. Même dans les pays alpins où jusqu'alors tout a paru s'expliquer sans elle, on ne peut enréalité s'en passer. Nous voyons ici le principe d'un mouvement nouveau riche de promesses, oùest remise à l'ordre du jour la question des structures dysharmoniques, provenant des terrainssalifères, et plus généralement tout l'ensemble des phénomènes où s'accuse la différence deplasticité des milieux complexes déformés.

Après un intervalle de plus de dix années, Pierre Termier reprend en 1920 l'étude des Alpesfranco-italiennes. Les observations de Jean Boussac, de W. Kilian et Ch. Pussenot, celles de S.Franchi en Italie, nécessitent une sérieuse révision de la synthèse structurale. De nouvellestrouvailles stratigraphiques ont été faites et l'on peut se demander s'il n'existe pas dans la sériebriançonnaise une plus grande continuité qu'il n'avait paru, et moins de contacts anormaux.

Comme autrefois, c'est avec W. Kilian qu'il retourne dans les zones intra-alpines, et il a la joie devoir son ami se rallier très vite à la conception tectonique dont il donnait les grandes lignes en1899 et 1907. Les faits nouveaux enrichissent cette première synthèse, la modifient par certainscôtés, mais dans le sens de plus de grandeur, de plus de simplicité, et conformément au plangénéral des grandes nappes, valable à travers toute la Suisse, jusqu'aux Alpes orientales.

Cinq notes à l'Académie datant de 1920, dont quatre signées par les deux géologues, et l'autre parPierre Termier seul, marquent ce tournant décisif de la théorie des Alpes franco-italiennes,aboutissement d'une longue série de recherches et de discussions. Trois résultats essentiels y sontexposés. D'abord, les conglomérats à galets cristallins de l'Eychauda, qui sont à la base de laQuatrième Écaille briançonnaise, ne sont pas d'origine sédimentaire, comme Pierre Termier l'avaitcru, ainsi que tous les géologues les ayant visités ensuite. Ce sont des mylonites : une expérienceplus grande des roches écrasées, presque inconnues avant 1903, permet maintenant de l'affirmer.Rien ne s'oppose donc à l'idée de l'origine très lointaine de ce lambeau de recouvrement, àcaractère si exotique par sa composition et sa structure , origine qui demeurait improbable, si unFlysch à galets de micaschistes lié au Flysch briançonnais était collé aux assises de micaschistesdu lambeau, mais qui devenait inévitable, si l'on reconnaissait l'individualité de la nappe desSchistes lustrés. Ainsi se trouve corroborée l'opinion de l'origine lointaine, soutenue par JeanBoussac qui, croyant comme tout le monde à l'époque à l'existence de ces conglomérats, serefusait à les rattacher au Flysch briançonnais.

En second lieu, les lambeaux de schistes cristallins distribués au nombre d'au moins vingt-cinqdans le Briançonnais, ne font pas partie intégrante de ce pays, comme W. Kilian l'avait penséd'abord, mais reposent en contact anormal sur les terrains briançonnais. Ils sont les témoins d'unenappe métamorphique, ayant recouvert le Briançonnais, et détruite par l'érosion, témoinsconservés souvent à la faveur d'ondulations synclinales.

Enfin, de la Haute-Maurienne au Queyras, sur 100 km. environ, les Schistes lustrés chevauchentconstamment en contact anormal les terrains briançonnais. Il n'y a pas de continuitéstratigraphique entre les uns et les autres, comme on l'avait admis sans remarquer " l'énormeinvraisemblance d'une série profondément métamorphique qui succéderait naturellement à unesérie à peine métamorphique et souvent fossilifère ". Ce qui avait été pris en 1902 pour un passagegraduel de la série briançonnaise aux Schistes lustrés n'est qu'une apparence due aux plissementssecondaires postérieurs aux charriages et réunissant les deux genres de terrains dans les mêmesplis. Il faut faire abstraction de ces mouvements accessoires et la distinction des nappes apparaîtdans sa netteté. La nappe des Schistes lustrés prend toute sa signification ; les lambeaux derecouvrement du Briançonnais en proviennent, notamment la Quatrième Ecaille, et aussi le

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lambeau du Mont-Jovet en Tarentaise. Il n'y a plus lieu de douter que, par l'avancée de cette nappemaintenant prouvée, la structure lenticulaire généralisée et les profonds replis internes duBriançonnais ne trouvent leur explication. Les conceptions de Pierre Termier en 1899 reçoiventune confirmation éclatante. Tel est le troisième résultat principal relaté dans les notes de 1920.

Au versant italien des Alpes la disposition d'allure tranquille des puissants empilements deSchistes lustrés sur le Trias et les massifs de gneiss, rend difficile d'admettre les grandes nappes decharriage à des observateurs qui ne suivent pas le prolongement des mêmes assises en Suisse et enFrance, et cela explique le peu de faveur trouvé jusqu'ici par la théorie en Italie. D'autre part S.Franchi objecte à la conception de la nappe des Schistes lustrés la superposition de tels schistes àdu Rhétien fossilifère dans la région de Césanne, indiquant selon lui une liaison stratigraphiqueavec les terrains briançonnais. Sur l'initiative de Pierre Termier, le savant italien accepte de leconduire, ainsi que W. Kilian et moi-même, aux principaux points en question.

Cette belle excursion d'août 1925 précède, hélas ! de quelques semaines la mort prématurée de W.Kilian. Loin de les ébranler, elle confirme Pierre Termier et W. Kilian dans leurs vues sur les Alpesfranco-italiennes et les Schistes lustrés : la superposition de ceux-ci au Rhétien est en effet loind'être constante ; en Italie comme en France le caprice règne dans leurs rapports avec les termesdivers de la série briançonnaise ; dans les vallées de la Maira et de la Stura, ils confinent auprolongement du Briançonnais par un passage tout aussi brutal qu'à la latitude de Briançon. Ainsipartout s'impose l'individualité de la nappe des Schistes lustrés par rapport aux unités tectoniquescontiguës à l'Ouest.

