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Pierre Pouchot Pierre Pouchot Pierre Pouchot Pierre Pouchot Pierre Pouchot Mémoires sur la dernière guerre de l’Amérique septentrionale SEPTENTRION Extrait de la publication

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Page 1: Pierre Pouchot Mémoires

Pierre PouchotPierre PouchotPierre PouchotPierre PouchotPierre Pouchot

Mémoiressur la dernière guerrede l’Amériqueseptentrionale

SEPTENTR IONExtrait de la publication

Page 2: Pierre Pouchot Mémoires

Extrait de la publication

Page 3: Pierre Pouchot Mémoires

Mémoires sur la dernière guerrede l’Amérique septentrionaleentre la France et l’Angleterre

Extrait de la publication

Page 4: Pierre Pouchot Mémoires

Extrait de la publication

Page 5: Pierre Pouchot Mémoires

PIERRE POUCHOT

Mémoires sur la dernière guerrede l’Amérique septentrionaleentre la France et l’Angleterre

S E P T E N T R I O N

Extrait de la publication

Page 6: Pierre Pouchot Mémoires

Direction éditoriale : Denis Vaugeois.Mise en pages et maquette de couverture : Gilles Herman.Illustration de couverture : Find the English, Bert Ducey, 2001. À l’été 1759 le navire français L’Iroquoisequitte la rivière Niagara à la recherche de la flotte du général John Prideaux.Révision : Solange Deschênes.Texte établi par Catherine Broué.Gloses et préparation de l’index : Marcelle Cinq-Mars, Guillaume Binns et Catherine Broué.

Dépôt légal – 2ème trimestre 2003Bibliothèque nationale du QuébecISBN 2-89448-303-1

© Les éditions du Septentrion, 20031300, avenue MaguireSillery (Québec)G1T 1Z3

Diffusion au Canada :Diffusion Dimedia539, boul. LebeauSaint-Laurent (Québec)H4N 1S2

Diffusion en Europe :Librairie du Québec30, rue Gay-Lussac75005 ParisFrance

Si vous désirez être tenu au courant des publications desÉDITIONS DU SEPTENTRION,

vous pouvez nous écrire au1300, av. Maguire, Sillery (Québec) G1T 1Z3

par télécopieur (418) 527-4978 ouconsulter notre site Internet

www.septentrion.qc.ca

Les éditions du Septentrion remercient le Conseil des Arts du Canada et la Société de développement desentreprises culturelles du Québec (SODEC) pour le soutien accordé à leur programme d’édition, ainsi quele Gouvernement du Québec pour son Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres. Nousreconnaissons également l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programmed’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition.

Extrait de la publication

Page 7: Pierre Pouchot Mémoires

Introduction

La guerre de la Conquête, qui s’étala sur sept ans, de 1754 à 1760,constitue une page marquante de l’histoire nord-américaine.

L’ouvrage Mémoires sur la dernière guerre de l’Amériqueseptentrionale entre la France et l’Angleterre de Pierre Pouchot offresur cette période un témoignage exceptionnel par sa richessehistorique et son style vivant. Actif surtout dans la région des GrandsLacs, Pierre Pouchot présente un point de vue différent de celui duJournal de Bougainville, plus représentatif des événements qui sesont déroulés autour du lac Champlain à la même époque. Au coursde ses recherches qui l’ont conduit à son ouvrage intitulé La Fin desalliances franco-indiennes, Denis Vaugeois, éditeur au Septentrion,a redécouvert toute la richesse des Mémoires de Pouchot. Surprisde constater que l’ouvrage n’avait jamais été réédité en français, ilfut encore plus étonné de trouver deux traductions différentes enanglais dont l’une accompagnée d’un important travail d’annotation.Le projet d’une réédition venait de naître ; il fallut toutes ces annéespour le réaliser.

Dans ses Mémoires, Pierre Pouchot apparaît comme un officierconsciencieux, dont les talents d’ingénieur transparaissent dans ledétail minutieux qu’il fait des préparatifs des batailles, à Chouaguen(Oswego), à Carillon, à Niagara ou à Fort Lévis. C’est un findiplomate, comme en témoignent les relations cordiales etrespectueuses qu’il entretient avec les Amérindiens alliés desFrançais, au fort Niagara, par exemple, où les Tsonnontouans, lesGoyogouins et les Onontagués lui décernent le titre flatteur de

Memoirs of the LateWar in NorthAmerica. Translatedby Michael Cardy.Edited andAnnotated by BrianLeigh Dunnigan. OldFort NiagaraAssociation inc.,Youngstown, NewYork, 1994.

