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1 Dans la perspective des élections communales : l’évolution électorale et politique de La Louvière et de l’entité. Quand La Louvière est constituée en commune indépendante (1869), le droit de vote est exclusivement masculin, censitaire, voire capacitaire. La masculinité, le revenu et le niveau de diplôme limitent ainsi le nombre d’électeurs. Mais les choses changent, parfois avec violence, notamment dans le Centre suite, d’une part, à l’opposition entre catholiques et libéraux et, d’autre part, à l’émergence d’une conscience de classe ouvrière, alors que le Parti Ouvrier Belge est créé en 1885. Dès 1893, l’instauration du suffrage universel censitaire plural contribue à initier le bouleversement de la donne électorale et politique, dont l’évolution fera l’objet de notre attention. Petit rappel : le droit de vote dans l’antiquité gréco-romaine Contrairement à une opinion largement répandue, le droit de vote (ou de suffrage) est assez limité dans les deux régimes politiques anciens présentés, assez abusivement, comme les berceaux de la démocratie. Athènes Au 5 ème siècle avant notre ère (l’ « âge d’or de la démocratie athénienne »), le droit de vote est limité aux seuls citoyens athéniens, groupés en plusieurs classes censitaires. Les femmes et les esclaves ne votent pas et la pratique du tirage au sort est largement répandue dans les moeurs politiques. Les citoyens votent réellement pour l’élection annuelle des stratèges, chefs de l’armée, ainsi que pour l’ostracisme, c’est- à – dire l’exil non infamant des personnages jugés menaçants pour la Cité. Rome Dans la « République romaine » ( de-509 à – 27) le droit de vote (jus suffragii) est réservé aux seuls citoyens détenteurs des droits privés (droit de posséder des immeubles, de témoigner, de mariage légal) et des droits publics (droit de vote, d’être magistrat, d’appel en justice). Pendant longtemps, le droit de vote romain a favorisé les patriciens au détriment des plébéiens. Idées Nouvelles et révolutions au 18 ème siècle La Révolution américaine (1776-1783) Après l’absolutisme incarné par le roi de France Louis XIV, souverain effectif de 1661 à 1715, le 18 ème siècle est celui des « Idées Nouvelles » des philosophes du « Siècle des lumières » et de « l’ Encyclopédie ». Des mouvements de libération et des révolutions contre l’ordre ancien se multiplient. Les deux plus célèbres sont la « Révolution américaine » des 13 colonies anglaises sur la côte Est des futurs USA « indépendants » en 1783 et, bien sûr, la Révolution française contre l’ancien régime monarchique. La Virginie sera la première de ces 13 colonies anglaises à proclamer son indépendance, et à se doter d’une Constitution, le 1 er juin 1776, Constitution précédée d’une Déclaration restée célèbre : « Déclaration des droits qui doivent être regardés comme le fondement et la base du gouvernement » (1) :

