pierre sèche

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pierre sèche Pierre Coste Claire Cornu Danièle Larcena René Sette Photographies de François-Xavier Emery le bec en l’air ÉDITIONS

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La technique de la pierre sèche, commune à l’humanité, a été mise en œuvre

avec beaucoup d’inventivité dans la vie quotidienne : murs de clôture,

terrasses agricoles, cabanes pour protéger les bêtes ou remiser les récoltes,

aiguiers pour capter l’eau, escaliers et sentiers pour conquérir les versants…

À la fois documentaire et pratique, ce livre invite à une découverte

des paysages de pierre sèche modelés par l’homme dans le monde entier.

Des restanques provençales aux terrasses escarpées du Cap-Vert, des clôtures

des jardins cévenols aux temples japonais de Nara, ces architectures anonymes

demeurent d’une complète actualité. Pour preuve, une nouvelle génération

de maçons à pierre sèche a fait son apparition, montrant ainsi la nécessité

patrimoniale et écologique de préserver et de transmettre ce savoir-faire.

Cinq spécialistes de la pierre sèche apportent ici leurs connaissances passionnées

et partagent leurs expériences. Un chapitre pratique détaille en images

la construction d’un mur et offre à chacun, particulier ou professionnel,

la possibilité de bâtir ou de restaurer des ouvrages en pierre sèche.

dans la même collection Calades, les sols de pierre

978-2-916073-29-3 35 €

pierre sèchePierre Coste Claire Cornu Danièle Larcena René Sette

Photographies de François-Xavier Emery

le bec en l’airÉ D I T I O N S

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édition Fabienne Pavia & Fabien Vidottodirection de la rédaction Pierre Costecorrection Myriam Blancconception graphique le bec en l’air

© le bec en l’air, 2008ISBN : 978-2-916073-29-3

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

le bec en l’airé d i t i o n s

contact @ becair.comwww.becair.com

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pierre sèchePierre Coste, Claire Cornu, Danièle Larcena, René Sette

Photographies de François-Xavier Emery

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1 • TerriToires de la pierre sèche 8ce que la nature offre… 10

les terroirs et leurs jointures 11

dures, tendres, sonores 14

Une occupation respectueuse du territoire 17

2 • la pierre compagne 22Épierrer, stocker 23

Tenir les pentes 24

Tenir les routes 25

cheminer 26

gravir 27

abriter les hommes 30

abriter les bêtes 34

abriter les outils 34

abriter les récoltes 37

presser le raisin 37

Battre les céréales 38

Élever des abeilles 39

cuire les pierres 39

chasser, piéger 40

pêcher 41

clôturer 42

capter, conserver l’eau 44

Freiner, canaliser l’eau 45

cultiver le rocher 46

Briser les avalanches 47

distiller la forêt 47

surveiller, alerter 48

défendre 49

prier 50

Vallon de la Tapy 52

Vallon de carroufra 58

3 • des siTes exemplaires 60lake district national park, angleterre 61

Vallée du haut douro, portugal 64

la fatarella, espagne 68

Île de sóller, espagne 72

Tinos et andros, grèce 76

muraille de la peste, France 78

haute vallée du fleuve pas, espagne 80

nara, Japon 84

le Valais, suisse 86

Île de gotland, suède 88

route de la Torte, France 90

Vallon des calquières, France 92

moselle et rhin, allemagne 96

les cinque Terre, italie 98

saint-martial, France 100

4 • praTiqUe 104les pierres du mur 105

construire un mur 111

5 • la pierre sèche aUJoUrd’hUi 138Écoconstruction avant l’heure 140

la pierre pour gérer l’eau 141

la pierre pour cultiver 142

Vertus techniques 143

que bâtir en pierre sèche ajourd’hui ? 144

la protection du patrimoine en pierre sèche 146

paroles d’artisans 150

glossaire 156

Bibliographies 160

Biographies 162

SoMMaIre

Marguerittes, gard.

oLIVeraIe eN graNdeS TerraSSeS PorTéeS

Par deS MurS de CaLCaIre.

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l’architecture de pierre sèche prend son meilleur sens dans l’espace rural. elle a pu certes être la technique pour construire, ici et là dans le monde, des villages entiers. mais c’est dans l’occupation par l’homme de vastes espaces aux terres ingrates qu’elle excelle – du moins tant que l’homme n’a pas de machines ni de moteurs et qu’il ne compte pas son temps.on parle de cette architecture au présent. certes en France, dans le midi où ce livre est écrit, les derniers grands chantiers de pierre sèche liés à l’économie rurale remontent à la fin du xixe siècle, et pour d’ulti-mes réalisations au milieu du xxe. mais ailleurs dans le monde, cette technique est d’une complète actua-lité. saison après saison des paysans entretiennent des soutènements de terrasses, des enclos pour protéger labours et jardins, en construisent de nouveaux ; des bergers épierrent des terres vagues pour gagner un peu d’herbe ; des nomades réparent les enceintes qui pro-tègent du vent leur campement…et dans ce midi français devenu paysage des vacances, des murs de terrasses sont relevés, des aménagements villageois font de la pierre sèche un manifeste, les chantiers de volontaires, les stages de formation pour

amateurs ou pour professionnels sont des succès, et une nouvelle génération de maçons à pierre sèche com-mence à vivre honorablement de ce métier. cette façon de bâtir, un petit nombre de ces nouveaux maçons, privilégiés, l’ont apprise de leur père, de leur grand-père, sans qu’il y ait eu rupture dans la transmission du savoir, vertige du tout béton. les autres ont recons-titué les gestes et le savoir par observation, analyse, expériences, compagnonnage, voyages – les îles Bri-tanniques sont de fameux endroits où réapprendre…les paysages de la pierre sèche, si admirés, n’ont de chance de durer, d’être entretenus ou renouvelés, que s’ils conservent une valeur économique ou foncière. dans une société de normes, le nouveau maçon à pierre sèche doit pouvoir s’appuyer sur un corpus de règles vérifiées. ce corpus est en cours d’écriture, le dernier chapitre de ce livre en expose l’objet et l’esprit.

TerriToires de la pierre sèche

Lors du labour d’hiver, un paysan de la plaine du Haouz a encore remonté trois grosses

pierres, galets abandonnés là par les torrents de l’atlas. Il les a posés en bordure du champ,

petite pyramide qui marque la limite entre la terre cultivée et la piste des troupeaux,

signifiant aussi que le champ est propre, prêt pour les semailles.

Ce que la nature offre…

Sur L’îLe de Madère, Pour LIMITer L’eFFeT du VeNT

de L’oCéaN Sur LeS ParCeLLeS de VIgNoBLeS,

LeS MurS deS TerraSSeS SoNT CoMPLéTéS Par

deS PaLISSadeS SerréeS de Bruyère à BaLaIS.

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ce que la nature offre…

la nature distribue les pierres à la surface de la terre au gré de la géologie, de l’érosion (par l’eau, le gel et les glaciers, le vent même…). l’homme avec ces pierres dessine son projet d’occupation de l’espace et le remo-dèle inlassablement.là où la nature n’offre pas de pierres à bâtir (plaines de limons et cailloutis, rochers trop friables, forêts aux humus épais…), l’homme dessine l’espace avec d’autres matériaux prélevés sur place : terre crue, végétaux vifs ou morts, assemblés, tressés ou plantés. et souvent, il mêle plusieurs techniques pour aller au plus efficace :• végétal complétant la pierre (pour texturer les murs

avec les racines, les couronner et les rendre plus infranchissables, ou pour fermer rapidement une brèche ou une lacune d’une clôture) ;

• chaux ou argile crue pour lier des parties plus sensi-bles d’un mur de pierre ;

• mise à profit, si le climat le permet, des racines des arbres, des buissons, des herbes, pour tenir les talus.

quand nous redécouvrons ces architectures populaires, nous pouvons être tentés de les souhaiter pures : l’ouvrage entier monté sans liant, juste les pierres bien choisies et assemblées. mais les bâtisseurs ordinaires étaient dans une autre démarche, et si l’on apprend à voir ces techni-ques mixtes on est vite fasciné par l’invention qui a été mise en œuvre, la variété des combinaisons imbriquées ou juxtaposées. elles changent en fonction des besoins, des ressources, et aussi de la culture, du savoir-faire du groupe auquel ces bâtisseurs appartenaient. le choix des matériaux, le soin dans leur mise en œuvre, leur fini-tion, reflètent la valeur accordée à chacun des éléments du bâti rural – petits équipements collectifs (chapelles, fours, lavoirs, fontaines…), maisons permanentes, bâti-ments d’exploitation, habitats temporaires des écarts *, clôtures et soutènements voisins du village, ou loin de tout passage… (la force et l ’originalité de chaque projet relevant plus, elles, du talent personnel de maîtres d’œuvre le plus souvent anonymes.)

Voisinage et Mélange de teChniques.

à L’eNTrée d’uN VILLage CéVeNoL, MurS

d’uNe MaISoN eT du SouTèNeMeNT de SoN jardIN :

LeS MêMeS PIerreS de SCHISTe, MêMe ModuLe,

SeNSIBLeMeNT MêMe PoSe, MaIS LIéeS à La CHaux

Pour La MaISoN, MoNTéeS à SeC Pour Le jardIN.

épierrage.

TaS d’éPIerrage Sur Le CôNe de déjeCTIoN

deS SaNIèreS à jauSIerS, aLPeS-de-HauTe-ProVeNCe.

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TerrIToIreS de La PIerre SèCHe 111

les terroirs et leurs jointures

cet espace rural, que l’homme a organisé et conquis dès le néolithique, les géographes le distinguent en quatre grands domaines : du plus près au plus loin des maisons, l’hortus (les jardins), l’ager (les terres labou-rées, cultivées, fauchées), le saltus (les terres pâturées, les landes), la silva (la forêt).dans l’ager de plaines à terres profondes, peu pierreu-ses, les bornes, les fossés, les haies en bocage convien-nent pour organiser l’espace. c’est sur les versants (collines, montagnes) et les plateaux que la conquête de nouvelles terres pour les labours ou les prés de fauche demande un travail d’épierrage considérable, poursuivi, affiné pendant plusieurs générations. dans les pentes, ces pierres sont organisées en murs de ter-

rasses de culture – chaque mur à la fois soutenant la terrasse supérieure, la drainant, contenant l’érosion de la pente et le ravinement par les eaux, et servant de réservoir des cailloux gros et petits de l’épierrage. sur les plateaux, ces pierres deviennent murs de clôture entre les champs, parfois frein au vent – la fonction de réservoir des cailloux étant toujours présente.dans le saltus, l ’épierrage est moins systématique : si le rapport vigueur de l ’herbe/abondance des pierres fait que celles-ci ont été recouvertes par la pelouse, inutile de les déterrer. mais un (ancien) pâturage par-semé de tas réguliers de cailloux peut être le signe que des bergers ont eu la patience de les regrouper là pour augmenter la surface enherbée.

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tighfert, haut atlas, MaroC.

LeS CuLTureS, LeS PâTurageS eT Le CHeMIN deS TrouPeaux.

eNTre LeS LaBourS (ager) eT LeS zoNeS PâTuréeS (saltus),

La PIerre SèCHe eST ForTeMeNT PréSeNTe Pour TeNIr LeS TerraSSeS,

Pour BIeN ISoLer LeS CHeMINS deS LaBourS.

à droITe, uNe graNde PLaCe reCTaNguLaIre, à L’INTerFaCe de L’ager

eT du saltus, raSSeMBLe eT dISTrIBue LeS FLux deS HoMMeS eT deS BêTeS.

eN HauT de La zoNe CuLTIVée, au MILIeu, queLqueS TerraSSeS,

MédIoCreMeNT eNTreTeNueS, Ne SoNT LaBouréeS eT SeMéeS

que LeS « BoNNeS » aNNéeS, CeLLeS où LeS PLuIeS SoNT au reNdez-VouS.

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TerrIToIreS de La PIerre SèCHe 131

haute Vallée de l’ubaye, alpes-de-haute-proVenCe.

éPIerrage deS CHaMPS à L’adreT de CoMBreMoNT.

à PLuS de 2 000 MèTreS d’aLTITude, deS TerreS oNT éTé

LaBouréeS eT PLaNTéeS de SeIgLe juSqu’au déBuT

du xxe SIèCLe. deS MureTS de PIerre SèCHe CaNToNNeNT

LeS CHeMINS. eN reVaNCHe, Ce SoNT de SIMPLeS TaLuS

de Terre quI CorrIgeNT uN Peu La PeNTe deS TerraINS.

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il y a deux autres parties du territoire humanisé où la pierre sèche excelle :• les chemins et sentiers (murs de soutènement, murs

de bordure, empierrage, jalons et repères publics et privés) : on en reparlera (p. 26) ;

• les contacts des terroirs, les lignes et les aires où un terroir prend le relais d’un autre : clôtures majeures protégeant le quartier des jardins, ou les vergers et terres labourées là où ils sont longés par les chemins quotidiens des troupeaux ; frange de l’ager où la terre n’est pas labourée chaque année, mais seulement si le climat s’annonce propice ou si les greniers sont très vides ; cultures dérobées autour d’une bergerie, d’un campement nomade, d’un chantier de charbonnier ; nettoyage d’une lande pour y faciliter des cueillettes annuelles. aux xviiie et xixe siècles dans le midi de la France, des paysans ayant besoin de nourrir leur famille ou des citadins de classes populaires conquiè-rent des versants de collines et de montagnes jusque-là voués au pâturage ou au boisillage : ce peut être un quartier conquis à plusieurs – comme le vallon des Bourguignons à marguerittes, dans le gard, par les ouvriers des usines de tapis et textiles du bourg et de nîmes (p. 32) –, ou le projet d’une seule personne qui le défriche et le bâtit comme un enclos idéal – tels auguste martin à Banon (alpes-de-haute-provence), louis roussel à Joyeuse (ardèche) ou l’anonyme qui a construit un grand mur de clôture et esquissé les pre-mières terrasses d’un enclos à Vialas (lozère).

dures, tendres, sonores, mates, friables…

la carte de la pierre sèche recouvre largement celle des affleurements des calcaires et des schistes, roches souvent litées, qui se prêtent facilement à cette façon de construire. mais d’autres roches sont employées qui donnent leur originalité (couleur, matière), et les calcaires eux-mêmes sont d’une grande variété. Une « géologie de la pierre sèche » dépasse le cadre de ce livre, voici néanmoins quelques cas, en France.

en premier lieu, les calcaires coquilliers des mers peu profondes du miocène. ces eaux ont envahi une grande partie du bassin de la loire – jusqu’à faire de la Bretagne une île (mer de Faluns) –, de l’aquitaine, de la provence, du bas languedoc et de la vallée du rhône jusqu’au-delà de genève… au fond de la mer méridionale du miocène (- 25 à - 5 millions d’années), les sédiments, sables et fragments rocheux cimentés à des débris de coquillages se sont déposés sur quelques mètres à quelques dizaines de mètres d’épaisseur. d’une zone à l’autre, la couleur varie (du blanc pur à l’ocre), ainsi que le grain (de très fin à grossier), mais c’est la même histoire sédimentaire. le milieu du banc rocheux (qui correspond au plus profond et au plus calme de la mer) fournit une pierre homogène, qu’on peut découper au pic ou à la scie : la « molasse », avec laquelle sont bâtis avignon, aix, montpellier et pézenas, le château des Baux et le pont du gard, les villages du luberon et, grâce au bateau ou au train, une partie de lyon, de marseille et même d’alger. les couches supérieures du banc (alors que la mer reculait, devenait agitée, troublée par les crues des torrents riverains) sont de plus en plus litées. ce sont elles qui forment la croûte des collines, que le gel et les pluies d’orage ont largement disloquée, laissant entre des cailloux médiocres une terre argileuse peu épaisse mais belle, convenant à des cultures au sec, des pâtura-ges d’automne et d’hiver, des truffières… si on creuse d’une largeur (ou d’une hauteur) de main, la roche est déjà plus homogène, mais encore suffisamment litée pour qu’avec une pioche ou une barre de fer on la déta-che en grandes plaques. quelques coups de masse ou de têtu, et voilà le matériau des murs de terrasses, des cabanes, des abris ruchers… il a été aussi, largement, le matériau des maisons de village, où pour avoir de beaux linteaux ou piédroits on a simplement, à proximité, entamé un peu plus profond la colline, là où les lits de la roche sont de plus en plus épais. c’est dans ces mêmes niveaux exempts de strates qu’étaient extraites les meules de moulins qui lui ont donné son nom : molasse.

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CaLCaIre SeCoNdaIre à MarguerITTeS, gard.

IL Se déBITe eN PLaqueS aux ForMeS

TrIaNguLaIreS ou eN LoSaNgeS.

SCHISTe à SaINT-MarTIaL, CéVeNNeS.

grèS PerMIeN à MoNTaLBÁN, eSPagNe.

MIoCèNe MarIN au VaLLoN de La TaPy, VauCLuSe.

aLTerNaNCe de gNeISS eT de MarBre

à TINoS, CyCLadeS, grèCe.

aLTerNaNCe de BaSaLTe VoLCaNIque eT de LaVe

TeNdre, Sur L’îLe de SaNTo aNTão, CaP-VerT.

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et là où le calcaire miocène est tranché par l’érosion, il est bien rare qu’il n’ait pas tenté les perceurs de falai-ses : c’est lui qui abrite la majorité des habitats troglo-dytes méridionaux. les calcaires de l’ère secondaire sont abondamment représentés : chaînons préalpins et contreforts nord des pyrénées, causses du sud et de l’ouest du massif central, collines et côtes du sud et de l’est du Bassin parisien, Jura… À daglan, dans le périgord, les constructeurs des cabanes ont préféré les lauzes régulières et com-pactes du jurassique supérieur. leur second choix a été des plaques rugueuses du crétacé supérieur. mais sou-vent ils ont dû se contenter, toujours dans les étages du crétacé et du jurassique, de petites plaques cassantes ou de blocs épais et gélifs difficiles à bâtir en encorbel-lement. À mi-pente de la montagne de lure, en haute provence, les calcaires bédouliens sont si médiocres que bergeries et cabanes y ont été bâties à la chaux, alors que vers le sommet, le barrémien, dur et sonore, se débite en belles plaques, propices pour monter des voûtes et les couvrir de grandes lauzes, et en éclats plus petits et triangulaires qui, assemblés avec patience, font des murs solides. dans le haut bassin de l’argens (Var), des calcaires jurassiques, tout aussi durs, don-nent des blocs polygonaux qu’il faut non plus poser en assises * mais emboîter.les grès, sables généralement siliceux liés par un ciment naturel, résistent médiocrement aux intem-péries s’ils sont trop tendres, et font alors des murs qui vont se tasser. mais d’une zone d’extraction à une autre, ils changent : durs ici et en belles assises, ils font les chaînes d’angle ; fragiles un peu plus loin, ils font les parements ordinaires des murs. s’ils sont rouges ou jaunes et mariés à des calcaires blancs, le jeu des couleurs s’ajoute à l’agencement des pierres. dans le haut atlas, des blocs de grès rouge brique, d’une grande dureté, roulés par les torrents, sont éclatés à la masse et taillés pour obtenir des moellons avec des faces parallèles.

hauteriVe, lozère.

CaLCaIre juraSSIque dur Se déBITaNT

eN BLoCS ParaLLéLéPIPédIqueS

réguLIerS FaCILeS à BâTIr.

Mont lozère.

au MILIeu du CHaoS roCHeux, L’éPIerrage

a PerMIS de dégager deS ParCeLLeS quI

PeuVeNT êTre FauCHéeS ou LaBouréeS.

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TerrIToIreS de La PIerre SèCHe 171

les schistes ont été soumis à des pressions et des tem-pératures si fortes dans la profondeur de l’écorce terres-tre qu’ils y ont acquis une structure feuilletée et que les sédiments qui les composent ont été transformés, par-fois enrichis en mica. cette pierre « qu’on peut fendre » (scisto vı) donne des moellons bien réguliers, des lauzes de couverture, des ardoises. ses faciès sont très variés : fragiles et se brisant en petits éclats ; avec de beaux reflets lustrés mais lisses comme des savonnettes ; en longues assises faciles à bâtir mais néanmoins cassantes. les cévenols s’en méfient pour les linteaux et surmon-tent ceux-ci d’un arc ou d’un triangle de décharge *.les basaltes et les roches volcaniques sont également utilisés – ardèche, haute-loire, île de madère… le granit est le matériau en corse de terrasses, de ber-geries semi-troglodytes, sur le mont lozère de murs et d’enclos, de soutènements routiers… les galets de torrents, pour peu qu’ils soient encore irrégulièrement usés, sont mis en œuvre, avec des fruits * plus forts, ou en remplissage au milieu de schistes ou de calcai-res ; a fortiori les pierres de moraines. en combrie, en Écosse, certains murs sont montés avec de gros galets roulés de torrents : pour les stabiliser, les bâtisseurs ont intercalé entre chaque rang des plaques d’ardoises.de façon générale, les constructions traditionnelles en pierre sèche sont faites avec les pierres du voisinage, celles en amont du chantier plutôt que celles en aval. quand il n’y en a pas d’autres, des pierres très médio-cres sont mises en œuvre.

Une occupation respectueuse du territoire

les aménagements en pierre sèche constituent des interventions plutôt légères de l’homme dans l’es-pace sauvage. certes, dans des périodes de poussée démographique, de grands défrichements de versants ou des créations de pâturages en place de la forêt se sont faits sans grande considération des équili-bres naturels, provoquant des catastrophes (érosion, inondations…) et entraînant des réglementations

(xvie siècle, fin du xviiie…). mais pour des program-mes plus modestes, l’espace ainsi ouvert favorise la diversité des espèces animales et végétales (de pleine lumière, de lisière, de couvert forestier, commensa-les des cultures…), et leurs échanges. les terrasses de culture stabilisent les terres des versants, limitent considérablement leur érosion.comparé à celui des haies de bocage, le bilan écologique des murs de ces terrasses ou des enclos est moins foison-nant. le bocage, dans une économie agricole à échan-ges limités, fournissait du bois de chauffage, de l’osier, des bois pour le charronnage et les outils, des feuilles pour nourrir les bêtes, des baies et des fruits pour les humains… les murs de terrasses ne s’accommodent du voisinage immédiat des arbres que s’il est maîtrisé, et

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flore et faune des Murailles.

NoMBrILS de VéNuS,

FougèreS daNS LeS SCHISTeS

de SaINT-MarTIaL, CéVeNNeS.

Lézard daNS LeS CaLCaIreS

CréTaCéS de La MoNTagNe de Lure,

aLPeS-de-HauTe-ProVeNCe.

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TerrIToIreS de La PIerre SèCHe 191

leurs racines ou leurs branches point trop menaçantes : ils peuvent être alors les alliés des vignes de treille, des kiwis, des fruitiers palissés, des rosiers grimpants, à qui ils apportent support et écran protecteur et réflecteur. c’est que terrasses et talus, murs comme haies, ont largement en commun de protéger les cultures par des microclimats (atténuant le vent, stockant ou régulant la chaleur, la pluie, l’humidité…), d’abriter toute une faune d’oiseaux, de petits mammifères, de reptiles, d’insectes qui concourent à l’équilibre du milieu. la petite flore qui s’accroche aux murailles et aux talus pierreux participe à ce bilan ; elle fournissait aux cueilleuses et cueilleurs, en des emplacements du ter-ritoire villageois faciles à retrouver d’année en année, certaines des plantes recherchées pour la santé ou l’ali-mentation : pariétaire, centranthe, chélidoine, saxi-frage, nombril de Vénus, sedum et joubarbe, ronce et asperge sauvage 1, etc.Vivre dans une cabane (le temps des moissons, de l’estive, de la chasse, de la fabrication d’une charbon-nière…) apporte une proximité de la nature que n’offre pas une maison de village, a fortiori de ville. l’acte même de construire ou d’entretenir des murs ouvre un vaste champ de connaissance et de sensibilité avec le maté-riau pierre : identifier les pierres les plus adéquates, leurs gisements, les regarder, les peser, les faire sonner, les porter, les prendre et reprendre pour trouver leur bonne place : un rapport à la fois fort et caressant…lorsque les constructions ne sont plus entretenues, qu’elles sont abandonnées, les dégradations naturel-les surviennent vite : les pierres qui ont éclaté au gel ou ont cédé au déséquilibre des poussées ne sont plus remplacées, les racines et troncs des végétaux écartent les pierres, les branches secouées par le vent arrachent les corniches, les troupeaux d’ovins et de chèvres font

sauter les couronnements, les terres gorgées d’eau déchaussent les bases… la forêt qui repousse protège un temps les versants en terrasses. mais si les arbres adultes sont livrés au bûcheron, leur débardage cau-sera de graves dégâts aux murs de soutènement. et s’ils sont trop vieux et arrachés par la tempête ou la neige, leurs souches renversées créeront autant de plaies.en un ou deux siècles, les pierres vont tomber au sol. ne resteront plus que les bases des murs, pris peu à peu dans la couverture végétale et dans l’humus. seuls les très grands pierriers resteront visibles, rhabillés des mêmes lichens que ceux des escarpements rocheux voi-sins. c’est le privilège de cette architecture – et de celles en bois, en paille, en terre – de revenir à l’état sauvage.

1. Parietaria officinalis ou diffusa, Centranthus ruber, Chelidonium majus, Umbilicus pendulinus, Sedum sp., Sempervirum sp., Rubus sp., Asparagus acutifolius.

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population rurale : maximums et reculs

les constructions de pierre sèche se dégradent de façon accélérée dès qu’elles ne sont plus entretenues. l’essentiel de ce que nous voyons debout en France (murs de terrasses, cabanes…) a été construit du milieu du xviiie siècle au début du xxe, à une époque de maximum de la population rurale, de conquête de nouvelles terres, d’addition dans les économies fami-liales de petites activités productrices pour toutes les saisons et pour tous les membres de la famille – éle-vage de vers à soie, petits troupeaux de moutons, de chèvres, de cochons, apiculture, production de poix ou d’huile de cade, cueillette de végétaux pour l ’ali-mentation, la pharmacie, les cosmétiques, chasse et piégeage d’animaux, etc.pour chacune de ces activités, on peut décrire des aménagements en pierre sèche : terrasses complan-tées de fruitiers ou de mûriers, de vignes, de céréa-les, enclos et abris des bêtes d’élevage, murs-ruchers, fours à poix ou à cade, épierrage soigné des pâtures où les cueilleurs doivent travailler au ras du sol avec la faucille, cabanes à meurtrières pour la chasse à l ’affût et petits aiguiers pour les animaux sauvages…les édifices datés (sur la face interne de la pierre de couronnement des voûtes, sur le linteau de la porte…) livrent un maximum de dates de construction entre 1850 et 1900.des constructions ayant servi d’habitat permanent ont pu, grâce à l ’entretien de leurs usagers, durer plus longtemps. ainsi à gordes (Vaucluse), au quartier des cabanes, on peut faire l ’hypothèse que certaines de ces cabanes existaient déjà au xvie siècle.la technique de construction en pierre sèche est évi-demment beaucoup plus ancienne. dès les grands défrichements du néolithique moyen (milieu du ive millénaire avant Jésus-christ), elle est employée pour des murs de cabanes (dont les toits et superstruc-tures restent en végétal – bois, branchages et ramée – et en terre). elle apparaît également dans des sépultures

collectives (dolmens), en complément de grandes dalles dressées. du néolithique moyen à l ’âge du fer (- 700 à - 100), les hommes, sédentarisés, construi-sent, avec des pierres sans liant, de taille parfois énorme, des enceintes fortifiées sur des hauteurs, en provence, languedoc, corse, andalousie… entou-rant des espaces redivisés en terrasses, elles sont assez vastes pour protéger les hommes, leurs maisons, leurs troupeaux, leurs activités artisanales. de murs assez bas aux iiie et iie millénaires – à peine une hauteur d’homme, mais sans doute complétés par des palissa-des ou des buissons piquants –, on passe à l ’âge du fer à des remparts plus hauts et soigneusement assisés, aux tours à angles arrondis résistant mieux aux coups de bélier (entremont, ambrussum, nages, céreste), sans doute appris au contact des civilisations médi-terranéennes, notamment des grecs qui ont pris pied sur la côte de la gaule. À la même époque, en gaule intérieure, les gaulois construisent des rem-parts de pierre prise entre des couches entrecroisées de poutres horizontales : le murus gallicus qu’admirait césar. c’est durant l ’antiquité que les pentes méri-dionales de la petite île de délos, dans les cyclades, ont été aménagées en terrasses de culture, portées par de puissants murs polygonaux de granit qui ont supporté ensuite deux millénaires de dépeuplement et d’abandon agricole de l ’île. les historiens datent du xie au xiiie siècle la consti-tution en provence des grands systèmes de terrasses de culture. après les reculs du xive-xve siècle (peste, guerre), des défrichements importants reprennent au xvie siècle. en 1600, l’agronome olivier de serres (originaire d’ardèche) recommande, quand on amé-nage une « trop droite pente », de l ’« adouci[r] par murailles transversantes, appelées bancs et collées qu’à pierre sèche pour l ’épargne ». au milieu du xviiie siècle, le roi de France lui-même encourage la conquête de nouvelles terres. c’est le début d’un

Page 21: pierre sèche

TerrIToIreS de La PIerre SèCHe 211

goult, VauCluse.

TouT uN VerSaNT eN aMPHITHéâTre TourNé VerS

Le Sud a éTé aMéNagé eN TerraSSeS, aux xVIIIe

eT xIxe SIèCLeS, Par de MuLTIPLeS ProPrIéTaIreS

quI CuLTIVaIeNT deS oLIVIerS, de La VIgNe eT, Sur

d’éTroITeS PLaNCHeS de LaBour, deS CéréaLeS eT

deS LéguMINeuSeS adaPTéeS à La SéCHereSSe.

grand mouvement, au sein duquel il faut néanmoins distinguer :• une agriculture de survie, de paysans pauvres qui

conquièrent et aménagent durant plus d’un siècle des pentes aux terres médiocres, avec un faible capital, mais beaucoup de main-d’œuvre familiale et villageoise ;

• une agriculture commerciale qui concentre sur quelques versants aux terres riches, bien exposées et irriguées, proches des villes ou des ports et des voies de communication, des cultures à haute valeur ajoutée – oliveraies et vergers, vignobles de grands crus, maraîchage, fleurs et plantes à parfums…

Une partie de celles-ci restent encore pertinentes, alors que les terrasses des paysans de l ’« agriculture extrême * » ont été abandonnées les unes après les autres, dès le dernier quart du xixe siècle, finissant de mourir dans les années 1950. Bientôt recouvertes par la garrigue et les arbres, les plus éloignées des villa-ges se sont retrouvées incluses dans les forêts doma-niales ou privées – dont l ’exploitation et le débar-dage du bois achèveront sans doute de les détruire. celles de la forêt méditerranéenne peuvent réappa-raître dans leur nudité minérale à la faveur des incen-dies. d’autres, aux marges de villes conquérantes, trouvent un nouveau destin de villégiature, « arboré, vue imprenable, cadre authentique ».du côté de l’habitat, le cas de huit hameaux d’auvergne, à l’ouest et au sud de clermont-Ferrand, remontant au moyen Âge, paraît significatif d’une façon de construire à moindre frais utilisée par des paysans qui défrichaient de nouvelles terres « à la périphérie des territoires parois-siaux » et s’y fixaient. lorsque ces hameaux et groupe-ments de maisons furent étudiés dans les années 1930 par l’historien pierre-François Fournier, ils étaient en ruine. le chercheur a pu en dater la création des xiiie et xvie siècles, certains ayant été abandonnés dès le xvie siècle, et le dernier à la fin du xviiie.

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2…

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232

le beauCet, VauCluse.

graNd TaS d’éPIerrage.

uN Mur de CeINTure CoNTIeNT

LeS PIerreS aFIN qu’eLLeS Ne

reToMBeNT PaS daNS LeS LaBourS.

dans quantité d’actes de la vie quotidienne, de la production et de l’organisation collective

des sociétés rurales, la pierre sèche a été mise en œuvre, avec beaucoup d’invention et

d’à-propos. on reprend ici le titre – « La pierre compagne » – d’un des chapitres d’une

exposition que le musée des arts et Traditions populaires de moyenne Provence, à

draguignan, avait consacrée en 2005 à la pierre sèche.

l a pi e r r e c om pag n e

Épierrer et stocker

l’épierrage des terres à cultiver est un moteur premier de l’acte de bâtir en pierre sèche : le travail de la terre à la pioche, à l’araire ou à la charrue nécessite d’en éliminer les pierres, au moins grosses et moyennes. (et sur bien des plateaux ou versants rocheux, le travail a consisté à mettre de côté un, deux ou trois volumes de pierres pour obtenir un volume de terre…) pour réduire l’emprise au sol du pierrier, il faut le bâtir. le tri des pierres commence dès cet ouvrage – les longues et régulières pour les parements *, les petites et informes pour le milieu, où, rangées et non jetées en vrac, elles tiendront encore moins de place. dans l’aménagement du versant, les soutènements des terras-ses, les enclos, ont aussi une fonction de pierriers. on voit des pierriers construits sur de gros blocs erratiques impossibles à déménager : pour ne rien perdre de la terre labourable.

ces tas de pierre (murgers bourguignons, clapas provençaux) peuvent être plus tard convoités pour remblayer, empierrer. la construction de la route du col du res-tefond (le plus haut col d’europe) a ainsi mangé la moitié des majestueux pierriers du cône torrentiel des sanières à Jausiers (alpes-de-haute-provence).

CourbessaC, gard.

CaBaNe deS CHaMPS reSTaurée

Par MaurICe rouSTaN.

