phratries et « kômai » d'argos

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Page 1: Phratries et « Kômai » d'Argos

Marcel Piérart

Phratries et « Kômai » d'ArgosIn: Bulletin de correspondance hellénique. Volume 107, livraison 1, 1983. pp. 269-275.

RésuméA l'époque classique, les citoyens d'Argos sont désignés par leur tribu et leur phratrie. Ce sont des subdivisions gentilices. Uneautre subdivision, de nature topographique, apparaît dans le dernier tiers du IVe siècle. Elle disparaît à l'époque où Argos faitpartie de la Ligue achaïenne. D'après un décret du IIIe siècle, elle pourrait avoir porté le nom de pentekostys.

περίληψηΤήν κλασική ποχή, ο πολτες το ργούς δηλώνονται μέ τή φυλή καί τή φρατρία τους. Πρόκειται γιά διακρίσεις μέ τά νόματα τογένους. Μιά λλη ποδιαίρεση, τοπογραφική, μφανίζεται τό τελευταο τρτο το 4ου αώνα. Εξαφανίζεται ταν τό ργός συμμετέχει στήνχαϊκή Συμπολιτεία. Σύμφωνα μέ ψήφισμα το 3ου αώνα, σως νά νομαζόταν πεντηκοστύς.

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Piérart Marcel. Phratries et « Kômai » d'Argos. In: Bulletin de correspondance hellénique. Volume 107, livraison 1, 1983. pp.269-275.

doi : 10.3406/bch.1983.1887

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bch_0007-4217_1983_num_107_1_1887

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PHRATRIES ET « KuMAI » D'ARGOS

Les découvertes récentes de Gh. Kritzas1 nous permettent d'entrevoir comment fut organisé le système des phratries argiennes. Je voudrais revenir ici sur une autre subdivision de la population d'Argos. Dans un nombre croissant de documents — surtout des décrets de proxénie — , la nomenclature des Argiens comprend, à côté ou à la place de l'adjectif qui, comme l'a bien vu W. Vollgrafï2, marque l'appartenance à une phratrie, un nom qui figure toujours au nominatif, en apposition. Par exemple : Λαχάρης Μίθωνος Μελανιππίδας Ύσέα άνω3. On a hésité sur la nature de ces noms, en les considérant tantôt comme des phratries au nominatif4, tantôt comme des lieux-dits5. Cette dernière hypothèse, systématisée par P. Amandry6, a fini par s'imposer7.

Le caractère topographique de ce type de subdivision n'est pas douteux. Dans plusieurs cas, nous avons affaire à des localités connues autrement : Asina, Kléonai, Lyrkeion, Mykana, Prosymna, Yséa, Zarax. Or les recherches de Gh. Kritzas ont prouvé que les phratries sont des divisions des tribus. Quel rapport y a-t-il donc entre les phratries et ces subdivisions topographiques que, pour la commodité de l'exposé, je continuerai à appeler kômai8 ou lieux-dits ?

(1) Ch. Kritzas, ΣΤΗΛΗ (Mélanges Condolèon) (1980), p. 497-510, et la communication qu'il a présentée au VIIIe Congrès international d'épigraphie grecque et latine {Athènes 1982).

(2) W. Vollgraff, BCH 33 (1909), p. 182-186 ; Mnemosyne 44 (1916), p. 53-56. (3) Cf. la liste reprise ci-dessous, n° 8. — Pour l'accès à la documentation, voir la bibliographie que donne

M. Wôrrle, Untersuchungen zur Verfassungsgeschichte von Argos... (1964), p, 11-31. Pour les textes parus depuis : M. Piérart- J.-P. Thalmann, BCH Suppl VI (1980), p. 255-273; M. Piérart, BCH 105 (1981), p. 611-613 ; 106 (1982), p. 124 et ci-dessus, n. 1.

