père noël, levi-strauss, 1952

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  • 7/24/2019 Pre Nol, Levi-Strauss, 1952

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    Claude Lvi-StraussProfesseur honoraire au Collge de France (chaire danthropologie sociale)Memre de l!cadmie fran"aise

    (#$%&)

    'Le Pre olsupplici*

    +n document produit en version numri,ue par osiane .oidas/ nvole/Professeure danthropologie au Collge !huntsicCourriel01osiane2roidas3collegeahuntsic2,c2ca

    4ans le cadre de0 5Les classi,ues des sciences sociales5+ne ilioth,ue numri,ue fonde et dirige par ean-Marie 6remla7/

    professeur de sociologie au Cgep de ChicoutimiSite 8e0http099classi,ues2u,ac2ca9

    +ne collection dveloppe en collaoration avec la :ilioth,uePaul-;mile-:oulet de l Chicoutimi

    Site 8e0 http099iliothe,ue2u,ac2ca9

    mailto:[email protected]:[email protected]://classiques.uqac.ca/http://classiques.uqac.ca/http://bibliotheque.uqac.ca/mailto:[email protected]://classiques.uqac.ca/http://bibliotheque.uqac.ca/
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    Claude Lvi-Strauss/ 'L? P@.? ABL S+PPLC;2* (#$%&) &

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    Claude Lvi-Strauss/ 'L? P@.? ABL S+PPLC;2* (#$%&) D

    Cette dition lectroni,ue a t ralise par osiane .oidas/ nvole/ professeuredanthropologie au Collge !huntsic > partir de 0

    Courriel01osiane2roidas3collegeahuntsic2,c2ca

    Claude Lvi-Strauss

    Le Pre Nol supplici ,

    n revueLes Temps Modernes/ no EE/ #$%&/ p2 #%E&-#%$2

    Courriel 01osiane2roidas3collegeahuntsic2,c2ca

    Polices de caractres utilise 0

    Pour le teGte0 6imes e8 .oman/ #& points2Pour les citations 0 6imes e8 .oman/ #& points2Pour les notes de as de page 0 6imes e8 .oman/ # points2

    ;dition lectroni,ue ralise avec le traitement de teGtes Microsoft Hord &Ipour Macintosh2

    Mise en page sur papier format 0 L?66.? (+S letter)/ I2% G ##)

    ;dition numri,ue ralise le #$ dcemre # > Montral/province de =uec/ Canada2

    mailto:[email protected]:[email protected]:[email protected]:[email protected]:[email protected]
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    Claude Lvi-Strauss/ 'L? P@.? ABL S+PPLC;2* (#$%&) J

    Claude Lvi-Strauss

    Professeur honoraire au Collge de France (chaire danthropologie sociale)Memre de l!cadmie fran"aise

    'Le Pre ol supplici*

    +n article puli dans Les Temps Modernes2 no EE/ #$%&/ p2 #%E&-#%$2

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    Claude Lvi-Strauss/ 'L? P@.? ABL S+PPLC;2* (#$%&) %

    Kp2 #%E&

    Claude Lvi-Strauss

    Le Pre Nol supplici.

    +n article puli dans Les Temps Modernes2 no EE/ #$%&/ p2 #%E&-#%$2

    Les ftes de ol #$%# auront t mar,ues/ en France/ par une polmi,ue >la,uelle la presse et lopinion semlent stre montres fort sensiles et ,ui aintroduit dans latmosphre 1o7euse haituelle > cette priode de lanne une notedaigreur inusite2 4epuis plusieurs mois d1>/ les autorits ecclsiasti,ues/ par laouche de certains prlats/ avaient eGprim leur dsapproation de limportancecroissante accorde par les familles et les commer"ants au personnage du Preol2 ?lles dnon"aient une N paganisation O in,uitante de la Fte de la ativit/dtournant lesprit pulic du sens proprement chrtien de cette commmoration/au profit dun m7the sans valeur religieuse2 Ces atta,ues se sont dveloppes > laveille de ol avec plus de discrtion sans doute/ mais autant de fermet/ l;gliseprotestante a 1oint sa voiG > celle de l;glise catholi,ue2 41>/ des lettres delecteurs et des articles apparaissaient dans les 1ournauG et tmoignaient/ dans dessens divers mais gnralement hostiles > la position ecclsiasti,ue/ de lintrtveill par cette affaire2 ?nfin/ le point culminant fut atteint le &J dcemre/ >loccasion dune manifestation dont le correspondant du 1ournal France-Soir arendu compte en ces termes 0

    4?Q!6 L?S ?F!6S 4?S P!6.A!R?SL? P@.? ABL ! ;6; :.L; S+. L? P!.QS 4? L!

    C!6T;4.!L? 4? 4A4i1on/ &J dcemre (dp2France-Soir2)

    N Le Pre ol a t pendu hier aprs-midi auG grilles de la cathdrale de 4i1onet rUl puli,uement sur le Kp2 #%ED parvis2 Cette eGcution spectaculaire sestdroule en prsence de plusieurs centaines denfants des patronages2 ?lle avait tdcide avec laccord du clerg ,ui avait condamn le Pre ol comme usurpateur

    et hrti,ue2 l avait t accus de paganiser la fte de ol et de s7 tre installcomme un coucou en prenant une place de plus en plus grande2 An lui reprochesurtout de stre introduit dans toutes les coles puli,ues doV la crche estscrupuleusement annie2

    4imanche > trois heures de laprs-midi/ le malheureuG onhomme > arelanche a pa7 comme eaucoup dinnocents une faute dont staient renduscoupale ceuG ,ui applaudiront > son eGcution2 Le feu a emras sa are et il sestvanoui dans la fume2

    W lissue de leGcution/ un communi,u a t puli dont voici lessentiel 0

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    Claude Lvi-Strauss/ 'L? P@.? ABL S+PPLC;2* (#$%&) X

