photographier la ville

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72 Débuter en prise de vue S ujet passionnant et complexe, la ville fascine par ses mutations et sa capacité à brasser des personnes du monde entier. Les existences qui la peuplent composent une gigantesque mosaïque d’êtres habitant et désertant ces espaces urbains, empreintes de notre civilisation. Depuis les images pleines de tendresse de Willy Ronnis ou les subtiles compositions d’Henri Cartier-Bresson jusqu’aux travaux conceptuels monumentaux des photographes contemporains comme Michael Wolf ou Andreas Gursky, la ville a toujours été un sujet de prédilection, ceci depuis les débuts de la photographie. La diversité des sujets photographiques L’espace urbain propose une palette d’éléments, situations et thématiques considérables et il existe différentes manières d’aborder ce vaste sujet. On peut tout simplement sortir dans la ville et photographier à notre gré ce qui attire notre œil d’une façon générale ou focaliser notre attention sur un thème en particulier. Si l’on cherche à élaborer une série photographique, à donner un aspect narratif à notre travail, la seconde option sera sans doute la plus intéressante. Ainsi, nous pouvons par exemple orienter notre regard sur l’architecture, l’espace urbain et sa relation avec les citadins, mais aussi sur ses transformations à travers le temps. Nous pourrons aussi rechercher quelles sont les caractéristiques propres de la ville, celles qui composent la particularité de son identité, tout comme les éléments, souvent sollicités par le tourisme classique, liés à la mémoire du pays. Enfin, les sujets de nature sociale sont naturellement nombreux : l’aspect cosmopolite d’une ville, les flux de personnes, le quotidien et les traditions, les contrastes socioculturels ou encore la culture propre à un quartier font partie des thématiques classiques abordées en photographie urbaine. Le rythme de la ville Quel que soit le sujet de travail, vous vous rendrez compte que le rythme de la ville est réglé comme du papier à musique : vous pourrez en profiter pour trouver les tranches horaires qui seront les plus propices à votre recherche. Par exemple, travailler sur les flux sera logiquement plus intéressant aux heures de pointe tandis que le week-end sera idéal pour porter votre attention sur les espaces vides. Les eets de lées lumineuses laissées par la circulation.

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Débuter en prise de vue La photographie de ville

Sujet passionnant et complexe, la ville fascine par ses mutations et sa capacité à brasser des personnes du monde entier. Les existences qui la peuplent composent une gigantesque mosaïque d’êtres habitant et désertant ces espaces urbains,

empreintes de notre civilisation. Depuis les images pleines de tendresse de Willy Ronnis ou les subtiles compositions d’Henri Cartier-Bresson jusqu’aux travaux conceptuels monumentaux des photographes contemporains comme Michael Wolf ou Andreas Gursky, la ville a toujours été un sujet de prédilection, ceci depuis les débuts de la photographie.

La diversité des sujets photographiquesL’espace urbain propose une palette d’éléments, situations et thématiques considérables et il existe différentes manières d’aborder ce vaste sujet. On peut tout simplement sortir dans la ville et photographier à notre gré ce qui attire notre œil d’une façon générale ou focaliser notre attention sur un thème en particulier.

Si l’on cherche à élaborer une série photographique, à donner un aspect narratif à notre travail, la seconde option sera sans doute la plus

intéressante. Ainsi, nous pouvons par exemple orienter notre regard sur l’architecture, l’espace urbain et sa relation avec les citadins, mais aussi sur ses transformations à travers le temps.

Nous pourrons aussi rechercher quelles sont les caractéristiques propres de la ville, celles qui composent la particularité de son identité, tout comme les éléments, souvent sollicités par le tourisme classique, liés à la mémoire du pays. Enfin, les sujets de nature sociale sont naturellement nombreux : l’aspect cosmopolite d’une ville, les flux de personnes, le quotidien et les traditions, les contrastes socioculturels ou encore la culture propre à un quartier font partie des thématiques classiques abordées en photographie urbaine. 

