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chapitre I chapitre II chapitre III chapitre IV intermède du capitre V

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I. IL SERA NOTAIRE

Il sera notaire.Oui, mon prochain personnage car c'est bien d'un personnage dont il s'agit, sera notaire. Ou clerc de notaire.Disons que ça me plaît assez.Le fait qu'il ait un beau bureau. Un boudoir capitonné.Un fauteuil matelassé et un beau, très beau stylo.

Le fait qu'il soit obligé de côtoyer de jeunes veuves, obligé de les réconforter -un petit peu tout de même- avant de passer aux obligations légales ajoutera à l'intrigue.Car intrigue il y aura, forcément.C'est...Non. Ce sera un homme tellement... intrigant. Sans compter les belles divorcées qu'il conseillera au mieux, peut-être aussi que pluselles seront belles et mieux elles seront conseillées...Je n'ai encore rien décidé sur ce point même s'il faudra trancher. Et de temps à autre il sortira de son dressing cloisonné de métal froid un costume.Geste banal, certes.Mais le costume l’est beaucoup moins.Pas n'importe lequel.Belle étoffe, coupé sur mesure, forcément il est exceptionnel unique c’est mon personnage, sans aucun faux pli ni pour lui ni pour le costume.Car cet homme là ne choisis rien au hasard. Le hasard ne tient qu'une tout petite place dans sa vie, le reste il le provoque.Alors il sortira -toujours mon personnage, bien entendu- ce costume gris qui fait que les femmes se retournent probablement sur son passage.Se retournent évidemment sur son passage.Mais c'est un homme pressé, alors il ne voit pas ou fait semblant de.Il traverse les foules le regard droit avec une aisance déconcertante.              Il faudra bien reparler de ce regard si changeant...

Il traverse donc les foules avec une aisance déconcertante.Il EST déconcertant. Mon héros traversera de la même manière les foules et sa vie.Mon héros refoulera ses sentiments.

Mon héros se défoulera sur quelqu'un ou sur une porte.Et il dénouera des foulards des blouses des corsages des corsets lorsque l'occasion se présentera.Souventmaispastrop Ce sera un personnage complexe.Mais tellement intéressant.Chaque page nous dévoilera peut-être une nouvelle apparence pour qui sait lire entre les lignes.L'entreprise est fascinante! Il ne fait pas de figuration il soutient l’histoire à lui tout seul.L’homme est mystérieux…

L’histoire est vraie ?

NON

Chaque page le révèlera, tout doucement et à voix basse comme une épreuve photographique.L'image mettra très longtemps à apparaître nette, tant il y aura de nuances troubles dans ces noirs estompés et ces blancs diaphanes, dans ces pleins de creux et ces déliés élancés. Je dois le traduire.Une pointe de solitude, une sombre illusion, une parcelle d’opacité.Une toile d’araignée faite d’ivoire, d’opale et de fumée.Des nuances dans ces gris. Ses gris à lui, aussi.Ses clairs-obscurs, ses zones d'ombre. Ses nuages poivre et sel.Qui n'en n'a pas? Lui en aura tellement. Il est à contre jour.Irrégulier.Indistinct.Évanescent.Une apparition voilée et terriblement romanesque…

Mon héros sera comme un diamant brut qu'une main aimante a été chercher et extraire loin, très loin dans le cœur même de la terre.Il sera presque... minéral.Mais pas transparent.Du granit, plutôt.Couleur granit mais avec la dureté impeccable du diamant.Capable de tout. Du pire et du reste aussi. Probablement impossible à briser. Mais facile à ébrécher.

Le meilleur est au bout de la route, juste après les épines. 

Il me faudra faire attention à ce héros là.Le préserver si possible.L'illuminer sans l'altérer.Le garder... brut. Lui même. Tel qu'il est.Et prendre le temps de souligner à la mine de plomb  ces dizaines de facettes qui étincellent et brillent comme le soleil. La mine de plomb pour mieux le graver dans le temps.Il est le soleil. De l'histoire.Peut-être.Ce héros est un homme.Le Mien ?

Petite Voix je t’en prie apprends à garder les secrets de mon cœur…Un homme tout d’encre vêtu.

Nous allons le dénuder.Le mettre à nu plus qu’à nu à vif.Chut… A ce moment là les lecteurs se rappelleront d'un costume gris, et là seuls les plus clairvoyants se demanderont pourquoi gris, tout simplement.

Pourquoi gris?L'auteur pourra leur répondre Parce que le gris lui va si bien. Tout simplementLe personnage prend forme dans ma tête.Dans mes mains. Et au bout de mes doigts aussi.Je l’amadoue de mes doux mots.Je l’effleure de loin, je l’écorne exprès, je le manipule avec toute la finesse possible.Et moi la gourgandine je garde ma gourmandise pour après.Après.Pour un peu, pour un peu beaucoup je pourrais presque le gouter mais déjà il s'éloigne. Exprès. Il me tourne le dos.J’enrage et il aime ma rage, il sait que de beaux mots en sortiront… Et s'il partait ce week-end en Angleterre, pour affaires?Deux heures d'Eurostar et à lui les Petites Anglaises...Non.A Rome?Mieux déjà.

Disons que jenesaispourquoidesphotospeutêtre je l'imagine très très bien là bas.Devant un délicieux caffé latte, une perle de mousse au coin des lèvres.Ses lèvres…Seul ou accompagné?Je préférerais seul, bien entendu.

Mais pour l'histoire...

Si c'est pour affaires rien ne l'empêche d'emmener avec lui sa secrétaire.Sa petite secrétaire à lui rien qu'à lui.Un soupçon une envie.Ou n'importe quelle femme, en la faisant passer pour elle.Facile, si facile me chuchote t-on dans le creux de l'oreille.Trop facile?Il choisira.Non, pardon, je choisirai pour Lui, car c'est moi seule qui suis censée connaitre la suite.La suite du Jeu, de l'Ecriture et de l'Histoire.C'est mon  rôle à moi, sentinelle, gardienne et petite plume.Bergère des mots et cerbère de l’imagination.D'être attentive à chaque détail, quitte à réécrire l'histoire dix fois, cent fois s'il  le faut pour qu'elle soit de plus en plus belle. Et lui, son rôle? En plus d'être un rôle? De se livrer un peu plus, d'accepter une plume dans sa vie.Une plume légère mais une plume tout de même. Une plume c'est pratique.C’est fidèle.Ça se met dans la poche et ça tient compagnie au travail, pendant les réunionsPossession.