    Reprsentant tous les foyers chrtiens de la paroisse dsireux de lutter contre lemensonge, 250 enfants, groups devant la porte principale de la cathdrale deDion, ont !r"l le #$re %o&l'

    (l ne s)agissait pas d)une attraction, mais d)un geste sym!oli*ue' +e #$re %o&la t sacrifi en holocauste' la vrit, le mensonge ne peut veiller le sentiment

    religieux che l)enfant et n)est en aucune fa.on une mthode d)ducation' /ued)autres disent et crivent ce *u)ils veulent et fassent du #$re %o&l le contrepoids du#$re Fouettard'

    #our nous, chrtiens, la fte de %o&l doit rester la fte anniversaire de lanaissance du Sauveur'

    LeGcution du Pre ol sur le parvis de la cathdrale a t diversementapprcie par la population et a provo,u de vifs commentaires mme cheY lescatholi,ues2

    4ailleurs/ cette manifestation intempestive ris,ue davoir des suites imprvuespar ses organisateurs2

    Laffaire partage la ville en deuG camps2

    4i1on attend la rsurrection du Pre ol/ assassin hier sur le parvis de lacathdrale2 l ressuscitera ce soir/ Kp2 #%EJ > diG-huit heures/ > lTZtel de Qille2 +ncommuni,u officiel a annonc/ en effet/ ,uil convo,uait/ comme cha,ue anne/ lesenfants de 4i1on place de la Liration et ,uil leur parlerait du haut des toits delTZtel de Qille oV il circulera sous les feuG des pro1ecteurs2

    Le chanoine [ir/ dput-maire de 4i1on/ se serait astenu de prendre parti danscette dlicate affaire2 O

    Le 1our mme/ le supplice du Pre ol passait au premier rang de lactualitpas un 1ournal ,ui ne comment\t lincident/ certains mme ] comme France-Soird1> cit et/ on le sait/ le plus fort tirage de la presse fran"aise ] allant 1us,u> luiconsacrer lditorial2 4une fa"on gnrale/ lattitude du clerg di1onnais est

    dsapprouve > tel point/ semle-t-il/ ,ue les autorits religieuses ont 1ug on deattre en retraite/ ou tout au moins doserver une rserve discrte on dit pourtantnos ministres diviss sur la ,uestion2 Le ton de la plupart des articles est celuidune sensilerie pleine de tact 0 il est si 1oli de croire au Pre ol/ cela ne fait demal > personne/ les enfants en tirent de grandes satisfactions et font provision dedlicieuG souvenirs pour l\ge mUr/ etc2 ?n fait/ on fuit la ,uestion au lieu d7rpondre/ car il ne sagit pas de 1ustifier les raisons pour les,uelles le Pre olpla^t auG enfants/ mais ien celles ,ui ont pouss les adultes > linventer2 =uoi,uil en soit/ ces ractions sont si unanimes ,uon ne saurait douter ,uil 7 ait/ surce point/ un divorce entre lopinion puli,ue et l;glise2 Malgr le caractreminime de lincident/ le fait est dimportance/ car lvolution fran"aise depuis

    lAccupation avait fait assister > une rconciliation progressive dune opinionlargement incro7ante avec la religion 0 laccession auG conseils gouvernementauGdun parti politi,ue aussi nettement confessionnel ,ue le M2.2P2 en fournit unepreuve2 Les anticlricauG traditionnels se sont dailleurs aper"u Ksic de loccasioninespre ,ui leur tait offerte 0 ce sont euG/ > 4i1on et ailleurs/ ,ui simprovisentprotecteurs du Pre ol menac2 Le Pre ol/ s7mole de lirreligion/ ,uelparadoGe_ Car/ dans cette affaire/ tout se passe comme si ctait l;glise ,uiadoptait un esprit Kp2 #%E% criti,ue avide de franchise et de vrit/ tandis ,ue les

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    rationalistes se font les gardiens de la superstition2 Cette apparente inversion desrZles suffit > suggrer ,ue cette na`ve affaire recouvre des ralits plus profondes2ous sommes en prsence dune manifestation s7mptomati,ue dune trs rapidevolution des murs et des cro7ances/ daord en France/ mais sans doute aussi

    ailleurs2 Ce nest pas tous les 1ours ,ue lethnologue trouve ainsi loccasiondoserver/ dans sa propre socit/ la croissance suite dun rite/ et mme dunculte den rechercher les causes et den tudier limpact sur les autres formes dela vie religieuse enfin dessa7er de comprendre > ,uelles transformationsdensemle/ > la fois mentales et sociales/ se rattachent des manifestations visilessur les,uelles l;glise ] forte dune eGprience traditionnelle en ces matires ] nesest pas trompe/ au moins dans la mesure oV elle se ornait > leur attriuer unevaleur significative2

    bbb

    4epuis trois ans environ/ cest->-dire depuis ,ue lactivit conomi,ue estredevenue > peu prs normale/ la clration de ol a pris en France uneampleur inconnue avant guerre Ksic2 l est certain ,ue ce dveloppement/ tant parson importance matrielle ,ue par les formes sous les,uelles il se produit/ est unrsultat direct de linfluence et du prestige des ;tats-+nis d!mri,ue2 !insi/ on avu simultanment appara^tre les grands sapins dresss auG carrefours ou sur lesartres principales/ illumins la nuit les papiers demallage historis pourcadeauG de ol les cartes de vuG > vignette/ avec lusage de les eGposerpendant la semaine fatidi,ue sur la chemine du rcipiendaire les ,utes de

    l!rme du Salut suspendant ses chaudrons en guise de siles sur les places etles rues enfin les personnages dguiss en Pre ol pour recevoir les suppli,uesdes enfants dans les grands magasins2 6ous ces usages ,ui paraissaient/ il 7 a,uel,ues annes encore/ purils et aro,ues au Fran"ais visitant les ;tats-+nis/ etcomme lun des signes les plus vidents de lincompatiilit foncire entre Kp2#%EX les deuG mentalits/ se sont implants et acclimats en France avec uneaisance et une gnralit ,ui sont une le"on > mditer pour lhistorien descivilisations2

