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Tous droits réservés © Les Publications Québec français, 1980 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 27 mai 2020 19:29 Québec français Pierre Perrault et la conquête de notre espace cinématographique Paul Warren Le nouveau programme de français au secondaire Numéro 38, mai 1980 URI : https://id.erudit.org/iderudit/57013ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Les Publications Québec français ISSN 0316-2052 (imprimé) 1923-5119 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Warren, P. (1980). Pierre Perrault et la conquête de notre espace cinématographique. Québec français, (38), 43–46.

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Page 1: Pierre Perrault et la conquête de notre espace ... - Érudit · indifféremment cinéma-vérité et cinéma direct pour désigner une méthode documentaire de tournage qui privilégie

Tous droits réservés © Les Publications Québec français, 1980 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation desservices d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politiqued’utilisation que vous pouvez consulter en ligne.https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/

Cet article est diffusé et préservé par Érudit.Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé del’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec àMontréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.https://www.erudit.org/fr/

Document généré le 27 mai 2020 19:29

Québec français

Pierre Perrault et la conquête de notre espacecinématographiquePaul Warren

Le nouveau programme de français au secondaireNuméro 38, mai 1980

URI : https://id.erudit.org/iderudit/57013ac

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Éditeur(s)Les Publications Québec français

ISSN0316-2052 (imprimé)1923-5119 (numérique)

Découvrir la revue

Citer cet articleWarren, P. (1980). Pierre Perrault et la conquête de notre espacecinématographique. Québec français, (38), 43–46.

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ÉTUDE

Pierre Perrault et la conquête de notre espace cinématographique

Pierre Perrault est le plus grand cinéaste-documentariste du Québec. C'est lui qui a le mieux exprimé la volonté d'être du peuple québécois. Il est au cinéma ce que Vigneault est à la chanson. La force poétique du cinéma de Perrault vient de l'insertion de ses films dans le paysage linguistique du pays. Les films de Perrault sont des «films de paroles» qui coulent de source, qui surgissent du terroir qué­bécois, de « l'album », ce terme de Didier Dufour dans Un pays sans bon sens. Il y a dans ce cinéma-là comme une symbiose difficilement explicable entre la «parlure» des gens du pays et l'environnement qui lui fait écho, entre le sonore et le visuel, le temps de la parole

par paul warren

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proférée et l'espace qui la reçoit. Lorsque le Grand-Louis se raconte, lorsqu'il fait des chouennes sur le perron de l'église de l'île-aux-Coudres ou devant le Saint-Laurent (Pour la suite du monde), ce n'est plus un individu sélectionné par une équipe de tournage et qu'on a voulu, pour faire vrai, interviewer dans son univers quotidien. Le Grand-Louis n'est pas plaqué sur, épingle dans son environnement; il le prolonge comme fleur de la tige. En se disant, c'est le village qui se raconte, c'est le déroulement du fleuve qui coule en lui. Le Grand-Louis a la dimension de Caillou La Pierre et de Jack Monnoloy des poèmes de Vigneault.

Mais il s'agit là de style et d'esthétique. J'y reviendrai à la fin de ce bref article. Pour, l'instant, il nous faut situer Perrault dans le courant québécois du cinéma-vérité.

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Le cinéma-vérité au Québec

La plupart du temps, on emploie indifféremment cinéma-vérité et cinéma direct pour désigner une méthode documentaire de tournage qui privilégie la caméra à main ou «caméra vivante» et le son synchrone. L'expression cinéma direct, bien qu'elle soit préférée à celle de cinéma-vérité qui fait ancien et sophistiqué, comporte le désavantage de s'appliquer autant au cinéma de fiction qu'au cinéma documentaire. En effet, le cinéma direct, qui indique sans plus une technique particulière de tournage (le tournage en direct), est utilisé par de nombreux réalisateurs de films de fiction, notamment Lelouche, Warhol, Bertolucci, Harel et Forcier. L'expression cinéma-vérité, moins con­crète que celle de cinéma direct, renvoie à une philosophie qui diffère profon­dément de celle qui caractérise le cinéma de fiction. Le précurseur et prophète du cinéma documentaire, le Russe Dziga Vertov, auquel se sont toujours référés les grands documen-taristes (Ivens, Rouch, Marker, Godard, Wiseman, Perrault...) a nommé son cinéma le «kino-pravda», le cinéma-vérité ou le cinéma à la recherche de la vérité, pour l'opposer, de façon radicale, au cinéma de fiction qui a toujours cherché à réaliser de plus en plus et de mieux en mieux l'expression de réalité.

