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www.ifrc.org Sauver des vies, changer les mentalités. Penser différemment Europe : les conséquences de la crise économique sur le plan humanitaire

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Page 1: Penser différemment...que la crise ne devienne une crise sociale et morale, dont les conséquences seraient considérables. Nous appelons donc toutes les parties prenantes à nous

www.ifrc.orgSauver des vies, changer les mentalités.

Penser différemmentEurope : les conséquences de la crise économique sur le plan humanitaire

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La présente publication peut être citée, photocopiée et traduite en partie ou dans sa totalité afin de répondre aux besoins locaux sans autorisation préalable de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, à condition que la source soit clairement indi-quée (exception faite des statistiques et des citations provenant d’autres sources). Les demandes de reproduction à des fins commerciales doi-vent être adressées à la Fédération internationale ([email protected]).

Les opinions et les recommandations formulées dans cette étude ne sont pas nécessairement alignées sur les politiques de la Fédération interna-tionale ou des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Les appellations et les cartes utilisées n’impliquent de la part de la Fédération internationale ou des Sociétés nationales aucune prise de position quant au statut juridique des territoires ou de leurs autorités. Sauf indication contraire, les photographes et la Fédération internationale détiennent le copyright de toutes les photos présentées dans cette publication. Photo de couverture : Jarkko Mikkonen / Croix-Rouge finlandaise.

Pour obtenir des exemplaires supplémentaires de cette publication, veuillez prendre contact avec : [email protected].

Case postale 303CH-1211 Genève, SuisseTéléphone : +41 22 730 4222Courriel : [email protected] web : www.ifrc.org

Penser différemment, Europe : les conséquences de la crise économique sur le plan humanitaire 1260300 11/2013 FR

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Remerciements

La Fédération internationale tient à remercier les Sociétés nationales européennes, et en particulier celles d’Autriche, de Belgique, de Bulgarie, d’Espagne, de France, de Géorgie, de Grèce, d’Italie, du Kirghizistan, du Monténégro et de Suède, pour leurs précieuses contributions (réponses, récits, photos et études de cas).

Des remerciements sont aussi adressés aux membres du Groupe consultatif des Sociétés nationales, à la Croix-Rouge finlandaise, qui a apporté un soutien important à l’élaboration du rapport et à la production de la vidéo « Dans un monde meilleur » (incluse dans la présente publication), et à la Croix-Rouge danoise, qui a contribué à l’obtention des statistiques.

La Fédération internationale tient également à remercier le Gouvernement hongrois pour sa contribution financière à la production du présent rapport.

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Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

PenSeR diFFéReMMenT Europe : les conséquences de la crise économique sur le plan humanitaire

Table des matières

Avant-propos 2

Cinq ans après : de mal en pis 5

Recommandations et engagements 8

Tendance 1. Les pauvres s’appauvrissent 10La pauvreté recule dans le monde – elle progresse en Europe 11

Espagne : Difficile, mais pas impossible 13Italie : Sans-abrisme – une situation irréversible 14

Tendance 2. Les « nouveaux pauvres » 20Le glissement vers la pauvreté 21

Monténégro : Quand l’invisible est devenu visible 22Bulgarie : Ce sont les enfants qui souffrent le plus 24

Tendance 3. La santé se détériore 30Les coupes budgétaires peuvent coûter très cher 31

Géorgie : Aider les personnes âgées à sortir de l’isolement 35Grèce : Un patient et un gentleman 37

Tendance 4. Migration et mobilité 38Gagner sa vie – le prix à payer 39

Suède : La Croix-Rouge défend les droits des migrants 40Moldova : « Nous devons travailler encore cinq ans en Italie » 44

Tendance 5. Chômage 46Dignité et désespoir 47

France : Le Service civique ouvre de nouvelles portes 48Belgique : Devoir compter chaque euro dépensé 54

Faire face à la crise 56Islande : activation du mode catastrophe 56Serbie : nourriture, tolérance et entraide 57Espagne : maintenant plus que jamais 59

Sources 61

Dans un monde meilleur 63

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Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

PenSeR diFFéRemment Europe : les conséquences de la crise économique sur le plan humanitaire

Le moment est venu de penser différemment Par le passé, on considérait que l’appartenance à une société créait chez les citoyens un sentiment de prédictibilité et de sécurité.

Maintenant que la crise économique a planté ses racines, des millions d’Européens vivent dans l’in-sécurité, sans trop savoir ce que l’avenir leur ré-serve.

C’est l’un des états psychologiques les plus durs pour les êtres humains. Nous voyons actuellement un désespoir muet se propager dans la population européenne, gagnée par la dépression, la résigna-tion et la défiance pour l’avenir.

Parfois, ce désespoir se fait plus bruyant, prenant la forme de manifestations et de violences. Nous craignons que la montée de la xénophobie et le manque de confiance dans la capacité de la société de créer des emplois et d'assurer la sécurité sus-citent des opinions et des actions plus extrêmes, pouvant provoquer des troubles sociaux.

En octobre 2009, la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (Fédération internationale) a publié son premier rapport sur les conséquences humanitaires de la crise économique en Europe. Celui-ci soulignait que d’importants efforts étaient déployés pour stabi-liser la situation macroéconomique du continent, mais que trop peu d’attention était accordée aux conséquences humanitaires ou aux causes pro-fondes de la crise.

À cette époque, nous n’imagions pas que, quatre ans plus tard, nous parlerions toujours de la crise économique. Nous n’imaginions pas non plus que cette crise s’aggraverait, touchant de façon dispro-portionnée ceux qui étaient déjà vulnérables et frappant de nouveaux groupes de personnes qui avaient jusque-là été épargnés.

Au début de l’année 2013, nous avons établi une cartographie des mesures prises par les 52 Sociétés

nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge d’Europe pour faire face à la crise. En outre, nous avons demandé à ces Sociétés nationales de nous faire part, au-delà des chiffres, de ce dont elles avaient été témoins en venant en aide aux per-sonnes les plus touchées.

Les membres de notre réseau nous avaient déjà indiqué que la situation s’aggravait dans nombre de pays, toutefois, certaines des réponses que nous avons reçues nous ont tout de même surpris et consternés car elles font état de tendances et de défis préoccupants.

L’aide alimentaire a presque doubléPar rapport à 2009, des millions de personnes sup-plémentaires doivent faire la queue pour se nourrir et n’ont pas de quoi acheter des médicaments ou se faire soigner. Des millions de personnes sont sans emploi, et nombre de celles qui ont encore un travail ont du mal à faire vivre leur famille, car les salaires sont insuffisants et les prix flambent. Nombre de ménages qui appartenaient à la classe moyenne ont sombré dans la pauvreté. Parmi les pays ciblés par l’enquête, il y en a 20 dans lesquels le nombre de personnes qui dépendent des distributions de vivres organisées par la Croix-Rouge a doublé entre 2009 et 2012.

La cartographie a révélé que de plus en plus de per-sonnes ont basculé dans la pauvreté, que les pauvres s’appauvrissent et que la « distance sociale » à par-courir pour se réinsérer dans la société s’est creusée.

Nous voyons émerger de nouveaux groupes de personnes vulnérables, les travailleurs pauvres, qui demandent de l’aide à la Croix-Rouge et au Croissant-Rouge en fin de mois quand ils doivent faire un choix entre acheter de la nourriture ou payer leurs charges – avec le risque de voir l’élec-tricité ou le gaz coupés s’ils ne peuvent pas payer ces services ou d’être expulsés s’ils ne peuvent pas rembourser leur prêt hypothécaire.

Nombre de Sociétés nationales ont indiqué avoir élargi leurs programmes nationaux, comme la Croix-Rouge espagnole qui, pour la première fois, a lancé un appel national en 2012 pour venir en aide à la population dans son propre pays. D’autres Sociétés nationales ont signalé qu’elles faisaient tout ce qui était en leur pouvoir, mais qu’elles étaient extrême-ment préoccupées de ne pas pouvoir faire plus pour aider les personnes touchées.

Avant-propos

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Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

Avant-propos

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Les décennies à venirLes conséquences à long terme de la crise ne se sont pas encore fait jour. Le présent rapport montre que les problèmes se feront sentir pendant des décennies, et ce, même si l’économie connaît une reprise dans un avenir proche.

Le chômage à lui seul est une bombe à retarde-ment. Un quart des 52 pays de la zone Europe de la Fédération internationale affichent actuellement des taux catastrophiques de chômage des jeunes, allant d’un tiers à 60 % de la population active jeune.

À l’autre extrémité de l’échelle des âges, selon Eurostat, le nombre de chômeurs de 50 à 64 ans en-registré dans l’Union européenne est passé de 2,8 millions en 2008 à 4,6 millions en 2012.

Bien que la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge ne se soient pas pour l’instant directement occupés des questions relatives à l’emploi, les conséquences personnelles et sociales éventuelles d’un chômage élevé constituent une source importante de préoc-cupation.

La cartographie a révélé que certaines Sociétés na-tionales viennent en aide aux chômeurs de diffé-rentes manières, en leur fournissant notamment un soutien psychosocial, des services pratiques, tels qu’une assistance pour remplir les formulaires de demande d’aides sociales, et des formations et des conseils sur les moyens de réintégrer le marché du travail.

Ce qui s’est abattu sur nousNous savons que la crise économique peut culminer à différents moments dans différentes régions d’Eu-rope, et que certains pays peuvent être plus touchés que d’autres. Mais nous nous demandons si, en tant que continent, nous sommes vraiment conscients de ce qui s’est abattu sur nous et si nous sommes préparés à faire face à la situation.

Nous posons ces questions car, malgré quelques initiatives encourageantes, nous commençons seu-lement à nous rendre compte que le danger n’est peut-être pas encore écarté et que, si la situation financière de quelques pays semble s’améliorer, les conséquences humanitaires de la crise se feront sentir pendant de nombreuses années.

En tant qu’organisation, nous sommes déterminés à porter assistance à ceux qui en ont besoin, tant

sur le court que sur le long terme, et nous réfléchis-sons constamment aux moyens d’adapter nos ser-vices aux besoins nouveaux et émergents, tout en continuant à aider ceux qui étaient déjà en détresse avant la crise.

Toutefois, nous pensons qu’il est dangereux de faire de millions de personnes des bénéficiaires passifs de l’assistance et nous sommes déterminés à l'éviter en associant plus activement les personnes que nous servons à la recherche de solutions.

Pour ce faire, nous devons tous commencer à penser différemment afin d’agir différemment. Nous devons déterminer si nos Sociétés nationales sont prêtes à faire face à la situation et comment nous pouvons nous adapter par le biais de nouvelles initiatives, d’interventions précoces, d’une meilleure coopération et d’approches plus flexibles et plus glo-bales.

Il est évident que la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge ne peuvent pas tout résoudre. Nous avons commencé à penser différemment et, dans les pro-chains mois, nous allons chercher à savoir si les modèles mis en place dans certains pays européens et dans d’autres régions du monde peuvent s’avérer efficaces pour faire face à la crise économique, en particulier pour favoriser et renforcer la résilience des populations.

Nous sommes convaincus qu’il est urgent de faire preuve d’un engagement ferme et durable envers la mise en œuvre partout en Europe de stratégies de renforcement de la résilience efficaces pour éviter que la crise ne devienne une crise sociale et morale, dont les conséquences seraient considérables.

Nous appelons donc toutes les parties prenantes à nous aider à prendre la pleine mesure de l’étendue de la crise et à trouver des solutions innovantes pour y faire face. Il y a encore de l’espoir, mais il faudra beaucoup plus de temps pour renverser la situation qu’il n’en faut pour renflouer les banques et distribuer de l’aide alimentaire.

Anitta UnderlinDirectrice de la zone Europe

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Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

Cinq ans après : de mal en pis

Cinq ans après : de mal en pis Au cours du premier semestre de 2013, la Fédération internationale a réalisé une cartographie des activités menées par les 52 Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge d’Europe et d’Asie centrale (la zone Europe de la Fédération internationale). Parmi elles, 42 Sociétés nationales ont accepté de répondre à des questions. Le présent rapport se fonde essentiellement sur les réponses et les observations de ces Sociétés nationales.

L’objectif de la cartographie était d’obtenir une vue d’ensemble des défis aux-quels les Sociétés nationales sont actuellement confrontées et des mesures qu’elles prennent pour faire face à la crise. Le présent rapport vise à mettre en évidence le coût humain de la crise et ses conséquences aux niveaux local et communautaire, avec lesquels la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge ont un lien unique. Il s'intéresse aux individus qui se cachent derrière les chiffres. Enfin, nous avons examiné les tendances et nous sommes attachés à étayer nos propos par des statistiques provenant d’autres organisations et sources.

Résumé des réponsesPrès de cinq ans après le début de la crise économique, les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge continuent à faire état d’une augmen-tation générale des besoins des groupes vulnérables existants, mais aussi de nouveaux groupes. Dans nombre de cas, une assistance accrue a été fournie aux personnes touchées par la crise. Mais parfois, les Sociétés nationales ont constaté l’existence de besoins sans pouvoir y répondre de manière appro-priée, du fait d’un manque de ressources ou de capacités. Toutefois, il convient de noter que si la fourniture d’aide et d’assistance est déterminée par les be-soins et les ressources disponibles, elle est aussi liée à la promotion/diffusion des informations. Une augmentation du nombre de bénéficiaires n’est donc pas nécessairement la conséquence d’une augmentation des besoins ; elle peut aussi s’expliquer par un accroissement des financements et une meilleure infor-mation. De même, une diminution des services fournis ou du nombre de bénéfi-ciaires ne signifie pas nécessairement qu’il y a moins de besoins.

Une proportion importante de Sociétés nationales signalent qu’un nombre croissant de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté et ont besoin d’assistance, que l’intensité de la pauvreté a augmenté, autrement dit que les pauvres sont plus pauvres encore, et que le fossé se creuse entre riches et pauvres. Cela signifie que les personnes vivant en marge de la société – et celles qui sont socialement exclues – sont plus nombreuses et ont une plus grande distance à parcourir pour se resocialiser, se reconstruire, trouver un travail et se réinsérer dans la société.

Certaines Sociétés nationales font également état d’une augmentation du nombre de personnes qui ont des difficultés à joindre les deux bouts bien qu’elles vivent au-dessus du seuil de pauvreté (les « travailleurs pauvres »). Ces personnes deviennent plus vulnérables du fait de l’érosion fiscale – quand le taux d’inflation (en particulier les prix de l’énergie) croît plus rapidement que

Parmi les petites et

moyennes entreprises, qui constituent le cœur de l’économie italienne,

150 000 ont dû fermer leurs portes, créant ainsi un nombre

important de « nouveaux » pauvres.

Croix-Rouge italienne

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PenSeR diFFéRemment Europe : les conséquences de la crise économique sur le plan humanitaire

les salaires – ou parce que leur emploi ne leur offre aucune garantie sociale. Beaucoup se tournent vers la Croix-Rouge et le Croissant-

Rouge de manière occasionnelle ou à la fin du mois quand elles doivent faire un choix entre acheter de la nourriture et régler

leurs factures, et risquent d’être expulsées en cas de non-paiement.

Dans certains pays, la diminution des envois de fonds et la charge accrue connexe qui pèse sur les systèmes de protection sociale du fait du retour des migrants qui subvenaient aux besoins de leur fa-mille en travaillant à l’étranger et qui ont dû ren-trer dans leur pays après avoir perdu leur emploi constituent une source supplémentaire de vul-nérabilité. À leur retour, ces migrants non seule-ment pointent au chômage, mais, en plus, ne sont souvent pas admissibles à la sécurité sociale.

Les Sociétés nationales indiquent que le nombre de demandes d’aide émanant de migrants a

augmenté et qu’elles leur fournissent des services variés, tels que des conseils juridiques, des soins de

santé pour les migrants en situation irrégulière et un soutien scolaire pour les enfants.

Parmi les groupes vulnérables figurent également les per-sonnes qui ont perdu leur emploi et qui n’ont pas ou plus droit

aux indemnités de chômage, les familles monoparentales, les retraités, les jeunes qui ne poursuivent pas des études et sont sans

emploi et les migrants en situation irrégulière.

Les conséquences des coupes dans les dépenses de santé se font durement sentir, un nombre croissant de personnes se tournant vers les dispensaires et les centres sociaux de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge en vue d'obtenir un traitement ou une aide financière pour acheter des médicaments. Parallèlement, le nombre de personnes souffrant de problèmes de santé mentale ou ayant be-soin d’un soutien psychosocial est en progression.

Nombre de Sociétés nationales constatent que la crise économique crée les conditions propices à une crise sociale généralisée, dans la mesure où le fossé croissant dans la répartition des ressources (avec des riches encore plus riches et des pauvres encore plus pauvres) et la concurrence pour des ressources de plus en plus limitées pourraient renforcer la xénophobie, la discrimination, l’exclu-sion sociale ainsi que les abus et les problèmes de violence domestique.

De manière générale, nombre de Sociétés nationales pensent que les méca-nismes de lutte contre les vulnérabilités au niveau national (y compris les leurs) ne permettent pas de véritablement répondre aux nouvelles vulnérabilités qui découlent de la crise, ni aux vulnérabilités existantes, alors que les prestations sociales diminuent ou doivent être réparties entre un plus grand nombre de personnes. Plusieurs Sociétés nationales ont entrepris ou achevé un processus d’adaptation et de redéfinition de leurs priorités, et d’autres estiment que la crise constitue une occasion d’envisager de donner aux Sociétés nationales, en tant qu’auxiliaires des pouvoirs publics dans le domaine humanitaire, un

• ZoneEuropedela Fédération internationale Les Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge des 52 pays d’Europe et d’Asie centrale.

• Unioneuropéenne(UE) Les 28 États membres de l’Union européenne (la plupart des statistiques n’englobent pas la Croatie, qui est entrée dans l’Union en 2013).

• Eurostat Le bureau de la statistique de l’Union européenne qui collecte des données sur les États membres ainsi que sur l’ex-République yougoslave de Macédoine, l’Islande, la Norvège et la Turquie. Le rapport indique clairement si les statistiques utilisées couvrent tous les pays ou les 27 États qui étaient membres de l’Union avant l’adhésion de la Croatie en 2013.

• Zoneeuro La région économique formée par les membres de l’Union européenne qui ont adopté l’euro. À ce jour, 17 pays utilisent cette monnaie.

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Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

Cinq ans après : de mal en pis

rôle plus important encore afin de combler le fossé entre les besoins réels et l’aide apportée par les systèmes nationaux de protection.

