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Penseurs revolutionnairesroumains de 1804 a 1830

Conference donnée a Paris, a laSociete de la Revolution française

(19 mars 1934)

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Penseurs revolutionnaires roumains de 1804 a 1830Conference donnée a Paris, a la Societe de la Revolution française

(19 mars 1934).

I.

Dans une conference que j'ai donnée ici meme, l'année passée,j'ai essayé de montrer la facon dont les idées de la Revolutionfrancaise et les tendances de la philosophie du XVIII-e siecleaussi ont été acceptdes non seulement du côté de la Roumanie,mais du Sud-Est europeen en entier, et j'ai cherche a créer descategories pour faire voir la fawn dont ces idées ont eu uneinfluence sur certaines classes de la population, d'origine diffé-rente, qui habitait le Sud-Est de l'Europe. je crois que des idéesse sont detachées, qu'on peut retenir ; c'est-a-dire que l'actionsur l'aristocratie, dans laquelle ii y avait beaucoup de Grecs, etde grecises, et surtout beaucoup de francisés, que cette action aété tres importante et qu'elle s'est maintenue dans le monde pha-nariote comprenant de grands interpretes a Constantinople, desprinces de Moldavie et de Valachie, des boYars qui venaient etpartaient avcc ces princes.L Des le commencement, grace a une longue preparation par lalecture, surtout par la lecture des journaux, il y a eu une pro-fonde penetration de ces idées de Revolution et le desk, bienentendu, de changer les institutiOns de ces différents pays defacon a ce qu'elles puissent correspondre aux nouvelles theoriesqui avaient ét,ecproclamées en Occident.

j'ai montré l'exiAtence d'une bourgeoisie, d'une bourgeoisiequi était en grande partie grecque., et qui avait des relations,d'un cOté avec Constantinople et Smyrne, d'autres centres aussi,d'Asie Mineure, de Syrie, et en meme temps avec Triest, Lon-dres, Philadelphie ; de sorte que cette bourgeoisie, parmi laquelle

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ii y a vait beaucoup de professeurs, formait le second elementqui pouvait etre influence par les nouvelles conceptions. sJ

Cette fois, je ne songe pas a m'étendre sur l'ensemble de cemonde du Sud-Est européen ; je préfere reserver les Roumains,et les reserver pour une seule epoque, c'est-a-dire jusque vers1830. je dirai quelle est la raison de cette limite chronologiqueque j'entends fixer, mais, avant de dire pourquoi ii faut s'arretera 1830, je crois nécessaire, pour ecarter toute idée de limitationde mon champ d'études qui serait déterminee par des raisons person-nelles, sentimentales, patriotiques, d'expliquer qu'il faut cherchersurtout du cOte des Roumains, apres le commencement du XIX-esiecle, pour la raison suivante.

Dans les autres pays qui ont participe a ce changement, ii ya eu des mouvements populaires, ou des manifestations venantdes classes intellectuelles, meme des actions. Ainsi l'action serbeen 1804, la revolte de Carageorges, avec tout ce qu'elle a amenepour le developpement de la nation ; ii y a eu, pour les Grecs,surtout le grand mouvement de 1821, qui s'est continue et quia amend la creation du royaume de Grece, ce qui ne signifiaitqu'une tres faible partie de ce qui devait etre, non seulement lanouvelle Grece, mais le nouvel bat chrétien, qui aurait été unegrande Puissance remplacant l'autre, ayant sa capitale a Cons-tantinople meme et contenant en meme temps Grecs, Slaves,Roumains.

II y a eu donc des mouvements, mais un mouvement politi-que, provoque par des idées, c'est une chose, et autre chose estla continuation dans l'élaboration des idees, avec ou sans lemouvement revolutionnaire, avec ou sans le résultat de ce mou-vement.

Mais on a, dans certains pays, la continuation de cette pour-suite des nouvelles conceptions. C'est-a-dire la continuation destentatives de les mettre en pratique. Or ceci on ne le trouve pasdu côté serbe, et on le trouve beaucoup moins que chez lesRoumains, du cOté grec.

je vais m'expliquer aussitOt sur la raison pour laquelle lespays roumains ont éte privilegies, car d'un côté on y voitjusque vers 1830 des projets de réforme appuyes sur l'ideologiede ces penseurs, tandis que, de l'autre cOte, on chercherait vai-

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C.

Penseurs révolutionnaires romains de 1804 a 1830 7

nement des manifestations pouvant ressembler a celles, tres nom-breuses, qu'on peut trouver du cOté des Roumains.

La revolution serbe a ete une revolution paysanne. Les pay-sans seuls ont ete melds au mouvement. L'Etat qui en est résultéa eté en premier lieu paysan, ce qui represente, sans doute, untres grand, avantage pour le developpement de la nation. L'Etata été un Etat de paysans parce que tout ce monde rural aparticipe a la guerre de Carageorges et un Miloch Obrenovitchn'a fait que continuer l'oeuvre de son predecesseur. 11 en estrésulté une formation politique, d'un caractere tout a fait original,dans laquelle les paysans ont toujours eu le premier rtile. C'estleur voix qu'on sent, et la principauté qui en est result& n'adone rien ni d'ideologique, ni d'aristocratique.

Car comment veut-on, avec les quelques intellectuels, quivenaient surtout du côtd du Banat hongrois, qui a vaient faitleur apprentissage a Vienne, comme celui qui a donne le pre-mier journal publie en serbe , comment veut-on, avec un trespetit nombre de personnes, n'ayant pas des relations trop etroitesavec le propre monde national, puisqu'elles appartenaient a uneculture de caractere occidental, venue de France et pass& parVienne, et alors que les paysans ont conserve les anciennes tra-ditions, comment veut-on que Pelaboration des idées continue ?

Du cOté des Grecs, il y a eu une longue guerre, qui a aminela nation. Plus d'une dizaine d'années pendant lesquelles on sedemandait quel sera le résultat dernier de la revolution.

En outre, la grande ville grecque etait Constantinople ; orConstantinople, apres la revolte des Phanariotes a ete ensan-glantee par la revanche turque. On a depose le patriarche, onl'a fait pendre sous la porte d'entree du Patriarcat. Les grandesfamilies du Phanar ont ete en grande partie detruites; d'autressont venues directement des Principautes pour participer a lalutte pour la liberté en Moree. De sorte qu'il n'y avait pas decentre pour cette elaboration d'iddes.

Du cOté des Roumains, ii y a eu autre chose. Ils ont participed'une certaine fawn au mouvement de 1821, car ce mouvement,qui a commence aussi en Moree, a eu comme second theatredes operations les Principautes.