Après des révisions en Vanoise répondant à des objections de Jean Boussac, après quelquescourses concernant la nappe des Aiguilles d'Arves au bord du Pelvoux, les dernières observationsalpines du Maître sont consacrées aux lambeaux de recouvrement du Briançonnais, où il découvreen plusieurs points des radiolarites. La portée de ces phénomènes est mise en lumière dans sonsuprême mémoire intitulé " Les lambeaux avant-coureurs de la nappe des Schistes lustrés flottantsur la nappe du Briançonnais " et paru dans le Livre Jubilaire de la Société géologique, travail biendigne de clore sa carrière scientifique, puisqu'il est consacré à un aspect essentiel du pays dontl'étude l'a passionné entre tous.

Aux vacances de Pâques 1927, il accepte l'invitation de G. Steinmann à une excursion dans lespays de nappes de l'Apennin septentrional et en Ligurie, afin d'acquérir des notions plus précisessur les rapports toujours mystérieux de l'Apennin et des Alpes. Il rapporte de beaux échantillons,mais il n'écrit rien. " Il a manqué quelques jours pour que cela devienne tout à fait intéressant ",dit-il. Ce voyage n'était qu'une préface destinée à être suivie de plusieurs chapitres. Un seul a étéréalisé, le voyage en Corse de l'année suivante.

Ce fut une réunion féconde en résultats. Outre G. Steinmann et N. Tilmann, il y avait R. Staub, quiapportait son expérience de la Suisse, et L. Kober celle des Alpes orientales. E. Maury, legéologue corse, aidait Pierre Termier à diriger l'excursion. Les résultats sont consignés dans cinqnotes à l'Académie parues au printemps de 1928 : découverte de radiolarites associées à une sérieophiolitique, d'autres radiolarites appartenant à la série des Schistes lustrés, de tout un complexepaléozoïque, distinction de trois faciès au moins du Jurassique, liés à des unités tectoniquesdifférentes, rôle immense des mylonites.

Pierre Termier en a dégagé un schéma structural nouveau avec un résultat majeur : les Alpes seprolongent dans la Corse orientale, leur séparation de l'Apennin se trouve à l'Est, probablement audelà de l'île d'Elbe. Les recouvrements sur les Schistes lustrés au Nord de Corte, qui lui avaient fait

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admettre en 1909 le mouvement général des nappes vers l'Est et l'unité de la Corse orientale et del'Apennin, doivent s'interpréter comme un simple rejaillissement du pays parautochtone. Caraujourd'hui, la superposition de la nappe ophiolitique à l'autochtone à l'Ouest du bord des Schisteslustrés rend impossible cette première conception. La chaîne des Alpes passe donc enMéditerranée à l'Est et au Sud du massif corso-sarde, qui est un élément de l'avant-pays et non unmôle séparatif des Alpes et de l'Apennin.

L'année 1929 fut absorbée par la préparation du Centenaire de la Société géologique, dont il avaitété élu président pour la troisième fois. Il s'astreignit à écrire de très nombreuses lettres de quêtepour alimenter la souscription dont le magnifique succès lui fut très sensible. Il suivit tous lesdétails de l'organisation des solennités, et continua à s'en occuper activement avec MM. A.Lacroix et Ch. Jacob, quand il eut quitté la présidence en 1930. La place éminente qu'il a tenue aucours des solennités, à côté de ses illustres confrères, parmi tous les représentants français etétrangers de la Géologie, est encore dans toutes les mémoires, comme aussi sa magnifique "Adresse à tous les géologues du Monde " qu'il prononça le 30 juin à la Sorborme. La conclusionde cette ultime leçon du Maître était la suivante : " Aucune science ne nous dispose autant que lanôtre à considérer tous les hommes comme nos frères, aucune n'est autant qu'elle terrestre et parconséquent humaine, c'est-à-dire conseillère de patience et d'amour. "

Puis, le bruit des fêtes s'est apaisé. Il s'est retiré dans sa maison de Varces. Une excursion projetéedans le Briançonnais, une autre en Oisans n'ont pu se réaliser, de sorte qu'il a eu, pour la premièrefois peut-être, un été complet de repos parmi ses enfants. " Ces vacances devraient durer toujours", leur disait-il.

Dès le début d'octobre, il s'embarquait, reprenant le cycle de sa vie laborieuse : il voyait déjà aprèsce voyage au Maroc ses mois d'enseignement à l'Ecole des Mines, puis, plus vague, la perspectivede nouveaux travaux et de nouveaux départs pour la Ligurie, la Corse, ou peut-être l'île d'Elbe. Ilne sentait pas que sa vie était déjà semblable à une oeuvre achevée sans lacunes, marquée del'empreinte du définitif. Point n'était besoin pour la parfaire d'étapes nouvelles, sauf la dernièredémarche qui l'a ramené, après un suprême contact avec la terre d'Afrique, près de ses enfantspour s'y endormir en paix dans la mort, au matin du 23 octobre 1930.

Quand on veut situer l'oeuvre scientifique de Pierre Termier, c'est tout naturellement à EduardSuess et à Marcel Bertrand qu il faut penser. Il suffit de relire les pages qu'il leur a consacrées pourcomprendre à quel degré ces deux grands esprits ont joué un rôle profond dans sa vie scientifique.Bien qu'associés comme fondateurs du puissant mouvement d'idées qui a renouvelé la géologie,une nuance bien distincte les oppose. Suess est le penseur qui de la multitude des publicationscompulsées dans le silence de son bureau a fait surgir de grandes conceptions. Marcel Bertrand leplus souvent a puisé dans l'étude directe du terrain le principe de ses découvertes. Par là, c'est bienplutôt à Marcel Bertrand que Pierre Termier s'apparente, et souvent, dans sa modestie, il s'est plu às'effacer derrière ce Maître en lui attribuant la gloire des plus brillants résultats de ses proprestravaux.