C'est facile à attraper, pour peu que le vent souffle dans la bonne direction.Aimable. Ça se laisse caresser.Experte.Ça caresse.Subtile.Ça chatouille. Inventive.Ça fait frissonner  tout le long du corps, une plume.Exquise.

Ça fait peur, aussi.VertigeC'est tellement... volatile.Rafale.Un courant d'air et elle s'échappe.Fugitive.Une brise et elle s'envole.Dérobade.Alors une plume, il faut... Rester en contact avec elle.Intime. Mon notaire partira donc à Rome avec une plume au fond d sa poche.Ou de son cœur.J'ai déjà décidé qu'il avait un cœur.Tous les héros n'en n'ont pas.               oui mais c'est un homme d'abord, un vrai               oui mais c'est un homme d'abord, un vraiNul besoin de me le répéter je le sais …

C'est vrai?

Il paraîtrait mais ce n'est peut-être qu'une rumeur.A Rome, donc, et non pas à Deauville, trop impétueux pour sa PetitePlume qu'il vient juste de trouver.De découvrir.Alors prudence.

Ils partageront ensemble un premier voyage, même s'il est court, un premier café, surtout s'il est serré, et un premier bain moussant, tant mieux s'il est brûlant le bain bien entendu dans une chambre tamisée.Nous sommes, nous serons à Rome après tout.Et...nous sommes dans un livre qui n'est pas encore écrit.Tout est permis.Ou presque. Deauville, ce sera pour la suite.Il découvrira  (je lui ferais découvrir) avec sa PetitePlume des endroits que tous deux pensaient déjà connaître. Et pourtant tout leur paraître neuf, si neuf.La folle audace d’un regard intact.Même l'odeur de la mer.Même son petit goût salé qui vient se poser sur le bout de la langue.Le connu redécouvert devient de l’inconnu.Tellement nouveau. Il faudra lui donner une mémoire, à mon héros.Tant de souvenirs à créer pour lui, juste pour lui.A imaginer s'il y met du sien.

A rêver pour deux.A écrire.A lire.

La Petite Plume est inquiète.Peut être le sens- tu du fond de ta poche ? Trop de possibilités s'offrent à elle quand à la suite à donner.Une fois de plus, avec cette grâce qui lui est si personnelle il s'en va.J'ai laissé mon notaire à Rome.Je le retrouve ici. Retour urgent.Réunion urgente.Dossiers urgents. Affaires à traiter blablabla.Vite vite vite.Il s'adapte au rythme et aime ses contraintes.Et puis cela lui donne des excuses  toutes trouvées et presque sincères pour saborder sa vie privée. Pas le temps pour ça pense t-il.Mais ça c'est la vie, non? Il dépasse ses limites et  signe, sans même regarder, les papiers qu'on lui tend.J'aime le voir signer.Déposer sa marque, son empreinte.Un petit bout de lui sur un petit bout de papier. Il est donc ici, à Paris.Pour l'histoire c'est important mais pas pour Lui.Déjà il est ailleurs... Mon personnage m'échappe mais je ne dois surtout pas lui en vouloir de ça.Il a envie de se libérer, mais peut-être joue t-il avec moi. Tout en étant sérieux.Peut-être essaie t-il de devancer les règles.En ignorant qu'il n'y en a pas...Alors je ne lui en veux pas et je continue.Car si je l'écris, si je persiste il m'apprendra la patience j'en suis certaine.Il pourra aussi apaiser mes impatiences si je lui en laisse l'occasion. Encore faut-il qu'il la saisisse, l'occasion.LUI, l'insaisissable... Il le fera si je le souhaite, non?         OUI

Tempérer mes fièvres. A ce moment là, Petite Plume ajoute à son Notaire un trait de caractère tout à fait particulier qui va tout faire basculer: l'audace. Il est donc plus audacieux.Plus téméraire.Il s’envole me prends se répands.Dans la vraie vie il m'a dit qu'il fallait oser.Alors j'ose le désirer plus effronté de page en page.Et ce n'est que le début. 

Cette nuit il a rencontré une femme.Comme elle est dans sa tête elle joue la fille de l’air…Ils s’envolent haut très haut.Aussi jolie qu'il l'imaginait dans ses rêves, et les rêves pour Lui c'est déjà presque la vie.Aussi audacieuse que son nouveau Lui.Aussi imprudente qu’un accident.Aussi avide de la vie qu'elle ose le prétendre.Aussi farouche qu’implacable.Capable elle le plaque.Poitrine contre poitrine et lèvres contre lèvres. Aussi insolente qu’indécise.Mais les choses sérieuses se décident à deux.Aussi douce que son parfum velouté.Elle se donne savoureuse tendre et tiède.Féroce elle le mord volontaire il la dévore.Aussi multiple qu’innombrable, alors ne comptons plus.Il fait les gammes elle connait toutes les variations.Aussi amoureuse que dans ses souvenirs.La mémoire d’un passé qui se remet à battre sous leur peau…Un hommage au souvenir.Elle est une célébration, et elle le célèbre lui, de son corps offert.Elle est son trophée, sa cicatrice, elle accepte de devenir son vestige car de relique il n’y aura pas.Elle est son passé et rentre dans ses pensées.Une catastrophe naturelle.Une tempête.Un volcan.Il aime ça. Il pensait pouvoir la garder en amie.Cette idée lui fût agréable pendant un temps, alors il essaya d'y croire.Amie, c'est agréable et réconfortant.Mais pas suffisant.Pas pour Lui, car il est en train de se découvrir plus avide que quiconque.