Memoirs Upon theLate War in NorthAmerica Betweenthe French andEnglish, 1755-1760.Translated andedited by Franklin B.Hough. 2 vols. ;Roxbury, MA : W.Elliot Woodward,1866.

Page 8: Pierre Pouchot Mémoires

8 Mémoires sur la dernière guerre de l’Amérique septentrionale

Sategayogen, le « milieu des bonnes affaires ». C’est aussi un« honnête homme », toujours prêt à reconnaître les mérites de l’unou de l’autre, allié ou ennemi, simple soldat ou officier, non sansun certain humour. Ainsi, par exemple, souligne-t-il en peu de motstout à la fois le courage des troupes françaises, l’importance militairedes Amérindiens alliés et leurs tactiques guerrières pleines de bonsens :

Cette avanture donna […] aux Sauvages la meilleure opinion possiblede la bravoure des troupes françaises, par la fermeté qu’ellesmontrèrent depuis lors dans leurs détachements. Ils demandaienttoujours de ces François qui n’avoient pas d’esprit, et qui se faisaienttuer tout à découvert.

C’est, enfin, un homme au regard humain, qui reconnaît lasouffrance qu’engendre une guerre impitoyable.

Odeur de poudre, fracas des canons, rivalités et alliances,grandeur et misère du soldat : le lecteur percevra surtout dans lesMémoires de Pierre Pouchot l’ampleur de cette guerre meurtrière,qui scella le sort de la Nouvelle-France.

Quelques mots sur Pierre PouchotLes connaissances sur la vie de l’ingénieur militaire et officierfrançais Pierre Pouchot, qui servit en Nouvelle-France de 1754 à1760, se réduisent à peu de choses près aux renseignements fournisdans la courte introduction de l’édition de 1781 et aux diversesmentions de l’officier que l’on retrouve dans la correspondance desprincipaux acteurs de la « dernière guerre septentrionale », acteursparmi lesquels figurent Vaudreuil, Montcalm, Lévis et Bougainville.Ces renseignements ont été repris dans l’incontournableDictionnaire biographique du Canada. Nous ne prétendons pasrévolutionner ici les connaissances sur cet officier dont la vie seraitrestée bien obscure sans la publication de ses Mémoires. Néanmoins,nous avons le plaisir d’ajouter aux renseignements déjà connus savéritable date de naissance, qui nous a été aimablement commu-niquée par un descendant de la famille Pouchot, Emmanuel Michal.Pierre Pouchot est né le 10 décembre 1710 à Grenoble, comme enfait foi son acte de baptême conservé aux Archives municipales deGrenoble, cote GG 99n. Capitaine en 1749 dans le régiment duBéarn, Pierre Pouchot passa six ans en Nouvelle-France où ildébarqua en 1754 pour être affecté d’abord au fort Frontenac, puis

Extrait de la publication

Page 9: Pierre Pouchot Mémoires

9Introduction

à celui de Niagara, où il revint une seconde fois, après avoir travailléà remettre en état les fortifications d’Oswego (Chouaguen), deCarillon (Ticonderoga, N. Y.) (où il s’illustra lors de la bataille de1758) et de Pointe-au-Baril. En juillet 1759, l’offensive anglaisecontre le fort de Niagara, à cours de munitions et de renforts, obligeaPouchot à accepter la capitulation de ses troupes. Fait prisonnier, ilfut envoyé à New York, puis échangé, et prit le commandement dufort Lévis en mars 1760 où il résista au déferlement des troupesanglaises durant 13 jours, en août, avant de capituler à nouveau.Rapatrié en France après la chute de Montréal, il dut se défendrecontre des accusations de corruption (l’historiographie a retenusous le nom d’Affaire du Canada le scandale qui secoua l’adminis-tration de la Nouvelle-France et contribua sans doute à sa chute),se retira un certain temps dans sa ville natale avant de reprendre duservice en Corse, où il fut tué dans une embuscade en 1769. Sontestament autographe, daté du 14 avril 1769 et passé devant MaîtreGirard, notaire à Grenoble, se trouve aux Archives Départementalesde l’Isère (cote 3E 1432/27 p399). !