Eduard Suess et Marcel Bertrand ont fondé la tectonique. A Pierre Termier il appartient d'avoir faitfaire à la jeune science un bond immense. Sans doute, il n'était pas seul en ce domaine : mais dansla pléiade des géologues qui, de 1890 à 1912, ont pénétré la structure des nappes alpines, sa placeest primordiale et il apparaîtra dans le recul du temps sur un plan différent. Il a été capable demener à bien l'analyse très ardue des régions axiales métamorphiques de la Chaîne,concurremment à celle des zones plus externes, et il a réalisé l'entreprise d'embrasser l'ensemble del'édifice, de se mettre à l'échelle du problème, non par la ressource de l'hypothèse, mais par une

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démonstration concrète. Il restera celui qui a vu très clairement et pour la première fois l'essentielde la structure des Alpes. Il l'a mise en lumière aux yeux de tous de la manière la plus complète,car il a été un incomparable professeur de tectonique, sans écrire aucun traité, par la limpiditédidactique de ses notes originales et par sa parole qui donnait aux idées nouvelles un saisissantrelief et une véritable séduction.

La découverte géologique de la fin du siècle précédent, celle des grandes nappes de recouvrement,avait ouvert des aperçus inattendus, riches de promesses. Mais ces perspectives étaient bienincertaines encore, et indéterminées, avant que Pierre Termier ne soit parvenu à les résoudre endonnant la mesure des phénomènes. On n'a pu commencer à en voir surgir les conséquences enfait de synthèses stratigraphiques, de pétrographie régionale et d'autres matières dont la liste n'estd'ailleurs pas close, qu'ensuite, quand on a su vraiment de quoi il s'agissait. Le succès fut tel que latectonique parut un instant avoir atteint d'emblée sa maturité, et se trouver désormais enpossession de la formule générale applicable à tout problème de structure de l'écorce.

Indépendamment des études de cet ordre, les principales questions auxquelles il s'est surtoutattaché concernent la genèse du métamorphisme régional, le rôle tectonique des mylonites,l'interprétation structurale des pays de la Méditerranée occidentale.

" Il faut regarder vers les montagnes pour saisir les secrets de l'histoire de La Terre, et il n'y apresque pas de problème de géologie générale qui se puisse résoudre sans l'étude attentive desrégions plissées. " C'est de la sorte que Pierre Termier s'est efforcé d'approfondir la grandequestion du métamorphisme régional par ses recherches dans les Alpes. En ces contréesprivilégiées, les schistes cristallins ne constituent pas moins de trois séries métamorphiques, biendistinctes, bien datées sauf la première : série anté-houillère, série permo-houillère, sériemésozoïque. Pour les deux plus récentes, Pierre Termier a pu même observer la naissance dumétamorphisme par passage latéral aux sédiments à faciès normal.

Pour lui, comme pour Michel-Lévy, la genèse des roches massives et le métamorphisme régionalne doivent pas être séparés. Pierre Termier a beaucoup observé les granites, y a beaucoup pensé eta toutefois peu écrit à leur sujet. Dès ses premières courses géologiques dans les monts du Forez,en la compagnie de Le Verrier, il les prit ainsi que les gneiss pour sujet d'étude ; sans pouvoirrésoudre cet immense problème, la discussion inlassable des deux géologues en fit vraiment letour, a-t-il dit. Plus tard, dans les Alpes et ailleurs, il vit d'autres granites, sans auréolemétamorphique, à caractère intrusif dans les schistes cristallins encaissants, et non reliés à ceux-cipar une transition insensible comme les granites du Forez. Il vit aussi d'énormes épaisseurs deterrains cristallophylliens dénués de tout indice de venue granitique, et acquit la notion que lemétamorphisme général n'est pas l'exagération en profondeur de l'auréole des massifs de granite etleur extension à tout un vaste pays, comme Auguste Michel-Lévy le proposait.

Les roches massives et les schistes cristallins sont reliés non point par un rapport de cause à effet,mais comme deux effets d'une même cause qui, suivant les conditions, transforme les terrains engranite ou en gneiss. Là est l'originalité de Pierre Termier. Michel-Lévy envisageait le granitecomme un magma tout formé qui vient des profondeurs et envahit les terrains sédimentaires, en lesdigérant pour se mettre en place, et qui est capable de les injecter sur une grande échelle. PierreTermier voit la formation des amas granitiques par la fusion sur place de la série sédimentaire làoù elle a atteint une composition d'eutectique par l'apport d'éléments chimiques empruntés à descolonnes de vapeurs filtrant au sein des zones profondes à haute température des géosynclinaux.Au voisinage, la fusion n'est pas complète, la pression reste orientée et les minéraux quicristallisent tendent à placer leur plans de plus grande densité réticulaire normalement à cette

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pression, produisant ainsi la structure zoiiée classique des terrains cristallophylliens. L'immenseauréole des batholites profonds n'est pas causée par les granites, mais due à ce que les fluides quiont permis ici la formation d'un eutectique, ont imprégné en outre les terrains du voisinage. Quandles magmas se sont déplacés avant leur consolidation définitive, ils ont pu faire intrusion dans desterrains quelconques, métamorphiques ou non, avec très faible auréole près de leurs contacts. Lesparties hautes des séries métamorphiques ont une moindre cristallinité parce que les colonnesfiltrantes, réchauffement et la compression y ont eu moins d'ampleur.

Bien que cette théorie ne l'exclue pas nécessairement d'une manière radicale, Pierre Termier s'estélevé avec force contre le dynamométamorphisme au nom de l'expérience, d'une expérience qu'ilavait d'ailleurs acquise lui-même, étant parti au début de ses travaux avec un point de vue toutdifférent. Il constata en effet que les puissants écrasements des nappes au cours de leur translationn'ont été accompagnés d'aucune recristallisation régionale des terrains. Un terrain laminé peutlocalement ressembler à un gneiss, mais localement seulement ; une zone de mylonites ne seconfond pas avec une série métamorphique : " Les actions mécaniques déforment, elles netransforment point ", dit-il au Congrès de Vienne en 1903.