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Dans la perspective des élections communales : l’évolution électorale et politique de La Louvière et de l’entité. Quand La Louvière est constituée en commune indépendante (1869), le droit de vote est exclusivement masculin, censitaire, voire capacitaire. La masculinité, le revenu et le niveau de diplôme limitent ainsi le nombre d’électeurs. Mais les choses changent, parfois avec violence, notamment dans le Centre suite, d’une part, à l’opposition entre catholiques et libéraux et, d’autre part, à l’émergence d’une conscience de classe ouvrière, alors que le Parti Ouvrier Belge est créé en 1885. Dès 1893, l’instauration du suffrage universel censitaire plural contribue à initier le bouleversement de la donne électorale et politique, dont l’évolution fera l’objet de notre attention. Petit rappel : le droit de vote dans l’antiquité gréco-romaine Contrairement à une opinion largement répandue, le droit de vote (ou de suffrage) est assez limité dans les deux régimes politiques anciens présentés, assez abusivement, comme les berceaux de la démocratie. Athènes Au 5ème siècle avant notre ère (l’ « âge d’or de la démocratie athénienne »), le droit de vote est limité aux seuls citoyens athéniens, groupés en plusieurs classes censitaires. Les femmes et les esclaves ne votent pas et la pratique du tirage au sort est largement répandue dans les mœurs politiques. Les citoyens votent réellement pour l’élection annuelle des stratèges, chefs de l’armée, ainsi que pour l’ostracisme, c’est- à – dire l’exil non infamant des personnages jugés menaçants pour la Cité. Rome Dans la « République romaine » ( de-509 à – 27) le droit de vote (jus suffragii) est réservé aux seuls citoyens détenteurs des droits privés (droit de posséder des immeubles, de témoigner, de mariage légal) et des droits publics (droit de vote, d’être magistrat, d’appel en justice). Pendant longtemps, le droit de vote romain a favorisé les patriciens au détriment des plébéiens. Idées Nouvelles et révolutions au 18ème siècle La Révolution américaine (1776-1783) Après l’absolutisme incarné par le roi de France Louis XIV, souverain effectif de 1661 à 1715, le 18ème siècle est celui des « Idées Nouvelles » des philosophes du « Siècle des lumières » et de « l’ Encyclopédie ». Des mouvements de libération et des révolutions contre l’ordre ancien se multiplient. Les deux plus célèbres sont la « Révolution américaine » des 13 colonies anglaises sur la côte Est des futurs USA « indépendants » en 1783 et, bien sûr, la Révolution française contre l’ancien régime monarchique. La Virginie sera la première de ces 13 colonies anglaises à proclamer son indépendance, et à se doter d’une Constitution, le 1er juin 1776, Constitution précédée d’une Déclaration restée célèbre : « Déclaration des droits qui doivent être regardés comme le fondement et la base du gouvernement » (1) :

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« Article premier. – Tous les hommes sont nés également libres et indépendants : ils ont des droits certains, essentiels et naturels…. Art.2. – Toute autorité appartient au peuple, et par conséquent émane de lui… (Souveraineté nationale) Art.5. – La Puissance législatrice et la Puissance exécutrice de l’Etat doivent être distinctes et séparées de l’autorité judiciaire… (Séparation des Pouvoirs) Art.6. – Les élections des membres qui doivent représenter le peuple dans l’Assemblée doivent être libres. ». La révolution française et ses essaimages ( Révolution liégeoise etc…) La déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen d’août 1789 développe ces principes installant provisoirement en France une monarchie constitutionnelle. Le pouvoir législatif appartient à une Assemblée nationale de 745 membres élus pour deux ans. Cette assemblée a l’initiative des lois qu’elle vote et peut seule déterminer l’impôt. Mais elle n’est pas élue au suffrage universel. Seuls peuvent voter les hommes de 25 ans au moins payant une contribution égale ou supérieure à la valeur de 3 journées de travail : 4 millions de citoyens actifs sur environ 20 millions d’habitants. Ces citoyens actifs doivent, selon la Constitution, désigner 50 000 électeurs plus fortunés (suffrage censitaire : ces 50 000 électeurs doivent être capables de payer un cens égal à la valeur de 10 journées de travail), qui désigneront les députés et les fonctionnaires. Les pays occupés plus tard par les armées françaises de la Révolution ou de l’Empire napoléonien s’inspireront de ces principes : en Hollande, en Allemagne, en Italie, à Liège puis en Belgique indépendante, entre autres. La Constitution belge et le droit de vote 1830 – 1893 (2) Après les « journées de septembre » 1830 de la Révolution belge qui a « chassé » l’occupant hollandais, le gouvernement provisoire proclame, le 4 octobre 1830, l’indépendance de la Belgique, et crée, le 6 octobre, une commission chargée d’élaborer une nouvelle constitution. Le 10, ce gouvernement convoque le corps électoral qui désignera les membres d’une assemblée constituante : le « Congrès national » (influence française et américaine) Le droit de vote censitaire en 1830 Pour élire le Congrès, le droit de vote est alors accordé aux citoyens âgés de 25 ans, payant un certain cens variable, exerçant certaines professions libérales. Le cens désigne la part d’impôt payé (encore en florins à l’époque). 46 000 personnes (1% de la population) purent alors voter, mais il n’y eut que 30 000 participants au scrutin. Le droit de vote censitaire constitutionnel 1831 Il est censitaire : il faut pouvoir payer un impôt d’au moins 20 florins, l’équivalent de 42 francs-or, soit 1600 francs. Mais le cens varie : 20 à 30 florins minimum pour les campagnes, 50 à 80 florins pour les villes. Ce système favorise les candidats catholiques, plus nombreux dans les régions rurales, que les candidats libéraux surtout présents dans les villes (il n’y avait pas de parti socialiste). Le nombre d’électeurs reste identique : 46 000 personnes, un électeur pour 95 habitants.