(4) Cf. W. Vollgraff, Mnemosyne 44 (1916), p. 54 : « Inde iam apertum est, si sub finem inscriptionis in honorem Rhodiorum legatur : έλεξε Θίων Ποιμωνίς Μενέδημος Άσίνα non necessario, ut antea putaveram, has ambas φάτρας esse. Ego nunc Ποιμωνίδα φάτραν esse crediderim, sed de Asina vehementer dubito ».

(5) Un certain nombre d'entre eux sont reconnus comme tels par W. Vollgraff, Mnemosyne 44 (1916), p. 59-61.

(6) P. Amandry, Hesperia 21 (1952), p. 216-219. (7) Cf. M. Wôrrle, o. /., p. 18, n. 37 ; 27-28. (8) L'appellation, naturelle en grec, de κώμη peut s'appuyer sur deux inscriptions de la communauté

de Mycènes : IG IV, 497 (vers 195 av. J.-C.) : δεδόχθαι τοις κωμέτοας (1. 11) et C. A. Boethius, BSA 25 (1921- 1923), p. 408-409, 1. 14-15 : τ]αν κοινανίαν άγ[ώνων ών άΐκώμα τίθητι. Mais on notera que dans ce dernier texte, daté par l'éditeur de 200 environ, la formule de résolution est δεδό[χ]θαι τώι [κοιν]ώι των Μυκαν[έ]ων (1. 6-7).

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Voici la liste des Argiens dont on connaît le nom de la phratrie et celui de la kômè9 :

1. Άρίστανδρος Άριστέος Δυμμάδας ΈλαιΓών. W. Vollgraff, Mnemosyne 43 (1915), p. 366-367, A, B, corrigé par P. Amandry, Hesperia 21 (1952), p. 217.

2. Άριστεύς Μναίτίμου Ήραιεύς Παλλάς. P. Gharneux, BCH 82 (1958), p. 13 n° III.

3. Άριστΐνος Δμ[αίππίδας] Λύρκειον. P. Gharneux, /. /., p. 7 n° II B.

4. Έρπέας Αίσχιάδας Ζάραξ. P. Gharneux, /. /.

5. Θιότι,μος Θιοκλέος Μόκλας Αα,γαρία. W. Vollgraff, /. /. + Ρ. Gharneux, BCH 80 (1956), p. 600.

6. Καλλίστρατος Σανίδας Μάνσητος. W. Vollgraff, Mnemosyne 44 (1916), p. 21.

7. Κλεο[ ]O. Όφε[λ]λοκλείδας . EP.IAIO. M. Piérart - J.-P. Thalmann, BCH Suppl VI (1980), p. 271.

8. Λαχάρης Μίθωνος Μελανιππίδας Ύσέα άνω. W. Vollgraff, Mnemosyne 43 (1915), p. 373, D.

9. Νί,καγόρας Ναυπλιάδας Έρύνειον. P. Charneux, BCH 82 (1958), p. 13 n° III.

10. Όρθαγόρας Πυθίλα Κλεοδαίδας Στιχέλειον. W. Vollgraff, I. /., p. 366-367, A, B-f P. Gharneux, /. /., p. 13 n° III.

11. Πείθαγόρας Σφυρηέδας Κερκάς. M. Guarducci, AnnScAtene 19-21 (1941-1943), p. 141.

12. Τ\μοκλής Φολυγάδας Πρόσυμνα. W. Vollgragf, Mnemosyne 44 (1916), p. 21.

13. Φοίνιξ Λυκω[τ]ά[δας ]καιον. W. Vollgraff, Mnemosyne 43 (1915), p. 375, F, corrigé par P. Amandry, Hesperia 21 (1952), p. 217.

De même, la dédicace IG IV2, 621, qui doit dater de 230 environ, contient la mention : τδ κοινον των Άσ!.[να]ίων άνέθ[ηκε1. Ces variations dans la manière de désigner ces communautés pourraient être un indice qu'elles étaient plutôt considérées comme des associations privées et n'étaient pas intégrées dans l'organisation politique de la cité proprement dite, comme le sont les dèmes attiques, qui sont à la fois des municipalités et le plus petit rouage du corps politique athénien.