Quelques mots sur le texte des MémoiresLes Mémoires de Pierre Pouchot est un ouvrage posthume, publiéune dizaine d’années après le décès de l’auteur, à partir des notes etdu récit que ce dernier avait préparés quelques mois avant son départpour la Corse d’où il ne devait jamais revenir. L’édition originale,dont nous proposons ici une réplique la plus fidèle possible, avaitfait l’objet d’un travail assez conséquent de remaniements etd’annotation de la part de l’éditeur que la famille Pouchot avaitmandaté pour compiler les notes de l’officier décédé. De manuscrit,il ne reste plus de traces. Le texte que nous proposons rassembleainsi non seulement les récits et remarques de Pouchot, mais aussiles notes d’un éditeur consciencieux du XVIIIe siècle qui, sanssouscrire toujours au point de vue de l’officier, a l’honnêteté decommenter son texte plutôt que de le modifier et signale au lecteurses propres interventions. Ce même éditeur compare en outre lesinformations fournies par Pierre Pouchot avec de nombreusessources (Buffon, Charlevoix, Lafitau, Raynal, Bellin, etc.), montrantpar là son érudition et offrant au lecteur du temps une vision élargiedes évènements nord-américains, dont nous profitons à notre touraujourd’hui.

Déplorant la piètre valeur documentaire des « ouvragespériodiques », ce premier éditeur estime que « pour écrire

! Nous sommesencore une foisredevables àEmmanuel Michalpour cesinformations.

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Page 10: Pierre Pouchot Mémoires

10 Mémoires sur la dernière guerre de l’Amérique septentrionale

l’histoire », seuls « les mémoires particuliers » sont valables : en cela,son approche rejoint tout à fait la tendance contemporaine del’histoire à revenir aux documents de première main et fait dudocument que nous proposons aujourd’hui une source derenseignements inestimables sur la Conquête.

Notre travail d’éditionNotre intention n’était pas ici de proposer au lecteur une éditioncritique à l’annotation volumineuse, mais un texte conforme àl’édition originale, depuis longtemps épuisée et classée dans lasection des livres rares des universités et des bibliothèques. Cefaisant, nous souhaitions que cette réédition permette au grandpublic comme aux chercheurs de langue française d’avoir accèsfacilement à ce document important de l’histoire nord-américaine.

Nous avons choisi d’éditer le texte de Pierre Pouchot avec lesnotes de l’éditeur initial qui accompagnaient l’édition originaleparce qu’ils sont inséparables l’un de l’autre, l’éditeur ayant assemblé,parfois rédigé, souvent commenté les remarques de l’auteur. cesnotes apparaissent en bas de page. Les notes de marge sont propresà la présente édition. Nous renvoyons pour une annotation pluspoussée des Mémoires à l’édition anglaise préparée par Brian LeighDunnigan (pour l’édition et l’annotation). Pour notre part, nousnous sommes contentés d’ajouter quelques précisions en marge,afin de rectifier une information de l’éditeur, de situer géographi-quement le lecteur, d’expliquer un mot ou une expression vieillie,bref, de faciliter la compréhension du texte. À cet égard, nousproposons quelques illustrations puisées à diverses sources etsusceptibles d’éclairer l’époque, le contexte, le lieu, les personnages,etc.

Nous avons tenté de reproduire fidèlement l’édition originalede 1781, en évitant une uniformisation abusive du texte qui auraitsans doute abouti à gommer l’intervention du premier éditeur surun manuscrit aujourd’hui introuvable. Cette double paternité desMémoires tels qu’ils nous ont été transmis, où les notes de l’éditeurs’imbriquent dans le texte de Pouchot et le complètent, explique eneffet peut-être la cohabitation de deux usages orthographiquesdifférents selon les différents tomes (par exemple, le pluriel des motsfinissant par –ant ou –ent est différemment consigné dans le premiertome et dans le second), quelques incohérences dans l’utilisationdes temps (passé simple pour l’essentiel de l’ouvrage, passé composé

En préface,Dunnigan explique

que la traduction deHough a vieilli et

qu’il a senti le besoind’en faire préparerune nouvelle. Son

travail d’annotationest d’une richesse

absolumentinépuisable. À ses

yeux, les Mémoiresde Pouchot justifient

un tel travail.