Action de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge Plus de la moitié des Sociétés nationales déclarent avoir lancé de nouveaux programmes sociaux (par exemple, distributions de vivres, de vêtements, de médicaments et de produits d’hygiène, cours de langue pour les migrants, aide à l’apprentissage pour les enfants, soutien financier aux ménages pour couvrir leurs dépenses et prise en charge des soins médicaux) ou élargi leurs pro-gramme existants en les adaptant aux besoins et aux vulnérabilités émer-gents.

Toutefois, plus de la moitié des Sociétés nationales déclarent également que la situation financière difficile dans laquelle se trouve leur pays les a contraintes à réduire ou à suspendre des services existants et ne leur permet pas de mettre en place de nouveaux programmes pour répondre aux besoins observés du fait du manque de financements disponibles. Parfois, la concurrence accrue qui existe entre les acteurs humanitaires (ONG, œuvres caritatives, etc.) autour des ressources limitées aggrave encore la situation.

Il convient de préciser que certaines Sociétés nationales entrent dans les deux catégo-ries, ayant dû réduire certaines activités et eu la possibilité d’en élargir d’autres ou d’en lancer de nouvelles.

Il convient aussi de noter que le nombre de personnes recevant une aide ali-mentaire a augmenté de manière considérable.

Plusieurs Sociétés nationales ont mis en œuvre des activités qui visent à s’at-taquer aux conséquences sociales de la crise et à lutter contre l’exclusion sociale en donnant aux personnes les moyens d’agir et en leur apportant des compétences utiles pour leur développement professionnel (par exemple, des boutiques de seconde main pour renforcer la cohésion sociale, des pro-grammes d’accompagnement/de mentorat et des formations professionnelles pour les personnes sans emploi ne bénéficiant pas d’indemnités de chômage, des centres de conseil en matière de budget, des services de conseil pour rem-plir les formulaires de demande d’aides sociales, des centres d'hébergement pour les jeunes).

dons individuels et volontariatLes sources de financement sont très variées. Certaines des Sociétés nationales des pays les plus touchés ont réussi à attirer plus de dons de particuliers et d’en-treprises qu’avant la crise, en particulier dans les pays où les collectes de fonds, les dons individuels et les partenariats d’entreprises étaient déjà répandus. D’autres Sociétés nationales ne peuvent pas en dire autant, le tableau étant contrasté en ce qui concerne la solidarité au sein de la société et la hausse/dimi-nution du nombre de volontaires.

Outre les « travailleurs pauvres » et les

personnes âgées ayant des petites retraites, il y a les travailleurs qui n’ont touché

aucun salaire depuis des mois.

Croix-Rouge slovène

La crise semble réduire

le niveau de solidarité au sein de

la société.

Croix-Rouge autrichienne

Les personnes les

plus touchées sont celles qui sont déjà

démunies : les retraités, les handicapés, les personnes dépendant des allocations

sociales.

Croix-Rouge de Roumanie

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Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

PenSeR diFFéRemment Europe : les conséquences de la crise économique sur le plan humanitaire

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Pour agir différemment, nous devons penser différemment. Nous devons mieux comprendre comment les individus, les familles, les sociétés civiles et les institutions peuvent s’adapter aux nouvelles réalités et renforcer leur résilience. Les autorités nationales et locales, les entreprises, y compris le secteur bancaire, les organisations humanitaires et les citoyens doivent faire preuve d’esprit d’in-novation pour imaginer des solutions durables et à long terme pour réduire les conséquences humanitaires de la crise économique.

Pour éviter que la crise économique ne devienne une crise sociale et morale, la Fédération internationale recommande de prendre les mesures suivantes :

•Garantir une protection socialeLes dispositifs de protection sociale empêchent les individus de sombrer dans la pau-vreté. Aujourd’hui, les individus éprouvent de plus en plus de difficultés à se réinsérer dans la société lorsqu’ils ont basculé dans la pauvreté, et nombreux sont ceux qui en ressentiront les effets sur le long terme si aucune mesure corrective n’est prise.

•Éviter les coupes claires et systématiques dans les budgets des services sociaux et de santéLes individus et les communautés doivent être résilients pour surmonter la crise. Les coupes dans les dépenses de santé peuvent entraîner des coûts personnels et financiers plus importants sur le long terme, ce qui peut ralentir le processus de relèvement, voire empêcher la population de se remettre pleinement de la crise.

•Accroître la prestation de services de santé mentaleLes troubles psychosociaux et de santé mentale augmentant généralement en période de crise, il est d’autant plus nécessaire de fournir des soins de santé appropriés, et de ne pas en réduire l’offre.

•Renforcer la coopération aux niveaux international et national afin de ga-rantir le respect des droits des migrants et de promouvoir le respect de la diversité, la non-violence et l'intégrationSi le développement économique que connaissent certains pays et la libre circulation aux frontières offrent des possibilités aux migrants, ceux-ci sont souvent les premières victimes de la discrimination en cas de crise. Conformément aux engagements pris par les États à la XXXIe Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge en 2011, des efforts constants doivent être déployés pour garantir le respect des lois existantes ou faire en sorte, là où aucun mécanisme n’est en place, qu’une protection soit accordée aux migrants.

•Poursuivre et étendre le soutien actif à la réinsertion sur le marché du tra-vailEn raison des effets de la crise économique, nombre d’Européens sont aujourd’hui laissés pour compte, inactifs, au chômage, dépendants, exclus et déshérités. Les pro-grammes pour l’emploi des jeunes figurent parmi les principales priorités de l’Union européenne, mais il faut aussi prendre des initiatives en faveur d’autres générations.

Recommandations et engagements

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Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

Recommandations et engagements

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•Le secteur privé et la société civile collaborent pour financer le volontariat et le promouvoir en tant que composante à part entière des systèmes so-ciaux et de santéLe volontariat peut apporter des avantages complémentaires et spécifiques tant à la société qu’aux individus, en particulier en période de crise.

La Croix-Rouge et le Croissant-Rouge s’engagent à :

•Partager leurs connaissances, leur expérience et leurs idées pour faire face à la crise économiqueLa Fédération internationale veillera à ce que des systèmes soient en place pour per-mettre aux Sociétés nationales d’échanger des informations et des expériences, en parti-culier des connaissances, des bonnes pratiques et des enseignements tirés, et de tirer des leçons de l'expérience d’autres organisations actives dans ce domaine.

•Renforcer et étendre les programmes sociaux existants en faveur des per-sonnes les plus démuniesDans nombre de pays, la crise a entraîné un accroissement des besoins humanitaires, obligeant les Sociétés nationales à intensifier leurs activités sociales ou à proposer de nouveaux services. Le problème lié à la montée des besoins et à la diminution des fonds disponibles a contraint les Sociétés nationales à trouver des sources de financement nouvelles et non traditionnelles.

•Trouver des solutions innovantes aux nouveaux défis humanitaires posés par la crise économiqueLes besoins ont augmenté, mais ils ont aussi changé. Nous devons donc adapter nos programmes et nos approches afin d’apporter des solutions innovantes à ces nouveaux besoins, en collaboration avec les pouvoirs publics et les partenaires. Ces solutions peuvent par exemple prendre la forme d’approches globales et d’interventions précoces.La Fédération internationale déterminera comment elle peut aider au mieux les Sociétés nationales qui ont besoin d’assistance ou d’orientations pour adapter leurs activités aux nouveaux défis humanitaires.

•Continuer à associer les personnes touchées par la crise économique à la recherche de solutionsAlors même que le nombre de personnes en détresse continue à augmenter, nous devons activement associer les personnes touchées par la crise à la recherche de solutions à court et à long terme et les aider à les définir.

•Continuer à faire connaître les défis que doivent surmonter les individus et les communautés les plus sévèrement touchés par la crise économiqueLes conséquences humanitaires de la crise économique sont souvent occultées par les chiffres. Les Sociétés nationales discuteront avec les personnes touchées pour veiller à ce que leurs besoins ne soient pas négligés et que leurs préoccupations et leurs solutions soient portées à l’attention des décideurs.

•Travailler en collaboration avec les gouvernements et d’autres partenaires pour atténuer les conséquences humanitaires de la crise économiqueEn tant qu’auxiliaires des pouvoirs publics, les Sociétés nationales continueront à tra-vailler en collaboration étroite avec d'autres parties prenantes afin de renforcer la rési-lience des individus et des communautés et, ainsi, atténuer les conséquences de la crise économique sur le plan humanitaire.

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Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

PenSeR diFFéRemment Europe : les conséquences de la crise économique sur le plan humanitaire

Principales conclusions :

n La crise a fait augmenter le nombre de personnes vivant dans la pauvreté

n Le fossé se creuse entre riches et pauvres

n Un plus grand nombre de personnes sollicitent une aide alimentaire et d’autres formes d’assistance

n Les conséquences humanitaires de la crise se font sentir en dépit de la reprise économique

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Tendance 1 : Les pauvres s’appauvrissent

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Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

Tendance 1. Les pauvres s'appauvrissent

La pauvreté recule dans le monde – elle progresse en europeIl y a cinq ans, il aurait été inimaginable de voir des millions d’Européens faire la queue pour manger dans des soupes populaires, recevoir des colis alimen-taires à la maison ou s'inscrire dans des épiceries sociales (des magasins qui vendent de la nourriture à des prix réduits aux personnes qui ont été aiguil-lées par les services sociaux). Aujourd’hui, des citoyens qui appartenaient à la classe moyenne vivent dans des caravanes, des tentes, des gares ou des foyers pour sans-abri, et hésitent à demander de l’aide à la Croix-Rouge et au Croissant-Rouge.

Lorsqu’ils finissent par solliciter de l’aide, c’est souvent parce qu’ils sont le dos au mur. Ils demandent de la nourriture, des médicaments ou de l’argent pour payer leurs factures d'électricité ou autre ou le loyer afin de ne pas être expulsés de leur logement. Des millions de personnes sont touchées par cette crise économique, la pire des soixante dernières années. La crise a fait perdre leur emploi et leur maison à des personnes qui n’auraient jamais imaginé se retrouver dans une telle situation et a rendu les pauvres plus pauvres encore.

La « crise » était censée être temporaire, un incident de parcours que nous allions vite oublier. Qui aurait pu imaginer qu’elle durerait aussi longtemps et qu’elle frapperait autant de personnes aussi intensément ? Aujourd’hui, dans les pays couverts par Eurostat, plus de 18 millions de personnes reçoivent une aide alimentaire financée par l’Union européenne, 43 millions n’ont pas les moyens de s’offrir deux repas riches en protéines par semaine et 120 mil-lions sont menacées de pauvreté. Nous espérons toujours que la crise prendra bientôt fin, mais pour beaucoup, elle vient juste de commencer ou elle est sur le point de commencer.

Réduire la pauvreté de moitié d’ici 2015 était une des principales ambitions dé-finies dans les objectifs du Millénaire pour le développement. Selon les Nations Unies, sont pauvres ceux qui vivent avec moins de 1,25 dollar É.-U. par jour. En 2010, cet objectif était déjà atteint.

Toutefois, la plupart des pays européens retiennent la définition selon laquelle sont pauvres ceux dont le revenu est inférieur à 60 % du revenu médian des ménages du pays. Selon cette mesure, la pauvreté est largement répandue en Europe. Sur les 52 pays ciblés par la cartographie réalisée par la Fédération internationale, 34 affichent un taux de pauvreté à deux chiffres et neuf n’ont pas pu fournir de données.

et la situation s’aggrave…Le bureau de la statistique de l’Union européenne, Eurostat, a publié des don-nées sur le nombre de personnes menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale. En 2011, elles étaient 120 millions, soit six millions de plus qu'en 2009, et repré-sentaient un quart de la population européenne. Si la pauvreté recule dans le monde, elle progresse en Europe.

Près de la moitié de la population bulgare était menacée de pauvreté en 2011. Dans 17 pays européens, les personnes pauvres ou exclues constituent plus

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d’un cinquième de la population. Dans l’État qui a adhéré le plus récemment à l’Union, la Croatie, la proportion est de près d’un tiers de la population.

Parmi tous les pays de l’Union européenne, seulement sept ont vu cette propor-tion baisser, le plus souvent très légèrement. La Roumanie affiche une baisse de 2,8 %, mais 40,3 % de sa population reste menacée de pauvreté ou d’exclusion.

Étonnamment, aucun des pays souvent associés à la crise – l’Espagne, l’Italie et la Grèce – ne figurent parmi les cinq pays affichant la plus forte proportion de population menacée de pauvreté.

Une distance sociale qui s'accroîtLa pauvreté augmente en France, en Roumanie, en Espagne, en Suède et dans nombre d’autres pays, selon les informations communiquées par les Sociétés nationales dans le cadre de l’exercice de cartographie réalisé par la Fédération internationale. Non seulement de plus en plus de personnes basculent dans la pauvreté, mais aussi les pauvres deviennent plus pauvres encore et le fossé se creuse entre riches et pauvres. Cela signifie que la « distance sociale » à par-courir pour se réinsérer dans la société s’accroît.

Cette tendance – associée à l’émergence de nouveaux groupes de pauvres – a poussé la moitié des Sociétés nationales européennes à intensifier leurs acti-vités sociales ou à proposer de nouveaux services. D'autres ont engagé un dia-logue avec les autorités de leur pays et leurs partenaires pour déterminer ce qu’elles peuvent et devraient faire.

Même les Sociétés nationales dont la robustesse est reconnue et qui opèrent dans les pays n’ayant pas été sévèrement touchés par la crise ont engagé un processus d’adaptation et de changement. Par exemple, la Croix-Rouge danoise gère des dons individuels collectés au titre d’un fonds social et la Croix-Rouge

Nous essayons de nous adapter à la nouvelle situation, mais il est extrêmement difficile de trouver des fonds.

Croix-Rouge croate

100 %

Figure 1. Personnes menacées de pauvreté ou d’exclusion socialePourcentage de la population totale, 2011

49,1 %

Bulgarie

40,4 %

Lettonie

40,3 %

Roumanie

33,4 %

Lituanie

32,7 %

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Tendance 1 : Les pauvres s’appauvrissent

luxembourgeoise gère une épicerie sociale et examine les possibilités de ré-pondre à l’augmentation du chômage des jeunes.

de la pauvreté à l’exclusion La cartographie révèle également que même lorsqu’un pays parvient à sur-monter le pire de la crise, il en ressentira les effets pendant des années. C’est le cas de l’Islande, où la Croix-Rouge a fait face à la situation comme à une

ESPAgnE : Difficile, mais pas impossible

« il est clair que c’est devenu beaucoup plus difficile aujourd’hui », dit Jose Javier Sánchez espinosa, le directeur adjoint du département chargé de l’insertion sociale de la Croix-Rouge espagnole en parlant de la réinsertion des personnes vulnérables dans la société.

« Cela a toujours constitué un grand défi, mais en 2009, près de 50 % des personnes qui participaient au programme d’aide à l’emploi réussissaient à trouver du travail. Aujourd’hui, le pourcentage de réussite a baissé, passant à environ 30  %. il est donc clairement plus difficile de trouver un emploi, mais pas impossible », il ajoute.

La Croix-Rouge espagnole a conservé une approche globale en matière d’assistance aux personnes en détresse, même si le nombre de personnes participant au programme d’insertion sociale a augmenté, de 900 000 en 2008 à plus de 2,4 millions en 2012.

«  nous nous efforçons toujours de faire plus que des distributions, nous essayons d’associer les bénéficiaires à la recherche de solutions les concernant et de les encourager à suivre une formation ou à faire du volontariat afin d’être des citoyens actifs, et non des bénéficiaires passifs de l’assistance », indique Jose espinosa.

« Avant la crise, nous appliquions la même approche pour venir en aide aux pauvres et aux sans-abri. Le nombre de personnes pauvres ayant augmenté – parallèlement à la hausse du taux de chômage –, ceux que nous accueillons dans le cadre d’ateliers ou de séminaires sont au début très sceptiques. Cela est bien naturel compte tenu de la gravité de la situation dans le pays. nous essayons donc de parler des possibilités et des résultats de façon très réaliste. »

Chaque personne ou famille demandant de l’aide est inscrite dans un registre après avoir rempli un questionnaire sur sa « situation sociale » qui sera utilisé par le personnel et les volontaires de la Croix-Rouge espagnole lors de leur première rencontre avec la personne ou la famille. Le questionnaire vise à obtenir

des informations complètes – nourriture, médicaments, logement, éducation, finances – et permet de déterminer plus facilement le type d’assistance dont la personne ou la famille concernée a besoin.

« nous rendons visite une fois par an aux personnes qui ont reçu de l’aide et nous utilisons les résultats et les données de ces entretiens pour établir notre rapport annuel sur la vulnérabilité sociale. Le rapport de 2012 indiquait que la situation s’était aggravée depuis 2011, et celui de cette année révèle qu'elle continue de se dégrader », dit Jose espinosa.

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catastrophe (voir encadré page 56), mais connaît maintenant des problèmes liés au manque de revenus et à la dépréciation de la monnaie. En Lettonie, un pays qui, de l'avis général, a surmonté la crise, la Croix-Rouge distribue encore des vivres à 140 000 personnes, soit 3,5 fois plus qu’en 2009.

La Croix-Rouge française a indiqué que la population glissait de plus en plus d’une situation financière précaire mais stable à une situation de vulnérabilité financière, et de la vulnérabilité à la pauvreté, pour finir par l’exclusion. Une tendance générale semble se dessiner, selon laquelle la situation des secteurs défavorisés se détériore, 350 000 personnes étant tombées au-dessous du seuil de pauvreté entre 2008 et 2011. Malheureusement, les besoins augmentent mais les financements publics diminuent.

Les enfants en dangerLes enfants des ménages pauvres sont particulièrement vulnérables. Des études récentes réalisées par la branche britannique de Save the Children montrent que les enfants qui vivent dans la pauvreté ne partent pas en vacances, ne par-ticipent pas aux voyages scolaires, n’ont pas de manteaux chauds pour l’hiver,

n’ont pas de chaussures et de vêtements à leur taille et ne peuvent même pas

ITALIE : Sans-abrisme - une situation irréversible

«  Les personnes qui étaient déjà pauvres deviennent plus pauvres encore. Les familles avec enfants et un seul salaire vivent dans la précarité ;

souvent la totalité de leurs revenus est utilisée pour payer le loyer et les factures des services collectifs  », explique Giorgio Bocca, un volontaire de la Croix-

Rouge italienne à Milan, qui apporte un soutien aux personnes vulnérables et s'emploie à promouvoir l’inclusion sociale.

« Si le soutien de famille perd son emploi, très vite, la famille ne pourra plus subvenir même à ses besoins essentiels. »

Malgré l'attention portée aux «  nouveaux pauvres  », la Croix-Rouge italienne a constaté qu’un nombre toujours plus grand de personnes qui vivaient déjà en marge de la société avaient été poussées au bord du précipice par la crise économique. Le nombre de sans-abri augmente, et nombre d’entre eux n’ont pas de quoi acheter les produits les plus essentiels, tels que la nourriture.