(9) II convient sans doute d'ajouter à cette liste les noms suivants. 1° Ίδαϊος A[ ] Φολυγάς (W. Vollgraff, Mnemosyne 43 [1915], p. 375, F) où le A paraît bien être la première lettre du « phratro- nymique » plutôt que du patronyme, si l'on a adopté le même système de nomenclature que pour Φοίνιξ (n° 13 de la liste). 2° [ ]τέος ΔιΓων[ύσιος] Λ (P. Amandry, Hesperia 21 [1952], p. 214) et [ ] Κλεοδαίδας Σι (P. Amandry, l. /.), où il est tentant de restituer Στ[ιχέλειον1 (cf. le n° 10 de la liste). Il y a d'autres cas où la même phratrie et la même kômè apparaissent ensemble : (a) les Δυμμάδαι Έλαι^ών (n° 1 et 16) ; (b) à Mycènes, on ne connaît que des Δαιφοντέες (IG IV, 497 et le n° 15 de la liste). Une certaine stabilité de la population est d'ailleurs tout à fait naturelle dans ce type de société.

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14. [ ]ς Άριστέος Δα<ϊ>φοντεύς Μυκάν[α]. IG IV, 498, corrigé par M. Mitsos, Hesperia 18 (1949), p. 74.

15. [ ]μμίδα, Μόκλας Ποσίδαον. P. Amandry, /. /., p. 217.

16. [ ]νος Δυμμάδας 'EXaif [ών]. P. Amandry, /. /., p. 215.

17. [ ]ς Λυκωτάδας Πολεμεία. P. Amandry, /. /., p. 215.

18. [ Όλισ]σείδας Άραχνάς. W. Vollgraff, /. /., p. 372, D, restitué dans Mnemosyne 44 (1916), p. 53.

Il est rare que la nomenclature d'un personnage comprenne tous les éléments qui peuvent y figurer : nom, patronyme, « phratronymique », lieu-dit. Mais ces variations ne paraissent pas avoir de signification institutionnelle. Dans un décret pour un Béotien du nom de Démétrios, l'auteur de la proposition est désigné comme suit10 :

"Ελεξε Όρθαγόρας Πυθίλα Στιχέλειον

II fut aussi, mais une autre année, l'auteur de deux décrets publiés par W. Vollgraff11 :

[Έλ]ε[ξ]ε 'Ορ^αγόρας [Πυ]θίλα [Κλεοδαίδα]ς Στιχέλειον et "Ελεξε Όρθαγόρας Πυθίλα Κλεοδαίδας Σ[τιχ]έ[λειον]

Dans le premier cas, l'adjectif « phratronymique » a été omis, dans les deux suivants, la nomenclature est complète.

Des membres de la même phratrie peuvent appartenir à des kômai différentes. C'est le cas notamment des membres de la phratrie des Μόκλοα. Dans un fragment de l'Héraion12, on lit :

[ μμί]δα Μόκλας Ποσίδαον εν Δα§[ ] et [ ]μμίδα Μόκλας Ποσίδαον ορός εν Δαζ)[ ]

D'autre part, un Argien, qui a exercé les fonctions de secrétaire apparaît dans trois décrets. Voici son nom : Θιότιμος Θιοκλέος Μόκλας Λαγαρία (η° 5)13.

J'avais cru détenir la preuve que les kômai ne sont pas des subdivisions des phratries. On connaît en effet un personnage de la kômè Ελατών qui apparaît comme président du conseil dans deux décrets. C'est un Dymmadas (n° 1). Or P. Amandry a proposé de restituer Έλαι/ών dans un décret de proxénie où W. Vollgraff avait cru

(10) P. Charneux, BCH 82 (1958), p. 13. (11) W. Vollgraff, Mnemosyne 43 (1915), p. 366-367, A et B. (12) P. Amandry, Hesperia 21 (1952), p. 215 n° VI. (13) Je crois déceler deux cas semblables. 1° Dans le décret pour les Rhodiens (W. Vollgraff,

Mnemosyne 44 [1916], p. 21), le président du conseil est un Γανίδας Μάνσητος. Le f ανίδας dont il sera question ci-dessous appartient sûrement à une autre kômè (n. 15). 2° Un fragment de l'Héraion (P. Amandry, /, /, p. 215) donne le nom [ ]ς Λυκωτάδας Πολεμεία ; d'autre part, on connaît un Φοίνιξ Λυκω[τ]ά- [δας Ικααον (n° 13 de la liste).