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Les lois provinciale et communale 1836 Elles consacrent le principe censitaire pour l’élection des conseillers provinciaux et communaux, mais le roi nomme constitutionnellement les gouverneurs, bourgmestres et échevins. Toutefois, les bourgmestres et échevins doivent au préalable membres du Conseil communal. Conséquence : l’unionisme entre libéraux et catholiques disparaît en 1845- 1846. Le Parti libéral se structure et se dote d’un programme précis en 1846, tandis que les associations catholiques régionales vont se fédérer 20 ans plus tard. Il y aura des périodes d’alternance entre majorité catholiques et majorité libérale. Mais, de 1884 à 1914, le Parti catholique exerce le pouvoir sans interruption. Tous les ministres appartiendront alors à ce Parti. L’abaissement du cens électoral en 1848 Lès évènements de 1848 changent la donne ( révolution et fin de la royauté en France, et tentative d’ « invasion révolutionnaire » de Risquons-Tout). La loi électorale baisse le cens à 20 florins (42 francs), et ce uniformément. Conséquences: le doublement du corps électoral dans les villes, son augmentation d’un tiers dans les campagnes, et la diminution du nombre de représentants au Parlement. Le nombre d’électeurs passe de 46 000 à 80 000 personnes. En outre, l’incompatibilité désormais décrétée entre le mandat législatif et toute fonction rétribuée par l’Etat, hormis celle de ministre, provoque la diminution de près d’un quart de la représentation nationale. C’est la fin de la différenciation électorale entre villes et campagnes au profit, provisoire, du Parti libéral. 1886 : l’ « année terrible » : grèves et manifestations violentes. 13 juin, le Conseil Général du tout jeune Parti Ouvrier Belge (le P.O.B . créé en 1885, ancêtre du Parti socialiste) décide d’une manifestation pour le 15 août, afin de revendiquer le suffrage universel.. En vue des élections de 1887, le parti se mobilise, si l’on peut dire, contre le système de remplacement militaire (tirage au sort). Les élections communales du 16 octobre 1887 Selon Henri Bauwens (3), les travailleurs du Centre ont « affirmé » le principe de la représentation ouvrière. A Besonrieux (Familleureux), Bellecourt, Carnières, « les socialistes ont emporté l’hôtel communal d’assaut ». A La Hestre, Fayt, Morlanwelz, Haine-Saint-Pierre, Haine-Saint-Paul et Bracquegnies, « plusieurs conseillers socialistes sont entrés dans la maison communale en déployant le drapeau de la revendication ouvrière ». Et Defnet, échevin socialiste de Saint-Gilles, déclare dans « Le Peuple » (4) : «( je me demande) ce que ce serait si la masse avait droit au chapitre et possédait le suffrage universel. ».