    4ans ce domaine/ comme aussi dans dautres/ on est en train dassister > unevaste eGprience de diffusion/ pas trs diffrente sans doute de ces phnomnesarcha`,ues ,ue nous tions haitus > tudier daprs les lointains eGemples du

    ri,uet > piston ou de la pirogue > alancier2 Mais il est plus facile et plus difficile> la fois de raisonner sur des faits ,ui se droulent sous nos 7euG et dont notrepropre socit est le th\tre2 Plus facile/ puis,ue la continuit de leGprience estsauvegarde/ avec tous ses moments et chacune de ses nuances plus difficileaussi/ car cest dans de telles et trop rares occasions ,uon saper"oit de leGtrmecompleGit des transformations sociales/ mme les plus tnues et parce ,ue lesraisons apparentes ,ue nous prtons auG vnements dont nous sommes lesacteurs sont fort diffrentes des causes relles ,ui nous 7 assignent un rZle2

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    !insi/ il serait trop simple deGpli,uer le dveloppement de la clration deol en France par la seule influence des ;tats-+nis2 Lemprunt est un fait/ maisil ne porte ,ue trs incompltement ses raisons avec lui2 ;numrons rapidementcelles ,ui sont videntes 0 il 7 a davantage d!mricains en France/ ,ui clrent

    ol > leur manire le cinma/ les N digests O et les romans amricains/ certainsreportages aussi des grands 1ournauG/ ont fait conna^tre les murs amricaines/ etcelles-ci nficient du prestige ,ui sattache > la puissance militaire etconomi,ue des ;tats-+nis il nest mme pas eGclu ,ue le plan Marshall aitdirectement ou indirectement favoris limportation de ,uel,ues marchandiseslies auG rites de ol2 Mais tout cela serait insuffisant > eGpli,uer le phnomne24es coutumes importes des ;tats-+nis simposent mme > des couches de lapopulation ,ui ne sont pas conscientes de leur origine les milieuG ouvriers/ oVlinfluence communiste discrditerait plutZt tout ce ,ui porte la mar,ue made in1'S''/ les adoptent aussi volontiers ,ue les autres2 ?n plus de la diffusion simple/il convient donc dvo,uer ce processus si important ,ue [roeer/ ,ui la identifi

    daord/ a Kp2 #%EE nomm diffusion par stimulation (stimulation diffusion) 0lusage import nest pas assimil/ il 1oue plutZt le rZle de catal7seur cest->-dire,uil suscite/ par sa seule prsence/ lapparition dun usage analogue ,ui tait d1>prsent > ltat potentiel dans le milieu secondaire2 llustrons ce point par uneGemple ,ui touche directement > notre su1et2 Lindustriel faricant de papier ,uise rend auG ;tats-+nis/ invit par ses collgues amricains ou memre dunemission conomi,ue/ constate ,uon 7 fari,ue des papiers spciauG pouremallages de ol il emprunte cette ide/ cest un phnomne de diffusion2 Lamnagre parisienne ,ui se rend dans la papeterie de son ,uartier pour acheter lepapier ncessaire > lemallage de ses cadeauG aper"oit dans la devanture despapiers plus 1olis et deGcution plus soigne ,ue ceuG dont elle se contentait elle

    ignore tout de lusage amricain/ mais ce papier satisfait une eGigence esthti,ueet eGprime une disposition affective d1> prsentes/ ien ,ue prives de mo7endeGpression2 ?n ladoptant/ elle nemprunte pas directement (comme lefaricant) une coutume trangre/ mais cette coutume/ sitZt connue/ stimule cheYelle la naissance dune coutume identi,ue2

    ?n second lieu/ il ne faudrait pas oulier ,ue/ ds avant la guerre/ laclration de ol suivait en France et dans toute l?urope une marcheascendante2 Le fait est daord li > lamlioration progressive du niveau de viemais il comporte aussi des causes plus sutiles2 !vec les traits ,ue nous luiconnaissons/ ol est essentiellement une fte moderne et cela malgr lamultitude de ses caractres archa`sants2 Lusage du gui nest pas/ au moins

    immdiatement/ une survivance druidi,ue/ car il para^t avoir t remis > la modeau mo7en \ge2 Le sapin de ol nest mentionn nulle part avant certains teGtesallemands du Qesicle il passe en !ngleterre au Qesicle/ en France aueseulement2 Littr para^t mal le conna^tre/ ou sous une forme asseY diffrentede la nZtre puis,uil le dfinit (art2 ol) comme se disant N dans ,uel,ues pa7s/dune ranche de sapin ou de houG diversement orne/ garnie surtout de ononset de 1ou1ouG pour donner auG enfants/ ,ui sen font une fte O2 La diversit desnoms donns au personnage a7ant le rZle de Kp2 #%EI distriuer des 1ouets auG

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    enfants 0 Pre ol/ Saint icolas/ Santa Claus/ montre aussi ,uil est le produitdun phnomne de convergence et non un protot7pe ancien partout conserv2

    Mais le dveloppement moderne ninvente pas 0 il se orne > recomposer depices et de morceauG une vieille clration dont limportance nest 1amaiscompltement oulie2 Si/ pour Littr/ larre de ol est pres,ue une institutioneGoti,ue/ Cheruel note de fa"on significative/ dans son Dictionnaire 3istori*uedes (nstitutions, 4urs et 6outumes de la France (de laveu mme de son auteur/un remaniement du dictionnaire des !nti,uits ationales de Sainte Pala7e/ #X$E-#EI#) 0 N ol fut/ pendant plusieurs sicles et us*u)7 une po*ue rcente(cest nous ,ui soulignons)/ loccasion de r1ouissances de famille O suit unedescription des r1ouissances de ol au e sicle/ ,ui paraissent ne cder enrien auG nZtres2 ous sommes donc en prsence dun rituel dont limportance ad1> eaucoup fluctu dans lhistoire il a connu des apoges et des dclins2 Laforme amricaine nest ,ue le plus moderne de ces avatars2