Aujourd'hui certains pétrographes voient dans les efforts mécaniques mis en jeu lors desmouvements orogéniques un des facteurs multiples du métamorphisme régional, et pensent qu'uneanalyse soigneuse doit en tenir compte comme des autres facteurs sans doute plus essentiels. Ladernière fois qu'il prit la parole devant des géologues, Pierre Termier a dit qu'il serait moinsaffirmatif que 30 ans auparavant, et qu'il hésiterait à considérer le métamorphisme comme unphénomène annonciateur ou comme une conséquence du paroxysme orogénique. Sans doute, lesétudes minutieuses des dernières années ont révélé dans l'orogène alpin une évolution bien plusriche en phases diverses que l'on n'aurait imaginé. Il y a place pour beaucoup d'inconnues. Quoiqu'il en soit, Pierre Termier a jeté une lueur sur le problème, combien mystérieux, de l'élaborationdes granites et des séries cristallophylliennes. L'idée, pourtant très simple, groupe dans une mêmeexplication un grand nombre de faits, ce qui est le propre d'une hypothèse scientifique de grandevaleur. En même temps que les géologues Scandinaves et indépendamment, Pierre Termier arévélé chez nous, avec la collaboration de G. Friedel, le rôle géologique des mylonites, ces terrainsécrasés qui étaient presque partout demeurés inaperçus. Ce fut un des domaines de prédilection oùil exerça ses talents de pétrographe-tectonicien. Il y voyait un moyen nouveau de pénétrer lastructure jusqu'alors indéchiffrable des très vieilles chaînes de moûtagnes et aussi un critériumefficace pour résoudre des points obscurs et controversés de la chaîne alpine. Le fil conducteur desmylonites est d'un usage délicat, car il n'exprime pas directement l'ampleur des mouvementsorogéniques, ni la chronologie, ni les répliques multiples des déplacements tectoniques. Mais il y alieu de croire avec Pierre Termier que la géologie des roches écrasées ne sera pas un simplecorollaire des synthèses tectoniques, qu'elle sera, aussi et surtout, le moyen d'exhumer de l'inconnula solution de nouveaux problèmes, comme il y a brillamment préludé dans la région de Saint-Étienne.

Après avoir servi à démontrer les grands mouvements tangentiels qui ont affecté les terrainsanciens du Massif Central, les mylonites lui ont permis de les dater à une époque post-dinantienne.C'est grâce à elles qu'il a vu la complexité tectonique de la Corse orientale, où une nappe à base degranite écrasé repose sur les Schistes lustrés, l'existence des deux nappes de l'Ile d'Elbe, et lecaractère étrange du massif cristallin ligure. Il a prédit de grands succès à ce genre de recherches,comme à une nouvelle méthode encore vierge qui pourra beaucoup donner. La vue d'ensemble dela chaîne des Alpes le conduisit naturellement à l'étude tectonique des pays de la Méditerranéeoccidentale, cette mer favorisée, entourée de toutes parts de rivages heureux, mais plus attachante

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encore par le plan structural presque voilé sous les eaux qu'il a su révéler. Vision inoubliable, a-t-ildit, pour qui s'y est attardé ! Étrange mer que la Méditerranée d'aujourd'hui, sur l'emplacementeffondré d'un secteur des montagnes qui sont faites des sédiments de l'immense Méditerranée dupassé ! Sur tout le pourtour de cette mer, à l'Ouest de l'Italie, des éléments des chaînes tertiairessont disposés, parallèles aux côtes ou tranchés normalement par le rivage. L'agencement de cetensemble n'est pas simple, les raccords ne sont pas manifestes ; l'édifice alpin n'est pas constituéd'un seul faisceau orogénique bien défini entre deux boucliers, mais des chaînes satellites d'untracé très libre l'agrémentent soit en bordure, soit au loin dans les socles rigides qui ont cédé deplace en place. Dans ce complexe Pierre Termier a mis en évidence deux faits essentiels : laprésence de l'empilement des grandes nappes caractéristiques de la zone axiale des Alpes, avecleurs séries compréhensives métamorphiques, d'une part en Corse et de l'autre dans la Sierra-Nevada. En conséquence se dessine à travers la Méditerranée le plan de l'orogénie alpine, entrel'avant-pays, le vieux massif Corso-Sarde presque entièrement disparu sous la mer, et cetarrière-pays dinarique qui est l'Afrique du Nord avec ses anomalies diapiriques ou ses petitscharriages, et qui est aussi la péninsule italienne où les charriages ont au contraire une si vasteextension. Là reste posé encore ce redoutable point d'interrogation des rapports des Alpes et del'Apennin, posé par Pierre Termier et dont il a donné avec Jean Boussac une premièreinterprétation.

Au delà de Gibraltar, la Chaîne alpine plonge à l'Ouest sous l'Atlantique : c'est l'un des résultats lesplus importants des travaux de Pierre Termier, modifiant la conception d'Eduard Suess quirefermait par le Rit, en une boucle complète, le tracé de cette chaîne autour de la Méditerranéeoccidentale. La chaîne traverse l'Océan, et peut-être l'effondrement très récent de l'Atlantide dePlaton, discuté à la lumière d'observations nouvelles par Pierre Termier, a-t-il achevé d'en fairedisparaître les derniers témoins entre Gibraltar et les Antilles. Il en résulte cette continuité de laChaîne alpine, des Antilles à la Méditerranée et à travers l'Eurasie, qui est un trait fondamental dela structure de la planète.