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déchiffrer, mais à tort, Θέρ[σ]ας Ρανίδας [Σ]ελλ[ιγών]14. Malheureusement, l'examen répété de la pierre, qui a subi quelques dommages depuis le déchiffrement de W. Vollgraiï, m'a convaincu de l'impossibilité de cette restitution : après FavtSocç, qui est sûr, je ne vois plus qu'un Π suivi d'un A 15. Il convient donc d'attendre une preuve plus solide.

Car il me semble probable que nous avons bien affaire à deux systèmes différents. La nature topographique des noms qui retiennent notre attention étant évidente, il faudrait, si l'on veut y voir des subdivisions des phratries, admettre que celles-ci et les tribus dont elles dépendent ont un caractère territorial. W. Vollgraiï avait cru pouvoir le faire16. Son hypothèse a été tantôt combattue17, tantôt accueillie avec faveur18. Mais elle ne permet pas de rendre compte d'au moins un cas curieux. Les historiens n'ont pas manqué d'être frappés par le fait qu'un certain nombre de phratries portent des noms morphologiquement identiques à ceux qui désignent des lieux-dits. Ainsi, à Arachnas, correspond la phratrie des Arachnadai, à Pholygas, celle des Pholygadai, à Paionis, celle des Paionidai19. Les découvertes récentes voient de tels noms se multiplier : ainsi, à la kômè Arkôïs, dont une inscription exhumée en 1973 nous a révélé le nom, correspond le nom, déchiffré désormais dans trois inscriptions, des Arkôïdai20. Partout, c'est le même suffixe, -αδ-, -ιδ-, qui est mis en œuvre21. On connaissait depuis longtemps une phratrie des Σφυρηίδαι22. Un document inédit faisant état d'un différend qui a opposé le prêtre de Pallas à l'entrepreneur Nikostratos, celui-là même qui a effectué des travaux à Delphes et à Épidaure, nous donne le nom de la kômè de ce dernier : Σφυρηΐς23. Or, précisément, la nomenclature

(14) W. Vollgraff, /. /., p. 375, Ε ; P. Amandry, /. /., p. 217 : « Thus Σελλιγών (...) should be deleted from the list of Argive place-names, and the name ΈλαιΡών should be substituted. This name should probably be restored (...) in another text from Argos. »

(15) Parmi les kômai connues actuellement, Pallas et Paionis pourraient entrer en ligne. Mais la liste n'est pas close.

(16) W. Vollgraff, BCH 33 (1909), p. 186-189. — Les hypothèses antérieures à celle de Vollgraff étaient liées à la question dorienne : voir D. Roussel, Tribu et cilé (1976), p. 221-263.

(17) Voir les critiques de II. Francotte, Musée Belge, 13 (1909), p. 321-324, qui ont conduit W. Vollgraff à nuancer son point de vue (Mnemosyne 44 [1916], p. 54-56). M. Wôrrle, Untersuchungen zur Verfassungsgeschichle von Argos... (1964), p. 15-16.

(18) M. Guarducci, Vlsiituzione délie Fratria... dans MemLincei 335 (1938), p. 86-89 ; P. Amandry, Hesperia 21 (1952), p. 219 et, plus récemment, D. Roussel, o. /., p. 155.

(19) C'est évidemment cette observation qui conduisit W. Vollgraff à imaginer une réforme clisthé- nienne des tribus d'Argos. Mais, comme le faisait déjà remarquer H. Francotte (/. /., p. 522), cela prouve seulement que les noms de ces phratries ont une origine topographique, non qu'elles sont de nature territoriale.