Alors aussi brutalement que le désir s'est imposé à lui, il a décidé d'en faire sa maîtresse . CETTE NUIT Elle, dont nous tairons le nom pour qu'elle puisse exister à travers n'importe qui.Elle qui ne veut pas dire non.Elle veut, elle peut tout lui dire sauf "non".Parce que son désir à lui est trop... troublant.Et qu'il vient aussi à sa rencontre avec une telle force.Ce sera "oui" pour tout. Et c'est donc ainsi, avec la même envie l'un de l'autre qu'ils se donnent l'un à l'autre.Qu'ils s'offrent leurs corps et leurs baisers, qu'ils échangent leurs odeurs et leurs pensées les plus secrètes. C'est ainsi. Par le miracle de ses mains patientes, de son corps heureux, de sa voix sucrée, elle réussit à lui dévoiler des sentiments inconnus. A force de prévenance et d'humilité, elle réussit à dissiper ses peurs, ses craintes. Ses doutes.Il se porte volontaire.Il lui parle elle le fait taire. -C'est ainsi, lui dit-elleOublie tes sentiments oubliés, fane tes vieux souvenirs, altère le passé car dorénavant je serais ton avenir.C'est ainsi, lui dit-elle. Et il accepte.Mon héros accepte. -Il faudra toujours m'écouter, lui répond-il.Imagines toi que tu t'embarques pour un long, un merveilleux, un périlleux voyage.Je suis le guide, j'assurerais ta sécurité et écarterais le péril. 

Car il croit en moi, Petite Plume.En théorie je peux tout lui faire croire et tout lui faire accepter.En théorie nous pouvons être amants c'est mieux qu'amis.Mais en théorie la pratique est bien plus difficile à appliquer.Passer de l'une à l'autre relève de défi, du subterfuge et du mystère.Oui, tout cela ensemble et extrêmement bien dosé.

 Alors je fais des plans.Ma plume et mon encre dessinent des histoires. 

Petite Plume vit ses rêves, Petite Plume prends de l'envergure car maintenant elle se met des majuscules... - j'insuffle vie à mon personnage- ainsi il existe- nous sommes passés de l'autre côté du miroir- c'est délicieux- il découvre le réel, il aime la vie- il vient me rejoindre dans la mienne- je le veux plus audacieux encore si c'est possible- tout est possible me dit-on à condition de le désirer très fort- je le veux je le souhaite je le désire- mais j'ai si peur et tant à perdre! Mon personnage!S'il m'échappait?S'il m'échappait, un peu comme ce pauvre Pinocchio, et que je sois obligée d'aller le chercher, le rechercher dans le ventre d'une baleine...Irais-je? Bien sûr que j'irais mais que de désagréments...Bien sûr que j'irais le sauver  jusqu'au bout du monde. Et plus loin encore.Bien sûr.

Il est ma couverture je suis son oreiller.Mes pensées sont chimères, mon corps est un conte, notre vie n’est qu’une image alors mes songes me construisent.Certaines visions me paraissent si évidentes que je tangue, il n’y a plus de frontière plus de limite je veux vivre ma vie rêvée.Qu’importent les faits les évidences et le palpable, de belles illusions suffisent à me garder en vie. C'est mon personnage ... mais nous sommes de l'autre côté du miroir.Et mes rêves sont si puissants.Ils rendent le monde réel.

II. C’EST MON PERSONNAGE

C'est mon personnage.Il ne m'échappera pas.Il m'aimera.Fort. Si fort que la terre en tremblera.Mon homme de papier arrivera même à me serrer dans ses bras. Et ses bras ne seront que deux pages sur lesquelles seront écrits « jet'aimejet'aimejet'aime »de bout en bout et d'un bout à l'autre.Je dois arriver à créer cet impact cette collision.Comme ce doit être merveilleux de sentir un homme crisser et se froisser et céder contre soi, et se plier et se plisser, éclater de tous ses mots et soupirer d’aise, craquer comme un parquet sans âge, juste la musique d’un corps qui reprends vie sous mon regard mes mains mes mots. Et peut être aussi que les mots ses mots détremperons sur moi à cause de la sueur de la chaleur de la moiteur.Ses bras de papier seront doux comme de la soie et forts comme un vrai bon gros carton d'emballage.Et je me laisserais faire.J'écris.Je l'écris, Lui, et c'est déjà bien.Fatigant.Une énorme dépense d'énergie. Et d'amour.Un incroyable investissement. De temps.Un oubli de soi pour mieux penser l'Autre.

Disons que ...je capitalise. Un pari fou sur l'avenir et mon bonheur à venir à tenir à garder.A créer...

Si j'arrive à faire de Lui MON homme dans ce livre, peut-être que de ce livre émergera un homme.Le Mien.Je joue. Avec lui.Il se joue de moi.Nous passons ainsi quelques heures récréatives à se découvrir, se délecter des faveurs et des attentions du miroir.Nous sommes deux mais nous sommes dix, nous sommes deux mais nous sommes cent, mille, car la glace se fait l’écho de tous nos gestes et de nos pensées aussi.

Je dois arrêter de penser un instant, juste un instant, même un court instant! A ses bras pages qui me serrent livre, cela semble si réel que c'en est douloureux.

Arrêter de rêver de ces yeux changeants comme l'eau de pluie, cette éternelle œillade qui sur moi ruisselle avec tant d'envie. Car... il lui manque la vie, hélas, et cette seule pensée me crève le cœur et m'ouvre en deux. Alors vite je reprends ma plume, moi, Petite Plume.

Il n'a jamais croisé mon regard. Ou alors une fois, il y a très très longtemps.Trop longtemps. Je dois me rappeler à son bon souvenir. Je dois continuer de lui écrire...

Écrire.Créer.CréecrireJ' écrée, j'ai crée. J'aime bien...

Trop fertile, l'imagination.