La permanence de la mer transversale, la Téthys, demi-ceinture autour du globe, d'où sont sortissuccessivement les faisceaux de plis hercyniens et alpins, est ainsi bien établie jusqu'à la fin duTertiaire. Pierre Termier voyait dans ce fait, et dans celui analogue de la boucle circumpacifique,non moins durable au cours des périodes géologiques et non moins importante, deux caractèresessentiels, absolument inexpliqués, mais dominant l'histoire de la Terre. Il en tirait une raisondécisive de repousser la théorie de la dérive des continents, et, bien que convaincu de la variabilitéindéfinie des déformations de l'écorce et de l'existence constatée de translations orogéniquessupérieures à 100km., il se refusait à un mobilisme trop libre.

Pierre Termier n'a jamais cédé à la tentation de créer de ces vastes théories plus ou moinsétrangères au plan des faits réels. " Les problèmes qu'on peut résoudre sont les seuls quim'intéressent, disait-il. " La géologie, étant une science de la Nature, doit rester basée sur l'étudedes phénomènes. Les faits géologiques sont si riches de connexions mutuelles et retentissent dansun domaine doué de tellement de variables qu'ils sont toujours étonnants, sans cesse générateursd'aperçus nouveaux : le moindre d'entre eux, à le bien considérer, défie l'analyse. Telleinterprétation insuffisamment délicate, où un auteur avait trop mis de ses vues subjectives, luifaisait redire volontiers la phrase d'un vieux géologue : " on n'y reconnaît pas la main du Créateur." Lui-même prenait un soin extrême de ne pas forcer les interprétations et de laisser flotter sur lesfaits géologiques qu'il étudiait la part d'obscurité non encore résolue. Il avait une aptitude à saisirde prime abord l'essentiel d'une question, mais il n'y réduisait pas arbitrairement tout le problèmeet ses solutions posaient volontiers de nouveaux points d'interrogation. Beaucoup trouveront à

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glaner sur ses sentiers.

Toute sa vie, il a été le chercheur passionné qui regarde la nature. Il est demeuré enthousiaste debeaux échantillons de roches, il a fait de longs détours pour voir de beaux affleurements sans autreidée préconçue, et les grands paysages l'ont toujours captivé. Combien de milliers de plaquesminces n'a-t-il pas analysées sous le microscope, disant qu'on ne doit pas quitter l'une sans avoirdéterminé absolument tout ce qu'elle contient !

Il observait soigneusement, longuement, aimait à revenir aux mêmes lieux. C'est ainsi que duranttoute sa vie, il est retourné bien des fois a l'étude du Briançonnais, qui, après avoir été une de sesoeuvres d'initiation servit aussi de thème à son suprême mémoire.

Ayant au maximum l'attitude insatisfaite des grandes intelligences, il se corrigeait lui-mêmevolontiers par retouches successives, à l'aide d'observations locales plus poussées, et grâce auxprogrès des connaissances en d'autres régions de la planète. Il n'hésita pas à abandonner plusieursidées importantes qu'il avait cru être la vérité, quand on lui eût montré des arguments nouveaux.Telle la tectonique des charriages de l'Afrique du Nord et de la " Nappe de Suzette ". Il facilitaavec une parfaite sérénité souriante les rectifications nécessaires, en aidant les géologues quipoursuivaient de nouvelles études en ces régions et en les faisant bénéficier même d'une véritablecollaboration.

Il est resté jusqu'à son dernier voyage vraiment très jeune d'esprit, sans rien de systématique, aussienthousiaste dans la recherche, sincère devant l'expérience, aussi accessible à toute nouveauté quedurant toute sa vie. On ne le sentait pas se ralentir, comme il arrive quelquefois à l'issue d'une bellecarrière. Aussi, quand il est parti, il y a eu dans notre chagrin une nuance de découragement par lesentiment que s'éloignait tout à coup la promesse de nouveaux et rapides progrès de notre science,quasiment faciles et assurés grâce à lui.

Il aimait à présenter, en de larges exposés synthétiques, une des grandes questions de la Géologie,telles que le Temps, la Déformation de l'Ecorce, l'Origine de l'homme et d'autres au titre égalementprestigieux. Ou bien, il retraçait autour de la mémoire d'une personnalité géologique éminente unchapitre du développement de cette science, en témoignage de piété ou d'admiration. Par la clartédu style, aussi libre que possible de termes techniques, et par l'attrait de son éloquence, il rendaitaccessibles à un public nombreux ces hautes spéculations. C'était sa manière d'enseigner descercles étendus que ses notes ou son cours n'atteignaient pas, et pour lesquels il ne voulait pasécrire un Traité général. La Géologie étant science trop jeune, trop rapidement variable jusquedans ses fondements, il ne se sentait pas séduit par l'idée de lui ériger un monument certainementéphémère, et peut-être quelque peu nuisible par la nuance de dogmatisme qui se glisse volontiersdans les Traités. Il préférait évoquer le tableau de l'état actuel de nos connaissances sur deschapitres partiels, en des sortes de mises au point à l'occasion de quelque progrès récent.

Il savait à merveille situer les problèmes, en dégager l'idée maîtresse, choisir parmi les argumentsceux qui ont véritablement le poids. En cela, le raisonnement n'a qu'une moindre valeur, une vueplus intuitive, un peu divinatoire, mène la pensée, et cette qualité intellectuelle est bien celle dePierre Termier. C'est aussi la beauté de la Géologie qu'il fait vivre, telle qu'il la voit, dansl'enthousiasme des aperçus puissants qui s'ouvrent déjà, dans la soif de creuser l'avenir pour savoirplus encore. En l'écoutant, on apprend ce qu'est cette science, combien elle importe à tous leshommes : d'une manière plus ou moins explicite, chacun s'est demandé quelquefois ce quesignifient les phénomènes de la nature, si grands et si capricieux, semblables à des cataclysmes, etqu'on dirait conduits par la fantaisie de divinités fictives. On s'instruit des lois principales de ces

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phénomènes, et, par les perspectives qu'ouvré la chronologie géologique, de leur retentissementinsoupçonné dans le passé de la Planète. La vision s'agrandit et devient immense ; cette méditationdu monde est de celles qui peuvent beaucoup changer la mentalité d'un homme, à la façon d'unerévélation. Il a suscité des vocations, et plusieurs, " à qui la science doit beaucoup, l'ont remerciéd'avoir été de quelque manière leur initiateur ".