Alexandre Ypsilanti, fils d'un prince phanariote et d'une dame

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roumaine, qui avait vdcu pendant toute sa jeunesse en Valachieet en Moldavie, passe le Pruth, encourage par certains milieuxrusses, qui n'étaient pas ceux de l'empereur, mais certainementde l'imperatrice; il passe donc le Pruth, venant de Bessarabie,et il arrive en Moldavie. 11 y trouve un prince, Michel Soutzo,dont les sympathies étaient du cOté de ce qu'on appelait leshetairistes, les représentants de cette hétairie (sociéte) qui avaitorganise le mouvernent.

croit pouvoir grouper autour de lui une grande partie dela société roumaine, et, surtout, ii s'attend a ce que les boIarsse décident pour lui.

Or, ii y avait une bourgeoisie grecque, mais presque pauvre,et surtout peu préparde pour des actions comme celle-la. II yavait un petit nombre de mercenaires, qui pouvaient représenterquelque chose dans un mouvement, mais, avec ces Arnautespayds, avec cette pauvres bourgeoisie, composée de petits marchands et d'artisans, avec des bolars qui commençaient a sesentir tout a fait différents des Grecs, que pouvaiton faire ? Cesbolars avaient suivi des etudes en grec, ils connaissaient parfaitement le grec, ils lisaient des oeuvres littéraires grecques, mais,aussitôt qu'ils ont vu devant eux un mouvement oriente dansun sens national, ils ont eu une conscience d'euxmemes qu'ilsne pouvaient pas avoir auparavant, sans cette autre forme nationale devant eux.

En Valachie it y a eu la meme chose, quand on y a tenté lameme experience. On s'imaginait que des boIars prepares dansles memes ecoles suivraient, comme en Morde, le drapeau duPhenix hellenique. II y a eu seulement des defiles d'étudiants parles rues de Bucarest, des demonstrations. Mais, de fait, tres peude personnes ont sympathise avec le mouvement initie par Ypsilanti. A cOté, un autre mouvement, un mouvement paysan,influence par celui des Serbes de 1804, represente quelquechose de tout a fait different, une action plutôt sociale. On parlait, a cOté, de justice, de nationalité, mais c'était surtout unmouvement populaire, servi par des legions paysannes, groupeesautour de Theodore Vladimirescu.

Et, alors, le grand projet du nouvel Empire byzantin de religionchretienne, contenant toutes les nations du SudEst de l'Europe,remplagant et imitant en meme temps l'Empire ottoman, ce projet

Ii.

Penseurs revolutionnaires roumains de 1804 a 1830 9

est tomb& Et, comme ce projet a disparu, comme ii y a euaussitOt apres la Waite des Grecs, d'un ceité, sur l'Olt, en PetiteValachie, a Dra-gasani, et, de l'autre côté, a Sculeni, sur le Pruth

en face, toute une armee russe, rang& sur la rive du fle-/

uve, regardait la défaite et le massacre de ceux qui avaientplace tOutes leurs esperances dans l'appui du Tzar , apres cesdeux catastrophes de la révolte on n'a dans les deux Princi-pautés que l'occupation ottomane.

Done la paix dtait rétablie ; je ne dirai pas quelle dtait la va-leur de cette paix, mais elle a eté rétablie par cette invasion etcette occupation ottomane. Alors tout ce monde, qui avait eteinfluence a un certain moment par la revolution grecque, quiavait quitte ses habitudes paisibles, pour penser a des pro-blemes qui ne se présentaient pas auparavant, tous ces gens-laont dü s'occuper des idées qui étaient proclamer ;ous une formerévolutionnaire par le mouvement grec.

Voici la raison pour laquelle, si on veut voir la facon dontles idées françaises se sont développees dans le monde du Sud-Est de l'Eutope, ii faut s'arreter du elite des Roumains. Maisj'ajoute que, si l'on s'arrete du cOte des Roumains seuls, on ren-contrera néanmoins beaucoup d'elérnents qui a leur origine n'étai-ent pas roumains, et on trouvera aussi beaucoup de traditionsqui venaient d'ailleurs. De sorte que l'intéret d'histoire generalequi a pu inspirer ma premiere conference, reste en quelquemesure pour cette seconde aussi.

Mais, avant de parler de ce qui s'est passé apres 1821, apresla levee de drapeaux des Grecs et cette Waite, puis cette occu-pation turque et le retour de l'ancien etat de choses, ii faut queje signale certaines manifestations, nettement influencees par laRevolution française, dans ce domaine national et politique desPrincipautes.

D'abord on a découvert 1 une manifestation, tres interessante,en 1804. En 1804, c'etait l'epoque napoleonienne. Dans les Prin-cipautes, ii y a eu un mouvement vers l'empereur. Line mission

' Voy. D. V. Barnoschi, Originile democrafiei ronulne, Cdrvunarii",Constitufia Moldovei de la 1822, Jassy 1922, p. 65 et suiv,

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II-

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fut envoyde a Paris, qui est rest& pendant quelques temps et ya négocie avec certains ministres de Napoleon. Malheureusement, si l'on sait le nom de ceux qui ont été envoyes par lesbolars, on n'a publie jusqu'ici rien sur l'obiet précis de leur mission et sur les résultats qu'on a pu obtenir.

Mais presqu'en meme temps que cette deputation de boIars s'estrendue a Paris, if y a eu quelque chose en Moldavie, pays beaucoupplus developpe que la Valachie, car il avait d'un côte l'anciennePologne, c'estadire des provinces russes dans lesquelles vivaitquelque chose de l'heritage de la Pologne. La Moldavie étantinfluencée par l'Occident beaucoup plus que la Valachie, le mouvement d'idees a Jassy dut etre beaucoup plus important qu'aBucarest. Et l'on verra aussitôt que les idées les plus hardies,presentees de la facon la plus nette et capables de se developperd'une facon plus profitable, se retrouvent dans la principauté duNord, et non dans celle du Sud.