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24 2

Tenir les pentes

les terrasses de culture soutenues par des murs de pierre sèche ont conquis les pentes les plus abruptes, et restent encore actives dans maintes collines et montagnes du monde. Bien exposées (vers le soleil du matin ou de midi), elles permettent des récoltes de qualité (fruits, vignes…) à des altitudes soutenues.Bien des travaux de conquête de nouvel-les terres ont été réalisés par les paysans eux-mêmes, pendant les mortes-saisons.la propriété des terrasses porte souvent sur des panneaux de terrasses superpo-sées, afin que chacun ait équitablement des terrasses de pied, de milieu et de haut de pente, dont les qualités ne sont pas les mêmes. des clôtures grimpant perpendiculairement aux terrasses mar-quent ces limites.

les terrasses sont assorties de chemins d’accès depuis l’extérieur et de chemi-nements internes – rampes, escaliers pris dans l’épaisseur du mur ou esca-liers volants. elles peuvent être équipées d’abris, de dispositifs pour maîtriser les ruisseaux qui les traversent, capter, conserver ou distribuer leur eau ou celle de sources, stocker temporairement les récoltes, etc. – équipements transposés, pour les terrasses qui sont toujours en activité, dans leur version moderne : arro-sage au goutte-à-goutte, transport des récoltes par crémaillère ou par câble…dans le code rural français, le mur d’une terrasse appartient à la terrasse qu’il soutient, et le propriétaire du fonds inférieur doit en permettre l’accès pour entretien ou réparation.

douro, portugal.

LeS gradINS de TerraSSeS

du VIgNoBLe reTIeNNeNT

Le VerSaNT eN MêMe

TeMPS qu’ILS CréeNT

uN MICroCLIMaT

FaVoraBLe

à La MaTuraTIoN

du raISIN (à gauCHe).

santo antão, Cap-Vert.

L’HérITage PorTugaIS

Se LIT daNS CeS TerraSSeS

CuLTIVéeS (à droITe).

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La PIerre CoMPagNe 252

Tenir les routes

Vingt pour cent des soutènements des routes nationales de France sont en pierre bâtie à joint vif, sans liant : travail de can-tonnier ou de tailleur de pierre, ajustant au mieux des blocs quadrangulaires ou polygonaux. il en est de même pour les soutènements de bien des voies ferrées, comme dans les alpes. c’est là un art plus savant que la pierre sèche paysanne, mais obéissant aux mêmes règles : qua-lité des fondations, profondeur * et fruit * du mur, et ayant les mêmes qualités de drainage, de souplesse et d’adaptation aux déformations.

Les soutènements des routes données d’un recensement, en 1998, par la direction des routes du ministère de l’Équipe-ment, des ouvrages de soutènement du réseau routier national français :• 11716murs recensés, couvrant2500000m².•Maçonneriedepierresèche:2109murs,

400000m².• Maçonnerie de pierre jointoyée: 6210murs.• Béton:3163murs.ne sont pas recensés dans l’enquête les réseaux routiers communaux et départementaux.

Murs de soutèneMent routiers dans les asturies, en proVenCe et au Cap-Vert.

eN FraNCe, La reSPoNSaBILITé deS SouTèNeMeNTS

INFérIeurS eT SuPérIeurS deS rouTeS aPParTIeNT

à La PuISSaNCe PuBLIque, d’où Ce TraVaIL quI TIeNT

à La FoIS de La PIerre SèCHe (CoNSTruCTIoN SaNS

LIaNT) eT de La TaILLe de PIerre.

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xxxxxxxxxxxxxxxxxxxx26 2

cheminer

avec les versants aménagés en terrasses de culture, les chemins sont les paysages les plus présents de la pierre sèche. sur la trame des champs (dictée par la rai-deur de la pente pour les terrasses, par l’histoire du foncier et des eaux pour les parcelles de plaine ou de plateau), ils superposent la maille des circulations et des échanges, plus large et pleine d’inat-tendu. sentier pour piétons qui file vers le bois, ou pour brouettes qui descend au quartier des jardins, chemin charretier qui relie deux villages, grandes « car-raires » (les cañadas reales d’espagne) qu’empruntaient les troupeaux transhu-mants entre plaine et montagne… la maille est souvent doublée, comme si les deux murs contenant le chemin étaient encore plus épais et hauts que les murs entre les champs – et l’impression vaut aussi pour les chemins des bocages.en pays de pierre sèche, celle-ci fait l’or-dinaire du bord des chemins : soutène-ments inférieurs et supérieurs, murs. ces murs varient selon ce qu’ils ont à proté-ger (jardins, labours, pâturages), leurs usagers habituels (piétons, vaches, mou-tons, chèvres…) et le volume d’épierrage qu’ils ont été chargés d’absorber. À l’ap-proche du village, ou de la bifurcation, le chemin se dilate, surtout s’il est utilisé par des troupeaux ou des charrettes :

CHeMIN quI MoNTe de MouSTIerS au PLaTeau

deS CourCHoNS (aLPeS-de-HauTe-ProVeNCe).

uN PuISSaNT Mur de SouTèNeMeNT L’aCCroCHe

au VerSaNT roCHeux.

CHeMIN CôTIer au Nord

de L’îLe de SaNTo aNTão (CaP-VerT).

Page 27: pierre sèche

le carrefour est aussi un lieu de croise-ment, de rencontre, de rendez-vous. les formes de ces jonctions des chemins, ou de leur entrée dans le village, sont très organiques, plus souvent de l’ordre du triangle, de l’ovale, que du rectangle.là où le sentier, trop rarement emprunté, risque de se perdre, un cairn* le rappelle, marque la bifurcation. des cabanes de cantonniers ont été bâties en pierre sèche. mais ces équipements de bord de chemin, dès que celui-ci est fré-quenté et que le pays qu’il traverse est aisé, abandonnent ce matériau pauvre pour de la maçonnerie à la chaux, de la pierre de taille, du bois charpenté et menuisé, du fer forgé, parfois même de la peinture, une fresque : bornes, abreuvoirs pour les bêtes et buvettes pour les humains, oratoires et croix, chapelles de bord de route…

gravir

escaliers volants, constitués de pierres profondément ancrées dans le mur et faisant saillie, permettant d’accéder à la terrasse supérieure. escaliers et ram-pes (pour les mulets, les charrettes) pris dans l’épaisseur des murs, ou perpendi-culaires aux murs des terrasses.

eSCaLIerS eNTre deux TerraSSeS, LogéS daNS

uN déCroCHeMeNT du Mur, à HauTerIVeS (Lozère)

eT daNS LeS PouILLeS (ITaLIe).

eSCaLIer VoLaNT à La VerdIère (Var).

raMPeS aLTerNéeS aCCeSSIBLeS aux aNIMaux

de BâT à SaNTo aNTão (CaP-VerT).

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28 2

Mauritanie.

SouBaSSeMeNT eT TerraSSeMeNT.

SITe de PeINTureS ruPeSTreS déCouVerT Par

THéodore MoNod eNTre aTar eT CHINgueTTI.

Page 29: pierre sèche

La PIerre CoMPagNe 292

Mauritanie.

CHeMIN Bordé d’uN Mur

eN PIerre SèCHe, à TergIT.

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abriter les hommes

les cabanes et maisons en pierre sèche encore debout en France appartenaient toutes (à notre connaissance) à l’habitat temporaire ou marginal. les mots mêmes avec lesquels elles sont désignées le disent clairement : cabane, cabanon, baraque, hutte, caselle, cadole, chabote, loge, gran-geon, caborde… plusieurs de ces mots s’appliquent aussi à des constructions en bois, en branchages, en terre… la construction en pierre ne devient « mai-son » que quand elle a une toiture sur charpente – et plus encore si elle a deux versants. et aussi : si sa porte se ferme, si elle a fenêtres et volets, si elle est équipée pour faire une cuisine élaborée.la plupart correspondent à des utilisa-tions saisonnières ou de durée limitée : au milieu des cultures, abris pour le temps des moissons, des vendanges, des labours, ou simplement pour la pause méridienne. dans les pâturages, cabanes de berger le temps de l’estive. dans la forêt ou ce qu’il en reste, cabanes d’exploitants de fours à cade ou à poix, cabanes de charbonniers (volontiers en technique mixte, dans la logique de cette activité : pierre sèche pour les murs, branchages et terre pour la toiture – celle-ci de préférence à deux versants). dans les carrières, cabanes de carriers, avec le petit plus dans la qualité des linteaux * et des piédroits * qui signe des professionnels de la pierre. dans le registre des loisirs, et dans la forêt comme au milieu des cultures, cabanes aménagées pour la chasse, avec des meur-trières disposées aux bons endroits. À rapprocher des feues baraques des côtes

ferMe d’estiVe en haut du Versant sud du Mont lozère. eLLe PerMeTTaIT d’exPLoITer L’éTé LeS PraIrIeS de FauCHe

eT LeS LaBourS d’aLTITude – quI FourNISSaIeNT Le CHauMe

de SeIgLe de La ToITure.

Cabane dans le Vallon de la tapy, VauCluse. L’INTérIeur eST dIVISé Par uN PLaNCHer INTerMédIaIre

eN BoIS : Pour y dorMIr au SeC.

Page 31: pierre sèche

La PIerre CoMPagNe 312

de sable du languedoc en branchages et roseaux (d’abord construites pour l’acti-vité de pêche), des cabanons marseillais édifiés avec les matériaux les plus inven-tifs : petits habitats de loisirs où un des plaisirs est de manger, grillé et avec les doigts, ce qu’on a chassé, piégé, pêché, cueilli. (relire la Gloire de mon père…)mais quelques-unes de ces construc-tions ont été des habitats permanents pauvres, à l ’écart des villages, des grands chemins et des carrefours, des bonnes terres : nos bidonvilles, mais en pierre. ainsi peut-on comprendre le quartier des cabanes (rebaptisé « village des Bories ») ou le village noir, à gordes, sur les plateaux du Vaucluse. des ensembles de cabanes fortement intégrés qui peuvent avoir été des fermes d’écart *, avec pièces d’habitation, écu-ries, granges. parfois une maison bâtie à la chaux, avec toiture sur charpente, s’y accole : signe qu’on a atteint une plus grande aisance économique. les fermes

troglodytes, profitant du creux de falai-ses dans des vallons à l’écart, sont dans la même logique.ces habitats marginaux ont correspondu aussi à l’installation de nouveaux arrivants, marginaux eux-mêmes : vagues successives de montagnards repeuplant les campagnes après les baisses démographiques. lors de la grande peste de 1720, des cabanes provençales ont servi de lazarets pour des gens soupçonnés de contagion. quant au lien entre cabane et fuite du monde, il est vieux comme l’érémitisme.la cabane utilisée en toutes saisons ou en permanence peut être enduite à l’intérieur de plâtre ou de chaux, pour protéger les récoltes des rongeurs, le cheval des cou-rants d’air et les humains du froid. ceux-ci, pour dormir plus confortablement, ont pu aussi lancer une mezzanine sur les deux tiers d’un niveau supérieur – qui a servi de plate-forme à mi-hauteur pendant la construction de la voûte en encorbelle-ment, et qui est utilisable comme fenil.

LescaBanesduBergerBernardmettant à profit son temps de garde du troupeau demoutonssurlespâturagesdesFraches,danslamontagnedeLure,lebergerBernard,encoredanslesannées1950,ramassaitdelonguesdalles de calcaire crétacé, les glissait dans une sacocheencuiretlesregroupaitsurdestasdontilavaitchoisil’emplacement.Quandletasétait suffisant, il le transformait en une cabane basse, à voûte superbement encorbellée * et à large ouverture (ci-contre). Le pâturage était ainsijalonnédecescabanesoùquandéclataientdes orages (vigoureux dans la deuxième partie de l’été), il avait le temps de se réfugier, avec son chien,etd’oùilpouvaitsurveillersontroupeau– comme il l’a lui-même raconté à Pierre martel. avantlui,d’autresbergersdesFrachesavaientfait de même : en témoignent une douzaine de cabanes en ruine.

double page suiVante

Le SITe de MarguerITTeS

(gard), redéCouVerT

eN 1989 aPrèS uN groS

INCeNdIe de ForêT quI

L’a MIS à Nu, aVaIT éTé

aMéNagé au xIxe SIèCLe

Par deS « raCHaLaNS »,

ouVrIerS deS uSINeS TexTILeS

de MarguerITTeS eT de

NîMeS quI y exPLoITaIeNT

de PeTITS LoPINS de Terre.

Page 32: pierre sèche

xxxxxxxxxxxxxxxxxxxx32 2

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La PIerre CoMPagNe 332

Page 34: pierre sèche

34 2

abriter les bêtes

cabanes pour les cochons, poulaillers, niches pour les chiens accolées à une cabane de berger, abris temporaires pour une ou deux bêtes de trait ou de bât…sensiblement dans les mêmes décennies de la fin du xixe siècle, des bergeries d’al-titude, qui pouvaient accueillir des trou-peaux de l’ordre de 150 à 200 bêtes, sont construites sur la montagne de lure (alpes-de-haute-provence), entre 900 et 1 300 mètres d’altitude, et dans le haut conflent (pyrénées-orientales), entre 800 et 1 400 mètres. qu’elles soient en pierre sèche n’enlève rien à l’importance des chantiers pour les réaliser, derrière lesquels il y a eu des maçons profession-nels et de gros investissements : dans le conflent, sur la commune de sansa, un seul gros propriétaire, qui avait acquis la totalité du plateau ; à lure, de gros-ses familles paysannes des villages du pied de la montagne qui, à la faveur de la déprise rurale, ont réorganisé en pâtu-rages des terres hautes labourées durant les siècles précédents.À lure, il s’agissait d’abriter la nuit des brebis de race bas-alpine, peu lainées et sensibles au froid. chaque bergerie est un ensemble, avec le grand abri pour les bêtes, une cabane pour le berger, un enclos, une citerne recueillant l’eau de la toiture, par-fois des locaux complémentaires pour les bêtes : brebis agnelantes, agneaux… dans la zone inférieure, où le calcaire bédoulien se brise en éclats médiocres, les bergeries et cabanes ont été construites à la chaux, avec toitures sur poutres. mais dans la zone supérieure, où le barrémien

se débite en grandes dalles sonores, la plupart des abris des bêtes sont couverts d’une voûte bâtie sur cintre, longs tun-nels à profil ovoïde – on en reparlera plus loin : hormis le bois des cintres, rien n’a été monté d’en bas. quelques bergeries plus tardives sortent de cette autarcie des matériaux : bergeries à coupoles sur des arcs clavés bâtis à la chaux, bergeries à charpente mixte (arcs de pierre en guise de fermes et pannes en chêne portant deux pans de tuiles), grande toiture en tuiles à un seul pan…

bergerie des terres du roux à redortiers,

alpes-de-haute-proVenCe.

La NeF eST orgaNISée eN

quaTre TraVéeS * VoûTéeS

eN eNCorBeLLeMeNT

PorTéeS Par de PuISSaNTS

arCS CLaVéS BâTIS à La CHaux.

abriter les outils

des réduits sont ménagés dans l’épais-seur des murs des terrasses ou des pier-riers, ou à la faveur d’une anfractuosité au raccord du rocher vif et du mur bâti. pou-voir y laisser l’araire chaque nuit pendant la durée des labours, les hottes pendant les vendanges, les toiles et paniers pen-dant les cueillettes ou, pour le jardinier, l’arrosoir ou le tuyau, la pioche, ainsi que la cruche et la bonbonne au frais… les cabanes des champs jouent aussi ce rôle.

Vialas, lozère.

Le PouLaILLer de NaNou.

Page 35: pierre sèche

La PIerre CoMPagNe 352

Page 36: pierre sèche

36 2

CourbessaC, gard.

CaBaNe de SToCkage TeMPoraIre deS réCoLTeS eT Sa CuVe

Sur uNe CoLLINe eNCore CuLTIVée au déBuT du xxe SIèCLe.

Le LINTeau a éTé PLaCé aSSez HauT Pour que Le PaySaN

arrIVaNT aVeC, Sur Le doS, Sa HoTTe CHargée de FruITS,

Ne L’aCCroCHe PaS eN La BaSCuLaNT daNS La CuVe.

La CaBaNe a éTé reSTaurée Par uN CHaNTIer d’INSerTIoN

dIrIgé Par MaurICe rouSTaN au déBuT deS aNNéeS 2000.

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La PIerre CoMPagNe 372

abriter les récoltes

sur les collines nîmoises, on trouve des cabanes de stockage temporaire de récoltes (raisins, olives). les paysans, explique maurice roustan, qui avaient fait ces récoltes jour après jour sur les vignes et oliviers des terrasses voisines, les déversaient dans une cuve bâtie et enduite, de quelques centaines de litres, occupant le sol de la cabane. Un petit puits perdu était percé au fond de la cuve pour évacuer le jus, et elle était chaulée après chaque récolte pour que les odeurs ne se mélangent pas. À la fin de la récolte, les paysans faisaient appel à un charretier de nîmes (il y en avait en nombre dans la ville) pour apporter en une seule fois la récolte au pressoir ou au siège de l ’exploitation.dans le Var, les descargadou, petites aires entourées d’un muret, parfois cala-dées parfois non, sans toiture, avaient le même usage. les planchers à mi-hauteur des cabanes de champs servaient aussi à stocker la ration de foin du mulet ou du cheval. des barres hautes en travers des voûtes * servent à accrocher jambons, tresses d’ail, bouquets de simples… au quar-tier des cabanes à gordes, un grenier était soigneusement enduit à l ’intérieur pour protéger la récolte des rongeurs.

presser le raisin

le pressoir, les cuves, sont creusés dans la roche tendre (molasse miocène…). Une cabane, entièrement bâtie ou ados-sée à la falaise, les protège.

falaise du Vallon de la tapy, sauMane, VauCluse.

deux CuVeS à VIN eT eMPLaCeMeNT du PreSSoIr,

TaILLéS dIreCTeMeNT daNS La MoLaSSe MIoCèNe.

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38 2

Battre les céréales

la pierre assemblée à joints vifs est très souvent présente, dans les pays médi-terranéens, dans les installations pour séparer les grains des tiges des céréales. si elles sont bâties dans la pente, les aires sont mises à l ’horizontale par des murs de soutènement en pierre sèche. quand elles sont petites, juste la taille d’un dépiquage au fléau, des lauzes dressées sur leur pourtour empêchent grains et paille de se disperser. aires rondes pour le foulage au pied des ani-maux (ou au rouleau de pierre), elles peuvent être revêtues d’une calade *, soigneusement désherbée avant chaque retour des récoltes.au nord de l ’île d’andros, dans les cyclades, où le vent est très fort, on trouve des aires avec un mur nord convexe percé d’ouvertures qu’on peut couvrir avec des branches pour régler la vitesse du vent au moment du battage.aires communautaires au milieu des villages, ou à leur marge en des endroits aérés et vastes, elles sont encore toute l ’année des lieux de rencontre : foot dans la chaleur de l ’après-midi, apéritif et pétanque à la fraîche, amours nais-santes la nuit venue, mais aussi éten-dage des grandes lessives, entreposage de matériels encombrants…

Vallon de la tapy, sauMane, VauCluse.

aIre de BaTTage aMéNagée dIreCTeMeNT

Sur La SurFaCe du roCHer.

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La PIerre CoMPagNe 392

cuire les pierres

la pierre sèche convient pour réaliser des fours à chaux qui ne cuiront que quel-ques fournées : bâtir une chambre de 5 à 10 mètres cubes (cylindrique, en tronc de cône…), semi-enterrée, ouverte vers le haut, l’alimenter par un foyer en tunnel à sa base. remplir la chambre de couches alternées de fagots de bois et de pierres d’un calcaire bien pur. entretenir le feu

pendant deux ou trois jours pour que les pierres chauffent jusqu’à 800 ou 900 °c. la chaux vive ainsi obtenue est ensuite brisée, éteinte dans une fosse.pour obtenir du plâtre, la cuisson du gypse se fait à des températures beau-coup plus basses, de l ’ordre de 200 °c, dans des fours semblables, ou plus rudimentaires encore.

Élever des abeilles

des murs bien orientés (dos au vent, face au soleil) sont percés régulièrement de niches. chacune était destinée à recevoir une ruche. cela va de quelques niches dans un mur de soutènement à plusieurs rangs de niches dans un haut mur dédié à cet usage. les plus basses sont à un demi-mètre du sol. ces murs, en provence, sont appelés « apiés ».dans la vallée de la roya (alpes-mari-

times), ces « places d’apiés » constituaient de véritables enclos, adossés au versant : un haut mur protégeait une série de gra-dins sur lesquels étaient installées les ruches. Une petite cabane à matériel était incluse. l’accès se faisait par une porte verrouillée. ces « maisons à abeilles » ont leur équivalent dans les asturies, en espagne, où elles ont été bâties pour pro-téger les ruches des ours.

lorgues, Var.

Mur aPIé .

Page 40: pierre sèche

40 2

chasser, piéger

des bâtisseurs de cabanes les équipent pendant la construction de meurtrières, à différents niveaux des murs et de la voûte. (ce sont des percements qu’il est impossible de faire après.)dans l’enclos d’auguste martin à Banon ou dans l’enclos de la combe des moles à nages (gard), sensiblement contempo-rains (vers 1880 pour le premier, vers 1900 pour le second), c’est toute la parcelle mise en culture qui est aussi organisée pour la chasse : postes de tir, pièges.pour protéger les lapins et les laisser se multiplier, les attirer, les piéger, quan-tité d’installations en pierre sèche ont été faites : murs clôturant une garenne et rendus infranchissables par des cor-niches hautes débordantes, tunnels au ras du sol sous les murs ou sous des pierriers, et emploi d’un furet (introduit d’un côté du tunnel) et d’un filet (pour cueillir le lapin à la sortie…).la lèque (« pierre plate ») est un piège (à grive, à coq de bruyère, à lapin…) où une pierre plate, plus ou moins lourde sui-vant le gibier espéré, est tenue en obli-que au-dessus du sol par un jeu fragile de baguettes de bois, au milieu duquel est un appât. la bête, passant par là, veut le manger, la pierre tombe, l’assomme et l’étouffe. les vallées des alpes du sud, les cévennes, faisaient des lèques une véritable activité économique.À la combe des moles, l ’oiseau, cou-rant sur la crête d’un mur (en pierre sèche), sentait se dérober sous lui deux planchettes articulées et tombait dans une trappe.

au-dessus de saint-saturnin-d ’apt (Vaucluse), certains aiguiers * avaient été creusés, à ciel ouvert, pour attirer les animaux. les chasseurs accrochaient des cages d’appelants aux arbres voisins et se postaient dans des abris moitié en pierre moitié en branchages.

Cabanes des ChaMps au Vallon de la tapy, sauMane, VauCluse.

LeurS BâTISSeurS,

dèS La CoNTruCTIoN

deS MurS eT deS VoûTeS,

oNT PréVu Leur uSage

Pour La CHaSSe eT

LeS oNT PerCéS de

PeTITeS FeNêTreS de TIr.

Page 41: pierre sèche

La PIerre CoMPagNe 412

pêcher

sur les côtes de l’atlantique et de la man-che, des pièges à marée ont fonctionné, du xvie au xxe siècle (et quelques-uns existent encore, comme sur l’île d’olé-ron), pour prendre du poisson : c’étaient des bassins de 3 ou 4 hectares bâtis près de la côte, sur le plateau rocheux couvert et découvert par les marées. Un grand mur en fer à cheval les délimitait, en pierres bâties sans liant mais fortement

emboîtées entre elles. le bassin était noyé à marée haute, et lorsque la mer se retirait, le mur filtrait l’eau et retenait les poissons. six ou sept ouvertures dans la digue, équipées de grilles serrées, faci-litaient la sortie de l’eau. ces pêcheries étaient construites, entretenues et exploi-tées à plusieurs, chaque associé venant à son tour, sur deux marées successives, recueillir les poissons.

noirMoutier, Vendée.

Mur d’uNe PêCHerIe.

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clôturer

les clôtures de pierre sèche entre les terres ou les pâturages peuvent être si présentes qu’elles caractérisent des sys-tèmes agronomiques et de gestion fon-cière. parcs à moutons de l’angleterre. petits champs clos protégés des vents de la mer (aussi bien sur les côtes rocheuses de l’europe atlantique que sur les côtes de la méditerranée). dans la gestion des troupeaux, enclos spécialisés pour trier les bêtes, les soigner.Techniquement et plastiquement, les murs sont l’occasion d’inventions infi-nies – dans le choix et la mise en œuvre des pierres, le traitement des fondations, des élévations, des couronnements *, les éléments complémentaires : portes et poternes, escaliers, treilles…les clôtures délimitent l’espace, ce qui est en bien propre et ce qui est en bien commun. Une pierre levée, une rangée de pierres, un cairn aux points majeurs du territoire suffisent.

et Yaakov a pris une pierre et il l’a mise debout en pierre dressée

et Yaakov a dit à ses frères ramassez des pierres et ils ont pris des pierres et ils ont fait une butte

et ils ont mangé là sur la butte […] et lavan a dit à Yaakov […] est témoin cette butte et témoignage la pierre dressée Que moi je ne passerai pas vers toi cette butte et que toi tu ne passeras pas vers moi cette butte

au commencement [La genèse], 31 45-52, traduction d’Henri Meschonnic.

dans les jardins de saint-julien-du-tournel, lozère. LeS eNCLoS PrINCIPaux SoNT eNTouréS de MurS de PIerre SèCHe. LeS ParCeLLeS

de jardIN SoNT SuBdIVISéeS Par deS daLLeS dreSSéeS de CHaNT.

Mur de Clôture d’un grand pré de la ferMe MédiéVale fortifiée du Choizal sur le Causse de sauVeterre, lozère. Le Mur de PIerre CaLCaIre eST CoNSTruIT eN TraVéeS SéParéeS Par de LoNgueS CLeFS de

PIerre dreSSéeS VerTICaLeMeNT, ParFoIS Sur TouTe La HauTeur du Mur. CouroNNeMeNT

eN PIerreS de CHaNT arroNdIeS, CeLLeS PLuS LoNgueS S’eNFoNçaNT daNS LeS raNgS

INFérIeurS, doNNaNT uNe LIgNe de CrêTe rugueuSe MaIS réguLIère.

Page 43: pierre sèche

VILLaFraNCa, eSPagNe.

MoNT Lozère, Lozère.

yorkSHIre, aNgLeTerre. PéNINSuLe de dINgLe, IrLaNde.

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44 2

capter, conserver l’eau

les pentes que l’eau dévale, les plateaux calcaires où elle ne reste pas… l’eau croise souvent l’architecture de pierre sèche.Mines * au flanc d’une colline, partir d’un affleurement d’eau et creuser une galerie en contre-pente, suivant la veine d’eau. là où il faut voûter, la pierre sèche est employée : ses claveaux non liés drai-nent l’eau goutte à goutte vers le canal.Puits s’il faut le chemiser, la pierre sèche est la bonne technique, pour ces mêmes qualités de drain.Aiguier citerne creusée dans le rocher ou bâtie, enduite intérieurement d’un mortier étanche. ses plans de cap-tage de l’eau de pluie peuvent être les toitures (cabane, maison, bergerie…) ou une surface du rocher mise à nu et creu-sée de rigoles convergentes. si l’aiguier est couvert, sa voûte dirige l’eau de pluie vers l’intérieur et une porte pré-serve sa propreté. Une crépine destinée à retenir les corps étrangers et un filtre au charbon de bois améliorent l’épuration. s’il n’est pas couvert (aiguier abreuvoir pour le bétail ou les animaux de chasse), une rampe en pente douce donne accès à l’eau pour que les bêtes qui y tomberaient en sortent sans s’y noyer. le grand versant de montagne qui domine saint-saturnin-d’apt (Vaucluse) conserve une belle collection d’aiguiers. des alambics ambulants, au xixe siècle, allaient d’aiguier en aiguier distiller la lavande sauvage cueillie sur la monta-gne : le volume d’eau disponible à chaque étape réglait la quantité de lavande qui pourrait être cueillie et traitée.

bassin de reprise des eaux du Moulin de figeirolles à Vialas, lozère.

bassin dans le yorkshire, angleterre. La PIerre MoNTée à SeC SouTIeNT Le TaLuS de Terre argILeuSe.

C’eST CeLLe-CI quI aSSure L’éTaNCHéITé.

aiguier à font-aubarne, CourbessaC, gard. Le BaSSIN, éTaNCHé Par uN MorTIer de CHaux, eST ProTégé Par uNe CaBaNe

deS éCarTS de TeMPéraTure eT deS CHuTeS de VégéTaux eT aNIMaux

quI PourrIraIeNT L’eau. CeLLe-CI a TroIS orIgINeS : uN PaNNeau roCHeux

du VerSaNT, uN IMPLuVIuM arTIFICIeL eN LauzeS eT gouTTIère eN TuILeS (à gauCHe),

eT La VoûTe MêMe de L’aIguIer, doNT LeS PIerreS VerSeNT VerS L’INTérIeur.

édIFICe reSTauré VerS 2000 Par uN CHaNTIer d’INSerTIoN dIrIgé Par MaurICe rouSTaN.

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La PIerre CoMPagNe 452

Freiner, canaliser l’eau

longue sécheresse, suivie de pluies violen-tes : les ravins à sec, deviennent soudain des torrents. Une technique pour les freiner est de les barrer régulièrement. la pierre sèche y excelle. les atterrissements qui s’y créent aident l’eau à réalimenter le sol.dans des vallons secondaires, cette tech-nique des barrages réguliers des talwegs a d’abord pour projet de retenir la terre, en même temps que l’eau qui l’a apportée, et à constituer en quelques années des ter-rasses de culture, les terrasses de l’aval récupérant ce que n’ont su retenir celles de l’amont. cette façon se retrouve tout autour de la méditerranée, « estanques » cévenoles, « jessours » des aurès (algérie) et du sud de la Tunisie…au Burkina Faso, un programme des années 1990 de restauration des terres dégradées par l’agriculture intensive prend la forme de cordons de pierre sèche disposés régulièrement suivant les courbes de niveau : pendant la saison des fortes pluies d’hiver, ils retiennent argile, limon et matière organique, et favorisent l’infiltration de l’eau dans le sol.sur un versant aménagé en terrasses, des chénaux doivent être créés pour évacuer le surplus des eaux d’orage. dans les cévennes schisteuses, les bâtisseurs, cha-que fois qu’il y a confrontation avec des eaux courantes, construisent les murs et les digues avec des pierres dressées ver-ticalement, en « clavade » : serrées entre elles, surtout suivant un plan concave, elles résistent à l’arrachement et drainent mieux les eaux d’infiltration que des lits * de pierre horizontaux, vite colmatés.

haMeau du Vernet, gard.

aCCroCHé à La PeNTe, uN CaNaL draîNaNT

LeS eaux de PLuIe a éTé TaPISSé de PIerreS

de CHaNT SoIgNeuSeMeNT SerréeS Pour réSISTer

aux VIoLeNTS orageS deS CéVeNNeS.

saint-julien-du-tournel, lozère.

dIgue Pour CoNTeNIr LeS CrueS du LoT,

FaITe de TrèS graNdeS daLLeS de SCHISTe

SerréeS VerTICaLeMeNT, eN « CLaVade ».

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46 2

cultiver le rocher

les murets de pierre sèche et la patience des jardiniers-bâtisseurs permettent de recréer des terrasses, voire de simples corbeilles, là où la terre avait disparu de la pente. pour ne pas gaspiller l’eau d’arrosage, une technique largement répandue chez les arboriculteurs est de créer autour de chaque tronc une cuvette ou une petite terrasse adaptée à la pente.

seMis dans la pente à santo antão, Cap-Vert.

Le roCHer quI SerT de SuPPorT eT LeS gaLeTS groSSIerS

quI ForMeNT La jardINIère (aSSeMBLéS aVeC BeauCouP

d’HaBILeTé) ajouTeNT Leur eFFeT de CaPTage eT d’INerTIe

THerMIque à Leur rôLe de CorBeILLe de Terre.

Murs à oliViers (insula), île de lesbos, grèCe.

uNe PeTITe CeINTure de PIerre auTour d’uN oLIVIer Crée

uN MICroCoSMe quI ProTège L’arBre du VeNT, garde

La CHaLeur eT L’HuMIdITé eT dIrIge Sa CroISSaNCe. Sur L’îLe

greCque de LeSBoS, CeS SoCLeS deS oLIVIerS PeuVeNT êTre

auSSI BIeN de SCHISTe ou de CaLCaIre que de MarBre.

Page 47: pierre sèche

La PIerre CoMPagNe 472

distiller la forêt

les paysans de l’arrière-pays toulonnais, jusqu’entre les deux guerres, distillaient le bois du genévrier cade (Juniperus oxycedrus) pour en extraire une « huile » appréciée en médecine vétérinaire (kératose, eczémas, piétin, gale…) et en cosmétique (elle rend les cheveux brillants…). ils construisaient des fours à double enveloppe :• une chambre centrale, renfermant le

bois (branches, racines), sorte de grosse jarre bâtie en brique ou morceaux de tuiles lutés à l’argile crue, qui devait être rigoureusement étanche sauf un écoule-ment inférieur protégé des flammes ;

• une chambre de combustion, entourant la chambre centrale, et un foyer, bâtis en pierre sèche et étanchés avec de la terre.

les paysans passaient contrat avec les pro-priétaires forestiers. ils construisaient leur four au milieu de la coupe, récupérant les briques ou l’argile du four précédent. ce travail occupait leur hiver. parmi leurs clients, la coopérative centrale de phar-macie et le savon cadum, à qui ils expé-diaient leur production par chemin de fer. plus loin dans le temps, les paysans varois distillaient le bois de pin pour en extraire la poix, résine cuite qui servait notamment au calfatage des bateaux. les fours, gran-des cuves d’argile prises dans une structure en pierre sèche, étaient conçus pour une combustion à l’étouffée des tronçons de pin. l’aire géographique des fours à poix est beaucoup plus vaste : causses, landes…pour les charbonnières (qui sont plutôt un art de la terre et des branches), la pierre sèche soutient les plates-formes créées dans la pente.

suisse.

ouVrageS de ProTeCTIoN

CoNTre LeS aVaLaNCHeS.