La Croix-Rouge italienne a mis en place quatre unités spéciales à Milan – « Unità di Strada » – pour venir en aide aux sans-abri. Ces équipes sont particulièrement actives pendant l’hiver, entre 21 heures et une heure du matin, mais aussi pendant les mois chauds d’été. Toutes les personnes à qui ces équipes portent assistance ont une chose en commun : elles ne trouvent pas de travail.

Les volontaires de la Croix-Rouge qui composent ces unités spéciales constatent que nombre des personnes qu’ils aident régulièrement commencent à perdre l’espoir de retrouver une vie normale.

« Je suis venue d’Ukraine, car il n’y a pas de travail dans mon pays », dit Olga, qui dort maintenant dans la rue dans le centre de Milan. Olga travaillait en tant qu’aide-soignante de nuit dans un hôpital, mais elle explique qu’aujourd’hui, même les emplois temporaires sont difficiles à trouver.

Cristina Mesturini, qui fait partie des unités spéciales depuis longtemps, a pu voir le changement.

« La vie est difficile ici pour les non-italiens, qu’ils soient ressortissants de l’Union européenne ou non. ils viennent pour travailler, mais au lieu de cela, ils sombrent dans la pauvreté, et les autres sans-abri pensent

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Tendance 1 : Les pauvres s’appauvrissent

passer du temps avec leurs amis. Pas moins de 12 % des parents interrogés dans le cadre de ces études ont dit que, régulièrement, leurs enfants ne recevaient pas l'un des repas quotidiens. Un parent sur quatre a avoué sauter des repas ou réduire les portions afin de faire durer au maximum les provisions.

Les enfants peuvent souffrir de la pauvreté. Ils peuvent même se sentir respon-sables ou coupables s’ils ont l’impression que leurs parents se privent pour eux.

Les enfants des familles pauvres constituent une préoccupation particulière pour les Sociétés nationales d’Europe, qui s’attachent à favoriser leur éducation en fournissant une aide aux devoirs et des repas dans les cantines scolaires et en tentant de promouvoir la tolérance et de réduire l’exclusion sociale.

Nombre de Sociétés nationales organisent des camps d’été pour les enfants, mais certaines ont dû réduire ce type d’activités du fait de la crise. D’autres, au contraire, organisent davantage de camps, mais ne parviennent quand même pas à répondre à la demande de toutes les personnes que les services sociaux et d’autres organisations ont aiguillées vers la Croix-Rouge.

qu’ils viennent voler des possibilités d'emploi ou même les places dans les foyers », explique-t-elle.

La pauvreté a augmenté, mais les services sociaux ont été réduits. Les dons publics de nourriture et de couvertures ont eux aussi fortement chuté. La Croix-Rouge italienne fait de son mieux. À Milan, elle distribue des aides alimentaires financées par l’Union européenne – riz, pâtes, fromage, biscuits, lait et céréales – à 50 000 personnes, ce qui ne représente qu’une petite partie des personnes en détresse.

« Les personnes âgées font partie des groupes les plus touchés », a dit Manuela Locatelli, une employée de la Croix-Rouge basée dans l’est de Milan.

« elles n’ont souvent pas de quoi acheter des provisions et n’osent pas aller dans les soupes populaires qui se trouvent près de chez elles. elles vont sur les marchés en fin de journée pour essayer d’acheter de quoi manger avec les quelques euros qui leur reste ou, parfois, pour prendre les invendus au fond des cartons. »

La population essaie de réduire ses dépenses au maximum, consciente que plus elle glisse vers la pauvreté, plus elle aura du mal à en sortir.

« depuis que les prestations sociales du gouvernement ont été coupées, le soutien que nous fournissons est essentiel  », explique Marco Tozzi, un volontaire de la Croix-Rouge qui s’occupe de cas sociaux plus complexes. « Les services publics ne peuvent simplement pas répondre aux besoins sans cesse croissants. La citoyenneté active et les programmes de volontariat social ne sont qu’un début », ajoute-t-il.

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PenSeR diFFéRemment Europe : les conséquences de la crise économique sur le plan humanitaire

des familles qui cohabitentEntre autres activités, la Croix-Rouge bulgare s’attache à aider les enfants pauvres. En 2012, plus de 7 000 enfants ont pu retourner – ou entrer – à l’école grâce à un programme leur fournissant un repas chaud gratuit par jour. Ce pro-gramme, mené en partenariat avec plusieurs organisations, ne cesse de se déve-lopper.

La Croix-Rouge espagnole met particulièrement l’accent sur le maintien du contact avec les personnes qui ont bénéficié de son programme social, en leur rendant visite au moins une fois par an et en évaluant leur situation. Le rap-port annuel sur la vulnérabilité sociale dans le pays est un outil très utile pour la réalisation de ces évaluations. Ces dernières années, il a relevé qu’une des conséquences moins connues et moins reconnues de la pauvreté était la coha-bitation entre familles. Lors de leurs visites régulières chez les personnes âgées, les volontaires de la Croix-Rouge espagnole ont constaté que les enfants adultes, qui avaient quitté la maison, revenaient vivre chez leurs parents avec femme et enfants pour économiser un loyer et mettre en commun les revenus (salaire, retraite ou aides sociales).

En Espagne, les trois quarts des familles qui reçoivent une aide de la Croix-Rouge ne pourraient pas faire face à une dépense imprévue de 600 euros. En outre, 26,3 % des personnes recevant une aide prennent moins de trois repas riches en protéines par semaine, et 43,2 % ne peuvent pas payer les frais de chauffage pendant les mois d’hiver. La moitié des personnes recevant une aide de la Croix-Rouge espagnole sont au chômage depuis plus de deux ans, et 20 % depuis plus de quatre ans.

Le tableau est similaire en Grèce, plusieurs générations d’une même famille subvenant à leurs besoins uniquement avec la maigre retraite d’un des grands-parents et le revenu du soutien de famille.

La pauvreté augmente, et les pauvres s’appauvrissent.

Tableau 1. Personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté national (2008–2011)Pourcentage de la population totale du pays vivant en dessous du seuil de pauvreté.

Pays 2008 2011Albanie - -

Allemagne 15,2 15,8

Andorre - -

Arménie 27,6 35

Autriche1 6,0 5,2

Azerbaïdjan 13,2 7,6

Bélarus 6,1 7,3

Belgique 14,7 15,3

Bosnie-Herzégovine - -

Bulgarie 21,4 22,3

Chypre 15,9 14,5

Croatie 17,3 21,1

Danemark2 11,8 13,0

On voit maintenant des familles, avec des enfants en bas âge, qui cherchent désespérément de l’aide.

Croix-Rouge lituanienne

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Tendance 1 : Les pauvres s’appauvrissent

1 Sont considérées comme pauvres les personnes dont le revenu est inférieur à 60 % du revenu médian des ménages et qui remplissent deux des sept critères de privation matérielle.

2 Le seuil de pauvreté a été redéfini en 2013. Aujourd’hui, sont considérées comme pauvres les personnes dont le revenu est égal ou inférieur à 50 % du revenu médian des ménages.

3 Ruptures dans les séries chronologiques.

Espagne 19,6 21,8

Estonie 19,5 17,5

Finlande 13,6 13,7

France 12,7 14,0

Géorgie 8,4 9,2

Grèce 20,1 21,4

Hongrie 12,4 13,8

Irlande 15,5 15,2

Islande 10,1 9,2

Italie 18,7 19,6

Kazakhstan 12,1 5,3

Kirghizistan 31,7 36,8

Lettonie 25,6 19,1

Liechtenstein - -

Lituanie 20,0 20,0

Luxembourg 13,4 13,6

Malte 15,0 15,4

Ex-République yougoslave de Macédoine

28,7 30,4

Monaco - -

Monténégro 4,9 9,3

Norvège 11,4 10,5

Ouzbékistan - -

Pays-Bas3 7,5 8,7

Pologne 16,9 17,7

Portugal 18,5 18,0

Romanie 23,4 22,2

Royaume-Uni 18,7 16,2

Russie 13,4 12,8

Saint-Marin - -

Serbie 6,1 10,0

Slovaquie 10,9 13,0

Slovénie 12,3 13,6

Suède 12,3 14,0

Suisse 16,2 15

Tadjikistan - -

République tchèque 9,0 9,8

Turkménistan - -

Turquie 17,1 -

Ukraine 7,1 7,8

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PenSeR diFFéRemment Europe : les conséquences de la crise économique sur le plan humanitaire

Tableau 2. Ratio S80/S20Le ratio S80/S20 est une mesure de l’inégalité dans la répartition des revenus, calculé en rapportant le revenu total des 20 % de la population ayant les revenus les plus élevés au revenu total des 20 % ayant les revenus les plus bas. Par exemple, la valeur 4 signifie que les 20 % les mieux payés gagnent 4 fois plus que les 20 % les moins bien payés.

Pays 2008 2011Albanie - -

Allemagne 4,8 4,5

Andorre - -

Arménie 4,5 4,6a

Autriche 3,7 3,8

Azerbaïdjan - -

Bélarus 4,0 3,8

Belgique 4,1 3,9

Bosnie-Herzégovine - -

Bulgarie 6,5 6,5

Chypre 4,3 4,3

Croatie 4,5 5,4

Danemark 3,6 4,4

Espagne 5,4 6,8

Estonie 5,0 5,3

Fédération de Russie 6,0 6,5c

Finlande 3,8 3,7

France 4,4 4,6

Géorgie 8,9 9,5a

Grèce 5,9 6,0

Hongrie 3,6 3,9

Irlande 4,4 4,6

Islande 3,8 3,3

Italie 5,1 5,6

Kazakhstan 4,2 4,3

Kirghizistan 6,9 5,4

Lettonie 7,3 6,6b

Liechtenstein - -

Lituanie 5,9 5,8

Luxembourg 4,1 4,0

Ex-République yougoslave de Macédoine

9,3 10,0a

Malte 4,2 4,1

Moldova 6,0 5,3a

Monaco - -

Monténégro 4,0 4,2a

Norvège 3,7 3,3

Ouzbékistan - -

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Tendance 1 : Les pauvres s’appauvrissent

a) Données de 2010.

b) Ruptures dans les séries chronologiques.

c) Données de 2009.

Pays-Bas 4,0 3,8

Pologne 5,1 5,0

Portugal 6,1 5,7

Roumanie 7,0 6,2

Royaume-Uni 5,6 5,3

Saint-Marin - -

Serbie 4,1 4,5a

Slovaquie 3,4 3,8

Slovénie 3,4 3,5

Suède 3,5 3,6

Suisse 5,3 4,5

Tadjikistan - -

République tchèque 3,4 3,5

Turkménistan - -

Turquie 7,1 7,0

Ukraine 3,9 3,6a

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PenSeR diFFéRemment Europe : les conséquences de la crise économique sur le plan humanitaire

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Principales conclusions :

n Les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge font état d’un nombre important de « nouveaux pauvres » – des travailleurs ordinaires qui ne peuvent pas couvrir tous leurs frais essentiels et qui, à la fin du mois, doivent choisir entre acheter de la nourriture ou payer le loyer.

n Le nombre de personnes se situant dans la classe moyenne continue de chuter et le nombre de personnes, ayant peu d’économies ou n'en ayant pas, menacées de basculer en dessous du seuil de pauvreté augmente.

n Les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge répondent de plus en plus à des besoins dans leur pays, même si certaines indiquent qu’elles ont plus de difficultés à mobiliser des fonds.

Tendance 2 : Les « nouveaux pauvres »

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Tendance 2 : Les « nouveaux pauvres »

Le glissement vers la pauvreté Quand la Croix-Rouge espagnole a annoncé en 2012 que les fonds collectés à l’occasion du Jour du drapeau seraient consacrés à l'assistance aux per-sonnes touchées par la crise en Espagne, la nouvelle a fait le tour du monde et a constitué un signal d'alarme. Les dons allaient être utilisés pour venir en aide au nombre croissant de pauvres, qui sont maintenant cinq millions, soit la population totale de la Norvège ou de l’Écosse.

Tout le monde a aussi été frappé lorsque les médias internationaux ont ex-pliqué que des hommes de la classe moyenne italienne, après avoir vécu un divorce, étaient réduits à vivre dans des caravanes, des foyers pour sans-abri ou dans la rue, car ils n'avaient pas les moyens de payer à la fois la pension alimentaire de leurs enfants et un loyer.

De même, le monde a été troublé lorsqu’en juillet 2013, la BCC a montré cer-tains des effets des coupes qui ont été réalisées dans les services de santé en Grèce, et qui obligent les organisations sociales, les œuvres caritatives, les orga-nisations de volontaires et ceux que l'on appelle les « Robin des bois de la méde-cine » (voir chapitre 3) à intensifier leurs activités.

Toutefois, il n’y a pas que dans les grands pays d’Europe méridionale que les classes moyennes ressentent les effets de cette crise. L'analyse des mesures prises par les Sociétés nationales pour faire face à la crise met en évidence un autre phénomène : la fréquence accrue à laquelle les nouveaux groupes pauvres et vulnérables d’Europe sollicitent de l’aide et le fait qu'un nombre important de personnes appartenant à la classe moyenne semblent glisser vers la pauvreté.

Nombre des nouvelles demandes d’aide proviennent de « travailleurs pauvres », à savoir de personnes qui travaillent plus de la moitié de l’année et qui gagnent moins de 60 % du revenu médian des ménages du pays. Par exemple, 25 % des personnes recevant une assistance sociale de la Croix-Rouge française ont en-core un emploi (ou sont des retraités ayant un revenu).

Avoir un emploi n’est donc plus une garantie contre la pauvreté. En 2011 dans l’Union européenne, 8,9 % des personnes ayant un emploi vivaient en dessous du seuil de pauvreté, d’après Eurostat.

Les nouveaux pauvresParmi les nouveaux groupes vulnérables figurent également les personnes divorcées, les parents célibataires, les enfants, les familles ayant des enfants en bas âge, les personnes ayant perdu leur emploi ou leur petite ou moyenne entreprise et les familles vivant avec un seul salaire. Tous ces groupes sont sévèrement touchés par l’érosion fiscale – quand le taux d’inflation croît plus rapidement que les salaires.

Nombre de Sociétés nationales des Balkans, ainsi que les Sociétés nationales de France, d’Italie et du Portugal, indiquent qu’un « nouveau type » de per-sonnes sollicite leur aide : des travailleurs qui ne peuvent pas subvenir à tous leurs besoins essentiels et qui, à la fin du mois, doivent choisir entre acheter de la nourriture ou régler le loyer et les factures, risquant l’expulsion en cas de non-paiement. Ce phénomène n’épargne pas l’Allemagne, où en août 2012,

« Pendant les années 1990, il n’y avait pas vraiment de classe moyenne en raison de la guerre, des sanctions et d’autres problèmes. Après la guerre, une classe moyenne est apparue et s’est développée, mais aujourd’hui avec la crise, elle est à nouveau mise à mal et en déclin. »

Ljubomir Miladinovic, Chef, département International, Croix-Rouge de Serbie.

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PenSeR diFFéRemment Europe : les conséquences de la crise économique sur le plan humanitaire

600 000 travailleurs ont été contraints de demander une aide supplémentaire pour payer leurs factures.

L’érosion fiscale est un problème grave pour de nombreuses personnes. Le prix des produits de base croît plus rapidement que les salaires, en particulier celui des denrées alimentaires et de l’énergie. En Espagne, le prix de l’énergie a fait un bond de 50 % au cours des dernières années.

Le déclin de la classe moyenneBien que les familles appartenant à la classe moyenne arrivent à s’en sortir au quotidien, elles n’ont pas d’économies ni de réserves. Dans un pays comme la Hongrie, près de 350 000 personnes n’ont pas d’emploi ou ne reçoivent au-cune prestation sociale, et plus de 80 % des personnes appartenant à la classe moyenne n’ont pas suffisamment d’économies pour faire face aux dépenses imprévues, selon une récente étude sur les comptes bancaires commandée par la branche hongroise de PricewaterhouseCoopers.

En 2008, 20 % de la population roumaine se situait dans la classe moyenne, contre environ 10 % aujourd’hui, une proportion égale à celle enregistrée en Croatie et en Serbie.

MOnTÉnÉgRO : Quand l’invisible est devenu visible

il y avait déjà des sans-abri avant la crise. ils vivaient dans la rue, des baraquements, une gare routière ou des tentes, mais peu de personnes savaient combien et qui ils

étaient. La Croix-Rouge du Monténégro et d’autres organisations leur fournissaient des articles de secours, des couvertures, de la nourriture, des vêtements et des chaussures.

« nous ne pouvons pas être indifférents à la souffrance et à la détresse humaines, nous venions donc en aide aux sans-abri et aux autres personnes socialement vulnérables », dit Jelena dubak, secrétaire générale de la Croix-Rouge du Monténégro.

« Toutefois, nos activités n’étaient ni organisées ni durables dans la mesure où, officiellement, le sans-abrisme n’était pas reconnu. il n’y avait ni foyers ni centres pour les sans-abri. nous intervenions de manière ponctuelle lorsque quelqu’un sollicitait notre aide », ajoute-t-elle.

La crise s’étant enracinée et le nombre de sans-abri ayant augmenté, le Gouvernement du Monténégro a décidé de prendre des mesures. des groupes de travail ont été mis en place pour élaborer une nouvelle loi qui allait reconnaître le problème du sans-abrisme et répertorier les sans-abri comme un groupe vulnérable distinct.

La Croix-Rouge du Monténégro a participé à un des groupes de travail, et la nouvelle loi sur la protection sociale et la protection des enfants a été adoptée en mai 2013. Le gouvernement s’est ainsi engagé à fournir un appui systématique aux sans-abri vulnérables. en outre, il prévoit de construire des centres et de fournir d’autres formes de soutien.

Le rôle de la Société nationale a été précisé. elle sera responsable des secours et du soutien psychosocial dans les nouveaux centres. en intégrant ces nouvelles activités dans son plan d’action, la Société nationale renforcera ses capacités dans ces domaines.

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Tendance 2 : Les « nouveaux pauvres »

Une étude de la fondation Bertelsmann publiée en décembre 2012 a révélé que la taille de la classe moyenne a diminué en Allemagne, passant de 65 % de la population en 1997 à 58 % en 2012. Cela signifie que 5,5 millions d’Allemands appartenant autrefois à la classe moyenne font maintenant partie des per-sonnes à faible revenu. Au cours de la même période, 500 000 personnes sont entrées dans la catégorie des personnes à revenu élevé.