En 1804 donc, on pretend qu'il y a eu d'abord, sans qu'onpuisse preciser, un mouvement populaire paysan, presqu'unerévolte. Mais, en meme temps, on observe ua érnoi dans le

monde des boiars. Des pamphlets ont été repandus. On leur aattribué une importance tenement grande qu'on a convoqué leGrand Conseil de la principauté, pour s'en occuper. Et, si on nesait pas quel a ete le caractere de la pretendue conspiration enelle-meme, on sait tres bien, de la facon la plus precise, ce quis'est passe dans cette reunion du Conseil des nobles de Moldavie

On a traite de la facon la plus dure ceux qui avaient essayeune revolution". Ils ont ete taxes de criminels, qui ont oseposer des questions comme celles qui avaient trouble la France.C'dtaient pour les grands haars des vauriens desquels nous nepourrions pas dire autrement que ceci: par une erreur de laProvidence, ils se sont fourvoyes et fixes dans la classe des boiars,et dans lesquels s'est nichee la méchancete et la pens& de larevolte".

je pourrai dire bientôt quel était le caractere des auteurs dupamphlet, de ceux qui avaient, sinon suscite des troubles, au

' Thdodoie Co Arescu, Uricariul, III, p. 58 et suiv. Cite d'abord par M.Barnoschi.

Penseurs rthroludormaires roumains de 1804 A 1830 11

moins pose des problemes capables d'offusquer la raison tres

ponder& des vieux nobles.Ils en sont arrives" dit la decision du Conseil , a une

si grande insensibilité brutale, qu'ils ont énonce de choses quiprouvent qu'ils partagent rid& de l'insubordination francaise".

Les auteurs du pamphlet avaient ose meme dire : si on neremplit pas immédiatement leurs voeux, alors ils se souleveronttous", rappelant l'attentat récemment tenté contre le Metropolite

Jacob.On a cherchd quels étaient les auteurs de ces manifestations;

on ne les a pas trouvés. On les a appeles done les invisibles".Le terme de revolution" ii apparait alors en roumain peut

etre mis en rapport d'abord avec les actions de ces invisibles".Le moment est venu de dire un mot sur ceux que les membres

du Divan" n'ont pas trouvés, et que l'historien d'aujourd'huipeut découvrir, pour montrer que, dans cette action de 1804, ily avait deja un peu de route, beaucoup plus importante, quicommencera en 1822, de sorte que, meme sans la revolution

grecque, sans la presence des hétairistes dans les Principautés,

il y aurait eu quelque chose pour continuer l'agitation de

1804, contemporaine du mouvement serbe, et cette efferves-

cence des petits boiars, qui effrayait les représentants de la

noblesse.On voit que, dans cette decision du Divan, il est question de

personnes qui par une erreur de la Providence" sont arrivées a

entrer dans le milieu des boYars. Or le chef principal du mou-vement constitutionnel de 1822 était un boYar de tres modesteorigine, autour duquel on avait créé toute une legende, qui le

faisait descendre plutôt d'etrangers on parlait d'Arméniens, de

juifs ce qui etait totalement faux, pour diminuer la grande

influence que ce chef révolutionnaire avait gagnee aupres duprince national établi aussitOt apres la revolution grecque.

Et, comme l'auteur de la Constitution de 1822 etait donc pour

les oligarques un parvenu, s'étant infiltre dans cette grande

aristocratie qui ne voulait pas de lui, on peut soupconner l'immix-

tion, des ce moment, de Georges (lordaki) DrAghici, qui était

la tete des constitutionnels, de ceux qu'on appelait avec mépris, et

avec crainte en meme temps, les carbonari" de 1822, et on

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peut donc mettre en rapport les deux mouvements, celui de1804 et celui de 1822.

Seulement, aussitôt apres cette tentative de 1804, on n'a rien,si on ne tient pas compte de cette association de boIars valaquesqui, avant 1818, avaient Clu comme chef un Filipescu, qui pou-vait, d'apres des mémoires d'un caractere populaire, leur parleyainsi, lorsqu'il s'agissait de rejeter l'idde de soutenir un mou-vement revolutionaire des boIars grecs, agites par la diplomatierusse : BoIars, vous savez qu'a un moment tres difficile, le Con-seil des boiars grands et petits, de meme que tous les starostesdes corporations et des bourgeois, m'ont fait l'honneur de m'elirecomme leur chef et leur representant en cas de nécessité j. Riendans les Principautés meme, et rien du côté des autres Rou-mains, les Roumains de Transylvanie, qui, au XVIII-e siecle,avaient manifesté des intentions revolutionnaires, dont je parlaisVann& passee, et qui avaient pensé meme a un soulevement con-tre l'aristocratie magyare, trouvant a Vienne, pres de l'empereurLeopold, un soutien.

j'avais fait observer alors qu'entre le mouvement des Iran-sylvains, qu'on a beaucoup exagére, et l'action des Roumainsdes Principautes, ii y a une grande difference.

Les Roumains de Transylvanie montrent, pendant la Revolu-tion française, au commencement, des tendances inquietantes pourla classe dominante, parce que l'intention de Vienne, de la Courautrichienne, etait d'employer les Roumains, les paysans roumainset leurs chefs naturels, contre l'aristocratie magyare. Et, aussitOtque Vienne n'a plus donne son appui, aussitôt que Leopold lerevolutionnaire a été remplace par Francois I-er le conser-vateur", aussitôt on n'a plus parle de ces intentions.

It n'y a parmi les Roumains de Transylvanie qu'un seul vrairévolutionnaire, Paul Iorgovici, qui a meme fait le voyage deParis et a assiste, on le pretend, a l'exécution de Louis XVI.Mais, si on le connait par des travaux concernant la langue rou-,maine, malheureusement son voyage de Paris, ses projets acette epoque, la fawn dont il est reparti pour sa province natale,tout cela nous reste jusqu'aujourd'hui totalement inconnu.

1 lorga, dans la Revista istoried, III, p. 1. On veut le prince indigene et,apres la fuite du prince phanariote Caragea, on alla le demander a Constantinople.

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Penseurs révolutionnaires roumains de 1804 a 1830 13

On a essaye en Transylvanie de publier une bibliotheque,bibliotheque litteraire et en meme temps ayant un caractere so-cial et politique, et, de la part du Gouvernement, on a refusel'autorisation. On a le prospectus, mais on ne sait rien en de-hors de cela Tandis que, du elite des Roumains des Principautes,une action existe, qu'il ne faut pas exagerer, mats qu'il ne fautpas négliger non plus. Cette action est tres réelle et capabled'une longue continuation, devant produire des effets durables,et elle vient du milieu roumain lui-meme.

Pour ces boiars des Principautes, ii s'agit done de la continua-tion, d'une generation a l'autre, de cette action destinée a rem-placer l'ancien ordre de choses par un autre, base sur la raisonprechee par la philosophie du XVIII-e siecle, base sur un systeme.

Avant de montrer la facon dont ces nobles de 1822 se sontorganises apres la revolution grecque pour creer un ordre nou-veau de choses, it faut montrer la difference profonde y

avait entre le passe roumain et entre ces conceptions de laphilosophie francaise et de la Revolution.