Extrait de la publication

Page 11: Pierre Pouchot Mémoires

11Introduction

dans un court passage du tome II) et l’hésitation du texte entre leon et le nous.

Dans cette optique, nous avons choisi de respecter l’orthographeet la ponctuation originales à l’exception des correctionssystématiques suivantes, effectuées pour faciliter la lecture à unpublic contemporain :

* S long remplacé par s;* & remplacé par et;* oi remplacé par ai là où l’orthographe contemporaine le

commande;* accents rétablis sur les majuscules;* accent grave rétabli dans les passés simples des verbes en –er;* accent aigu rétabli dans les mots se terminant par un –e sensé

être accentué;* points enlevés après les chiffres;* résolution des abréviations partout où cela était possible;* traits d’union enlevés entre l’adverbe et l’adjectif.

Toutes les variantes orthographiques ont été respectées, àl’exception de quelques erreurs typographiques manifestes(couvoités au lieu de convoités, par exemple), au demeurant très rares.

En somme…Sous la plume lucide de Pierre Pouchot, le lecteur se trouvera plongéquelque 250 ans en arrière, dans ces immenses forêts de la Nouvelle-France où la bravoure, la perfidie, les rivalités et la mort furent lesplus grands acteurs de cette guerre qui changea la destinée del’Amérique du Nord.

Nous souhaitons que le présent travail d’édition ne trahisse enrien ce témoignage de première main sur une guerre tragique etcontribue quelque peu à faciliter, voire alimenter, la recherchehistorique.

Catherine Broué

Extrait de la publication

Page 12: Pierre Pouchot Mémoires
Page 13: Pierre Pouchot Mémoires

Extrait de la publication

Page 14: Pierre Pouchot Mémoires

Extrait de la publication

Page 15: Pierre Pouchot Mémoires

MÉMOIRESSUR

LA DERNIÈRE GUERREDE

L’AMÉRIQUE SEPTENTRIONALE,ENTRE

LA FRANCE ET L’ANGLETERRE.Suivis d’observations, dont plusieurs sont relatives

au théâtre actuel de la guerre, et de nouveauxdétails sur les mœurs et les usages des Sauvages,avec des cartes topographiques.

Par M. Pouchot, Chevalier de l’Ordre Royal etMilitaire de St-Louis, ancien Capitaine auRégiment de Béarn, Commandant des forts deNiagara et de Lévis, en Canada.

T O M E P R E M I E R.Y V E R D O N.

M D C C L X X X I.

Page 16: Pierre Pouchot Mémoires

Extrait de la publication

Page 17: Pierre Pouchot Mémoires

Préface de l’éditeur (1781)

En vain chercherait-on dans cette foule d’ouvrages périodiques,les archives du mensonge et de l’ignorance, des matériaux pour

écrire l’histoire ; les mémoires particuliers peuvent seuls nous lesfournir. En publiant aujourd’hui ceux de M. Pouchot sur la dernièreguerre de l’Amérique Septentrionale, nous croyons remplir cetimportant objet dans une heureuse circonstance, celle de larévolution qui brise les fers de ce continent et change le systêmepolitique de l’Europe.

Plusieurs ouvrages relatifs à cette guerre ont paru depuis long-tems en Angleterre. Leur partialité faisait desirer qu’on mît au jourdes relations plus fideles, et capables de transmettre à la postéritéces traits de valeur qui soutinrent avec éclat, dans le Nouveau Monde,l’honneur de la nation française, au sein même des revers. Ils étaientalors si constans, que la fortune, en les lui suscitant de toute part,semblait démentir son caractère.

Si des préjugés d’État paraissent quelquefois entraînerM. Pouchot, nous osons assurer qu’ils n’ont jamais eu assez de forcepour l’engager à trahir les intérêts de la vérité, soit en l’altérant, soiten la dissimulant. Elle se trouve empreinte dans tous ses récits, ets’y énonce avec cette simplicité qui dégénére très souvent en unenégligence de style trop marquée. On pardonnera aisément ce défautà un officier, moins jaloux de bien dire que de bien faire. D’ailleursle langage des camps n’est pas toujours celui de la tribune auxharangues.