(20) M. Piérart, BCH 105 (1981), p. 611-612. (21) M. Piérart, /. l. ; sur ces suffixes, P. Chantraine, La formation des noms en grec ancien (1933),

p. 335-358. (22) En plus du président du conseil repris dans la liste, n° 11, W. Vollgraff, BCH 27 (1903), p. 270-277 ;

33 (1909), p. 171-175 (E. Schwyzer, DGE, 89) : Άριστεύς Σφυρηδας(1. 1-2). (23) Inv. Ε 67. J'en cite ici le début : Έδικάσσατο Καλλίδαμος ό ίαρεύς τάς Παλλάδος έν τοις

Όγδοήκοντα Νικοστράτωι ΣφυρτΧς τώι έργάτοα . . . (face Α, 1. 1-2). — W. Vollgraff avait déjà songé à rapprocher le nom des Sphyrèïdai de celui de Sphyros (BCH 33 [1909], p. 197) tout en notant qu'on attendrait Sphyrès. Sphyros est connu à Argos par Pausanias (II, 23, 4) : το δ' έπιφανέστατον Άργείοις των 'Ασκληπιείων άγαλμα έφ' ήμων έ*χει καθήμενον Άσκλήπιον λίθου λευκοΰ (...)Έξ αρχής δέ ίδρύσατο Σφϋρος τό ίερόν, Μαχά- ονος μεν υίός, αδελφός δέ Άλεξάνορος τοϋ παρά Σικυωνίοις έν Τιτάνηι τιμάς έχοντος. Logiquement, Σφυρηΐς correspond à *Σφυρεύς, à moins que -ηΐς n'ait été pris comme suffixe (P. Chantraine, /. /., p. 345 : « La finale

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d'un Sphyreïdas que nous connaissions déjà comprenait le nom de sa kômè : c'est Kerkas, le lieu dont était originaire l'historien Akousilaos24. Kerkas, dont le nom, je le rappelle, correspond à celui de la phratrie des Kerkadai25.

Ceci m'amène à poser la question de la datation de ces institutions. Si l'apparition des adjectifs phratronymiques est attestée dans des documents dont les plus anciens remontent au moins au ve siècle, les noms de lieux-dits ne se trouvent que dans des textes plus tardifs. La plus ancienne inscription datable par des critères externes où l'on rencontre de tels noms est l'arbitrage argien pour les îles de Mélos et Kimolos. Rendu κατά το δόκημα του συνεδρίου των Έλλάνων, il doit dater des années qui ont suivi 338/7, lorsqu'on eut recours à la Ligue des Hellènes pour résoudre des différends de cette nature23. Le procès impliquant l'entrepreneur Nikostratos nous renvoie à la même époque : sa carrière remonte au troisième quart du ive siècle27. Est-il téméraire de mettre cette institution en rapport avec les accroissements de territoire dont on sait qu'Argos bénéficia après la bataille de Ghéronée28 ? Certes, les nouveaux citoyens ont été répartis dans les phratries existantes29, mais on a pu éprouver le besoin de faire un recensement qui était plus facile à réaliser si l'on procédait par circons-

a été étendue à des mots qui ne répondaient pas à des thèmes en -ηυ-»). Faut-il rapprocher le toponyme de σφύρα, marteau, maillet, ou de σφυρόν, cheville (employé parfois au figuré pour désigner le pied d'une montagne : Pindare, Théocrite, cf. P. Chantraine, Diet, étym., s.v.)1 Je crois que Σφυρηΐδας dérive de Σφυρηΐς et non l'inverse.