Les spécialistes, vivant quotidiennement dans l'ambiance des phénomènes géologiques et absorbéspar des travaux parcellaires, perdent un peu de vue la valeur de ces faits et leur place dansl'ensemble. A la voix de Pierre Termier, voici que les temps géologiques apparaissent plusillimités, plus saisissante la ruine des continents, plus riche d'une sorte de vie différenciée etgigantesque l'évolution structurale de la Terre, et dans la magie de ces visions chacun sent renaîtreen soi son ardeur de néophyte et s'accroître son aptitude à apercevoir et à interpréter les phasesélémentaires de l'évolution géologique. On y est mis en présence des problèmes les plus obscurs,mais combien attirants : il a l'audace de les scruter, de les circonscrire, de les retourner etcomparer, jetant ça et là des lueurs nouvelles. Peut-être de grandes découvertes inconnuessont-elles en germe dans quelques-unes de ses lignes.

Il soulignait les énigmes que pose nécessairement toute recherche, impuissante à aller jamais aufond des choses, énigmes ici plus pressantes et plus troublantes qu'en d'autres matières. Le sens dumystère, par où l'homme prend conscience d'insondables réalités en dehors des bornes del'expérience était pour lui la plus précieuse conquête spirituelle dont on soit redevable à la culturescientifique, et son plus vif désir était de le communiquer.

Ces grands tableaux, rendus plus saisissants par des éléments puisés en son expérience degéologue qui a beaucoup su observer en ses voyages, enrichis de toutes les ressources du style,sont aussi des oeuvres de poésie, non certes par le jeu d'une libre fantaisie au sein des fictions,mais par la reconstitution du réel à la manière d'une oeuvre d'art. Bien souvent d'ailleurs, end'autres circonstances, l'expression de la pensée de Pierre Termier prenait naturellement un tourpoétique, qui se retrouve même en ses notes techniques très concises, dans la couleur de sesdescriptions ou l'envolée de certains aperçus. Il n'estimait pas qu'il y eut là une tendance nuisible àla valeur de la recherche scientifique, car tout géologue qui reconstruit une parcelle de l'Histoire dela Terre est d'une certaine façon un créateur, et il n'est pas de création que n'anime un souffle depoésie.

" Le Savant a, ici-bas, une fonction tout à fait sublime ; il parle au nom de l'Infini; il rappelle à sescompagnons de pèlerinage leur destinée éternelle ; il exalte chez eux le sentiment de leur grandeuret leur fierté d'être des hommes. " Avec une telle idée du rôle social de quiconque s'est voué à laScience, Pierre Termier se consacra à une carrière professorale, autant par l'attrait del'enseignement que par le goût de la recherche scientifique. Dès le début, dans les divers coursdont il fut chargé, sa maîtrise s'affirma, et bien des fois les applaudissements de ses élèvesexprimèrent spontanément leur admiration. On peut lui appliquer à la lettre ce qu'il disait du grandgéologue viennois Eduard Suess : " Il possédait au suprême degré les qualités qui font leprofesseur digne de ce nom, et même celles qui font le grand orateur : la noblesse de l'attitude, labeauté et la gravité de la physionomie, la douceur et la chaleur de la voix, l'aisance de la parole etl'abondance des images ; la perpétuelle tendance à l'essor, au large envol sur les sommets de laphilosophie, dans ces hautes sphères où le bruit des conflits humains n'arrive plus ; le don d'animerce que l'on touche et, par la splendeur de la forme et l'enthousiasme du débit, de faire vivre lesidées et les choses ; enfin, l'amour de convaincre, d'instruire, de gagner à soi et de posséderpleinement son auditoire. "

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Ses élèves n'oublieront pas le charme de cet enseignement, de cette introduction dans laminéralogie, ou surtout la géologie, domaines entièrement nouveaux pour la plupart d'entre eux. Ildisait, en sa première leçon, à chaque promotion : " La Géologie a un intérêt en soi, parce qu'elleest belle, elle plane au-dessus des cimes, au-dessus des âges. Elle voit la Terre vieillir, se rider, etretrouver une nouvelle jeunesse. " Il évoquait des visions que l'on sentait vécues : " les volcanshomogènes du Velay, géants à silhouettes grimaçantes dressés sur les plateaux ; l'usure terrible durelief dans l'air sec et pur des grandes altitudes, où, sur la plupart des arêtes, il n'y a pas une pierrequi tienne ; ou bien les plus jolies montagnes du monde, les Alpes dolomitiques, découpées enaiguilles, blanc rosé, extraordinairement séduisantes. " - Il parlait du développement de la vie "semblable à la marche d'une grande armée, avec des corps d'armée distincts. A mesure de lamarche, d'autres se joignent à eux. D'autres sont décimés par des ennemis invisibles. Les corpsd'armée restent distincts, mais en eux-mêmes certaines transformations se font peu à peu. D'oùviennent-ils et où vont-ils? On ne sait ". Il exhumait telles formations géologiques qu'on ne voitplus se faire aujourd'hui : " Le secret a l'air d'en être perdu, disait-il. " La forêt carbonifère étaitdécrite avec une particulière complaisance comme il sied en une Ecole des Mines, et, avant des'habituer à l'envisager sous l'angle industriel, les élèves apprenaient le style de ses paysagesrigides et silencieux, où, toutefois, les frondes des fougères mettaient quelque chose d'imprévu etde gracieux. La leçon sur le Quaternaire avait sa réputation ; chaque année un groupe d'auditeursde choix venait ce jour-là se joindre à ses élèves et s'entasser dans l'amphithéâtre de l'École desMines. Le Maître racontait avec une émotion vibrante, presque avec ferveur, les documentsfragmentaires aujourd'hui connus concernant les circonstances qui ont entouré le grand fait del'histoire du Monde, l'apparition de l'Homme. Il exposait avec impartialité les deux hypothèses del'évolutionnisme, admissible, disait-il, pour les spiritualistes, et de l'originalité du phylum humain,qu'il préférait. "Il ne faut pas dire, cependant, du mal des singes, ajoutait-il, ils sont intelligents ; ilsn'ont pas la parole, mais chantent en choeur dans les forêts de Malaisie, fort harmonieusement, lesoir et le matin, des choses qui ne sont pas sans charme. La Géologie laisse absolument libre dechoisir. Partisans de l'une ou de l'autre hypothèse, avec une égale sérénité, nous nous rencontronsdans le sentiment commun de respect pour les faits, d'admiration pour les lois de la vie, decompassion pour les plus anciennes races humaines dont nous connaissons les vestiges, races dontle sort paraît avoir été bien misérable, refoulées qu'elles furent par une humanité plus intelligente."