Les ménages de la classe moyenne sont souvent vulnérables. Ils maintiennent leur situation tant que deux membres du ménage ont un emploi. Mais le licen-ciement de l’un ou des deux peut mettre la famille à genoux en quelques se-maines, surtout si elle n'a pas d'économies. S'ensuivent, souvent, des problèmes d’ordre psychosocial (voir chapitre 3) et la perte du statut social dont la famille bénéficiait. Les Sociétés nationales indiquent que les nouveaux pauvres n’osent pas parler de leur situation à leurs amis ou à leur famille et que les hommes divorcés sont gênés à l’idée d’inviter leurs enfants à passer du temps avec eux s’ils habitent dans des foyers ou des caravanes. Il s’agit d’une forme d’auto-exclusion sociale.

Pendant la crise bancaire qui a frappé Chypre au début de l’année 2013, les structures locales de la Croix-Rouge ont fait face à une situation étrange dans laquelle des personnes arrivaient aux bureaux de la Croix-Rouge ou aux points de distribution pour demander de l’aide au volant de voitures de luxe. Ces personnes avaient subitement tout perdu ou n’avaient plus accès à l’argent restant sur leur compte bancaire et, de fait, ne pouvaient pas acheter de quoi manger ou payer leurs factures.

Azra est sans-abri depuis peu. Comme d’autres, elle dort à la gare routière de Podgorica, la capitale du Monténégro, en attendant l’ouverture des foyers. Après avoir travaillé pendant 30 ans en tant qu’enseignante et perdu son mari, un médecin réputé et respecté, elle vit avec une pension de 160 euros par mois, ce qui ne suffit pas pour payer un loyer. « J’avais une famille et un mari merveilleux, etunemploiquej’adorais.Aujourd’hui,aumomentoùjedevraisrécolterlesfruitsdemontravail,jevisdanslarue »,ditAzra.(Photo:PortalVijesti).

Les bénéficiaires demandent de nouvelles

formes d’aide, à savoir de l’argent pour payer leurs

factures, de la nourriture et des services de transport

pour les personnes âgées.

Croix-Rouge portugaise

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des systèmes inadaptés à la situation actuelle ?Si les indemnités de chômage et les aides sociales peuvent être utiles pour aider la population dans les situations de crise temporaire, elles sont aussi contro-versées dans la mesure où, dans nombre de pays, les régimes de prestations sociales ont été pensés à une époque de quasi-plein emploi et n’ont pas été adaptés aux nouvelles réalités. Ainsi, pour avoir droit aux prestations d’aide sociale, les citoyens doivent vendre tous leurs biens de valeur, souvent des biens pour lesquels ils avaient économisé pendant des années ou qu’ils étaient en-core en train de rembourser.

Certains facteurs augmentent le risque auquel font face les personnes ayant un revenu ou un salaire de basculer dans la pauvreté, notamment le faible niveau d'instruction, qui multiplie par cinq le risque auquel sont exposées les personnes ayant un niveau d'instruction plus élevé. Le fait d’avoir un emploi à temps partiel ou depuis moins d'un an multiplie ce risque par deux. En Europe,

les jeunes sont plus susceptibles de faire partie de la catégorie des travailleurs

BUlgAriE: Ce sont les enfants qui souffrent le plus

« Je m’appelle Maria Miteva Tenev-Tropolova. J’ai 47 ans. J’ai trois enfants adultes d’un premier mariage. J’ai épousé mon second mari en 1993. Nous

avons quatre enfants, dont le dernier est né en 2011.

Je travaille depuis huit ans en tant qu’assistante maternelle, mais je suis actuellement en congé de maternité. Toutefois, je travaille dès que j’en ai l’occasion. Je me lève à 5 heures du matin pour faire des ménages. Cela me permet de rentrer à temps pour emmener mes enfants à la maternelle et à l’école.

Mon mari est électricien, et bien qu’il accepte tous les travaux qu’on lui propose, nous n’arrivons pas en nous en sortir sans mes revenus supplémentaires.

Nous avons vraiment ressenti les effets de la crise ces deux dernières années ; les loyers et les prix de la nourriture et du chauffage ont flambé. Nous dépensons chaque mois 1 000 levs bulgares (500 euros) pour payer le loyer et les factures. Après ça, il ne nous reste plus rien pour vivre. La Croix-Rouge bulgare nous a aidés, et nous sommes très reconnaissants à la directrice d’un des centres sociaux, une femme

exceptionnelle qui nous a permis d’obtenir une aide financière et nous a aussi apporté un soutien moral et psychosocial quand notre plus jeune fils était très malade et que nous n’avions pas d’argent. Nous avions vraiment besoin de parler à quelqu’un, nous traversions une période tellement difficile.

Ivan, notre petit dernier, a deux ans maintenant et va à la garderie. Nicola, 5 ans,

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Tendance 2 : Les « nouveaux pauvres »

pauvres que d’autres tranches d’âge. Les caractéristiques des ménages jouent aussi un grand rôle. Les familles monoparentales sont particulièrement ex-posées au risque de pauvreté, devant les autres ménages ayant des enfants à charge, les travailleurs indépendants, les aides familiaux non rémunérés et les migrants.

Même les pays les moins touchés par la crise ou connaissant une certaine croissance économique ont des « poches de pauvreté », le plus souvent dans les zones rurales. Si la crise économique n’est pas directement responsable de cette situation, elle a fait qu’il est plus difficile encore de réduire le fossé entre riches et pauvres.

Nombre de pays d’Asie centrale et d’Europe centrale et orientale ont une importante population rurale, composée en grande partie de petits paysans pratiquant une agriculture de subsistance. Les petits paysans ne sont pas réper-toriés comme chômeurs car ils exploitent les terres dont ils sont propriétaires, mais leurs revenus sont généralement extrêmement faibles. Dans l’Union

va à l’école maternelle. Nevena et Paul vont respectivement entrer en deuxième et quatrième année de primaire l’année prochaine. Nos enfants adultes ont quitté la Bulgarie en 2010 quand la situation s’est aggravée et que le taux de chômage a grimpé. Ils sont maintenant en Italie et complètement indépendants financièrement. Tous mes enfants sont adorables, ils ont été voulus et sont aimés.

Nous parvenons tant bien que mal à nous en sortir grâce à des amis qui nous donnent des vêtements pour les enfants et d’autres choses. De toute façon, je n’aime pas me plaindre. Il n’empêche que si quelqu’un pouvait nous aider à quitter la Bulgarie, nous le ferions, avec toute la famille.

Ce sont les enfants qui souffrent le plus. Je veux qu’ils lisent des livres, qu’ils fassent du sport et qu’ils développent leurs talents. Je ne demande pas grand-chose ; partir en vacances demeure un rêve lointain pour nous, mais je pense que tous les enfants devraient pouvoir lire un bon livre. La vie doit être plus qu’une lutte pour la survie.

J’apprends à mes enfants à ne pas juger les gens en fonction de leur race, leur religion et leur statut social. Je veux qu’ils croient au bien et qu’ils aient une attitude positive envers le monde. Mais c’est difficile pour eux de côtoyer des enfants qui ne sont pas « socialement vulnérables ». J’essaie de leur donner confiance en eux et de leur expliquer que même s’ils sont socialement vulnérables, ils ne sont pas différents ni moins bons que les autres.

J’aimerais vraiment que la Bulgarie devienne un pays où il fait meilleur vivre. L’important, c’est d’être en bonne santé et d’avoir un emploi. Je veux que mes enfants soient instruits. Nevena dessine très bien, elle a du talent. Mais je n’ai pas le courage de penser à l’avenir, parce que je suis déçue quand les choses ne se passent pas comme je l’espérais. »

La Croix-Rouge bulgare propose dans tout le pays un éventail d’activités et de services sociaux aux personnes en détresse. Les personnes touchées par la crise économique peuvent notamment présenter une demande d’aide financière au fonds de bienfaisance de la Société nationale. Ces quatre dernières années, plus de 1 100 personnes ont reçu une petite somme d’argent pour faire vivre leur ménage et subvenir à leurs besoins quotidiens.

en outre, la Croix-Rouge bulgare distribue des vivres à plus de 300  000 personnes, gère des centres sociaux, vient en aide aux personnes âgées et aux orphelins et orchestre un programme de distribution de repas chauds dans les écoles qui permet à des milliers d’enfants de recevoir une éducation.

La montée du chômage a non

seulement entraîné des difficultés économiques,

mais aussi créé chez nombre de personnes

un sentiment d’exclusion sociale et un manque de confiance dans la

société et l’avenir. Des signes indiquent que la xénophobie augmente.

Croix-Rouge suédoise

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européenne, plus de la moitié de la population totale vit dans des régions consi-dérées comme rurales. Les zones rurales produisent moins en termes de PIB par habitant que les zones urbaines.

L’exode et la migration vers les villes et l’étranger des jeunes en quête de meil-leures conditions d’existence sont des phénomènes répandus dans de nom-breuses régions rurales défavorisées, créant des écarts d’âge importants et des situations de sous-représentation de l’un des deux sexes. Ces déséquilibres aggravent la pauvreté dans des zones où elle était déjà présente.

La pauvreté extrême est le lot de nombreux retraités vivant dans les pays d’Asie centrale et d’Europe centrale et orientale. Dans les anciens pays à économie planifiée, les personnes qui ont travaillé toute leur vie reçoivent, pour la plu-part, des pensions de retraite, mais celles-ci sont très loin de couvrir les besoins essentiels.

Les informations fournies par les Sociétés nationales sur les communautés locales indiquent que le nombre de personnes au bord de la pauvreté, c’est-à-dire les personnes vivant légèrement au-dessus du seuil de pauvreté qui parviennent tout juste à joindre les deux bouts, a augmenté de manière consi-dérable ces dernières années. Le moindre choc pourrait les faire basculer.

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La crise économique a touché plus de 70 % de la population adulte. Il y a eu des licenciements massifs, et le pays a enregistré une chute de 24 % du salaire moyen et une hausse d’environ 30 % du coût de la vie entre 2008 et 2012.

Croix-Rouge de Roumanie

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Tendance 2 : Les « nouveaux pauvres »

Tableau 3. distributions alimentaires effectuées par la Croix-Rouge dans 22 pays d’europe

Sociétés nationales/Organisations de la Croix-Rouge

2009 2012

Croix-Rouge autrichienne 7 500 150 000

Croix-Rouge de Belgique 38 500 53 000

Société de la Croix-Rouge de Bosnie-Herzégovine

30 000 25 000

Croix-Rouge britannique 10 000 10 000

Croix-Rouge bulgare 234 783 309 206

Croix-Rouge chypriote - 1,100

Croix-Rouge espagnole 514 355 1 202 440

Croix-Rouge d’Estonie 50 385 94 438

Croix-Rouge française - 250 000

Croix-Rouge hongroise* 607 296 264 178

Croix-Rouge italienne* - 378,527

Croix-Rouge lettone 39 479 143 385

Croix-Rouge lituanienne 101 000 96 000

Croix-Rouge luxembourgeoise - 20 000

Croix-Rouge polonaise 108 693 90 000

Croix-Rouge portugaise 17 233 6 000

Société de la Croix-Rouge de la République de Moldova

13 850 15 524

Croix-Rouge de Roumanie 43 314 117 246

Croix-Rouge slovène 138 046 150 000

Croix-Rouge de Serbie 100 000 200 000

Croix-Rouge de la Fédération de Russie 6 500 6 500

Organisations de la Croix-Rouge au Kosovo

19,540 43 925

Total 2 080 474 3 626 469

nombre de Sociétés nationales/d’organisations de la Croix-Rouge effectuant des distributions alimentaires

18 22

Augmentation entre 2009 et 2012 1 545 995

* Chiffres de 2011

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* « La hausse étonnamment rapide des salaires est due à une combinaison de facteurs, dont certains influencent la moyenne sans qu’une hausse effective des salaires ne soit enregistrée. La situation était la suivante : les suppressions d’emplois étaient concentrées dans des secteurs peu rémunérateurs, les emplois mieux rémunérés restaient stables et les emplois non déclarés diminuaient. »

« Le taux de chômage a plus que doublé, touchant 5 % de la population active en 2008, contre plus de 12 % en 2012. »

« Pendant la crise, le marché du travail semble s’être adapté par le biais de l'emploi plutôt que par des réductions salariales. Toutefois, le coût social reste élevé. »

Source : ECFIN Country Focus, Vol. 10, Édition 2, juin 2013

Pays IPC

, 200

8

IPC

, 201

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Sal

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PC

,%,

2008

-11

Vari

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sala

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, %,

2008

-11

Autriche 107 113.1 43,226 43,555 X USd 5.7 0.8

Bulgarie* 131 143 3,590 4,668 X eUR 9.2 30.0

Espagne - - 32,740 34,387 X USd 8.5 5.0

France 106.1 110.1 36,671 38,128 X USd 3.8 4.0

géorgie 129.4 159.1 535 636 X GeL 23.0 18.9

grèce 110.6 122.9 28,878 26,295 X USd 11.1 -8.9

Hongrie 119 135.1 198,741 222,990 X HUF 13.5 12.2

Italie 107.4 113 33,663 33,517 X USd 5.2 -0.4

Kirghizistan 177 237.6 - - 34.2 -

Lettonie 128.6 145.7 8,409 8,272 X eUR 13.3 -1.6

Pays-Bas 105.4 110.5 46,181 47,056 X USd 4.8 1.9

Russie 136.4 185.4 17,290 23,693 X RUB 35.9 37.0

royaume-Uni 108.5 119.6 45,930 44,743 X USd 10.2 -2.6

Serbie 100 127.5 45,674 54,532 X RSd 27.5 19.4

Suède 107.2 111,1 36,724 37,734 X USd 3.6 2.8

Tableau 4. indice des prix à la consommation et salaires moyens, 2008-2011indice : 2005=100

La population est devenue plus

vulnérable du fait de la hausse des prix des

produits de base.

Bureau de la Fédération internationale au

Kosovo

Les dons ont chuté rapidement, et nous avons dû réduire nos

activités sociales.

Croix-Rouge tchèque

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Tendance 2 : Les « nouveaux pauvres »

Les Sociétés nationales ouvrent de plus en plus d’« épiceries sociales », où les personnes qui ont été aiguillées par les services sociaux peuvent acheter de la nourriture et d’autres articles à prix réduit. Ces commerces sont souvent administrés par des volontaires. Photo : Croix-Rouge de Belgique

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PenSeR diFFéRemment Europe : les conséquences de la crise économique sur le plan humanitaire

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Principales conclusions :

n Les coupes dans les dépenses de santé pendant les périodes de crise risquent de coûter très cher sur le long terme.

n Les Sociétés nationales indiquent qu’il est de plus en plus nécessaire d’élargir les services de soutien psychosocial apportés aux personnes souffrant de dépression et d’autres problèmes de santé mentale.

n Nombre de personnes changent de comportement pendant les crises – certaines réduisent leurs dépenses de santé, d’autres adoptent un mode de vie malsain et d’autres encore font totalement l’inverse et commencent à vivre de manière plus saine

Tendance 3 : La santé se détériore

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Tendance 3 : La santé se détériore

Les coupes budgétaires peuvent coûter très cher« Quel a été l’impact de la crise économique sur les besoins humanitaires dans votre pays ? » était l’une des questions posées dans le cadre de la cartogra-phie, réalisée début 2013, des mesures prises par les Sociétés nationales pour répondre à la crise économique en Europe. En ce qui concerne la Grèce, la Croix-Rouge hellénique a affirmé :

« La crise économique actuelle a eu un impact sérieux sur la santé publique, car elle contribue à la malnutrition et à des conditions de vie insalubres, fait augmenter le chômage et les cas de dépression et de suicide, cause des problèmes de santé chez les enfants et les adolescents, favorise la violence, la toxicomanie et les problèmes environnementaux et, souvent, entrave l’accès aux services de santé et d’aide so-ciale. L’augmentation considérable des taux de pauvreté et de l’exclusion sociale, la réduction des budgets consacrés à l’aide sociale et le transfert des responsabilités en matière de fourniture de soins de santé et de services sociaux de l’État aux orga-nisations privées, aux communautés et aux familles compliquent l’adaptation à la nouvelle situation. »

Il a été prouvé que la crise sanitaire qui frappe la Grèce fait partie des ef-fets pervers des mesures d’austérité et des coupes budgétaires. Les patients doivent payer leurs médicaments en liquide et apporter leurs propres seringues lorsqu’ils sont admis à l’hôpital, et de nombreux citoyens n’ont même pas accès à ce système de santé public en partie dysfonctionnel.

En Grèce, plus de la moitié des chômeurs n’ont plus d’assurance maladie, et beaucoup se tournent vers des organisations ou des groupes « clandestins » de médecins, très bien nommés les « Robins des bois de la médecine », qui res-sentent le besoin impérieux de faire quelque chose.

Selon le ministère de la Santé, le taux de suicide en Grèce a bondi de 40 % entre janvier et mai 2011 par rapport à la même période l’année précédente, le pays affichant ainsi le taux le plus élevé en 50 ans. Le taux de suicide des femmes a plus que doublé. Avant la crise, la Grèce était un pays où le nombre de per-sonnes qui mettaient fin à leurs jours était exceptionnellement bas. Le suicide y est toujours très stigmatisé dans les milieux orthodoxes, ce qui laisse supposer que des cas n’ont probablement pas été signalés. Le nombre de tentatives de suicide pouvant être 15 à 20 fois supérieur à celui de suicides, on peut affirmer qu’une proportion alarmante de la population est en détresse.

Depuis 2008, nombre des pays européens touchés par la crise connaissent aussi une hausse des cas de suicide et de tentatives de suicide, alors que ce phéno-mène était en déclin depuis de longues années. Cela montre clairement que le nombre de personnes souffrant de dépression et d’autres problèmes de santé mentale est en augmentation.

Plusieurs Sociétés nationales ont indiqué avoir enregistré une hausse impor-tante du nombre de personnes sollicitant un soutien psychosocial car elles éprouvent des difficultés à faire face à la crise. Les problèmes soulevés com-prennent le changement soudain des conditions de vie, la perte de dignité, l’exclusion sociale et le sentiment d’échec ou l’incertitude – l’un des états psy-chologiques les plus durs pour les êtres humains étant de ne pas savoir ce qui va leur arriver ou quoi faire pour améliorer leurs conditions d’existence.

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PenSeR diFFéRemment Europe : les conséquences de la crise économique sur le plan humanitaire

Les enfants de la récessionLe Centre de référence de la Fédération internationale pour le soutien psycho-social a aidé les Sociétés nationales en leur fournissant des kits de formation à la prestation de services de soutien psychosocial général et de conseils non professionnels. Les Sociétés nationales apportent un soutien psychosocial dans le cadre des activités qu’elles mènent au quotidien en faveur des personnes touchées, pendant les distributions alimentaires, dans les épiceries sociales, dans les centres sociaux et dans les dispensaires et les centres de santé.