(24) M. Guarducci, AnnScAtene 3-5 (1941-1943), p. 148 renvoie justement à la Souda, s.v. Άκουσίλαος · Κάβα υίός, Άργεϊος άπο Κερκάδος πόλεως οΰσης Αυλίδος πλησίον. Cf. J. et L. Robert, Bull. (1950), 114 : « Nous avons pensé depuis longtemps à suggérer la correction Ναυπλίας πλησίον ». — L. Robert, Noms indigènes... (1963), p. 187-190, étudie, sous la rubrique « Pointus » de nombreux noms en Κερκ-. Ne pourrait-on songer à en rapprocher le toponyme ? Cf. Λευκ-άς, Κυκλ-άδες, Δρυ-άδες et, à Argos même, Δειρ-άς. P. Chantraine, Diet, étym., s.v. Κέρκος, retient une mauvaise explication pour les Κερκάδαι argiens. On pourrait penser au peuplier ou à un rocher pointu. Ici encore, Κερκάδας dérive de Κερκάς, et non l'inverse.

(25) On peut encore citer le n° 18 de la liste : [ Όλισ]σείδας Άραχνάς, mais le nom de la phratrie n'est pas d'origine topographique, s'il a été correctement compris par W. Vollgraff (BCH 33 [1909], p. 193).

(26) IG XII 3, 1259 ; W. Vollgraff, Mnemosyne 43 (1915), p. 383-384 et 44 (1916), p. 62-63 : P. Charneux, BCH 82 (1958), p. 4-5 ; J. et L. Robert, Bull. (1959), 295 ; M. Guarducci, Epigrafla greca II (1969), p. 552-553.

(27) II a travaillé à la Tholos d'Épidaure : IG IV2, 103, 1. 12, 44, 53. A Delphes : FD III 5, 27 II A, 1. 16 [45, 1. 8], 48 I, 1. 35 (archontat de Damocharès datant de 334/333 : voir en dernier lieu P. Marchetti, BCH Suppl IV [1977], p. 82 ; G. Roux, Vamphictionie, Delphes et le temple d'Apollon au IVe siècle [19791, p. 234).

(28) Polybe IX, 28, 7 : καΐ την χώραν υμών [se Λακεδαιμονίων] προσένειμε την μεν Άργείοις, την δέ Τεγεάταις και Μεγαλοπολίταις, την δέ Μεσσηνίοις (cf. XVIII, 14, 7). — Α. Plassart, BCH 39 (1915), p. 124, a proposé de voir dans la détermination publiée par W. Vollgraff, Mnemosyne 42 (1914), p. 331-353, « celle qui dut être faite de la frontière argienne en 338, lorsque Philippe de Macédoine réduisit le territoire laconien, au profit non seulement de Megalopolis, mais aussi de Tégée et d'Argos. » Cf. P. Charneux, BCH 82 (1958), p. 11 ; R. A. Tomlinson, Argos and the Argolid (1972), p. 145-146.

(29) On ne sait pas exactement quand Zarax est devenue argienne : en 338 ou même au me siècle : cf. P. Charneux, BCH 82 (1958), p. 11 ; R. A. Tomlinson, /. /. Un citoyen argien qui en est originaire s'appelle Έρπέας Αίσχιάδας Ζάραξ (n° 4 de la liste). A l'époque où le décret qui le mentionne fut trouvé, la phratrie était nouvelle. Depuis, Ch. Kritzas l'a retrouvée dans une liste de morts de 400 environ (ΣΤΗΛΗ [Mélanges Condoléon], 1980, p. 498).

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criptions territoriales. On sait, en tous les cas, que des listes de citoyens ont existé à Argos, à l'époque hellénistique30.

Dans les textes qui datent des deux derniers siècles avant J.-C, les citoyens argiens sont encore désignés d'après leur phratrie. Mais on n'y trouve plus jamais de nom de kômè. C'est une évolution que le hasard des trouvailles ne suffît pas à expliquer : les kômai disparaissent aussi bien dans toutes les catégories de documents dont nous disposons.