Le rythme de la villeQuel que soit le sujet de travail, vous vous rendrez compte que le rythme de la ville est réglé comme du papier à musique : vous pourrez en profiter pour trouver les tranches horaires qui seront les plus propices à votre recherche. Par exemple, travailler sur les flux sera logiquement plus intéressant aux heures de pointe tandis que le week-end sera idéal pour porter votre attention sur les espaces vides.

Les eff ets de fi lées lumineuses laissées par la circulation.

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MATÉRIELLa photographie urbaine requiert différents types de matériel dont

le choix se fera selon notre sujet et notre style photographique. En

effet, une photographie d’architecture est une chose, celle

d’un passant à la sauvette en est une autre.

Le boîtierMême s’il est idéal, surtout en photographie d’architecture ou pour des images prises sur le vif, le reflex n’est pas indispensable pour ce type de photographie. Aujourd’hui, de nombreux appareils compacts, bridges ou hybrides, peuvent tout à faire

répondre à beaucoup de vos attentes. De plus, leur petite taille peut présenter un réel avantage dans bon nombre de situations où la discrétion est de mise! Cependant, qu’il soit basique ou plus avancé, votre matériel devra posséder les caractéristiques

techniques suffisantes afin de vous permettre de réaliser vos premières excursions urbaines en vous offrant les garanties nécessaires pour réaliser vos images avec certaines possibilités techniques et créatives.

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hybrides, peuvent tout à faire devra posséder les caractéristiques

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Exposition, modeet ISOEn ce qui concerne les possibilités d’exposition,le mode manuel est important pour vous permettre de contrôler indépendamment l’ouverture du diaphragme et la vitesse d’obturation. Comme nous le verrons par la suite, il est essentiel de pouvoir faire vos propres mesures de lumière sur des scènes souvent très contrastées, comme on en rencontre souvent en ville. Une plage de valeurs ISO de qualité sera indispensable pour photographier la ville de nuit avec un trépied ou à main levée. Un capteur possédant une bonne gestion du bruit numérique et une qualité d’image respectable jusqu’à 800/1600 ISO sera donc d’une grande utilité.

Les objectifsSi vous possédez un reflex, un objectif couvrant une plage focale depuis le grand-angle jusqu’à 70/80 mm est essentiel si vous souhaitez travailler de manière polyvalente sans avoir besoin de changer constamment d’objectif, ce qui peut d’ailleurs vous faire rater grande quantité d’instants.

Selon vos moyens, à cet objectif peut s’ajouter dans votre sac un objectif à focale fixe lumineux (disposant d’une grande ouverture de diaphragme, entre f/1,2 et f/2) pour travailler dans des endroits sombres ou de nuit à main levée. Il vous permettra de compenser le manque de lumière sans avoir

à grimper trop haut dans les sensibilités (plus de 1600 ISO) et tout en gardant une vitesse d’obturation raisonnable.

Si vous possédez un appareil à optique fixe, l’objectif devra proposer une plage focale s’ouvrant jusqu’à 28 mm ou moins (équivalent 35 mm). En

effet, si vous souhaitez donner de l’importance aux édifices, éléments incontournables de la ville, le grand-angle est indispensable. De plus, l’espace urbain limite les possibilités de recul par rapport à notre sujet, ce qui fait de la focale courte un outil incontournable pour toutes les vues d’ensemble.

ASTUCEÀ moins que vous ne souhaitiez donner une esthétique précise

à vos images, comme l’ont déjà fait en ville des grands photographes comme Philip

Lorca Di Corcia ou Martin Parr, je pense que l’utilisation du flash en ville est plus un inconvénient

qu’un avantage.

Buenos Aires, l´avenue CorrientesCet homme pressé sera sans le

savoir le protagoniste principal de cette image prise au 17mm, ce très grand angle m´a permit

de le photographier en orientant l´appareil de façon á qu´il ne se

rende pas compte qu´il faisait partie de ma composition.