PS: demander au bon dieu paysagiste de ma vie de couper ce fichu robinet d'engrais qui depuis des années ne cesse de me nourrir de m'arroser de m'inonder, je me noie sous tant d'idées, je suffoque de tant d'images, je m'asphyxie pour un trop plein.Que l'interrupteur de toutes ces idées-eaux soit coupé de temps en temps ! Que je dorme et m'endorme au creux de mon épaule à moi sans imaginer la sienne à mes côtés...Un peu de repos, un peu de répit...Assez de ces envies viscérales qui viennent me happer.De jour et de nuit.De jour comme de nuit.Me happer de ma vraie vie pour me transformer en harpie chercheuse de mots d'images, de lettres qui s'assemblent et de flux qui s'échangent, impitoyable chercheuse et tri fouilleuse des méandres de sa matière grise pour trouver conscience et consistance.

Je dois créer mon Golem.

Mon héros qui saurait me protéger de moi-même et des autres par-delà les frontières des rêves et des vies.

Puis-je trouver la force de mener ceci à terme, je ne supporterais pas de le voir inachevé au court d'une phrase ou sur le bord d'une ligne. Je ne supporterais pas qu'il ne soit plus qu'une.... page blanche?Une page blanche et plus rien derrière.

Je le veux achever. Presque debout mais pas tout à fait.

Que lui seul aie la volonté de se tenir droit.Je le veux animé d'amour.Mais que lui seul décide s'il m'aimera ou pas.Je veux le pétrir et le mouler de mes désirs, je le veux guettant mes attentes et cherchant mon regard.Je le veux sorti de mes mains encore tiède et le souffle court, et puis le laisser refroidir, doucement et lentement, quitte à l'embraser de nouveau et de nouveau l'essouffler.

Je le réclame et je le souhaite, c'est tout.

Est-ce pour cela que c'est si difficile?Trop de je veux probablement, et pas que des vœux pieux ni de chastes désirs.Mes nerfs se contractent et se tendent, la pulpe de mes doigts souffre de ne pas le toucher, pas encore, j’aspire à déclencher ma catastrophe naturelle en le mettant au monde dans mon monde.

Ma main plus que mon ventre tremble de l’enfanter au risque de faire des erreurs.Je sais que l'erreur se corrige et qu'il me suffit de rayer un mot pour un autre, mais j'ai si peur qu'il en garde des cicatrices.Un coup de plume trop... vif et peut-être c'en est fini de lui.Mais l'erreur est humaine et je ne suis pas dieu, alors...Si j'accumule des erreurs en sera t-il plus humain?

Je l'aimerais aimable.Aimable: digne d'être aimé.

Je le veux au présent mais plus que parfait.Je veux un futur en passé composé à deux.Avec toujours trois petits points à la fin, car de fin jamais il n'y en aura...Je le veux!

Dois-je le hurler, lui hurler à en faire éclater ses tympans tout beaux tout neufs et faits pour n'entendre que des mots doux?Dois-je l'écrire... ou lui écrire qu'enfin il vienne me chercher?Si de femme de lettre je dois devenir femme de papier ou fille de joie pour habiter son univers, enfin sereine je le ferais. Et que l'on ne me parle pas de sacrifice! La Petite Sirène se priva bien de sa merveilleuse queue pour souffrir sur deux jambes...Et si elle a pu venir dans notre monde je peux aller dans le sien.Si simple de venir me chercher, passer le bras la main le corps par dessus cette trappe ouverte qu'est mon attente infinie, et venir me réchauffer enfin de son argile tiède.

Il n'a même pas à me chercher, en fait.Juste à me trouver.

NOUS NOUS CONNAISSONSet je ne dis pas cela pour intriguer mon lecteur

Par-delà les pays et les siècles, par-delà les mots de nos maux, par-delà les espoirs des uns et les désespérances des autres nous nous connaissons.

Par-delà nos corps qui jamais peut-être ne se recolleront nous nous connaissons.D'où ?

Non, pas du travail.Non, pas d’amis d’amis.Non, encore moins des amis en commun, réfléchissez ! Il n’existe pas et je n’ai pas d’amis…Un regard dans le métro, un frôlement dans la rue ?Non, cherchez encore.

Je l’ai rencontré en moi, tout au fond tout au creux de moi et doucement il en émerge.Doucement il m’ouvre le ventre et la tête, et écarte mes chairs, doucement il prend appui sur une de mes côtes, sur un os du bassin et il sort.Si doucement…Que ne m’écarte t-il pas, pour ENFIN être là et respirer, et pousser son cri de premier né de premier homme.Mais quelle douleur ! Quelle belle et douce torture de se sentir ainsi écartelée, cette épreuve n’en n’est pas une, les larmes m’aveuglent et pourtant je ne vois que luiPeu m’importent les déchirements s’il est là pour me suturer après et panser mes plaies.Je suis blessée de toute façon.Mais qu’il sorte de moi, enfin, cet homme, mon héros, mon notaire pourquoi pas, qu’enfin cesse l’invasion barbare de mon esprit et cette gestation perpétuelle, je le porte en moi depuis tant d’années, je sens son cœur battre en moi j’ai deux cœurs, je voudrais que le mien ralentisse et que le sien batte pour moi, un petit peu.

Mon ébauche prend forme, se gonfle de sang de sens de nerfs et de muscles qui lentement se délient sous cette première aube sculpturale.

En moi ?

Oui, je l’ai rencontré en moi, mon esprit mon cœur mon Moi s’est retrouvé un jour d’été à prendre un café avec son regard ses mains son Lui et ainsi nous avons lié connaissance.

En fait nous n’avons pas lié connaissance pour un sou, je dis cela pour la forme.Car dans le fond nous sommes liés. Oui, en moi, toujours.Quelque part entre les méandres de ma pensée et le petit bout de mon adorable orteil.Drôle d’endroit pour une rencontre, je sais.Mais tout le charme est là.

Quelque part en moi mais lui seul sait où…

Prendre un café.C’est absurde mais je sais qu’il aime mon café.Noir. Fort. Corsé.Fait devant son regard aimant.Un café choisi pour lui, grain par grain.Et grain par grain ainsi je le broie, juste avec la force d’entre mes deux doigts.Casse-noisette sans outil, mes articulations sont souples et fonctionnent à merveille pour lui.Par Lui.Pas de crampe pas de douleur pas de cloque pas de raideur pas d’arthrite pas de dégénération.Il me régénère.