Jusqu'à présent, je me suis conformé à l'usage en appelant kômè la troisième subdivision de la population argienne. Or une inscription du 111e siècle, qui se place donc dans la fourchette chronologique que nous avons établie, le décret pour Alexandros de Sicyone, prévoit l'inscription du nouveau citoyen ένς φυλαν καΐ φάτραν και πεντηκοστύν31. Ce type de subdivision a-t-il donc porté le nom de penlekostys ? M. Wôrrle a eu quelque scrupule à admettre que la pentekosiys puisse être une division de caractère territorial, comme l'avait suggéré W. Vollgraiï32. Mais un Mégarien qui servit de témoin à Épidaure y est désigné par son hékatostys : Kynosouris33. C'est un toponyme qui, d'après les indications de Plutarque34, représente une des kômai primitives de Mégare. Si cette hypothèse est exacte — l'état lacunaire de notre information invite à rester très prudent — , la formule prévoyant l'inscription d'Alexandros de Sicyone sur les listes de citoyens ένς φυλαν και φατραν και πεντηκοστύν serait le symétrique exact de celle qu'on trouve dans les décrets d'Athènes : και είναι αύτώι γράψασθαι φυλής καΐ δήμου καΐ φρατρίας ή"ς αν βούληται κατά τον νόμον35.

(30) Cf. le décret pour Alexandros de Sicyone (W. Vollgraff, Mnemosyne 44 [1916], p. 6δ) : τονς δέ στραταγονς οΐς γράφει Δαμέας άνγράψαι ένς τάνς στάλανς τανς έν τφ ίερφ τοϋ 'Απόλλωνος του Λυκείου, ΐ καΐ τοί άλλοι πολΐται γεγράβανται (sur la date cf. P. Amandry, BCH Suppl VI [1980], p. 226-229). — L'emploi du nominatif en apposition trahit d'ailleurs la langue de chancellerie. Le même usage se rencontre à Épidaure au ive siècle. On y lit, à côté de formules du type κατάλογος Νικάτας Έριλαΐδος des formules du type κατάλογος Φιλόξενος Έριλαΐς [IG IV2, 103, passim). Toujours à Épidaure, une inscription de la fin du me siècle désigne ainsi un témoin originaire de Mégare : Μεγαρεύς Διονύσιος Πασίωνος έκατοστύς Κυνοσουρίς [IG IV2, 42, 1. 20-21).

(31) Cf. la note 30. (32) W. Vollgraff, Mnemosyne 44 (1916), p. 54-56. M. Wôrrle, Untersuchungen zur Verfassungs-

geschichte von Argos... (1964), p. 26-27. Comme le note justement D. Roussel, Tribu et cité (1976), p. 266, « La distinction courante chez les modernes, en phylai gentilices ou génétiques et phylai territoriales n'apparaît nulle part chez les auteurs grecs anciens. » On ne voit donc pas pourquoi ils auraient répugné à donner le nom de pentekostys, récent et artificiel, à des circonscriptions regroupant τους οίκοϋντας έν έκάστω των δήμων (Aristote, Alh. pol., 4). — II est certain, en tous les cas, qu'il n'y avait pas d'hékatostys à Argos, comme l'a cru D. Roussel, o. /., p. 247 : cf. P. Charneux, supra, p. 263 ; voir Kr. Hanell, Megarische Studien (1934), p. 141. La réforme d'Héraclée du Pont (Énée le Tacticien XI, lObis) prouve avec quelle désinvolture les Anciens utilisaient ces termes institutionnels.

(33) Cf. ci-dessus, la n. 30. (34) Plutarque, Qu. Gr., 17. Cf. Kr. Hanell, o. /., p. 140. (35) Par exemple, IG II2, 102, 109, 222, etc. Cf. G. Busolt-H. Swoboda, Gr. Slaatskunde* II (1926),

p. 945-948. — II ne saurait être question de se livrer ici à une étude attentive de tous les noms de lieux-dits rencontrés dans les inscriptions. Un trait notable, cependant, est l'absence d'Argos, dans nos décrets. Mais il y a au moins une mention qui conduit à penser que son territoire a pu être divisé en quartiers, comme on fit à Athènes : le nom Κοίλα qui apparaît dans un décret publié par W. Vollgraff, Mnemosyne 43 (1915), p. 372, C, est un quartier d'Argos connu par Pausanias. Sur sa localisation, voir la note complémentaire.

