PÉTROLE ET GAZ AU VENEZUELA

Iris Marjolet

L’Esprit du temps | « Outre-Terre »

2015/2 N° 43 | pages 177 à 182 ISSN 1636-3671ISBN 9782847953343DOI 10.3917/oute1.043.0177

Article disponible en ligne à l'adresse :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------https://www.cairn.info/revue-outre-terre2-2015-2-page-177.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Distribution électronique Cairn.info pour L’Esprit du temps.© L’Esprit du temps. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans leslimites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de lalicence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie,sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit del'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockagedans une base de données est également interdit.

Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)

© L

?Esp

rit d

u te

mps

| T

éléc

harg

é le

23/

06/2

022

sur

ww

w.c

airn

.info

(IP

: 65.

21.2

28.1

67)©

L?Esprit du tem

ps | Téléchargé le 23/06/2022 sur w

ww

.cairn.info (IP: 65.21.228.167)

Pétrole et gaz au VenezuelaIris Marjolet1

Le Venezuela détient le plus grand réservoir pétrolifère du monde, situé dans la ceinture de l’Orénoque. Néanmoins, le pétrole qu’il contient est un brut extra-lourd, difficile à extraire et cher à produire. Étant donné la chute continue du prix du baril, le développement de telles ressources se révèle encore plus compliqué à maintenir.

Cartographie énergétique du Venezuela : production et exportation

Carte n° 1 : cartographie énergétique : production et exportations

Source : Iris Marjolet (DR)

1 Doctorante en géographie à l’Institut français de géopolitique, Paris 8

© L

?Esp

rit d

u te

mps

| T

éléc

harg

é le

23/

06/2

022

sur

ww

w.c

airn

.info

(IP

: 65.

21.2

28.1

67)©

L?Esprit du tem

ps | Téléchargé le 23/06/2022 sur w

ww

.cairn.info (IP: 65.21.228.167)

178

Le Venezuela possède les premières réserves prouvées de pétrole du monde avec 298,353 milliards de barils, et les huitièmes réserves prouvées de gaz naturel, 197,089 milliards de pieds cubes2. Les réserves pétrolières vénézuéliennes repré-sentent 17,7 % des réserves mondiales de pétrole et 90,6 % des réserves de brut de l’Amérique latine3. Les réserves gazières du pays, quant à elles, représentent 3 % des réserves mondiales et se classent au deuxième rang du continent américain après les États-Unis4. Les réserves d’hydrocarbures conventionnels et non conventionnels du Venezuela sont composées principalement de pétrole lourd (5,3 %) et extra-lourd (77,8 %), mais aussi de pétrole moyen (3 %), léger (3 %), de condensat, de gaz hu-mide (moins de 1 %) et de gaz (10 %). C’est à l’intérieur de la Ceinture pétrolifère de l’Orénoque (CPO), dans le bassin oriental, que sont situées les réserves de brut extra-lourd, qui s’élèvent à 258,3 milliards de barils. La CPO renferme 86,57 % des ressources pétrolières du pays, et 32,50 % de ses ressources gazières5. Un rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a aussi révélé d’importantes réserves d’huile et gaz de schiste dans le bassin de Maracaibo, estimées à respectivement 13 milliards de barils et à 16,7 trillions de pieds cubes techniquement exploitables6.

La production gazière et pétrolière du pays est majoritairement répartie sur deux bassins : celui de Maracaibo-Falcón et le bassin oriental qui fournissent environ 99 % de la production nationale de pétrole et de gaz s’élevant en 2013 à respecti-vement 2,899 millions b/j et 796 millions de barils équivalent pétrole par jour7. La part des ressources dans la production totale d’hydrocarbures s’élève à 41 % pour le pétrole lourd et extra-lourd, à 16,7 % pour le pétrole moyen, à 12,3 % pour le pétrole léger, à 3 % pour le condensat et le gaz naturel liquéfié et à 20 % pour le gaz8. Les réserves de gaz du pays sont composées à 90 % de gaz associé dont 30 % sont situées dans la CPO. Le gouvernement a entrepris d’augmenter la production de gaz non associé onshore dans les champs pétroliers du bassin oriental (Anaco, Yucal Placer et Barrancas) et l’offshore. Ainsi plusieurs projets d’exploration sont-ils menés conjointement avec différentes compagnies privées (Total, Chevron, Statoil) dans le golfe de Paria, dans le golfe du Venezuela et dans l’Est du bassin occidental (projet Mariscal Sucre, projet Plataforma Deltana). La production de gaz naturel du Venezuela est insuffisante pour faire face à la consommation domestique et interne de Petróleos de Venezuela (PDVSA) qui en utilise 70 % pour soutenir l’extraction de pétrole (réinjection de gaz dans les gisements). Le pays importe donc du gaz en provenance de Colombie et des États-Unis pour satisfaire sa consommation domes-