Briser les avalanches

puissant tas d’épierrage placé au-dessus de la maison à protéger, parementé en étrave tournée vers l’amont : on espère qu’elle divisera en deux l’avalanche… pour protéger la gare de lötschental, en suisse, où une avalanche en 1908 avait tué douze personnes, des ouvrages de pierre sèche, d’un volume de 47 000 mètres cubes, ont été construits (sans échafaudage) sur la zone de décrochement des avalanches.

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surveiller, alerter

sur la colline de Villevieille, au nord-est de nîmes, au sommet d’une tour, un « garde-fruit » surveillait les vergers alentour pendant la période des récol-tes. la tour, construction hélicoïdale avec une large rampe montant en pente douce, a servi en même temps de très

CourbessaC, gard.

Tour du « garde-FruIT ».

gros tas d’épierrage. lors de sa restau-ration par un chantier de formation, des iris ont été plantés au sommet des murs. d’autres tours semblables existaient, les unes à l’initiative d’un gros propriétaire, d’autres gérées par plusieurs petits pay-sans du quartier.

CloCher de tourMente, haMeau des sagnes, lozère.

quaNd La TeMPêTe de NeIge

ou Le BrouILLard MoNTaIeNT

Sur Le MoNT Lozère, Le SoN

de La CLoCHe guIdaIT VerS

Le VILLage LeS HaBITaNTS ParTIS

Sur La LaNde. Le CLoCHer,

eN graNIT TaILLé BâTI à SeC,

daTe du déBuT du xIxe SIèCLe.

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La PIerre CoMPagNe 492

défendre

les gaulois pour leurs oppida de pro-vence et de languedoc ont recherché des collines en éperon, protégées natu-rellement par des escarpements sur trois côtés, et dont ils barraient le quatrième avec un rempart en pierre. certains de ces remparts ont plusieurs parements successifs, qui se perfectionnent avec les siècles : muraille simple, puis munie de

oppiduM gaulois du pain de Munition, sur la Crête prolongeant à l’est la Montagne proVençale de la sainte-ViCtoire.

ProTégé Par uNe TrIPLe eNCeINTe de PIerre SèCHe, IL a éTé

ProBaBLeMeNT uN HaBITaT TeMPoraIre où Se réFugIaIeNT

eN TeMPS d’INSéCurITé deS PaySaNS eT deS éLeVeurS

quI exPLoITaIeNT LeS CoTeaux eT LeS PIéMoNTS VoISINS.

tours, celles-ci à angles droits puis arron-dis, appareil plus gros et plus soigné… ces murailles constituent souvent aussi d’énormes tas d’épierrage.on présente plus loin la « muraille de la peste » que le vice-légat du pape fit édifier en 1720 pour empêcher l’épidé-mie de marseille d’atteindre le comtat Venaissin.

dunbeag proMontory fort, péninsule de dingle, irlande.

CoNSTruITe à deS FINS déFeNSIVeS eT rITueLLeS

à La FIN de L’âge de BroNze (- 800) eT uTILISée TouT

au LoNg de L’ère CeLTIque, CeTTe PeTITe ForTereSSe

doMINe L’oCéaN du HauT d’uNe FaLaISe à PIC.

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50 2

prier

sur la colline du Khelout, dans l’atlas, les femmes en quête d’enfant mon-tent jusqu’à l’ancien ermitage du saint moulay Brahim (ci-dessus). en même temps que leur prière, elles y déposent un élément symbolique de leur féminité – morceau de sous-vêtement, peigne… – , et construisent un petit cairn de pierre, puis vont visiter la zaouïa du saint, de l’autre côté de la vallée de l’ighighayen. au début des années 2000, ce culte, jusqu’alors très actif, est en fort recul.dans le domaine français, pas d’édifice religieux à notre connaissance. ici pierre sèche égale habitat des marges. les ermi-tages (si l’ermite a attiré durablement les croyants) ont depuis longtemps été reconstruits à la chaux, agrandis, ornés de peintures…

mais l’irlande conserve une église paléo-chrétienne attestant que cette architecture sans mortier n’est pas néces-sairement marginale.

Mosquée au Milieu du désert, Matérialisée par des pierres.

Le reCTaNgLe de L’eNCeINTe de PrIère eT,

du CôTé de La MeCque, La NICHe du MIHraB.

Page 51: pierre sèche

La PIerre CoMPagNe 512

oratoire de gallarus dans la péninsule de dingle, irlande.

IL S’agIT ProBaBLeMeNT d’uNe égLISe PaLéoCHréTIeNNe CoNSTruITe eNTre Le VIIe

eT Le Ixe SIèCLe. LeS PIerreS oNT éTé dISPoSéeS aVeC uN Léger aNgLe VerS L’exTérIeur

quI PerMeT L’éVaCuaTIoN de La PLuIe. L’uNIque PIèCe eST éCLaIrée Par uNe PeTITe

FeNêTre (CôTé eST) de ForMe oVoïde FaISaNT FaCe à La PorTe (CôTé oueST),

SurMoNTée d’uN douBLe LINTeau. au-deSSuS FoNT SaILLIe deux PIerreS PerCéeS

quI LaISSeNT SuPPoSer La PréSeNCe d’uNe PorTe eN BoIS. SeLoN La LégeNde,

uNe PerSoNNe arrIVaNT à SorTIr de L’oraToIre Par La PeTITe FeNêTre

VoyaIT SoN âMe LaVée de TouS SeS PéCHéS.

Page 52: pierre sèche
Page 53: pierre sèche

Si l’on se promène dans les monts de Vaucluse, on parcourt des territoires embroussaillés

de pins, de chênes, de garrigues, dont l’aspect abandonné contraste avec l’agriculture

soigneusement entretenue de la plaine. Mais derrière ce rideau « sauvage » de la végétation,

on décèle comme une écriture ancienne, à moitié effacée, une ossature de murets, limites

discontinues qui étagent le versant, traces d’un paysage oublié. Ce paysage fossile, qui se

révèle à nous désordonné et abandonné, est un des paysages les plus construits que l’homme

ait jamais créés. Les Méditerranéens, à chaque période de pression démographique, ont

cherché, pour nourrir une population nombreuse, à cultiver toutes les terres disponibles

dans ce milieu de relief accidenté et subissant des précipitations violentes. Ils ont fait preuve

d’ingéniosité et de courage pour façonner les versants en territoires agricoles de pente.

Le vallon de la Tapy est un cas exemplaire de ces microcosmes montagnards.

Tout le vallon en un regard

de saumane, village-éperon entre plaine et montagne, on saisit, en un regard, ce vallon encaissé, aux pentes fortes mode-lées de terrasses, étagement d’une éton-nante harmonie. en haut des versants, le plateau ouvre vers les hautes terres des monts de Vaucluse ; en bas, la plaine, large mosaïque, se déploie vers la durance. Tel est le site de ce vallon, enclos en lui-même avec ses deux échappées, vers les hautes terres et vers la plaine.

le paysage avant l’homme

comment s’est formée cette grande inci-sion dans le massif avant que l’homme y installe son empreinte ? le vallon de la Tapy s’est mis en place, à l ’ère tertiaire, dans la molasse du miocène. cette molasse, pierre du midi, enveloppe tout le pourtour du massif karstique du secondaire qui forme le centre des monts de Vaucluse. au quaternaire, le ruisseau a incisé plus profondément son talweg et déposé ses alluvions. sur les versants, la molasse, roche qui se désagrège faci-lement sous l’effet de humidité et du gel, s’est altérée sur place, produisant des colluvions qui ont recouvert les ver-sants. en haut des versants, dominent les corniches et les baumes, formées par l’érosion des couches de molasse, en alternance dures et tendres.

Vallon de la Tapyun microcosme de la pierre sèche

ferMe rupestre de MarCuly.

La PLuParT deS HaBITaTS TrogLodyTeS éTaIeNT

deS FerMeS ou deS BergerIeS. CeLuI-CI CoMPreNaIT

L’HaBITaTIoN eT deS BâTIMeNTS de FerMe (ParTIeS

ruINéeS). IL y aVaIT, CoMMe daNS PreSque TouTeS

CeS FerMeS, uNe CuVe à VIN PréParaNT La PIqueTTe

à ParTIr deS queLqueS VIgNeS de Bordure

de TerraSSeS. oN reMarquera L’IMPorTaNCe de La

CorNICHe roCHeuSe eT La Largeur de La TerraSSe.

Cabane des ChaMps.

ProCHe du VILLage, eLLe

eST uTILISée CoMMe aBrI

jourNaLIer. La PLuParT

de CeS CaBaNeS oNT uN

Mur LaTéraL CoNSTruIT

daNS Le Mur de La

TerraSSe SuPérIeure.

La PIerre CoMPagNe 532

Page 54: pierre sèche

la pierre avec laquelle les hommes ont bâti à sec est née de ce substrat. Tout le maté-riau de construction vient de cette matrice rocheuse. cette dépendance, ce contact, est constamment visible : sous l’assise * du mur, l’affleurement rocheux ; derrière l’aiguier , l’impluvium ; au-dessus de l’abri, la roche-toit ; à côté de la terre travaillée, le tas d’épierrement – le clapier.

l’homme investit le vallon

l’homme a investi ce vallon dès le néo-lithique, où les pentes ont été déboisées et les baumes habitées. les saumanais, et cela correspond bien à l’histoire pro-vençale, ont construit leurs terrasses dès le xie, avec des extensions culminant au xiiie et au xixe siècle, jusqu’à cette fin du xixe, à partir de laquelle l’essor de l’agri-culture de la plaine, longtemps univers des marais et des rocailles, a progressive-ment entraîné l’abandon de la « colline ».

VaLLoN de La TaPy

CheMin Caladé.

LeS CHeMINS de VerSaNT, où IL y a deS rISqueS

d’eau eT de geL, SoNT géNéraLeMeNT eMPIerréS Pour

FaCILITer La MarCHe deS HoMMeS eT deS BêTeS.

LeS LargeS VoIeS de PLaTeau, N’ayaNT PaS

de ForTS déNIVeLéS, Le SoNT rareMeNT.

avant de le cultiver, le paysan bâtit son champ

le paysan s’est trouvé dans un climat et sur une géologie qui ont conditionné la topographie et l’exposition des versants, la nature des sols, leur pierrosité, l’état végétal originel, la présence d’eau. Face à toutes ces contraintes, il a mis en œuvre moyens et techniques pour remodeler le versant en territoire agricole de pente, microcosme de son autosubsistance. pour faire des espaces plats, il a cassé la pente, l’a défoncée, il a arraché du sol la pierre pour en faire un matériau raffiné avec lequel il a construit murets, cabanes, abris, ruchers, calades de chemins. il a maîtrisé l’eau, source de catastrophes et de prospé-rité. il a canalisé, par de savants systèmes de drainage, les ruissellements qui ravi-naient les versants, et conduit, conservé cette eau rare et précieuse pour irriguer ses cultures, en réalisant des mines, des béals*, des aiguiers et des citernes. il a ainsi construit un paysage d’une grande unité née de la permanence des techniques qu’il a utilisées au cours des siècles.pour imaginer ce vallon dans sa vitalité révolue, dans son ancien rôle nourricier des saumanais qui en ont bâti les pentes incultes et rocailleuses pour en faire des terres nivelées et productives, il faut par-courir ses trois milieux : les versants, le « valat », le plateau.

54 2

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le versant, lieu de l’olivier, l’« arbre-pain »

pour descendre du village vers le « valat », le chemin est étroit mais caladé, c’est le chemin des hommes et des mules, il faut que le sabot ou le pied ne glissent pas lors du gel et que le chemin évacue les eaux d’orage.sur les côtés du sentier, on a à hauteur des yeux les murets dont on peut observer les détails de construction. ils reposent sur la roche mère, ce qui leur donne assise et stabilité ; ils sont en molasse, pierre qui se délite facilement et présente une grande cohésion, permettant la retenue de la terre et la circulation des eaux. ils sont complé-tés à l’arrière par un drain de cailloutis, et souvent fondés sur un rang de pierres de chant, en « hérisson* » – ces dispositifs permettent d’évacuer l’eau de la terrasse. au sommet du mur, des pierres « en délit », « de carreau », retiennent la terre de surface. les terrasses sont étroites, entaillant les colluvions. on ne trouve ni défoncement, ni apport de terre, seule-ment de l’épierrement.les terrasses étaient couvertes d’oli-viers, dont on voit encore les troncs secs. en bordure poussaient des vignes, et entre vignes et oliviers, des tuber-cules, des légumes secs : une poly-culture organisée autour de l ’olivier, l ’« arbre-pain ». le paysan y travaillait avec, dans la journée, des allers-retours vers la maison. pour faciliter le travail journalier, une multitude de petites cabanes, souvent encastrées dans les murs ou adossées à eux, servaient de remises à outils et d’abris contre l ’orage.

Mur de draille.

IL eST CoNSTruIT aVeC deS PIerreS de CHaNT

eN « HérISSoN » Pour FaCILITer Le draINage, aINSI

qu’aVeC deS PIerreS de CHaNT eN CouroNNeMeNT

Pour BLoquer Le Mur eT eMPêCHer Le PaSSage

deS BêTeS daNS LeS CuLTureS.

l’étage des baumes habitées

au-dessus des terrasses, l’étage des falaises est aussi celui des baumes, où l’on peut évoquer les hommes de neandertal s’abri-tant, puis les paysans foulant le raisin dans les cuves pour faire leur piquette de blanc. depuis les temps préhistoriques, l’homme a cherché à s’abriter en aménageant des habitations dans la terre ou le rocher. la forte présence d’habitats troglodytes dans cette partie des monts de Vaucluse est liée à l’importance des molasses du miocène, que l’érosion a creusées en grottes ouvertes dont l’homme s’est servi pour édifier des fermes ou des bergeries. la construction consistait à ériger une façade, suffisam-ment en retrait de la voûte en surplomb, et éventuellement deux murs en retour ;

La PIerre CoMPagNe 552

Page 56: pierre sèche

au-dessus, la roche-toit formait un implu-vium rainuré de rigoles, les « larmiers », qui conduisaient l’eau, protégeant l’abri et alimentant les citernes de la ferme.

le « valat », la fraîcheur des jardins

au fond du vallon, la végétation est herbeuse, haute, les feuillus dominent, toutes les eaux drainées des versants arrivaient là. Un fossé conduisait le ruis-seau vers la vasque dite du « renard », exutoire des eaux surmonté d’un mur en « clavade ». en travers du talweg, on trouve des terrasses qui constituent, au vrai sens du terme, les « restanques », qui sont des murs-barrages, pièges à colluvions sédimentant les produits de l’érosion. on y cultivait sans doute quel-ques herbages nécessaires au bétail. sur le niveau supérieur sont installés les jar-dins, arrosés par une succession de petits bassins alimentés par de courtes galeries drainantes : un bassin avec un tilleul, un bassin avec des peupliers, un bassin avec un arrosoir et une houe attendant d’im-probables arrosages, ces parcelles étant désormais laissées à l’abandon.

les grands parcours du plateau

sur le plateau, on passe de l’ager cultivé au saltus temporaire : terres à céréales où de longues jachères permettaient le parcours des troupeaux. ici les cabanes sont adaptées à une fonction différente : elles sont plus grandes, parfois avec deux pièces, un petit étage en bois, des couret-tes, des bancs, des niches. on y passait le temps de la moisson : on récoltait, on

battait le blé sur les aires de battage, on stockait le grain, puis on le descendait. lors des longues jachères, elles servaient pour les bergers et leurs troupeaux.de grandes drailles parcourent le pla-teau, où passaient les charrettes allant de village en village et les troupeaux, canalisés entre ces grands murs, hérissés de pierres sur chant pour éviter que les bêtes n’entrent dans les cultures.

aujourd’hui, l’abandon

lorsque ces terrasses ont été délaissées au profit des terres de plaines, leur entretien a cessé. leur abandon a entraîné l’enfri-chement, la désorganisation de la circula-tion des eaux sur les pentes, la reprise des érosions et l’écroulement des murets. on prend alors conscience de la qualité de ces systèmes traditionnels d’aménagement en terrasses pour la stabilité des versants. principalement les « chemins de l’eau » ne sont plus fonctionnels et les risques d’im-pacts à l’aval sont augmentés par l’aban-don des canaux d’irrigation gravitaire de plaine qui évacuaient les eaux pluviales.la « colline » est maintenant lieu de chasse, de cueillette, de promenade, mais aussi gisement de matière première de qualité pour répondre à la mode des bâtiments en pierre apparente. on peut parler, alors, d’un transfert, sinon d’un pillage des ressources des collines.

VaLLoN de La TaPy

Mur de soutèneMent de terrasse au Vallon.

uN BâTISSeur aNoNyMe a aSSeMBLé de PeTITeS PLaqueS de CaLCaIre

eN deS IMBrICaTIoNS oBLIqueS IrréguLIèreS. au-deLà de Sa SéduCTIoN

PLaSTIque, CeT opus spicatum SauVage, eN STruCTuraNT Le Mur

auTaNT VerTICaLeMeNT qu’HorIzoNTaLeMeNT, uTILISe eFFICaCeMeNT

uN ModuLe de PIerre BIeN FaIBLe Pour La HauTeur de L’ouVrage.

56 2

Page 57: pierre sèche
Page 58: pierre sèche

VaLLoN de CarrouFra

Mur-digue.

Ce Mur-dIgue, Sur LequeL

PaSSe uN CHeMIN, PerMeT,

eN arrêTaNT LeS eaux,

L’aCCuMuLaTIoN

deS LIMoNS Sur

La TerraSSe.

habitats troglodytes.

TrèS PréSeNTS daNS TouTe La ProVeNCe, eT PrINCIPaLeMeNT

daNS Le VauCLuSe, ILS oCCuPeNT LeS BauMeS CreuSéeS daNS

La MoLaSSe du MIoCèNe. au PreMIer PLaN, uN Mur aPIé équIPé

de NICHeS daNS LeSqueLLeS oN déPoSaIT LeS ruCHeS quI PouVaIeNT,

aINSI, BéNéFICIer de La réguLaTIoN THerMIque deS PIerreS.

58 2

Page 59: pierre sèche

depuis plusieurs siècles, l ’homme a occupé ce vallon dont il utilise toutes les ressources :• Dans les falaises, il a construit, sous les

baumes creusées par l’érosion, des fer-mes rupestres d’organisation très com-plexe : on y trouve en particulier, outre l’habitat avec four à pain et souillarde au rez-de-chaussée et magnanerie à l’étage, des dépendances, que ce soit abri à cochon, citerne-aiguier ou cuve vinaire, séchoir à légumes secs ou foin, aire de battage, mur apié.

• L’alimentation en eau des fermes était assurée par des sources résurgentes.

• Les versants, aménagés en terrasses, sont, actuellement, cultivés en vergers de cerisiers (la cerise de carpentras).

• Mais ce qui est le plus remarquable, c’est l’aménagement du vallon lui-même.

comme dans le vallon de la Tapy, des murs-digues établis en travers constituent les « restanques » provençales. le drai-nage des versants vers le chenal d’écoule-ment du valat a transporté des matériaux d’érosion que ces murs-digues, véritables pièges à limons, ont retenu sur les par-celles généralement plantées en prairies,

essentielles pour le bétail et seules cultu-res arrosées avec les jardins. par ailleurs, ces murs filtrent le surplus des eaux de ruissellement, qui sont récupérées, en aval, dans un grand bassin d’arrosage. on peut comparer ces murs-digues, en plus modestes, aux « jessours » tunisiens.

L’organisation de ce petit vallon centrée sur l’aménagement du valat complète bien celui

du vallon de la Tapy, dont il est proche de quelques kilomètres. de même que la Tapy, il est

formé de molasses du miocène, il est aussi entouré de falaises datant de l’oligocène moyen

et fermé à l’amont (à l’est) par une grande faille qui le met en contact direct avec le massif

karstique de l’ère secondaire. Ce contact assurait le fonctionnement de sources résurgentes

captées, parfois par de petites galeries drainantes.

Vallon de carroufra

La PIerre CoMPagNe 592

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613

du Portugal aux Cyclades, de l’Irlande au japon, quinze sites montrent ici les usages de la

pierre sèche, certains appartenant à un passé encore proche mais plusieurs autres toujours

en pleine activité. où l’invention technique se conjugue à un sens évident du paysage…

des siTes exemplaires

la région des quarante lacs du lake district national park compte des sommets, parmi les plus hauts d’angleterre, qui culminent aux environs de 900 mètres. classé parc national depuis 1951, lake district est une destination de tourisme de pleine nature qui reste très associée aux poètes et aux écri-vains anglais du xixe siècle.À l’intérieur du parc, la vallée de longdale est une véri-table composition romantique : pentes douces maillées d’enclos lithiques formant un bocage où paissent, au printemps, brebis et agneaux. la bruine et le ciel souvent couvert ne semblent pas décourager les ran-donneurs, nombreux en toute saison. plus encore, les nuages bas apportent au lieu, parcouru de ruisseaux et de rivières, une note de mystère. la pierre sèche est omniprésente : roches nues, boules de granit dispersées dans le lit des rivières ou récupé-rées pour être bâties à sec. elles seront transformées en ponts caladés, en bergeries ou en clôtures, ces der-nières grimpant jusqu’à mi-pente, parfois davantage.l’humidité révèle les couleurs du paysage, depuis le vert de l’herbe grasse et des lichens qui colonisent les

lake district national parkrégion de Cumbria, nord-ouest de l’Angleterre

Murs d’enClos.

eNTre LeS PIerreS de MoraINeS eT de

TorreNTS SoNT INTerCaLéeS deS PLaqueS

d’ardoISe quI éVITeNT qu’eLLeS Ne rouLeNT.

Page 62: pierre sèche

Mur d’enClos. (eN HauT eT au CeNTre).

dalles du CouronneMent *. dreSSéeS eT SerréeS VerTICaLeMeNT, eLLeS SoNT aNCréeS

réguLIèreMeNT daNS Le Mur Par deS LoNgueS CLeFS

(CI-CoNTre à gauCHe eT à droITe).

Mur d’enClos. Pour Le reNdre PLuS éTaNCHe aux aNIMaux, Le Mur d’eNCLoS

(CoNSTruIT eN PIerreS de MoraINeS) eST CoMPLéTé Par

uN groS grILLage TeNdu Sur deS PoTeaux (eN HauT).

pierres jusqu’au roux des fougères couchées sur le flanc des collines. Çà et là, trônent de vieux chênes au port superbe. les sous-bois sont parsemés de jacinthes sau-vages bleues (que les Britanniques nomment bluebells), épargnées par les moutons noir et blanc du parc.le paysage rural est souvent d’une grande qualité au royaume-Uni. les Britanniques, qui y sont très atta-chés, sont attentifs au moindre détail. c’est ainsi qu’est née en 1968, dans cette région de cumbria, la dry stone Walling association (dsWa1). elle regroupe actuellement plus de 1 800 membres dont 250 profes-sionnels de la pierre sèche répartis entre l’Écosse, le pays de galles et l’angleterre. son système de qualifi-cation en matière de savoir-faire sur la pierre sèche fait office de référence nationale. les agriculteurs perçoivent des subventions d’État pour la restauration des murs, sous réserve qu’ils fassent appel aux services d’entreprises labellisées dsWa. par ailleurs, nombre de Britanniques consacrent leur temps libre à se former aux techniques de maçonnerie à sec. la curiosité et le besoin de détente sont certainement à l’origine de cet engouement, avec le souci de préserver la tradition et l’authenticité des paysages. l’artiste écossais andy goldsworthy, de réputation internationale, a puisé son inspiration dans ces landes. il utilise d’ailleurs fréquemment l’art de la pierre sèche dans ses œuvres de land art. c’est auprès de la dsWa qu’il trouve la main-d’œuvre qualifiée pour l’aider à réaliser certains de ses projets.

1. www.dswa.org.uk.

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d e S SI T e S e xeM PL aI r e S 653

inscrite au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco en 2001, la vallée du haut douro se situe à environ 100 kilomètres à l’est de porto, à une altitude moyenne de 400 mètres.le fleuve douro (qui signifie « fleuve d’or ») prend sa source dans la région limitrophe de castille, en espa-gne, puis traverse d’est en ouest le portugal sur plus de 200 kilomètres avant de se jeter dans l’océan atlanti-que, à porto. il a creusé une vallée tortueuse où le man-que de terre a poussé les hommes à bâtir des milliers de soutènements en pierre sèche, allant jusqu’à piler le schiste pour en faire de la terre arable.les deux rives du douro sont nivelées de bas en haut, soulignant ainsi les courbes de niveaux et dessinant des terrasses qui n’autorisent parfois la plantation que d’un seul rang de ceps. certains domaines sont déli-mités par de longs murs qui plongent jusqu’à l’eau du fleuve, d’autres sont marqués par des bornes en gra-nit. dès 1757, ces bornes indiquèrent l’emplacement de terrasses choisies par la « compagnie générale de l’agriculture du douro supérieur » naissante ; il s’agis-sait alors d’une démarche pionnière de délimitation d’appellation du vin (porto et vin du douro).la dominante viticole du paysage est cependant contrastée par la culture d’oliviers et de quelques amandiers. c’est une composition exceptionnelle, fruit d’un dur labeur dans une zone aride où, pour survi-vre, l’homme a su modeler la géographie et adapter un environnement souvent hostile à ses besoins. le défi passait alors par la captation de l’eau et la gestion de

la sécheresse et des pluies torrentielles. au fil des siè-cles, les portugais sont parvenus à façonner un paysage encore vivant où les quintas (nom donné aux fermes et aux domaines agricoles) reflètent la puissance écono-mique et sociale de l’aristocratie vigneronne de porto. le douro servait autrefois de voie de communication pour transporter le vin jusqu’aux chais de gaia, situés sur la rive gauche du fleuve, face à porto. l’arrivée du

Vallée du haut douronord du Portugal

gare de pinhão, au Cœur du haut douro.

LeS déCorS eN azuLejoS HoNoreNT Le LaBeur deS

aNCIeNS, auTeurS de CeS SoMPTueux PaySageS.

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66 3

parCelles plantées d’oliViers et de Vignes en alternanCe.

LeS MurS de SouTèNeMeNT de PIerre SèCHe SoNT

reMPLaCéS Par deS TaLuS NIVeLéS (eN HauT) :

uNe NouVeLLe MéTHode quI réduIT LeS CoûTS

IMMédIaTS d’INVeSTISSeMeNT MaIS LaISSe eNTIère

La queSTIoN de La PéreNNITé du VerSaNT.

train fit de gaia l’unique entrepôt exportateur de vins prestigieux, célèbre pour leur typicité et leur excellence dès le xviie siècle. les vins du douro, blancs ou rou-ges, muscats ou mousseux, demeurent remarquables et s’exportent sans peine.aujourd’hui, les habitants de la vallée rendent hom-mage à la pugnacité de leurs ancêtres qui leur ont légué un patrimoine paysager exceptionnel, avec un fleuve dompté et une ressource économique toujours vive. la vallée du douro constitue en effet une manne pour le tourisme rural. hélas, depuis quelques années, certains viticulteurs négligent les systèmes en terras-ses de pierre sèche déjà détériorées et vont jusqu’à les supprimer au profit d’un simple talutage. cette der-nière technique, bien que plus rapidement exécutée, semble inapte à résister aux pluies torrentielles que la vallée endure à certaines saisons. les chercheurs por-tugais du programme européen « Terrasses en pierre sèche et prévention des risques naturels » (Terrisc) ne sont pas encore parvenus à convaincre les viticulteurs d’être plus attentifs à la tradition, non seulement pour maintenir un paysage pittoresque, mais également pour lutter contre les risques d’érosion et optimiser la gestion de l’eau.

terrasses et esCaliers.

ParFaITeMeNT eNTreTeNuS eT INTégréS au PaySage,

ILS CoNSTITueNT uNe réPoNSe de geSTIoN du SITe

eN adéquaTIoN aVeC LeS CoNTraINTeS du CLIMaT.

VaLLée du HauT douro

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68 3

terrasses d’oliViers et d’aMandiers.

eNCaSTréeS daNS LeS MurS, oN rePère

de NoMBreuSeS CaBaNeS ouVerTeS.

La FaTareLLa eST Le SIège de La FuNdaCIó

eL SoLà, quI TraVaILLe Sur Le PaTrIMoINe

de PIerre SèCHe du PayS CaTaLaN.

La FaTareLLa

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d e S SI T e S e xeM PL aI r e S 693

la Fatarella 1 est un gros bourg rural du nord-est de la Terra alta, en catalogne. le relief le plus important de ces hauts plateaux est la sierra de la Fatarella, qui s’élève jusqu’à 550 mètres. c’est une succession de collines escarpées, formées principalement de calcai-res de l ’oligocène (ère tertiaire), entaillées par des val-lées encaissées. leurs versants abrupts sont rompus par une infinité de murets (marges) qui soutiennent les terrasses, laissant seulement quelques lambeaux boisés sur les sommets.ce territoire remarquable a été longtemps occupé par les arabes. après la reconquête, la plus grande partie de la population travaillait la terre pour les seigneurs. avec le temps, principalement au xviiie et xixe siècles, ces journaliers ont acquis ou récupéré des terrains boisés et, avec beaucoup d’efforts, ils les ont défrichés jusqu’en haut des collines pour les transfor-mer en terres de cultures.

des aménagements qui modèlent le paysage

les chemins, les murs, les clapiers, organisent linéai-rement le paysage. les chemins, parcourant des sols argileux et abrupts facilement ravinés par l ’érosion, sont empierrés en calades *.les marges soutiennent de très petites parcelles, la propriété ayant été fortement divisée au long des siè-cles, cultivées principalement en oliviers, vignes, mais

aussi en noisetiers, amandiers, figuiers. en plaine, les pierres extraites lors des défrichements sont utilisées dans la- construction de clapiers (parets) à deux parements *, réserve de matériaux qui délimi-tent les propriétés, les séparent des chemins et les protègent du vent.

de nombreuses formes d’abris

les porches (perxes) sont des constructions rudimen-taires en pierre sèche dont le toit est formé de poutres en bois, généralement d’amandier ou d’olivier, qui supportent une couverture composée de branches, de terre argileuse, de dalles ou de tuiles. ces abris peu-vent servir de remises pour sécher les fruits, ils sont alors orientés au sud, formés de deux parois latérales et d’un toit à une seule pente pour faciliter l ’entrée du soleil, la pluie s’écoulant vers l ’arrière. s’ils servent simplement d’abri, leur toit est à deux pentes.les cabanes sont des constructions en pierre sèche, généralement situées près des cultures ; elles sont couvertes par une voûte * en demi-cercle érigée direc-tement à partir du sol ou sur des parois latérales peu élevées. pour les renforcer et les imperméabiliser, leur voûte est recouverte de lait de chaux ou de mortier, enduite ensuite avec de la terre argileuse et maintenue, entre les pierres, par des iris bleus ou du safran. elles servaient d’abris, mais aussi de séchoirs. soit l’ouver-ture à l’avant n’était pas fermée, soit il y avait un mur de façade et une porte lorsque la cabane constituait un local aménagé en habitat temporaire.

la Fatarellanord-est de la Terra Alta, Catalogne, Espagne

1.Lesphotosetlesinformationspourlarédactiondecetexteont été recueillies auprès de la Fundació el solà.

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70 3

Cabanes enCastrées dans un Mur de soutèneMent.

au-deSSuS, oN TrouVe ParFoIS

uNe PeTITe aIre de BaTTage,

Le graIN éTaNT dIreCTeMeNT

VerSé daNS uN SILo INTérIeur Par

uN orIFICe Sur Le ToIT, quI eST

SouVeNT eNHerBé. La FerMeTure

de La Façade PerMeT d’uTILISer

La CaBaNe eN HaBITaT TeMPoraIre.

partout, la recherche de l’eau

des constructions variées en pierre sèche servent à capter, stocker ou distribuer l ’eau, principalement pour arroser les jardins potagers et les fruitiers de fond de vallée.• Les mines* sont des galeries drainantes creusées pour

capter les eaux infiltrées. elles sont formées d’un pla-fond et de deux parois latérales en pierre sèche.

• Les puits sont creusés pour capter les eaux souterrai-nes. ils sont parementés en pierre sèche et dotés d’un mécanisme en noria pour tirer l’eau. ce mécanisme est composé d’une roue qui tourne sur un axe posé sur les parois latérales et qui est actionnée par un animal tournant autour du puits. cette roue sert de guide à des cordes qui pendent jusqu’au niveau de l’eau et aux-quelles sont attachés des godets en céramique (cadufos). Formant un chapelet hydraulique, ils se remplissent lorsqu’ils tournent sous l’eau et se vident dans une vasque lorsqu’ils passent au-dessus de la roue.

• Les bassins sont des cavités creusées à ciel ouvert, aux parois en pierre sèche, qui servent à recueillir l’eau de pluie. dans les bassins très profonds, une

échelle ou un escalier permet d’atteindre l’eau lors-que le niveau diminue.

les citernes en pierre sèche servent aussi à stocker l ’eau de pluie. elles sont enterrées pour recueillir l ’eau plus facilement. Une couche d’enduit à base de chaux recouvre les parois et le sol pour les imperméa-biliser. en guise de protection, elles sont recouvertes d’une voûte ou simplement d’une dalle à laquelle est suspendu le seau pour tirer l ’eau ; une porte en bois protège de la poussière et des petits animaux. elles sont souvent construites à proximité des cabanes ou des porches dont les toits-impluviums font office de capteurs du ruissellement.

Une grande variété de petites industries

de nombreuses constructions correspondent à des productions préindustrielles ou artisanales : les mou-lins à farine, les fours à gypse, à craie ou à chaux, les fours d’huile de cade, les tuilières, les puits à neige. de nombreux moulins utilisaient l ’eau des rivières amenée par aqueduc pour créer une chute forcée.

La FaTareLLa

Citerne.