Ainsi grain par grain le café coule et gorgée par gorgée nous le buvons en se regardant. C’est chaud c’est amer c’est brûlant c’est bon.Premier café en ce premier matin de presque printemps, renaissance…

Il doit partir, vite.Cendrillon avait son carrosse transformé après les douze coups de minuit.Lui doit retrouver le pays des songes et des lettres à notre dernière goutte de café.Déjà il se lève, croisant désolé mon air désolé.Je sais, il y a des règles.Une nuit un café pas de baiser il doit partir.

Ce café c’est déjà énorme, un bonus.Envie de le retenir de le déshabiller de nouveau mais non les règles sont les règles.Cendrillon n’a perdu que son soulier de vair, moi c’est beaucoup plus qui est en jeu.

Oui mais les règles sont faites pour être déréglées…Tout comme les horloges devraient s’arrêter si la vie était bien faite.Tais-toi Petite Voix car la vie est mal faite et je le sais.

Il ne se lève plus il est déjà debout.

Au revoir ? Non.Il reviendra.

A bientôt ? Non plus.Il reviendra bien plus vite que lui-même ne le désire.

En sera-t-il contrarié, que ses pas de force et contre son corps luttant le ramènent à la maison à ma maison, ma maison bientôt la sienne ?Non, aucune contrariété.Je ne demande plus j’exige, nous n’avons déjà perdu que trop de temps.L’encre sèche et me dessèche, petite fleur trop tôt coupée et sans air sans lumière j’ai besoin de Lui et de son appétit.Son avidité de moi me redonnera faim.

Déjà nous ne luttons plus contre nos mains qui se veulent ou contre nos lèvres qui se mordent.Déjà cela fait partie de notre nouvelle vie de vivre dans cette hâte, dans cette perpétuelle attente de ces instants entre parenthèses.Et même de ces non-instants car nous ne pouvons en parler à personne.Pour moi il fait partie d’un tout.Pour lui je ne suis rien.On n’est pas obligé de croire en son Créateur… mon souffle d’amour n’est que du vent.

Moi je le crée.Lui crée mon intérêt. Deux visages d’un même sentiment.

Pas de valise mais son voyage sera long.C’est à moi de le faire partir.A moi de le faire me quitter.Et même si c’est pour mieux se retrouver la douleur tout de même est là.La souffrance me rend hagarde, il est mes points cardinaux, il est tout ce vers quoi mon corps tend, il est mon songe mon mensonge mais j’aime son corps qui attaque et mon âme et mes incertitudesil est ma seule certitude.En m’asseyant à cette table de bois et en prenant ce stylo je devais le révéler et c’est l’inverse qui arrive.

D’abord je l’oublie.Je me lève toute emplie de lui de son odeur de papier et de ses humeurs de rêve.

Je mets de la musique douce sans parole car les paroles sont des mots et il est dedans.Je mets des chants d’oiseaux par exemple, ou le bruit d’un ruisseau qui coule.Nous sommes au printemps je me dois de fêter cela avec Mère Nature.Cela, son invention, son arrivée, son presque départ et son bientôt retour.Je me rallonge dans ce lit où nous étions encore il y a quelques instants, dans ces draps froissés par un illusoire corps de papier mais fort comme un homme de chair et de sang.

Je m’allonge.Je m’allonge, je l’oublie.Je m’allonge, je l’oublie et je prends ma plume.

J’écris sur les murs, sur les draps sur le matelas, sur le plafond et sur mes bras, sur moi, partout.Je m’écris de son départ, je m’écrie « quitte moi mais reviens », je fais de si jolies lettres comme on m’a appris il y a longtemps à l’école, je barbouille la pièce de mots malheureux de complaintes de prières et d’espoir, dans mon ivresse ma folie ma fureur je murmure des incantations, je me perds dans ces feuillets noircis de mes désirs, je recherche l’unité parfaite de deux êtres en oubliant n’être qu’une c’est désolant.J’œuvre à des retrouvailles sans faille, à des fiançailles éternelles.Je me démange du manque trop brutal de ses mains qui s’estompent, trop tôt, je me griffe je me marque je me grave je me perds, je demande grâce mais à qui je l’ignore, je renonce.Je renonce.Et dans le féroce brouillard de mes paupières closes tout doucement il me quitte et la vie alors aussi me quitte, il sort de moi de mon lit de ma vue de ma pièce pour revenir dans ces pages.Mes pages.Ses pages à lui, que je tente de faire aussi accueillante que possible.Son lit à lui, confortable matelas que je réchauffe de mes mots tendres.

Je le borde, de loin.Je le veille d’aussi près que possible.Opération déchirante mais merveilleuse.

Ainsi c’est possible.Je ne peux entrer dans le livre mais lui peut en sortir.Par ma seule volonté.Était-ce une transe, une fièvre jaune un virus un rêve ?Oui.

J’ouvre les yeux et vois nos deux tasses teintées de marc de café.De la porcelaine blanche et dessus l’empreinte de nos lèvres.

Ainsi il a bu.Ainsi il était là.Ainsi peu importent transe fièvre jaune ou rêve, peu m’importent mes démences mes mensonges mes folies car il était là.Les hallucinations laissent beaucoup de choses mais pas de trace.C’était un merveilleux moment, c’était tout sauf un rêve.Il y a encore l’empreinte de ses lèvres, et malgré toute mon imagination cela je ne peux pas l’inventer.C’était un tourment qui me tourmentait et cela devient une délicieuse possibilité.L'Empire des Possibles.Ma température baisse, mes suées s’évaporent et mes mains cessent de trembler en t’écrivant.Je sais. J’ai vu bien des choses et j’en ai compris plus encore.Je peux l’inventer, lui, mais pas sa présence. Ni même la preuve de sa présence.