2 Informe de Gestion Anual, PDVSA, 2013, p. 14.3 BP, Annual Statistical Bulletin, 2014.4 Ibid, p. 20.5 PDVSA, Informe de Gestion Anual, op. cit., p. 45.6 EIA/ARI, World Shale Gas and Shale Oil Ressource Assessment, juin 2013, p. 6-7.7 PDVSA, Informe de Gestion Anual, Ibid.8 PDVSA, Informe de Gestion anual, op. cit., p. 53.

Iris Marjolet

© L

?Esp

rit d

u te

mps

| T

éléc

harg

é le

23/

06/2

022

sur

ww

w.c

airn

.info

(IP

: 65.

21.2

28.1

67)©

L?Esprit du tem

ps | Téléchargé le 23/06/2022 sur w

ww

.cairn.info (IP: 65.21.228.167)

179 NP

tique. Enfin, 2,33 % du gaz naturel est transformé en gaz naturel liquéfié (GNL) que le pays exporte au Brésil (66,4 %) et aux États-Unis (27,8 %).

En 2013, le Venezuela était le 12e exportateur mondial de pétrole (4e en 2000) et le 5e du continent américain9. La même année, la production de brut et de produits pétroliers s’élevait selon le rapport annuel de PDVSA à 3,015 millions b/j10. Toute-fois, ces chiffres varient d’une source à l’autre, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime une production à hauteur de 2,40 millions b/j et l’OPEP à 2,79 mil-lions b/j, en 201311. Les méthodes de calcul diffèrent ; l’AIE, par exemple, n’inclut pas la production de pétrole extra-lourd dans la production pétrolière, mais la place dans la catégorie de pétrole dit valorisé (upgraded syncrude), qui a un volume infé-rieur de 10 % à celui du brut extra-lourd12. En effet, les huiles extra-lourdes, dont le degré API peut varier de 7 à 10°, sont très denses et très visqueuses 13; pour être com-mercialisables elles doivent être converties en pétrole ultraléger par le biais d’un pro-cédé complexe de raffinage nommé valorisation (upgrading). Les raffineries capables d’opérer ce traitement se trouvent principalement au Venezuela et aux États-Unis. Aux États-Unis, le Venezuela possède cinq raffineries (Texas, Illinois) et la moitié des parts de la compagnie pétrolière américaine CITGO, filiale de PDVSA US, dans quatre raffineries.

Depuis 2013, les États-Unis ne sont plus la première destination des exportations pétrolières du Venezuela ; c’est vers l’Asie que le Venezuela exporte 1,05 million de b/j de brut et de produits pétroliers contre 845 000 b/j aux États-Unis en 2013 et 1 002 000 b/j en 201214. La Chine et l’Inde sont ses deux principaux clients asia-tiques. Les exportations vers la Chine ont considérablement augmenté en 8 ans, passant de 49 000 b/j en 2005 à 369 000 b/j en 2013. L’Inde aussi est un important marché ; 403 000 b/j étaient exportés en 201315. La réduction des exportations vers les États-Unis s’explique par le développement de leur production domestique de gaz de schiste qui a changé la configuration du secteur énergétique dans ce pays et modifié ses besoins. Les États-Unis ont remplacé progressivement l’extra-lourd véné-zuélien par l’extra-lourd canadien16. Quant à la Chine, son intérêt pour les ressources vénézuéliennes s’explique par la politique de Chávez qui avait consisté à diversifier les marchés pour réduire la dépendance des États-Unis, d’une part, et par les besoins croissants de la Chine en ressources afin de poursuivre sa croissance de l’autre.

9 EIA, Venezuela Country Analysis Brief, juin 2014 ; voir aussi Opec, Monthly Oil Market Report, mars 2015, p. 63-64.10 PVDSA, Informe de Gestion anual, op. cit, p. 15.11 EIA, Venezuela Country Analysis Brief, juin 2014.12 Ibid..13 La valeur API (créée par l’American Petroleum Institute) permet d’exprimer la densité d’un pétrole brut. 14 PVDSA, Informe de Gestion anual, 2012 et 2013.15 PVDSA, Informe de Gestion anual, 2013, p. 107.16 « Independence? Deloitte says it’s really about security », Fuelfix, 15 octobre 15 2012.

Pétrole et gaz au Venezuela

© L

?Esp

rit d

u te

mps

| T

éléc

harg

é le

23/

06/2

022

sur

ww

w.c

airn

.info

(IP

: 65.