Les endroits de cet ouvrage, dont le sens était peu intelligible,ou obscur, sont presque les seuls que nous avons cru devoir corriger.Nous nous sommes aussi permis quelques légers retranchements,Peut-être l’auteur en aurait fait lui-même un plus grand nombre,s’il avait eu le tems de revoir ses mémoires, dont il était encorenécessaire de changer l’ordre des différentes parties.

Une vaguerévolutionnairesecoue le mondeoccidental de 1776 à1789. En 1781, annéede la publication dela première éditiondes Mémoires dePierre Pouchot, larévolutionaméricaine bat sonplein.

Parmi les ouvragesparus en Angleterre àcette époque, citons :Entick, John, TheGeneral History otthe Late War :Containing it’s Rise,Progress and Event,in Europe, Asia,Africa, and America,5 vol., E. and C.Dilly, London, 1764-1766 ; Wright, J. A.,A Compleat Historyof the Late War, orAnnual Register ofits Rise, Progressand Events inEurope, Asia, Africa,and America, 2 vol.,David Steel, London,1765; Hanway, Jonas,The seaman’sfaithfulCompanion : beingreligious & moraladvice to officers inthe Royal Navy […]with an historicaldetail of the manyglorious victoriesobtained by hismajesty’s arms inthe late war; and alist of the enemyships taken, London :sold by JohnRivington in St.Paul’s Churchyard,1763;

Extrait de la publication

Page 18: Pierre Pouchot Mémoires

18 Mémoires sur la dernière guerre de l’Amérique septentrionale

En effet plus d’un lecteur se serait impatienté de trouver lesrécits historiques placés après les excellentes observationsgéographiques, qui leur servent d’éclaircissement, et auxquelles nousavons joint quelques remarques sur les monts Apalaches et sur lesaut de Niagara. Nous avons donc mis avec raison ces observationsà la suite des mémoires, et avant les détails précieux sur les mœurset les usages des Sauvages. Ce dernier écrit est le fruit des liaisonsque les commandements dont notre auteur avait été chargél’obligèrent de former avec les principales nations du continent del’Amérique Septentrionale.

Éloge de M. PouchotL’homme de lettres s’identifie avec ses ouvrages : leur mérite est lamesure de son éloge, et leur existence suffit seule à sa gloire. Celui,au contraire, qui se dévoue au service de sa patrie, plus jaloux deverser son sang pour elle, que de perpétuer le souvenir de ses exploits,laisse à la postérité le soin de les consacrer. C’est donc une obligationstricte d’en rassembler les titres, ou de les garantir de l’éponge del’oubli, surtout lorsqu’ayant pour théatre un pays éloigné, ils courentrisque d’y être ensevelis. Tels sont ceux des intrépides défenseursdu Canada, parmi lesquels M. Pouchot tient un rang distingué.

En publiant ses Mémoires, nous acquittons ses concitoyensd’une dette ; et en lui donnant ici le juste tribut de nos louanges,nous satisfaisons à notre devoir. La vérité n’aura aucun reproche ànous faire : ce n’est point pour l’affliger que nous empruntons sonlangage. Simple et précis, il devient rarement celui du mensonge,qui a toujours besoin de prestiges.

M. Pouchot naquit à Grenoble, en 1712, d’un pere vertueux,qui n’avait point cherché dans le commerce les dangereux moyensd’étaler un luxe scandaleux et d’enrichir ses héritiers, pour en faired’inutiles sybarites. Il laissa par une mort prématurée la funesteliberté de se marier à sa veuve, qui se hâta d’en user. Les sentimentsde mere perdant de jour en jour toute leur force dans les bras d’unnouvel époux, la voix de l’intérêt devint plus puissante, et plongeases enfants du premier lit, dans les gouffres profonds de la chicanedont ils n’ont pu encore se retirer.

En réalité, PierrePouchot, fils de

Léonard Pouchot,marchand gantier, etd’Élisabeth Durand,est né à Grenoble le10 décembre 1710.

Son acte de baptêmeest consigné au

registre de la paroissede Saint-Hugues de

Grenoble auxArchives municipalesde Grenoble, cote GG99. Ces informations

nous ont étégénéreusement

transmises par M.Emmanuel Michal,descendant de PaulPouchot, qui a lui-même effectué ces

recherchesgénéalogiques.