Auteur: Nicolas Savine

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Le flashIndiscret et encombrant, si vous êtes en train de photographier des gens, il rendra la prise de vue évidente et bien plus agressive. Durant la nuit, des ambiances de lumières artificielles seraient gâchées par la lumière du flash.

L’usage d’un trépied ou d’une haute sensibilité et/ou un diaphragme ouvert sera en général plus fructueux pour restituer avec fidélité l’atmosphère dégagée par une scène.

Cependant, il pourra vous être utile dans certains cas pour “geler” des actions rapides durant la nuit, par exemple photographier un skateur en pleine prouesse ou un éventuel spectacle de rue. Aussi, si vous souhaitez donner un aspect nouveau à une scène urbaine par le biais d’illuminations propres, le flash vous sera bien sûr très utile.

D’autant plus qu’en exposition lente avec l’appareil sur trépied, vous pourrez l’utiliser comme bon vous semble en le déclenchant manuellement tout au long de l’exposition et en ajustant sa puissance selon l’ouverture de diaphragme. Si ce n’est pas dans ces situations précises, le flash n’a selon moi pas lieu d’avoir une place dans votre sac pour vous accompagner dans vos excursions urbaines.

Le trépiedDu petit trépied souple de bureau jusqu’aux modèles robustes pour la photographie grand format, l’offre est très variée. En photographie de ville, le trépied sera intéressant pour des images nocturnes et toute prise en exposition lente. Il devra cependant être suffisamment léger pour ne pas devenir une charge durant vos longues balades à travers la ville. Selon

moi, la rigidité, l’équilibre et le poids du trépied sont les points les plus importants à prendre en compte.

Dans chaque gamme, beaucoup de produits sont proposés et il est bien sûr préférable de prendre un modèle de qualité, doté d’une bonne construction, qui vous garantira ces caractéristiques et vous servira durant de longues années.

ASTUCEÀ moins que vous ne souhaitiez donner une esthétique précise

à vos images, comme l’ont déjà fait en ville des grands photographes comme Philip

Lorca Di Corcia ou Martin Parr, je pense que l’utilisation du flash en ville est plus un inconvénient

qu’un avantage.

urbaines.

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Omniprésence de la lumièreIl est en général recommandé aux photographes paysagistes de profiter des premières et des dernières heures de la journée pour réaliser leurs prises de vue : ce sont des moments où le soleil projette une lumière latérale plus subtile pour souligner les reliefs et les détails. Cependant, l’espace urbain nous offre plus de flexibilité et nous pouvons photographier à n’importe quelle heure de la journée selon le sujet que nous recherchons. Durant les journées ennuagées, la douceur de la lumière diffuse nous permettra de profiter d’une grande quantité de détails et nous pourrons orienter notre objectif sans avoir à trop nous soucier de l’exposition. (photo 04) Les journées ensoleillées, quant à elles, offriront des lumières intenses mais aussi des ombres prononcées, des reflets et des réflexions de tout genre qui évolueront au fil de la journée.

Ainsi, durant l’aube et le crépuscule, nous pourrons jouer sur les

lumières mixtes, produites par les toutes premières et les toutes dernières lumières du soleil reflétées dans le ciel et les lumières artificielles de la ville. Les débuts de matinée et de fin d’après-midi offriront une lumière latérale qui donnera une apparence chaude aux constructions et d’agréables proportions aux illuminations reflétées. (05) Ce sont des moments de la journée durant lesquels on pourra aussi profiter de la position basse du soleil pour pratiquer les contre-jour en travaillant face à la source de lumière. (14) 

Par la suite, au fur et à mesure que le soleil s’élèvera dans le ciel, apparaîtront des effets d’ombre et de lumière plus contrastés. En exposant pour les hautes lumières, vous obtiendrez des images aux ombres très prononcées qui renforceront l’aspect graphique de vos images. (06)

Comme je l’expliquais plus haut, si l’on souhaite capturer l’atmosphère des scènes urbaines, l’essentiel est de travailler sur les

lumières naturelles de la ville. L’utilisation du flash est donc à éviter le plus possible. D’ailleurs, la plupart des travaux des plus

grands photographes de l’espace urbain sont réalisés sans cet outil. En effet, qu’elles soient artificielles, solaires, lunaires ou mixtes, les

ambiances lumineuses offertes par la ville sont très variées, et il faut savoir les exploiter au mieux.