L'entrain et la vie animant ces leçons ne nuisaient ni à la précision de l'exposé des faits, ni à leurcritique objective. C'était un cours très substantiel qu'il fallait un sérieux effort aux élèves pourassimiler. Et même beaucoup de spécialistes auraient eu profit à en écouter les chapitres consacrésà la tectonique, faits de quelques principes et d'un grand nombre d'exemples concrets bien classés.

Aux Travaux pratiques, Pierre Termier prenait contact davantage avec ses élèves. Il s'asseyaitvolontiers un peu à l'écart des tables où les séries d'échantillons étaient disposées ; un cercle seformait et l'on regardait avec lui de belles illustrations de quelque traité ou mémoire géologique,ou plutôt les séduisantes cartes géologiques multicolores d'une contrée quelconque de la planète. Illes commentait comme seul il en avait le secret, et simplement, familièrement, les grands traits duvisage de la Terre se révélaient à nous en leur signification profonde.

Mais c'était aux courses géologiques que l'on devenait vraiment ses disciples. Là, il fallait,disait-il, acquérir des sens nouveaux afin d'avoir désormais de la Nature une vision plus riche etsans cesse ouvreuse d'aperçus insoupçonnés naguère. On allait dans des régions difficiles, des paysde nappes. Sans doute, les élèves, ayant suivi ses leçons de Géologie une année durant parmibeaucoup d'autres cours, n'étaient pas à même de tout comprendre et de tout discuter. Mais le but

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principal n'était pas de les mettre en possession d'une sorte de bagage géologique élémentaire ; ilavait en outre un but plus élevé : leur faire éprouver la fascination des grands problèmes de laGéologie, leur donner si possible la soif ardente de creuser les mystères du monde et, par là, leurapprendre à " n'être jamais satisfait, ni de soi-même, ni de sa part de connaissance, à cherchertoujours, à s'efforcer toujours, et à monter toujours. "

Pierre Termier était infatigable, toujours en tête dans les courses très dures certains jours, tellecette traversée de la Quatrième Ecaille briançonnaise entre le Monétier et Briançon que l'École desMines refit plusieurs années. En 1925, il mena la promotion au Chaillol-Viel, à 3.163 m. d'altitude.C'était un record, car des quarante élèves qui le suivaient, plusieurs voyaient les Alpes pour lapremière fois. Durant la dernière partie de l'ascension sur la longue dalle peu inclinée de cristallin,la neige était épaisse et molle, mais il n'en " traça " pas moins lui-même toute cette fatigantemontée de plus de 300 m., de sa même allure régulière de montagnard éprouvé.

Sur les cimes, celle-ci et d'autres dans les Alpes, ou de plus modestes sommets dans les montagnesd'Auvergne, des collines au bord des plaines, le groupe se reformait autour du Maître, tous àl'unisson dans la joie de l'effort accompli et de la contemplation du panorama. On écoutait l'exposésynthétique plein de clarté et d'enthousiasme, par où il résumait les enseignements de la journée etrendait intelligible toute la géologie du paysage, et on aurait voulu qu'il durât toujours. Celui qui aentendu ainsi, du sommet du Condran ou des prairies de l'Eychauda, le récit de l'histoire des Alpesne pourra jamais l'oublier : la limpidité de l'atmosphère rendait visibles jusque dans certains deleurs détails les montagnes proches et lointaines ; l'ordonnance des unités tectoniques pouvait s'ylire ; la puissance du spectacle, les formes évoquant irrésistiblement la notion du mouvement,l'impression d'inachevé qui s'attache à bien des aspects des paysages de sommets, tout celaconférait un attrait presque magique à la reconstitution par Pierre Termier des phases successivesde cette histoire.

Il eut pour disciples plus ou moins directs un grand nombre de géologues. Après la retraite deMarcel Bertrand, sa situation fut bientôt celle d'un chef d'école dans le domaine de la tectonique.Ses ouvrages, très accessibles, et mis en valeur par le charme de son style d'une clarté parfaite,eurent dès le principe un retentissement considérable. L'originalité et la hardiesse des thèses ainsique la précision de l'argumentation frappaient. C'est à lui qu'on doit surtout la réussite en Francede la conception des grands charriages, malgré l'inévitable divorce surgissant ça et là entrel'application encore incertaine d'une théorie récente et le développement des observationsnouvelles. On ne vit pas en cette matière de ces réactions injustifiées qui remettent tout en questionjusqu'aux fondements et suivent souvent à une certaine distance les nouveautés en Science commeailleurs.