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Dès le début des années 60, Perrault et un certain nombre de cinéastes qué­bécois utilisent la technique du direct (ils vont jusqu'à développer et raffiner certains de ses appareils de base) pour se mettre à l'écoute du monde ordinaire en mal de se dire et capter au vol le comportement du pays qui amorçait sa révolution. Ils étaient en plein dans le courant du cinéma-vérité authentique qui n'est, en somme, que l'expression historique d'une vérité collective qui éclate à l'air libre.

Ce cinéma-là a fait naître des films d'une puissance extraordinaire: en Russie, pendant la période héroïque de la révolution (Vertov, Eisenstein) ; en Italie, après le fascisme mussolinien (Zavattini, Rossellini); en Tchéchoslo-vaquie, pendant les quelques années de liberté euphorique qui ont précédé le printemps de Prague (Jasny, Jires, Kadar) ; à Cuba, au moment le plus intense de la résistance nationale (Alvarez) ; au Vietnam, pendant l'esca­lade américaine (Ivens).

Il me semble, de plus en plus, que le montage éclaté et comme en éventail ou en mosaïque qui caractérise les œuvres les plus authentiques du cinéma-vérité (L'Homme à la Caméra de Vertov, certains épisodes de Paisa de Rossellini, Le Cri de Jires, Hanoi le 13 Mars de Alvarez, Le 17e Parallèle de Ivens, Un pays sans bon sens de Perrault) vient essentiellement du trop-plein de créati­vité de tout un monde qui se bouscule devant la caméra et le magnétophone pour se dire en vérité. L'œuvre existe, forte et maîtrisée — et c'est le cas, singulièrement, pour Vertov et Perrault —, lorsque le cinéaste, derrière ses instruments pendant le tournage et devant sa pellicule lors du montage, réussit par intuition à se planter au centre nerveux de l'expression populaire et se révèle capable, tout au long de l'opération, de saisir de cette expression les significations multiples.

L'expression du réveil du pays

Perrault a voulu donner à son cin­quième film, Un pays sans bon sens, le sous-titre : Wake up, mes bons amis. Jamais la caméra ne s'est autant démenée. Elle voyage dans tous les sens pour capter «ce peuple sans bon sens acharné à vaincre son silence»: Cap Tourmente, BaieSaint-Paul, Chicoutimi, Saint-Urbain, Les Éboulements, Saint-Hilarion, lle-aux-Coudres, Sept-îles, Cap-Rouge, Pointe Bleue..., puis, Winnipeg, la Bretagne, la France. C'est le pays qui s'étire à l'horizontale et prend possession de ses terres. La structure du film, au niveau du montage, épouse le rythme en éventail du saut d'un lieu à un autre. Les sauts d'un géant chaussé des

bottes de sept lieues. Expression du peuple qui brise ses chaînes et qui bondit hors de ses peurs pour embrasser dans le tout — à la fois — en même temps son espace gigantesque. Rien à voir avec la déambulation linéaire, scandée par le rapport à suspense de cause-effet, du cinéma américain de la conquête assurée du pouvoir. C'est une structure qui s'engrène dans la tradition nomade du peuple mouvant de ce pays.