    Soit dit en passant/ ces rapides indications suffisent > montrer comien il faut/devant des prolmes de ce t7pe/ se dfier des eGplications trop faciles par appelautomati,ue auG N vestiges O et auG N survivances O2 Sil n7 avait 1amais eu/ dansles temps prhistori,ues/ un culte des arres ,ui sest continu dans divers usagesfollori,ues/ l?urope moderne naurait sans doute pas N invent O larre deol2 Mais ] comme on la montr plus haut ] il sagit ien dune inventionrcente2 ?t cependant/ cette invention nest pas ne > partir de rien2 Car dautresusages mdivauG sont parfaitement attests 0 la Uche de ol (devenuep\tisserie > Paris) faite dun tronc asseY gros pour rUler toute la nuit les ciergesde ol/ dune taille propre > assurer le mme rsultat la dcoration des difices(depuis les Saturnalia romaines sur les,uelles nous reviendrons) avec des rameauG

    verdo7ants 0 lierre/ houG/ sapin enfin/ et sans relation aucune avec ol/ les.omans de la 6ale .onde font tat dun arre surnaturel tout couvert delumires2 4ans ce conteGte/ larre de ol appara^t comme une solution s7ncr-Kp2 #%E$ ti,ue/ cest->-dire concentrant dans un seul o1et des eGigences1us,ualors donnes > ltat dis1oint 0 arre magi,ue/ feu/ lumire durale/ verdurepersistante2 nversement/ le Pre ol est/ sous sa forme actuelle/ une crationmoderne et plus rcente encore la cro7ance (,ui olige le 4anemar > tenir unureau postal spcial pour rpondre > la correspondance de tous les enfants dumonde) ,ui le domicilie au Rroenland/ possession danoise/ et ,ui le veutvo7ageant dans un tra^neau attel de rennes2 An dit mme ,ue cet aspect de lalgende sest surtout dvelopp au cours de la dernire guerre/ en raison du

    stationnement de certaines forces amricaines en slande et au Rroenland2 ?tpourtant les rennes ne sont pas l> par hasard/ puis,ue des documents anglais de la.enaissance mentionnent des trophes de rennes promens > loccasion desdanses de ol/ cela antrieurement > toute cro7ance au Pre ol et plus encore> la formation de sa lgende2

    4e trs vieuG lments sont donc rasss et rerasss/ dautres sont introduits/on trouve des formules indites pour perptuer/ transformer ou revivifier desusages anciens2 l n7 a rien de spcifi,uement neuf dans ce ,uon aimerait

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    appeler/ sans 1eu de mots/ la renaissance de ol2 Pour,uoi donc suscite-t-elle unepareille motion et pour,uoi est-ce autour du personnage du Pre ol ,ue seconcentre lanimosit de certains

    bbb

    Le Pre ol est vtu dcarlate 0 cest un roi2 Sa are lanche/ ses fourrureset ses ottes/ le tra^neau dans le,uel il vo7age/ vo,uent lhiver2 An lappelleN Pre O et cest un vieillard/ donc il incarne la forme ienveillante de lautoritdes anciens2 6out cela est asseY clair/ mais dans ,uelle catgorie convient-il de leranger/ du point de vue de la t7pologie religieuse Ce nest pas un tre m7thi,ue/car il n7 a pas de m7the ,ui rende compte de son origine et de ses fonctions et cenest pas non plus un personnage de lgende puis,uaucun rcit semi-histori,ue

    ne lui est attach2 ?n fait/ cet tre surnaturel Kp2 #%I et immuale/ ternellementfiG dans sa forme et dfini par une fonction eGclusive et un retour priodi,ue/relve plutZt de la famille des divinits il re"oit dailleurs un culte de la part desenfants/ > certaines po,ues de lanne/ sous forme de lettres et de prires ilrcompense les ons et prive les mchants2 Cest la divinit dune classe d\ge denotre socit (classe d\ge ,ue la cro7ance au Pre ol suffit dailleurs >caractriser)/ et la seule diffrence entre le Pre ol et une divinit vritale est,ue les adultes ne croient pas en lui/ ien ,uils encouragent leurs enfants > 7croire et ,uils entretiennent cette cro7ance par un grand nomre dem7stifications2

    Le Pre ol est donc/ daord/ leGpression dun statut diffrentiel entre les

    petits enfants dune part/ les adolescents et les adultes de lautre2 W cet gard/ il serattache > un vaste ensemle de cro7ances et de prati,ues ,ue les ethnologues onttudies dans la plupart des socits/ > savoir les rites de passage et dinitiation2 l7 a peu de groupements humains/ en effet/ oV/ sous une forme ou sous une autre/les enfants (parfois aussi les femmes) ne soient eGclus de la socit des hommespar lignorance de certains m7stres ou la cro7ance ] soigneusement entretenue ]en ,uel,ue illusion ,ue les adultes se rservent de dvoiler au moment opportun/consacrant ainsi lagrgation des 1eunes gnrations > la leur2 Parfois/ ces ritesressemlent de fa"on surprenante > ceuG ,ue nous eGaminons en ce moment2Comment/ par eGemple/ ne pas tre frapp de lanalogie ,ui eGiste entre le Preol et les 8atchinades ndiens du Sud-Auest des ;tats-+nis Ces personnages

    costums et mas,us incarnent des dieuG et des anctres ils reviennentpriodi,uement visiter leur village pour 7 danser/ et pour punir ou rcompenserles enfants/ car on sarrange pour ,ue ceuG-ci ne reconnaissent pas leurs parentsou familiers sous le dguisement traditionnel2 Le Pre ol appartientcertainement > la mme famille/ avec dautres comparses maintenant re1ets >larrire-plan 0 Cro,uemitaine/ Pre Fouettard/ etc2 l est eGtrmement significatif,ue les mmes tendances ducationnelles ,ui proscrivent au1ourdhui lappel >des N atchina O punitives aient aouti > eGalter le personnage ienveillant du Kp2