Il effectua des études régionales en commun avec plusieurs, ce qui était un puissant moyend'échange d'idées et de diffusion de son enseignement. Sa situation de Directeur du Service de laCarte géologique le mit en rapport suivi avec la plupart des géologues de notre pays. Répartissantle travail cartographique, le contrôlant dans une certaine mesure, il exerça une forte influence surbeaucoup. Accessible à tous et très compréhensif, il recevait souvent les Collaborateurs du Servicequi venaient volontiers lui exposer leurs travaux, et c'étaient de longues conversations dépassantde beaucoup le cadre d'un compte rendu administratif, et où le progrès des connaissances sur leplan général tenait la première place. Il accueillait avec une sympathie particulière les jeunes,suivait les progrès de leurs travaux, discutait familièrement avec eux, avait à coeur avant tout deles encourager. Si l'on était un peu déprimé, ou au contraire emballé à faux sur une idéecontestable, on sortait de ces entretiens remis d'aplomb. Il avait le talent de placer en pleinelumière l'essentiel, de faire surgir l'intérêt des faits nouveaux, d'apprendre à envisager les

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problèmes par leurs sommets et dans leur généralité.

Il dissipait les brumes : en causant avec lui, on lisait plus clair en soi-même, comme par unecommunication de la lucidité de sa belle intelligence. L'entretien prenait parfois un tour étonnantpar les aperçus inattendus creusés soudain en terrain vierge et par la hardiesse de la pensée duMaître : il semblait parfois saisir dans une vision intuitive la question tout entière et en percevoirla solution par avance.

Cette aptitude s'est exprimée de manière manifeste plusieurs fois au cours de sa carrière. Lastructure des Alpes du Tyrol, la nappe des Schistes lustrés franco-italiens ont été aperçues d'abordet devinées sur des bases qui, pour tout autre, eussent été dénuées de signification. Son prestigescientifique reposait sur les brillants résultats de ses recherches, mais aussi sur sa façon supérieured'aborder les questions, par laquelle on était puissamment captivé toutes les fois qu'il prenait laparole.

Ce n'est pas seulement l'oeuvre scientifique de Pierre Termier qui est digne d'admiration, mais savie entière, harmonieuse en sa parfaite unité. Le labeur du géologue au cours de cinquante annéesde recherche ininterrompue, en ses longues élaborations coupées par l'éclair des découvertes, a étépage par page animé par l'idéal scientifique que Pierre Termier portait si haut : " Tel était monculte pour toi, ô Science humaine, si courte et cependant si grande. Je t'ai follement aimée, et,maintenant encore, je frémis tout entier à ta seule approche, au seul prononcé de ton nom demystère ", disait-il en l'avant-dermère de ses années. Par la conviction du rôle bienfaisant de laScience qui façonne " des âmes capables de sortir du monde matériel et de s'élancer dans le mondede l'esprit ", par le sentiment de la collaboration générale, condition du progrès dans le champ dela recherche désintéressée, et par celui de l'universalité du patrimoine intellectuel sans acceptionsde personnes ni frontières entre les nations, l'amour de l'humanité et l'idéal scientifique s'unissaienten lui intimement. Cette double et ardente aspiration trouvait son sens complet et sa fin véritabledans la foi catholique qui a orienté tous les actes de sa vie. Artiste de la parole et de la plume,amoureux de beau style, de belle musique, des grandes visions de la nature, de tout ce qui ennoblitet réjouit l'âme, il lisait en ces aspects de la Beauté les mêmes raisons de croire qu'en l'édificemerveilleux des connaissances intellectuelles. A fortiori, imprégnées de ce souffle de foi etd'amour, sa vie familiale qu'ont rehaussée souvent de grands chagrins, ses relations avec ses amis,et la trame normale de l'existence constituée des mille détails des obligations professionnelles etdes démarches ordinaires de chaque jour, prenaient par là tout leur prix. Vus sous cet angle, lesépisodes de la vie s'ajustent et s'ordonnent pour enrichir toujours la destinée. La joie d'unedécouverte, d'un service rendu, d'un voyage en pays nouveau acquièrent un sens commun, et lereste à l'avenant dans le flot des contingences. Par suite de l'aptitude dès longtemps habituelle àtout envisager ainsi, s'explique cette jeunesse d'esprit, prompte à admirer et à aimer, qu'il gardait etqui était un des charmes de son commerce. L'unité parfaite et si fortement motivée de sapersonnalité s'est affirmée sans cesse : tous ceux qui l'ont connu en les circonstances les plusdiverses, en son existence familiale, ou comme savant, comme ingénieur, comme professeur, enses livres, dans l'enceinte d'une salle de conférences, dans les paysages des Alpes ou au delà del'Océan, dans la foule et dans l'intimité, tous, je crois bien, ont pu le connaître également, éprouverde lui la même influence, ressentir le même rayonnement d'enthousiasme communicatif, l'attiranceau même idéal.

Les éléments les plus précieux d'une existence ne s'écrivent jamais, car le domaine de la vieintérieure est incommunicable. Toutefois, dans ce silence de l'analyse, un trait révélateur s'impose :la bonté de Pierre Termier, réelle, profonde, poussée à un point rare. Elle est un côté essentiel deson caractère, et, à en faire abstraction, on ne peut le comprendre tout à fait. Une amitié sincère,

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qui est sans doute l'un des aspects de la sagesse, imprégnait ses relations avec tous. Elle expliquel'optimisme qu'il s'honorait de professer en ce qui concerne l'humanité. Elle était basée sur unesympathie très vive pour tout homme, une compréhension très affinée, nullement aveugle auxdéfauts, mais il s'attachait toujours, à la façon d'un artiste, aux côtés nobles qu'on trouve en chaqueâme : elle revêtait d'une nuance particulière et bienfaisante les rapports qu'on avait avec lui.

Tous ceux qui l'ont connu, même d'assez loin, ont senti cela, et maintenant que les souvenirsmontent dans leur mémoire, témoignages précieux du passé, d'au-delà de l'abîme qu'à creusé lamort, ils ne peuvent séparer la vision du grand géologue de celle de l'ami vrai que Pierre Termierfut pour tous.

Ami de Léon BLOY, Pierre TERMIER est poète et croyant comme l'attestent ses oeuvreslittéraires :

A la gloire de la terre (1922)La joie de connaître (1929)

En 1914, Pierre TERMIER fut affecté comme lieutenant-colonel d'artillerie à l'arsenal deRennes.

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