Les Roumains ont vécu pendant des siecles sous un regimequi a les apparences du despotisme, de l'absolutisme, sans qu'ily ait le fond meme de ce despotisme.

D'abord le pays vivait en premiere ligne par une decentralisa-tion absolue. Le village était a la base. L'Etat était composede cette collaboration permanente des villages.

L'action du prince, qui reproduisait un peu, dans sa facon deparaitre, dans sa facon d'agir, le souverain byzantin et qui su-bissait dans les derniers temps aussi des influences venant dumonde ottoman, ne s'étendait pas trop loin en dehors de saCapitale. II était entoure d'une suite de beaucoup supérieure ases moyens, a sa situation, a son influence. Il aimait a se pre-senter comme une imitation de son maitre turc, qui était a Cons-tantinople, et donnait des decrets, mais non sans avoir consultéses boIars. Aussitôt qu'une mesure avait ete prise, sans demanderl'avis du Conseil, cette mesure etait consider& comme une im-prudence, capable de mécontenter le pays ; et, lorsque le pays

lorga, Histoire des Roumains de Transylvanie et de Hongrie, vol. II.

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qu'il

1

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était mécontent, l'opposition trouvait tres facilement le contactavec les masses populaires, qui avaient aussitôt un chef dans le

Métropolite. On faisait sonner les cloches, on se rassemblait dans la

rue, on entourait le palais de Sa Majeste", puis la question dtaitportée devant le Sultan. Et, d'apres les regles de la démocratieottomane, qui a été tres rdelle, et qu'on confond trop facilementavec un absolutisme occidental bien different, c'etaient toujoursles pauvres" qui avaient raison. Alors le prince pouvait perdresa situation, et meme risquer sa tete, par suite de ce m6con-tentement des boIars, qui incitaient a leur tour les habitants de la

Capitate.De sorte que la question ne se posait pas dans les Principautés

roumaines de la meme facon qu'en Occident. Il n'y avait pas unebourgeoisie, un monde intellectuel qui se levait contre un gou-vernement absolu, contre un vrai gouvernement absolu, ayantlui aussi un systeme. II n'y a jamais eu le systeme de l'abso-lutisme roumain ; et jamais la Capitale, influencée par ce que

pouvait lui donner Constantinople, jamais cette Capitale n'a domindle pays. Le pays est reste sur les anciennes bases du moyen-age,et, avec ces anciennes bases du moyen-age, avec cette liberte corn-plete du village, administre par les siens, conduit par les siens,jamais accapare par l'Etat, le pays n'aurait jamais consenti a ac-

cepter un nouveau regime, venant de Constantinople, qui auraitrepresenté l'autocratie du prince.

C'est la raison pour laquelle les idees de la Revolution fran-caise n'ont pas pu produire dans les Principautes roumaines lesmemes effets que dans d'autres pays.

Pour le paysan, ii n'y avait pas de tyrannie princiere ; pour labourgeoisie, qui n'avait pas de valeur politique, ii n'y avait pasde motif de mécontentement ; pour les masses populaires, qu'onchoyait, pour que le prince ne recueille pas les fruits d'une actionimprudente a l'egard de ses plus humbles sujets, ii n'était pas

question de gagner quelque chose en se soulevant contre l'au-torite du maitre.

Ce qui restait, c'étaient les boiars. Or ces boiars, qui dtaient

consultés, qu'on devait consulter, dtaient les vrais maitres du pays.Le prince, envoye de Constantinople, ce prince phanariote, ne

savait pas toujours le roumain, bien qu'il l'apprit, désirant, desle debut, l'apprendre, car il était tres satisfait de pouvoir épouser

Penseurs révolutionnalres roumains de 1804 a 1830 15

une Roumaine, qui lui apportait une fortune, surtout des possessions territoriales, et des relations tres precieuses; ii était commeune espece de president pompeux d'une aristocratie traditionnellenon influencée par des idées d'absolutisme occidental.

Cette aristocratie avait toujours la possibilite du contact avecles paysans ; parce que, si a partir d'une certaine époque les boiarsétaient concentrés a Bucarest ou a Jassy, oii ils entouraient leprince, si le maitre, d'apres l'exemple de l'Occident, aimaitavoir une Cour, nombreuse, brillante, cependant ses courtisansconservaient leurs terrei, ils allaient s'y établir pour quelquetemps, et on les y voyait a l'eglise, parfois faisant l'office du chantre, attendant d'aller dormir dans cette eglise, alors que, de l'autrecôté du mur, s'accumulaient les petites tombes des paysans. Et

ces paysans venaient dans la maison de leurs nobles commechez eux, et se formaient dans cette maison. A la place d'unenseignement agricole comme celui, souvent theorique et vain,d'aujourd'hui, ii y avait, ainsi, quelque chose de beaucoup preferable. Car on n'apprenait pas une theorie destinée a accroitrele nombre des fonctionnaires qu'on ne peut pas placer, mais ontrouvait l'école agricole dans la maison meme de ces boiarson s'y formait, d'une generation a l'autre, sous l'influence decelui qui en savait le plus, et qui disposait de plus de moyens.

IV.

Apres avoir indique tout cela, il me reste a expliquer lalimite de 1830, que j'ai iixée au commencement de ma conference, pour passer ensuite ces manifestat ons qui me paraissentpouvoir intéresser un public francais, parce qu'on y reconnaitraun langage qui est d'ici, des idées visiblement empruntées, enmeme temps que des tentatives curieuses de mettre ensemblece qu'il y avait dans le pays et ce qu'on venait de trouver,bon a introduire, a l'etranger.

J'ai dit : 1330, parce qu'a partir de cette date approximativeii n'y a plus les bolars seuls qui representent le mouvement.Desormais, apres une nouvelle guerre entre Russes et Tures, cellede 1828-1829, apres la longue occupation des Russes, qui croyaient pouvoir rester dans le pays et y avaient tout preparepour une annexion, introduisant meme dans la nouvelle Constitution du pays, approuvee par eux, le principe de l'Union de

a

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a

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la Moldavie et de la Valachie pour les avaler d'une seule bou-chée, apres la succession rapide de tous ces évenements, ii y aun monde intellectuel qui domine un peu le monde de lanoblesse; et, meme dans les boiars, dans leur facon de se pre-senter, ii y a une difference.