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Familleureux, une commune pionnière du P.O.B. Après divers épisodes, les élus du POB deviennent majoritaires au sein du Conseil communal. Dès le 16 octobre 1887, 4 conseillers communaux sont socialistes, et en 1888, suite à une élection partielle (23 septembre), le Conseil communal se caractérise par une majorité absolue « POB ». Après les élections communales du 19 octobre 1890, le Conseil communal de Familleureux devient entièrement socialiste : les 9 conseillers sont membres du P.O.B. et, dit-on, ils ont « balayé les derniers cléricaux doctrinaires qui restaient au Conseil communal » . L’Arrêté Royal du 29 mai 1891 nommera Florian Adam bourgmestre de Familleureux. Il fut « le premier bourgmestre socialiste républicain de Belgique ». Le Serment de Saint-Gilles, août 1890 Le P.O.B. s’engage à « n’avoir ni paix ni trêve avant que, par l’instauration du suffrage universel, les prolétaires de Belgique n’aient conquis une patrie ». 1893 : la réforme de la Constitution : instauration du Suffrage Universel « tempéré par le suffrage censitaire plural » Cette revision constitutionnelle est admise en 1890, et son texte est adopté en 1893, après de longues discussions et une agitation révolutionnaire (grève générale) : Le vote devient plural dans le cadre du Suffrage Universel : tout Belge de sexe masculin, âgé de 25 ans a 1 voix ; une seconde voix est donnée aux pères de famille âgés de 35 ans, une 3ème voix aux propriétaires, aux détenteurs d’un livret de caisse d’épargne ou aux porteurs d’un diplôme (suffrage capacitaire). Même si le vote devient obligatoire, on ne peut pas cumuler plus de 3 voix. Citation de Beernaert à la Chambre, 28 février 1893 (5) « Comment accorder le même effet au vote du célibataire et à celui du père de famille ayant les devoirs de la famille et qui représente un groupe social ? Comment accorder le même poids au vote du savant qui honore le pays et à celui du riche qui supporte une plus grande part des charges publiques, qui détient une partie du capital nécessaire à la prospérité générale , et au vote du malheureux qui ne dispose que de ses bras ? D’après moi, le suffrage universel ne se justifierait que moyennant l’adoption de l’un ou l’autre système logiquement différentiel ». Suite à la réforme de 1893, on dénombre 1.380 000 votants : 850 000 ayant une voix, 300 000 ayant 2 voix, 230 000 ayant 3 voix, ce qui correspond à plus de 2 100 000 suffrages. Aux élections de 1894, les catholiques obtiennent 900 000 suffrages (111 députés), les socialistes 300 000 voix (28 députés), les libéraux 530 000 voix (20 députés seulement). La même réforme constitutionnelle apporte d’autres innovations : -le vote devient obligatoire, -la province devient une unité électorale : après leur élection, les conseillers provinciaux désigneront les sénateurs provinciaux, à côté des sénateurs élus directs. 1895 : la loi « des quatre infamies » Elle accorde une quatrième voix à certains électeurs selon la propriété, la résidence et l’âge.

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Il est alors question de conférer aux mandats communaux une durée de 8 ans, avec élection partielle tous les 4 ans.

La représentation proportionnelle (1899) Par le système majoritaire, la totalité des sièges était attribuée au parti qui, dans la circonscription, avait obtenu la majorité, d’où le déséquilibre entre le nombre des suffrages et le nombre de sièges obtenus…. Ce système majoritaire explique l’anomalie des « bourgs pourris » en Angleterre. Un candidat pouvait être élu avec peu de voix dans les circonscriptions peu peuplées, pourvu qu’il ait plus de voix que son adversaire. Par contre, un candidat ayant obtenu de très nombreux suffrages dans les circonscriptions très peuplées, mais arrivé en deuxième position, n’était pas élu. Voilà pourquoi sera instaurée la représentation proportionnelle : « La représentation proportionnelle « tend en effet à ce que le corps électoral soit réellement représenté, que toutes les opinions qui se rencontrent chez les électeurs se retrouvent, dans la même proportion, parmi les élus. Qu’ainsi, dans un collège de 5000 électeurs, ayant à nommer cinq représentants et comptant 3000 catholiques et 2000 libéraux, il y ait 3 représentants catholiques et 2 représentants libéraux ». (7)