ÉCLAIRAGE

Cette image présente une lumière latérale dorée caractéristiquede ce moment de la journée.

Les lumières intenses de milieude journée proportionnent de forts contrastes lumineux.

Ce croisement d´avenues propose une grande quantité de détail grâce á la lumière diff use d´une journée ennuagée.

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La ville by nightEnfin, une fois le soleil couché, la ville offre une autre apparence et s’illumine d’elle-même. L’usage du trépied vous permettra de faire de longues expositions et de créer des images offrant une belle profondeur de champ. De même, vous obtiendrez d’intéressants effets lumineux, comme ceux laissés par les flux de circulation ou encore le scintillement des lumières de la ville.

Plus vous fermerez le diaphragme, plus ces effets seront prononcés. À main levée, l’appareil ajusté en haute sensibilité et muni d’un objectif rapide, vous pourrez ainsi continuer à profiter de votre mobilité tout en gardant un style reportage.

L’article sur la photographie de nuit page 84 du magazine offre toutes les informations nécessaires sur ce sujet.

CONSEIL PRATIQUEPour assimiler l’évolution de la lumière au fil de la journée, placez votre appareil sur un trépied et prenez une photo toutes les heures depuis l’aube jusqu’à la nuit tombée. De cette manière, vous pourrez apprécier l’évolution de l’illumination naturelle sur l’espace urbain et la façon dont elle influe sur l’ambiance finale. Réaliser l’exercice depuis une fenêtre sera sans doute le plus pratique. D’autre part, l’utilisation d’un grand-angle sera nécessaire pour apprécier les lumières changeantes sur un grand nombre d’éléments. Enfin, n’oubliez pas que les lumières varient constamment, non seulement selon l’heure, mais aussi selon les saisons et la zone géographique. En fonction du lieu où vous êtes, il vous sera souvent utile de vous renseigner sur les actuelles heures de lever et de coucher du soleil. 

L´étoilement des lumières artifi cielles qui s´intensifi era selon

la fermeture du diaphragme.Auteur: Nicolas Savine

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COMPOSITIONET CADRAGE

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Édifices, perspectives, horizontalité, verticalité, éléments à répétition, contrastes de toutes les formes : existe a-t-il un sujet qui offre plus d’opportunités que la ville pour composer à l’heure de la prise de vue ?Pas à mon sens.

La composante artistiqueHéritage de la peinture, la composition organise les objets dans l’espace délimité par notre cadre ; la perspective, l’horizon, les lignes, l’équilibre, les symétries font partie des éléments à prendre en compte pour élaborer la structure de votre image, elle guidera l’observateur vers son centre d’intérêt.

C’est un art qui pour moi vient naturellement : notre intuition et notre faculté à synthétiser visuellement une scène sont fondamentales et il n’y a pas de limitations qui déterminent si une composition est meilleure qu’une autre.

Cependant, en nous basant sur les éléments communs connus au sujet de la manière dont nous percevons et nous subjectivons les images, une série de principes propres à cette technique est depuis longtemps documentée et permettra de vous orienter pour améliorer l’élaboration de votre langage photographique. Voyons à présent quelques conseils pour composer en ville.

Jouer avec les lignesAppuyez-vous sur les lignes (gratte-ciel, lumières entrantes, murs…), elles apportent formes et contours et permettent de diriger le regard de l’observateur d’un endroit de notre image jusqu’à son centre d’intérêt. Verticales, horizontales ou obliques, elles structurent l’élaboration de l’image et renforcent l’impact visuel.