On n'a plus l'ancien boiar traditionnel, qui se nourrit desouvenirs, qui connait l'état seul du pays, qui n'a frequenteaucune autre école que celle de sa propre maison paternelle,ayant suivi les lecons de son precepteur, la plupart du tempsun precepteur français. II y a maintenant des nobles qui ontfait des etudes a Paris, qui ont frequente un autre milieu quecelui de la tradition ; par exemple les deux freres qui ont gou-verne tour a tour la Valachie, portant, par suite de l'adoptiond'un d'entre eux par un riche patron, des noms differents, maisqui etaient les fils du meme pere et de la meme mere, Bibesco

et Stirbey.Bibesco a été d'abord prince a Bucarest, oil son frere a re-

cueilli son heritage. Ils avaient fait tous les deux des etudes aParis. Bibesco était docteur en droit ; quant a Stirbey, qui n'apas fini ses etudes parisiennes, j'ai trouvé dans sa correspondanceun acte d'inscription dans une Loge magonnique a Paris.

II y a eu des macons en Roumanie, au XVIII-e siecle déja,

mais l'influence de la maconnerie a cette epoque était tresfoible Cette fois on a quelqu'un qui s'est forme en Occidentet qui n'a pas pu oublier, revenu dans son pays, tout ce quela Loge lui avait enseigne. je ne sais pas, au fond, ce que laLoge peut enseigner, n'ayant jamais eu de contact avec des as-sociations secretes, mais je suppose qu'il y a des choses bon-nes ou mauvaises qu'on enseigne dans ce milieu.

Et, puis, a partir de 1830, l'influence exercée par l'Occidentn'est plus celle de la philosophie abstraite du XVIII-e siecle. Cen'est plus le systeme". II y a le romantisme politique. Alors,

meme si quelque chose de la philosophie" se conserve dansl'esprit des représentants du mouvement innovateur, ce quidomine c'est encore ce romantisme; il y a maintenant une poésiequi n'existait pas auparavant, et un ideal auquel on n'auraitjamais songé jusque la; le tout influence par cette immixtion dela litterature qui n'existe pas pour l'epoque anterieure a 1830.

Voy. notre dtude publide dans les Mémoires" de 1'Academie Roumaine

en 1928.

1.

'

Penseurs révolutionnalres roumains de 1804 A 1830 17

Pour savoir ce que veulent les innovateurs de la premiereepoque, ii faut lire leurs projets. Si on veut apprendre a quoitendent les autres, ceux qui commencent leur action apres 1830,apres Poccupation russe, ii faut commencer par lire la littératureroumaine de cette epoque. Des ecrivains sont a la tete dumouvement, alors qu'auparavant c'etaient des boiars, qui défendaient leurs privileges, ,des associations, composées de ces boiarsaussi, qui passent, dans leurs programmes, par dessus les droits,les interets et les souvenirs de cette aristocratie.

Et, maintenant, comme tout le cadre est fixd, comme les dis-tinctions ont été établies, je peux venir a ces projets eux-memes.

V.

Tout a coup on se trouve, en 1822, devant la disparition desPhanariotes. Ils ont éte écartés par les Turcs a cause de cetterévolte a laquelle ils 'avaient participe. Ils ont tout perdu. S'ilsont conserve ce qu'ils avaient dans l'Eglise, parce qu'on nepouvait pas le leur reprendre, ils n'ont plus leur situation dansla diplomatie ottomane, ni celle sur les sieges princiers de Jassyet de Bucarest.

Alors on a eu, a leur place, des princes nationaux. Au moment oil gouvernent ces princes nationaux, un jean Stourza enMoldavie, un Gregoire Ghica en Valachie, vieux baars, maisinfluences directement ou indirectement par les idees occidentales, Stourza surtout, qui était a la disposition de ce GeorgesDraghici dont j'ai cru retrouver les traces des 1804, on s'empresse de rediger, en Moldavie, un projet de Constitution.

je l'avais Oa suppose depuis longtemps, parce que, au momentoa les Tures ont voulu remplacer les Phanariotes par ces princesindigenes, ayant demandd qu'une deputation de boiars aille aConstantinople pour s'entendre sur ces transformations, si importantes, j'ai pu distinguer deux deputations : celle des grands boIars,et une autre, des petits. Les uns et les autres n'etaient pas dansle pays: devant l'entrée des armées turques, avec tout ce qu'ellespouvaient apporter, ils s'étaient retires en Bessarabie, en Bucovine,en Transylvanie. De ces emigres sont parties donc les deux deputations. L'une, celle des boiars du second et troisieme rang,devait demander le rétablissement de l'ancien regime par le princenational, par le prince roumain ; les autres pensaient a ecarter

18 N. lurga

pour quelque temps le prince, parce que, le pays éthnt troppauvre, ii ne pourrait pas soutenir une monarchie, et de mettre

sa place un Senat aristocratique.Or il est arrive ceci : les boiars, qui se sont rencontres a

Constantinople, ont examine chacun les memoires qu'ils etaientcharges de presenter ; et puis les deputes grands boIars, se ren-dant compte que leur projet pourrait etre mal accueilli, ont trahiceux qui leur avaient confie la mission et ont accepte le mémoiredémocrate" des petits boIars, des carbonari"

Ainsi le prince de Moldavie a ete installe par suite de ce me-moire des democrates", et, comme, du côte de la Valachie, oaavait vu que l'action des Moldaves avait reussi, on a fait presquela meme chose : ils ont gagne, sans avoir un mémoire dans cesens, puisque la petite boiarie n'y avait pas la meme importance,le meme resultat que leurs voisins : le remplacement du princeétranger par l'indigene.

Et, aussitOt le prince de Moldavie, ce jean Stourza, etabli danssa capitale, Georges Draghici, se réunissant a des jurisconsultesa des personnes ayant des connaissances qui lui manquaientlui, a fait rediger ce projet de Constitution que je suis sur lepoint de presenter dans ses lignes generales.

A. D. Xenopol, le plus important des historiens de sa gene-ration, l'a trouvé dans une des mansardes du Consulat de Russie,a Jassy, parce que le consul de Russie, aussit6t qu'il a apprisl'existence du projet, a fait tout ce qui etait possible pour s'ensais:r et l'enfermer sous cle, et il est reste la a partir de 1822jusque vers 1898, le moment oU Xenopol est arrive a ledenicher et a le publier3.

Le memoire, dans lequel on a decouvert des passages traduitsdu franca:is de la Revolution, s'appelle Demandes plus importantes,presentees par la Communaute de Moldavie, correspondant

1 lorga. dans la Preface au volume X des Documente privitoare la istoriaRomdnilor, dits Hurmuzaki', Bucarest 1897, p. lion et suiv.