J’ai réussi à le faire venir, pour mon bonheur.J’ai dû le faire partir pour que l’histoire continue.

Et je recommencerais.

Encore, encore et encore.Prête à vivre cette vie toute ma vie.Prête à écrire une histoire qui jamais n’aura de fin.J’ai faim. De lui, déjà.

Lui…

III. JE CROIS QUE…

Je crois qu’elle aime.Qu’elle l’aime.Sinon, par quelles forces de l’esprit cet homme pourrait-il lui apparaître, la toucher l’aimer et repartir dans sa vie écrite et rêvée par elle ?

Je crois qu’elle aime.Qu’elle l’aime.Si ce ne sont les appels de son cœur empli d’amour d’émoi de moi de lui, comment pourrait-elle se sentir aussi liée à lui ?

Elle n’est pas démente même si parfois elle le croira tant la réalité lui apparaîtra violente et impalpable. Pourtant ils se toucheront…Les apparences ne sont qu’apparences mais son amour prendra forme et corps et vie. L’abstraction n’est désormais plus une erreur mais une possibilité…

Croyez-moi, moi qui suis la parfaite jumelle de cette femme, croyez-moi MOI l’alter-égo, sa moitié d’être, elle cherche l’autre moitié de corps qui l’emplira de tout, elle le crée le pense le rêve, elle dit s’appeler PetitePlume pour ne pas s’appeler du tout dans la vraie vie.Alors de temps à autre je la rappelle à la réalité.

Je suis sa voix puisqu’elle ne sait qu’écrire.Je serais ses yeux quand elle confondra songe et mensonge.Nous serons ensemble des mains qui donneront vie à un homme auquel elle semble tenir, je lui dois bien cela.De temps à autre une écriture à quatre mains pour Lui toujours Lui le faire vivre plus longtemps, car quand elle s’endort je dois moi continuer de l’écrire afin qu’ils se rejoignent en rêve…Je le fais pour elle qui m’héberge en son sein, et son sein est agréable croyez-moi.Une source de chaleur presque permanente, et souvent même une véritable ardeur je dois la tempérer, son corps entier flamboie d’amour d’ennui de désir et c’est en son sein que je me sens le mieux. Ma jumelle incandescente.

Elle se croit seule mais se sait habitée.Elle pense que ces transports sont l’effet de l’homme mais c’est moi juste moi, la voix les yeux le guide de ses embrasements.Seule elle restera maîtresse de son cœur avec une parfaite lucidité.Cela elle sait faire, vénérer la passion mais s’en libérer, avoir de la tendresse pour ses excès de romantisme et ses violentes ivresses, oui cela elle sait faire.Maîtresse et cœur sont deux mots qui lui vont si bien.Elle se connaît si bien, à savoir toujours de quoi de qui elle a besoin, elle sait se prévenir de son attachement mais n’arrive pas à s’en guérir. Elle s’attache elle se lie toute seule tandis que je la lis, elle aime les entraves et tout ce que cela signifie, elle aime l’idée d’appartenir à quelqu’un mais jamais ne le dira.

Elle accepte toutes les compromissions sauf quand cela concerne son cœur.Elle est prête à tout, à tout ! Pour le voir vivre et palpiter et aimer pour un homme.Son pauvre cœur elle se l’arrache pour un homme, vous faisant croire

que c’est lui qui a demandé ce sacrifice.Non, ne la croyez pas.

C’est elle qui s’offre ainsi et c’est elle qui prend plaisir à cela.C’est une inconditionnelle de l’amour alors elle donne l’amour sans condition.

Elle est l’autel et le sacrifice à la fois.Elle est le couteau.Qui la tue d’un coup ou à petites saignées c’est selon.Selon les hommes les jours le temps.

La passion la dévoreMais la passion seule la maintient encore en vie.Envie.La passion est son oxygène.

Dans les quartiers nord de leurs rêves ils seront sûrement là.C’est ainsi que tous deux pensent.C’est ainsi que tous deux espèrent, elle en tirant sa couverture vers son visage et lui en posant sa tête sur ce petit ventre d’oreiller de plumes…Ils sont dans l’attente aigüe que ce sommeil enfin les prenne pour mieux ensuite les rendre l’un à l’autre.

Elle cherche les mots, les meilleurs les plus beaux, pour mieux vivre leur vie à venir.Il essaie d’échapper au la universel pour mettre de jolies notes dans toutes ces jolies pages.

Ce serait bien qu’enfin ils répondent à la vie au lieu de répandre la leur.

Avec cette voix si particulière il me demande ce qu’il a de spécial.Tout ?Tout.

On s’invente on se cherche et il me trouve.S’il me cueille c’est qu’il sait se guider dans la nuit de mes pages et dans l’encre noire de mes mots.Tout le monde ne sait pas.Beaucoup se sont perdus.Beaucoup se sont découragés.

Lui, il sait .Alors son regard qui perce mon obscurité est spécial.Un regard à vous submerger de désir tout le temps.Tout le temps de tous les temps.Un regard qui vous caresse autant que ses mains.Mais ses mains nous y viendrons… Oui je sais !

Son regard, donc.Je sais que je pourrais partir en voyage loin très loin et nue, juste avec un pareil regard pour me vêtir et ensuite mieux me déshabiller, me suivre et m’accompagner.

Dans ses yeux je voyage et c’est encore dans ses yeux que je touche mon avenir.

De sa voix sincère il promet sans trembler.Avec ses yeux transparents il aime de tout son cœur.Et c’est avec son corps plein qu’il me prend dans ses bras.C’est juste avec ses mains que le lit nous attire, mais alors ce sont tous les lits du monde qui s’offrent à nous.

Il est tellement spécial qu’il en est unique.Je le distingue je le découvre je le déchiffre, je suis en terre inconnue je tremble de le toucher de le perdre de le blesser sans le vouloir.Je tremble en découvrant jusqu’au sens du mot frisson.Je tremble de ces soirs de chance de ses nuits de présence.Je tremble de mettre ma confiance dans ces mains de papier et qu’il ne nous fasse brûler tous tous tous ensemble…

Je tremble de baisser mon bouclier en cessant de nous prédire la guerre.