L’eSCaLIer PerMeT d’aTTeINdre

L’eau LorSque SoN NIVeau eST

BaS daNS Le BaSSIN.

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72 3 îLe de SóLLer

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d e S SI T e S e xeM PL aI r e S 733

le cami vell de Bàlitx (l’ancien chemin de Bàlitx) démarre de l’horta de sóller, traverse plusieurs petites proprié-tés avant de serpenter dans la vaste oliveraie de Bàlitx. depuis plus de vingt ans, le consell de mallorca investit dans le paysage abrupt et minéral de l’île, notamment en réaction au tourisme de masse développé dans les années 1960. À cette période, les plus belles plages de l’île ont été victimes d’une spéculation immobilière effarante. heureusement, la politique touristique des majorquins a évolué. des immeubles en front de mer sont aujourd’hui dynamités. les falaises recèlent des trésors négligés, terrasses dont l’abandon a malgré tout favorisé le fait qu’elles soient aujourd’hui récupérables car préservées dans leur état initial.la pierre calcaire est abondante et de grande qualité à majorque. le relief accidenté et les pluies torrentiel-les ont, dès le xiiie siècle, contraint l’homme à maîtri-ser l’érosion, à niveler les versants et à récupérer l’eau de pluie, rare, tout en luttant contre les ruissellements. l’expansion des cultures s’est prolongée jusqu’au début du xxe siècle. en fonction du relief, on observe plusieurs types de constructions où intervient la pierre sèche : délimitation de domaines, abris pour personnes et ani-maux, terrasses de culture, drainage et récupération de l’eau, voies de communication, charbonnières, fours à chaux, glacières, abris de chasse…

avec le déclin de l’activité agraire et le développement des activités tertiaires, la pierre sèche est désormais considérée comme une ressource touristique qui accompagne et met en valeur l’oléiculture, les orange-raies, les plantations d’amandiers et le maraîchage. la route de la pierre sèche et celle d’artà-lluc proposent différents circuits de randonnée pédestre à la jour-née ou sur plusieurs jours, avec hébergement en gîte d’étape, accueil à la ferme et dégustation des produits bio cultivés en terrasses. ce dispositif fonctionne grâce à la volonté politique des communes et de l’État, conscients de la nécessité de préserver cette technique de construction. les travaux de restauration sont garantis par l’insertion professionnelle de jeunes non qualifiés à travers le principe d’écoles-ateliers dissé-minées sur le territoire. les métiers traditionnels et les activités agraires sont ainsi remis au goût du jour et contribuent à améliorer l’image du territoire.

terrasses de l’oliVeraie de bàlitx.

Île de sóllernord-ouest de Majorque, Baléares, Espagne

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74 3

Calade qui tapisse le béal*.

îLe de SóLLer

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d e S SI T e S e xeM PL aI r e S 753

talweg de bàlitx.

SoN BéaL Pour L’exCèS d’eau, SeS tancats (BarrageS)

Pour raLeNTIr L’eau déVaSTaTrICe deS orageS

eT PréSerVer La Terre.

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Très proches l’une de l’autre, ces deux îles des cyclades ont une histoire agricole commune et des aménagements en pierre sèche qu’on peut aborder simultanément. leurs assises géologiques sont des massifs cristallins et méta-morphiques qui offrent de belles pierres de construction (gneiss, schistes, marbres). la pluviométrie est moyenne (600 à 800 millimètres), mais la longue saison sèche induit une agriculture sèche, correspondant à l’aire du blé dur et de l’orge et à une arboriculture également sèche.comme sur tout le pourtour montagneux de la méditer-ranée, l’agriculture s’est d’abord installée sur les pentes, aux sols légers et bien drainés, aménagées en terrasses. les rares plaines côtières étaient marécageuses et répan-daient la malaria ; ces terres sans agriculture servaient de pacages d’hiver pour les bêtes. il faut attendre le début du xxe siècle, principalement à partir de 1920 en grèce, pour que les grands travaux de drainage et d’irrigation permettent les cultures de vergers et de légumes et en contrepoint amorcent l’abandon des terrasses de culture, phénomène général autour de la méditerranée.

terrasses d’oliViers à tinos. CeS TerraSSeS Ne SoNT PLuS CuLTIVéeS. La Verdeur de L’HerBe

Ne doIT PaS FaIre ILLuSIoN, Ce N’eST que rePouSSe de PrINTeMPS.

bergerie du nord d’andros. CoNSTruITe aVeC deS MurS eN PIerre SèCHe eT uNe CHarPeNTe eN

BoIS, SoN ToIT PLaT, eN Terre TaSSée, SerVaIT à SéCHer LeS réCoLTeS ;

oN y TrouVe ParFoIS uN PeTIT rouLeau de PIerre quI PerMeTTaIT

d’éCraSer LeS graINS. Sur Le VerSaNT, oN oBSerVe LeS LoNgS MurS

de ProPrIéTé eNCerCLaNT LeS PâTureS eT TraVerSéS Par deS draILLeS.

petite aire à guano. CeS aIreS PerMeTTaIeNT Le SToCkage eT Le PILage de La « CoLoMBINe ».

Tinos et androsCyclades, Grèce

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d e S SI T e S e xeM PL aI r e S 773

les terrasses agricoles

alors que les îles égéennes sont couvertes d’oliviers, les terrasses de Tinos et d’andros étaient principale-ment cultivées en céréales. seuls les versants orientés nord-ouest-sud-est, plus arrosés, portent des oliviers et quelques vignes. cette vocation céréalière remonte au temps où Venise en avait fait ses greniers à blé (1207-1714). les terrasses à céréales sont parsemées de petites aires de battage, dallées et entourées de pierres pour empêcher le grain de jaillir, qui corres-pondaient à la production de petites exploitations (de 1 à 4 hectares en moyenne). À andros, île plus venteuse, on trouve des aires avec un mur nord convexe percé d’ouvertures qu’on peut couvrir avec des branches pour régler la vitesse du vent au moment du battage. les aires étaient souvent accompagnées de petites cabanes des champs à toits plats recouverts de terre ; on pouvait y sécher le grain.on pratiquait aussi l ’élevage des pigeons, surtout à Tinos, où l ’on rencontre, sur les terrasses, d’innombra-bles et magnifiques pigeonniers. il pouvait y en avoir trois ou quatre sur la même terrasse, ce qui témoigne de l ’importance de cet élevage ; ils étaient finement décorés par des lauzes formant des figures géométri-ques. l’élevage des pigeons, très répandu dans toute l ’europe, présentait plusieurs avantages : d’une part, l ’apport en viande toute l ’année – leur reproduction, toutes les cinq semaines, est très rapide ; d’autre part, l ’apport de fumure que représentaient les déjec-tions, appelées « colombine », riche en azote et en acide phosphorique. cet engrais, le meilleur jusqu’au xixe siècle, devait être battu au fléau pour le rendre plus pulvérulent et être étendu par temps de pluie pour éviter de brûler les cultures. pour le pilage et le stockage, en attendant l ’épandage, on utilisait de petites aires à guano ; une autre utilisation de la fiente de pigeon était la production de salpêtre pour composer de la poudre à fusil. cet engrais était vendu et fournissait un revenu complémentaire.

les parcours pastoraux

les hautes terres, souvent arides, étaient affectées aux terrains de parcours des troupeaux ovins et caprins. le nord d’andros est caractéristique de cette activité pastorale. Territoire très venté, au sol rocheux avec peu de terres arables, il était particulièrement impropre à l’agriculture. de grands murs de propriété coupent per-pendiculairement les pentes, maillage à travers lequel sillonnent de grandes drailles. ces drailles descendent jusqu’aux plaines côtières, où les bêtes transhumaient l’hiver. les troupeaux étaient nombreux et petits, bien adaptés à un milieu pauvre où il fallait souvent changer de pâture. les bergeries sont nombreuses et relative-ment étroites, elles abritaient le berger et des réserves pour les bêtes. elles sont construites, comme souvent sur le pourtour méditerranéen, avec plusieurs maté-riaux : des murs en pierre sèche, une charpente en bois recouverte de lauzes à plat puis de terre ; on pouvait uti-liser le toit plat pour sécher ou écraser quelques végé-taux ou céréales. ces bergeries étaient proches d’enclos comportant une entrée en entonnoir pour le comptage des bêtes avant la traite (le lait étant la production prin-cipale de l’élevage). sur ces terres arides, on est étonné d’apercevoir parfois des enclos bien protégés où l’on a tenté de faire pousser quelques fourrages d’appoint pour les bêtes.

aujourd’hui

c’est une agriculture fossile que nous avons sous les yeux : les terrasses, qui ne sont pas en oliviers, sont très souvent abandonnées ; les anciennes terres agricoles sont passées en terrains de parcours et, lorsque l’éle-vage décroît, les formations broussailleuses s’installent. l’exode rural a vidé les montagnes, où il n’y a plus que dix habitants au kilomètre carré environ. la population active ne représente que 33 % de la population totale, elle est resserrée sur le littoral et vit principalement du tourisme ; les terres cultivées n’occupent plus que 15 % du territoire des îles.

Page 78: pierre sèche

78 3 MuraILLe de La PeSTe

guérite serVant d’abri à la sentinelle.

eLLe eST SITuée

du CôTé ProVeNçaL :

LeS CoMTadINS,

eN aBaNdoNNaNT

La MuraILLe aux FraNçaIS,

eN aoûT 1721, LorS de

L’aPParITIoN de La PeSTe

à aVIgNoN, N’aVaIeNT PaS

TerMINé La CoNSTruCTIoN

deS guérITeS eT deS CorPS

de garde. ILS FureNT

aCHeVéS Par LeS FraNçaIS

du CôTé ProVeNçaL.

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sur le plateau de Vaucluse chemine un mur insolite, parfois robuste et haut construit, parfois réduit à quelques pierres. il est le témoin de la grande peste de marseille de 1720 qui fit périr plus de 20 % de la popu-lation du comtat Venaissin.en 1720, le Grand-Saint-Antoine, bateau venu du levant, introduit la peste à marseille. Très vite, l’épi-démie se propage en provence et atteint apt. pour l’empêcher d’envahir le comtat, le vice-légat du pape fait établir des barrières sanitaires sur ses frontières et construire une muraille en pierre sèche, de monieux

aux Taillades, la vallée du coulon étant traversée par un fossé. en 1721, les soldats comtadins empê-chent quiconque de passer la ligne. mais en août, alors qu’apt est enfin débarrassée du fléau, la peste se déclare à avignon. les troupes françaises remplacent alors les comtadins le long du mur pour protéger la provence. ainsi, le comtat, qui avait pris à sa charge la construction de la muraille, n’en a gardé le contrôle que quelques mois. début 1723, lorsque tout danger de contagion est écarté, le mur est abandonné.le tracé du mur traverse les monts de Vaucluse sur 27 kilomètres. il est accompagné de constructions destinées à la vie des soldats :• Les guérites sont de petites cabanes de section semi-

circulaire, servant d’abris aux sentinelles en faction.• Les corps de garde servaient de baraquements à de

petites unités de soldats, probablement cinq ou six hommes.

• L’alternance régulière des guérites et des corps de garde correspondait à une organisation en petites unités de soldats affectées à la surveillance du mur.

• Les enclos, sur le plateau, servaient d’entrepôts ou de parcs de vivres et de fourrages pour les chevaux et mules nécessaires à l’approvisionnement de ces lieux éloignés des villages.

depuis 1986, l’association pierre sèche en Vaucluse a entrepris le relevé du mur de la peste et des aména-gements qui l’accompagnent, la restitution de parties accessibles aux promeneurs et l’ouverture d’un sentier historique traversant les monts de Vaucluse.

muraille de la pesteVaucluse, France

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au nord de l’espagne, la cordillère cantabrique s’étend de la dépression basque au massif galaïco-léonais. elle représente la limite sud d’une espagne méconnue, humide et verte, et constitue une ligne de partage des eaux, qui s’écoulent en partie dans la vallée du pas, en cantabrie. quelques pasiegos (nom donné aux habi-tants de cette vallée) y perpétuent une tradition de vie nomade. chaque éleveur possède un petit troupeau de vaches d’une vingtaine de têtes tout au plus et, en dehors des mois les plus froids, quitte sa vividora, sa résidence principale, située à proximité du village. accompagné de sa famille et de ses bêtes, il sillonne alors les vallées d’une cabane à l’autre et pratique un mode de transhumance qu’on appelle la muda. pendant l’hiver, le bétail reste éta-blé dans les cabanes des basses zones, proches des villa-ges, où il se nourrit des réserves d’herbe des paillers. À l’approche du printemps, les cabanes de la zone inter-médiaire sont investies pour que les animaux puissent paître dans les pâturages bourgeonnants. en été, pen-dant la muda la plus longue, la famille se sépare, les uns surveillent le bétail dans les branizas, les parcelles situées aux plus hautes altitudes, tandis que les autres récoltent l’herbe dans le reste des propriétés. l’automne, les vaches rejoignent les basses zones, puis le cycle se répète.c’est ainsi que des versants des montagnes à la vallée, de nombreuses cabanes trônent au centre de parcel-les clôturées de murs de pierre sèche que les pasiegos connaissent sous le nom de fincas ou llaves. chaque pasiego possède plusieurs propriétés à différentes altitudes, toutes conçues sur le même plan : toiture

haute vallée du fleuve pas entre la Cantabrie et les Asturies, Espagne

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à double pente ; long faîtage souvent orienté dans le sens de la courbe de niveau ; une distribution des espaces des plus sobres, avec un rez-de-chaussée dallé entièrement consacré au bétail et un étage où vivent le pasiego et sa famille. les matériaux utilisés pour ces constructions sont ceux qu’offre la nature environ-nante : le bois notamment mais surtout la pierre. de façon majoritaire, le sol pasiego date du crétacé infé-rieur, mais se combine également avec des calcaires et des marnes jurassiques (mélange naturel d’argile et de calcaire), utilisés pour les murs de clôture, et avec des grès gris, matériau des toitures de lauze, sous lesquel-les mousses et fougères jouent le rôle d’isolants. Bien que cette côte océanique dispose de belles et grandes plages bordées de falaises, elle n’est pourtant pas dénaturée comme le sont d’autres côtes espagno-les. l’affluence touristique estivale y reste modérée. Traverser le site du mont de Valnera, depuis le village de Vega de pas jusqu’au col de portillo de la sía, est un émerveillement. des vaches paissent dans des enclos à l’herbe si verte qu’on la croirait fluorescente. Bâtie sur d’impressionnants soutènements en pierre sèche, la route de montagne, étroite et sinueuse, est à elle seule un très bel ouvrage d’art. les nombreuses cabanes de pasiegos, à la longue silhouette en pierres hourdées, disséminées dans la vallée mais reliées par les murs de pierre, singularisent un paysage qu’a façonné le mode de vie nomade : chemins de transhumance et pâtura-ges, enclos pour l’âne à proximité de la cabane, ponts, routes de montagne... c’est un paysage entretenu, tou-jours en vie, sans artifice.la pierre sèche est ici prépondérante sans pour autant faire l’objet d’une attention particulière, d’un agritou-risme quelconque. c’est en effet l’usage qui maintient ce décor d’exception. ici, nul parc ni réserve de biosphère, et dans les prospectus du comité régional du tourisme de cantabrie, la vallée du pas est encore confidentielle – même si quelques cabanes ont été transformées récemment en résidences secondaires.

HauTe VaLLée du FLeuVe PaS

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Col de la sĺa, Vers le Village de CaÑedo.

PaySage d’eNCLoS aVeC SeS CaBaNeS.

Mur de pierres plantées, Col de paloMbera, près du Village d’espinilla (en haut). Mur de bloCs de pierre, près de Vega esCobosa (en bas).

deux FaçoNS de CLôTurer LeS PaCageS à VaCHeS

eT LeS eNCLoS à Fourrage, eN FoNCTIoN

deS PIerreS dISPoNIBLeS eT deS quaLITéS doNT

eLLeS FoNT PreuVe LorSqu’oN LeS exTraIT du SoL.

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la colline à l’est du cœur de ville de nara, au Japon, porte un important sanctuaire bouddhiste qui fut fondé au milieu du viiie siècle, en même temps que le pouvoir impérial fixait sa capitale à nara. deux monastères le composaient, assurant des missions de prédication, de formation et d’étude, de prière pour la paix du pays et la prospérité du peuple, cette paix s’étendant à la nature : dans la forêt voisine de Kasu-gayama, la chasse et l’abattage d’arbres sont interdits depuis l’an 841, et des centaines de daims circulent librement dans les bois et prairies de la colline sanc-tuaire et jusque dans la ville.maintes fois détruit (guerres, incendies, tremblements de terre, vieillissement…) et reconstruit ou restauré, le sanctuaire de nara est depuis 1988 classé au patri-moine mondial de l’Unesco. À l’articulation entre l’élé-vation de ces bâtiments et les jardins, les maçonneries de pierre sèche, plus discrètes, font partie intégrante de cette harmonie. partout on observe, ici un soubas-sement, là un soutènement, une clôture… en contre-point des structures de bois, légères et aériennes, et des toitures végétales (juste protégées de petites tuiles en terre cuite, le plus souvent anthracites et décorées de cabochons), elles affirment leur rôle de socle miné-ral, en ayant recours à des fruits* très marqués, et en

petits paVillons de la forêt priMitiVe de kasugayaMa.

NIVeLLeMeNT SouTeNu Par uNe MaçoNNerIe

de PIerre SèCHe eT SouBaSSeMeNTS CaLePINéS

à joINTS SeCS (Page de gauCHe).

nararégion du Kansai, Japon

appareillant les pierres (qu’elles soient sous des formes brutes ou taillées et calepinées) en des imbrications expressives. on mesure l’art de construire qui se cache derrière cette modestie en observant notamment la façon dont les ouvrages sont conclus : arases* et cou-ronnements, angles… la simplicité des maçonneries en pierre sèche entre alors en résonance avec l’esprit des lieux. l’architecture et les jardins conjuguent magnifi-quement les végétaux – bois, bambou, chaume, lattis – et les minéraux – torchis, pisé, adobe, céramique, pierre. les gestes lents et répétitifs des vieilles femmes à gants blancs et des jardiniers à épuisette qui débar-rassent quotidiennement édifices et étangs des feuilles mortes, ajoutent à cette immuable sérénité.

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le célèbre vin suisse, le fendant, se cultive sur les ver-sants de la vallée du rhône, l’adret * bien orienté au soleil. la viticulture en coteaux est rendue possible grâce à un réseau de terrasses dont le degré d’inclinaison est surprenant. depuis des siècles, les vignobles sont bâtis selon ce même principe, auquel s’est ajouté récemment un système mécanisé : un « petit train » monorail, uti-lisé lors des vendanges, permet de monter les hommes dans les vignes et de redescendre la récolte. en d’autres saisons, le train sert à acheminer les pierres destinées à entretenir ou à réparer les terrasses et les escaliers. le voyage en train depuis genève vers Viège remonte le rhône et permet d’apprécier un paysage de vignobles caractéristique. si le canton de Vaud, sur les rives du lac léman, offre globalement la vision d’un vignoble acquis au béton, le canton du Valais, vers châteauneuf-de-sion, affiche en revanche une prédominance de la pierre sèche. après avoir expérimenté le béton banché ou les pierres bâties au mortier, les Valaisans sont deve-nus d’ardents défenseurs des terrasses traditionnelles en pierre sèche pour trois raisons essentielles : • L’expérience leur a prouvé que la longévité de ces

maçonneries souples et résistantes était très per-formante. sous la pression de l’eau qui gonfle la terre, les terrasses bétonnées finissent toutes par tomber par pans entiers. Bien qu’une maçonnerie de pierre sèche soit plus coûteuse à construire, car plus consommatrice de matériau noble, le mur en béton se révèle plus cher sur la durée. Un mur en pierre sèche donne des signes de faiblesse, gronde,

avant de s’écrouler. Un mur en béton tombe brus-quement, il ne prévient pas.

• Ils ont constaté qu’une vigne cultivée en terrasses de béton exigeait plus de traitements (engrais, pestici-des…) qu’une vigne cultivée en terrasses de pierre sèche. la vigne est alors non seulement en meilleure santé, mais on peut y pratiquer une culture biologique.

• L’épaisseur et la hauteur impressionnantes des murs créent, de par l ’accumulation des pierres, un microclimat qui garantit un écart de température nuit/jour moins brusque, favorable au développe-ment du raisin et à sa qualité gustative.

Une maçonnerie en pierre sèche impose une surveillance de la part du viticulteur. des formations de base leur sont donc proposées pour le petit entretien, comme ramasser une pierre de couronnement et savoir la repla-cer correctement, donner chaque année un petit coup de marteau souple pour recaler certaines pierres… les Valaisans apprécient de restaurer à l’identique les murs routiers, les murs de soutènement de chemins de randonnée, les paravalanches (p. 47), dans un souci écologique et pour maintenir une tradition séculaire.

Valaissud-ouest de la Suisse

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au cœur de la mer Baltique, à une centaine de kilomè-tres des côtes, l’île de gotland est la plus grande des îles suédoises. cette étendue de terre, qui marque la frontière entre les terres scandinaves et les terres slaves et baltes, est un plateau calcaire sans montagnes. son point culminant, situé au centre de l’île, ne s’élève en effet qu’à 83 mètres d’altitude. les roches affleurantes y sont rares, excepté au cap sud de l’île, qui présente une petite falaise, citée parmi les curiosités touristiques de gotland, faite d’un grès caractéristique extrêmement abrasif recherché par les sculpteurs pour sa grande mal-léabilité. partout ailleurs, il faut creuser le sol d’une qua-rantaine de centimètres pour en extraire la roche. compte tenu de ces caractéristiques géologiques, on pourrait penser que les constructions en pierre sèche sont absentes. pourtant, en dehors des forêts de coni-fères, le paysage est maillé d’enclos, granitiques ou cal-caires. la déforestation massive a nécessité le recours à un matériau alternatif au bois pour construire les clôtures qui dirigent les troupeaux d’ovins jusque dans les pâturages. Bien que le modèle de clôtures en bois en usage à gotland soit typique, les enclos de pierre sèche résistent plus longtemps et requièrent un moindre entretien. la pierre est par ailleurs utilisée pour réali-ser les fondations des maisons en bois afin de les isoler

de l’humidité du sol. elle est même parfois employée jusque dans leurs soubassements.la préservation et la réappropriation de la pierre sèche sont des notions très récentes. gotland s’interroge actuellement, par le biais de la recherche universitaire, sur l’équilibre à trouver entre l’ambition créative des artisans et la promotion touristique. des formations offrent aux cultivateurs et aux éleveurs les connaissances suffisantes pour assurer le maintien des murs en pierre sèche.

aLTerNaNCe de CLôTure de BoIS eT de CLôTure de PIerre

eN BouLeTS de graNIT, TyPIque de L’îLe.

Ce Mur eST CoMPoSé de PIerreS exTraITeS Sur

La ProPrIéTé eN CreuSaNT Le SoL. uN CaLage FIN eNTre LeS BLoCS

de grèS CoMPeNSe L’arroNdISSeMeNT de LeurS aNgLeS.

Île de gotlandSuède

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non loin du célèbre pont du gard, sur la rive droite du gardon, la route de la Torte est un bel exemple de chaus-sée qui utilise la technique de la pierre sèche. ce chemin vicinal, construit au xviiie siècle par pierre-marie Tré-saguet, ingénieur des ponts et chaussées, reliait autre-fois le village de collias à nîmes. murs de soutènement et chaussée furent conçus en mettant à profit la nature du terrain et les matériaux extraits sur place, en surface ou par dérochement et réemploi. seul le parapet, encore en place par endroits, était hourdé au mortier de chaux. des chasse-roues en pierre monolithe balisent encore le cheminement. au fil du temps et de la mécanisation des véhicules, il fallut se résoudre à tracer une nouvelle route, bien que le vieux chemin fût encore carrossable au début du xxe siècle. son abandon et surtout les manœu-vres du camp militaire tout proche ébranlèrent sa struc-ture, et des pans entiers s’effondrèrent. la nécessité d’aménager un accès pour prémunir la zone contre les incendies et la création d’un itinéraire de découverte des gorges du gardon ont permis la res-tauration de ce bel ouvrage routier 1. d’une largeur de 3 mètres environ (nécessaire autrefois à la circulation des véhicules hippomobiles), son tracé est désormais

Chasse-roues en pierre. ILS BaLISeNT La rouTe eT raPPeLLeNT L’uSage deS VéHICuLeS

HIPPoMoBILeS, Pour LeSqueLS La rouTe de La TorTe FuT CoNSTruITe

route au-dessus du gardon surploMbant Collias (en haut).

soutèneMent de CheMin au passage d’un raVin (en bas). SI La VoûTe eST eN PIerreS de TaILLe SoIgNeuSeMeNT aPPareILLéeS,

Le Mur, LuI, MeT eN œuVre deS BLoCS BruTS, groS eT PeTITS MêLéS.

route de la TorteCollias, Gard, France

adapté à la déclivité naturelle du site et aux contraintes d’évacuation des eaux. la chaussée est empierrée, et non pavée, selon des préconisations spécifiques : une couche de pierres calées sur chant, puis une couche de remplissage de pierres concassées afin de combler les vides et enfin une couche de surface de pierres dures de petit calibre, préalablement cassées. cette technique constituait la base des chaussées des routes françaises jusqu’à la seconde guerre mondiale. aujourd’hui, la route de la Torte est empruntée par nombre de cyclistes et de promeneurs qui, après avoir surmonté l’épreuve de quelques virages en épingle, sont récompensés par le panorama qui leur est offert sur le village de collias et la vallée du gardon.

1. La restauration a été rendue possible grâce à l’Association de sauvegarde et d’entretien de restauration du patrimoine urbain et rural (Aserpur). Voir Étude de la restauration des routes ancien-nes en vue de leur utilisation en DFCI,M.roustan,aserpur,1995.

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Un quartier de jardins s’est installé dans le vallon des calquières, au nord de saint-germain-de-calberte (lozère). on est dans les cévennes schisteuses, où la terre siliceuse est riche et propice à la culture pourvu qu’on arrive à tenir les pentes raides. en moins de dix minutes à pied, on s’y rend depuis le village, et tout laisse à penser que dès le moyen Âge des jar-dins y avaient été établis. en tout cas le cadastre de 1834 montre le quartier déjà organisé en terrasses, complétées par sept petits bâtiments, deux habita-tions et leurs dépendances, tournés vers le soleil. le vallon, orienté ouest-est, a en effet son côté ombre et son côté lumière – les murs à l ’adret, en schiste som-bre, emmagasinant la chaleur dans la journée et la restituant la nuit.les versants sont si pentus que la largeur des jardins n’est pas supérieure à la hauteur des murs qui les por-tent. leur aménagement intègre habilement plusieurs fonctions, nécessaires à la stabilité des sols ou utiles à leur mise en culture :• Fonder les murs : le substrat de schiste est souvent

atteint, et même recreusé au pic pour constituer la partie basse de certains soutènements.

• Contenir les eaux vives des deux ruisseaux qui convergent, en utilisant notamment la technique des murs « en clavade », ces pierres serrées verticale-ment qui résistent mieux à l’arrachement d’une crue tout en drainant mieux les eaux de ruissellement.

• Détourner et stocker les eaux pour l ’arrosage – les anciens béals taillés dans le roc ou portés par des

raVin du quartier des Calquières.

derrIère LeS FougèreS, oN aPerçoIT

La BaSe du Mur BâTIe eN CLaVade

Pour réSISTer aux CrueS.

Vallon des calquièresSaint-Germain-de-Calberte, Lozère, France

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murs sont partiellement remplacés aujourd’hui par des canalisations en acier ou polyéthylène, des réservoirs de récupération…

• Circuler entre les parcelles : outre le chemin com-munal desservant le quartier, on y trouve un sentier à mi-pente, des rampes, des pas-d’âne et une grande variété d’escaliers, des plus aériens aux plus resser-rés entre deux murs (ci-contre).

• Porter les arbres grimpants (vignes, rosiers, kiwis…), grâce à un système astucieux de couples de corbeaux * percés, engagés dans le mur inférieur, dans lesquels on plante les poteaux verticaux d’une treille.

• Abriter les outils et le matériel : dans des renfonce-ments des murs, des cabanes adossées…

dans le dernier quart du xxe siècle, les jardins des calquières étaient à l ’abandon. sur la trentaine de propriétaires, une bonne moitié n’habitaient plus sur place. la solidarité et l ’organisation collective néces-saires à un tel aménagement intégré se dissolvaient. la commune de saint-germain-de-calberte, sensi-bilisée et fortement soutenue par le parc national des cévennes, a entrepris de remettre en valeur 2 hecta-res du site. s’appuyant sur les travaux de deux étu-diants en gestion de l ’espace et en paysage (1994 et 1996), elle a ouvert un débat avec les habitants de la commune, les propriétaires et locataires des jardins, qui a permis aux uns et aux autres de mesurer l ’in-térêt de ce site en déshérence, de se le réapproprier et de comprendre la valeur du gros chantier qu’elle a engagé : débroussaillement, restauration des murs soutenant le chemin communal. la suite des restau-rations, portant sur les murs privés, doit se pour-suivre dans un cadre juridique en cours de montage (en 2008), liant les propriétaires et la commune par des baux emphytéotiques. Un des acteurs du projet, le maçon à pierre sèche marc dombre, habitant aux calquières, le vallon et plus largement le territoire de la commune sont devenus lieux de stages de forma-tion et d’expérimentations.

VaLLoN deS CaLquIèreS

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treille.

C’eST uNe groSSe BraNCHe

FourCHue quI a éTé CHoISIe

CoMMe PoTeau, eNgagé daNS

LeS deux CorBeaux de PIerre

PerCéS. La FourCHe reçoIT TrèS

SIMPLeMeNT uNe auTre groSSe

BraNCHe, HorIzoNTaLe, Sur

LaqueLLe CourT La VIgNe.

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quand la Vigne renContre l’autoroute…

juxTaPoSITIoN de géNIeS CIVILS : MajeSTueux ouVrage

auTorouTIer eN BéToN eT PaySage VITICoLe de TerraSSeS

eN PIerre SèCHe à TrèS ForTe INCLINaISoN à TraVerS LequeL

grIMPeNT LeS MoNoraILS.

CoNFLueNCe de La MoSeLLe eT du rHIN

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aux environs de coblence, en allemagne, à l’endroit où la moselle se jette dans le rhin, le terroir viticole est schisteux. ici, c’est le vin blanc qui domine. les versants les mieux orientés sont systématiquement exploités et aménagés en terrasses. depuis quelque temps, les soutènements en pierre sèche sont remis à l’honneur après avoir été abandonnés ou partiellement bétonnés. des sites entiers sont restaurés selon une authentique technique de pierre sèche, et le paysage viticole gagne ainsi en agrément. la douceur du cadre, le confort des pistes cyclables qui vont de village en vil-lage, la découverte des caves, contribuent à renforcer l’intérêt de cet itinéraire. est-ce la manne touristique ou la conscience écologique qui ont conduit les viti-culteurs à privilégier la technique de la pierre sèche ? la prise de conscience semble en tout cas collective et globale, puisqu’elle transforme cette région en un ter-ritoire rural façonné, harmonieux et vivant. les terrasses épousent la déclivité parfois abrupte de la vallée, et les banquettes cultivables y sont très inclinées, offrant plusieurs rangées de ceps positionnées dans le sens de la pente, à l’image de celles du Valais, en suisse. les allemands ont d’ailleurs emprunté à leurs voisins le système du monorail pour grimper à l’assaut des coteaux et assurer l’entretien de la vigne et les vendanges.

Monorail et télébenne.

Leur uSage FaCILITe graNdeMeNT L’exPLoITaTIoN du VIgNoBLe

SaNS eN déTruIre L’orgaNISaTIoN TradITIoNNeLLe

eN TerraSSeS eT SaNS eN ModIFIer Le PaySage.

confluence de la moselle et du rhinRhénanie-Palatinat, Allemagne

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98 3 LeS CINque Terre

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ce site du nord de l ’italie, d’une grande valeur pay-sagère et culturelle, est inscrit au patrimoine mon-dial de l ’Unesco. au moyen Âge, le mot « terre » désignait le bourg. c’est des cinq petits villages accrochés à la côte rocheuse de ligurie que vient l ’appellation « cinque Terre ».le territoire des cinque Terre est une bande côtière étroite de 30 kilomètres : la côte rocheuse aligne de hautes falaises et d’impressionnantes pentes, avec une succession de promontoires, de baies et de fortes inci-sions créées par les torrents. cependant, l’apparente hostilité des lieux est adoucie par des hivers particu-lièrement cléments, des versants protégés des vents du nord ainsi que par des courants chauds et humides qui viennent de la mer. la ténacité séculaire des liguriens a transformé ces pentes abruptes et périlleuses en d’impressionnants étagements de terrasses destinés à la culture de la vigne, de l’olivier et des agrumes. l’aménagement s’est avéré particulièrement rude dans ce milieu inaccessible, où tout devait être transporté à dos d’homme. en neuf siè-cles, une superficie de 2 000 hectares a ainsi été façon-née par trente générations de paysans en un réseau de murets de pierre sèche représentant 6 700 kilomètres, autant que la grande muraille de chine.

Étagées dans la pente, les terrasses sont étroites (3 à 4 mètres de profondeur en moyenne), les murs de soutènement élevés (2 mètres en moyenne, mais ils peuvent atteindre 5 mètres). ces terrasses peuvent frô-ler les vagues, mais sont souvent interrompues par les falaises. pour les rendre accessibles, sentiers escarpés et escaliers les traversent, créant un paysage spectacu-laire. on y produit un excellent vin (le vin de paille de sciacchetrà) et des citrons (ceux de monterosso, par exemple), adoucis par l’air iodé. comme dans la plupart des régions montagneuses, l’abandon graduel des terrasses et des cultures a com-mencé à la fin du xixe siècle et s’est accéléré durant la première guerre mondiale. la végétation médi-terranéenne a peu à peu colonisé le paysage avec une prolifération d’épineux et un grand désordre dans les parcours de l’eau superficielle.durant la dernière décennie, la région de ligurie a fort heureusement relancé l’utilisation de ce territoire à tra-vers la revitalisation de la viticulture, seule activité qui permet la conservation de ce patrimoine. la création d’un parc national et de coopératives agricoles, la réha-bilitation des voies de communication et le développe-ment de la recherche de techniques de culture adaptées à ce milieu ont contribué à dynamiser le tourisme.

terrasses agriColes.