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    #%I# Pre ol/ au lieu ] comme le dveloppement de lesprit positif etrationaliste aurait pu le faire supposer ] de lengloer dans la mmecondamnation2 l n7 a pas eu > cet gard de rationalisation des mthodesdducation/ car le Pre ol nest pas plus N rationnel O ,ue le Pre Fouettard

    (l;glise a raison sur ce point) 0 nous assistons plutZt > un dplacement m7thi,ue/et cest celui-ci ,uil sagit deGpli,uer2

    l est ien certain ,ue rites et m7thes dinitiation ont/ dans les socitshumaines/ une fonction prati,ue 0 ils aident les a^ns > maintenir leurs cadets danslordre et loissance2 Pendant toute lanne/ nous invo,uons la visite du Preol pour rappeler > nos enfants ,ue sa gnrosit se mesurera > leur sagesse etle caractre priodi,ue de la distriution des cadeauG sert utilement > disciplinerles revendications enfantines/ > rduire > une courte priode le moment oV ils ontvraiment droit> eGiger des cadeauG2 Mais ce simple nonc suffit > faire claterles cadres de leGplication utilitaire2 Car doV vient ,ue les enfants aient desdroits/ et ,ue ces droits simposent si imprieusement auG adultes ,ue ceuG-cisoient oligs dlaorer une m7thologie et un rituel coUteuG et compli,us pourparvenir > les contenir et > les limiter An voit tout de suite ,ue la cro7ance auPre ol nest pas seulement une mystification inflige plaisamment par lesadultes auG enfants cest/ dans une trs large mesure/ le rsultat dunetransaction fort onreuse entre les deuG gnrations2 l en est du rituel entiercomme des plantes vertes ] sapin/ houG/ lierre/ gui ] dont nous dcorons nosmaisons2 !u1ourdhui luGe gratuit/ elles furent 1adis/ dans ,uel,ues rgions aumoins/ lo1et dun changeentre deuG classes de la population 0 > la veille deol/ en !ngleterre/ 1us,u> la fin du Qesicle encore/ les femmes allaient agoodingcest->-dire ,utaient de maison en maison/ et elles fournissaient lesdonateurs de rameauG verts en retour2 ous retrouverons les enfants dans la mme

    position de marchandage/ et il est on de noter ici ,ue pour ,uter > la Sainticolas/ les enfants se dguisaient parfois en femmes 0 femmes/ enfants/ cest->-dire/ dans les deuG cas/ non-initis2

    Kp2 #%I&

    Ar/ il est un aspect fort important des rituels dinitiation au,uel on na pastou1ours prt une attention suffisante/ mais ,ui claire plus profondment leurnature ,ue les considrations utilitaires vo,ues au paragraphe prcdent2Prenons comme eGemple le rituel des atchina propre auG ndiens Puelo/ dontnous avons d1> parl2 Si les enfants sont tenus dans lignorance de la naturehumaine des personnages incarnant les atchina/ est-ce seulement pour ,uils les

    craignent ou les respectent/ et se conduisent en cons,uence Aui/ sans doute/mais cela nest ,ue la fonction secondaire du rituel car il 7 a une autreeGplication/ ,ue le m7the dorigine met parfaitement en lumire2 Ce m7theeGpli,ue ,ue les atchina sont les \mes des premiers enfants indignes/dramati,uement no7s dans une rivire > lpo,ue des migrations ancestrales2 Lesatchina sont donc/ > la fois/ preuve de la mort et tmoignage de la vie aprs lamort2 Mais il 7 a plus 0 ,uand les anctres des ndiens actuels se furent enfin fiGsdans leur village/ le m7the rapporte ,ue les atchina venaient cha,ue anne leur

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    rendre visite et ,uen partant elles emportaient les enfants2 Les indignes/dsesprs de perdre leur progniture/ otinrent des atchina ,uelles restassentdans lau-del>/ en change de la promesse de les reprsenter cha,ue anne aumo7en de mas,ues et de danses2 Si les enfants sont eGclus du m7stre des

    atchina/ ce nest donc pas/ daord ni surtout/ pour les intimider2 e diraisvolontiers ,ue cest pour la raison inverse 0 cest parce ,uilssontles atchina2 lssont tenus en dehors de la m7stification/ parce ,uils reprsentent la ralit avecla,uelle la m7stification constitue une sorte de compromis2 Leur place estailleurs 0 non pas avec les mas,ues et avec les vivants/ mais avec les 4ieuG etavec les morts avec les 4ieuG ,ui sont morts2 ?t les morts sont les enfants2

    ous cro7ons ,ue cette interprtation peut tre tendue > tous les ritesdinitiation et mme > toutes les occasions oV la socit se divise en deuG groupes2La N non-initiation O nest pas purement un tat de privation/ dfini parlignorance/ lillusion/ ou autres connotations ngatives2 Le rapport entre initis etnon-initis a un contenu positif2 Cest un rapport Kp2 #%ID complmentaire entredeuG groupes dont lun reprsente les morts et lautre les vivants2 !u cours mmedu rituel/ les rZles sont dailleurs souvent intervertis/ et > plusieurs reprises/ car ladualit engendre une rciprocit de perspectives ,ui/ comme dans le cas desmiroirs se faisant face/ peut se rpter > linfini 0 si les non-initis sont les morts/ce sont aussi des super-initis et si/ comme cela arrive souvent aussi/ ce sont lesinitis ,ui personnifient les fantZmes des morts pour pouvanter les novices/ cest> ceuG-ci ,uil appartiendra/ dans un stade ultrieur du rituel/ de les disperser et deprvenir leur retour2 Sans pousser plus avant ces considrations ,ui nousloigneraient de notre propos/ il suffira de se rappeler ,ue/ dans la mesure oV lesrites et les cro7ances lies au Pre ol relvent dune sociologie initiati,ue (etcela nest pas douteuG)/ ils mettent en vidence/ derrire lopposition entre enfants