Evolution du corps électoral et des partis politiques 1848 - 1954

RP : Représentation Proportionnelle (6)

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Vers le suffrage universel univoque 1918 - 1921 L’instauration de la représentation proportionnelle redonne force et vigueur au parti libéral qui, après les élections de 1900 n’avait que 33 députés, comme les socialistes, beaucoup plus récents sur la scène politique, alors que le parti catholique compte 86 représentants. En 1912, le cartel formé par le Parti Libéral et le P.O.B. (entrevue de Raoul Warocqué et d’Emile Vandervelde à Mariemont) est battu aux élections par le Parti Catholique qui compte alors 103 députés, contre 44 libéraux et 39 socialistes. La grève générale « formidable, irrésistible, pacifique » voulue par Vandervelde, « patron » du P.O.B., afin d’obtenir le suffrage universel univoque échoue en 1913. Les conversations de Loppem 11-13 novembre 1918 (8) Au château Van Caloen, Albert 1er reçoit, en présence de G. Cooreman, le catholique chef de cabinet, une délégation du « Comité de secours et d’alimentation », composée du libéral P.-E. Janson, représentant Emile Francqui, de Pedro Saura, représentant le marquis espagnol de Villalobar, et d’Edouard Anseele, le député socialiste gantois. La « peur du rouge » Il est alors question d’émeutes provoquées par des « soviets » de soldats allemands mutinés, à Bruxelles le 10 novembre. Ils auraient été rejoints par certains socialistes et il faudra l’intervention de Joseph Wauters (rédacteur du « Peuple » et député du P.O.B.) pour les calmer, par la promesse du suffrage universel pur et simple à 21 ans. A cet égard, une citation du cardinal Mercier, datée du 11 décembre 1916 (8) est intéressante : « Je ne sais pas si vous pensez à concéder le suffrage universel après la guerre, j’en ai peur… Je crois qu’une élection, dans l’état mental et moral de la classe ouvrière, donnerait, à l’heure présente, une forte représentation socialiste. Il faudra tout au moins, laisser l’ouvrier se ressaisir pendant quelques années, reprendre son assiette, sa vie normale, comprendre l’échec de la solidarité ouvrière internationale. Si l’on pouvait commencer par deux réformes de saine démocratie, celles des habitations ouvrières et la suppression de l’alcool, on améliorerait la mentalité ouvrière et l’on gagnerait du temps, ce qui est beaucoup. ». Le monde catholique n’est pas seul à penser de la sorte. En 1919, le libéral Alphonse Parent et le socialiste Paul Pastur créeront à Haine-Saint-Pierre la C.P.L.O. (Commission Provinciale des Loisirs de l’Ouvrier) destinée à organiser et « canaliser » les distractions du monde du travail, peu avant le vote de la « loi des 8 heures » en 1921. « Le coup de Loppem » et le suffrage universel univoque Dès 1915, Brocqueville, chef du gouvernement belge en exil à Sainte-Adresse près du Havre en France, avait proposé « la révision prompte de la Constitution sur la base du suffrage égalitaire (mon système était alors une voix à 25 ans et une seconde voix à 40 ans pour tous) ». Mais, dans leurs projets discutés entre 1916 et 1918, libéraux et socialistes se sont mis d’accord pour le suffrage universel pur et simple univoque (1 seule voix par électeur) pour les hommes de 21 ans, car on craignait que les femmes, guidées par les curés, votent pour le Parti catholique.