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1983] phratries et « kômai » d'argos 275

Conclusions

Pour expliquer le fait que des phratries et des kômai portent le même nom, on a parfois pensé à une réforme analogue à celle de Glisthène. On peut se représenter les choses autrement. Il vint bien à Argos « un législateur, féru d'égalité, ami des proportions, qui remania les vieux cadres et chercha à leur donner la même importance », comme l'a voulu H. Francotte38 : c'est celui qui organisa l'édifice que Ch. Kritzas nous a permis d'entrevoir. On dut créer alors de nouvelles phratries et, dans certains cas, elles tirèrent leur nom άπο των τόπων37. L'habitude de désigner les citoyens par un lieu-dit est plus tardive, ce qui explique que les deux systèmes ne coïncident pas. Elle est d'ailleurs limitée dans le temps : dès le 11e siècle, les citoyens d'Argos sont, comme par le passé, désignés par leur seule phratrie. Les circonscriptions territoriales que permet de supposer cet usage datent peut-être de la période qui a suivi la bataille de Ghéronée. Il n'est pas impossible qu'elles aient porté le nom de pentekostys. Cette dernière hypothèse repose sur la présomption que les trois subdivisions de la population qu'on rencontre dans les inscriptions sont celles dont parle le décret ordonnant l'inscription d'Alexandre de Sicyone sur les stèles où sont inscrits les citoyens d'Argos.

Marcel Piérart.

[Addendum. Un nouveau cas de personnages appartenant à la même phratrie et à des kômai différentes m'a été aimablement signalé par Ronald Stroud. Dans un décret argien trouvé à Némée qu'il est chargé de publier (voir déjà S. G. Miller, Hesperia 48 [1979], p. 77-81, PI. 22, b), le président du conseil s'appelle Πο[λυ]χάρης Ήραιεύς Κολου[ρίς]. Il vient prendre place à côté de Άοιστεύς ΜναΣτίμου Ήραιεύς Παλλάς (le n° 2 de la liste).]

(36) H. Francotte, Musée Belge, 13 (1909), p. 323. (37) Cf. Aristote, Alh. pol., 21 : προσηγόρευσε δέ των δήμων τους μέν άπα των τόπων, τους δέ άπο

των κτισάντων · ού γαρ άπαντες ύπηρχον εν τοις τόποις. Note complémentaire. A propos de la localisation de Koila. J'ai abordé la question de la localisation de la

Koilè connue par Pausanias (II, 23, 1 et 3) dans un article paru l'an dernier, BCH, 106 (1982), p. 139-152. Or en mars 1982, A. Hesse a fait, sur le tracé du rempart dans la plaine, des observations publiées BCH l. /., p. 647-651. Ses arguments sont si troublants qu'ils rendent aléatoires les conclusions que j'ai cru pouvoir tirer dans cet article sur l'emplacement des murailles à l'Est. Si l'on suit A. Hesse, la Mosquée se trouverait à peu près à l'endroit d'une porte. Le gymnase de Kylarabis devrait donc être cherché environ 400 m plus à l'Est et non à l'emplacement de ce monument, comme je l'avais admis. Le chemin parcouru par Pausanias pour se rendre à la Koilè serait décalé d'autant, mais l'indice que j'ai tiré de l'inscription en l'honneur de Dionysos garde toute sa valeur. La porte d'Ilythie se serait trouvée à l'Est de l'actuelle rue Ant. Hadji, ce qui est, somme toute, plus satisfaisant pour l'esprit.

Mais dans cette hypothèse, l'espace urbain décrit par Pausanias était beaucoup plus grand que je ne l'avais cru. Les mailles du filet sont d'ailleurs si larges que l'identification de vestiges anonymes devient une entreprise extrêmement périlleuse, ou même un jeu entièrement gratuit. Cependant, les arguments tirés du lieu d'invention des inscriptions gagnent, eux, en vraisemblance. Quoi qu'il en soit, j'espère ne pas m'être trompé en essayant d'indiquer les principales directions suivies par le Périégète à Argos.