Élisabeth Durand seremaria en mai 1730

avec Pierre Jullien,secrétaire du roi etgreffier en chef au

parlement.

Page 19: Pierre Pouchot Mémoires

19Tome premier

L’auteur de ces Mémoires, pour éviter d’y engloutir ses talens,comme tant d’autres moins prudens, mais plus avides, entra auservice en 1733, en qualité d’ingénieur volontaire, état auquel lanature l’avait destiné. Elle ne perdit pas ses droits, lorsque l’annéesuivante il passa dans le régiment de Béarn. Loin de croire que sonnouvel emploi le dispensait de toute application, et qu’il pouvait yvivre dans une oisiveté inquiete, il continua à étudier le grand artdes Vauban et des Cohorn, au milieu du tumulte des camps.

Ses connaissances ne furent pas longtemps ignorées. Ellesn’échappèrent point à M. de Maillebois, qui mit M. Pouchot dansla route où son génie l’appelait. Ce général le destina à travailler,sous M. Bourcet, aux retranchements de Borgo-Forte, dans leSarraglio, et à ceux de la Ferrara, sur le mont Baldo. La guerre deCorse fournit encore à notre auteur des occasions de satisfaire cebesoin irrésistible et toujours renaissant des ames fortes, celui d’êtreutile. On l’employa à fortifier des postes et à tracer des cheminsdans l’intérieur de cette malheureuse isle que sa pauvreté ne pouvaitsoustraire au joug d’inflexibles tyrans, les Génois, républicains etdespotes.

Nous ne suivrons pas M. Pouchot dans toutes les campagnesd’Italie, de Flandre et d’Allemagne, dont il partagea la gloire avectoutes les troupes françaises. Il fut chargé par la cour, en 1744, dereconnaître la route du Tirol, et en dressa une carte qu’il accompagnad’un mémoire instructif. L’avant-dernière année de cette guerre, ilretrancha le camp de Tournai, qui était sous les ordres de M. deVillemur. Ces services firent obtenir à notre brave officier unegratification, le brevet de Capitaine et la Croix de Saint-Louis. C’étaitpour lui des recompenses et non des graces, terme de l’idiômeministériel, à la vérité très impropre dans son origine, mais dontmalheureusement il est possible aujourd’hui de justifier souventl’usage.

La paix n’ayant point été établie sur des fondements solides,l’ambition de l’Angleterre chercha bientôt à les renverser. Pourprévenir ou arrêter ses entreprises, la France fit passer en Canadaplusieurs bataillons. Celui de Béarn, auquel M. Pouchot était attaché,

Le Traité de ladéfense des places deSébastien Le Prestrede Vauban (1633-1707), maréchal sousLouis XIV, alongtemps constituéun guideincontournable enmatière defortifications. Menno,baron de Cohorn,officier au service desétats généraux, étaitconsidéré comme unrival de Vauban dansl’art de la guerre.

Pierre Pouchot serviten Corse, alors sousla domination de larépublique de Gênes,de 1739 à 1741.

L’Ordre royal etmilitaire de Saint-Louis fut créé en1693 par Louis XIVafin de récompenserles militaires d’uncertain rang pourleurs hauts faits.

Pierre Pouchot fitpartie du secondbataillon durégiment du Béarnenvoyé en Nouvelle-France. Embarqué àbord du Léopard, ildébarqua à Québec le13 juin 1755.

1. On supposait [attribuait] même en France à un Canadien une figureextraordinaire, et des mœurs encore plus étranges. Dans la Nouvelle-Angleterre,quoique voisins du Canada, on regardait encore dans la derniere guerre, leshabitants de cette contrée comme des demi-Sauvages, parce qu’on y était persuadéque les Français prenaient des femmes parmi les Sauvages.

Extrait de la publication

Page 20: Pierre Pouchot Mémoires

20 Mémoires sur la dernière guerre de l’Amérique septentrionale

fut de ce nombre. Les Mémoires que nous publions nous dispensentd’entrer ici dans aucun détail sur les actions brillantes et les servicesimportants de cet officier. La défense de Niagara exigeait de lui desressources multipliées que son génie ne cessa pas de lui fournir. Ilne se refusa jamais à ses besoins, qui augmentaient à proportion dela supériorité des forces de l’ennemi. Elles ne l’étonnèrent pas aufort Lévis, dans les cendres duquel on aurait dû, après sa mort,creuser son tombeau, pour lui élever un monument digne de sonintrépidité.