Dans son etude sur le jurisconsulte Andronachi Donici, publide par l'Aca-ddmie Roumaine, M. André Rddulescu proposait le nom de ce boIar savant,d'une grande reputation.

a Primal proiect de Constitufiune a Moldovei din 1822, Originele par-tidului conservator ale celni liberal, Mdmoires de l'Academie", sectionhistorigue, serie II, XX (1891).

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Penseurs rdvolutionnaires roumains de 1804 a 1839 10

celles qui sont comprises dans la petition generale envoy& a laTres Haute Porte et sur la base du sacré et haut ferman impe-rial delivre le (a telle date), pour que ces demandes soient publi-quement consacrées, devant servir au Gouvernement local debase, jusqu'a ce qu'on puisse établir la Constitution du pays danssa forme definitive".

Voila ce qu'il y a la dedans :D'abord ii n'est plus question, comme auparavant, du pays".

jusqu'a cette epoque, lorsqu'il y a des revendications, elles sontpresentees au nom du pays, au nom du territoire, habité parune masse quelconque, qui n'a pas un a ppui legal, qui ne repre-sente pas une nécessite de droit. Cette fois, il en est autrement :c'est la Nation" (norod) de la Moldavie, comme une Nationqui est depuis longtemps et jusqu'aujourd'hui a eu et a le pri-vilege de la liberté et celui du droit de se faire administrer, avecson chef, et selon les lois du pays, sous l'ombre du tres puissantEmpire auquel elle est soumise".

Seulement, lorsqu'un arrive a parler de droits" et de Na-tion" a chaque ligne, l'ombre du tres puissant Empire" com-mence a s'effacer, jusqu'a disparaitre. On voit bien qu'on comptaitemployer les Turcs pour faire approuver contre la Russie cetteConstitution.

On veut done se donner des lois" et organiser un systeme" ;on n'entend plus rester avec les anciennes traditions, avec quel-ques ordonnances et des mesures qu'on prend d'un moment al'autre.

Cette Constitution doit etre nationale ; c'est-a-dire que la pos-session du sol et le commerce sont réservees aux indigenes ; il

n'y aura plus d'Arnautes comme gardes des princes. Les juifsne pourront pas prendre des terres a terme, ni habiter les villages,ni y fonder des raffineries, ni vendre de la via nde aux chretiens(point 70). Seuls ceux des etrangers qui auront dpouse des Mol-daves pourront etre naturalises apres dix ans de sejour, si c'estl'intéret de l'Etat.

Cet Etat, de caractere national, doit tenir compte avant toutde certains principes.

Commencant par la tolerance a regard de toutes les religions,ii lui faut assurer la propriéte, regalité absolue, le respect pour

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20 N. forgo

l'honneur de chacun, la publicite dans tous les actes du Gouvernement.

II y a meme le principe du habeas corpus" : les agentsdu gouvernement n'auront plus le droit d'arreter quelqu'un sanslui expliquer la raison pour laquelle on l'a mis sous les verrous.S'il s'agit d'emprisonnement preventif, la prison doit etre dif-ferente de l'autre. On demande un traitement doux pour despersonnes qui peuvent ensuite etre declarées dignes de la liberté.

Si on peut exproprier dans rinteret de l'Etat, ii faut payercelui qu'on a exproprid (points 15, 53, 67). Plus tard, lors de lagrande expropriation des terres en 1917, on passera par dessusles principes des constitutionnalistes de 1822 et on exproprierasans donner presque rien a ceux qui étaient auparavant les grandsproprietaires du pays.

Meme on pense a la responsabilite de tous les agents dupouvoir, jusqu'au prince sans doute (point 5).

Les fonctions ne sont pas héréditaires. On decrete la libertedu travail, la liberté du commerce interieur et du commerce ex-térieur (point 72).

Le prince national ne sera pas impose par Petranger ; ii doitetre élu par le clerge et par la noblesse. On ne parlait pas debourgeoisie, parce qu'elle n'existait presque pas ; on ne parlaitpas de paysans, parce que les paysans, meme en Occident, acette époque, ne présentaient pas de revendications.

Le prince luiememe doit etre soumis aux lois.On trouve aussi le principe de la distinction des pouvoirs. II

est dit en toutes lettres que rautorite du gouvernement etl'executif sont entre les mains du prince seul, mais le droit dedecision toujours entre les mains du prince avec le Conseilnational", avec l'Assemblée donc.

L'Assemblée est composee du clerge, des membres des Coursde justice et de delegues. II y a un delegue pour chaque districtet un assez grand nombre, douze, de delegues de la Capitale.

La convocation est faite par le prince (points 19, 20). Aussitôtcette Assemblee reunie, elle decide non seulement sur la legislation et le budget, appuye sur des impôts fixes (points 55 etsuiv.), mais aussi sur les finances, sur reconomie nationale, surl'éducation, sur la situation du clerge, sur tout ce qui toucheau bien public" (point 21); elle a le droit d'élire tous les fonc-

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Penseurs révolutionnaites routnains de 18C4 A 130 21

tionnaires, qui seront annuels, payés d'un salaire fixe, le princene pouvant disposer que de sa Cour (points 31 et suiv., 47, -:9).Elle decide par le droit de la majorite (point 22). Le pr nce n'apas le veto absolu, c'est-a-dire qu'une fois ii peut refuser ladecision de l'Assemblée, la lui renvoyer, mais, si l'Assemblde neconsent pas a changer selon ses désirs quelque chose de sadecision, elle reste definitive (point 23).

Quant aux Cours de justice, qui doivent tenir compte de lacause jugee, sauf la découverte d'éléments nouveaux (auparavanton reprenait sous un nouveau prince le proces), ii y en a deplusieurs categories. De sorte que le droit d'appel, jusqu'au pre-mier Divan", de cassation, existe (points 24-34).

On s'en prend aux abus de la Tresorerie, lui imposant de neprendre aucune initiative, car l'initiative en fait de finances nepeut etre prise par les agents du prince, mais uniquement parl'Assemblée (point 38). Les différentes caisses seront réunies danscelle des établissements de la Patrie" (point 45).

II est question aussi de la nationalisation de l'Eglise, de lacreation d'ecoles nationales et aussi d'ecoles de langues etran-geres. Comme un encouragement pour la culture, on se proposede créer une grande imprimerie nationale (points 62 et suiv., 66).