Un jour.Aujourd’hui ?Oui, aujourd’hui est un bon jour pour enfin faire se l’amour et peut être aussi la paix.Oui, aujourd’hui je tremble du désir de lui dire oui pour tout.A cette chimère là, à cet homme là.

A trop l’imaginer il est venu se glisser dans ma vie dans mon lit dans moi.Et mon sang d’encre figé de nouveau coule, fluide, vers mon cœur.Mon âme sœur.

Je l’ai voulu je l’ai eu.

Connait-il seulement mes nuits avant lui ?Blanches. Et floues, si floues.Même si nous avons tous nos eaux troubles les miennes sont emplies de vase si épaisse que je m’éveille en suffoquant.Je rentre de mon sommeil il est trop tard.Les poumons imbibés de sueur.Les pores de ma peau suintant la peur.

Troisième chapitre.Trois nuits ensemble.J’ai dormi la première.Si bien.J’ai dormi la seconde.Encore mieux.Mais à la troisième il a commencé à dériver.A s’éloigner.A craindre mon contact.

Me faire l’amour sans me toucher il a réussi, mon héros…

Alors je vais le croquer page après page.Après tout on avale bien un livre, pourquoi ne pas manger mon Homme de papier ?

IV. ELLE L’ENTEND

Je l'entends me parler et sa voix est douce.Je ne réponds pas juste pour qu'elle continue.

Sa voix me berce elle me bouleverse.Je la sens me conjuguer dans ses temps à elle.Pressée, elle me transporte du passé au futur elle me suture de sa plume chirurgicale.

Elle, elle fait de moi ce qu'elle veut c'est le prix à payer pour exister dans sa vie dans ses nuits.Elle m'écrit notaire, notaire je serais.Elle orthographie mes sentiments, rédige mes états d'âme et me ponctue de son affection.Je souffre lorsque d'un coup de gomme elle me corrige, je devine à sa main tremblante une soudaine envie de me raturer pour être dans ses pages mieux que mieux.La quintessence du Héros.La crème des personnages.

Mais ma chère mais ma tendreLa crème à force d'être fouettée tourne…

Je suis fatigué de virevolter de feuille de papier en feuille de papier l'automne est fini, fatigué de disparaître de t'embrasser de revenir de te quitter.Laisse-moi rester.Fais-moi rester.Au lieu de me crayonner imprime-moi.

Elle me voulait audacieux je serais licencieux.Je l'obligerais à regarder ses désirs nos plaisirs dans le miroir de mon regard.Je lui donnerais plus encore que ses rêves les plus imprudents.J'imposerais ma volonté à sa main qui m’écrit.Sa pudeur ne sera plus sa réserve s'envolera je la désire indiscrète.

Offerte.N'est-il pas trop tard ma chère pour la courtoisie, écourtons...

J'accepte de me plier à ses images si c'est ainsi qu'elle m'aime.Mais je la souhaite plus encline à ... se soumettre.Elle devra comprendre que ses mots génèrent des désirs, elle devra cesser de se comporter comme si toutes ses phrases n'avaient aucun écho.Elle fait les mots je ferais le reste.Les gestes les cris les murmures et les larmes s'il faut aller jusque là.Car sans réfléchir et en me disséquant ainsi c'est sans scrupule aucun qu'elle m'incite à la faire fléchir.Je la veux courbée.

Maintenant c'est lui qui veut.

Oui je la veux courbée.

Je veux plier de tout mon poids de papier sur elle, sur son corps indocile.Je la veux tendre à m'attendre.Je la veux sage en cage.

Que les rôles s'inversent ?Oui. Exactement.Je la veux couchée nue sous mes draps, donnée.Qu'elle m'accorde tout et je m'accorderais à elle et aux battements de son cœur.Que mon rythme devienne le sien.

Je la veux l'instant d'après assise à sa table comme à son habitude, à écrire à m'écrire, ses chaussures à talons laissant une empreinte suggestive sur l'épaisse moquette...

Ses chaussures sont si importantes...La cambrure de la chaussure accentuant sa cambrure à elle, c'est délicieux et elle le sait.

Je veux la voir se redresser lorsqu'enfin j'arriverais vers elle, émergeant de son esprit de ses pensées pour m'asseoir à ses côtés sans lui demander son avis.

Pour glisser vers elle.Sans rien lui demander non plus.

Je réclame ce droit ainsi que tous les droits sur elle.ELLE.

Elle qui à trop jouer avec le feu risque de partir en fumée.

Non?

Non.

Présomptueuse mais somptueuse.Quelle superbe arrogance.Je la devine, délicate jeune femme à la démarche pourtant vaniteuse.De jolies manières, d'adorables détails et quelques séduisants caprices.Piquante dans ses imperfections.

Elle est mon tourment.Un intéressant tourment.Elle m’écrit je la pense.

Pourquoi ?

Mademoiselle, ma demoiselle pas encore tout à fait mienne m'a invité à entrer dans sa vie et, captivé, je ne veux plus en sortir.Ses rêves ne me suffisent plus.Ses mots me séduisent mais ce jeu ne peut durer qu'un temps.Je m'épuise je me consume.

De mon petit bout de planète je la regarde évoluer sans moi et pourtant elle me porte elle m'emporte.

Elle est ma passion.Mon adorable passion.

Pour de faux je suis notaire, pour de faux j'ai des maîtresses, pour de faux je voyage et pour de faux nous prenons un bain un café et nous avons du temps.Pour de faux elle connaît mon dressing mes costumes mes habitudes.

Je la laisse faire je me laisse faire, car des rêves sont mieux que rien me dit-elle.Je la rêve à en crever.

Passion de plus en plus dévorante.

Pour de vrai je veux la voir franchir le pas de ma porte.Pour de vrai je veux l'avoir à ma table.L'arracher à sa plume

PetitePlume...

et lui servir un verre deux verres trois verres, l'inonder de champagne et la faire pétiller, l'enivrer de mes ivresses car pour de vrai elle sera ELLE mon alcool mon oubli.