    et adultes/ une opposition plus profonde entre morts et vivants2

    bbb

    ous sommes arrivs > la conclusion ,ui prcde par une anal7se purements7nchroni,ue de la fonction de certains rituels et du contenu des m7thes ,uiservent > les fonder2 Mais une anal7se diachroni,ue nous aurait conduit Ksic aumme rsultat2 Car il est gnralement admis par les historiens des religions et parles folloristes ,ue lorigine lointaine du Pre ol se trouve dans cet ! de

    Liesse/!!as Stultorum/ ! de la Malgouvern ,ui traduit eGactement langlais+ord of 4isrule/ tous personnages ,ui sont/ pour une dure dtermine/ rois deol et en ,ui on reconna^t les hritiers du roi des Saturnales de lpo,ueromaine2 Ar/ les Saturnales taient la fte des larvaecest->-dire des morts parviolence ou laisss sans spulture/ et derrire le vieillard Saturne dvoreurdenfants se profilent/ comme autant dimages s7mtri,ues/ le onhomme ol/ienfaiteur des enfants le uleo scandinave/ dmon cornu du monde souterrainporteur de cadeauG auG enfants Saint icolas ,ui les ressuscite et les comle de

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    prsents/ enfin les atchina/ enfants prcocement morts ,ui renoncent > leur Kp2#%IJ rZle de tueuses denfants pour devenir alternativement dispensatrices dech\timents ou de cadeauG2 !1outons ,ue/ comme les atchina/ le protot7pearcha`,ue de Saturne est un dieu de la germination2 ?n fait/ le personnage

    moderne de Santa Claus ou du Pre ol rsulte de la fusion s7ncrti,ue deplusieurs personnages 0 ! de Liesse/ v,ue-enfant lu sous linvocation deSaint icolas/ Saint icolas mme/ > la fte du,uel remontent directement lescro7ances relatives auG as/ auG souliers et auG chemines2 L! de Liessergnait le &% dcemre la Saint icolas a lieu le X dcemre les v,ues-enfantstaient lus le 1our des Saints nnocents/ cest->-dire le &I dcemre2 Le ulscandinave tait clr en dcemre2 ous sommes directement renvo7s > lali!ertas decem!risdont parle Torace et ,ue/ ds le Qesicle/ du 6illot avaitinvo,ue pour relier ol auG Saturnales2

    Les eGplications par survivance sont tou1ours incompltes car les coutumesne disparaissent ni ne survivent sans raison2 =uand elles susistent/ la cause sentrouve moins dans la viscosit histori,ue ,ue dans la permanence dune fonction,ue lanal7se du prsent doit permettre de dceler2 Si nous avons donn auGndiens Puelo une place prdominante dans notre discussion/ cest prcismentparce ,ue lasence de toute relation histori,ue concevale entre leurs institutionset les nZtres (si lon eGcepte certaines influences espagnoles tardives/ au Q e

    sicle) montre ien ,ue nous sommes en prsence/ avec les rites de ol/ non passeulement de vestiges histori,ues/ mais de formes de pense et de conduite ,uirelvent des conditions les plus gnrales de la vie en socit2 Les Saturnales et laclration mdivale de ol ne contiennent pas la raison dernire dun rituelautrement ineGplicale et dpourvu de signification mais elles fournissent unmatriel comparatif utile pour dgager le sens profond dinstitutions rcurrentes2

    l nest pas tonnant ,ue les aspects non chrtiens de la fte de olressemlent auG Saturnales/ puis,uon a de onnes raisons de supposer ,uel;glise a fiG la date de la ativit au &% dcemre (au lieu de mars ou de1anvier) pour sustituer sa commmoration auG ftes pa`ennes ,ui se droulaientKp2 #%I% primitivement le #E dcemre/ mais ,ui/ > la fin de l?mpire/stendaient sur sept 1ours/ cest->-dire 1us,uau &J2 ?n fait/ depuis l!nti,uit1us,uau mo7en \ge/ les N ftes de dcemre O offrent les mmes caractres24aord la dcoration des difices avec des plantes vertes ensuite les cadeauGchangs/ ou donns auG enfants la ga^t et les festins enfin la fraternisationentre les riches et les pauvres/ les ma^tres et les serviteurs2

    =uand on anal7se les faits de plus prs/ certaines analogies de structuregalement frappantes apparaissent2 Comme les Saturnales romaines/ la olmdivale offre deuG caractres s7ncrti,ues et opposs2 Cest daord unrassemlement et une communion 0 la distinction entre les classes et les tats esttemporairement aolie/ esclaves ou serviteurs sasse7ent > la tale des ma^tres etceuG-ci deviennent leurs domesti,ues les tales/ richement garnies/ sont ouvertes> tous les seGes changent les vtements2 Mais en mme temps/ le groupe socialse scinde en deuG 0 la 1eunesse se constitue en corps autonome/ elle lit son