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Ainsi, lors des discussions au château de Loppem (11-13 novembre 1918), le roi Albert 1er décide de modifier le droit de vote, préalablement à la réforme de la Constitution légalement indispensable pour une telle réforme… Les chambres du parlement ne seront pas réunies avant le 22 novembre, et seront mises devant le fait accompli !… La démocratie parlementaire fut alors orpheline et d’un parlement et d’un gouvernement. Constitutionnellement, la réforme votée le 11 octobre 1921 instaure le suffrage universel pur et simple pour les citoyens âgés de plus de 21 ans et habitant la commune depuis 6 mois. Vers le suffrage féminin 1918 - 1920 Après la Première Guerre mondiale, il apparut scandaleux que les femmes, qui ont subi les épreuves de la guerre, ne puissant au moins voter pour les scrutins locaux. 15 avril 1920 : le droit de vote aux élections communales est accordé aux femmes. Les veuves de guerre et les mères de fils tués au combat peuvent demander à être électrices. Les femmes sont éligibles à tous les niveaux, même si elles ne sont que partiellement électrices. Sont exclues du vote : les prostituées et les femmes adultères ! Les bourgmestres de l’entité louviéroise depuis 1830 (9)

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Quelques renseignements sur les scrutins communaux de la future entité louviéroise et leurs incidences avant 1914 (10) Une nouvelle donne 1893-1914 De manière générale, l’introduction du suffrage universel tempéré par le système plural censitaire favorise l’augmentation du nombre de représentants socialistes dans la future entité louviéroise. Les élus du P.O.B., seuls ou en alliance avec les élus libéraux, contrecarrent la prédominance des représentants du Parti catholique… Une exception est à relever : le maintien d’un plus grand nombre d’élus catholiques dans la commune de Boussoit avant 1914. A La Louvière, un cartel libéral-socialiste l’emporte : 7 sièges de conseillers communaux, et un chiffre électoral pratiquement double du chiffre catholique. Après la Première Guerre mondiale : l’importance du suffrage universel univoque pur et simple. Dans l’entre-deux-guerres, le suffrage universel pur et simple favorise, dans les communes de la future entité, l’élection de majorités socialistes. A La Louvière, Le Parti socialiste obtient chaque fois 9 ou 10 sièges de Conseillers communaux sur 17. A remarquer : la présence de listes communistes (Le Parti Communiste Belge se crée en 1921), et d’une liste rexiste à La Louvière et à Strépy-Bracquegnies aux élections communales du 16 octobre 1938 (mais le parti de Léon Degrelle n’aura aucun siège). A Boussoit, le nombre de Conseillers communaux catholiques reste important. De 1945 à la fusion des communes (1976 – 1977) L’instauration du vote féminin pour toutes les élections, y compris les élections provinciales et législatives est votée en 1948. Les femmes voteront pour toutes les élections à partir de 1949. Contrairement à certaines opinions largement répandues, le vote féminin change peu la donne dans la future entité louviéroise, si l’on compare les résultats des élections communales du 24 novembre 1946 à ceux des élections communales du 12 octobre 1952. Il faut préciser que les femmes votent aux « communales » depuis 1919. On remarque une présence plus marquée de Conseillers communaux communistes en 1946, alors que le prestige de l’URSS est considérable peu après la seconde Guerre mondiale. Le nombre de Conseillers du Parti Social-Chrétien se révèle plus important entre 1946 et 1964, quand la « Question royale » et la « Guerre scolaire » déchirent le pays. Le PSB maintient sa majorité, avec parfois une liste dissidente, celle de Roger Roch à La Louvière en 1964, après la « Grande grève » de l’hiver 1960-1961… Et les problèmes communautaires ne sont pas sans influence sur les scrutins puisque, après les élections du 11 octobre 1970, un siège de Conseiller communal est attribué au Rassemblement Wallon à Haine-Saint-Pierre, Houdeng-Goegnies, et La Louvière. Le Parti Libéral (P.L.P.) se tasse ou participe à un cartel avec le P.S.C., comme à Saint-Vaast.