LeS VILLageS SoNT reSSerréS Sur LeS éPeroNS roCHeux

INCuLTIVaBLeS. LeS VIgNeS S’aCCroCHeNT aux PeNTeS Sur

d’éTroITeS TerraSSeS, eNTaILLéeS VerTICaLeMeNT Par deS rIgoLeS

d’éVaCuaTIoN deS eaux, eSSeNTIeLLeS Sur CeS VerSaNTS.

les cinque TerreLigurie, Italie

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Culture d’oignons doux en terrasses.

daNS CHaque exPLoITaTIoN, La CuLTure

deS oIgNoNS doux eST CoNCeNTrée Sur

queLqueS PLaNCHeS quI NéCeSSITeNT

BeauCouP de TraVaIL. LeS auTreS

TerraSSeS eNTreTeNueS SerVeNT

à d’auTreS ProduCTIoNS de MaraîCHage.

repiquage des oignons.

Le TraVaIL eST eSSeNTIeLLeMeNT MaNueL,

NéaNMoINS Le SoC du MoToCuLTeur, daNS

Le MêMe PaSSage SerT à ouVrIr

uN NouVeau SILLoN eT à raBaTTre

La Terre Sur CeLuI quI VIeNT d’êTre

garNI de PLaNçoNS. Ceux-CI ProVIeNNeNT

de La Serre que L’oN VoIT eN HauT

à gauCHe de L’IMage.

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c’est une image revigorante de la pierre sèche et des terrasses de culture qu’offre l ’oignon doux des cévennes. sa production est protégée par une appellation d’origine contrôlée (décret du 14 octo-bre 2003), qui définit l ’aire géographique, le type variétal, la technique et le calendrier qui doivent être respectés pour le cultiver.La cebo de Sant-Marciau se manja sèns sau (« l’oignon de saint-martial se mange sans sel »), disent les gens du gard. « il s’agit d’un oignon de garde, explique le décret, cultivé en terrasses, de couleur blanc nacré à cuivré, de formes arrondies à losangiques d’aspect brillant, aux pellicules fines et translucides. il est caractérisé par une douceur en bouche. »son territoire est celui de la haute vallée de l’hérault et ses affluents, en amont de ganges, où ils rassemblent les eaux du mont aigoual et de ses contreforts méri-dionaux et orientaux. c’est un pays de granits et de schistes, essentiellement couvert de forêts où les châ-taigniers ont une large place. les villages et les bourgs se tiennent dans les fonds des vallées. (l’aire de l’aoc couvre trente-deux communes.) les terrasses en gra-vissent les premières pentes, s’insinuent dans des val-lons adjacents ; plus volontiers tournées vers l’est ou l’ouest que vers le plein sud. le calendrier de la culture bénéficie d’un soleil déjà haut : les plançons, issus des semis faits sous serre du 1er janvier au 15 mars, sont repiqués manuellement du 15 avril au 10 juin. la récolte se fait en août et septembre, quand la moitié des fanes sont tombées. le séchage peut commencer

sur la parcelle, pourvu que les bulbes soient protégés du soleil ; il est poursuivi en séchoir. la production de l’aire de l’aoc, qui depuis 1990 a plus que doublé, atteint les 2 000 tonnes.les exploitations ont des tailles modestes : communé-ment moins de 1 hectare de terrasses en maraîchage ; les 2 hectares sont rarement atteints. Viennent en complément une serre transparente pour les semis, un tunnel opaque ou une remise pour ranger matériel et récolte, et souvent un grand bassin dans un vallon plus haut que les terres, qui garantit la ressource en eau d’arrosage : les rivières et ruisseaux, abondants de l’automne au printemps, peuvent connaître des étiages sévères. les murs de schiste ou de granit retiennent des terrasses au sol acide et sableux, fertile. au total, ce sont des petits paysages vivants et actifs, conjuguant aux murs construits par les anciens et leurs escaliers et rampes, soigneusement entretenus, les conduites, tubes et perches de systèmes d’arrosage doux par aspersion – acier, aluminium, polyéthylène haute den-sité –, les bâches et arceaux des serres et des tunnels, les bâches encore des réserves collinaires, au milieu desquels perdurent des cabanes de bois rapetassées, toujours bien utiles pour ranger à proximité les outils de cette agriculture minutieuse.

saint-martialGard, France

double page suiVante

au Nord du VILLage de SaINT-MarTIaL,

exPLoITaTIoN eN TerraSSeS aVeC

SeS raMPeS eT SoN SySTèMe d’arroSage.

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4…

Page 105: pierre sèche

1054

qui dit tri dit rangement. Les quantités qui composent

chaque catégorie vont définir la forme du mur. Par exem-

ple, beaucoup de dalles régulières permettront de faire

un mur en arêtes de poisson. Beaucoup de dalles longues

pourront devenir ces longues clefs obliques qu’affection-

nent les bâtisseurs des îles grecques ou des causses de

Lozère. Si l’on fait la démarche inverse – on veut tel type

de mur –, on sera souvent déçu par les possibilités du

tas de pierres. et c’est parce qu’aujourd’hui on achète

les matériaux, éventuellement dans plusieurs carrières

– l’une fournissant les pierres de l’élévation, l’autre celles

du chapeau, etc. – qu’on a perdu cette notion-là.

Comme on fait la cuisine avec le contenu du panier, on

élève le mur avec le contenu du tas.

Le premier tas, c’est celui du clapier, où le paysan, labour

après labour, binage après binage, a déposé les pierres

qui encombrent la terre arable du versant. un travail du

même ordre a pu être réalisé par le berger pour augmen-

ter la surface enherbée du pâturage, par le passant pour

améliorer le sentier…

aujourd’hui, où l’épierrage n’est plus pratiqué – abandon

des terres de pente, puissance des machines de labour,

coût de la main-d’œuvre –, le tas peut être constitué des

mètres cubes de pierre à bâtir, ou pierre de restanque,

livrés par la carrière. d’une carrière à l’autre, ce ne seront

Il y a un tas, et dans ce tas toute la famille des pierres. Il faut savoir les reconnaître et les trier. elles sont toutes utiles,

même les vilaines, les informes, les gélives.

Les pierres qui vont former le mur ont une dimension spirituelle : chacune aura sa place dans l’édifice. C’est une société

sans exclus. quand on a un gros tas et qu’on ne le connaît pas, on serait tenté d’éliminer certaines pierres. Mais une fois

qu’on a trié, on s’aperçoit qu’on a pu intégrer tout le monde. ça rejoint l’architecture populaire, le bon sens.

pas les mêmes pierres : à cause de la géologie, des tech-

niques d’extraction ou de refente.

de ce tas on va extraire ce qui fera le mur. Pour mieux

comprendre ce qui le compose et vérifier qu’on ne man-

quera pas de certains éléments, on le range en sous-tas,

par taille et forme. à ce stade, si l’on s’aperçoit par exem-

ple qu’on a très peu de pierres « à face » (qu’on appelle

dans ce livre les demoiselles *), on prévoira un atelier de

taille pour en reprendre certaines, plus grosses et pas

très loin de la forme recherchée. Il est rare qu’on ait beau-

coup de chapeaux*. avec un massacan* et deux ou trois

coups de masse, on arrivera à en faire.

Mur en arêtes de poisson, saignon, VauCluse.

Ce CaLCaIre MIoCèNe a éTé MIS eN œuVre aVeC uNe VoLoNTé de

ParFaITe réguLarITé deS éLéMeNTS, de LeurS aNgLeS eT eMBoîTeMeNTS.

praTique : les pierres du mur

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106 4 LeS PIerreS du Mur

Le secret de la maçonnerie traditionnelle, c’est l’accro-chage entre les pierres, et non le collage par un liant. C’est vrai a fortiori pour la construction en pierre sèche.Ce souci d’un bon accrochage fait rechercher :• Des surfaces planes, frottant bien avec les pierres

voisines : éviter les pointes, les bosses (qu’un coup de têtu ou de martelette pourra souvent faire sauter).

• Des pierres bien serrées (on ne peut pas compter sur l’effet de coussin du mortier).

• Un remplissage des vides, en valorisant les pier-res informes (« patates* »), calées avec soin dans la profondeur du mur (on peut ainsi poser d’abord les grosses patates, espacées entre elles mais en veillant à les croiser avec les patates du rang inférieur sur les-quelles elles reposent, puis remplir cet espace avec des patates moyennes, puis des petites…).

• De rang en rang (d’assise* en assise), faire avancer ce remplissage de la profondeur du mur en cohérence avec le parement.

• De façon générale, pour une bonne répartition des forces, ne pas concentrer les grosses pierres, mais les répartir et loger entre elles des moyennes et des petites – dans le parement, les demoiselles les plus grosses étant aussi souvent les plus longues, elles l’ancrent en profondeur.

• N’utiliser les petites cales qu’en dernier recours, mais le faire notamment pour éviter que les pierres ne balancent.

Certains matériaux (grès tendres, calcaires en plaquettes, schistes…) peuvent être dans le temps plus sensibles au gel ou aux intempéries. Si le mur est fait avec une répar-tition équilibrée des grosses pierres, des moyennes et des petites, il se tassera de façon homogène (alors qu’il connaîtra des désordres si les grosses sont d’un côté et les petites, plus sensibles au tassement, de l’autre). dans l’entretien d’un mur, il est intéressant de repérer ces petites pierres qui se sont cassées ou effritées et de les remplacer avant que le désordre ne s’aggrave. Il y a un rapport entre la taille des éléments et la taille de l’ouvrage (hauteur, profondeur) auquel il faut être attentif : on trouve certes des hauts murs faits de peti-tes pierres, ou des murs bas faits de grosses pierres, qui sont beaux et qui durent. Mais en les regardant de près on voit que leurs bâtisseurs ont mis encore plus de soin à croiser et à organiser en lits serrés et profonds les pe-tites pierres, à harmoniser et à marier entre elles et avec le remplissage arrière les grosses pierres…

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PraTIque 1074

demoiselle C’est la pierre reine du mur, la pierre de parement qui a une face plane dite « en demoiselle » – les vieux disent : « la belle face », celle offerte à la vue (alors que les cinq autres sont prises dans la profondeur du mur), celle que la main effleure quand elle caresse le mur… Cette belle face ne suffit pas : il lui faut aussi une bonne assise, par laquelle elle repose avec stabilité sur le mur en construc-tion, une face supérieure apte à recevoir la suite du mur, et une profondeur* suffisante pour bien s’y ancrer.La forme de cette « belle face » n’est pas nécessairement un rectangle allongé : suivant les matériaux disponi-bles (calcaires en gros éclats polygonaux, blocs roulés d’anciennes moraines, etc.) et la façon de construire (construction en voûtées*), la nature du chantier (mur, cabane, etc.), elle peut être assez carrée, voire triangu-laire, polygonale…avec deux belles faces en angle, une demoiselle peut devenir une pierre d’angle.une demoiselle un peu lourde avec une bonne assise, mais une face supérieure trop convexe pour porter un nouveau rang pourra constituer un bon chapeau.une demoiselle trop grosse pour être soulevée reste en bas du mur, et on la nomme au masculin : un massacan*.

les familles de pierres

massacan

Le massacan (cette demoiselle trop grosse), resté en par-tie basse du mur, le fonde, résiste à la poussée arrière du talus ou de l’eau, si le mur soutient une terrasse. en les tirant sur des rampes, on peut monter des massacans sur deux rangs, voire trois. Par contre un massacan qu’on intègre à mi-hauteur d’un mur risque de rompre sa cohé-rence et la solidarité de ses éléments : il sera trop lourd par rapport aux voisines, médiocrement croisé à elles…

les grosses informes

Cousines des massacans, mais sans belle face, elles prennent place à la base du remplissage arrière, où elles jouent elles aussi par leur poids. on les cale bien sur le sol, quitte à évider celui-ci en berceaux pour mieux les recevoir. Les moyennes et les petites informes (qu’on peut appeler les « patates ») prennent place entre les grosses, rangées au plus serré.

dans la profondeur du muren profondeur, la demoiselle n’a pas nécessairement des côtés bien perpendiculaires à la bonne face, ils peuvent être légèrement rentrants. Si les côtés sont sortants, on risque la pantoufle * (un vide dans le parement), sauf si les pierres qui les encadrent les compensent par des côtés rentrants.Il est important que les demoiselles n’aient pas toutes une profondeur égale : sinon le parement se dissociera du reste du mur. Bien au contraire, les profondeurs inégales doivent favoriser dans l’épaisseur du mur le croisement des pierres du parement avec celles du remplissage (pour un mur de soutènement) ou les pierres du parement opposé (pour les murs à deux parements). C’est ainsi qu’une demoiselle très profonde devient une boutisse *.et qu’une demoiselle un peu faible en profondeur, mais bien mariée sur les côtés et derrière (ou dessus et dessous) à des pierres plus profondes qui compensent sa faiblesse et la relayent, va prendre sa place dans la structure indéfi-niment croisée d’un mur de pierre sèche bien bâti.

uNe PIerre aVeC uNe BeLLe FaCe MaIS TroP

groSSe Pour êTre SouLeVée reSTe eN BaS

du Mur. oN L’aPPeLLe uN MaSSaCaN.

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108 4 LeS PIerreS du Mur

les boutisses, l’ancrage en profondeurLes boutisses sont des demoiselles qui pénètrent le mur en profondeur et l’ancrent. elles peuvent être croisées et relayées par des contre-boutisses *, ou biasses : celles-ci prolongent cet ancrage en profondeur, mais avec une articulation qui s’adaptera à d’éventuels tassements inter-nes. Le danger qui guette en effet une longue boutisse est de casser si le mur dans sa profondeur, moins homogène que dans le parement, se tasse. La boutisse doit donc être choisie pour sa longueur mais aussi sa robustesse.

les chapeaux, le couronnement

La partie haute du mur joue un rôle de serrage, de résis-tance à l’érosion, au passage des animaux, de l’homme, du vent, aux racines qui soulèvent les pierres ou aux branches des arbres qui les fouettent. Visuellement, elle marque la conclusion du mur, par la ligne qu’elle suit et par le choix et l’organisation des matériaux qui la consti-tuent. dès le stade initial du tas, le couronnement doit avoir été prévu, et les pierres du chapeau, réservées.Les solutions ne manquent pas :• Des grosses pierres, épaisses et profondes, avec une

face en demoiselle, posées dans la suite harmonieuse des pierres du parement.

• Des pierres plus fines et plates serrées verticalement, comme des livres : elles compensent par leur cohé-sion la modestie du poids de chacune d’elles ; elles ont la réputation de dissuader les chèvres de les fran-chir, qui craignent d’y coincer leurs pattes. Suivant les ressources en pierres et la culture locale, le bâtisseur a soigné la régularité de leur crête, en a même, pour des murs de bords de chemin, arrondi les angles. ou au contraire il a rangé là les grandes pierres comme les petites, jouant sur leur hérissement. (Certaines de ces pierres plates verticales ont pu, au cours de l’épierrement de la terre voisine, être dressées là à la va-vite, et se retrouver plus tard recouvertes par croissance du mur.)

• En Écosse, ce peuvent être de grosses mottes de gazon qui couronnent des murs de clôture de pro-priété : les pluies sont assez fréquentes pour que l’herbe là-haut perchée y prospère.

• Dans les Cévennes et le Languedoc, des iris sont volontiers plantés sur le rebord des terrasses : leurs rhizomes charnus et noueux texturent le dernier rang de pierres, et ils couronnent de leur verticalité végétale la construction minérale.

• Dans l’Atlas marocain, des branches sèches d’acacias épineux, des plantations vives de figuiers de Barba-rie, tiennent en respect petit bétail et passants.

• Pour des murs de clôture où on a voulu que la crête soit particulièrement solide, les pierres du dernier rang ont été bâties à la chaux : à cause du fort pas-sage, pour la fierté du propriétaire… ou parce que c’était dans le savoir-faire du maçon.

Le HérISSeMeNT deS PIerreS du CHaPeau

ForMe ICI uNe CrêTe IrréguLIère.

LeS rHIzoMeS deS IrIS CoNSoLIdeNT Le CouroNNeMeNT

deS SouTèNeMeNTS deS TerraSSeS CéVeNoLeS.

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CoNSTruIre uN Mur110 4

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C’est la construction du mur de soutènement d’une terrasse en Provence, au pied de la colline qui porte le beau village

de La Verdière (Var), qui sera suivie pas à pas dans cette partie. Le grand-père cultivait sur ce versant de la vigne. Son fils,

Marcel Laurans, planta des oliviers et des chênes truffiers, et commença à restaurer les murs. Plus haut dans le temps,

des mûriers y avaient produit des feuilles pour les vers à soie. quelques-uns subsistent.

Le gendre de Marcel a décidé de remettre en état l’un

des murs, largement effondré. un chantier important

– un mur de 150 mètres de long, autour de 2 mètres de

hauteur, soit quelque 350 mètres cubes de pierres mis en

œuvre –, qu’il a préparé et calculé avec son expérience

professionnelle des travaux publics, et qu’il a confié à une

jeune équipe de murailleurs.

une minipelle facilitait les opérations de fouille et de

décapage de la terre, un minichargeur le transport, le

déplacement des pierres, et élevait à hauteur les lourdes

pierres du couronnement du mur.

Mais, même sans engins mécaniques, la façon de bâtir, d’as-

sembler les pierres, serait la même pour un ouvrage plus léger,

comme un mur de 3 mètres de long et 1 mètre de haut.

on présentera plus loin une façon de décomposer le

travail en unités de 50 à 60 centimètres de hauteur : les

« coudées* », et leur démonstration sur un petit chantier-

école aux jardins du rayol, dans le massif des Maures,

avec un équipement de chantier beaucoup plus léger.

à La Verdière, mettant à profit la saison sèche, l’ancien

mur a été démonté, le talus bien décapé. Le versant que

le mur soutient est un gros glacis de terre argileuse très

grasse, qu’il est important de bien drainer.

Les pierres du nouveau mur sont celles récupérées du

précédent, complétées par des pierres de carrière : du

calcaire secondaire pour ces deux provenances, clair,

dur et franc, néanmoins plutôt meilleur pour les pierres

de l’ancien mur, qui avaient subi pendant des dizaines

d’années l’épreuve du gel. Les pierres ont été classées et

regroupées en tas, par tailles et qualités constructives.

1114

praTique : construire un mur

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CoNSTruIre uN Mur112 4

le site

au pied du versant, seules quelques parties de l’ancien mur ont été conservées.

en contrebas du village étagé de La Verdière, le chantier progresse linéairement, depuis la fouille jusqu’au mur achevé, avec tous les stades intermédiaires.

La minipelle a fait une fouille légère pour fonder le mur, en même temps qu’un che-min de chantier. elle sert notamment à déposer de loin en loin les tas de pierres qui approvisionnent les segments du mur en construction.

La tractopelle entre dans la logistique mécanique d’un chantier lourd. on verra plus loin que, sur un chantier petit ou exigu, un diable sur pneumatiques et des rampes en bois (plateaux d’échafaudage) peuvent soulager grandement les manutentions.

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PraTIque 1134

préparation du sol et premier rang

Le mur est fondé sur la terre argileuse, à peine surcreusée (moins de 20 centimè-tres) et naturellement tassée : l’assise profonde du mur et sa souplesse s’en accommoderont.

Le premier rang met en œuvre des massa-cans particulièrement lourds, mais qui ont pu être retaillés pour leur donner une face propre et des côtés s’ajustant aux voisins. à l’arrière de ces grosses pierres à face, on vient serrer des patates grosses, moyen-nes et petites.

Massacan pierre très grosse et lourde.

face côté plat d’une pierre restant visible.

patate pierre informe utilisée en remplissage.

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CoNSTruIre uN Mur114 4

mise en place d’une demoiselle

Les pierres présentant une belle face sont utilisées en pare-ment. on veille à croiser les joints. Ici, la demoiselle viendra reposer à cheval sur deux demoiselles du rang précédent, pour bien les croiser ; belle face en parement, queue trian-gulaire s’enfonçant dans le mur. Pour soulever cette pierre d’une vingtaine de kilos, le murailleur s’accroupit bien à l’aplomb de la pierre, et,

appuyant ses coudes à l’intérieur de ses genoux, relaye le travail de ses bras par celui de ses jambes – et soulage d’autant son dos. Pour la porter jusqu’au mur, il utilise ses cuisses autant que ses bras, le poids toujours bien centré par rapport à son corps.demoiselle pierre à face utilisée en parement.

parement face visible de l’ouvrage.

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PraTIque 1154

pose d’une boutisse Le but est d’ancrer le mur en profondeur avec une longue pierre, tout en croisant celle-ci avec les pierres du rang infé-rieur (deux demoiselles en parement, des patates à l’arrière). [a] amélioration avec des pierres plates du berceau qui va recevoir la boutisse. [b] Pose. [c] Vue de face de la boutisse posée. [d] Serrage latéral avec une petite demoiselle et sa patate.

Le mur arrivé à cette hauteur, le travail de pose est plus confortable en étant accroupi sur le mur que debout sur le sol. Le souci est toujours de tenir son corps à l’aplomb de la pierre.

boutisse pierre longue ancrant en profondeur le parement.

a b

c d

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éviter les pantoufles et bien ordonner les faces

remplissage d’un créneau oblique avec une demoiselle peu grosse mais très bien logée en largeur et en hauteur, complétée en arrière par deux petites patates. Permet d’évi-ter une pantoufle [a].La demoiselle du milieu a un contact insuffisant avec une

de ses voisines. elle est un peu trop large pour bien s’insérer dans le parement. après correction au têtu de l’angle trop débordant, elle trouve sa bonne place.

pantoufle joint trop large entre deux pierres.

a

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PraTIque 1174

remplissage arrière

La construction de l’arrière du mur utilise les patates. Les deux bâtisseurs se répartissent le travail : l’un, au pied du mur, prend les pierres dans le tas des patates et les apporte ; l’autre, sur le mur, les positionne. Les gros-ses patates, croisées avec le rang du dessous, donnent

la maille de base. Les moyennes serrent les grosses. Les petites ne restent en vrac que le temps du transport dans un seau : chacune d’elle est ensuite calée au mieux entre les grosses et les moyennes, pour que l’ensemble soit bien serré et croisé.

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encore du remplissage

un peu plus loin sur le chantier, le mur est calé sur toute son épaisseur : [a] demoiselles, [b] boutisse, [c] contre-boutisse qui reprend les demoiselles, patates grosses [d], moyennes [e] et petites [f].Ce même élément du mur dans son contexte : au premier plan, le calage soigné sur toute la profondeur forme l’arase *

intermédiaire sur laquelle sera bâtie la prochaine coudée. au deuxième plan, le même travail de calage est en cours pour faire une nouvelle arase.

Contre-boutisse pierre d’ancrage longue qui n’apparaît pas en parement.

Coudée unité de construction de 50 à 60 centimètres de hauteur.

a

b

ca

d

e

f

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calage fin

Trois images pour dire l’importance d’un calage fin, qui finit de serrer les pierres entre elles, place au final les petites et leur donne un logement stable. Si celles-ci sont posées en vrac, elles auront tendance, en cas de déformation du mur, à descendre et à aggraver le « ventre » du parement : l’effet « sac de billes ».

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monter l’escalier

La solution d’un escalier « volant », dont les marches sont une succession de corbeaux * ancrés profondément dans le mur, est très économe d’espace et de travail (par rapport à un escalier perpendiculaire au mur, ou bâti dans un renfon-cement du mur). Sa légèreté d’aspect a un prix : le grimpeur doit être sûr de son équilibre et lever plus haut les pieds que sur un escalier de maison. avant même d’être lestée par la suite du mur, la partie arrière de la marche doit avoir l’avan-tage du poids : au moins deux tiers pris dans le mur.

[a][b] Longue, et ici évasée, elle jouera en outre un rôle de boutisse.[c] L’assise sur laquelle elle reposera est préparée.[d][e][f ][g] Manutention de la pierre, à deux, toujours le corps bien centré et à la verticale du poids soulevé.[h][i] Complément de calage par-dessous et de serrage latéral. un rang de chapeau viendra lester et stabiliser cette dernière marche.Chapeau pierres de couronnement du mur.

a b

d

g

c

e f

h i

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PraTIque 1214

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chapeau

Pour le couronnement du mur, des pierres ont été réser-vées, plus lourdes et hautes, avec des faces supérieures, inférieures et latérales assez régulières. Les pierres livrées par la carrière ayant été plutôt plus grosses qu’attendu, cette sélection a été assez facile. un cordeau a été tendu pour régler l’alignement supérieur. une échelle – et le cas échéant, le godet de la tracto-pelle – aident à monter les grosses pierres. Mais une bonne

précaution est de mesurer préalablement la hauteur du chapeau à rechercher dans le tas – pour ne pas se « tuer » les bras en hissant une pierre qui ne conviendrait pas… Pour le reste, la façon de bâtir est la même : croiser ces ultimes pierres avec celles du rang inférieur, introduire régulièrement des boutisses qui ancreront en profondeur le parement, mailler l’arrière du mur de grosses, moyennes et petites patates.

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la coudée : « le mur dans le mur »

déroulement du travail : tous les 50 à 60 centimètres, le chantier est arrêté plus ou moins à l’horizontale, et repart sur cette nouvelle arase : ce peut être le lende-main ou avec une autre équipe qui s’insérera ainsi plus facilement dans le projet du mur.

• Chaque coudée constitue donc un « mur dans le mur », où les pierres trouvent leur place, grosses, moyennes, petites, que ce soient les demoiselles ou les patates.

• Dans chaque coudée, les rangs, qui forment dans le parement une échelle plus ou moins dégressive (larges et hautes demoiselles, puis moyennes, puis petites), le forment aussi dans la profondeur du mur, participant grandement au croisement des pierres, à la répartition régulière des masses et des faces d’accroche, à l’utilisa-tion de toutes les ressources du tas – qui sont l’essence même de la pierre sèche.

La coudée mesure 50 à 60 centimètres de haut (soit la hauteur de l’avant-bras, du coude au bout des doigts). La longueur mise en chantier, pour un ou deux ouvriers, peut être de l’ordre de 3 mètres : c’est une bonne unité pour à la fois limiter les efforts d’accès aux pierres et aux outils et donner leur place à toutes les pierres. Sur 3 mètres d’arase, le champ de liberté est assez large pour qu’une grosse

demoiselle ou une grosse patate, qu’on a hissée jusque-là, trouve sa place. on ne cherche pas à serrer chaque grosse pierre contre sa voisine ; au contraire, on répartit harmonieusement les grosses, en veillant à les croiser avec les pierres du dessous, on intercale les moyennes, puis les petites – ces dernières plus faciles à retoucher pour les loger avec un bon contact entre leurs voisines. on ne cherche pas forcément à avoir rang après rang la même hauteur de pierre : on rattrapera l’horizontalité en fin de coudée. au contraire quelquefois, pour « passer » des patates plus grosses à l’arrière, on met en parement deux rangs de demoiselles, pourvu qu’elles soient bien calées et croisées.en terminant la coudée par les demoiselles et les patates moins hautes, il est plus facile de retrouver l’horizontalité ; on affine avec des pierres plus plates – toujours avec le souci de les croiser.en résumé, la coudée permet de placer, dans cette unité de mur de 50 à 60 centimètres de hauteur, toutes les formes de pierres du tas, et de ne pas « manger son pain blanc » en prenant au début du mur toutes les « belles » pierres. Cela permet un aspect visuel sans inégalités, mais aussi et sur-tout la bonne répartition technique de chaque pierre.

La construction d’un mur en coudées que recommande ce livre divise le chantier en unités qui apportent de la cohérence dans le déroulement du travail, dans l’utilisation et la manipulation des pierres, dans la structure du mur.

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[a] Base du mur, en appareil polygonal.[b] Transition entre appareil polygonal et appareil en lits sensiblement horizontaux mettant en œuvre des pier-res dont les faces s’approchent du rectangle allongé. [c] arase intermédiaire.[d] Construction en coudée et nouvelle arase.[e] Future coudée de couronnement du mur.

Certains des plus gros blocs, aux faces triangulaires ou tra-pézoïdales, sont inaptes pour former des lits parallèles, mais s’emboîtent en coins : cet appareil polygonal occupe les deux ou trois premières assises. (Cette façon de faire est très commune dans ces collines varoises en calcaire jurassique ou triasique.)appareil disposition et ajustement des pierres.

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coudée et journée La construction du mur a été arrêtée à une arase inter-médiaire, à qui on demande d’être régulière, mais pas nécessairement d’une parfaite horizontalité. Cette arase concerne non seulement le parement, mais le mur sur toute sa profondeur. Il est à noter que dans la maçonnerie hourdée au mortier, l’horizontalité de la ligne d’arase à la fin de chaque coudée

est beaucoup plus affirmée ; en effet, il est plus facile et tentant, arrivé là, de serrer au mortier des petites pierres. de plus, si le mur est bâti au mortier de chaux, le découpage du chantier en coudées laisse à la chaux le temps de la nuit pour confirmer sa prise, et supporter le lendemain le poids d’une nouvelle coudée – la notion de « coudée » se dou-blant alors de celle de « journée » de travail.

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premier rang de la coudée Pour commencer la nouvelle coudée, le murailleur pose d’abord les plus grosses demoiselles. Il les positionne à che-val sur les joints du rang inférieur. Il est pour l’instant plus

important de bien « croiser » que de poser les pierres les unes contre les autres. dans un premier temps, le rang n’est pas continu.

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parement puis remplissage C’est la deuxième série de demoiselles qui doit se loger au plus serré dans les créneaux de la première série. Si néces-saire, les pierres un peu trop larges sont ajustées au têtu. Certaines de ces demoiselles sont plus profondes et joue-ront le rôle de boutisses. Le premier rang de parement est maintenant complet et bien serré. Le murailleur s’intéresse alors au mur dans sa profondeur, et commence là encore

par des patates grosses et longues, sans les serrer entre elles, mais en veillant à ce qu’elles croisent les pierres du rang inférieur ou qu’elles serrent la queue des boutisses.Les pierres de remplissage les plus longues et les plus lour-des sont utilisées en contre-boutisses. disposées entre les boutisses, elles relaient leur rôle de liaison dans la profon-deur du mur.

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PraTIque 1294

fin de la coudée entre les contre-boutisses sont placées les patates moyen-nes, puis les petites, pour croiser et serrer au mieux le mur sur toute sa profondeur. Fin du premier rang.La construction des rangs suivants de la coudée suit le même principe. [a] deux demoiselles d’un nouveau rang semblaient avoir trouvé une bonne place. Pourtant l’une comme l’autre

croisent médiocrement le rang du dessous. [b] en déplaçant légèrement celle de gauche, on lui donne une bien meilleure liaison.[c] une demoiselle étroite remplit le créneau ainsi créé.Les deux murailleurs montrent la base de la coudée, et la hauteur restant à bâtir. La coudée achevée se termine par une nouvelle arase.

a b c

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CoNSTruIre uN Mur130 4

cinq outils pour préparer les chantiers épierrage, tri des pierres, fondations… de gauche à droite :[a] pioche à deux taillants dite « jean-Pierre », idéale pour dessoucher.[b] pic de terrassier (un pic d’un côté, une lame perpendi-culaire étroite et épaisse de l’autre, un fer assez lourd) : pour creuser les terrains durs.[c] pioche de cantonnier (un pic plus court et fin d’un côté, une lame perpendiculaire large de l’autre, un fer plus léger) :

pour creuser et nettoyer la surface de terrains plus tendres.[d] barre à mine : pendant l’épierrage, pour mobiliser des grosses pierres de surface, détacher des éclats de dalles. Pendant le chantier, pour faire levier, pousser et serrer des massacans…[e] pelle de terrassier.[f] fourche de cantonnier : permet de trier et de récupé-rer facilement les pierres dans un mélange terres et pierres.

les bons gestes avec les bons outils

a b c d e f

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les outils pour monter le mur

[a] grand têtu à deux mains. C’est un outil de carrier et de tailleur de pierre, pour équarrir les pierres ou en réduire les dimensions. Ses deux têtes carrées ne sont pas plates mais concaves, et régulièrement aiguisées pour rendre mordan-tes les arêtes de droite et de gauche. Le poids de la masse et le lancer que permet la longueur du manche font du grand têtu un outil puissant, très efficace quand on tape au bon endroit. Il a sa place dans des chantiers de pierre dure et homogène.[b] têtu. une tête carrée, toujours concave, pour équar-rir, casser ; une tête en pointe de l’autre, par exemple pour réduire des bosses, mais de façon moins précise qu’avec une pointerolle. C’est l’outil de base des chantiers de pierre dure.[c] Massette en chasse, avec sur chaque tête une arête en tungstène rapportée qui en fait un têtu inusable, mais pour droitiers seulement.[d] Massette. Pour agir avec précision sur les chasses et les pointerolles.