L’Institut national finlandais pour la santé et le bien-être a suivi des enfants fin-landais depuis leur naissance en 1987 jusqu’à leur 21e anniversaire en 2008. On appelle les enfants de cette génération les « enfants de la récession » en raison de la crise économique qui a frappé la Finlande dans les années 1990.

Selon l’étude, un enfant sur cinq a reçu des soins psychiatriques ou pris des médicaments pour traiter des troubles mentaux, l’anxiété ou des comporte-ments anormaux. Ces enfants développent à retardement les symptômes de la détresse de leurs parents, qui se sont battus vingt ans plus tôt pour faire face à l’effondrement de l’économie finlandaise.

L’étude révèle qu’il existe un risque élevé que certains facteurs négatifs – tels que le faible niveau d’études ainsi que les problèmes de santé mentale ou le chômage – se transmettent des parents aux enfants lorsque la famille est confrontée à d’extrêmes difficultés.

Tableau 5. Réduction dans les dépenses de santé publiquesPays affichant une réduction des dépenses de santé publiques par habitant (unités monétaires nationales), 2008–2011.

2008 2009 2010 2011Andorre Andorre Albanie Allemagne

France Bulgarie Arménie Andorre

Luxembourg Croatie Croatie Arménie

Malte Estonie Espagne Espagne

Hongrie Estonie Grèce

Irlande Finlande Irlande

Lettonie Grèce Pays-Bas

Lituanie Irlande Portugal

ex-République yougoslave de Macédoine

islande République tchèque

Roumanie Lettonie Royaume-Uni

Saint-Marin Lituanie Slovaquie

Monténégro

République tchèque

Slovénie

Source : Calculs basés sur les comptes nationaux de l’OMS.

Note : Les pays marqués en gras ont enregistré des réductions dans les dépenses publiques pendant plus d’une année.

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Tendance 3 : La santé se détériore

Dans les années 1990, la Finlande a pris des mesures rigoureuses d’austérité pour faire face à la récession. Tandis que les chiffres du chômage explosaient et que les finances des familles étaient au plus bas, le gouvernement a opéré des coupes claires dans les services publics de base. Les mesures prises par certains pays européens rappellent l’approche adoptée par la Finlande à cette époque pour faire face à la crise.

Tirer la sonnette d’alarmeBien que les organisations humanitaires, les œuvres caritatives et la société civile ressentent le besoin impérieux de combler les lacunes laissées dans les services de santé et d’aide sociale après que les gouvernements ont ré-duit leurs budgets, leur intervention est très souvent loin d’être suffisante. Procéder à des coupes dans les dépenses de santé, c'est raisonner à court terme car celles-ci coûtent très cher à l’État sur le long terme.

La Lettonie est l’un des premiers pays à avoir été frappé par la crise fin 2008, et bien qu'elle en soit officiellement sortie aujourd’hui, les effets se font toujours sentir.

« La Lettonie était réellement au bord du précipice à cette époque, et le gouver-nement a tiré la sonnette d’alarme. Les dépenses ont été réduites dans tous les domaines, y compris les services de santé », dit Viktors Jaksons, président de la Croix-Rouge lettone.

M. Jaksons a également été ministre de la Santé dans son pays et occupe de longue date un siège au Conseil exécutif de l’Organisation mondiale de la Santé.

« En 2009, nous avons réduit le budget consacré à la santé de 18,9 %. Les prin-cipales coupes – jusqu'à un tiers – ont porté sur les coûts des traitements. Les salaires, ainsi que les effectifs de personnel, ont été réduits, et toutes les nou-velles initiatives prévues annulées. Les quotes-parts payées par les patients sont montées en flèche, atteignant près de 40 % des coûts totaux, ce qui a rendu les services de santé inaccessibles pour nombre de personnes, pas seulement les pauvres », affirme M. Jaksons.

En raison des importantes réductions de salaire et de la surcharge de travail, les professionnels de la santé publique ont été nombreux à émigrer ou à partir tra-vailler dans des cliniques privées, ce qui a accentué la pression sur ceux qui res-taient. Au final, tant de professionnels avaient quitté les services publics que les files d’attente pour obtenir un traitement étaient toujours plus longues, malgré l’augmentation des coûts de l’accès aux soins de santé.

« Affichant des salaires plus bas et des listes d’attentes surchargées, la profes-sion médicale a beaucoup perdu de son prestige. Honnêtement, même le dé-vouement à l'égard des patients s'étiolait. Nombre des problèmes provoqués par les coupes budgétaires continueront à se faire sentir pendant longtemps. Il sera plus difficile de faire augmenter l’espérance de vie et de réduire la mortalité et la morbidité, et les maladies chroniques continueront d'être un fardeau supplé-mentaire », dit Viktors Jaksons.

« La confiance, une fois perdue, est difficile à retrouver, et la confiance du grand public envers les structures publiques de santé a été sérieusement entamée en Lettonie. Il faudra aussi du temps et des efforts pour reconstituer un effectif de personnel adéquat et rebâtir la confiance entre les professionnels de la santé et le système de santé public. »

Les jeunes semblent plus divisés,

et il est très préoccupant de voir qu’ils sont de

plus en plus nombreux à éprouver des difficultés

à trouver une formation complémentaire ou un

emploi après avoir terminé leur scolarité obligatoire.

Croix-Rouge finlandaise

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PenSeR diFFéRemment Europe : les conséquences de la crise économique sur le plan humanitaire

Supprimer les dépenses inutiles, pas les autresLa Lettonie et la Grèce ne sont pas les seuls pays à avoir réduit leurs budgets de santé. En Espagne, les budgets ont été diminués de 14 %, ce qui a eu des consé-quences désastreuses dont la montée des maladies. La Croix-Rouge suédoise affirme que, même si les salaires ont en fait augmenté, certains groupes vulné-rables sont touchés par des modifications règlementaires relatives aux soins de santé et à l’assurance chômage, réduisant les niveaux d’indemnisation ou limi-tant la durée de perception des allocations.

Dans leur ouvrage publié en mai 2013, The Body Politics, David Stuckler et Sanjay Basu examinent les crises économiques d’hier et d’aujourd’hui et en tirent un constat sans équivoque fondé sur une analyse approfondie des données. Les catastrophes économiques ont des conséquences telles sur la santé publique qu’elles sont la cause de décès, mais cela ne devrait pas être le cas.

Selon Stuckler et Basu, des données factuelles relatives à la Grande dépression, qui a duré de 1929 jusqu’au milieu des années 1930, à la crise de mortalité qu’a connue la Fédération de Russie après la fin du communisme, à la crise monétaire

Figure 2. Rapports de cotes (RC) pour le risque auquel sont exposées les personnes surendettées de développer une maladie mentale

Les données ont été collectées auprès d’un échantillon représentatif de la population du Royaume-Uni, composé de 8 600 personnes. Les variables sociodémographiques clés utilisées pour l’ajustement sont l’âge, l’origine ethnique, l’état civil, la taille du ménage, le mode d’occupation du logement, le niveau d’instruction, la classe sociale, la situation professionnelle, lieu d’habitat (urbain ou rural) et la région de résidence. Source : Jenkins et al.

Document de référence : Impact of economic crises on mental health, OMS, 2011.

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Tendance 3 : La santé se détériore

survenue en Asie à la fin des années 1990, et aux premiers signes de la crise actuelle en Europe, montrent toutes que si les dispositifs de sécurité sociale fonctionnent bien et les dépenses de santé publique sont maintenues, même les crises économiques les plus graves n’auront pas d’effets dommageables impor-tants sur la santé.

gÉORgIE : Aider les personnes âgées à sortir de l’isolement

Retraites peu élevées, trop peu d’attention portée à la situation des personnes âgées, soins de santé inappropriés… quelque chose devait être fait. La Société de la Croix-Rouge de Géorgie a donc ouvert en 2005 à Kutaisi son premier centre d’accueil de jour pour les personnes âgées.

Le centre a rapidement connu un vif succès, car, en plus de fournir de la nourriture et une aide médicale à des personnes âgées vivant dans le district, il les encourageait à s’entraider pour le paiement des factures des services collectifs, les travaux ménagers et le jardinage. en outre, plusieurs clubs sociaux ont été créés, où les personnes âgées pouvaient chanter, jouer et faire des activités manuelles et d’autres petites activités génératrices de revenus.

Le concept des centres d’accueil de jour s’est rapidement répandu, d’abord dans la capitale, Tbilisi, puis dans d’autres régions du pays. Aujourd’hui, la Société de la Croix-Rouge de Géorgie gère 12 centres dans différentes régions. initialement financés par des dons, les centres font maintenant partie intégrante des activités de la Société nationale. Ces centres connaissent un succès tel que les autorités locales ont commencé à les soutenir en améliorant leurs possibilités d’accueil ou en finançant leurs activités.

La Géorgie compte plus de 700 000 personnes âgées. Selon l’Office public de l’assistance sociale et de l’emploi, seulement deux tiers des personnes âgées ont droit à l’aide sociale, mais beaucoup d’entre elles n’y ont pas accès en raison des demandes officieuses de paiement, du prix élevé des médicaments et des refus de fournir les services ou du traitement irrespectueux que leur réserve le personnel médical. en outre, les personnes âgées sont confrontées à des problèmes tels que l’isolement social lié à la pauvreté et à la modification des traditions familiales et des modèles d’organisation familiale.

Malgré la situation difficile dans laquelle les personnes âgées se trouvent en Géorgie, un faible niveau de priorité est accordé à leurs problèmes dans les stratégies sociales locales, et seulement quelques organisations représentent et défendent leurs intérêts et mobilisent un appui local en leur faveur. Les centres d’accueil de jour contribuent à faire mieux connaître le sort et la situation des personnes âgées.

Unjour,levoisindeM.ivangogshelidzeluiaparléducentred’accueildejourdeTbi-lisi et l’a encouragé à y aller avec lui. M. gogshelidze avait été directeur d’une école publique pendant des années, mais avait été licencié en raison de la compression des effectifs liée à la crise. Ce licenciement non seulement lui a causé des problèmes finan-ciers, mais aussi l’a fait se sentir inutile pour la société.

M. gogshelidze a décidé de tenter l’expérience et de se rendre au centre. Il s’y est senti à l’aise dès le premier jour. Il a rapidement commencé à apprendre à de jeunes volontaires à jouer du « Fanduri », un instrument de musique traditionnel géorgien, et s’est lancé dans la fabrication artisanale d’instruments de musique. Il a aussi dirigé une chorale et enseigné l’histoire à des enfants issus de familles socialement vulnérables.

Lorsqu’il est tombé malade, ses élèves lui ont rendu visite régulièrement, et quand il est revenu au centre, au cœur de l’hiver, les jeunes le raccompagnaient à tour de rôle pour s’assurer qu’il ne glisse pas. C’est important pour M. gogshelidze d’aller au centre, carilalesentimentd’avoirunbutdanslavie.(Photo:Croix-rougedegéorgie)

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PenSeR diFFéRemment Europe : les conséquences de la crise économique sur le plan humanitaire

En fait, elles pourraient avoir des effets positifs. Comme le montrent certaines études, la santé de la population islandaise s’est amé-liorée après la crise, peut-être parce que les chaînes de restaura-tion rapide ont quitté le pays en raison de la flambée des prix des produits importés, tels que les tomates et les oignons, et que les gens ont recommencé à cui-siner, en particulier du poisson, dynamisant ainsi l’industrie locale.

Les données factuelles sur les crises men-tionnées plus haut montrent aussi que lorsque les dispositifs

sociaux et les budgets de santé sont amputés, des menaces commencent immé-diatement à peser sur la santé de la population et des éléments qui auront des effets dommageables sur la santé à long terme se mettent en place.

La Fédération internationale estime que les coupes claires dans les domaines de la santé et de l’aide sociale devraient être évitées. Si tous les systèmes peuvent être rationalisés et rendus plus efficaces, les réductions importantes dans les dépenses de santé ne sont pas recommandées pendant des périodes où les pro-blèmes de santé mentale augmentent et où la population pourrait envisager de réduire ses frais de santé. La santé publique ne devrait pas faire l’objet de coupes budgétaires, ces mesures créant des problèmes et des coûts supplémentaires sur le plus long terme.

Il est toujours préférable – et moins onéreux – de prévenir, plutôt que de traiter et guérir. La Fédération internationale soutient fermement l’appel de l’Organisa-tion mondiale de la Santé (OMS) en faveur de la couverture sanitaire universelle, définie comme « l’accès de tous à des soins de santé appropriés à un prix abor-dable ».

Les Sociétés nationales peuvent s’efforcer, en tant qu’auxiliaires des pouvoirs publics dans le domaine humanitaire et en collaboration avec d’autres organisa-tions, de combler les lacunes, mais cela n’est possible que si elles entretiennent un dialogue étroit avec les autorités et si les rôles, les responsabilités et le budget sont clairement définis. Les gouvernements restent responsables au premier chef de garantir l’accès aux services de santé.

La perte de confiance dans les services de santé en particulier, et dans les pou-voirs publics plus généralement, est une des conséquences des coupes budgé-taires. Le changement des comportements des citoyens en est une autre. Les personnes qui n’ont plus de travail ni d’argent et qui n’ont plus confiance ni foi en rien courent un risque accru de devenir physiquement inactives et de manger

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Tendance 3 : La santé se détériore

de façon malsaine, sont plus sujettes à l’abus de drogue et d’alcool et tendent à s’isoler socialement.

gRèCE :Unpatientetungentleman

L’histoire de M. Konstantinos, un Grec de 60 ans, est celle de la crise dans le pays et d’une personne en détresse recevant un soutien de la Croix-Rouge hellénique.

Lorsqu’il a appris, après une visite à l’hôpital, qu’il était atteint d’une grave infection au mollet gauche, il a pris contact avec le département de soins infirmiers de la Croix-Rouge pour se faire soigner gratuitement car il n’avait pas les moyens de payer les services d’un établissement de santé privé, ni d’ailleurs d’un hôpital public, à Athènes.

L’infection était sévère : elle devait être nettoyée minutieusement et nécessitait un traitement onéreux. de plus, M. Konstantinos devait consulter un angiologue. il a eu accès à ces services grâce au département de soins infirmiers de la Croix-Rouge hellénique.

M. Konstantinos a commencé ses visites au service de soins infirmiers à la fin du mois d’avril. Petit à petit, il a appris à connaître les infirmiers et les volontaires. il les a impressionnés par sa politesse et sa personnalité. Le personnel du service disait de lui qu’il traversait cette période difficile en parfait gentleman. Les infirmiers ont appris qu’il avait été un homme d’affaires – fabricant de produits en cuir – connu et respecté.

Pendant des semaines, M. Konstantinos a refusé que les infirmiers lui dispensent ses soins à domicile, ce qui les a surpris compte tenu de son âge et de l’ampleur de l’infection. en juin, il a finalement dit aux infirmiers que s'il avait refusé leur offre et éludé les questions concernant son adresse, c'est parce qu'il était sans-abri depuis un an.

il avait tout perdu : revenu, logement, voiture et même ses droits d’assurance maladie étant donné qu’il ne pouvait pas payer ses cotisations.

Sa dernière visite au service de soins infirmiers devait avoir lieu en juillet, son infection s’étant très bien résorbée. il s’agissait de sa dernière visite médicale, mais M. Konstantinos a continué, après la fin de son traitement, à venir au centre pour discuter avec les infirmiers et les volontaires, qui étaient devenus ses amis.

La Croix-Rouge hellénique est l’une des organisations qui dispensent gratuitement des soins de santé aux plus vulnérables dans trois centres de santé situés dans différentes régions du pays. en 2012, les priorités du département de soins infirmiers étaient la réduction de la mortalité infantile et l’amélioration de la santé maternelle.

L’année dernière, plus de 6 300 enfants ont été examinés par les pédiatres de la Croix-Rouge, et près de 1  000 mères ont pris contact avec les centres de santé ou reçu des visites à domicile. Pas moins de 3 500 enfants de familles vulnérables ou au chômage ont été vaccinés contre plusieurs maladies, et plus de 3 000 élèves ont subi un test de dépistage de la tuberculose.

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Principales conclusions :

n Partout en Europe, les Sociétés nationales portent assistance aux migrants et aux demandeurs d’asile en défendant leurs droits et leur dignité, en les aidant à s’intégrer dans les communautés d’accueil ou en leur fournissant des services auxquels ils n’auraient pas accès autrement.

n Plusieurs Sociétés nationales indiquent que les politiques publiques relatives aux migrants se sont durcies pendant la crise économique et que la mise en œuvre des lois existantes est problématique.

n La diminution des envois de fonds de l’étranger constitue un problème grave, non seulement pour les individus et les familles, mais aussi pour les communautés et les pays.

Tendance 4 : Migration et mobilité

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Tendance 4 : Migration et mobilité

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Gagner sa vie – le prix à payerGulby Dondova sourit la plupart du temps. Elle vit dans une petite maison, située dans la banlieue de Bishkek, la capitale du Kirghizistan, avec ses trois en-fants et sa belle-fille. Ses trois enfants adultes ont émigré ; ils vivent en Russie et au Kazakhstan, où des centaines de milliers de Kirghizes tentent de trouver du travail pour envoyer de l’argent à leur famille restée au pays.

Gulby reste en contact avec ses trois enfants en les appelant par Skype une fois par semaine depuis l’Internet café qui se trouve à quelques kilomètres de chez elle. Elle trouve aussi l’énergie de faire du volontariat pour la Société du Croissant-Rouge du Kirghizistan dans le cadre d’un programme d’aide aux migrants.

Toutefois, tout le monde n’est pas aussi débrouillard que Gulby et sa famille. Des milliers de migrants se font duper par leurs employeurs ou les groupes organisés ou se mettent les autorités à dos parce qu’ils ne connaissent pas bien les règles et les lois qui régissent le pays dans lequel ils se rendent.

Les Sociétés nationales collaborent étroitement pour aider les migrants – avant qu’ils quittent leur pays, quand ils sont à l’étranger, et à leur retour. En Asie centrale, un programme financé par l’Union européenne fournit une formation et un appui à des milliers de migrants du Kirghizistan, du Tadjikistan et d’Ouz-békistan venus travailler au Kazakhstan et en Russie, et toutes les Sociétés nationales de la Communauté des États indépendants travaillent maintenant ensemble pour définir des approches communes, défendre les intérêts des mi-grants et partager des outils et des expériences.