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Depuis la fusion des communes En 1977, le nombre de communes belges se réduit de 2359 à 589 (on parle désormais d’entités) : 308 en Région flamande, 262 en Région wallonne, et 19 en Région bruxelloise. L’entité louviéroise comprend, on le sait, les anciennes communes de : Boussoit, Haine-Saint-Paul, Haine-Saint-Pierre, Houdeng-Aimeries, Houdeng-Goegnies, La Louvière, Maurage, Saint-Vaast, Strépy-Bracquegnies et Trivières, sans omettre Besonrieux.. Un changement important : le Bourgmestre est élu directement par le corps électoral. Pour une population d’environ 79 000 habitants, le nombre de Conseillers communaux passe de 17 à 41, et le nombre d’Echevins est de 7, sans compter la Présidente du CPAS. Mais le nombre d’Echevins sera réduit d’une unité. Dans l’entité louviéroise, Le PSB, devenu le PS en Wallonie et à Bruxelles, maintient sa majorité au Conseil communal, en partenariat avec le MR. Après les élections du 8 octobre 1994, 6 membres du Front National sont devenus Conseillers communaux, mais ce parti n’a plus qu’un élu au Conseil actuel. Il faut insister sur la présence de Conseillers communaux ECOLO depuis 1982, et PTB depuis la dernière élection, sans oublier les Conseillers « Indépendants ». Conditions pour être électeur communal : être âgé de 18 ans, être belge et jouir de ses droits civils et politiques. Pour les membres d’un pays de l’Union européenne : il faut avoir voté lors des élections communales de 2006, ou être inscrit avant le 31 juillet. Il faut en outre être inscrit aux registres de la population ou des étrangers depuis le 31 juillet 2006, quitte à voter dans la commune où on a été inscrit si on a déménagé par après. Mais, d’autres conditions existent, de manière plus spécifique, pour les ressortissants de pays non membres de l’Union Européenne : on prend en compte la durée du séjour déjà effectué en Belgique, et des formulaires doivent être remplis, notamment à propos des séjours légaux, de la résidence et de l’engagement à respecter les lois belges. Enfin : quelques mots à propos de élections provinciales Il y a maintenant 10 provinces depuis la scission du Brabant. Le Conseil Provincial du Hainaut passera de 84 à 56 Conseillers, et le nombre de Députés Provinciaux de 6 à 5. Ces élections sont réservées aux seuls citoyens belges. .

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Notes (1) Extrait de : L.GIRARD-J.BOUILLON-A.- J. TUDESQ-J.RUDEL, Le Temps Des Révolutions 1715 – 1870, Coll. d’Histoire L. Girard, éd. Bordas 1966,p.97. (2) A cet égard, il est toujours précieux de consulter : X. MABILLE, Histoire politique de la Belgique, Facteurs et acteurs de changement, éd. CRISP, Bruxelles 1986 (3) Henri BAUWENS, Familleureux en rouge et noir, P.A.C. (4) Le Peuple, 28 octobre 1887 (5) Extrait DE VAN DER SMISSEN, Léopold II et Beernaert, t.II, p. 276, cité par :: L. GOTHIER et G.MOREAU, De 1848 à nos jours et synthèse d’histoire de Belgique, Histoire générale, t.IV, 2ème éd. H. Dessain, Liège-Paris 1960, p.383. (6) Extrait de : L.GOTHIER et G.MOREAU, op.cit., p.382. (7) Extrait de : Edm. PICARD, Histoire du suffrage censitaire en Belgique depuis 1830, p.180, cité par : L.GOTHIER et G.MOREAU, op.cit., p.384. (8) D’après Luc SCHEPENS, Albert 1er et le gouvernement Broqueville 1914-1918, Aux origines de la question communautaire, éd. Duculot Paris-Gembloux 1983, pp. 223 et stes. (9) D’après Florence MATTEAZZI, Les bourgmestres de l’entité louviéroise depuis 1830, dans : La Louvière aux urnes, Vies et combats politiques dans l’entité louviéroise du 19ème siècle à l’an 2000, AVLL 2007 pp. 260-262. (10) D’après Thierry DELPLANCQ, A qui perd gagne ! les élections communales entre 1895 et 2000, dans : La Louvière aux urnes, op.cit., pp 263 et stes.