Pour des boIars moldaves de 1822, ayant de quarante a soi-xante ans, jouissant d'une situation admirable, car tout leur pays,et en tout, leur appartenait, alors que personne ne les obligeaita rien, car il n'y avait aucun mouvement revolutionnaire, cequ'on avait essaye en 1804 n'est qu'un incident sans aucuneimportance et aucune suite , c'est, tout de meme, un sacrificetres important. Du côte de la Valachie, un richissime boIar, trescultive, forme a l'école grecque, Gregoire Brancoveanu, deman-dait, an meme moment presque, un prince elu a vie par le clergeet la Nation" et une Assemblee, contenant aussi les deputesdes districts, qui votera le budget

S'il y avait, en Moldavie, les petits boIars qui voulaient ce quiest contenu dans le projet de 1822 et si les grands boIars s'ysont opposes, l'opposition de leur part n'a jamais eu le caractered'une negation du nouvel ideal. Dans des projets qui appartiennent

Aricescu, Istoria revolutiunit de la 1821, iI, p. 187; remarque par Bar-novschi, ouvr. cite, p. 93, note 1.

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22 N. lama

a la grande noblesse, projets nombreux, dont une partie a étéretrouvée et publiee par moi, ii y a des annees, dans un desvolumes de la grande collection de documents de l'AcadernieRoumaine, alors qu'une autre est mentionnée dans lEs oeuvresde quelqu'un, appartenant a l'epoque de l'Union des Princi-pautés en 1859, Alexandre Russo t, qui présente comme protago-niste de ces projets un jeune boiar, jean Tautu, auteur de pam-phlets intéressants dans lequels ii y a un profond sentiment decompassion pour le labeur ingrat du paysan 2, dans ces projets,dis-je, qui sont sans doute des produits oligarchiques, ii y a des pres-criptions qui montrent le meme souci de fonder un systeme na-tional, inspire et domine par des idees abstraites, systeme rompantabsolument avec le passe, dont on voulait conserver pourtantcertains privileges, mais avant tout avec ces preoccupations d'ordre,dans un nouveau sens, et de justice, qu'on trouve dans le projetde Constitution de 1822.

Void des points de quelques-uns de ces projets, qu'on trouveapres cette date, surtout lorsque la Porte avait demandé desgaranties de la part de la noblesse pour pouvoir proceder a Pe-vacuation de ces pays oil avait sévi la révolte des Grecs.

S'il est question de la reformation du Gouvernement de laMoldavie", selon un de ces novateurs, certaines families, six ahuit, doivent entourer et conseiller le prince ; elles auront leprivilege de ne pas payer les imp6ts et de nommer aux fonctions,droit qui est pris au prince. II y aura une armee nationale de3.00 hommes. Un autre projet, au nom du clerge, veut que leshuits families forment un Sénat Clu pour trois ans3.

Un large projet, date 6 juin 1824, demande un Etat soumis autribut, mais autonome, avec ses lois et son droit dans tout cequi concerne le gouvernement du pays". Distinction des pou-

' Scrieri, dd. de l'Acaddmie Roumaine, pp. 116-7 ; cite d'abord par Barnovschtouvr. cite, pp. 93-96, cf.

2 M. Ovide Densusianu a prouve, dans sa revue Viata Noud, que Tautu,est l'auteur de ces ecrits attribuds par moi a un moine de Bucovine, vivantau XVIII-e siecle (l'analyse dans notre Istoria literaturii romine in secolulal XVIII-lea, II).

s Russo, loc. cite. Un troisieme demande le prince hdrdditaire. Le premierprojet fixe a cent quatre jours par an (I) le droit des propridtaires au travaildes paysans.

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Penseurs rdvolutionnaires roumains de 1804 a 1830 23

voirs, Senat d'apres la tradition, ayant le droit d'imposer auprince l'observation des lois, d'administrer les finances

Des ligues se formaient aussi, pour appuyer le prince et la patrieselon la justice et amener toutes les affaires a la convenance eta l'ordre", mettant avant tout la raison".

Dans le projet du 10 avril 1821, originaire de Valachie, ii ya meme, a côté, des manifestations tout a fait intéressantes aupoint de vue national.

Ces boiars valaques, voulant les droits et privileges qui ontêté abolis", présentent dans ce but l'histoire du pays, en rap-port avec les anciens traités conclus avec la Porte.

Ces traités ont été, de fait, inventés a telle date du XVIII-esiecle, pour appuyer les revendications plus anciennes des Rou-mains. Heureusement pour ceux-ci, on s'est aperçu tres tard queleur texte avait été fabriqué, de sorte que deux ou trois ge-nérations ont recueilli les fruits de l'admission comme authen-tiques de ces prétendus traités conclus avec l'Empire ottoman.

Les réforrnateur3 de 1821 font observer que, apres ces tralMsdu XIV-e siecle, le Sultan Mail devenu un tyran", et alors laNation valaque" se leva contre lui. Cette Nation l'a poursuivijusqu'a son Wine. Plus tard, un autre Sultan aurait accordé unautre privilege, qui est tout aussi faux ; mais, comme la tyran-nie" a essayé de violer les prescriptions de ce nouveau traité,conclu de l'avis commun de toute la Nation", on prend lesdecisions nécessaires pour &flapper a l'abus. Sous Mahomet II, lepays fait de sorte qu'il regagne sa liberte", et les victoires ga-gnées sont contre l'ennerni de l'humanité". Or Pennemi del'humanité", la tyrannie" sont des formules visiblement ern-pruntées a la pensée occidentale. Et, jusque dans l'appel qu'onadresse pour la Valachie au Tzar, les boTars déclarent agir deconcert avec la Nation valaque" 3.

On a enfin une forme si large, si hardie de ces projets deConstitution, qu'elle m'a paru, au commencement, non authenti-que, tellement ses prescriptions depassent répoque : on l'auraitdit &rite vers 1840 ou 1850, sous l'influence du romantisme

1 lorga, dans les Documente Hurmuzaki`, X, pp. 593-594.2 Ibid., pp. 582, 595, 595, no. XLI.2 Ibid., p. 575 et suiv.

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24 N. Iorga

politique, par cette generation d'intellectuels qui ont donne unnouvel essor a la pensee politique du pays. Mais, l'ayant examinede pres, et sachant venait, d'un historien, appartenant aune autre generation, qui en prenait toute la responsabilite, et sur-tout en découvrant la-dedans des voeux qui apres 1830 avaientete deja exaucees, ii m'a fallu bien admettre qu'on a devant les

yeux un acte appartenant a cette dpoque, de 1820 a 1830.Voici ce que contient cet acte, d'origine probablement valaque :II faut réunir les deux Principautes et leur restituer les forte-

resses du Danube, qui avaient etc contisquees depuis long-temps, avec une partie de la rive gauche, par les Tures. Et onaioutera a l'Etat ainsi reuni celles des iles du Danube qui sonthabitees par des Roumains.