Les migrations de main-d'œuvre sont devenues une des principales réponses aux défis sociaux, démographiques et économiques et une stratégie de survie pour la majorité des familles vivant en Asie centrale et dans le Caucase du Sud. Le manque d’opportunités compétitives et satisfaisantes sur les marchés nationaux de l'emploi et l’aggravation de la pauvreté dans des pays comme le Kirghizistan et le Tadjikistan, d’une part, et la croissance économique au Kazakhstan et en Russie sont les principaux facteurs qui motivent la migration économique dans la région.

Rien qu’en Russie, environ 12 à 14 millions de personnes – soit 10 % de la popu-lation – sont des migrants, venus pour la plupart des pays voisins. Des politiques et des lois visant à aider les migrants sont en place, mais leur mise en œuvre pose souvent des problèmes. Autrement dit, si les migrants ont en théorie le droit d’accéder aux soins de santé, beaucoup reçoivent des soins limités ou se se voient simplement refuser ce droit.

Le durcissement des politiquesPartout en Europe, les Sociétés nationales portent assistance aux migrants et aux demandeurs d’asile en défendant leurs droits et leur dignité, en les aidant à s’intégrer dans les communautés d’accueil ou en mettant à leur disposition des services auxquels ils n’auraient pas accès autrement, tels qu’une aide aux devoirs pour les mineurs non accompagnés ou des dispensaires destinés aux migrants en situation irrégulière.

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SUèdE: La Croix-Rouge défend les droits des migrants

Une Latino-américaine titulaire d'un titre de séjour permanent en Suède est récemment rentrée dans son pays d'origine, où elle a été consternée par l’état

de santé de sa mère diabétique. non seulement celle-ci semblait être sous-alimentée, mais aussi elle avait un ulcère à la jambe – un signe certain qu’elle

n’avait pas reçu les soins requis. La femme n’avait d’autre choix que d’emmener sa mère en Suède pour s’assurer qu’elle serait bien soignée.

Ce n'est là qu'un exemple des raisons pour lesquelles une personne voudrait venir en Suède et rester sans permis de résidence. Selon les estimations, la Suède compte actuellement 35 000 migrants en situation irrégulière.

Tous ont leur histoire. Certains sont des demandeurs d’asile déboutés qui ont décidé de passer dans la clandestinité. nombreux sont ceux qui entrent dans le pays illégalement pour fuir un danger ou sont à la recherche d’un emploi et de meilleures conditions de vie. n’ayant pas d’autre choix, certains passent par les réseaux de traite des êtres humains pour franchir la frontière.

dans la plupart des pays, les migrants sans papiers sont des « hors-la-loi » qui ne jouissent d’aucun droit. en Suède, la Croix-Rouge est l’une des organisations de la société civile qui plaident énergiquement pour que les migrants se voient accorder certains des droits humanitaires fondamentaux.

« La Croix-Rouge estime que tous les individus doivent avoir accès aux soins de santé sur un pied d’égalité. dans le cadre de nos activités quotidiennes, nous voyons que des enfants et des adultes souffrent inutilement car ils n’ont pas accès au traitement et aux soins dont ils ont besoin », dit ingela Holmertz, directrice des programmes nationaux de la Croix-Rouge suédoise.

« L’accès aux soins de santé ne doit pas être un outil de contrôle de la migration. C’est un droit humain », ajoute-t-elle.

La Croix-Rouge suédoise, en plus de fournir des soins de santé et d’autres services, s’attache à sensibiliser la population et à plaider en faveur d’un changement de la législation. L’un des résultats de ces efforts a été l’introduction d’une nouvelle loi le 1er juillet 2013 garantissant aux migrants sans papiers les mêmes droits que ceux dont bénéficient les demandeurs d’asile, tels que l’accès à des soins de santé subventionnés lorsque l’état de santé l’exige.

« La Croix-Rouge suédoise salue l’adoption de la nouvelle loi, estimant qu’elle constitue un pas dans la bonne direction, mais elle insiste sur le fait que toutes les personnes vivant en Suède devraient avoir accès aux soins de santé sur un pied d’égalité », dit ingela Holmertz.

Cependant, la Croix-Rouge suédoise continue, depuis la modification de la loi, à traiter des cas dans lesquels des migrants sans papiers se voient refuser un traitement auquel ils ont droit. « Cela met en lumière un nouveau défi : les autorités concernées doivent adapter leurs règlements et leurs modes habituels de fonctionnement afin de fournir un traitement équitable et adéquat », explique ingela Holmertz.

en raison de la crise économique en europe, la Suède a accueilli, en plus des 35 000 migrants sans papiers, un grand nombre de personnes venant de toute l’Union européenne pour chercher du travail. Malheureusement, nombreuses sont celles qui finissent par vivre dans la rue, sans aucune ressource pour subvenir à leurs besoins, qui font face aux mêmes problèmes que les migrants sans papiers et qui se tournent vers la Croix-Rouge pour obtenir de l’aide et des conseils.

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Tendance 4 : Migration et mobilité

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Plusieurs Sociétés nationales indiquent que les politiques publiques relatives aux migrants se sont durcies pendant la crise économique. C’est le cas notam-ment de la Croix-Rouge autrichienne qui affirme :

« Le gouvernement, ainsi que les gouvernements et les agences de l’Union euro-péenne, appuient fermement la tendance à l'externatlisation du système de l’asile par le biais duquel ils tentent de maintenir les migrants (et parmi eux des deman-deurs d’asile potentiels) hors des frontières de l’Union européenne. Lorsque la législation relative à l’asile est révisée, c’est généralement pour durcir les condi-tions d’entrée des demandeurs d’asile et rendre plus difficile le regroupement familial. De manière générale, la crise économique semble réduire le niveau de solidarité au sein de la société. »

La crise économique en Europe a modifié les schémas de migration écono-mique – davantage de personnes viennent chercher du travail dans les pays qui ne sont pas touchés par la crise ou dans les économies en expansion. En juin 2013, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a indiqué que la migration vers l’Union européenne avait recommencé à aug-menter, après trois années de recul continu.

Même si le flux de personnes est en hausse, les perspectives d’emploi restent sombre, plus encore qu’auparavant. Selon l’OCDE, en Europe, la moitié des im-migrants sans emploi cherchent encore du travail plus de 12 mois après leur arrivée dans le pays d’accueil.

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En Europe aujourd’hui, des milliers de migrants économiques et en situation irrégulière venus des pays gravement touchés par la crise dorment dehors, sous des tentes ou dans des cabanes dans des parcs, des terrains vagues, des bois ou des campings. Ils essaient à la fois de s’en sortir là où ils vivent et d’aider leur famille restée au pays. Parallèlement, nombre de pays d’Europe orientale ont réduit considérablement leurs programmes de logements sociaux et d’abris d’urgence. Il s'ensuit que la région subit aujourd'hui les effets de la multiplica-tion des implantations spontanées.

Une plus grande mobilitéCertains pays étant plus touchés que d’autres par la crise, la libre circulation au sein de l’Union européenne a contribué à renforcer la mobilité des travail-leurs. Il convient de noter en particulier la forte augmentation du flux de mi-grants quittant les pays d’Europe méridionale en quête d'un emploi en Suisse, en Allemagne ou en Autriche principalement.

Bien que le nombre de ressortissants grecs à la recherche d’un emploi dans d’autres pays européens ait doublé depuis le début de la crise, les envois de fonds vers la Grèce ont, selon les chiffres de la Banque mondiale, chuté de près de 2,7 milliards de dollars É.-U. en 2008 à seulement 618 millions en 2012, moins de personnes parvenant à trouver du travail. Les migrations vers l’Espagne, destination traditionnelle des migrants, ont atteint un pic en 2007 et 2008. En 2011, après que le pays a subi les affres de la crise économique, le nombre de migrants a diminué de près de 40 %. Les statistiques révèlent qu'en 2012, le taux global de chômage en Espagne était de 26 %, et le taux de chômage des résidents étrangers s’élevait à 36,5 %.

La Lituanie et la Roumanie ont perdu 12 % de leur population en dix ans, en raison principalement de l’émigration. La population de la Lettonie a diminué de 13 %. La Bulgarie, la Serbie et, depuis plus récemment, la Hongrie voient émigrer des travailleurs compétents. Des pays comme l’Allemagne, l’Autriche, la Norvège, les Pays-Bas, la Russie, la Suède et la Suisse sont la destination de ces migrants intra-européens.

Opportunités et exploitationSelon les données disponibles les plus récentes de la Banque mondiale (2011), une grande partie du produit intérieur brut (PIB) de 10 des 52 pays d’Europe et d’Asie centrale dépend des envois de fonds.

Les trois pays les plus dépendants des envois de fonds sont le Tadjikistan, qui en tire 46,7 % de son PIB, le Kirghizistan, 27,6 %, et la République de Moldova, 22,8 %. Cette proportion s’élève à 19,1% pour l’Arménie, 17,4 % pour le Kosovo, 10,7 % pour la Bosnie-Herzégovine, 10,6 % pour la Géorgie, 9,0 % pour l’Albanie et 7,6 % pour le Monténégro et la Serbie.

La République de Moldova a toujours été un grand exportateur de main-d’œuvre, en particulier vers les pays d’Europe méridionale, l’Italie étant citée comme le pays d’accueil le plus sollicité. Entre 2010 et 2011, les envois de fonds vers la Moldova ont augmenté, passant de 1,35 milliard d’euros à 1,6 milliard d’euros. Ce chiffre est particulièrement élevé car environ un tiers des citoyens moldaves travaillent à l'étranger ou y cherchent un emploi.

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En raison de la crise économique en Italie, les Moldaves se tournent maintenant vers l’Est. En 2011, plus de 60 % des envois de fonds effectués par des Moldaves venaient de Russie et d’Ukraine.

Toutefois, ces revenus ont un prix. Nombre d’enfants Moldaves grandissent sans leur mère, car ce sont les femmes en particulier qui travaillent à l’étranger en tant que femmes de ménage ou employées de maison pour gagner l’argent dont la famille a tant besoin.

La traite d’êtres humains est un autre tribut payé à la situation actuelle. Les Moldaves qui n’ont pas de permis de travail doivent payer 3 800 euros ou plus aux trafiquants d’êtres humains pour accéder aux pays où ils chercheront du travail. Les migrantes travaillent essentiellement dans le secteur informel – souvent dans des domaines non réglementés tels que le travail domestique, l’agriculture et d’autres services –, ce qui les rend particulièrement vulnérables à l’exploitation et aux abus. La majorité des victimes de la traite d’êtres hu-mains sont des femmes et des filles, qui doivent généralement payer les trafi-quants avant de pouvoir gagner de l’argent pour subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille.

Les Sociétés nationales d’Arménie, du Bélarus, de Bosnie-Herzégovine, de Croatie, de Géorgie, du Kazakhstan, du Kirghizistan, du Kosovo, du Monténégro, d’Ouzbékistan, de Russie, de Serbie et du Tadjikistan notamment mettent en œuvre des programmes dans les domaines de la lutte contre la traite et/ou de la migration. Plusieurs autres Sociétés nationales sont à l'avant-garde en four-nissant des services de santé aux migrants en situation irrégulière et en s’atta-quant au problème de la montée de la xénophobie, souvent alimentée par les conséquences de la crise économique.

La Norvège a enregistré une hausse marquée

du nombre de travailleurs migrants venus d’Europe

centrale et orientale, et une progression limitée de la

migration en provenance du Sud de l’Europe. Toutefois, nombre

de bureaux de section de la Croix-Rouge indiquent recevoir un nombre accru de demandes d’aide de migrants des pays du

Sud en particulier.

Croix-Rouge de Norvège

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MOLDOVA : « nous devons travailler encore cinq ans en Italie »

Abaclia est un village de 5 000 habitants, situé à une centaine de kilomètres au sud de Chisinau, la capitale de la République de Moldova, près de la

frontière ukrainienne.

Si les choses étaient ce qu’elles étaient auparavant, quelque 3 000 Abacliens travailleraient à l’étranger, certains légalement, d'autres pas.

Mais les temps ont changé, et au moins 500 villageois, qui ne trouvaient pas de travail dans une europe frappée par la crise, sont revenus. eduard Gurin, 30 ans, et sa femme Ludmila, 24 ans, sont revenus d’italie.

« Parmi tous ceux qui sont toujours à l’étranger, seulement 1 000 ont peut-être encore un emploi correct. J’imagine qu’environ 1 500 vivent dans des parcs en espérant que la situation va s’améliorer et, s'ils ont de la chance, en faisant les petits boulots qui peuvent se présenter », dit Ludmila.

Ce jeune couple est caractéristique de la classe moyenne moldave. eduard a un diplôme en agriculture, et Ludmila a étudié l’hôtellerie et le tourisme à l’Académie d’études économiques de Chisinau.

Aujourd’hui, ils vivent à Abaclia et disposent de 25 hectares de terres fertiles, mais n’ont pas de machines pour travailler la terre et pas d’argent pour acheter ce dont ils ont besoin.

La mère de Ludmila est allée en italie en 2002 et y a trouvé du travail. elle s’occupe d’une dame âgée. Comme elle vit dans la maison de son employeur, elle ne paie pas de loyer et peut envoyer de l’argent au pays. elle doit prendre en charge les études et le mariage de ses trois filles.

À la fois une bénédiction et une calamité

eduard est allé à Rome (italie) en 2002, où il a travaillé dans le secteur de la construction jusqu’en 2008. Après la résiliation de son contrat à durée indéterminée, il a cherché du travail pendant un an avant de rentrer dans son pays en 2009.

eduard et Ludmila se sont mariés à ce moment-là et ont obtenu un permis de résidence et de travail en italie car la mère de Ludmila y vivait déjà. Après leur mariage, ils sont retournés en italie et y sont restés de 2010 à 2013. eduard a travaillé dans l’agriculture, mais a fini par perdre son emploi. Ludmila travaillait dans un bar, mais celui-ci a fermé.

Le jeune couple a cherché du travail en Moldova. Toutefois, les salaires étant très bas, ils ont décidé d’exploiter la terre dans l’attente de la fin de la crise économique.

«  nous employons cinq ou six personnes chaque jour pour travailler la terre et devons dépenser beaucoup d’argent pour la location du matériel agricole. Presque tous les revenus de la vente de nos produits servent à payer les charges », explique eduard.

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« nous devons travailler encore cinq ans en italie dans des emplois corrects pour devenir des agriculteurs autosuffisants. nous avons besoin d’un nouveau tracteur, d’une herse, d’un cultivateur, d’un espace de stockage frigorifique pour les fruits et de quelques outils », dit Ludmila.

La microéconomie d’Abaclia perd des millions d’euros chaque année, environ 1 500 personnes originaires de ce village vivant à l’étranger et n’ayant pas d’emploi correct. « Cela commence évidemment à se faire sentir plus la récession persiste. »

natalia ivanova, directrice à temps partiel de la section de Basarabeasca de la Société de la Croix-Rouge de la République de Moldova, dit qu’au lieu d’essayer d’aller en italie, les Moldaves se dirigent maintenant vers la Russie et la Turquie pour chercher du travail. elle pense que la migration est à la fois une bénédiction et une calamité. d’une part, elle draine vers l’un des pays les plus pauvres d’europe des sommes d’argent dont la population a grand besoin, et, d’autre part, elle fait perdre au pays une main-d'œuvre compétente, certains migrants décidant de s’établir définitivement à l’étranger.

Mme ivanova explique qu’une de ses voisines devait verser 5 000 euros à des trafiquants d’êtres humains pour entrer en italie. Mais n’ayant pas trouvé de travail à son arrivée, elle n’a pu payer cette somme et a mis fin à ses jours par désespoir.

« il y a maintenant deux orphelins de mère de plus sur cette terre », dit-elle.

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Principales conclusions :

n Les Sociétés nationales mènent de plus en plus d’activités d’aide aux chômeurs.

n Les conséquences potentielles des taux de chômage élevés sont une source de préoccupation croissante.

n Certaines Sociétés nationales ont vu le nombre de leurs volontaires augmenter de manière considérable, certains souhaitant occuper leur temps utilement et d’autres espérant acquérir des compétences qui pourraient les aider à trouver du travail.

Tendance 5 : Chômage

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Tendance 5 : Chômage

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dignité et désespoirLes médias ont relaté bien des histoires tragiques de personnes qui se sont sui-cidées en raison de la crise économique, du chômage et des expulsions forcées. Deux ont particulièrement marqué les esprits à travers le monde. La première est celle du retraité de 77 ans qui s’est tué par balle devant le parlement grec après avoir écrit une lettre indiquant qu’il mettrait fin à ses jours « dignement » car il ne voulait pas commencer à fouiller les poubelles pour se nourrir et devenir un fardeau pour ses enfants.

La seconde est celle du couple vivant dans un ville côtière aisée qui s’est pendu dans son garage, en laissant une lettre dans laquelle il demandait pardon de ne pas être capable de s’adapter à ses nouvelles conditions de vie, sans travail et sans argent. Pour compliquer encore sa situation, une réforme des retraites imposait au mari de continuer à verser des cotisations privées pendant encore cinq ou six ans, au lieu d’un ou deux ans, pour être admissible à des prestations de retraite – alors qu’il n’avait pas d’argent.

Leurs amis et leurs voisins décrivaient les époux comme des personnes dignes, mais désespérées. Le frère de l’épouse s’est lui aussi suicidé en apprenant le décès de sa sœur et de son beau-frère.

Il y a malheureusement beaucoup d’autres histoires comme celles-ci. L’économie italienne s’est contractée de près de 1 % au cours du dernier trimestre de 2012. Entre 100 000 et 150 000 petites et moyennes entreprises ont fermé leurs portes depuis le début de la crise, et les taux de chômage ont bondi. Nombre de personnes qui avaient un niveau de vie confortable et qui se réjouissaient à la perspective de la retraite sont maintenant en situation de faillite financière et personnelle.

Le chômage de longue durée prend de l’ampleurDerrière tous ces chiffres, il y a une réalité humaine déchirante : des individus qui ont l’impression de perdre leur dignité en perdant leur emploi et en de-mandant de l’aide, des jeunes qui perdent confiance en eux parce qu’ils ne parviennent pas à trouver un emploi au sortir de leur formation ou de leurs études, des personnes d’âge moyen que ne peuvent plus payer leurs emprunts hypothécaire ni subvenir aux besoins de leur famille et des personnes âgées qui savent pertinemment qu’il est presque impossible de trouver un emploi après 50 ou 60 ans.

Selon l’Organisation internationale du Travail (OIT), les demandeurs d’emplois ont de plus en plus de difficultés à trouver du travail du fait du nombre limité d’emplois qui sont créés dans la conjoncture actuelle. Dans ce contexte, le chô-mage de longue durée (les chômeurs à la recherche d’un emploi depuis plus d’un an) prend de l’ampleur. Au troisième trimestre de 2012, il y avait 11 mil-lions de chômeurs à long terme rien que dans l’Union européenne, soit 1,3 mil-lions de plus qu’en 2011 et 5,2 millions de plus qu’en 2008. Le chiffre a presque doublé. Dans la plupart des pays de l’Union européenne, plus de 40 % des chô-meurs sont à la recherche d’un emploi depuis plus d’un an.