Le film s'ouvre sur une exclamation de Didier Dufour, émerveillé devant le spectacle des oies blanches qui rem­plissent le ciel et s'apprêtent à occuper le Cap Tourmente: «Tu l'as, là! tu l'as, petit! !» Il se termine sur une phrase du même Didier, campé devant le fleuve, face à l'île-aux-Coudres : « On leur doit le fleuve Saint-Laurent? Hein? On leur paiera pas. On va le prendre. Ça fait longtemps qu'on se promène nous autres, qu'on attend dans les cailloux, hein! Là, on va descendre à notre tour dans le fleuve! Fini (Fini leur tranquillité, c'est à leur tour de se promener ! ! !» Ce discours nationaliste surgit du paysage diversifié et démultiplié de l'album québécois, à travers vingt-six person­nages (vingt-sept avec Jacques Cartier) qui prennent la parole, la«parlure»,d'un bout à l'autre du film. La caméra de Perrault ne voyage à l'horizontale du fleuve que pour se laisser immobiliser par la prise de la parole. Un pays sans bon sens est la rencontre de deux espaces: l'espace extérieur, occupé, «clubé par l'étranger», comme le dit Didier, et l'espace intérieur, l'espace linguistique qui, lui, est libre, bien vivant et vigoureux. Or, cet espace linguistique, par le seul fait de se proférer à tue-tête, devient l'instrument de la libération de l'espace géographique.

De la prise de la parole à la conquête du territoire

Tous les cinéastes québécois du documentaire ont mis l'accent sur la parole. C'est là leur originalité. Leur instrument privilégié est le magné­tophone plus que la caméra. Mais il y a chez Perrault quelque chose de parti­culier: la parole y est libératrice et révolutionnaire. Perrault n'a jamais fait que du documentaire. Il n'aime pas le cinéma de fiction qui véhicule le pouvoir de l'occupant. Il serait d'accord avec ce texte de Christian Zimmer, dans Procès du Spectacle: « Il faut dire que l'acte de filmer traduit toujours un pouvoir. Un rapport dominant/dominé. Le langage le montre bien: on "prend" une image, on fait une "prise de vue", on "prend" quelqu'un dans le champ de la caméra, l'objectif le "saisit", les cinéastes sont des chasseurs d'images.» Ce texte révèle bien le pouvoir que possède le cinéma et qui peut être utilisé pour cadrer, encadrer, mettre en cage, maîtriser et domestiquer de l'espace. Tant il est vrai qu'il est de la nature du pouvoir d'occuper le plus d'espace possible et de n'en laisser aucune parcelle inoccupée. Le cinéma qui a réussi plus que les autres à prendre le pouvoir, c'est le cinéma de nos puissants voisins du sud. Tous les écrans du monde sont occupés par le cinéma américain. Quant à l'espace écranique québécois, il est à ce point dominé par les produits des multinationales d'Holly­wood qu'il nous faut décréter d'urgence, chaque année, une semaine du film québécois. Pendant quelques jours, notre cinéma national sort du maquis pour faire irruption dans nos salles, puis, l'invasion terminée, retourne à sa soli-

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tude. Or, l'image est reine dans le cinéma américain. Le son (musique et effets sonores) n'est là que pour le renforcer. La parole est rare, télégraphique, mono­syllabique. C'est le cinéma du pouvoir dans toute sa splendeur : cinéma maîtrisé et efficace, cinéma de la certitude et du définitif, qui a ses images de noblesse, comme on a ses lettres de noblesse.

Si le cinéma québécois s'est installé dans le documentaire comme dans un château fort, c'est que tout autour, la fiction était prise. Si le documentaire québécois a tellement privilégié l'expres­sion orale, c'est que les images étaient occupées et, par conséquent, l'espace visuel, piégé. Plusieurs réalisateurs de documentaires urbains ont cru qu'il fallait, de toute nécessité, libérer le verbe en «donnant la parole au monde», afin de préparer le cinéma national à reconquérir son espace, ses images, son bien. Ils ont cru à l'urgence de déprendre la langue de ses entraves et, pour ce faire, de la laisser se prendre à son expression populaire. D'où un cinéma québécois où l'on parle le «jouai», notre langue «sacrée», bégayée, vociférée, notre langue en colère qui s'ébroue comme un chien pour se libérer de ses poux, ces mots «english» qui l'ont sournoisement envahie et qui l'aiguil­lonnent de toute part. Ce qui s'est passé, c'est que le documentaire québécois et, à sa suite, le cinéma québécois de fiction se sont piégés eux-mêmes en tournant en rond dans l'anarchie linguistique, le misérabilisme des situations et le défai­tisme national. La langue humiliée qui y était privilégiée a entraîné dans sa mouvance des images humiliantes de taverne, de ruelle, de fond de cour et de corde à linge.