Travaillez également les perspectives en utilisant un ou deux points de fuite : elles souligneront l’aspect tridimensionnel de vos scènes. Ne négligez pas les courbes, éléments très courants en photographie, elles offrent sensualité et mouvement et conduisent le regard de l’observateur.

Verticales, horizontales ou obliques, les lignes structurent l´élaboration de l´image et renforcent l´impact visuel.

Mise en valeur de l´aspect tridimensionnel de la scène par un travail de perspectives en utilisant deux points de fuite.

Mise en valeur de l´aspect tridimensionnel de la scène par un travail de perspectives en utilisant deux points de fuite.

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Le contraste, un élément essentielLe contraste est l’une des clésde l’expression photographique et détermine la lisibilitéet l’impact de nos images,il intervient pour une grande part dans l’émotion qu’elles dégagent. (13) En ville, les principaux éléments que l’on retrouvera régulièrement sont les contrastes de formes, de lignes et de tailles, mais aussi les contrastes de contenus, de textures et de matériels.

À cela s’ajouteront bien sûr les oppositions de base, comme les contrastes lumineux, de valeurs, de couleurs ou encore les contrastes entre le fondet la figure.

L’IMPACT DES COULEURS ET DE LA PROFONDEUR DE CHAMPPrenez en compte la dimension psychologique des couleurs et les sensations qu’elles dégagent. Un bleu ciel offrira par exemple une sensation de tranquillité tandis qu’un rouge vif inspirera l’énergie. S’aider de la règle des tiers : principe basique de la photographie, elle consiste à placer les éléments importants de l’image sur les lignes verticales ou horizontales qui coupent l’image en tiers : les points forts de l’image sont souvent situés sur les intersections de ces lignes. Jouer sur la relation entre les différents plans de l’image que l’on pourra différencier par la profondeur de champou par les différentes formes de contraste photographique.

Ensembles et répétitionsPrêtez attention à la perception des groupes impairs en photographie : en particulier les groupes de trois qui offrent équilibre et harmonie.

Un seul élément pourra transmettre solitude et éloignement tandis que deux éléments auront tendance à donner un équilibre trop statique.

Quatre éléments ou plus seront bien sûr intéressants, mais il faudra savoir les distribuer harmonieusement.

De la même façon, travaillez sur la répétition des éléments : figure rhétorique qui rythme votre composition et met en relation les éléments.

Depuis une série d’immeubles jusqu’aux bandes blanches du passage pour piétons, les répétitions sont présentes partout dans l’espace urbain. (10)

La répétition des éléments donne du rythme à la composition et met en relation les éléments.

Ce très fort contrastede lumière renforce l´impact

visuel de cette instantanée.

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PHOTOGRAPHIER LES GENSDispositif en main, le principal défi à l’heure de parcourir la ville est de vaincre notre propre timidité, surtout si nous souhaitons marcher sur les traces de nos pairs. La réussite en photographie de rue dépend beaucoup plus d’une question psychologique que technique.

Muni d’un appareil, les gens nous regardent d’une manière différente. Au moment d’orienter notre objectif vers des personnes, nous appréhendons toujours leur réaction si notre intention est découverte.

La pratique m’a beaucoup appris sur ce sujet et j’ai réalisé que si quelqu’un se rend compte que vous êtes sur le point de le photographier, le plus simple est souvent de faire comme si vous ne lui prêtiez pas d’importance.

Vous pourrez ainsi pointer l’objectif ailleurs et regarder spécifiquement un autre élément de la scène proche de cette personne pour qu’elle détourne son attention. (photo 01)

Les réactions à prévoirVotre astuce fonctionne, la personne ne se sent plus visée et revient à ses occupations, vous réaliserez votre image qui malgré cette courte interaction vous donnera sûrement une spontanéité satisfaisante.