Le chômage ne mène pas nécessairement à la dépression et au désespoir, aux abus et à la faillite, mais pour la plupart des gens, il est synonyme non seule-ment de perte de revenus mais aussi de perte de dignité et de confiance en soi. Une étude réalisée par un psychiatre d’un centre de réadaptation pour toxico-manes en Grèce a montré qu’une hausse de 1 % du taux de chômage pouvait

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FRAnCE : Le Service civique ouvre de nouvelles portes

Les jeunes Français de 16 à 25 ans ont la possibilité de faire un Service civique, c’est-à-dire de faire du volontariat pour des organisations à but non lucratif et des organismes publics, quels que soient leurs diplômes ou leurs compétences. Créé en 2010, le Service civique est régi par une loi spéciale.

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depuis sa création, quelque 42  000 jeunes ont saisi cette opportunité et travaillé pour l’une des 4 460 organisations participant à l’initiative. environ 600 volontaires ont choisi de rejoindre la Croix-Rouge française.

Tous les volontaires sont assurés de travailler au moins 24 heures par semaine pendant une période allant de six à douze mois. Les missions peuvent se dérouler en France ou à l’étranger.

Pendant leur engagement, les volontaires reçoivent une indemnisation de 571 euros par mois, dont 467 euros sont financés par le gouvernement français et 106 euros par l’organisme d’accueil. Les jeunes ayant d’importantes difficultés sociales et financières peuvent bénéficier d’une majoration d’indemnité de 106 euros.

Les volontaires sont couverts par le régime français de sécurité sociale en cas de maladie et cotisent au régime de retraite.

La Croix-Rouge française a inscrit le Service civique dans sa Stratégie 2015. « À travers le volontariat, la Croix-Rouge française offre aux jeunes un nouveau mode d’engagement citoyen qui se décline dans plusieurs missions d’intérêt général », indique le document. « nous proposons aux jeunes qui le souhaitent de consacrer une étape de leur vie au service de la collectivité pour contribuer à leur insertion sociale et professionnelle. »

Au total, 200 sections locales et régionales de la Croix-Rouge française, ainsi que leurs services sociaux et de soins de santé, ont mis en œuvre un ou plusieurs des quatre projets standard spécialement élaborés à cet effet.

Un ensemble de critères a été défini pour ces quatre projets. ils doivent à la fois servir les intérêts de la société et comprendre une dimension pédagogique pour les volontaires. Les projets doivent être axés sur l’action et favoriser la communication avec le grand public et/ou les bénéficiaires. Toutes les activités doivent être complémentaires et en lien avec les activités menées au quotidien par les volontaires et le personnel de la Croix-Rouge française.

«  Je me souviens de Marjorie, une des premières volontaires arrivée dans le cadre du Service civique », dit Caroline Soublie, cheffe du département Jeunesse et volontariat de la Croix-Rouge française. «  Par hasard, elle a rencontré un employé d’une de nos maisons de retraite située dans la rue où elle dormait alors qu’elle était sans-abri. ils ont discuté de la possibilité qu’elle vienne faire du volontariat à la maison de retraite. Marjorie s’est investie ; elle a aidé et accompagné les personnes âgées dans leur vie quotidienne et a commencé à organiser des activités culturelles et ludiques. Par la même occasion, elle a pris conscience de ce qu’elle était capable de faire, voyant les personnes âgées la remercier et lui sourire. depuis, elle a commencé une formation dans le domaine des soins à domicile. »

À la fin de leur Service civique, les volontaires qui ont choisi la Croix-Rouge française sont encouragés à commencer une formation, professionnelle ou autre.

« À ce jour, la plupart des volontaires arrivés dans le cadre du Service civique ont saisi cette occasion pour se former à devenir infirmiers, assistants sociaux ou puériculteurs », dit Lucie Bodet, coordinatrice du programme.P

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entraîner une augmentation des abus d’alcool et de drogues et du nombre de personnes souffrant de dépression et mettant fin à leurs jours.

des changements considérables sur les marchés du travail, tendances

Si la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge ne sont normalement pas actifs dans le domaine de l’emploi et du travail, les conséquences sociales d’un taux de chômage élevé constituent une grande préoccupation pour les individus, les communautés et les sociétés.

Nombre de Sociétés nationales indiquent qu’un nombre croissant de chômeurs prennent contact avec elles pour obtenir assistance et soutien et se faire aider pour remplir les formulaires de demande de prestations sociales. D’autres ont vu le nombre de leurs volontaires augmenter de manière considérable, certains souhaitant occuper leur temps utilement et d’autres espérant se former ou acquérir des compétences pour trouver du travail. Plusieurs Sociétés nationales, comme celles d’Islande, de France, d’Espagne et de Finlande, ont mis en place, par le biais de leurs centres Jeunesse, des activités variées de conseil et de for-mation à l’intention des chômeurs.

En outre, les Sociétés nationales ont signalé certains des changements qu’elles ont observés sur le marché du travail. En Allemagne, près de la moitié (45 %) des nouveaux contrats établis depuis 2008 correspondent à des « mini-emplois », c’est-à-dire à des contrats à court terme. S’il vaut mieux avoir un mini-em-ploi que pas d’emploi du tout et si ces contrats offrent une certaine flexibilité, il est vrai qu’ils ne sont assortis d’aucune sécurité sociale. En Allemagne, un quart des travailleurs ont des salaires peu élevés, et le nombre de personnes qui n’arrivent pas à vivre avec leur revenu est en augmentation constante. En août 2012, près de 600 000 Allemands bénéficiant d’une assurance sociale ont dû demander une aide supplémentaire, et 1,33 million de personnes qui tra-vaillent ne gagnent pas assez pour subvenir à tous leurs besoins. Et pourtant l’Allemagne n’est pas souvent associée à la crise et compte parmi les cinq pays européens à afficher des taux d’emploi plus élevés qu’avant la crise.

Partout ailleurs, les taux de chômage atteignent des niveaux alarmants. Début 2013, au moment où la Fédération internationale réalisait son enquête auprès des Sociétés nationales, le taux de chômage des jeunes s’établissait à plus de 30 %. Quelques mois plus tard, ce chiffre était passé à plus de 50 ou 60 % dans certains pays.

Selon l’OIT, plus de 26,3 millions d’Européens étaient au chômage en février 2013, soit 10,2 millions de plus qu’en 2008. Il est important de souligner que si la situation de l’emploi avait cessé de se détériorer en 2010-2011, elle a connu nouveau déclin l’année dernière.

En février 2013, le taux de chômage dans l’Union européenne s’élevait à 10,9 %, soit 4,1 points de pourcentage au-dessus de celui enregistré avant la crise (fé-vrier 2008). Le taux de chômage dans la zone euro a connu une hausse plus importante encore, atteignant le niveau historique de 12 % en 2013 (OIT : « Snapshots of the labour market in EU-2013 »).

Il y a eu une augmentation du nombre de demandes d’aide de chômeurs de longue durée, de parents isolés, de sans-abri et d’étrangers en situation irrégulière.

Croix-Rouge hellénique

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L’inquiétude pourrait provoquer des troubles publics Outre les conséquences au niveau personnel, il existe un risque que les taux de chômage élevés provoquent des troubles sociaux. Le graphique de l’OIT montre que le risque de troubles sociaux en Europe a augmenté de 12 % par rapport à 2011-2012, un risque contre lequel le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a mis en garde au début de l’année 2013.

« Si les chiffres du chômage ne commencent pas à baisser, l’inquiétude des populations va croître encore davantage », a dit Bekele Geleta, secrétaire général de la Fédération internationale.

« Je n'écarte pas la possibilité d'une montée de l’exclusion sociale, des tensions, de l'inquiétude et des troubles publics. Si les gens n’ont rien à faire et qu’ils n’attendent rien de l’avenir, cela crée un malaise et de l’agitation politique », a-t-il affirmé.

Le directeur général du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), Yves Daccord, a tenu des propos similaires lors d’une réunion organisée par la Croix-Rouge finlandaise en juillet 2013.

Figure 3. évolution du risque de troubles sociaux entre 2006-2007 et 2011-2012

Note : L’échelle de l’indice va de 0 à 100 %, 100 % représentant le plus fort risque de troubles sociaux. Le graphique met en évidence l’accroissement et la réduction du risque en points de pourcentage. Les barres représentent la moyenne simple de chaque région.

Source : Calculs de l’Institut international d’études sociales (IIES) sur la base des résultats du Sondage international Gallup de 2013.

Le risque de troubles sociaux est un indicateur composite calculé par l’IIES sur la base des résultats d’une enquête sur la perception qu’ont les individus de différents aspects de leur vie. Cette enquête porte notamment sur la confiance qu’ont les individus dans leur gouvernement, leur opinion quant à la question de savoir si leurs conditions d’existence s’améliorent et leur perception de l’état du marché du travail (voir OIT, Rapport sur le travail dans le monde 2012). Le risque estimé de troubles sociaux est donc qualitatif par nature. Il est à relever que, selon les constatations faites, l’évolution du risque – estimé – de troubles sociaux est étroitement liée à l’évolution du taux de chômage et de la répartition des revenus (telle que mesurée par le coefficient de Gini), et ne dépend que peu des fluctuations de la croissance économique.

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UE des 27 Moyen-Orient et Afrique du Nord

Amérique latine et Caraïbes

Asie de l’Est, Asie du

Sud-Est et Pacifique

Afriquesub-saharienne

Asie du Sud

Europecentrale,

Europe duSud-Est et

CEI (hors UEdes 27)

Économies avancées (hors UEdes 27)

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significative du nombre de

volontaires du fait de l’accroissement de la solidarité et de la

hausse du chômage, les gens ayant plus

de temps libre.

Croix-Rouge hellénique

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« L’Europe a longtemps su maintenir la confiance des jeunes en l’avenir, même en périodes de troubles. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. La hausse des prix et le chômage généralisé font que les jeunes citadins ne croient plus en l’avenir et que les gouvernements commencent à perdre leur crédibilité et leur légitimité », a-t-il dit, avertissant que quelque chose de grave pouvait arriver en Europe.

« Quelque chose va se passer. Pas nécessairement quelque chose de similaire à ce dont nous avons été témoins ailleurs, quand les populations se battaient pour la liberté, mais quelque chose va se passer. Les gouvernements et la Croix-Rouge vont être soumis à une forte pression pour se repositionner par rapport à la nouvelle réalité en Europe. »

Le chômage des jeunes est particulièrement préoccupant en Europe, et les sta-tistiques sont effarantes : plus de 60 % dans certains pays. En Espagne et en Grèce par exemple, cette tendance est bien établie, mais aujourd’hui, des pays comme la Serbie et la Bosnie-Herzégovine affichent aussi des taux de chômage des jeunes de plus de 50 %. Même des économies plus solides, telles que la Suède et le Luxembourg, enregistrent des taux de près de 20 %. Parmi tous les pays où ces statistiques sont disponibles, seulement cinq ont un taux de chô-mage des jeunes à un chiffre.

L’érosion fiscale fait basculer les familles dans le précipiceSelon le dernier rapport de l’OCDE, l’ancienne génération semble mieux s’en sortir que les jeunes de manière générale. Toutefois, le chômage des plus de 50 ans est une réelle source de préoccupation pour la Fédération internationale. Nombre d’entre eux étant des soutiens de famille, leur licenciement a des consé-quences pour chacun des membres de la famille. Parallèlement, les systèmes de protection sociale sont souvent à bout de ressources et/ou fondés sur les besoins d’avant la crise, quand les taux de chômage étaient beaucoup plus bas. Dans certains pays, les chômeurs doivent vendre tous leurs biens de valeur afin d’être admissibles à l’aide sociale.

Tableau 6. Chômage des jeunesnombre de chômeurs âgés de 15 à 24 ans en pourcentage de la population active (sont exclus les jeunes qui poursuivent des études ou une formation)

Pays 2008 2012Albanie 27,1 22,0

Allemagne 10,6 8,1

Andorre - -

Arménie 46,5 39,1

Autriche 8,0 8,7

Azerbaïdjan - -

Bélarus 12,51 17,5

Belgique 18 19,8

Bosnie-Herzégovine 47,3 58,4

Bulgarie 11,9 28,1

Chypre 9,0 27,8

Croatie 21,9 43,0

Danemark 8,0 14,1

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Tendance 5 : Chômage

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Espagne 24,6 53,2

Estonie 12,1 20,9

Finlande 16,5 19,0

France 19,3 24,6

Géorgie 32,4 34,6

Grèce 22,1 55,3

Hongrie 19,9 28,1

Irlande 13,3 30,4

Islande 8,2 13,6

Italie 21,3 35,3

Kazakhstan 8,1 3,9

Kirghizistan 22,2 43,5

Lettonie 14,5 28,4

Liechtenstein - -

Lituanie 12,2 26,4

Luxembourg 17,3 18,0

Ex-République yougoslave de Macédoine

58,4 53,0

Malte 12,2 14,2

Moldova 13,1 11,8

Monaco - -

Monténégro 30,1 37,82

Norvège 7,3 8,6

Ouzbékistan - -

Pays-Bas 6,3 9,5

Pologne 17,2 26,5

Portugal 20,2 37,7

République tchèque 9,9 19,5

Roumanie 18,6 22,7

Royaume-Uni 15,0 21,0

Russie 15,4 14,9

Saint-Marin - -

Serbie 32,7 51,2

Slovaquie 19,3 34,0

Slovénie 10,4 20,6

Suède 20,2 23,7

Suisse 7,0 9,2

Tadjikistan - -

Turkménistan - -

Turquie 18,4 15,7

Ukraine 13,3 17,3

1 Données de 2008.2 Données de 2011.

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BElgiqUE : Devoir compter chaque euro dépensé

«  nous n’avions jamais imaginé devoir un jour demander de l’aide pour survivre », dit Sigrid, une femme de 30 ans vivant à Charleroi dans le centre

de la Belgique.

« Mon mari était maçon, et je travaillais aussi. ensemble, nous gagnions plus de 5 000 euros par mois. Puis, nous avons sombré dans la dépression après avoir perdu un enfant. nous n’avons pas pu travailler pendant quelque temps. Mon mari a perdu son travail et n’a pas reçu les trois mois de salaire que son patron lui devait – tout cela s’est passé en seulement deux semaines. Pratiquement du jour au lendemain, nous nous sommes retrouvés sans argent, rien. Les dettes se sont accumulées et ont rapidement atteint 9 000 euros avec le crédit de la voiture et l’hypothèque. »

Sigrid et son mari avaient acheté une maison qu’ils rénovaient eux-mêmes. Après le constat du médiateur de dettes, ils ont dû vendre la maison aux enchères. ils habitent maintenant dans un logement social avec leurs deux jeunes enfants. Un assistant social les a aiguillés vers l’une des 24 épiceries sociales gérées par la Croix-Rouge de Belgique, dont le personnel est entièrement composé de volontaires et où il est possible d’acheter à prix réduits de la nourriture et d’autres produits de première nécessité.

« nous pouvons acheter des produits pour l’équivalant de 44 euros par mois. Cela peut paraître peu, mais j’arrive ainsi à joindre les deux bouts. dans cette épicerie, j’achète du lait, des couches et d’autres produits qui coûtent normalement très cher. Aujourd’hui, nous vivons au jour le jour, en comptant chaque euro dépensé, et nous craignons toujours que nos enfants tombent malades… »

Sigrid et sa famille ont accepté de raconter leur histoire et de participer à la campagne annuelle de collecte de fonds « La Quinzaine », dans le cadre de laquelle la Croix-Rouge de Belgique parcourt les rues pendant deux semaines pour recueillir de l’argent. Une partie des fonds collectés sert à financer les épiceries sociales et le reste est utilisé pour faire fonctionner les 80 centres de la Croix-Rouge qui fournissent maintenant des vivres à plus de 24 000 personnes en Belgique.

« Les personnes touchées sont dirigées vers nous par les autorités. de plus en plus de chômeurs, de retraités et d’étudiants qui n’arrivent pas à s’en sortir – en particulier à cause du prix élevé de l’énergie – s’adressent à nous pour obtenir de l’aide. nous sommes aussi sollicités par des mères célibataires qui travaillent mais qui ne gagnent pas assez pour acheter de la nourriture et couvrir tous les autres frais mensuels », dit nancy Ferroni de la Croix-Rouge de Belgique.

La vitesse à laquelle les chiffres du chômage ont augmenté rien qu’au cours des derniers 24 mois montre que la crise s’aggrave, entraînant des coûts person-nels importants et risquant de provoquer des troubles publics et une montée de l'extrémisme. Si l’on ajoute à cela la hausse du coût de la vie, le tout constitue un cocktail dangereux.

La Croix-Rouge de Roumanie a noté que le salaire moyen a diminué d’un quart depuis le début de la crise, tandis que le coût de la vie a augmenté de près d’un tiers. Cette érosion fiscale indique que la crise a touché 70 % de la population. La Société nationale distribue actuellement des vivres à 94 000 familles.

En juin 2013, la Croix-Rouge espagnole a indiqué que, dans plus de 1,8 million de ménages en âge de travailler, aucun des membres n’avait un emploi.

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Faire face à la crise

islande : activation du mode catastrophe

Au cours du triste automne de 2008, la population islandaise a subi un choc brutal quand l’économie du pays s’est effondrée. En l’espace de seulement quelques jours, les trois principales banques com-merciales islandaises se sont effondrées et ont été mises en faillite. La bulle qui semblait ne jamais devoir cessé de grossir a tout simplement explosé.

Le système de paiement du pays était au bord du gouffre. La population, habituée à tout acheter à crédit, des courses aux voitures de luxe, a été confrontée à la menace très réelle de ne plus pou-

voir utiliser du tout ses cartes de plastique. Même

les espèces faisaient défaut.

À cette époque, la dette extérieure du pays s’élevait à 50 milliards d’euros – pour une population de seu-lement 315 000 habitants. Plus de 80 % de la dette était émise et détenue par le secteur bancaire, le produit intérieur brut du pays s’élevant seulement à 8,5 milliards d’euros en 2007.

Le 6 octobre 2008, le Parlement islandais a voté dans l’urgence une loi conférant au gouvernement des pouvoirs sans précédent sur les banques et la gestion de l’économie.

Dans la nuit du 8 octobre, la Banque centrale islan-daise a renoncé à maintenir à flot la couronne is-landaise. La monnaie s’est dépréciée à la vitesse de l’éclair, et les opérations de change ont été pratique-ment interrompues. Le lendemain matin, nombre de nantis Islandais, qui avaient contracté des cré-dits en devises étrangères, se sont réveillés pauvres et abasourdis.