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    souverain/ a de la 1eunesse/ ou/ comme en ;cosse/ a!!ot of unreason et/comme ce titre lindi,ue/ elle se livre > une conduite draisonnale se traduisantpar des aus commis au pr1udice du reste de la population et dont nous savons,ue/ 1us,u> la .enaissance/ ils prenaient les formes les plus eGtrmes 0

    lasphme/ vol/ viol et mme meurtre2 Pendant la ol comme pendant lesSaturnales/ la socit fonctionne selon un doule r7thme de solidarit accrueetdantagonisme exacer!et ces deuG caractres sont donns comme un coupledoppositions corrlatives2 Le personnage de l! de Liesse effectue une sortede mdiation entre ces deuG aspects2 l est reconnu et mme intronis par lesautorits rgulires sa mission est de commander les eGcs tout en les contenantdans certaines limites2 =uel rapport 7 a-t-il entre ce personnage et sa fonction/ etle personnage et la fonction du Pre ol/ son lointain descendant

    l faut ici distinguer soigneusement entre le point de vue histori,ue et le pointde vue structural2 Tistori,uement/ nous lavons dit/ le Pre ol de l?uropeoccidentale/ sa prdilection pour les chemines et pour les chaussures/ rsultentpure- Kp2 #%IX ment et simplement dun dplacement rcent de la fte de Sainticolas/ assimile > la clration de ol/ trois semaines plus tard2 Cela nouseGpli,ue ,ue le 1eune a soit devenu un vieillard mais seulement en partie/ carles transformations sont plus s7stmati,ues ,ue le hasard des conneGionshistori,ues et calendaires ne russirait > le faire admettre2 +n personnage rel estdevenu un personnage m7thi,ue une manation de la 1eunesse/ s7molisant sonantagonisme par rapport auG adultes/ sest change en s7mole de l\ge mUr dontil traduit les dispositions ienveillantes envers la 1eunesse lapZtre de linconduiteest charg de sanctionner la onne conduite2 !uG adolescents ouvertementagressifs envers les parents se sustituent les parents se cachant sous une fausseare pour comler les enfants2 Le mdiateur imaginaire remplace le mdiateur

    rel/ et en mme temps ,uil change de nature/ il se met > fonctionner dans lautresens2

    ;cartons tout de suite un ordre de considrations ,ui ne sont pas essentiellesau dat mais ,ui ris,uent dentretenir la confusion2 La N 1eunesse O a largementdisparu/ en tant ,ue classe d\ge/ de la socit contemporaine (ien ,uon assistedepuis ,uel,ues annes > certaines tentatives de reconstitution dont il est trop tZtpour savoir ce ,uelles donneront)2 +n rituel ,ui se distriuait 1adis entre troisgroupes de protagonistes 0 petits enfants/ 1eunesse/ adultes/ nen impli,ue plusau1ourdhui ,ue deuG (au moins en ce ,ui concerne ol) 0 les adultes et lesenfants2 La N draison O de ol a donc largement perdu son point dappui elle

    sest dplace/ et en mme temps attnue 0 dans le groupe des adultes elle survitseulement/ pendant le .veillon au caaret et/ durant la nuit de la Saint S7lvestre/sur 6ime S,uare2 Mais eGaminons plutZt le rZle des enfants2

    !u mo7en \ge/ les enfants nattendent pas dans une patiente eGpectative ladescente de leurs 1ouets par la chemine2 Rnralement dguiss et forms enandes ,ue le vieuG fran"ais nomme/ pour cette raison/ N guisarts O/ ils vont demaison en maison/ chanter et prsenter leurs vuG/ recevant en change des fruits

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    et des g\teauG2 Fait significatif/ ils vo,uent la mort Kp2 #%IE pour faire valoirleur crance2 !insi au Qe sicle/ en ;cosse ils chantent ce couplet 0

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    Rise up, good 9ife, and !e no) s9ier :lay; moins ,ue ceuG-ci ne rdiment leur reposau mo7en de menus prsents2 Le progrs de lautomne/ depuis son dut 1us,uausolstice ,ui mar,ue le sauvetage de la lumire et de la vie/ saccompagne donc/sur le plan rituel/ dune dmarche dialecti,ue dont les principales tapes sont 0 leretour des morts/ leur conduite mena"ante et perscutrice/ ltalissement dunmodus vivendiavec les vivants fait dun change de services et de prsents/ enfinle triomphe de la vie ,uand/ > la ol/ les morts comls de cadeauG ,uittent lesvivants pour les laisser en paiG 1us,uau prochain automne2 l est rvlateur ,ue

    les Kp2 #%II pa7s latins et catholi,ues/ 1us,uau sicle dernier/ aient mis laccentsur la Saint icolas/ cest->-dire sur la forme la plus mesure de la relation/ tandis,ue les pa7s anglo-saGons la ddoulent volontiers en ses deuG formes eGtrmeset antithti,ues de Tallo8een oV les enfants 1ouent les morts pour se faireeGacteur des adultes/ et de Christmas oV les adultes comlent les enfants poureGalter leur vitalit2

    bbb

    4s lors/ les caractres apparemment contradictoires des rites de ol

    sclairent 0 pendant trois mois/ la visite des morts cheY les vivants stait faite deplus en plus insistante et oppressive2 Pour le 1our de leur cong/ on peut donc sepermettre de les fter et de leur fournir une dernire occasion de se manifesterlirement/ ou/ comme dit si fidlement langlais/ to raise hell2 Mais ,ui peut

    # Cit2 par 2 :rand/ >!servations on #opular nti*uities/ n2 d2/ London/ #$/ p2 &JD2& Qoir sur ce point !2 Qaragnac/ 6ivilisation traditionnelle et genres de vie/ Paris/ #$JI/ p2