Pierre Perrault n'est pas tombé dans le piège. Et pour cause. Il en a toujours voulu à « ces gens d'écriture qui utilisent le mot jouai pour humilier les gens d'ici». Le mot jouai, pour Perrault, est vulgaire et « le vulgaire est beau, plus que le latin. Villon écrivait en langue vulgaire, et les fleurs portent des noms vulgaires. Nous avons essayé de rendre la parole et son honneur aux gens de parole». Perrault n'est pas entré dans le langage « jouale » des «gens de parole» pour amener ces derniers à se libérer de leur parler humiliant. Il a cru que la langue des «gens d'ici» était belle et qu'il fallait, simplement et d'une seule coulée, la prendre fièrement en bouche pour la bien centrer et la cadrer proprement. Pour ainsi découvrir notre identité et entrer tranquillement «chez nous» parla porte de devant. Pour réintégrer correc­tement notre espace extérieur et faire nos prises de vue à nous.

Le peuple québécois est pris en sandwich entre le mieux-faire américain et le mieux-dire français. Quand il veut bien faire, il s'américanise, quand il veut

bien dire, il parle à la française et quand il veut être lui-même, il bégaye. Pour Perrault, cet entre-deux «jouale» qui constitue le paysage linguistique des Québécois est source de fécondité et de survie nationale. C'est en piochant inlassablement dans le terroir, sous l'album et « dans la demeure imprenable du langage bafoué», que nous décou­vrirons notre style propre.

Perrault n'est pas un chasseur d'images. C'est un chercheur d'or qui brasse et rebrasse sans cesse les mots de notre langue, pour y découvrir le mot juste, le mot vrai, authentique, qui fait surgir notre être enfoui.

Retrouver le fond des choses

Les meilleurs moments du cinéma de Perrault ce sont des séquences (pas nécessairement tel ou tel film) où la langue, à force d'être brassée, fait surgir comme fleur de la tige l'image qu'elle portait déjà en elle, qui lui correspond, qui l'habille et lui va comme un gant. Là, alors, lecinéma d'ici prend son sens et sa valeur. Car, il reconquiert ses images, son espace écranique et national.

La séquence du carnaval de Chicou­timi, dans Un pays sans bon sens, est un bon exemple du style de Perrault et de la philosophie qui sous-tend son cinéma. La séquence s'ouvre, comme toutes les autres séquences du film, sur un texte écrit à la main et qui apparaît sur l'écran :

«Pour que le village devienne pays, il faut dénoncer le pittoresque et retrouver le fond des choses» et, en sous-titre: «ou l'exemple d'un portageur du car­naval de Chicoutimi».

La séquence fonctionne en vrille. La caméra attire dans sa trajectoire le micro qui cherche les phrases «déclen-cheuses» des vraies images à conquérir. D'abord, tout un fatras de compor­tements et de paroles qui disent l'évé­nement, l'activité carnavalesque, à son premier niveau de signification: les chansons à répondre, la course de pichous, l'encan des âmes, l'enchère pour les pantoufles... C'est la fête. Puis, progressivement, la caméra se concentre sur une course qui devient privilégiée, la course des portageurs. Dix milles à parcourir en portant un sac de sable de cent livres sur ses épaules. De cette course, un individu est sélectionné et sa parole, brusquement, occupe tout l'espace. C'est Jean Raphaël, un Indien de 59 ans de Pointe Bleue, sur les bords du lac Saint-Jean : « Ah oui ! ah oui ! J'ai portage beaucoup. Ah oui ! j'en ai fait pas mal du portageage. J'ai travaillé pour les compagnies en masse, hein! Les com­pagnies qui ont ouvert le haut du lac Saint-Jean. Tout se faisait... le porta­geage se faisait sur le dos aussi, hein! Tout le...» Et sa phrase est coupée par des images (en montage parallèle) de la course et des exclamations de la foule: « Bravo, monsieur Raphaël, c'est beau ça ! » Jean Raphaël a gagné la course du