Le premier verre est loin déjà nous en sommes à plusieurs bouteilles de vertige et de vertige encore.Elle me saoule de mots je la bois jusqu'à la dernière phrase...Ses délicieuses dentelles bientôt ne seront que lambeaux, le verre de cristal n'est plus qu'un lointain souvenir, il s'écrase à mes pieds ou bien je le jette contre le mur, elle m'imagine diamant calme et pur je dois lui prouver le contraire tout le contraire.

J'ai cassé son verre pour éviter de la briser elle.

Pour de vrai je ne suis qu'un ivrogne qui a soif d'elle, pour de vrai je vais la boire à la source et assécher son lit, cet éthylisme me plaît nous plaît, nous mélangeons nos corps comme d'autres mélangent leurs boissons.Les degrés ne peuvent plus être comptés, que m'importent désormais brandy digestifs ou liqueurs, elle est pétrole elle est combustible elle me brûle

Attention! Je ne suis que papier...

Elle le sait elle m'attise et déjà des braises apparaissent elle me veut flamboyant elle me veut jusqu'à la dernière goutte.Pour de vrai elle est ma première gorgée toute entière et pour de vrai je la sens m'envahir pure et violente comme de la vodka frappée.Je veux mon verre.Je veux ma dose.

Pose moi dépose moi comme un glaçon sur le bout de ta langue.Repose-toi sur moi.Expose-toi.Explose-moi.Impose tes désirs et suppose les miens.

J'implose.

L'heure tourne et elle regarde sa montre.Ma Chère s'impatiente, nos chairs s'exaspèrent.De loin en loin un regard un frôlement à peine et, sages, nous endurons cela sans brusquerie aucune.Sans précipitation.

Même si une fraction de secondes suffirait à nous précipiter.

Alors elle regarde les aiguilles tourner et la question n'est plus

Pourquoi?Mais

Quand?

Son sang chauffe, elle bouillonne elle tourbillonne.Ses gestes se font plus saccadés et son regard se fait inquiet.Elle sait que je la cherche.Elle sait que je vais la trouver.Elle sait que pour de vrai il n'y a plus tant de temps à attendre.

Quelques secondes.Encore.A peine.

Un ballon au loin s'envole et je me promets d'aller la voir Elle toujours elle, dès qu'il disparaitra de ma vue.

V. IL L’ECOUTE

Je l’entends me parler et sa voix est douce.Je ne réponds pas juste pour qu’il continue.Sa voix me bouleverse.Cet homme…Cet homme enfant qui fait mâle. Si mal.Son absence m’envahit plus encore que le reste.Son absence est dans le goût qu’il ne me laisse pas dans la bouche.Son absence est ce désir qu’il ne viendra pas assouvir, là, tout de suite.Son absence est aussi sur les cicatrices qui ne viendront pas marquer mon corps.Pas maintenant.Pas ces prochaines heures.

Son absence est tellement palpable que je peux m’entortiller autour. M’emmailloter dedans.C’est son absence qui me caresse et c’est tout de même très bon.

Il me faut remettre un peu d’envolées lyriques dans cette littérature, alors j’accepte de me laisser envahir d’abord et ensuite emporter par cette fabuleuse vague qui me laissera écumante.Je deviens cette onde, je suis ce petit cheval des mers qui s’ébroue dans l’eau et s’échoue sur le sable après le ressac.Je me laisse sécher au soleil pour pouvoir mieux éponger sa sève à son retour.Son retour ?Quand ?

Besoin de le retrouver, Lui.Besoin de faire ma vie avec Lui et son absence.Besoin de fonder enfin cette famille en ne comptant que sur ces jours de présence.

Car c'est en famille que j’ose nous imaginer.Lui à planter sa graine un soir de pleine lune.

Lui à faire à mon joli joli petit ventre un deux dix enfants.Dix c’est mieux.Lui à me couver d’un regard aimant pendant que moi je couve, aimante.

La privation devient un mode de vie.La privation devient ma seule vertu, pour le reste je ne suis que vices.

Alors, je continue de rêver de mon Notaire, de mon Mari, de mon Ami-Amant qui partirait travailler le matin après l’amour sous l’astre du jour, et qui laisserait dans une autre vie son ex-femme son ex-lit son ex-vie pour mieux se consacrer à nous.Il emmènerait nos enfants nos magnifiques marmots à la crèche à l’école, je les verrais partir tous ensemble et Lui me laisserait pour écrire notre vie devant une tasse de café, ils partiraient tous ensemble en voiture en poussette en brouette.

De seuls nous deviendrons, un par un un plus un une merveilleuse ramification, un foyer chaud et lumineux, une tribu.MA tribu.

Arrête de rêver PetitePlume…

Pourquoi ?

Tu n’auras jamais cela.Cette vie là n’est pas pour toi.Tu es d’une autre espèce.Ton sang est chaud.Ton corps est bouillant.Te vois-tu rentrer au bercail tous les soirs et jouer, jouer, jouer encore mais seulement à la Fée du Logis?

Ton bercail est ta demeure, ton foyer est ton lit, tu ne vis ton intérieur que par les forces et les tiraillements de ton ventre.Ton sein est l’âtre d’un brasier qui demande à être alimenté heure par heure par le regard caressant de ton Amant, et encore je ne parle ici que des caresses…

Parle-moi donc d’autre chose, toi qui semble si bien me connaître…

Très bien.Ton pouvoir est grand. Ton sein est lourd. Mais prêt à la caresse, tout le temps.Tes cuisses s’écartent sans autre formalité que le désir de s’entrouvrir au vent à l’air au reste.Ta bouche ne peut pas se sevrer du goût acide de ton Amant.Tes mains ne conçoivent pas de journée sans caresser un homme.

Ton homme. Son corps.

Ton regard appâte et se repait du désir que tu fais naître.

Non !

Tu alimentes cela, PetitePlume.Tu ne le veux pas forcément mais c’est ainsi.

Et c’est tant mieux ?