    $&/2 #&& etpassim2

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    personnifier les morts/ dans une socit de vivants/ sinon tous ceuG ,ui/ dunefa"on ou de lautre/ sont incompltement incorpors au groupe/ cest->-direparticipent de cette altrit,ui est la mar,ue mme du suprme dualisme 0 celuides morts et des vivants e nous tonnons donc pas de voir les trangers/ les

    esclaves et les enfants devenir les principauG nficiaires de la fte2 Linfrioritde statut politi,ue ou social/ lingalit des \ges fournissent > cet gard descritres ,uivalents2 ?n fait/ nous avons dinnomrales tmoignages/ surtoutpour les mondes scandinave et slave/ ,ui dclent le caractre propre du rveillondtre un repas offert auG morts/ oV les invits tiennent le rZle des morts/ commeles enfants tiennent celui des anges/ et les anges euG-mmes/ des morts2 l nestdonc pas surprenant ,ue ol et le ouvel !n (son doulet) soient des ftes >cadeauG 0 la fte des morts est essentiellement la fte des autres/ puis,ue le faitdtre autre est la premire image approche ,ue nous puissions nous faire de lamort2

    ous voici en mesure de donner rponse auG deuG ,uestions poses au dutde cette tude2 Pour,uoi le personnage du Kp2 #%I$ Pre ol se dveloppe-t-il/ etpour,uoi l;glise oserve-t-elle ce dveloppement avec in,uitude

    An a vu ,ue le Pre ol est lhritier/ en mme temps ,ue lantithse/ del! de 4raison2 Cette transformation est daord lindice dune amliorationde nos rapports avec la mort nous ne 1ugeons plus utile/ pour tre ,uitte Ksic avecelle/ de lui permettre priodi,uement la suversion de lordre et des lois2 Larelation est domine maintenant par un esprit de ienveillance un peuddaigneuse nous pouvons tre gnreuG/ prendre linitiative/ puis,uil ne sagitplus ,ue de lui offrir des cadeauG/ et mme des 1ouets/ cest->-dire des s7moles2Mais cet affailissement de la relation entre morts et vivants ne se fait pas auG

    dpens du personnage ,ui lincarne 0 on dirait au contraire ,uil ne sen dveloppe,ue mieuG cette contradiction serait insolule si lon nadmettait ,uune autreattitude vis->-vis de la mort continue de faire son chemin cheY noscontemporains 0 faite/ non peut-tre de la crainte traditionnelle des esprits et desfantZmes/ mais de tout ce ,ue la mort reprsente/ par elle-mme/ et aussi dans lavie/ dappauvrissement/ de scheresse et de privation2 nterrogeons-nous sur lesoin tendre ,ue nous prenons du Pre ol sur les prcautions et les sacrifices,ue nous consentons pour maintenir son prestige intact auprs des enfants2 est-ce pas ,uau fond de nous veille tou1ours le dsir de croire/ aussi peu ,ue ce soit/en une gnrosit sans contrZle/ une gentillesse sans arrire-pense en un refintervalle durant le,uel sont suspendus Ksic toute crainte/ toute envie et toute

    amertume Sans doute ne pouvons-nous partager pleinement lillusion mais ce,ui 1ustifie nos efforts/ cest ,uentretenue cheY dautres/ elle nous procure aumoins loccasion de nous rchauffer > la flamme allume dans ces 1eunes \mes2La cro7ance oV nous gardons nos enfants ,ue leurs 1ouets viennent de lau-del>apporte un alii au secret mouvement ,ui nous incite/ en fait/ > les offrir > lau-del> sous prteGte de les donner auG enfants2 Par ce mo7en/ les cadeauG de olrestent un sacrifice vritale > la douceur de vivre/ la,uelle consiste daord > nepas mourir2

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    !vec eaucoup de profondeur/ Salomon .einach a crit une Kp2 #%$ fois ,uela grande diffrence entre religions anti,ues et religions modernes tient > ce ,ueN les pa`ens priaient les morts/ tandis ,ue les chrtiens prient pour les morts O D2Sans doute 7 a-t-il loin de la prire auG morts > cette prire toute mle de

    con1urations/ ,ue cha,ue anne et de plus en plus/ nous adressons auG petitsenfants ] incarnations traditionnelles des morts ] pour ,uils consentent/ encro7ant au Pre ol/ > nous aider > croire en la vie2 ous avons pourtantdrouill les fils ,ui tmoignent de la continuit entre ces deuG eGpressionsdune identi,ue ralit2 Mais l;glise na certainement pas tort ,uand ellednonce/ dans la cro7ance au Pre ol/ le astion le plus solide/ et lun desfo7ers les plus actifs du paganisme cheY lhomme moderne2 .este > savoir silhomme moderne ne peut pas dfendre lui aussi ses droits dtre pa`en2 Faisons/en terminant/ une dernire remar,ue 0 le chemin est long du roi des Saturnales au:onhomme ol en cours de route/ un trait essentiel ] le plus archa`,ue peut-tre] du premier semlait stre dfinitivement perdu2 Car FraYer a 1adis montr ,ue

    le roi des Saturnales est lui-mme lhritier dun protot7pe plus ancien ,ui/ aprsavoir personnifi le roi Saturne et stre/ pendant un mois/ permis tous les eGcs/tait solennellement sacrifi sur lautel du 4ieu2 Rr\ce > lautodaf de 4i1on/voici donc le hros reconstitu avec tous ses caractres/ et ce nest pas le moindreparadoGe de cette singulire affaire ,uen voulant mettre fin au Pre ol/ lesecclsiasti,ues di1onnais naient fait ,ue restaurer dans sa plnitude/ aprs uneclipse de ,uel,ues millnaires/ une figure rituelle dont ils se sont ainsi chargs/sous prteGte de la dtruire/ de prouver euG-mmes la prennit2

    Claude L;Q-S6.!+SS2

    A6? 4? L! .;4!C6A2 ] ous eGprimons nos remerciements > larevuenhem!ide So Paulo (:rsil) et > son directeur M2 Paulo 4uarte ,ui ontien voulu nous autoriser > pulier le teGte fran"ais original de cette tude dont ilsse sont rserv leGclusivit en langue portugaise2

    Fin du teGte

    D S2 .einach/ LArigine des prires pour les morts/ dans 0 6ultes, 4ythes, Religions/ Paris/#$%/ 6ome / p2 D#$2