[e] deux chasses, dont une avec arête tungstène rappor-tée : percutées par la massette, elles permettent de dégager dans la pierre un plan franc et net.[f] deux autres outils à percuter avec la massette : la pointe-rolle (ou aiguille), tige d’acier se terminant par une pointe, pour réduire des bosses malvenues ; le burin, tige terminée par un tranchant en ciseau, moins utile sur un chantier de pierre sèche.[g] Martelette : une tête en marteau, l’autre en tranchant perpendiculaire au manche. un outil léger, pour des pierres légères : calcaires en plaquettes… Insuffisant dès que la pierre est lourde et dense. Mais le rapport avec l’outil a aussi une dimension culturelle. de même que les paysans des terres profondes quand ils doivent labourer pensent « char-rue » et ceux des versants caillouteux « araire », le murailleur des collines miocènes qui va entretenir ses terrasses ne s’en-combre que d’une martelette, alors que celui des causses jurassiques emporte son têtu.

a

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du bon usage des outilsles têtus

Travail avec le grand têtu pour enlever une excroissance d’un côté d’une pierre (qui pourrait générer une pantoufle) : [a] La partie à enlever. repérage du point d’impact idéal de l’arête du têtu sur le plat de la pierre – le travail se fai-sant à deux mains, il a besoin de rester précis. [b] Impact. [c] La pierre retaillée.

enlèvement d’un débord gênant d’une pierre avec la tête large du têtu :[d] [e] [f ] repérage, impact, fissuration et chute du rataillon.[g] résorption d’une bosse résiduelle avec la tête pointue du même outil.en résumé, l’arête du têtu attaque le plat de la pierre, sa pointe fait éclater les bosses.rataillon éclat de pierre, éventuellement réutilisable en calage.

a b c

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du bon usage des outils chasses et pointerolles

Travail avec la massette pour créer une face de demoiselle soignée :[a] [b] attaque à la chasse, un peu en retrait du tracé fait au crayon.[c] Perfectionnement par plusieurs frappes le long du trait.[d] Finition de la face avec la pointerolle. La pointerolle

est presque perpendiculaire à la bosse, mais la main qui la tient la décolle légèrement de la pierre avant chaque coup de massette, ce qui donne plus de précision à l’impact.

[e] [f] Travail avec la massette en chasse, toujours pour faire sauter une bosse qui ferait pantoufle.

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le diable

Très commode pour déplacer les pierres lourdes. Préférer un modèle avec roues à pneumatiques, pas trop gonflés.

d’autres outils et accessoires

proteCtionChaussures de chantier à coque d’acier ; lunettes en plastique rigide, légères et confortables ; gants.

Mesure & traCétriple mètre, double décamètre pour un gros chantier ; cordeau en tresse de coton blanc ou en élastique de jeu à l’élastique (de couleur vive il se voit bien) ; niveau ou fil à plomb ; crayon de charpentier.

diVersquelques longueurs de lambourdes ou de chevrons pour fabriquer les chèvres ; serre-joints et/ou visseuse et vis à bois pour les assembler ; une planche épaisse ou un pla-teau d’échafaudage pour réaliser une rampe afin de hisser les pierres de couronnement.

Ci-dessous, la fourche de cantonnier permet de séparer la terre des petites pierres.

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Les images qui suivent ont été prises lors d’un stage de formation d’une journée : initiation à la pierre sèche et initiation aux calades, dans les jardins du rayol, sur la côte du massif des Maures (Var).Pour la pierre sèche, les stagiaires mon-taient deux murs de soutènement, l’un en calcaire dur, l’autre en schiste – des pierres de carrière dans les deux cas.

calcul du fruit, emploi du niveau, des chèvres et du cordeau…

autour d’un chantier-école

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le fruit

Le fruit (ou talus) est l’inclinaison donnée au parement d’un mur par rapport à la verticale : l’aplomb du haut du mur est en retrait par rapport à sa base, ce qui participe à sa stabilité.Pour ce chantier, c’est un fruit de 7 % qui a été choisi : par-tant du pied du mur du même point zéro, on matérialise (avec deux pièces de bois et un niveau) :• une verticale, où on trace une graduation à 1 mètre de hauteur ;

• une oblique qui, à cette hauteur de 1 mètre, s’en éloigne de 7 centimètres.Principe de la chèvre : une pièce de bois oblique qui servira de guide pour régler le fruit, une latte (ou deux) pour la maintenir dans la bonne inclinaison.[a] réglage de l’oblique à 7 %.[b] deux lattes contreventent le guide oblique. Les trois pièces sont liées par des serre-joints.

Suivant les étapes classiques d’un chantier, les pierres livrées ont été triées. Pour l’un des murs, destiné à soutenir un talus de terre, la fondation a été décapée. on détermine la hau-teur du mur, l’alignement et le fruit de son futur parement. Les guides que peuvent constituer des chèvres et un cordeau sont mis en place

a b

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le cordeau

[a] [b] Mise en place du cordeau horizontal : il est tendu entre les chèvres. L’astuce pour qu’il appuie bien sur l’arête interne de la chèvre, c’est de le nouer, en avant de celle-ci, sur une pièce de bois indépendante – ici un bambou.on peut perfectionner le système en remplaçant le cor-deau par un élastique (de culotte, blanc, ou de jeu à l’élas-tique, fluo), l’objectif étant de bien régler l’alignement du mur, sans être gêné par le cordeau pour la pose des pierres, en particulier les lourdes.[c] une fois la base du mur en place, le cordeau peut être

tendu plus haut que le rang en cours, par exemple au niveau de la coudée suivante : on repère à l’œil, entre cordeau et mur existant, le bon nu* des pierres, qu’on place en outre sans perdre d’effort à soulever la pierre au-dessus du cordeau.[d] détail du nœud : c’est un double nœud simple décalé.

Sur l’autre mur du chantier école :[e] [f] deux modes d’assemblage des pièces de bois pour réaliser les chèvres : avec des serre-joints, à la visseuse élec-trique (c’est pratique, précis, et on récupère tout).

a b c

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Pittoresque. authentique. en Provence comme ailleurs, on aime parfois la pierre sèche simplement parce qu’elle

est belle, qu’elle est un patrimoine à la fois agricole, architectural, touristique. Mais ce patrimoine nous parle aussi

de demain, de développement local, de gestion de l’environnement. Bâtir aujourd’hui en pierre sèche, plus que

préserver le passé, c’est construire l’avenir.

la pierre sèche aujourd’hui

pour survivre, l’homme a façonné son territoire. il s’est adapté à sa géographie et à son climat, utilisant ce qu’il trouvait autour de lui pour répondre à ses besoins. il nous a légué un patrimoine. conséquence de l’exode rural des xixe et xxe siècles et du recours à d’autres méthodes d’exploitation agricole, ces paysages sont tombés en désuétude. les ouvrages en pierre sèche se sont abîmés faute d’entretien ou ont été détruits. la beauté des sites en a été affectée à l’évidence, mais les dommages en profondeur sont encore plus graves.

Perte d’identité des paysages. les enclos lithiques dis- paraissent. les terrasses de culture sont abandon-nées. la végétation et les racines des arbres ont fini par mettre en péril les ouvrages. d’un côté la forêt envahit et referme le paysage, ruine les murs et devient facteur de risques, de l’autre les « murs décors » (comprendre les murs d’aspect pierre sèche, mais à l’âme de béton et non de pierre sèche) prolifèrent sans souci écologique.

Perte des savoir-faire. les artisans tendent à se trans-former en applicateurs de produits industriels. l’ex-ploitation forestière remplace l’exploitation agricole, mais les forestiers détruisent les sites en pierre sèche lors du débardage par l’usage d’engins de débrous-saillage inadaptés à la fragilité des ouvrages.

Planète menacée. les catastrophes naturelles se mul-tiplient : sécheresse, feux de forêt, glissements de ter-rain et inondations. ces phénomènes sont de plus en plus fréquents et menaçants. ils imposent de remettre

Mur de TerraSSe eFFoNdré à SaINT-CHINIaN (HérauLT).

en cause des attitudes et des choix qui ont conduit nos sociétés à ne considérer leur développement économi-que que sous l’angle de la rentabilité immédiate.

défenseurs du patrimoine rural, écologistes, scienti-fiques, agriculteurs, ils sont nombreux ceux qui tirent aujourd’hui la sonnette d’alarme. devant la baisse annoncée des ressources naturelles de la planète et l’ur-gence de la menace climatique, il est impératif de réagir. la pierre sèche est une solution alternative à plus d’un titre, celui de la préservation de paysages identitaires à forte attractivité touristique, levier de développement local, mais encore celui de la gestion de l’environne-ment : prévention des incendies et des inondations, gestion de l’eau et des sols – paramètres cruciaux dans les zones méditerranéennes – et réduction de l’usage des engrais et pesticides, pour une agriculture diffé-rente. l’analyse des techniques du passé révèle leurs aspects positifs. les adapter pour générer de nouveaux comportements ne relève plus d’un idéalisme marginal, mais du raisonnable, et même de l’innovant.

conséquence de l’industrialisation, la perte de savoir-faire a conduit les professionnels du bâtiment à se méfier des techniques traditionnelles. pour nombre d’entre eux, la « maçonnerie traditionnelle » consiste à monter des parpaings en ciment… la pierre sèche inquiète : comment des pierres posées à sec, sans liant, pourraient-elles bien tenir ? qui oserait endosser la responsabilité d’un tel ouvrage ?cependant, comme il importe désormais à chacun d’exa-miner, voire de remettre en cause ses connaissances, ses habitudes, les matériaux naturels sont reconsidérés

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parce qu’ils sont non énergivores. pierre, bois, terre, chanvre, chaux, paille, chaume, ces savoir-faire, pra-tiqués depuis des siècles, se voient revalorisés. les artisans peuvent désormais exprimer leur talent, faire valoir leurs compétences et laisser l’empreinte de leur personnalité sur leurs ouvrages tout en participant au développement durable.

la pierre sèche doit reconquérir l’image d’une techni-que fiable, pertinente, innovante. son apprentissage, la qualification du savoir-faire pierre sèche, sont une nécessité pour passer d’un paysage de décor à un pay-sage écologiquement satisfaisant. en France, dresser des passerelles entre artisans et ingénieurs, ou entre artisans et architectes reste difficile… or, la pierre sèche touche un large échantillon d’acteurs : le carrier qui extrait la pierre, l’artisan qui la bâtit, le jardinier ou l’agriculteur qui l’entretiennent. elle touche aussi plu-sieurs secteurs : la culture, l’environnement, l’emploi, le tourisme, les routes, l’économie, le développement durable… et surtout différentes strates de responsabi-lités : les donneurs d’ordres, les concepteurs, les bâtis-seurs, les gestionnaires…

Écoconstruction avant la lettre

ce travail de réhabilitation de la pierre sèche dans le paysage est très similaire à celui qui a été fait il y a quelques années pour l’habitat. on constate souvent combien, pour leurs logements, les anciens témoi-gnaient d’une grande intelligence d’adaptation au site comme au climat. prenons l’exemple d’un mas proven-çal en campagne : l’orientation du bâti est soucieuse du vent dominant, des pluies dominantes, du soleil, de l’effet des reliefs environnants. le débord de toiture est dimensionné pour limiter le lessivage des eaux ruisse-lantes et protéger la façade du rayonnement zénithal du soleil d’été. l’ajout de végétaux est une bonne solu-tion pour ombrager et rafraîchir l’été tout en laissant le soleil pénétrer dans la maison l’hiver pour la chauffer. Une calade * forme le parvis du bâtiment pour éviter la boue, permettre à la pluie de s’imprégner au mieux dans le sol et laisser la base des murs de façade respirer. nos ancêtres étaient les précurseurs de l’écoconstruc-tion : leur écobilan 1 était plutôt bon. le bâti était conçu avec des matériaux de proximité. ils usaient de maté-riaux plus nobles lorsqu’ils pouvaient se le permettre :

1. Processusd’analysedesimpactsenvironnementauxd’unpro-duit : extraction et transformation des matières premières, usage et consommation du produit, fin de vie du produit.

éCoCoNSTruCTIoN aVaNT La LeTTre

la pierre dure pour le seuil, les belles pierres pour la soli-dité de la structure – chaîne d’angle, linteau *, jamba-ges… ils construisaient pour les générations suivantes et apprenaient à entretenir le bâti et gérer leur maison pour optimiser son confort. Bien entendu, les exigences de confort n’étaient pas celles d’aujourd’hui, et ils accep-taient d’avoir chaud en été et froid en hiver. cependant, quoi de plus naturel que d’observer quelques règles de base ? Fermer volets et fenêtres par temps de canicule, rafraîchir sa façade sud par une tonnelle pour y accueillir une plante grimpante ou y fixer des cannisses, planter un arbre de haute tige et à feuilles caduques côté sud, user de la ventilation naturelle la nuit, récupérer l’eau de pluie du toit… entre autres exemples. aujourd’hui, il paraît souvent plus simple de poser une climatisation, qui réchauffe l ’atmosphère extérieure et provoque une nuisance sonore et visuelle, que de gérer le confort thermique de son habitation en faisant preuve de bon sens.

si après le choc pétrolier de 1973, la conception biocli-matique a connu un fort succès, elle s’est très vite essouf-flée. les énergies fossiles étaient là : alors pourquoi se contraindre ? depuis, le sommet de rio, en 1992, puis les accords de Kyoto, en 1997, ont conduit les États à une prise de conscience planétaire. pour répondre à ces nouvelles préoccupations, en 2008, les réflexions avancées sont en premier lieu celles des industriels. elles sont très intéressantes. les maté-riaux sont de plus en plus performants, et la maison de demain sera de plus en plus domotisée : pour garantir sa gestion, des capteurs et une télécommande résoudront tout. cependant, il est dommage de réduire l’efficacité énergétique à cette seule stratégie. Une vision globale des répercussions qu’entraîne tout choix politique d’ur-banisme ou parti pris dans le mode de construction paraît essentielle. ainsi, les lotissements qui s’étalent autour de nos villes et de nos villages soulèvent-ils des interrogations : quels sont les promoteurs qui program-ment et réalisent des liaisons de déplacements « doux » (à vélo, piéton, en transport collectif) avec le reste de l’agglomération ? et, quand bien même ces maisons

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respecteraient scrupuleusement les dernières réglemen-tations thermiques et bénéficieraient des performances technologiques les plus sophistiquées, quelle vigilance est accordée à la composition et à la provenance des matériaux ? quelle réflexion est conduite pour l’adé-quation des plantations ?

Tant que les donneurs d’ordres s’en tiendront à un raison-nement en termes de coût d’investissement, en élaguant la notion de coût de fonctionnement, les programmes qui en découleront ne seront pas cohérents. les archi-tectes comme les entreprises répondent à un marché, et tous seraient prêts à se faire les messagers de la qualité et de la sobriété si les donneurs d’ordres leur accordaient les délais et les moyens financiers nécessaires.

la pierre pour gérer l’eau

l’eau est un besoin impérieux, au quotidien. l’eau est rationnée dans beaucoup de pays du bassin méditerra-néen. en europe, des usines de désalinisation fonction-nent notamment à chypre et aux Baléares. le portugal a tiré la sonnette d’alarme et sensibilise la population. la provence s’inquiète. en Vaucluse, l’abandon d’un système millénaire d’irrigation en plaine condamne le réapprovisionnement des nappes phréatiques. au pays dogon (mali, afrique de l’ouest), où il ne pleut pres-que jamais, les villageois parviennent à cultiver l’oignon grâce à une gestion draconienne de la ressource, placée sous la responsabilité d’un « chef de l’eau », et à une agriculture en terrasses de pierre sèche. la pierre sèche est une technique de construction en pierre tout venant, pierres calées les unes avec les autres qui fonctionnent comme un mur poids, et cette absence de liant (chaux ou ciment) laisse filtrer l ’eau et retient la bonne terre. les murs sont donc tota-lement drainants. dans plusieurs pays, les pouvoirs publics ont pris en compte cette dimension et ont mis en place différents moyens pour subventionner les propriétaires qui participent à la restauration des ouvrages en pierre sèche.

on s’en souvient, en 1989, à nîmes, dans le gard, puis en 1992, à Vaison-la-romaine, dans le Vau-cluse, des inondations spectaculaires ont fait de nom-breuses victimes. Un diagnostic scientifique a établi une relation directe entre ces catastrophes naturelles

2. Ruissellement et risque majeur, phénomène, exemple et gestion spatiale des crues,Martineguiton,LaboratoirenationaldesPonts&chaussées,1998.

3. Limousinage:maçonneriedemoellonsliésaumortier;techni-que utilisée à l’origine par les maçons du Limousin.

4. récupérationdespaysagesdeterrassesetpréventiondesris-quesnaturels,pilotéparlesMajorquinsduconselldeMallorca.

exceptionnelles et l’abandon, en amont, d’ouvrages en pierre sèche 2. les brèches dans les murs abandonnés avaient compromis le rôle de bassins de rétention que tiennent les terrasses et les enclos. Un mur en pier-res limousinées 3, hourdées avec du liant, nécessite des barbacanes (ces trous dans le mur qui évacuent les excédents d’eau en cas d’orage), contrairement à un mur en pierre sèche, qui, sans aucun liant, est plein d’anfractuosités. cette qualité donne à l’eau le temps d’imprégner le sol, tandis que l’excédent passe au travers du mur, s’évacue aisément, tout en voyant sa course ralentie. ces ouvrages ont la double pro-priété de freiner le phénomène de ruissellement et de conserver la terre.

en février 2003, les îles des cyclades, en grèce, ont vécu trois jours de fortes pluies après une trop longue période de sécheresse. l’abandon du système de ter-rasses et de clôtures en pierre sèche a entraîné un phé-nomène irrémédiable. certains sites ont été dévastés, et la terre, comme arrachée de la roche mère. après cette catastrophe, les membres du gouvernement ont observé avec consternation l’eau boueuse qui encerclait les îles : la terre était partie à la mer. ce qui a déclenché la colère du ministre de la mer egée contre les habi-tants, plus préoccupés des gains engendrés par les tou-ristes que soucieux de maintenir le peu de terre arable sur leurs îles. le ministre de l’agriculture a dès lors dégagé un budget pour subventionner les agriculteurs qui maintiendraient en état leur patrimoine de murs.le programme européen Terrisc 4 a associé trois pays du sud-ouest de l ’europe : espagne, portugal et France. À travers une méthodologie expérimentale commune, les scientifiques ont évalué la régulation de l’eau et la prévention des risques dans les sites de terrasses. et cela sur quatre sites de démonstration : la vallée du douro (porto, portugal), la serra de estrella (coimbra, portugal), la serra de Tramuntana (major-que, espagne), les cévennes (France).

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ainsi, dans les cévennes, le site de la vallée obscure, sur la commune de peyrolles, au nord de saint-Jean-du-gard, a-t-il fait l’objet de toutes les attentions. il s’agit d’un bassin versant autrefois aménagé. les scientifiques du cnrs l’ont instrumenté pour analyser ses capacités de gestion de l’eau. cette étude scientifique a été couplée à une démarche sociale. en effet, l’onF a dégagé le site de ses broussailles, les ouvrages hydrauliques et les murs ont été remontés, le tout grâce à l’action conjuguée de plusieurs chantiers d’insertion. l’observation scienti-fique de ce site démontre tout d’abord que la terrasse est un aménagement des versants qui contribue à une meilleure gestion de l’eau et du sol. de plus, elle révèle que le barrage à limons, ou « tancat », est un aménage-ment du talweg qui corrige la pente, favorisant l’infil-tration et le dépôt de matériaux qui permet la création de petites terrasses de culture. enfin, les scientifiques

La PIerre Pour CuLTIVer

orage à Majorque.

deS MurS de PIerre BâTIS SaNS LIaNT PerMeTTeNT L’éCouLeMeNT

deS eaux PLuVIaLeS TouT eN LIMITaNT L’éroSIoN deS SoLS.

ont montré que l’abandon lié à la déprise agricole est un facteur aggravant face aux aléas de ce que l’on nomme en météorologie « l’effet cévenol », qui engendre un risque fort d’inondation.l’effet cévenol, qui touche directement plusieurs dépar-tements, comme la lozère, l’ardèche, l’hérault et le gard, en atteint indirectement d’autres parce qu’il vient gonfler les rivières qui les arrosent. ainsi, en 2002, l ’effet cévenol a ravagé les rives du gardon jusqu’au rhône, arrachant tout sur son passage, mutilant les ripisylves qui boisent les berges et les villages qui les bordent. l’aqueduc romain du pont du gard a résisté, mais cette force effrayante de l ’eau a laissé des tra-ces : les populations ne pourront oublier leurs maisons éventrées, ni les pertes humaines.

la pierre pour cultiver

par leur drainage, leur résistance et leur souplesse, les terrasses de culture et les clôtures en pierre sèche sont un moyen efficace de lutte contre l’érosion du sol, mais servent également de pièges à limons. dans l’atlas maro-cain, il est courant d’observer ce type d’ouvrage : vérita-ble damier minutieusement construit en fond de talweg, destiné à récupérer le maximum de dépôts à la saison où l’oued déborde. ensuite, en période d’étiage, ces petits lopins de terre assureront des ressources vivrières.

en maintenant la terre dans des régions soumises à des précipitations violentes, les terrasses ont permis au fil des siècles la mise en valeur de nombreux versants. elles créent des espaces exploitables dans des zones acciden-tées. leur exploitation a connu des périodes d’expansion puis d’abandon, au gré de la démographie de ces territoi-res en quête de terres vivrières. c’est la variation de leur rentabilité économique qui a induit ces fluctuations. mais si les terrasses de culture et les enclos lithiques for-ment un patrimoine agronomique, écologique, paysa-ger, leur occupation, par des cultures ou des troupeaux, maintient une vie et une économie locales. par ailleurs, s’additionnent moult témoignages favora-bles au choix de ces maçonneries. ainsi, à l’intérieur de ces murs vivent une faune et une flore qui prospè-rent. ces petites bêtes se nourrissent des prédateurs des cultures produites sur ces banquettes. cet écosystème évite le recours systématique aux pesticides et favorise l’obtention du label bio.

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outre leurs qualités de drainage, les pierres emma-gasinent le jour la chaleur du soleil, qu’elles restituent par inertie durant la nuit, ce qui crée un microclimat favorable. dans la région italienne du Trentin, l’insti-tuto sperimentale per la frutticoltora (isF) de recher-che agronomique a ainsi prouvé que la qualité gustative de pommes issues de parcelles en terrasses, comparée à celle de pommes cultivées en plaine, à variété et condi-tions culturales identiques, était bien supérieure. en moselle allemande, le riesling exalte sa typicité grâce aux terrasses schisteuses où il pousse et mûrit jusqu’aux vendanges de novembre. en suisse, le fromage d’été affiné en alpage corse son caractère lorsqu’il séjourne dans une cabane en pierre sèche.

Vertus techniques

la pierre sèche est née de la nécessité et de l’empirisme. la technique s’est perfectionnée au cours des siècles. autrefois elle était un art paysan. l’économie contem-poraine a conduit à la spécialisation et à la productivité. les agriculteurs exploitent des terres qu’ils n’ont pas toujours le temps ni les moyens d’entretenir, mais dont ils ont la responsabilité de gestion. de leur côté, les arti-sans bâtissent, entretiennent, détiennent le savoir-faire pierre sèche et ont un rôle, celui de rappeler les vertus de cette technique et de la faire progresser, car elle est désormais légitimée par l’appui des scientifiques.

la pierre est un élément de base de notre environne-ment. construire ou réparer en béton est une erreur de stratégie : le béton est bien plus consommateur d’énergie que la pierre sèche. il impose d’ouvrir des gravières, de concasser, de transporter la bétonnière sur des kilomètres pour la verser dans des banches, puis d’utiliser la pierre sèche en parement * pour maquiller ces murs afin de les intégrer dans le pay-sage. la durabilité de ces constructions est loin d’être équivalente à celle d’un ouvrage réalisé en pierre sèche. Un mur en béton mal conçu, face à la force de l’eau, verra son étanchéité entraîner à la longue son gonflement, puis son éclatement. il ne reste plus alors qu’à le détruire en totalité, puis à le transporter jus-qu’à une déchetterie. À l’inverse, un ouvrage en pierre sèche qui menace de tomber ou s’effondre se répare sur place, avec réemploi de la plupart des pierres.

d’autres techniques composent des murs drainants. le gabion est une cage parallélépipédique de grillage inoxydable dans laquelle les pierres sont entassées. ces murs ont l’avantage d’être drainants et autorisent un appareillage des pierre moins minutieux, même si le remplissage en vrac n’est jamais une solution accepta-ble pour la tenue dans le temps des ouvrages.

les enrochements sont également drainants, cepen-dant ils vont aussi de pair avec l’usage de la pelle méca-nique. leur aspect de finition dépend de la dextérité de celui qui maîtrise le godet mais, de toute évidence, la taille des pierres est disproportionnée et peut bles-ser le paysage. observée fréquemment pour le terras-sement des maisons individuelles, cette disproportion est une agression…

là où l’usage de la pelle mécanique est impossible et où tout transport de matériau devient problémati-que, la pierre sèche est la technique de prédilection. dans les massifs alpins, entre autres, elle est usitée pour construire des abris, des bergeries, des barrières

gabions.

CoLLège de VoLx, aLPeS-de-HauTe-ProVeNCe.

Herbert arch., Marseille.

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144 5

contre les éboulements, des paravalanches, des ralen-tisseurs de torrents. Beaucoup de vieux barrages d’alti-tude sont réalisés en technique mixte : enrochement et pierre sèche. la gaine présente sur le parement aval est en pierre sèche. il a été prouvé scientifiquement que ce perré donne de la stabilité au barrage. c’est dans cet esprit novateur qu’un groupe d’étudiants de l’École centrale de lyon procède actuellement à une étude comparative entre un mur routier en béton et un mur routier en pierre sèche. ils doivent quantifier un coefficient environnemental et financier associé à ces deux technologies et battre en brèche les idées reçues.car la pierre sèche bénéficie également d’une ouver-ture nouvelle : l’éveil du monde des ingénieurs à cette technique qu’ils imaginaient incertaine par simple méconnaissance. alors que les ingénieurs des routes, du xviiie siècle jusqu’à la veille de la seconde guerre mondiale, bâtissaient des ouvrages en pierre sèche grâce à la dextérité des cantonniers, les écoles d’ingé-nieurs ont supprimé cet enseignement. mais les préoc-cupations se portent désormais sur la conservation des ouvrages plutôt que la création, et l’usage du béton fait polémique. le sujet des matériaux naturels, jusqu’alors inexploré, intéresse les écoles, qui tendent à faire du respect de l’environnement et de la conservation du patrimoine, en particulier dans les zones peu accessi-bles, leur cheval de bataille.

les maçonneries de pierre sèche sont porteuses de sens et susceptibles de motiver une vocation chez les jeunes. elles font appel à un savoir-faire spécifique. détenir un savoir-faire impossible à reproduire mécanique-ment est une noblesse. ainsi, les asiatiques vénèrent particulièrement le savoir-faire manuel. au Japon, les maîtres artisans sont nommés « trésors vivants ». en 2003, l’Unesco a marqué son intérêt tout particulier pour le savoir-faire. les menaces que font peser sur la planète les modes de vie contemporains et les proces-sus de mondialisation l’ont conduit à inventer la notion de « patrimoine immatériel ». en 2006, le ministère français dont relève l’artisanat a lancé le label « entreprise du patrimoine vivant » pour recenser les savoir-faire particuliers et soutenir les pro-fessionnels qui garantissent la pérennité de ces compé-tences et leur transmission. en 2007, trois artisans ont été labellisés pour leur savoir-faire pierre sèche.

que BâTIr eN PIerre SèCHe aujourd’HuI ?

Toutefois, malgré ce contexte favorable, cette techni-que particulière manque cruellement d’écrits. les ingé-nieurs, architectes, architectes-paysagistes, ont besoin de justifier leurs choix grâce à un système constructif certifié, tout comme les entreprises ont besoin d’appli-quer des règles de construction. les uns et les autres ont une obligation d’assurance. or en cas de litige, les assureurs s’appuient sur les règles de l’art. c’est pour-quoi il faut non seulement démontrer l’adéquation de la pierre sèche aux besoins actuels de protection de l’en-vironnement, mais aussi acquérir cette certification en établissant ses règles. ce travail reste à faire.

que bâtir en pierre sèche aujourd’hui ?

Les ouvrages routiers. les routes sont en quête d’iden- tité, et leur parcours, s’il est rempli de détails qui les rendent plus attachantes encore (soutènements, ponts, murs, arbustes taillés en topiaires), participe au plai-sir des touristes et à l’appropriation des habitants. par exemple, le conseil général des alpes-maritimes recherche des entreprises pour les circuits routiers de l’arrière-pays niçois. et encore : la direction nationale des routes a fait l’inventaire du patrimoine de murs de soutènement du réseau routier national et constate que plus de 20 % des ouvrages de soutènement sont en pierre sèche et doivent être maintenus.

Les barrages. edF prend conscience que nombre de petits barrages d’altitude sont gainés de pierre sèche, que ce perré contribue à leur résistance, et que ces sys-tèmes doivent être maintenus.

Les paravalanches. en altitude, dans les carpates, les alpes, les pyrénées, la corse… s’est développée une tech-nique de maçonnerie de cueillette pour combattre les phénomènes naturels de couloirs d’éboulis de cailloux ou d’avalanches de neige. ces ouvrages ont souvent un double usage : barrages et chemins de randonnée. il est plus avantageux d’héliporter des hommes chargés de leur seul savoir-faire, capables de bâtir un mur de maté-riaux ramassés sur place, plutôt que d’organiser un va-et-vient d’héliportage de matériaux et de matériel.

Pour la sécurité civile. des chercheurs internationaux ont validé le rôle des terrasses en pierre sèche dans la gestion de l’eau en zone aride et la prise en compte des

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La PIerre SèCHe aujourd’HuI 1455

risques : glissements de terrain, érosion, ruissellement, inondations, incendies. les collectivités responsables se doivent d’entretenir les sites à risques.

Pour le terroir. des vignobles des coteaux du sud de la France à ceux de l’allemagne et de la suisse en passant par les cultures du thé dans l’himalaya et, en méditerra-née, de l’olivier, de l’amandier, du cerisier, du chêne truf-fier, du châtaignier, de l’oignon doux, des pommes, des plantes aromatiques et médicinales… la beauté du pay-sage agricole valorise la réputation de ses productions, son attractivité touristique et sa capacité à rester vivant. la réhabilitation de sites de terrasses agricoles prend de l’ampleur. spontanément, des domaines viticoles ont depuis longtemps pris conscience de l’impact de la beauté du paysage sur la vente des vins. par exemple, les domaines schlumberger, en alsace, qui font travailler une vingtaine de murailleurs, mais aussi l’aoc Banyuls, dans les pyré-nées-orientales… les côtes du rhône des environs de Tournon (ardèche) et de condrieu (rhône) restaurent leurs terrasses grâce aux aides de la région. plus modes-tes en ouvrages, le minervois (aude), le saint-chinian-nais (hérault) et le haut Var maintiennent l’existant. de jeunes agriculteurs des côtes du Ventoux et des dentelles de montmirail (Vaucluse) remettent à jour un patrimoine enfoui sous la végétation et décident sa reconquête. c’est après avoir découvert les terroirs de thé en terrasses de pierre sèche à Taïwan qu’un jeune viticulteur de gigondas a acquis d’anciennes terrasses envahies de pinèdes. le thé comme le vin sont le fruit de l’action conjuguée d’une terre et d’un climat qui forgent leur caractère. plus prestigieux encore, en Bourgogne, le pommard valorise ses clos : hauts murs de clôture en pierre sèche qui délimitent les domaines viticoles et ponctuent le paysage. ce n’est pas pour rien que l’Unesco labellise ces paysages. les cinque Terre, près de la spe-zia, en italie, la haute vallée du douro au nord-est du portugal, ont été classés. les commissaires enquêteurs les ont élus parce qu’ils sont entièrement façonnés par les hommes, que des conditions hostiles ont poussé à apprivoiser leur environnement.mais beaucoup trop d’agriculteurs ont encore le réflexe du mortier ajouté discrètement derrière les pierres de parement. nombre d’entre eux ont compris l’intérêt de ces murs pour valoriser l’image de leurs productions, reste à leur faire admettre que les valeurs techniques

TerraSSeS daNS La HauTe VaLLée du douro,

au Nord-eST du PorTugaL, LaBeLLISéeS Par L’uNeSCo.

reCoNquêTe deS CôTeS du VeNToux (VauCLuSe).

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de ces maçonneries sont tout aussi essentielles pour l’agriculture. prochain challenge ? le mortier de ciment supprime de fait les qualités drainantes de la maçonne-rie, voire la capacité d’accueil de la faune qui prémunit les cultures contre certains prédateurs, compromettant alors la possibilité d’une culture biologique et du label afférent. Un simple talus est parfois préféré au mur de soutènement, mais alors le risque d’érosion menace.

Pour le tourisme. des balises qui conduisent à saint-Jacques-de-compostelle au simple chemin de grande randonnée ou de découverte de pays, la pierre sèche accompagne la marche. les chemins muletiers qui relient les villages sont non seulement soutenus par des murs en pierre sèche, mais aussi fréquemment caladés. les chemins de transhumance et les chemins d’estive qui conduisent les troupeaux vers l’alpage sont clôturés de murs en pierre sèche pour canaliser le bétail et pré-server les cultures traversées. Tous ces ouvrages partici-pent au plaisir des randonneurs, celui du regard comme celui de l’histoire, et doivent être restaurés à l’identique. l’Unesco exige que les chemins de saint-Jacques inscrits au patrimoine mondial soient entretenus dans la tra-dition. en vingt ans, le nombre de marcheurs en quête d’air pur et de grands horizons a pris un essor considé-rable. on ne compte plus les guides de randonnée en vente sur le marché. on ne compte plus le nombre d’of-fices du tourisme ni de mairies de villages qui mettent à la disposition des circuits de « balades et découvertes ». cet engouement nécessite l’entretien des chemins et leur préservation dans l’esprit des lieux. c’est ainsi que le conseil général du Tarn-et-garonne a formé une équipe de sept murailleurs pour l’entretien des chemins du département. la Fédération française de la randon-née pédestre s’engage par ailleurs dans la protection des paysages, à laquelle elle contribue par la restauration de murets en pierre sèche et par son intérêt pour les haies.