Mais la personne peut se rendre compte de votre manège, décider de vous tourner le dos, de quitter la scène ou vous regardera fixement, cherchant une réponse...Selon l’intérêt que vous trouvez dans cette image, vous pouvez

abandonner ou choisir de vous adresser à cette personne en lui demandant la permission de la photographier. Si elle accepte, vous pourrez lui demander soit de poser pour la photo, soit de poursuivre son activité avec la même attitude tout en oubliant votre présence.Selon le sujet et votre exécution, l’image perdra plus ou moins de son naturel, vous vous en rendrez compte avant même de déclencher l’appareil. La personne s’est aperçue que vous l’avez déjà photographiée et vous en demande la raison : une explication sincère et attentive finit souvent par vaincre les doutes de votre “proie photographique” ; cette situation m’est arrivée bon nombre de fois et j’ai toujours réussi à tirer mon épingle du jeu !

Vous pouvez aussi lui offrir

l’image et lui promettre une demande d’autorisation préalable pour tout usage inattendu de la prise. Cependant, si la personne insiste sur la préservation de son image, effacez-la devant elle.

Enfin, la situation idéale : votre sujet ne s’est pas rendu compte de votre présence ou n’y a pas prêté attention, vous avez pu prendre votre photo en toute spontanéité et évitez ainsi l’épisode de la négociation.

Cette situation vous arrivera de plus en plus fréquemment avec la pratique. En effet, interagir avec l’environnement urbain, observer sans attirer l’attention, être rapide et précis au moment de la prise de vue ou encore anticiper la composition de votre image sont des choses qui, selon moi, s’apprennent avec l’expérience.

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Buenos Aires, centre-ville.Trois générations, trois attitudes propres á l´époque de chacunse retrouvent à l´angle d´une rue.

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LES GRANDS PHOTOGRAPHES DE L’ESPACE URBAINUne certaine culture de la photographie urbaine et de ses grands maîtres vous sera des plus utiles : connaître les travaux les plus brillants réalisés sur le sujet vous aidera à réaliser l’envergure du potentiel de l’espace urbain et le pouvoir de la photographie. Je souhaite donc vous présenter ici une sélection de onze grands photographes qui ont su exploiter avec imagination et dextérité le potentiel de la ville pour nous proposer des travaux sublimes offrant critique et/ou narration. Ils pourront sûrement vous inspirer dans votre recherche d’idées à l’heure d’arpenter les rues.

En France Brassaï pour ses images saisissant l’essence de la vie nocturne parisienne des années 30 et l’influence qu’il a eue sur la photographie documentaire à partir des années 40. Très connu pour ses portraits de noctambules, de prostituées, de couples et de clochards, qu’il pleuve ou qu’il vente, il prenait un grand plaisir à saisir la beauté des rues et des jardins de notre capitale. Robert Doisneau pour sa vision pleine d’humour et de nostalgie, d’ironie et de tendresse sur la ville de Paris durant les années 30, 40 et 50. Beaucoup de ses images sont devenues des icônes de la vie parisienne. Willy Ronnis pour son travail plein de poésie, comme Doisneau surtout à Paris, durant l’après-guerre où il s’est concentré sur la vie libre et pacifique retrouvée, ce Paris des bals populaires, des filles sortant dans les bars et des hommes jouant aux cartes... Henri Cartier-Bresson pour ses grands reportages de rue et son talent pour souligner les aspects les plus significatifs de la vie quotidienne en les valorisant par une composition d’une grande subtilité et un choix précis du moment de la prise : l’instant décisif. À l’étranger Ernst Haas pour son travail en couleurs d’un style pittoresque, novateur et pionnier de l’époque. Ces images du New York des années 40/50, souvent fruit d’un grand travail de perspective et de flou photographique, sont devenues emblématiques pour bon nombre de

passionnés de la photographie couleur. René Burri pour ses magnifiques travaux sur les villes de São Paulo et Brasilia durant sa construction. C’est aussi un photographe documentaire très connu pour avoir couvert les événements politiques, historiques et culturels les plus importants de la deuxième moitié du XXe siècle et pour avoir photographié les grandes personnalités de l’époque. Joël Meyerowitz pour ces superbes captures en couleurs des interactions humaines dans la ville de New York.