21.2

28.1

67)©

L?Esprit du tem

ps | Téléchargé le 23/06/2022 sur w

ww

.cairn.info (IP: 65.21.228.167)

180

LA CEINTURE PÉTROLIFÈRE DE L’ORÉNOQUE AU CŒUR DES POLITIQUES ÉCONOMIQUES DU GOUVERNEMENT VÉNÉZUÉLIEN 

Le Projet Socialiste Orinoco (PSO), lancé en 2008 par le gouvernement véné-zuélien repose sur la mise en exploitation intégrale de la CPO. La ceinture de l’Oré-noque s’étend sur 55 694 km

(7 % du territoire vénézuélien), englobant 13 muni-

cipalités et 670 000 habitants (12 habitants au km2). Elle est divisée en quatre aires d’exploitation : Boyaca, Junin, Ayacucho et Carabobo, respectivement divisées en 29 blocs.

Le Projet Socialiste Orinoco consiste à développer l’économie pétrolière et non pétrolière de la CPO, de même que les réseaux d’infrastructure domestiques et trans-nationaux afin de permettre au pays de s’ouvrir sur le marché mondial et sur le marché asiatique notamment. Le développement local de la CPO est en fait for-tement « globalisé » puisqu’il se donne pour ambition de faire du Venezuela une superpuissance pétrolière17. L’interaction du politique et de l’économique dans le secteur pétrolier est très puissante et le développement de la ceinture de l’Orénoque se trouve au centre du plan de développement économique de la nation.

La stratégie de PDVSA pour atteindre des objectifs ambitieux de production a consisté à établir des entreprises mixtes avec des compagnies pétrolières privées et publiques. Aucun projet d’extraction ne se fait sans elle qui est actionnaire majo-ritaire dans les sociétés mixtes pétrolières à participations étrangères. En 2005, le gouvernement mettait en place un programme, l’Orinoco Magna Reserva Project, pour certifier et quantifier les réserves de pétrole extra-lourd. Actuellement, douze entreprises mixtes participent au développement de l’Orénoque. Seules six d’entre elles opèrent des blocs capables de produire entre 2 000 et 161 000 b/j pour ceux de PetroMonagas (PDVSA et Rosneft) et Petrolera Sinovensa (China National Petroleum Corporation, CNPC et PDVSA). Dix-huit entreprises ont été également constituées pour certifier et quantifier les ressources en place qui auraient un potentiel de pro-duction de 2,2 millions b/j. Aujourd’hui la Ceinture de l’Orénoque produit 937 000 de b/j, le gouvernement espérant porter ce chiffre à 4 millions de b/j en 201918. Toutefois, le processus de conversion des huiles extra-lourdes en huiles de synthèse légères implique de robustes investissements. La construction de six nouvelles unités d’amélioration censées convertir l’extra-lourd en huiles de synthèse légères accuse de lourds retards. De plus la production domestique de brut léger utilisée pour

17 Cf. Anne Péné-Annette, Arnoldo Pirela, Didier Ramousse, « El Proyecto Socialista Orinoco : un nuevo territorio vincu-lado a la explotación petrolera en Venezuela », Cuadernos del Cendes, année 29, n° 80, mai-août 2012, p. 7.18 PDVSA, Informe de Gestion anual, 2013, p. 39.

Iris Marjolet

© L

?Esp

rit d

u te

mps

| T

éléc

harg

é le

23/

06/2

022

sur

ww

w.c

airn

.info

(IP

: 65.

21.2

28.1

67)©

L?Esprit du tem

ps | Téléchargé le 23/06/2022 sur w

ww

.cairn.info (IP: 65.21.228.167)

181

convertir le pétrole extra-lourd en brut synthétique est insuffisante et le pays doit en importer d’Algérie (Saharan Blend Crude).19

Le renvoi du personnel compétent à la suite de la grève de 2002 a beaucoup nui aux opérations de l’entreprise autrefois considérée comme une compagnie pétrolière de premier rang. PDVSA est très endetté et le gouvernement se sert de la compagnie nationale pour financer des programmes sociaux, alors que les infrastructures pétro-lières sont en très mauvais état. En 2012, la raffinerie d’Amuay avait explosé faisant plusieurs morts20.

Carte n° 2 : L’aménagement des infrastructures

Source : Iris Marjolet (DR)

19 « For how long will Venezuela import crude oil ?», Reuters, 27 octobre 2015.20 « Fuga de gas generó explosión en la refinería de Amuay en Falcón : 39 muertos y mas de 86 heridos » , Noticias24, 25 août 2012.