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portageage folk lor ique du carnaval. Mais le vrai portageage, celui qu'i l faisait, il y a trente ans, ce sont les compagnies étrangères qui l'ont gagné sur son dos. Et Raphaël se remet à parler. Désormais, il ne sera plus interrompu. Les images du carnaval s'effacent et disparaissent de l'écran. Perrault n'en a plus besoin. Elles ont rempli leur rôle de déclencheur de la parole qui , à son tour, devra féconder les vraies images. Cette parole est grave et sacrée: « A h ! Dans les grandes runnes (courses), on pouvait av'rédger (porter une moyenne de) 200... 300 livres, et on portageait ça... Environ 8 à 10 heures par jour... J'en ai vu qui faisaient pas le voyage, he in ! Trop épuisés, là... Ils devenaient brûlés, là, hein.. . ! Puis, la parole de Jean Raphaël, dont je n'ai donné que des bribes, est relayée par la parole de son beau-père, Xavier Raphaël, un Indien presque centenaire et qui , en racontant le grand portageage de sa vie, vient creuser, encore un coup, sous l 'album. Le vieux Xavier parle d'un portageage qui a duré 18 mois et où tous sont morts de misère: «Y a pus rien que moé de c'voyage-là...» Il raconte qu 'on lui a donné cinq «piasses» en cadeau pour le voyage.

La séquence se termine sur une image bouleversante, une des images les plus imprégnées de force poétique de l'his­to i re de not re c i n é m a : un plan d'ensemble où l'on voit, au fond de l'écran, une forme humaine qui avance dans la tempête et la poudrerie de l'hiver et qui porte sur le dos un fardeau énorme. •

BIOGRAPHIE

Pierre Perrault est né à Montréal le 29 juin 1927. Il fait ses études classiques au Col lège de Montréal et au Col lège André-Grasset. Il s'inscrit en droit à l'Université de Montréal (1948) puis à l'Université de Paris, en histoire du droit, et à l'Université de Toronto, en droit international privé. Il pratique à Montréal (1954-1956). En 1956, il devient auteur radiophonique à Radio-Canada (Au pays de la Neufve-France, Chronique de terre et de mer, le Chant des hommes, Dest inat ion inconnue, J 'habi te une ville...). Toujours pour la télévision, il écrit trois téléthéâtres: «l 'Anse aux hussards» (juil let 1958), «Au cœur de la rose» (novembre 1958) et «Vent d'Est» (1960). L'année suivante, il publ ie son premier recueil de poésie, Po tulan, suivi de Ballades du temps précieux et Toutes Isles (1963). En 1963, les Apprentis Sorciers créent «Au cœur de la rose»,

reprise en 1974 par le Théâtre populaire du Québec. La pièce est éditée en 1964. Il publie par la suite trois autres recueils de poésie: En désespoir de cause (1971), Chouennes (1975) et Gélivures (1977). Parallèlement, il fait carrière de cinéaste. En 1963, il amorce, avec Pour la suite du monde, une tr i logie de l'ile-aux-Coudres, qui allait le rendre célèbre. Suivront le Règne d u jour (1966) et les Voitures d'eau (1968). Il s' interroge ensuite sur la not ion de pays dans Un pays sans bon sens (1970). Puis vient le controversé f i lm l 'Acadie, l 'Acadie (1971). Il tourne encore Un royaume vous at tend (1976), le Goût de la farine (1976) et C'était un Québécois en Bretagne, Madame (1977), en plus de p lus ieurs documenta i res et cour ts métrages dont le Beau Plaisir (1969) Tickets s.v.p. (1973). Il a remporté de nombreux prix et dist inct ions, dont le prix Duvernay en 1968.