S’il échappa alors aux fers des ennemis de la patrie, ce ne futque pour être exposé, dans son sein, aux traits acérés de la calomnie.M. Berryer, ministre de la marine, se ressouvenant d’avoir étélieutenant de police, crut devoir employer cette inquisition civile,si propre à contenir une populace vile et corrompue, mais tropsouvent funeste au repos des gens de bien, pour découvrir les auteursde tant d’abus et de prévarications qui avaient causé la perte duCanada. En conséquence, il eut un délateur à gage, qui jouait le rôlede parasite, afin de connaître tous ceux dont les liaisons avec lemunitionnaire général pouvaient faire soupçonner la conduite. Iltrouva à sa table M. Pouchot, qui venait lui parler de l’appro-visionnement du fort Lévis. Il n’en fallut pas davantage au sieurKervisian, c’était le nom du délateur, pour accuser ce brave officier,à son retour en France.

M. Berryer avait alors quitté le ministere. Son successeur, sansadopter son systême de délation, voulut néanmoins en profiter dansune circonstance malheureuse, où la vérité avait pour adversairesdes coupables qui cherchaient à multiplier leurs complices, pour sesoustraire à une punition exemplaire. Plusieurs lettres de cachetfurent expédiées, et on donna des ordres pour conduire à la Bastilleles accusés. M. Pouchot se reposait, au sein de sa famille, des fatiguesde la guerre, lorsqu’il apprit avec surprise qu’on devait l’arrêter. Iln’attendit point ce moment, et partit aussitôt pour se rendre à lacour.

En se présentant au ministre, il lui parla en ces termes : « j’arrivedu Canada, où j’ai exposé mille fois ma vie pour les intérêts de mapatrie. Ses ennemis m’ont offerts des emplois, de l’argent et unétablissement avantageux ; j’ai rejeté leurs offres. La perte de monpatrimoine est tout le fruit qui me reste de mes travaux et de messervices. Que me veut-on ? De quoi m’accuse-t-on ? »

Nicolas-René Berryer(1703-1762),ministre de la

Marine de 1758 à1761, aurait réponduà Bougainville qui lui

demandait desrenforts pour la

Nouvelle-France« qu’on ne cherchait

point à sauver lesécuries quand le feu

était à la maison »(Bougainville, Écritssur le Canada : 379).

L’excellent essaid’André Côté,

Joseph-MichelCadet, 1719-1781,

fait le point sur le casdu munitionnaire

général.

Page 21: Pierre Pouchot Mémoires

323Index

Table des matièresINTRODUCTION 7

TOME IPréface de l’éditeur 17Introduction 23

TOME IIFragment 176

TOME IIIAVIS 185AVERTISSEMENT 185OBSERVATIONS TOPOGRAPHIQUES 186CHAPITRE I 191

De la frontiere par le lac Champlain 191CHAPITRE II 209

Du fleuve Saint-Laurent, depuis Mont-Réal jusqu’à Chouegen 209CHAPITRE III 231

De la communication de la riviere de Chouegen aux possessions anglaises 231CHAPITRE IV 241

De la communication du lac Ontario aux frontieres anglaises,par la riviere Casconchiagon 241

CHAPITRE V 245De la communication de Niagara avec la Belle-Riviere ou Ohio,en anglais Alligeny, et de l’Ohio en Pensylvanie et en Virginie 245

OBSERVATIONS SUR LES MONTAGNES DE L’AMÉRIQUE SEPTENTRIONALE 252REMARQUES SUR LE SAUT DE NIAGARA 256DES MŒURS ET DES USAGES DES SAUVAGES DE L’AMÉRIQUE SEPTENTRIONALE 261À L’AVERTISSEMENT DES OBSERVATIONS TOPOGRAPHIQUES. 308

INDEX 309

Page 22: Pierre Pouchot Mémoires

composé en minion corps 11selon une maquette réalisée par gilles herman

et achevé d’imprimer en mai 2003sur les presses de agmv-marquis

à cap-saint-ignace, québecpour le compte de denis vaugeois

éditeur à l’enseigne du septentrion

Extrait de la publication