Pour l’habitat. on remarque, autour des maisons – jardins, clôtures, soubassements, soutènements –, un engouement pour les matériaux sains et naturels, les techniques traditionnelles et identitaires. les jardins sont très « tendance », la production livresque, la proli-fération de magazines, de jardineries, le montrent. les centres de formation initiale en aménagement paysager commencent à se structurer et à proposer un module

que BâTIr eN PIerre SèCHe aujourd’HuI ?

pierre sèche dans leurs programmes. les compagnons du devoir ont intégré depuis peu un nouveau métier dans leur association ouvrière : jardinier-paysagiste. les architectes-paysagistes et les entreprises de paysage se manifestent, ils sont demandeurs de renseignements sur la pierre sèche et de garanties sur la technique. l’image du jardin en terrasses fait « vibrer » beaucoup de proprié-taires, dont on distingue deux catégories : ceux qui ont du pouvoir d’achat sont en quête d’entreprises fiables, les autres recherchent des stages grand public pour apprendre à entretenir eux-mêmes leur patrimoine.Les cabanes. elles sont des témoins de notre mémoire, mais n’ont plus d’usage. des exceptions, du côté de rocamadour (dordogne), où un hameau de cabanes en pierre sèche a fait l’objet d’une réhabilitation pour la fabrication du fromage de chèvre, et en suisse, où des cabanes destinées à héberger le fromage des alpages l’été sont progressivement restaurées ou reconstruites en pierre sèche : le fromage affiné en cabane de tôle et béton avait perdu son bon goût d’antan !

en tout état de cause, on peut déclarer que désormais, le patrimoine en pierre sèche ne laisse plus indifférents les élus locaux, qui sont à l’affût d’atouts à valoriser pour l’at-tractivité de leur territoire. ils veulent mener une politi-que de développement durable, notamment ceux qui ont été touchés par les incendies, les inondations. ils ont une politique de valorisation du cadre de vie et prennent en compte de nouveaux gisements d’emploi.

la protection du patrimoine en pierre sèche

À majorque, une importante démarche de protection se développe depuis les années 1980. elle associe des travaux de recherche, d’études et d’inventaires, aussi bien que de formation, de restauration et de conser-vation des éléments qui composent ce patrimoine. des actions de communication et de sensibilisation complètent ces travaux, ainsi que des sessions scienti-fiques et des échanges d’expériences. l’île participe à des projets européens (Terrisc), voire les organise. le consell insular de mallorca a aujourd’hui une équipe de deux cents personnes qui œuvrent de concert sur la pierre sèche. en vingt-cinq ans, cette problématique de la pierre sèche est passée de simples stages pour un public d’insertion à la mise en place d’inventaires et de formations en insertion. elle a conduit à des créations

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d’emploi dans divers métiers : maçons en pierre sèche, jardiniers-paysagistes, agents d’entretien de l’espace, agriculteurs bio produisant en terrasses, accompa-gnateurs de randonnées pédestres, professionnels du tourisme, géographes, économistes, agronomes, archi-tectes, architectes-paysagistes… sur la seule zone de la serra de Tramuntana, au nord de l’île, 20 000 kilomètres de murs de soutènement ont été recensés. sur vingt et une communes, des chemins ont été désignés comme vecteurs d’intérêt constructif (murs et calades) et touristique (traversée de paysages, liaison avec un patrimoine vernaculaire ou liaison entre des paysages emblématiques de l’île). Toute une législation a été mise en place au fil des ans : patrimoniale, urbanistique, environnementale. ainsi, notamment au nord-est de l’île, sont protégés :• Le site de Binareix (près de Fornalutx) : chemin caladé

de plus de 3 kilomètres qui serpente au milieu de ter-rasses oléicoles. il a été restauré à partir de 1980 et protégé dès 1985. sa restauration se poursuit.

• Le site de Sóller : chemins, murs, canalisations, ter-rasses, éléments hydrauliques sont protégés depuis 1998 pour leur valeur culturelle.

• Le site de Deia : la moitié de la surface en terrasses est protégée depuis 1999, avec un plan spécial pour ses valeurs historiques, architecturales et écologiques.

• Les douze glacières en pierre sèche et les chemins qui y accèdent sont également protégés en 2004.

ces protections s’accompagnent d’un régime de sanc-tions en cas de dégradations.

le plan territorial de majorque impose pour toute l’île que les murs et tout élément associé en pierre sèche, calades, terrasses… soient systématiquement invento-riés sur chaque commune. par ailleurs, tout permis de construire s’accompagne d’une obligation de préserver, de restaurer et d’entretenir les murs en pierre sèche qui existent sur la parcelle afin d’éviter l’érosion des sols et de conserver une bonne gestion de l’eau.en outre, les routes d’intérêt paysager doivent être pré-servées, restaurées et entretenues, comme celle d’artà-lluc, d’une longueur de 95 kilomètres. la loi de carreteres de 1990 impose le respect des typologies traditionnelles pour la construction de murs neufs dans la zone de protection des routes à qualité paysagère reconnues. le gouvernement des Baléares soutient financièrement

la culture oléicole en pierre sèche, car elle contribue à la prévention contre les incendies et préserve la beauté des paysages. enfin, la loi leco de 2005 est une législation environnementale pour la protection des espaces amé-nagés qui préservent les ressources naturelles.Tout cet ensemble législatif participe à la reconnaissance de la pierre sèche comme élément majeur du patrimoine paysager, ethnologique et environnemental.

À quelques détails près, chypre applique le même prin-cipe. l’utilité des terrasses, des murs, des chemins cala-dés en pierre sèche est reconnue comme facteur de lutte contre l’érosion des sols. la culture florale sur terrasses avait été protégée bien avant l’indépendance de l’île vis-à-vis de la grande-Bretagne en 1959. Une campagne de

SITe de PIerre SèCHe à SóLLer (Majorque)

ProTégé dePuIS 1980 Pour Sa VaLeur HISTorIque,

arCHITeCTuraLe eT éCoLogIque.

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restauration massive avait été entreprise entre 1945 et 1960 pour combattre et l’érosion des sols et le chômage. mais cette loi agricole ne se préoccupait hélas pas du matériau ni de la technique, et ce sont les fonds structu-rels européens qui ramènent aujourd’hui cette exigence au-devant de la scène. le ministère de l’aménagement et de l’habitat, en charge du programme de restaura-tion et d’entretien des murs, des calades et des cabanes en pierre sèche, a introduit des incitations fiscales. on admet un changement d’affectation des terrasses du moment qu’il est compatible avec les directives ministé-rielles et que cette évolution est contrôlée par un expert, désigné pour conseiller avant travaux et vérifier après.

en italie, aucun texte n’existe pour la conservation de ce volet du patrimoine. la province d’imperia, en ligurie, a toutefois institué un principe de protection du patri-moine en pierre sèche avec comme objectif la préser-vation d’une culture oléicole traditionnelle qui génère un paysage à fort pouvoir d’attraction pour le tourisme comme pour la population. Un service de techniciens a été créé pour le conseil, qui assure aussi la surveillance de ces sites. À l’occasion d’une forte tempête qui a provo-qué des pluies torrentielles, on a constaté que les sites en terrasses de pierre sèche ainsi préservés avaient mieux résisté aux ravages du ruissellement.

en croatie, un projet de conservation de la côte adria-tique a vu le jour en 2005, inspiré de la législation de majorque. douze personnes constituent l ’équipe pluridisciplinaire répartie entre rijeka, Zadar, split et jusqu’à dubrovnik, en incluant la kyrielle d’îles. la croatie en est au stade de l ’inventaire du patrimoine et de la typologie comparative avec les autres pays de la méditerranée. la notion de lutte contre l ’éro-sion est l ’élément majeur qui a déclenché cette lourde démarche, à laquelle il convient d’ajouter le souci de mise en valeur du paysage pour le tourisme, manne indéniable de l ’économie du pays.

et en France ? de la même façon que nous avons à notre disposition des outils d’urbanisme pour proté-ger un espace boisé, une terre agricole, un arbre, un monument historique, imaginons que notre patri-moine de murs en pierre sèche puisse lui aussi bénéfi-cier de mesures de protection…

La ProTeCTIoN du PaTrIMoINe eN PIerre SèCHe

l’exemple précurseur de la commune de nîmes est un début (elle a fait, autour de la pierre sèche, des chantiers de formation-insertion sur des sites devenus ensuite cir-cuits pédagogiques). cependant, l’absence d’obligation du recours à la juste technique et au vrai savoir-faire est une lacune cruciale pour répondre aux louables objec-tifs de départ : protection de la tradition du paysage des garrigues et maintien de maçonneries drainantes ayant un fort pouvoir de gestion de l’eau, en adéquation avec la problématique hydrologique locale. le bon exemple est sans doute celui des parcs natio-naux britanniques, qui ont inscrit la protection de leur paysage rural et subventionnent les agriculteurs qui restaurent leurs clôtures en pierre sèche sous réserve qu’ils aient recours aux artisans labellisés par la dry stone Walling association (dsWa). les Britanni-ques sont si convaincus du caractère majeur de leurs clôtures en pierre sèche que la dsWa organise régu-lièrement des week-ends de formation pratique pour le grand public. en 2007, l’association compte 1 800 membres, dont 250 sont des professionnels.

À notre connaissance, en France, quelques sites paysa-gers sont inscrits, quelques monuments sont reconnus à l’inventaire supplémentaire des monuments histori-ques, comme le village des Bories de gordes, dans le Vaucluse, ou le jas des Terres du roux, bergerie de la montagne de lure, dans les alpes-de-haute-provence, mais on est loin de ce qui se passe à majorque, par exemple. alors à quand une vraie reconnaissance de la pierre sèche et de sa filière professionnelle en France ?

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Force est de constater que le sujet pierre sèche passionne. les acteurs foisonnent. outre la région provence-alpes-côte d’azur, l’alsace, l’auvergne, l’aquitaine, la Bretagne, la Bourgogne, la corse, le languedoc-rous-sillon, midi-pyrénées, rhône-alpes, sont fortement concernées. de manière plus discrète, la pointe de la hague, dans le cotentin, la champagne-ardenne et le limousin recèlent quelques ouvrages.devant un tel engouement s’allument des signaux d’alerte. des collectivités se précipitent dans des opéra-tions pilotes de réhabilitation de sites de terrasses sans maîtriser le travail. on constate des manquements aux règles de l’art qui menacent la réputation de fiabilité et de longévité de la pierre sèche. ces murs récents vont s’écrouler aux prochains gros orages et servir d’argu-ments aux détracteurs pour massacrer la réputation de la pure technique pierre sèche et porter atteinte à toute une filière qui vient de naître. le travail en faveur de la reconnaissance de la pierre sèche, l’investissement des artisans, des ingénieurs et des institutions professionnelles depuis plusieurs années représente une telle somme de financements publics, d’énergie et de bénévolat qu’il paraît impensable de ne pas structurer le savoir ni sa transmission du savoir. qualifier le savoir-faire semble aujourd’hui une priorité.

pour se préparer aux marchés qui s’annoncent dans un futur proche, les professionnels de la pierre sèche doi-vent engager quatre chantiers… et en venir à bout.1. Certifier la technique. en France, aucun marché

public pierre sèche n’est possible. car la technique n’existe pas, puisqu’elle n’a pas d’écrits. de fait les assurances professionnelles l’ignorent, et en cas de litige ou de malfaçon les prescripteurs et les bâtis-seurs n’ont aucun recours. il a donc fallu démontrer scientifiquement que la technique est fiable. Un Guide de bonnes pratiques de construction de murs de soutènement en pierre sèche va dans ce sens, qui est doublé d’abaques de calcul de dimensionnement des murs. leur objectif est de réduire l’épaisseur des constructions, et par conséquent le coût. car l’application du principe de précaution a toujours tendance à surdimensionner les ouvrages.

2. Approvisionner en pierres. certaines communes ont signé un règlement municipal obligeant les pro-priétaires à léguer les pierres des ouvrages détruits

Un savoir-faire d’excellence

L’ APProVisionnement en PierresLesmurailleursrecherchentlespierresnon«poussiéreuses»,cel-

les qui ont vécu, qui ont subi les agressions du vent, de la pluie etdusoleil…lesmeilleurespourbâtirunmurenpierresècheparce qu’elles «accrochent» bien. Lemeilleur approvisionne-mentrestealors leglanage lespierresdeschamps,ens’inter-disant bien sûr de vandaliser un vieux mur ou une cabane. on récupère des pierres éparses avec l’autorisation du propriétaire delaparcelle,quivoitlàl’occasiond’épierrersonchamp.

dans les carrières exploitées, certains éléments ne sont pas com-mercialisables comme blocs taillés à appareiller, dalles de revêtement de sol ou parement de façade en placage. Pourtant, ils conviennent par leurs dimensions et leurs formes comme pierresàbâtirunmurenpierresèche.Pourrépondreàcettedemande, les carriers doivent cesser de concasser tous leurs déchetsdecarrière,maisaucontrairepréserverdesélémentsdontlegabaritcorrespondauxmaçonneriesdepierresèche.

depuis2004,ilexisteaussidesmicrocarrières.ellessontdes-tinéesauxMonumentshistoriques,pourque lespierresderestauration aient, autant que faire se peut, la même origine. sous la pression, cette possibilité a été élargie au patrimoine vernaculaire,sousréservedel’accorddel’architectedesBâti-mentsdeFrance(aBF),seulexpertdépartementalhabilitéàen mesurer la nécessité. Cette autorisation vaudra-t-elle pour lesmursenpierresèche?

à la collectivité. l’idée est de combattre le pillage de pierres, qui condamne tout projet futur de restaura-tion d’un mur ou d’une cabane ainsi démantelés, et de lutter contre le concassage des éléments des murs ou leur enfouissement pour servir de remblai.

3. Identifier les professionnels. le métier de murail-leur n’apparaît pas sur le répertoire des métiers. on identifie ce savoir-faire parmi des artisans maçons, tailleurs de pierre, jardiniers-paysagistes, ou les res-ponsables de chantiers d’insertion. depuis 2002, des artisans se regroupent localement sous une charte. Un annuaire national des praticiens de la pierre sèche est disponible sur le net.

4. Qualifier le savoir-faire. parce qu’il faut garan-tir l ’engagement des professionnels au respect du Guide de bonnes pratiques, un Manifeste à l’usage des maçonneries en pierre sèche accompagné de chartes professionnelles pour les concepteurs et pour les artisans est proposé. Une action de certification nationale du niveau de savoir-faire et des forma-teurs pierre sèche est en cours.

La PIerre SèCHe aujourd’HuI 1495

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paul arnaultPernes-les-Fontaines (84)

Paul arnault aime la terre, la pierre et respecte le patrimoine, qu’il soit architectural ou paysager, qu’il relève du monumental ou du vernaculaire. en 1991, il cofonde une société et se bat pour imposer ses devis d’ouvrages en pierre sèche, même pour l’obtention de marchés publics.C’est pourquoi, en 1997, quand l’opportunité d’un dialogue avec le monde des ingénieurs lui est proposée, il saisit l’occasion d’élaborer une caution scientifique aux maçonneries de pierre sèche. Il crée ensuite l’association Muraillers de Provence pour accompagner la professionnalisation de la filière : « À vrai dire, la nécessité de créer une association s’est fait sentir à majorque. en octobre 2000, le parc national des cévennes avait convié une vingtaine d’entreprises à un séminaire professionnel. nous avons pris subitement conscience de l’énorme retard que la France avait sur les majorquins ! alors s’est forgé un besoin impérieux de solidarité entre artisans. Depuis, nous constituons un noyau dur de professionnels français déterminés à assurer des actions concrètes pour démontrer que la pierre sèche… c’est du solide ! »

SouTèNeMeNT daNS Le HaMeau de VerNeT

à SaINT-gerMaIN-de-CaLBerTe (Lozère).

œIL de PIerre Sur Le TaLuS du TgV à TaVeL (gard).

marc dombreSaint-germain-de-Calberte (48)

à Saint-germain-de-Calberte (p. 93), Marc dombre a rejoint l’entreprise familiale de maçonnerie de roland Martel : « il me fit découvrir le travail de la pierre et notamment de la lauze. aussitôt, je renouais avec mes amours de jeunesse lorsque, tout gamin, je collectionnais les fossiles, les cailloux, puis aussi lorsque je faisais mes premières armes dans le chantier de restauration bénévole du hameau aveyronnais de Becours. Véritablement, toucher les vieilles pierres me faisait vibrer ! » Lorsqu’il prend la gérance de l’entreprise en 1982, Marc dombre sait que son apprentissage du métier sur le tas présente des lacunes. Il fait appel aux anciens, et deux paysans lui transmettent ce savoir-faire pierre sèche. L’association artisans bâtisseurs en pierre sèche (aBPS) naît en 2002, et Marc dombre en devient le président. Pour lui, la pierre sèche offre un double avantage : la satisfaction du bel ouvrage patrimonial pérenne et l’effet entraînant : plus les artisans assurent des démonstrations bénévoles et des chantiers, plus les Cévenols et les amoureux des Cévennes exigent que les murs soient restaurés afin de « laisser à cette terre du vrai, du beau et du sain. les maçons ont un rôle majeur à assurer : conseiller et réaliser. Quand bien même le combat semble perdu d’avance, ils doivent contribuer à maintenir l’architecture et les paysages identitaires et, pour ce faire, conserver les traditions de la chaux, de la lauze, de la pierre sèche ».

PAroles d’ArtisAns

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La PIerre SèCHe aujourd’HuI 1515

Yvan delahayeorange (84)

après s’être enrichi de divers savoir-faire au cours de ses voyages, yvan delahaye s’installe en Vaucluse en 1994. La municipalité d’orange lui confie la restauration des calades et des murets de pierre sèche de la colline historique de la ville, au-dessus du célèbre théâtre romain. Lors de chantiers d’insertion, yvan saisit l’occasion de faire découvrir à un public fragile et difficile le travail de la pierre sous différents angles : sculpture, taille, pierre sèche, calade.Pour le compte de l’association pour la participation et l’action régionale (apare), il initie les « chantiers encordés » qui allient varappe et pierre sèche sur les balcons du queyras ou encore dans la réserve géologique de digne. C’est là qu’il rencontre andy goldsworthy, célèbre plasticien britannique : « un privilège inattendu pour un admirateur de l’artiste comme moi ! […] la pierre sèche est pour moi une aventure qui s’appuie sur des rencontres d’hommes qui m’ont énormément apporté dans mon choix de carrière professionnelle. »yvan prend part aux chantiers de la colline du Mont d’or à Manosque, à celui du jardin de l’abbaye de Saint-Hilaire à Lacoste, à la restauration du chemin de croix de Notre-dame-de-Beauregard à orgon. Il perfectionne parallèlement sa maîtrise de la taille, de la sculpture de pierre, et apprend les techniques de la chaux. actuellement, il dirige sa petite entreprise artisanale avec, en perspective, la restauration de sites en terrasses pour y créer des vignobles de culture biologique, notamment dans les dentelles de Montmirail et à Lacoste.

aMéNageMeNT d’uN jardIN eN TerraSSeS à CHaMBorIgaud (gard)

réaLISé Par THoMaS BraSSeur eT BruNo duraNd.

SouTèNeMeNT de jardIN FaIT de PIerreS réCuPéréeS daNS

uNe CarrIère VoISINe eT MISeS eN œuVre Par Le PuBLIC du MaS

de CarLeS, VILLeNeuVe-LèS-aVIgNoN (gard).

Thomas BrasseurSaint-andéol-de-Clerguemont (48)

Fils d’agriculteur cévenol, Thomas Brasseur avoue qu’il ne regardait pas vraiment les murs en pierre sèche. aujourd’hui il est chef d’entreprise artisanale en maçonnerie, et ses chantiers sont presque exclusivement constitués de travaux en pierre sèche. Pour cet artisan, la pierre sèche est d’abord source de vie en Cévennes : « Des pans entiers de montagne sont aménagés, entièrement modelés du fond des vallées au haut des cimes. la pierre sèche a permis de gérer l’eau et de retenir la terre. il n’existait aucun autre moyen que ces bancels pour survivre ici ! elle a nourri hommes et bêtes. pour preuve, les coins non aménagés ne sont que des cailloux ! » ensuite, il insiste sur « le plaisir du geste et de la taille, du silence quand on travaille… » Puis il rappelle la dimension esthétique : « sans doute parce que j’ai vocation à bâtir des murs autour des maisons, je serre les pierres, je m’applique à les faire jolis. »découvrant des murs magnifiques dans des endroits perdus, Thomas Brasseur reste admiratif du colossal travail des anciens. Il exprime aussi sa colère contre l’interdiction d’ouvrir des microcarrières : « tout s’écroule, partout, on ne remontera jamais autant de murs qu’il en tombe, on ne sera jamais assez nombreux pour contrer ce délabrement. »

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Bruno durand Vialas (48)

dans les Cévennes, Bruno durand, reconverti dans le bâtiment, a découvert la pierre sèche : « on est tout le temps obligé d’en faire un peu, pour les amis, pour les voisins, pour soi… comment cultiver et faire son jardin autrement dans un pays de montagne ? » associé à un autre artisan, il a formé une équipe d’intérimaires et leur a transmis le goût de cette activité devenue son métier. Il insiste sur la nécessité de rémunérer correctement les ouvriers : « ceux qui bâtissaient les cathédrales étaient correctement payés et c’est pourquoi ils se donnaient à fond, construisaient des merveilles et éveillaient ainsi des vocations. »autrefois, pour les terrasses vivrières, les murs étaient construits au plus vite. aujourd’hui, l’artisan recherche le beau mur : « c’est comme un livre, une belle page d’écriture… le mur doit avoir du rythme pour une belle facture. c’est un art, une poésie… » C’est pourquoi il conseille toujours à ses ouvriers de prendre du recul, d’observer le mur dans son ensemble et dans son site naturel. Bientôt en âge de passer la main, Bruno durand aimerait transmettre son savoir et voudrait voir les jeunes de plus en plus nombreux à s’investir : « Je veux continuer à voir de beaux murs même quand je ne pourrai plus en faire. c’est un beau métier, un métier qui te rend libre, car quand tu sais bâtir à sec, c’est sûr, il te reste à apprendre le cintre, le tracé, mais la pierre n’a alors plus guère de secret pour toi. »

SouTèNeMeNT de jardIN d’uNe VILLa à BLauzaC (gard).

Vincent mougel Carpentras (84) Initié très jeune à la pratique de la pierre sèche sur le chantier de la célèbre muraille de la Peste (p. 79), Vincent Mougel a vite appris à regarder et à défendre cette identité culturelle : « la pierre s’intègre à la nature et la respecte. » Pour pratiquer sa passion en toute liberté, il a créé son entreprise.« J’aime la pierre sèche. sobre, écolo, marginale et rebelle : ces facettes sont aussi le fil de ma vie. user du ciment, bâtir en béton serait pour moi un sacrilège ! Je suis rassuré lorsque j’entends la rengaine “ mais vous êtes fous, c’est cayenne ! ” les gens réduisent la pierre sèche au folklore, la perçoivent comme une punition ; elle leur évoque les anciens qui se sont ruinés le dos et la santé à monter des pierres pour survivre. moi, je vois cette technique comme un sport de plein air, un métier qui me défoule, canalise mon énergie et offre au paysage des ouvrages élégants et sains. »Fortement impliqué dans les actions visant à réhabiliter la pierre sèche, il est connu pour ses signatures de chantiers où se mêlent poésie et savoir-faire : des galets ocres du Calavon dans le village des Beaumettes-en-Luberon, ou encore une tête d’indien sur l’ancien chemin d’oppède-le-Vieux…

Franck FabreSaint-julien-du-Tournel (48)

La situation géographique de Saint-julien-du-Tournel permet à Franck Fabre d’exercer son activité sur plusieurs vallées tout en bénéficiant d’une variété géologique : le village est bâti dans le schiste, mais la haute vallée du Lot est calcaire et le mont Lozère, granitique. de plus, à proximité, une carrière de lauzes d’ardoise d’excellente qualité produit des déchets parfaits comme pierres à bâtir. Pour cet artisan, l’atout majeur de la pierre sèche c’est sa facette écologique, le fait qu’elle façonne des ouvrages durables. Indiscutablement esthétique, elle reste aussi à ses yeux la meilleure école pour apprendre à poser les pierres correctement : « Je me suis pris de passion pour le métier de la pierre ! mon but est d’aller le plus loin possible dans ce domaine, car je veux que ma pratique soit juste et mon savoir-faire, reconnu. D’autant que, j’en suis convaincu, qui peut le plus peut le moins : si je suis capable d’aborder un chantier “ monuments historiques ”, alors je suis capable d’assurer un chantier “ patrimoine rural ”. » Il constate que sa clientèle est de plus en plus demandeuse de matériaux comme la chaux, le bois, le chanvre, la pierre : « Je suis repéré ! grâce au bouche-à-oreille ou simplement parce que je fais souvent des chantiers dans des lieux publics et passants, sur la place d’un village, le long d’une route… mes clients savent que j’emploie des matériaux naturels. »

ParoLeS d’arTISaNS

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La PIerre SèCHe aujourd’HuI 1535

roland mousquèsVialas (48)

Maçon, roland Mousquès s’installe dans les Cévennes en 1968. Les propriétaires sont alors en demande d’une restauration à l’identique qui préserve le caractère rustique du mas cévenol. Il s’oblige à percer le mystère de ces murs, qui participent à l’esprit du lieu et soutiennent le bâti, pour rester fidèle à ceux qui les ont construits. de sa passion des pierres et de son plaisir à les bâtir à sec naîtront des murs excentriques, faits de pierres mélangées, dont la créativité surprend les randonneurs. Les Cévenols urbains, quant à eux, sont désormais sensibles au discours de gestion de l’eau après que les inondations récentes qui se sont succédé ont meurtri la région. Mais « leur mémoire des murs en pierre sèche est comme anesthésiée, on raccommode des lambeaux d’histoire en leur rappelant qu’à tel endroit il y a tel ouvrage en pierre sèche et qu’il a telle utilité… ils passent devant depuis des années sans les regarder ! » déplore roland Mousquès. depuis la création de l’association artisans bâtisseurs en pierre sèche (aBPS), cette technique est un lien avec les autres artisans cévenols : « Je revendique d’être artisan maçon bâtisseur en pierre sèche ! si le mur tient, ce n’est pas grâce au ciment, mais à mon savoir-faire. »

SouTèNeMeNT de L’aTeLIer de roLaNd MouSquèS. aSSeMBLage

de PIerreS réCoLTéeS au HaSard de ProMeNadeS, VIaLaS (Lozère).

Sur uNe TerraSSe, CaBaNe deS CHaMPS CoNSTruITe Pour

Le CoNSerVaToIre de L’oLIVIer à CourBeSSaC (gard).

maurice roustan Nîmes (30)

Maurice roustan a hérité de son père le savoir de la pierre sèche. au sein de l’entreprise familiale, que dirige maintenant son fils, il n’hésitait pas à proposer ce mode de construction dès les années 1970 : « J’aimais faire le mariole et épater la clientèle en restaurant sa capitelle écroulée rien qu’avec mes mains. J’aimais lire le plaisir de ces gens sur leur visage lorsqu’ils voyaient revivre leurs murs en pierre sèche ! » ardent défenseur de la pierre sèche, Maurice a ainsi transmis son savoir-faire à bon nombre de bénévoles ou de jeunes employés sur des chantiers d’insertion : « lorsque je vois quelqu’un qui accroche son attention à mes paroles alors qu’il était sceptique au départ, quand je vois qu’une fois initié il s’applique pour reproduire au mieux ce que je lui ai enseigné et vibre à la restauration d’un cabanon, alors nous devenons complices et j’ai envie de lui confier mes recettes pour consolider à la fois nos relations et nos restaurations ! » grand spécialiste et restaurateur des capitelles (cabanes en pierre sèche sur voûte) dans le gard (p. 32-33), Maurice roustan s’est investi sur le grand chantier de la route de la Torte (p. 91) et restaure des monuments historiques, comme les remparts gaulois d’ambrussum… Cependant, malgré la sensibilité croissante des professionnels et des particuliers, il déplore qu’« il existe encore des vandales qui pillent sans vergogne les pierres de nos cabanes ou les grosses pierres de couronnement * des murets, provoquant ainsi leur ruine, voire leur disparition, comme il existe encore des retords qui s’opposent bêtement à la pierre sèche simplement parce qu’elle leur échappe… »

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Technique de construction considérée comme mineure ou archaïque, la pierre sèche n’a pas bénéficié d’une normalisation de son vocabulaire descriptif et technique dans la langue nationale. Les premiers observateurs de la fin du xixe siècle se sont plus intéressés plus aux constructions achevées, regardées comme des « monuments » populaires, qu’aux bâtisseurs ou aux chantiers en cours, nous privant de précieuses informations sur les gestes et les techniques, la façon dont les bâtisseurs, encore actifs, les nommaient et les expliquaient.Le Cerav a réuni un important « Vocabulaire de la maçonnerie à pierre sèche », qui constitue une base précieuse. Néanmoins un recueil systématique des mots de la pierre sèche des régions françaises reste à faire – travail critique et pluridisciplinaire (bâtisseurs, linguistes, historiens, ethnologues, géographes…) qui identifierait et trierait les apports : sources locales écrites et orales, compagnonnage de différentes époques, y compris contemporaine…Ce glossaire, dont la seule ambition est de récapituler des termes employés dans ce livre, réunit des mots spécifiquement de la pierre sèche entendus ici et là – privilégiant ceux de la Provence, où vivent les auteurs –, et des mots généraux de l’architecture traditionnelle, de la maçonnerie, du travail de la pierre. Il s’en tient à des mots et concepts de base. au lecteur de les rapprocher des nombreux synonymes qu’il peut entendre ou utiliser s’il bâtit lui-même à pierre sèche.

assise rang de pierres de même hau-teur. Chaque rang de pierres est assis sur le précédent, chaque pierre est d’autant plus stable qu’elle a une bonne assise. Le matériau disponible favorise une construction rang après rang (par exemple calcaires ou schistes réguliè-rement lités). ou au contraire, il oblige à faire des emboîtements plus comple-xes : pierres dures non litées (calcaires, grès…) se débitant en blocs polygo-naux, calcaires ou schistes se débitant en éléments allongés de section sensi-blement carrée – il vaut mieux alors les bâtir perpendiculairement au parement, comme des bûches, pour ancrer le mur dans sa profondeur.

fruit L’inclinaison vers l’arrière du pare-ment, qui va contenir plus facilement la poussée. Plus le fruit est important, plus le mur résistera. Mais :

• le fruit doit être en cohérence avec la profondeur du mur (pour un soutène-ment) ou sa largeur (pour une clôture), avec les éléments qui le composent et le soin avec lequel ils sont croisés ;

• des contre-exemples existent, ainsi sur les plateaux du gard, où le parement extérieur du mur de soutènement est très proche de la verticale. C’est son pa-rement intérieur qui est en fort talus, ce

qui augmente d’autant la surface utile de la terrasse ;

• pour un mur de clôture, les deux pare-ments ont un fruit ;

• pour une cabane voûtée (qu’elle soit de plan circulaire ou quadrangulaire), c’est l’ensemble de l’ouvrage qui doit résister aux poussées vers l’extérieur : fruit im-portant pour le parement extérieur, élé-vation en encorbellement progressif du parement intérieur, qui participe ainsi dès le sol à la voûte ;

• les murs d’une cabane portant une charpente légère peuvent être dans la même logique que des murs liés au mortier : fruit pour le parement exté-rieur, élévation verticale pour le pare-ment intérieur.

Mur de clôture à deux parements. Le parement intérieur peut être équipé pour porter une treille (corbeaux percés pour recevoir des barres horizontales ou des poteaux verticaux…).

Mur de terrasse (Par métonymie, les mê-mes mots désignent les banquettes de terre et les murs qui les soutiennent : res-tanco, bancau, bancel, faisso…) à un seul parement apparent. Mais le soin apporté à sa construction sur toute sa profondeur sera décisif pour sa longévité.

nu d’un mur Plan constitué par son pa-rement. « au nu du mur » : ni en avant, ni en retrait de ce plan.

profondeur du mur (ou épaisseur, pour un mur de soutènement ; lar-geur pour un mur à deux parements). Valeur moyenne indicative : à la base, au moins un tiers (voire la moitié) de la hauteur. jamais moins de 40 à 50 cen-timètres pour des murs de faible hau-teur. Valeur moyenne du fruit : entre 5 et 10 %.

poussée La terre de la terrasse contenue par un mur de soutènement tend à le pousser, surtout sous l’action de l’eau, qui la ramollit et gonfle l’argile qu’elle contient. on cherchera à résister à cette poussée :

• par la profondeur du mur, qui doit faire bloc, d’où le soin à apporter à sa construction sur toute sa profondeur : le choix, l’emboîtement et le croisement des pierres, la qualité du drainage ;

• par le rôle de drain du mur de terrasse, aussi important que celui de soutène-ment.

parement Face plane, visible, du mur. Mur à un parement (soutènement), deux parements (clôture).

MURS

glossAire

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La construction de voûtes en pierre sèche n’entre pas dans le propos principal de ce livre et nécessite une bonne maîtrise. Les pierres y sont mises en œuvre selon deux techniques : voûtes en encorbellement (ou en tas de charge), montées sans cin-tre ; voûtes clavées, montées sur des cin-tres en bois.

les voûtes en encorbellement de plan circulaire qui couvrent de nombreu-ses cabanes fonctionnent sur le principe du clavage horizontal : les pierres sont posées à plat, leur face en léger débord vers le centre par rapport au rang infé-rieur, soigneusement serrées entre elles et croisées avec les pierres du rang in-férieur. elles sont tournées pour être au moins aussi profondes que larges, et s’en-gager ainsi fortement dans l’épaisseur de la voûte. elles doivent être dures, régu-lières, râpeuses. Il y a un juste rapport de taille entre les éléments et le tout. C’est, appliquée au minéral, la logique de la mêlée de rugby : le mur circulaire pousse vers l’intérieur, mais les épaules des pier-res se touchent fortement, et chaque nouveau rang, croisé avec le précédent, joue le même rôle que les bras entrelacés des joueurs.