Le commerce sera libre.Le pays sera defendu par une armee de 25.000 hommes, et il

aura tine floitille de 25 vaisseaux.Un synode local dirigera l'Eglise, detach& done du Patriarcat

de Constantinople, auquel elle avait ete reliee jusque-la, bienque dans de certaines limites.

La monarchie sera constitutionnelle.Le prince ne doit pas etre indigene. On sent la haine et l'envie

qui separait les grandes families, dont chacune voulait avoirle pouvoir supreme. Comme aucune n'aurait accepté qu'il soitentre les mains d'une autre, alors ii faut chercher un princeetranger. L'idée de la dynastie etrangere date done de cette epoque,des environ 1822.

comme ii parait que l'auteur de ce projet etait influencepar des idées autrichiennes ou allemandes, le prince serait ori-ginaire de l'Allemagne-du-Nord, mais Clu par l'Autriche, laFrance et l'Angleterre ; la Russie et la Turquie l'y installerontseulement. Mais, aussitôt installe, ii doit devenir orthodoxe et serappelcr uniquement de sa situation politique de Rou main.

11 faut accepte cependant une Constitution. 11 a le droit de&signer son heritier

' 1¢id., pp. 647-649,

d'oit ii

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Penseurs révolutionnalres roumains de 1804 A 1830 25

V.

Alors meme, et surtout plus tard, ces icicles, si saines, ont étésouvent melees a d'autres, qui n'avaient pas le meme caractere.

II y a de cette facon deux projets, dont l'un est da a un Mol-dave, Démetre Stourdza, et l'autre a un petit noble de la memeprincipaute de Moldavie.

Dans le projet de Stourdza, on prone une Republique aristo-démocratique", forme jusque là inconnue de gouvernement. Ellesera gouvernee par un Grand Divan" de quinze grands bolarsélus a vie, ages de trente ans. 11 y aura, a dote de ce GrandConseil, un Conseil juridique", compose de quinze personnes,grands et petits boiars, et un troisieme Divan, pour le vote desimp6ts, compose de quarante-huit membres, ages d'au moins vingt-cinq ans dlus par chaque district, c'est-a-dire par des deleguesque designeront les élus des villages. Ils peuvent etre memenon-boiars, ne pas appartenir a la noblesse. Ce dernier Conseil peutse convoquer de lui-meme, mais ordinairement c'est le GrandConseil qui a l'initiative de reunir le second ; et meme, si onvent le renvoyer a ses foyers, le troisieme Conseil peut pro-longer la session de quinze jours. Les seances sont bisannuelles.Les deux premiers Conseils peuvent se réunir pour discuterles memes propositions.

Le Gouvernement est, de fait, confid a cinq Commissions du GrandConseil. La sixieme est composee aussi des representants du Conseiljuridique, mais l'initiative reste toujours au Premier Conseil. LaCommission de l'Instruction s'occupe meme de l'enseignement desfemmes ; les enfants pauvres seront éleves par l'Etat. On prend soinaussi de ['agriculture. La sante publique et les bonnes moeurs sontconfiés a la meme Commission. La Commission Financiere élaboreun budget pour six mois, que le Grand Conseil passe aux districts 2

Ce projet est bizarre sans doute, et on n'aurait guere pensé aen faire la Constitution du pays, mais qu'un grand boIar commeStourdza eat pensé a proposer ces transformations totales du re-gime auquel etait soumis son pays, cela montre combien cetteeffervescence des idées a durd dans le pays.

' Ils ont le droit de se coopter.' II y a une justice de premier degre, confide a trots boIars de l'endroit

Codrescu, Uricariul, IV, p. 285 et suiv.; signalde par Barnovschi, ouvr. cite,p. 96 et suiv,

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26 N. lorga

Quant au projet d'un petit boIar moldave, un certain LéonceRadu (1839), tres complique, il repose surtout sur des scrupulesconcernant les seuls droits des baars. Dans une forme de confe-deration politique réunissant la Moldavie, la Valachie et la Serbie,sous la suzeraineté du Sultan, mais avec la garantie de l'Autricheet de la Russie, a côté de la France et a l'Angleterre, un prince,elu aussi par les deputes du tiers état, ceux des bourgmestres", nou-veaux chefs des villes, et des paysans memes, gouvernera deforme avec le concours d'une Assemblée de la noblesse, presideepar un Grand BoIar ou Patrice", dont le contrôle s'exercera unefois chaque cinq ans, d'un Conseil d'Etat et d'un Senat de douzemembres. Le pays comprendra quatre cantons", administrés pardes gouverneurs", et les quatre arrondissements de chacun con-tiendront des commissions élues; la troisieme division, l'ocol, estentre les mains des delegues de la grande propriéte. 11 y aura desprinces, des comtes, des barons, des chevaliers, des qualificatifsd'honneur, de belles uniformes a éperons. Les paysans resterontserfs. Un dictateur et deux consuls doivent installer par un coupd'Etat le regime pour faire jouir la principauté des bienfaits de lacivilisation matérielle de l'epoque1.

C'est, on le voit bien, une machine austro-russo-allemandeque jamais les Moldaves n'auraient comprise, pour en faire laregle du gouvernement et de l'administration du pays.

De sorte que les idées françaises ont rencontré apres 1822,avant de revenir a cette direction par le romantisme politique,chez certains Moldaves, influences par l'Autriche ou par l'Alle-magne, une autre tendance, qui ne ressemble guere a celle quiest incorporde dans la Constitution de 1822.

Or, pour deux petits pays, ayant vécu jusque la sous la domi-nation politique de la Turquie, bien qu'ayant des rapports étroitsavec l'Occident, pour des pays qui n'etaient pas encore consti-tués", sous un regime qui empechait parfois l'entree des journauxet des livres de l'Occident et le depart de jeunes boYars pourfaire leurs etudes a l'etranger, se trouver devant ces quantités deprojets dont il n'est pas un qui ne demande le systeme" del'ordre" nouveau, la participation de la Nation", intitulde ainsipour la premiere fois, ceci prouve que, dans ce milieu, les idées

1 Hurmuzaki, Supplement I, vol. VI, p. 125 et suiv.

Penseurs révolutionnaires roumains de 1804 a 18.:0

de l'Occident ont trouvé des le commencement un large deve-loppement et que la classe dominante a pense aussitôt a lanécessité, realisée plus tard seulement, de mettre d'accord ce quivenait de l'étranger, par la voie de propagande, et ce qui vivaitdes anciennes institutions, des coutumes venérables, dans la cons-cience meme de cette Nation.

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