Pétrole et gaz au Venezuela

© L

?Esp

rit d

u te

mps

| T

éléc

harg

é le

23/

06/2

022

sur

ww

w.c

airn

.info

(IP

: 65.

21.2

28.1

67)©

L?Esprit du tem

ps | Téléchargé le 23/06/2022 sur w

ww

.cairn.info (IP: 65.21.228.167)

182

LA BAISSE DU PRIX DU BARIL : QUELLES CONSÉQUENCES À COURT TERME?

L’économie vénézuélienne est dépendante à 95 % de la rente pétrolière et 45 % des recettes du budget de l’État sont fonction du pétrole. La chute du prix du baril a de lourdes répercussions sur l’économie. Le président Nicolás Maduro a déclaré qu’un cours pétrolier juste devait se situer aux alentours de 100 dollars21, or le prix du baril a chuté de presque 50 % depuis le mois de juin 2014 et s’élève actuellement à 48,54 dollars22. Les pétroles non conventionnels comme le brut extra-lourd cessent d’être rentables en dessous de 80 dollars le baril, un baril d’extra-lourd représentant un coût de production de 37 dollars23. En 2013, le Venezuela exportait environ 1,935 million de b/j de brut et de produits pétrolier sur les 3 millions b/j qu’il pro-duisait selon le rapport PDVSA. Il a même dû tailler dans les livraisons de pétrole subventionné aux États membres de PetroCaribe (alliance pétrolière forgée en 2005), Cuba incluse24. Eulogio Del Pino, président de PDVSA ayant eu beau déclarer que la production se maintiendrait en 2015 aux alentours de 3 millions b/j25.

Le président Maduro s’est rendu à Pékin début janvier 2015 afin de solliciter de nouveaux fonds auprès de son premier

créancier étranger, la Chine. Les prêts qu’a

reçus le Venezuela de la Chine depuis 2007 et qu’il rembourse en lui troquant du pétrole s’élèvent à 50,4 milliards de dollars26. Ces derniers mois, le pays a fait l’objet de vives spéculations dans la presse étrangère quant à un possible défaut de paiement sur la dette garantie en pétrole contractée auprès de la Chine27. Mais la crise que le pays traverse n’a visiblement pas changé les positions de Pékin vis-à-vis de Caracas, puisque un nouveau prêt de 5 milliards de dollars vient de lui être accordé28. Un accord supplémentaire pour un autre prêt de 5 milliards allait être signé en juin 2015. Les grands gagnants de la chute des cours de l’or noir sont les Chinois qui profitent sans doute de conditions très favorables qu’ils sont en mesure d’imposer à un pays qui n’a d’autre choix que de les accepter.

21 « Presidente Maduro, Precio del petróleo a 100 dólares por barril es justo », Radio Nacional de Venezuela, 19 no-vembre 2014.22 Ministerio del Poder Popular de Petróleo y Minería, <www.mpetromin.gob.ve/portalmenpet/secciones.php?op tion=view&idS=45>. 23 « Rafael Quiroz : Es recomendable que Venezuela Proponga reducción petrolera en la OPEP », Correo del Orinoco, 5 octobre 2014.24 « Venezuela recorta su envío de crudo a Petrocaribe y Cuba », El Pais, 29 mars 2015.25 « ¿Cuántos barriles diarios de petróleo producirá Venezuela para 2015 ? Presidente de PDVSA respondió  », AVN, 6 novembre 2014.26 Cf. Amos Irwin, Gallagher Kevin, « Chinese Finance to Latin America Tops $100 billion », Inter American Dialogue, 2 avril 2014, <thedialogue.org/page.cfm?pageID=32&pubID=3563 [28 avril 2014]>.27 Cf. Ricardo Hausmann, Miguel Angel Santos, Should Venezuela Default  » in Project Syndicate, 5 septembre 2014. Voir aussi Weineiruila duihua 500 yi meiyuan daikuan weiyue: bu huanqian ye bu gei you  » [Le Venezuela doit 50 milliards de dollars à la Chine – Le Venezuela ne rembourse pas et n’exporte pas de pétrole], Fenghuang Wang (I-pheng), portail d’information et micro-blog, 24 octobre 2014.28 « Venezuela Recibe 5.000 millones de dólares por prestamo de China », El Universal, 20 avril 2015.

Iris Marjolet

© L

?Esp

rit d

u te

mps

| T

éléc

harg

é le

23/

06/2

022

sur

ww

w.c

airn

.info

(IP

: 65.

21.2

28.1

67)©

L?Esprit du tem

ps | Téléchargé le 23/06/2022 sur w

ww

.cairn.info (IP: 65.21.228.167)