Aurél ien BOIVIN

BIBLIOGRAPHIE

I. Œuvres Portulan, Montréal, Beauchemin, 1961,

107 p. Ballades du temps précieux, Montréal,

Éditions d'Essai, 1963, [s. p.] ; 1965. Toutes Isles. Chroniques de terre et de

mer, Montréal, Fides, [1963], 189 p.; [1967], 230 p. (Collection BCF).

Au cœur de la rose, Montréal, Beau-chemin, 1964, 128 p.; Lidec, 1969.

Le Règne du jour, [Montréal], Éditions Lidec Inc., [1968], 161 p. [En collabo­ration avec Bernard Gosselin et Yves Leduc].

Les Voitures d'eau, Montréal, Leméac, [1969], 176 p.

En désespoir de cause, Montréal, Parti pris, 1971, 79 p.

Un pays sans bon sens, [Montréal], Éditions Lidec Inc., [1972], 256 p.

Chouennes. Poèmes 1961-1971, [Mont­réal], Éditions de l'Hexagone, [1975], 317 p. (Collection Rétrospective).

Gélivures, [Montréal], Éditions de l'Hexa­gone, [1977], 209 p.

« Réponse de Menaud à Savard. Le Royaume des pères à rencontre des fils», le Devoir, 28 janvier 1978, p. 33 et 48.

I I . Films

Pour la suite du monde, ONF, 1963,105 m. Le Règne du jour, ONF, 1966, 118 m. Les Voitures d'eau, ONF, 1968, 110 m. Un pays sans bon sens, ONF, 1970,117 m. L'Acadie, l'Acadie, ONF, 1971, 122 m. Un royaume vous attend, ONF, 1976. Le Goût de la farine, ONF, 1976.

C'était un Québécois en Bretagne, Madame, ONF, 1977.

I I I . Études

BOUVIER, Luc, «Pierre Perrault. Géli­

vures», Livres et Auteurs québécois, 1977, p. 174-178.

BRÛLÉ, Michel, Pierre Perrault ou un cinéma national. Essai d'analyse socio-cinématographique, Montréal, les Presses de l'Université de Montréal, 1974, 152 p.

BRÛLÉ, Michel, Fernand DUMONT et Pierre PERRAULT, «De la notion de pays à la représentation de la nation», Cinéma Québec, mai 1971, p. 22-27.

CHABOT, Jean, «Pierre Perrault: contre le mépris», le Devoir, 22 mars 1969, p. 13.

CHAREST, Nicole, «Pierre Perrault ou le pays enfin retrouvé», Perspectives, 15 mai 1971, p. 8, 10, 12, 14.

Conseil québécois pour la diffusion du cinéma, Pierre Perrault, 2e édition, Montréal, Conseil québécois pour la, diffusion du cinéma, 1971, 58 p. (Cinéastes du Québec, n° 5).

HAMEL, Reginald, John HARE et Paul Wyczynski, Dictionnaire pratique des auteurs québécois, Montréal, Fides, [1976], p. 555-557.

HOULE, Michel et Alain JULIEN, Diction­naire du cinéma québécois, Montréal, Fides [1978], p. 237-240.

LACROIX, Yves, « "le Chant des hommes" de Pierre Perrault, parole de l'empre-mier», Voix et Images du pays, n° 8, 1974, p. 39-66.

LAROCHE, Maximilien, «Pierre Perrault et la découverte d'un langage», les Cahiers de Sainte-Marie, n° 12 (octobre 1968), p. 25-47.

PARIZEAU, Alice, «Pierre Perrault, le plus célèbre de nos cinéastes», Châte­laine, septembre 1969, p. 26-27, 51-52.

SCULLY, Robert-Guy, «le Québec de Pierre Perrault», le Devoir, 24 mai 1975, p. 13.

TESSIER, Jocelyne, «la Poésie de Pierre Perrault». Thèse de maîtrise es arts, Ottawa, Université d'Ottawa, 1975, xxiv, 252 f.

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