L’extrados de la voûte forme un gradin irrégulier, sur lequel reposent (directe-ment ou avec un petit blocage en tam-pon) les lauzes formant toiture. Celles-ci sont souvent plus fines que les pierres de la voûte, se recouvrent au mieux (sans toujours atteindre l’idéal du triple re-couvrement des toitures sur charpente), tout en étant légèrement inclinées vers l’extérieur. elles participent essentielle-ment par leur poids à l’effort de la voûte, qu’elles chargent de façon égale.

Point n’est besoin que la voûte soit cou-ronnée pour être solide : sans la crainte des intempéries (gel et dégel, pluie), la voûte pourrait être interrompue à mi-hauteur, avec une arase un peu soignée, et tiendrait parfaitement. Ce qui menace une cabane de ce type, c’est d’abord une faiblesse affectant un pan rayon-nant de la voûte : une zone où les lauzes ont été arrachées par les branches d’un arbre poussé trop près, et où la pluie et le gel vont bientôt fissurer les pierres de la voûte ; au-dessus de la porte un lin-teau de bois pourri par les décennies, ou un fort linteau de pierre qu’un imbé-

cile a volé (hop ! un petit coup de pelle mécanique complice) pour décorer son intérieur rustique…

Sur une petite cabane de plan carré, une voûte en encorbellement travaille de façon proche d’une voûte de plan circu-laire ; mais ce sont alors les quatre pan-neaux entiers qui se contrebutent, et les pierres qui forment chacun d’eux doivent être très solidement croisées pour que les panneaux ne se déforment pas vers l’intérieur.

les voûtes en encorbellement en nef Bâties sur des plans rectangulaires allon-gés, elles obéissent à un tout autre parti constructif, dévoreur de pierres. Les deux longs murs, au fur et à mesure que pro-gresse leur avancée vers l’axe de la nef, doivent rester en équilibre sur leur fon-dation : dès la base ils sont très larges, et les pierres sont croisées sur toute la profondeur. Lorsque les deux lèvres de la voûte ne sont plus séparées que par deux ou trois coudées, les bâtisseurs lancent entre elles des poutres régulièrement espacées – volontiers des jeunes troncs avec fourche : un point d’appui d’un côté, deux de l’autre – qu’ils incluent dans les assises de pierre et chargent. à partir de ce stade, ce sont ces pièces de bois qui empêchent les deux demi-voûtes de ve-nir se fracasser l’une contre l’autre. une ou deux coudées plus haut, de longues dalles posées transversalement vont fermer le volume et jouer à nouveau le rôle d’entretoises horizontales, pourvu qu’elles soient à leur tour lourdement chargées. (Toujours poids plus friction…) au total, le volume des pierres mises en œuvre est souvent plus important que le volume utile de la cabane.

les voûtes clavées de pierre sèche ont de beaux exemples dans les bergeries de la montagne de Lure (alpes-de-Haute-Provence), construites dans la deuxième moitié du xixe siècle. Ce sont des voûtes en tunnel ; leur forme se rapproche plus ou moins du profil ovoïde idéal « en chaî-nette » qui infléchit, claveau après claveau, les poussées vers le bas et n’a besoin de contreforts que pour garantir leur durée dans le temps. (Le rôle de contreforts est souvent joué par d’épais murs latéraux, mais aussi par les bords du décaissement de la pente rocheuse : l’emplacement

de la bergerie est pour commencer une carrière…) Le « funiculaire de forces » que représente une voûte « en chaînette » est également stabilisé par le poids de la toi-ture en lauze reposant sur l’extrados par l’intermédiaire d’un blocage de pierraille et de terre.

Pour construire une telle voûte en pierre sèche, sans liant et avec des claveaux aux joints imparfaits, un coffrage est indispensable (a contrario de la voûte « nubienne », bâtie, elle, avec des briques fines, régulières, relativement plastiques et liées à l’argile crue, et qui se montent sans cintre, en lits obliques à partir d’un mur pignon). Mais la dépense de bois est réduite quand le maçon fait partir le cof-frage de corbeaux au tiers de la hauteur, le déplace de travée et travée, et en récu-père l’essentiel du bois pour un chantier ultérieur.

les voûtes en chaînette La forme d’équi-libre d’une voûte dont chaque voussoir pèse d’un poids égal est celle inverse d’une chaîne qu’on laisse pendre libre-ment entre deux points et dont le poids de chaque maillon infléchit la courbe vers le centre.

VoûteS

gLoSSaIre

forCalquier, alpes-de-haute-proVenCe.VoûTe eN eNCorBeLLeMeNT d’uNe CaBaNe.

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boutisse demoiselle s’enfonçant profon-dément dans l’épaisseur du mur et y an-crant le parement.

Contre-boutisse ou biasse Pierre longue sans face prenant le relais d’une boutisse dans l’épaisseur du mur, avec une articu-lation qui s’adaptera à d’éventuels tasse-ments internes.

demoiselle Pierre avec une belle face, par ailleurs assez régulière et profonde

pour trouver sa place dans le parement d’un mur.

Massacan grosse pierre (avec ou sans face) à réserver pour les rangs du bas du mur.

patates Pierres informes moyennes et petites. elles ont leur place dans la profondeur du mur de soutènement ou entre les deux parements d’un mur de clôture.

petits éclats (anguleux) eux aussi ont leur place dans la profondeur du mur, a for-tiori quand l’ouvrage joue aussi le rôle de volume d’épierrage. Ils doivent y être bien rangés et serrés, en lits organisés. Si on les jette là en vrac (en « sac de billes »), à terme ils se tasseront vers le bas et re-pousseront le parement.

rataillon de l’occitan retalhon. retaille, recoupe de pierre, morceau qu’on retran-che. Par extension, reste de nourriture.

PIeRReS

arase assise intermédiaire ou supérieure d’un ouvrage de maçonnerie, généra-lement mis bien à plat, servant de base pour la suite de la construction.

arc de décharge arc clavé inclus dans un mur ; il soulage du poids du mur la partie sous-jacente : linteau de porte… (Les triangles de décharge, les doubles linteaux jouent des rôles semblables.) enjambant une faiblesse locale de la fondation (faille, source…), on trouve de grands arcs de décharge construits pour garantir la stabilité du mur qu’ils portent. Les arcs peuvent aussi avoir une valeur essentiellement plastique, rythmant un long mur.

Coffrage cintre Forme provisoire en charpente portant un arc ou une voûte clavée le temps de sa construction.

Corbeau Pierre placée en saillie du pare-ment d’un mur.

Corniche élément majeur de l’architec-ture de pierre de taille, la corniche, ligne de pierres en saillie, n’apparaît que rare-ment dans des ouvrages de pierre sèche. elle sert d’appui aux cintres d’une voûte en berceau (mais souvent des corbeaux régulièrement espacés en tiennent lieu), ou porte des aménagements en char-pente : mezzanine de cabane…

Coudée, journée, voûtée Le chantier de construction du mur se décompose en unités de travail, qui permettent au murailleur de limiter ses déplacements et ses transports de pierre. La coudée

permet, sur quelque 3 mètres de largeur, une progression du mur de 50 ou 60 cen-timètres de hauteur terminés par une arase sensiblement horizontale. Celle-ci se devine sur le parement (pierres fines plus nombreuses sous la ligne de l’arase, reprise du chantier avec des pierres plus épaisses et régulières). Sur des murs de moellons bâtis à la chaux, les arases des coudées sont souvent plus marquées : maisons de village et hauts murs de clôture dans le Val de Loire, par exem-ple. Le chantier, arrêté le soir, repris le lendemain, a laissé à la chaux de temps de faire prise : coudée se conjugue alors avec journée de travail.

dans certains murs en pierres à faces polygonales ou sensiblement carrées, on croit lire un montage bien différent : tous les 2 mètres, autour d’un massacan fondé au sol, les pierres ont été imbri-quées en cercles concentriques, jusqu’à ce que ceux-ci se rejoignent. rené Sette fait l’hypothèse que ces cercles représen-tent eux aussi une unité de progression du mur, à la mesure des deux bras éten-dus d’un maçon – dans la même logique de rationaliser les efforts –, et propose de la nommer voûtée.

d’autres unités de chantier :• Des longues clefs verticales ou obliques

divisent certains murs en travées : elles les clavent verticalement, et limitent les dégâts quand un panneau s’effondre.

• Des arcatures sont répétées tous les 3 ou 4 mètres, au nu du parement, appa-reillées avec soin : la volonté de faire un beau mur paraît évidente, mais ces arcs fonctionnent aussi comme des arases circulaires.

Couronnement, chapeau rang supérieur d’un mur : les pierres y sont choisies et assemblées pour peser sur le mur et ré-sister à l’arrachement (passage des ani-maux sauvages et domestiques, intem-péries, branches et racines), pour retenir la terre utile d’une terrasse de culture… Il est une marque forte du soin apporté à la construction. Le couronnement d’une cabane – dalles ou épi de faîtage – joue les mêmes rôles.

Sur un mur de clôture, il peut en outre jouer un rôle spécifique de barrière : pier-res dressées irrégulières, que les chèvres hésitent à grimper, craignant d’y coincer leurs pattes, grandes dalles plates débor-dantes que franchissent difficilement les lapins (élevés dans l’enclos), les renards (qui voudraient s’y introduire), etc.

Coups de sabre joints verticaux super-posés (par défaut de croisement des pierres de lit en lit). Ils désolidarisent les éléments du mur.

Croiser Faire en sorte que les joints verti-caux des pierres ne soient pas alignés et que les pierres se recouvrent de façon dé-calée, en largeur comme en profondeur.

enduits Les constructions en pierre sèche sont bâties sans liant, mais n’excluent pas l’emploi d’enduits : en terre argileuse, en plâtre, en mortier de chaux. dans des ca-banes, ils protègent des courants d’air (les humains, le cheval…), donnent aux murs une meilleure finition. dans les greniers, ils limitent la venue des souris et la fuite du grain. dans des réservoirs d’eau bâtis à sec, ils font une couche d’étanchéité.

ConStRUIRe

gLoSSaIre

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hérisson Couche de fondation, néces-saire pour un mur de pierre sèche si le sol est mou, glissant, mal drainé. Les pierres y sont serrées, verticalement ou en obli-que très redressé si elles sont plates.

linteau Pièce de bois ou de pierre faisant le couvrement horizontal d’une ouverture. dans les ouvrages de pierre sèche, ce sont le plus souvent des longues dalles ou de longs blocs de pierre bruts, deux ou plusieurs poutres en lit. Mais des ca-banes de carriers montrent des linteaux assemblant plusieurs claveaux taillés : savoir-faire et fierté du professionnel…

lit, délit une pierre sédimentaire (calcaire, grès…) ou métamorphique (schiste…) a un sens, celui de sa sédimentation. Posée « dans son lit » (horizontalement), elle a une très bonne résistance à la compres-sion. Posée « en délit », elle sera plus sen-sible à l’écrasement et aux intempéries. à l’aspect géologique s’ajoute la dimen-

sion constructive (dans l’emploi de pier-res plus ou moins plates) :

• Une pierre posée en lit ou à plat, hori-zontalement, repose sur sa plus grande face. elle peut-être panneresse (c’est un grand côté qui est apparent) ou boutisse (c’est un petit côté qui est apparent), ou encore boutisse parpaigne (elle traverse tout le mur).

• Une pierre posée en délit, verticalement, peut être de bout (un grand côté appa-rent), de chant (un petit côté apparent) ou encore en carreau (une grande face apparente). Voir ci-dessous « madone ».

Madone Pierre de taille conséquente po-sée dans le sens vertical. dans une vision provençale de l’architecture de pierre sè-che, elle a plusieurs défauts :

• elle est en délit ;• elle fait deux coups de sabre ;• avec le tassement du mur, elle poinçon-

nera le rang qui sera posé au-dessus ;• pour certains, elle n’est pas très esthéti-

que et rompt l’ordonnancement du mur. Ce qui n’empêche pas certains murs de

donner une place majeure aux pierres en délit, obliques ou verticales :

• opus spicatum (en arêtes de poisson) : des pierres plates sont disposées en rangs obliques de sens alternés ;

• murs en clavade des Cévennes ;• murs en travées rythmées par de grandes

clefs verticales (îles grecques, causse de Sauveterre, etc.)

pantoufle gros espace vide dans le pare-ment entre deux demoiselles qui ne peu-vent être serrées à cause d’une bosse, d’un angle obtus… Mieux vaut retailler cette bosse ou cet angle pour bien rap-procher les deux pierres.

piédroit Montant d’une ouverture : porte, fenêtre…

travée division du chantier d’une voûte clavée en sections verticales.

gLoSSaIre

aiguier Bassin, couvert ou non, creusé dans le sol, recueillant et conservant les eaux de ruissellement d’un impluvium aménagé sur le rocher en pente.

béal Canal détournant les eaux d’une ri-vière, d’un torrent, d’une grosse source, pour l’irrigation. La pierre sèche peut in-tervenir dans les murs de soutènement.

Cairn ou montjoie Tas de pierre bâti en forme de borne ou de pilier pour signa-ler un carrefour, un sommet, ou simple-ment pour jalonner le chemin. carn est le mot gaélique pour le dire, monjoia, montjoia les mots catalan et occitan. au sommet de la montagne de Lure, en haute Provence, les cairns bornent les pâturages. Par temps de brouillard, l’un d’eux indique la proximité du dan-gereux abrupt nord.

Calade Pavage de pierres brutes posées sur chant, organisées et serrées en pan-neaux, sur un support de terre ou de mortier léger. Sur les chemins, boueux en temps d’orage ou verglacés en temps

de grands froids, les calades évitaient le glissement du pied ou du sabot. Les chemins pentus caladés étaient rythmés de marches, peu hautes et assez longues pour être adaptées aux déplacements des bêtes de somme : les pas-d’âne , dont les longues pierres transversales consolident la calade et évitent que les pierres du pan-neau qu’elles encadrent ne se déchaus-sent. Les calades ont recouvert des aires à fouler les céréales, et continuent à habiller des places et parvis, publics et privés, des cheminements piétonniers.

Mine galerie subhorizontale creusée dans un versant pour capter une veine d’eau.

géogRAPhIe

adret Versant orienté vers le sud, exposé au soleil.

ubac Versant tourné au nord, à l’ombre.

agriculture extrême dans des situa-tions de surpopulation, d’isolement et de pénurie, d’exclusion des bonnes ter-res, des sociétés paysannes, pour sur-vivre, ont mis et continuent à travers le monde à mettre en culture des terres qui ne s’y prêtent pas – sols trop médiocres ou fragiles, au relief ou au climat trop rudes, etc. dans les vallées des alpes du Sud, le géographe andré de répa-raz montre, de la fin du xviiie à la fin du xixe siècle, une conquête des versants au cours de laquelle les villages de fond de vallée essaiment en hameaux étagés, ou créent des fermes d’estive, défrichant et mettant en culture des terres jusqu’à l’approche de 2 000 mètres d’altitude – terres et bâtiments qui au xxe siècle se-ront peu à peu abandonnés.

écart Habitat permanent (hameau, mai-son) à l’écart du village aggloméré.

oUVRAgeS

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les enClos Celui d’auguste Martin est décrit par son

arrière-petit-fils Pierre Martel dans pierre sèche en provence, les alpes de Lumière, Mane, 1986, et par Pierre Coste dans pierre en provence, collectif, aix, Acep-édisud, 1987. L’enclos de Louis roussel, qui fit l’objet d’un rapport admiratif en 1912 de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, a été étudié par Michel rouvière (revue temps présent, n° 82, 2004, et article sur le site du Cerav, www.pierreseche.com). L’enclos de la combe des Moles à Nages (gard) a été relevé et étudié en 2000 par l’association Nages, garrigues et pierre sèche (www.pierreseche.net/nages.htm).

preMiers teMps dominique garcia, la celtique

méditerranéenne, habitat et sociétés en languedoc et en provence, viie-iie siècles av. J.-c., Paris, errance, 2004.

Sylvain Mazet, les enceintes pré- et proto-historiques de corse. essai de comparaison avec quelques sites de toscane, thèse de doctorat, université de Corse, 2006.

les terrasses de culture méditerranéennes, revue méditerranée, aix, tome 71, 1990 : quatorze contributions de géographes et d’historiens sur les terrasses de l’antiquité à nos jours.

paysages aMénagés par l’hoMMerégis ambroise, Pierre Frapa, Sébastien giorgis,

paysages de terrasses, aix, édisud, 1989.

ada acovitsioti-hameau, côté colline, pratiques et constructions de l’espace sylvopastoral en centre-Var, aix, Publications de l’université de Provence, 2005.

Françoise alcaraz, « L’utilisation publicitaire des paysages de terrasses », revue Études rurales, 157-158 : Jeux, conflits, représentations, Paris, 2001, http://etudesrurales.revues.org/document36.html.

Philippe blanchemanche, Bâtisseurs de paysages. terrassement, épierrement et petite hydraulique agricole en europe, xviie-xixe siècles, Paris, Maison des sciences de l’homme, 1990.

noMMer la pierre sèChe Les synthèses les plus abouties sont celles

de Christian lassure (site www.pierreseche.com et revue du Cerav), qui tord le cou à l’emploi du provençal borie (« la mauvaise écurie »), abusif mais quelque part cohérent avec un discours péjoratif sur cet habitat marginal. Les ethnolinguistes pourraient nous éclairer certainement plus sur la hiérarchie de valeurs, les représentations de l’espace, les informations techniques, et peut-être même historiques que portent tous ces mots.

les CabanesChristian lassure, photographies de

dominique repérant, cabanes en pierre sèche de France, aix-en-Provence, édisud, 2004.

Les cabanes, habitats temporaires de production et de loisir : sur le site de la Drac du Languedoc-roussillon (www.languedoc-roussillon.culture.gouv.fr), un dossier sur les cabanes et cabaniers des étangs de Camargue, du Languedoc et du roussillon.

les bergeriesPhilippe alexandre, Sébastien giorgis,

Nadine orloff, « Les bergeries en pierre sèche de la montagne de Lure », in pierres en provence, aix, Acep-édisud, 1987.

Les cortals de pierre du Conflent : Wikipedia (http://fr.wikipedia.org/wiki/cortal).

l’eau des Collinesétude et restauration d’un système

de gestion de l’eau des pentes dans les Cévennes : www.eau-cevennes.org. Travaux de l’association Pierre sèche en Vaucluse, la Cornette, Saumane (Vaucluse), [email protected].

la Muraille de la pestedanièle larcena et al., la muraille de la peste,

Pierre sèche en Vaucluse ([email protected]) et les alpes de Lumière, 1993.

foursLaurent porte, Fours à cade, fours à poix dans

la provence littorale, les alpes de Lumière, 1990. recherches et construction d’un four expérimental par l’aSer du Centre-Var : http://asercentrevar.free.fr/.

une exposition « La pierre apprivoisée – pierre sèche dans

le Var », sous la direction de guillaume lebaudy, draguignan, musée des arts et Traditions populaires de moyenne Provence, 2005.

Construire aujourd’hui en pierre sèCheabps, Muraillers de Provence, Confrérie

des bâtisseurs en pierre sèche, CMa 84, PN Cévennes, eNTPe de Lyon, guide de bonnes pratiques de construction de murs de soutènement en pierre sèche, CaPeB, eNTPe de Lyon, 2007.

Louis Cagin, Laetitia nicolas, construire et aménager en pierre sèche, Paris, eyrolles, 2008.

sur la toilePour le patrimoine de la pierre sèche,

le site de référence est celui du Centre d’études et de recherches sur l’architecture vernaculaire (Cerav), que dirige Christian lassure : www.pierreseche.com. Sur son site personnel (http://pierreseche.chez-alice.fr/), Christian Lassure règle ses comptes tous azimuts, mais il y a beaucoup de choses intéressantes à apprendre. Par ailleurs une bonne partie des articles de Wikipedia (France) sur la pierre sèche sont de sa plume (http://fr.wikipedia.org/).

Un site de bonne hUmeUr : http://pierreseche.over-blog.com/.

mUrs de Combrie : www.fellsanddales.org.uk/trails/drystonewalls.php.

les pièges à poissonsLes « écluses » à poissons de l’île d’oléron :

www.cabuzel.com/oleron/. Voir aussi le dossier sur la pêcherie des Sables-d’or à Fréhel (Côte-d’armor) sur le site du ministère de la Culture.

surVoler la pierre sèCheavec www.geoportail.fr : causse de

Sauveterre, plateaux encadrant les gorges du Verdon, montagne de Lure, collines du gard, oppida du Midi, etc. avec google earth : île de krk (Croatie) – moitié sud de l’île, des épierrages du karst qui peuvent représenter le tiers de la surface cultivée (cf. plus haut la revue méditerranée).

un film : dominique Comtat, paroles de pierres, à paraître en 2008 en dVd.

Pour le présent et l’avenir de la pierre sèche, il faut aller sur le site de la Chambre de métiers de Vaucluse, www.cm-avignon.fr, rubrique « Les dossiers/pierre sèche » : bilan et perspectives de la pierre sèche, annuaire des praticiens, bibliographie, actes de colloques, thèses, vidéos, programmes internationaux.

BIBLIogRAPhIe théMAtIQUe

BiBliogrAPhies

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161

abps, aserpur, apicq, amis du vieux Caussade et de son pays, Société des sciences naturelles du Tarn-et-garonne, CPIe Midi-quercy, restaurer la pierre sèche – cabanes, murs de soutènement et murets de séparation, Carnet pratique de la Maison du patrimoine et de l’environnement de Midi-quercy, 2007.

apare, CMe, le guide des aiguiers du pays de sault et des monts de Vaucluse, apare, CMe éd., 2001.

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jean besset, Patrice Castel, didier Fert, daniel guerola, jean-François Chertier, jean-Claude rivière, c’est quoi ce tas de pierres ? l’agropastoralisme dans les pyrénées ariégeoises, Montagne et Patrimoine, Fédération de la pierre sèche, 2003.

jean-François blanc, terrasses d’ardèche : paysages et patrimoine, à compte d’auteur, 2001.

yves dautier, trous de mémoire, alpes de Lumière, 1999.

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Un film : aBPS, raymond achilli, les murs en pierre sèche (vidéo), Chambre de métiers et de l’artisanat de la Lozère, 2003.

BIBLIogRAPhIe généRALe

BIBLIograPHIeS

Page 162: pierre sèche

162

Claire Cornu, architecte de formation, est chargée de

développement local à la Chambre de métiers et de

l’artisanat de Vaucluse. depuis 2000, elle coordonne une

mission de création d’une filière nationale sur la pierre

sèche. elle prône le dialogue et l’échange des savoirs et

active des passerelles entre compétences et territoires

pour garantir cette démarche à l’échelon européen.

Danièle Larcena est géographe à l’école des hautes

études en sciences sociales. elle a participé à la création,

en 1983, de l’association Pierre sèche en Vaucluse

pour développer la connaissance, la restauration et

l’information sur les milieux de la pierre sèche. elle a

publié de nombreux ouvrages techniques sur ce sujet.

Pierre Coste a fait du partage du savoir ses métiers

successifs – journaliste, conservateur du patrimoine,

éditeur associatif. Pour rendre compte des territoires et

de leurs habitants, il croise les disciplines – géographie,

histoire et histoire de l’art, ethnologie, technologie…

– mais aussi l’approche sensible des choses et des gens.

Il dirige actuellement la maison d’édition C’est-à-dire,

spécialisée dans l’ethnologie en haute Provence.

René Sette est un spécialiste des calades et de la pierre

sèche. Pionnier de la réhabilitation de ces techniques en

Provence, il met en avant la pratique et l’actualisation

des savoirs populaires. Il a publié calades, les sols de

pierre en provence en 2002 aux éditions le Bec en l’air.

Il enseigne à l’école d’avignon et anime régulièrement

des conférences et des stages sur la pierre sèche.

également chanteur, rené devient renat. Il se produit

principalement a capella, dans le répertoire du chant

méditerranéen traditionnel. (www.renat-sette.com)

LeS auTeurS

François-Xavier emery est photographe indépendant.

Il vit en haute Provence. depuis trente ans, il poursuit un

travail orienté vers la sociologie et le patrimoine, les rap-

ports entre l’homme et son environnement. au Bec en l’air,

il est l’auteur des photographies de calades, les sols de pierre

en provence, de mémoire et paysages du Verdon (2002) et de

10 Balades à la rencontre de Jean giono (2005).

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163

apare, 41, cours jean-jaurès, 84000 avignon T. +33 (0)4 90 85 51 15 Créée il y a vingt ans, cette association orga nise des chantiers de jeunes autour de la pierre sèche. elle s’est notamment illustrée dans la restauration des bergeries de Lure et publie également des ouvrages.

association des muraillers de provence, le Prato III, 84210 Pernes-les-Fontaines Valorisation de la pierre sèche, chantiers et expérimentations.

association pour la sauvegarde du patrimoine en pierre sèche du Var, Musée des arts et Traditions populaires 15, rue joseph-roumanille 83300 draguignan www.pierreseche.net/var

parc naturel régional du luberon, 60, place jean-jaurès, 84400 apt T. +33 (0)4 90 04 42 00

parc naturel régional du Verdon, Maison du parc, domaine de Valx 04360 Moustiers-Sainte-Marie www.parcduverdon.fr

pays et gens du Verdon, za la Baume, 83690 Salernes [email protected]

pierre sèche en Vaucluse, La Cornette, 84800 Plan-de-Saumane [email protected]

lithos, Maison de la pierre sèche, Valorisation du patrimoine , de la techni-que et des métiers de la pierre sèche Place albert-Morel, 84210 Le Beaucet www.maisondelapierre seche.org

société internationale de la pierre sèche, 21, rue de la république, 83143 Le Val [email protected]

Centre d’études et de recherches sur l’architecture vernaculaire (Cerav), 11, rue rené-Villermé, 75011 Paris T. +33 (0)1 47 00 26 83 www.pierreseche.net/cerav

entremont (dominant aix-en-Provence), enceinte gauloise.

ambrussum (Hérault, dominant le Vidourle, face à gallargues). L’oppidum est longé par un beau fragment caladé de la voie domitienne et domine le pont romain sur le Vidourle de cette route.

Marguerittes (gard, aux portes de Nîmes), le vallon des Bourguignons.

gordes (Vaucluse), le village des Bories.

goult, terrasses.

saint-saturnin-d’apt, aiguiers (le long de certains sentiers de randonnée).

Montagne de lure (alpes-de-Haute-Provence), redortiers, les Fraches : berge-ries, cabanes du berger Bernard, cairns.

Maison de la pierre sèche en dordogne, le Bourg, 24250 daglan www.maisonpierreseche.com

l’ethnosite du Val (Var) Sur 6 hectares de collines, l’association aser propose une restitution de la vie d’autrefois, loin du village et des terres cultivées : artisanat, activités ponctuelles et aménagements de l’espace – cabane, terrasse, four à cade, poste de chasse, glacière, etc. http://asercentrevar.free.fr/sites.html

LIeUX à VoIR

Ce centre de formation à la réhabilitation du patrimoine architectural est un centre de ressources spécialisé dans la formation continue et l’ingénierie patrimoniale à travers le conseil auprès des collectivités territoriales, des maîtres d’œuvre et des entreprises du bâtiment. depuis 1983, l’école d’avignon a progressivement bâti un pôle de compétences et un observatoire dans le domaine de la réhabilitation, sur les nouvelles approches du patrimoine, tant en formation, en consultation ou en étude que par son action extérieure au territoire français.www.ecole-avignon.com

ADReSSeS UtILeSL’éCoLe D’AVIgnon

au pied du massif des Maures, le domaine du rayol représente un patrimoine naturel et culturel exceptionnel. Propriété du Conservatoire du Littoral depuis 1989, le paysagiste gilles Clément est à l’origine du concept du site le jardin des méditerranées.depuis 2006 des ateliers et formations animés par des spécialistes, permettent de s’initier ou se perfectionner aux disciplines en lien avec les jardins. La botanique, le jardinage sous climat méditerranéen, l’étude des plantes (médicinales, tinctoriales…), ou les techniques traditionnelles du bâti en pierre sèche… sont parmi les thèmes développés lors de ces journées.Pour connaître les dates des différents ateliers, contacter le domaine du rayol au 04 98 04 44 00, le catalogue des ateliers et formations est également téléchargeable sur le site internet du domaine du rayol.www.domainedurayol.org

25 Balades sur les chemins de la pierre sèche entre monts de Vaucluse, lure et luberon Florence dominique, apare, le Bec en l'air, 2009.

DoMAIne DU RAyoL

gUIDe De RAnDonnéeS

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achevé d’imprimer sur les presses de g. Canale & C., Italie.dépôt légal : mars 2008.

Toutes les photographies de cet ouvrage sont de François-xavier emery, à l’exception de :p. 9, p. 10, p. 11, p. 12, p. 27 (milieu bas), p. 31, p. 40, p. 44 (bas), p. 50 (haut), p. 105, p. 106 (bas), p. 116, p. 123 (haut gauche, milieu-haut droite, milieu-bas droite), p. 124, pierre coste ; p. 24 (gauche), p. 25 (haut), p. 27 (milieu haut), p. 28, p. 29, p. 43 (bas gauche), p. 44 (milieu), p. 60, p. 61, p. 62 (haut, milieu, bas), p. 63 (haut, bas), p. 64, p. 65, p. 66 (haut, bas), p. 67 (haut, bas), p. 72, p. 73, p. 74, p. 75, p. 80, p. 81, p. 82 (haut, bas), p. 83, p. 84 (haut, bas), p. 85, p. 86, p. 88 (haut, bas), p. 89, p. 90 (haut, bas), p. 91, p. 96, p. 97 (haut, bas), p. 106 (haut), p. 123 (haut droite, milieu-bas gauche, milieu-bas droite, bas droite), p. 138, p. 143, p. 145 (haut, bas), p. 147, p. 150 (gauche, droite), p. 151 (gauche, droite), p. 152, p. 153 (gauche), claire cornu ; p. 15 (milieu droite ; bas gauche), p. 43 (haut gauche), p. 46 (droite), p. 47 (haut, bas), p. 50 (bas), p. 53, p. 58, p. 59, p. 76 (haut, milieu, bas), p. 78, p. 79, danièle larcena ; p. 8, Janine Vie ; p. 41, Jean cabanel ; p. 49 (gauche), marc heller ; p. 13, claude gouron ; p. 98, angela rinardo ; p. 87, Fédération suisse du paysage (raimund rodewald) ; p. 39, guillaume lebaudy ; p. 43 (haut droite, milieu droite, bas droite), p. 49 (droite), Bruno herbert ; p. 51, K. Jähne ; p. 142, philippe alvaro ; p. 68, p. 70, p. 71 (haut, bas), Fundació el solà ; couv. (bas droite), p. 15 (bas droite), p. 24 (droite), p. 25 (bas), p. 26 (bas), p. 27 (bas), p. 46 (haut gauche, bas gauche), p. 106 (milieu), Fabienne pavia.

merci à toutes les personnes qui nous ont fait découvrir des sites et des paysages, des savoirs, nous ont montré des gestes, nous ont apporté des images, nous ont guidés dans des lectures, ont su répondre à nos questions – et parmi elles :mohamed arsalane, Jeannot Bancillon, guy Barruol, Jean cabanel, cécile caron, patrick cassoudesalle, Jean-pierre chevalier, dominique comtat, marie coste-el omari, marc dombre, Florence dominique, Bruno dumas, Franck Fabre, Jean-loup Fontana, dominique garcia, loys ginoul, sébastien giorgis, michel guitton, dimitri gutton, denis lacaille, guillaume lebaudy, pierre lieutaghi, irène magnaudeix, roland mousquès, cathie o’neill, maurice et maurice-roger roustan, michel rouvière, Janine Vie, les archives départementales de lozère, l’École d’avignon, la Fundació el solà (www.fundacioelsola.org), les Jardins du rayol, le parc naturel régional du Verdon, pays et gens du Verdon, Jacques sorret et les murailleurs du Var richard Belkior, emmanuel cara, matthieu collot, adeline marteau, Bertrand masse, cyrille Victorion.

Une gratitude particulière envers andré de réparaz, pour sa relecture attentive et enrichissante.

rené sette et pierre coste auraient souhaité montrer ce livre à pierre martel et à denis Tessaro, et pierre à Jean-paul et mady coste, en juste retour de ce qu’ils leur ont appris.

CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES

REMERCIEMENTS

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La technique de la pierre sèche, commune à l’humanité, a été mise en œuvre

avec beaucoup d’inventivité dans la vie quotidienne : murs de clôture,

terrasses agricoles, cabanes pour protéger les bêtes ou remiser les récoltes,

aiguiers pour capter l’eau, escaliers et sentiers pour conquérir les versants…

À la fois documentaire et pratique, ce livre invite à une découverte

des paysages de pierre sèche modelés par l’homme dans le monde entier.

Des restanques provençales aux terrasses escarpées du Cap-Vert, des clôtures

des jardins cévenols aux temples japonais de Nara, ces architectures anonymes

demeurent d’une complète actualité. Pour preuve, une nouvelle génération

de maçons à pierre sèche a fait son apparition, montrant ainsi la nécessité

patrimoniale et écologique de préserver et de transmettre ce savoir-faire.

Cinq spécialistes de la pierre sèche apportent ici leurs connaissances passionnées

et partagent leurs expériences. Un chapitre pratique détaille en images

la construction d’un mur et offre à chacun, particulier ou professionnel,

la possibilité de bâtir ou de restaurer des ouvrages en pierre sèche.

dans la même collection Calades, les sols de pierre

978-2-916073-29-3 35 €

pierre sèchePierre Coste Claire Cornu Danièle Larcena René Sette

Photographies de François-Xavier Emery

le bec en l’airÉ D I T I O N S

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