Dans les années 70, il jouera un rôle important dans le passage de la photographie monochrome à l’usage de la couleur dans le monde des galeries d’art. Bruce Davidson pour la beauté de son travail sur le quartier de Harlem des années 60, sa superbe série en couleurs dans le métro de New York des années 80 ou encore son projet sur Central Park en images panoramiques durant les années 90. La nouvelle génération des photographes contemporains Michael Wolf pour ses recherches photographiques uniques sur la dynamique de l’organisation urbaine dans des villes comme Hong Kong, Chicago, Paris et Tokyo, ville dans laquelle il a aussi réalisé un travail sur le métro qui dénonce l’oppression des transports en commun dans les mégalopoles.

Candida Höfer pour sa manière d’interpréter les espaces vides et ses usages dans le temps en laissant percevoir la présence humaine d’une façon implicite. Les lumières ambiantes de ses images et la construction des espaces traités par son regard analytique sont très caractéristiques de son travail.  Andreas Gursky pour sa manière de monumentaliser ses scènes et de travailler sur la relation entre le corps et les espaces. Son travail invite à la réflexion sur les problématiques actuelles liée à la société de consommation, l’architecture et l’intervention de l’homme dans le paysage en proposant des images grand format très prisées pour leur caractère universel.

DROIT ET ÉTHIQUEAu fil des années les gens semblent être devenus plus prudents à l’heure de se faire photographier. En Europe en particulier, la privatisation de l’espace public a changé la donne : le photographe à tendance à devenir indésirable sur les trottoirs des grandes villes. Il faudra donc au préalable s’informer auprès des autorités compétentes du pays sur ce qui est autorisé ou non avant de commencer un travail d’envergure. Cela semble ironique dans une société où notre vie est constamment sous surveillance, les caméras ont envahi les rues et les réseaux sociaux ont transformé le concept de l’intimité.

Cependant, l’action inattendue de se faire prendre en photo reste différente. En effet, quand on sort dans la rue, nous connaissons les

règles de sécurité et de vigilance qu’impose la ville moderne, mais nous ne nous attendons pas à l’apparition d’un photographe qui va pointer son appareil sur nous. Cette présence peut paraître agressive pour certains qui se demandent : pourquoi me prend-il en photo ? Et les questions de l’autorisation ou du consentement se posent. Dans la situation où vous photographiez une personne et que celle-ci vous demande de quel droit vous le faites, la réponse la plus courante des photographes est liée à l’aspect public de la rue qui le rend libre d’utiliser l’appareil comme il le souhaite. Il est parfaitement légal de photographier les gens sans leur consentement, mais légal ne signifie pas forcément éthique. Si nous sentons que cette personne ne

souhaite pas se faire photographier, respectons sa décision. D’autre part, il faut photographier les gens dans le respect de leur dignité, c’était d’ailleurs le principe fondamental de la photographie humaniste entre les années 30 et 60. Dans le cadre documentaire, si l’on cherche à faire un travail axé sur le regard social ou anthropologique d’une ville nous sommes contraints de jouer avec ces limites. Quel serait notre regard sur l’histoire sans l’apport fantastiques de ces multitudes de clichés pris dans la rue ? Aurions-nous la même vision du Paris du XXe siècle sans avoir vu les photpgraphies de Brassaï, Doisneau ou Ronis ?

Nous retrouver protagonistes d’une image prise à la sauvette par Cartier-Bresson ou René Burri est

une chose, être photographiés par un paparazzi dans une situation délicate pour dévoiler notre intimité dans les journaux people, que cela nous plaise ou non, en est une autre.

C’est donc l’intention respectueuse du photographe qui définit l’éthique photographique en ville. En conclusion, faites vos photos de manière éthique et si le ou les protagonistes de votre image s’y opposent, essayez de les convaincre pour garder votre précieuse image. Enfin, pour une éventuelle publication, il faudra tenir compte de l’étendue de la jurisprudence, très variable selon les pays, qui définit les limitesdu droit à l’image tant pourles personnes que pour les biens privés.

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