« Nous avons vite compris que nous n’assistions pas à un effondrement financier, mais à une catas-trophe de dimension historique qui allait frapper l’ensemble de la population. C’est pourquoi la Croix-Rouge islandaise a activé le mode catas-trophe », dit Sólveig Ólafsdóttir, responsable de la communication à la Croix-Rouge islandaise.

« Le service d’assistance téléphonique de la Croix-Rouge ouvert 24 heures sur 24, le 1717, recevait des appels de personnes qui n’avaient probablement jamais imaginé qu’un jour elles demanderaient de l’aide. Le nombre d’appels a rapidement plus que doublé et s’est maintenu à ce niveau pendant en-viron deux ans », affirme-t-elle.

La Croix-Rouge islandaise a lancé plusieurs nou-veaux programmes destinés aux nouveaux groupes de personnes touchées par la crise, en particulier celles qui se sont retrouvées au chômage prati-quement du jour au lendemain. Ces programmes ciblaient également les personnes en situation de faillite financière et celles qui, rongées par l’an-goisse, vivaient un véritable cauchemar.

La seule chose que l’on peut dire pour décrire la situation est que toute la population était traumatisée.

Croix-Rouge islandaise

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Faire face à la crise

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Centres de rassemblementLa Croix-Rouge islandaise a demandé des conseils aux autres Sociétés nationales nordiques, qui avaient elles aussi dû faire face à de graves crises économiques dans les années 1990. En outre, elle a évalué ses propres capacités par rapport à l’ampleur de la situation et a comparé ses services avec ceux que les autres institutions et organisations propo-saient. Sur cette base, elle a décidé de se concentrer sur le soutien psychosocial.

La Société nationale a produit et diffusé sur la prin-cipale chaîne de télévision publique du pays une série de messages télévisés dans lesquels des psy-chologues de la Croix-Rouge discutaient du trauma-tisme et des moyens de le surmonter.

En Islande, le rôle de la Croix-Rouge dans le système de protection civile en cas de catastrophe est claire-ment défini, et il a été décidé de répondre à la crise économique par les mêmes moyens, en fondant l’in-tervention sur l’expérience de la Société nationale dans le domaine des catastrophes.

« En mars 2009, nous avons ouvert à Reykjavik, la capitale, un centre de rassemblement où la popula-tion pouvait obtenir un soutien psychosocial et des conseils. Le centre proposait des activités ludiques afin que les chômeurs puissent s’occuper et combler le vide. En outre, des conseils financiers et des infor-mations étaient donnés sur les droits des individus et les aides qu’ils pouvaient obtenir par le biais du système de sécurité sociale », explique Sólveig Ólafsdóttir.

Suite au succès rencontré à Reykjavik, des centres de rassemblement ont été mis en place dans d’autres régions.

« L’accent était particulièrement mis sur le volon-tariat. Les volontaires se chargeaient des tâches quotidiennes et jouaient un rôle déterminant en apportant un soutien à leurs pairs, et des respon-sables de programmes rémunérés étaient recrutés pour assurer la coordination des centres. »

La Croix-Rouge islandaise travaillait en étroite col-laboration avec les pouvoirs publics sur les ques-tions liées au chômage et à la protection sociale des groupes vulnérables. Un des programmes proposait un accompagnement personnalisé de trois mois pour les chômeurs socialement exclus.

« Nous avions conclu avec les pouvoirs publics un accord visant à lutter contre l’isolement social et la

dépendance excessive à l’aide sociale et à réinsérer les chômeurs dans la vie active. Nous avions signé un contrat avec la Direction du travail et avions un représentant au Welfare Watch, un comité qui avait été établi par le ministère des Affaires sociales et qui est toujours en activité aujourd’hui. Un programme spécial avait été mis au point pour les jeunes chô-meurs, et des activités gratuites étaient proposées pendant l’été aux enfants dont les parents ne pou-vaient plus se permettre ce type de dépenses », se rappelle Sólveig Ólafsdóttir.

La Croix-Rouge islandaise a maintenant désactivé le mode catastrophe. La stratégie adoptée consistait à faire face à la situation comme s’il s’agissait d’une catastrophe soudaine, mais le temps a passé, et la situation s'est normalisée.

Mais la crise économique a eu un impact sur la Croix-Rouge islandaise, qui a vu ses revenus dimi-nuer et doit maintenant s’adapter à la nouvelle réa-lité.

Serbie : nourriture, tolérance et entraideEn période de crise économique, la Croix-Rouge se trouve souvent dans une impasse : des défis et des besoins humanitaires accrus d’une part et des res-sources financières réduites d’autre part.

Tel a été le cas récemment de la Croix-Rouge de Serbie, qui a déployé des efforts intenses pour obtenir de ses sources de revenus existantes les mêmes financements qu’auparavant, tout en devant répondre à des besoins croissants.

En Serbie, le taux officiel de chômage au niveau na-tional est de 28,3 %, mais il est beaucoup plus élevé dans certaines provinces. La détérioration continue du marché du travail fait que les pauvres sont tou-jours plus nombreux. En 2008, 6 % de la population vivait en dessous du seuil de pauvreté, contre 10 % en 2011, une proportion qui devrait encore aug-menter.

La Croix-Rouge de Serbie fait face à la crise de diffé-rentes façons :

• Les soupes populaires ouvertes dans les années 1990 fournissent de la nourriture à un nombre variable de personnes depuis deux décennies,

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mais ce nombre a augmenté ces dernières années. Elles accueillent aujourd’hui 34  000 personnes, dont environ 12 000 ont moins de 18 ans. Ce sont pour la plupart des enfants dont les parents ont perdu leur emploi durant la crise économique. Les besoins sont plus grands, mais les fonds restent limités.

•Dans 105 municipalités où il n’y a pas de soupe populaire, la Croix-Rouge est parvenue, avec un appui financier limité de l’État, à distribuer des vivres et des trousses d’hygiène à plus de 40 000 familles au cours des trois dernières années.

•Chaque année, la Croix-Rouge organise des camps d’été accueillant 3  000 enfants vulnérables. Elle propose aussi d’autres formes de soutien destiné aux enfants, telles que des programmes d’éduca-tion.

•Au cours des deux dernières années, la section de Belgrade de la Croix-Rouge a aidé des sans-abri en leur offrant un soutien psychosocial, en les aidant à obtenir des documents officiels, en assurant un transport vers les centres médicaux et en distri-buant des articles jugés essentiels par les sans-abri (lampes torches, sous-vêtements chauds, imper-méables, aliments en conserve). Ces services sont financés grâce à des concerts pendant lesquels le public fait des dons pour cette cause.

•Un programme de soins à domicile pour venir en aide à 6 000 personnes est mis en œuvre par des volontaires et supervisé par des professionnels.

•Un grand nombre de sections locales mettent en œuvre un programme qui vise à prévenir la vio-lence chez les jeunes en sensibilisant les écoliers au respect de la diversité, à la tolérance et à l’es-prit humanitaire en général.

Plus de 800 volontaires et enseignants formés se rendent dans 260 écoles dans le cadre du pro-gramme de diffusion des valeurs humanitaires mis en œuvre par la Croix-Rouge, sensibilisant plus de 22 000 élèves. Les questions abordées comprennent la communication non violente, l’identité person-nelle et de groupe, l’égalité de genre, les droits des enfants, la prévention de la stigmatisation et de la discrimination et la prévention de la cyberintimida-tion.

« La crise économique nous a aussi obligés à inten-sifier nos activités en faveur des personnes âgées », dit Vesna Milenovic, secrétaire générale de la Croix-Rouge de Serbie.

« En raison des coupes budgétaires et des mesures d’austérité, d’une part, et de la hausse du coût de la santé et des services sociaux liée au vieillissement de la population, d’autre part, les financements pu-blics ne suffisent plus à répondre aux besoins. De nouveaux modèles de solidarité doivent être mis en place. Nous nous sommes donc attachés à créer des groupes d’entraide pour permettre aux personnes âgées d’être des citoyens actifs. Nous nous sommes également attachés à promouvoir les droits des per-sonnes âgées auprès des organismes compétents et des pouvoirs publics et par le biais des médias », ajoute-t-elle.

La Croix-Rouge a notamment mis en place des cercles téléphoniques dans lesquels les personnes âgées se téléphonent chaque jour pour vérifier que tout va bien, ainsi qu’un service d’assistance télé-phonique par le biais duquel des volontaires âgés apportent des conseils et un soutien à leurs pairs. Les volontaires de la Croix-Rouge travaillent en collaboration avec les établissements médicaux : ils collectent les ordonnances de personnes âgées vivant en zone rurale puis livrent les médicaments chez les patients.

La Croix-Rouge de Serbie a aussi établi 42 groupes d’entraide réunissant 462 personnes âgées à travers le pays. Ces groupes ont été créés dans des environ-nements et des contextes différents et sont variés en termes d’ethnicité, de nationalité, de niveau d’instruction et d’expérience professionnelle. Les personnes déplacées et les réfugiés y sont les bien-venus.

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Faire face à la crise

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Les groupes d’entraide sont des environnements ouverts qui offrent des possibilités différentes à chacun des membres, des occasions d’élargir et de renouveler son réseau social et une tribune pour parler des problèmes qui se posent au niveau com-munautaire et ainsi influencer le processus de prise de décisions au niveau local. Ils permettent aussi aux membres d’échanger des informations et des compétences.

« Il est difficile de répondre à tous les besoins créés par la crise économique. Grâce à notre solide réseau de sections locales, de volontaires et d’employés, nous sommes parvenus à nous adapter et à inten-sifier certaines activités. Toutefois, nous sommes conscients que nous pourrions faire beaucoup plus », dit Vesna Milenovic.

espagne : maintenant plus que jamais Lorsque la Croix-Rouge espagnole s’est associée à une chaîne de télévision nationale au début de

l’année 2013 dans le cadre d’une campagne de sen-sibilisation et de collecte de fonds en faveur des personnes qui risquaient de perdre leur logement, ce fut la stupéfaction générale : près d’un appel sur trois passé au standard téléphonique ne provenait pas d’un donateur, mais d’une personne demandant de l’aide pour payer son loyer ou rembourser son hypothèque.

« Cela ne fait que confirmer qu’il existe un besoin croissant d’aide  », affirme Jose Javier Sánchez Espinosa, directeur adjoint du département Intégration sociale de la Croix-Rouge espagnole.

Dans les six mois qui ont suivi le lancement du pro-gramme, plus de 6  000 familles luttant pour garder leur logement ont pris contact avec la Croix-Rouge espa-gnole.

«  Nous essayons de fournir une aide le plus tôt possible, dès que les

En Espagne, aucun des

membres de plus de 1,7 million de ménages en âge

de travailler et de 55,1 % des ménages bénéficiant de l'aide

de la Croix-Rouge n'a un emploi.

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difficultés financières se font sentir. À l’aide de notre 'questionnaire social', nous obtenons des informa-tions sur la situation de la famille et nous détermi-nons quel soutien peut lui être apporté. Souvent, nous fournissons de la nourriture ou d’autres articles, la famille pouvant ainsi économiser pour payer les charges et le loyer », dit Jose Espinosa.

« Lorsque le processus juridique d’expulsion est en-gagé, il est souvent trop tard. Et si ce n’est pas le cas, il est très difficile d’agir. Une intervention précoce peut être beaucoup plus efficace ; elle augmente considérablement les chances de réussir à aider les familles à garder leur logement ».

Premier appel nationalIl est certainement juste de dire qu’aucune Société nationale de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge n’a autant élargi et modifié ses services que la Croix-Rouge espagnole depuis le début de la crise. Le nombre de personnes bénéficiant des activités de la Société nationale est passé de 900 000 à 2,4 mil-lions en quatre ans. En 2012, la Croix-Rouge espa-gnole a lancé, pour la première fois de son histoire, un appel national intitulé « Ahora más que Nunca » (Maintenant plus que jamais) pour venir en aide aux personnes touchées par la crise. L'argent collecté cette année-là à l'occasion de la Journée nationale annuelle de collecte de fonds, en octobre, a servi à financer l’appel national.

« Nous avons renforcé et élargi les programmes que nous menons habituellement en faveur des plus vulnérables, dont font partie les sans-abri et les per-sonnes âgées. Nous avons aussi lancé de nouvelles initiatives, telles que « Gardez votre maison ». Nous fournissons actuellement de la nourriture à 1,3 mil-lion de personnes, ainsi que d’autres formes d’assis-tance aux familles. En outre, nous conduisons des programmes en faveur des migrants, des enfants, des personnes âgées et des chômeurs, en particulier lorsqu’aucun membre du ménage n'a un emploi », explique Espinosa.

« Nous aidons les enfants des familles socialement défavorisées à faire leurs devoirs. De plus, nous avons commencé à distribuer de la nourriture à des groupes d’enfants quand nous nous sommes rendu compte que nombreux étaient ceux qui arrivaient à l’école sans avoir déjeuné. »

Un effort à long terme La Croix-Rouge espagnole veille à adopter une ap-proche globale dans toutes ses activités, en exa-minant de manière approfondie la situation des familles pour fournir l’assistance la plus appropriée possible et en trouvant des moyens d’associer les familles à la recherche de solutions. Elle garde le contact avec les personnes qu’elle a aidées et fait le point sur leur situation une fois par an afin de pro-duire des rapports sur la vulnérabilité sociale qui non seulement présentent les résultats et les ten-dances, mais aussi offrent une évaluation globale de la vulnérabilité.

Pour étendre ses activités de façon aussi spectacu-laire, la Société nationale a dû mobiliser 200 000 vo-lontaires, trouver de nouveaux moyens de lever des fonds et élargir le nombre de ses membres.

« Malgré la situation économique, la population fait preuve d’une grande solidarité. Plus d’un million de personnes font maintenant régulièrement des dons. Davantage de personnes souhaitent devenir volon-taires : des personnes ayant un emploi qui veulent aider les moins privilégiés, des personnes qui re-çoivent un soutien et veulent aider des personnes traversant les mêmes difficultés ou des chômeurs qui ont du temps à donner », dit Espinosa.

La Croix-Rouge espagnole a tiré des enseignements précieux de l’action entreprise pour répondre à la crise économique dans son pays.

« Le premier est qu’il s’agit d’un effort à long terme, et pas seulement de l'affaire de deux ou trois mois. Un autre enseignement est que si nous avons besoin d’argent pour mener nos activités, nous devons aussi évaluer nos capacités et définir une approche, tout est lié. S’il est gratifiant d’aider les personnes touchées par la crise et de les aider à s’aider elles-mêmes, il est aussi très éprouvant d’être quoti-diennement ou fréquemment en contact avec elles – beaucoup de nos compatriotes sont en situation de souffrance depuis quelques années », affirme-t-il.

Les équipes de soutien psychosocial hautement qua-lifiées de la Croix-Rouge espagnole, qui auparavant étaient déployées au niveau international en cas de catastrophe, travaillent désormais aussi sur le terri-toire espagnol, fournissant une assistance aux per-sonnes touchées par la crise ainsi qu’au personnel et aux volontaires de la Société nationale. La plupart de ces volontaires n’auraient jamais imaginé qu’ils devraient un jour utiliser leurs compétences à une si grande échelle dans leur propre pays.

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Sources

Sources

Tableau 1 – Eurostat : Allemagne, Belgique, Bulgarie,

Croatie, Chypre, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Islande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Norvège, Pologne, Portugal, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse, République tchèque, Royaume-Uni.

– Banque mondiale : Arménie, Azerbaïdjan, Bélarus, Kazakhstan, Kirghizistan, Moldova, Monténégro

– Géorgie : Population vivant en-dessous du seuil de pauvreté/allocation de subsistance, Bureau national de la statistique géorgien : « Living Conditions »

– Ex-République yougoslave de Macédoine : 70 % de la médiane des dépenses équivalentes 2008 : Commission économique des Nations Unies pour l’Europe : UNECE Report on Archieving the Millenium Development Goals in Europe and Central Asia, 2011 (en anglais), Tableau 1A p. 107 ; 2009-11 : Bureau national de la statistique : « Theme: Standard of Living, Poverty » (11.07.2012) tableau, T-1

– Pays-Bas : Bureau national de la statistique « Enquête sur la pauvreté 2012 », « Enquête sur la pauvreté 2011 », « Enquête sur la pauvreté 2009 »

– Russie : Définition du minimum de subsistance (environ €110 par mois). 2008–09 : Commission économique des Nations Unies pour l’Europe : UNECE Report on Achieving the Millennium Development Goals in Europe and Central Asia, 2011 (en anglais), Tableau 1A p. 107 ; 2010-11 : RiaNovosti « Le taux de pauvreté en Russie augmente à 12,8 % en 2011 ».

– Serbie : Seuil de pauvreté en 2008-10 ; Commission économique des Nations Unies pour l’Europe : UNECE Report on Achieving the Millennium Development Goals in Europe and Central Asia, 2011 (en anglais), Tableau 1A p. 107 ; Le seuil de pauvreté a été redéfini en 2011 et établi à 80 euros par mois – Rapport annuel 2012 sur la Serbie

– Turquie : Le seuil de pauvreté a été défini comme étant égal au minimum de

subsistance. Turk Stat « Press release : 2008 Poverty Study », Commission économique des Nations Unies pour l’Europe : UNECE Report on Achieving the Millennium Development Goals in Europe and Central Asia, 2011 (en anglais), Tableau 1A, p. 107.

– Ukraine : Le seuil de pauvreté a été défini comme étant égal au minimum de subsistance, Bureau national de la statistique ukrainien

Tableau 2 – Eurostat : « Income quintile share ratio »

(Répartition des revenus par quintile) – Arménie, Géorgie, Kirghizistan, Ex-République

yougoslave de Macédoine, Moldova, Monténégro, Fédération de Russie, Serbie, Ukraine : Banque mondiale « Part des revenus détenus par les 20 % moins élevés », « Part des revenus détenus par les 20 % plus élevés »

– Kazakhstan : Bureau de la statistique – Turquie : TurkStat (Enquête sur les revenus

et les conditions de vie – Quintiles/déciles classés en fonction du revenu disponible des ménages)

Tableau 3 – Registres de la Fédération internationale et

des Sociétés nationales.

Tableau 4

Prix à la consommation – Pays membres de l’OCDE et Russie : http://

stats.oecd.org/Index.aspx?DataSetCode=MEI_PRICES#

– Bulgarie : Banque mondiale – Géorgie : http://www.geostat.ge/index.

php?action=page&p_id=128&lang=eng – Lettonie : http://www.csb.gov.lv/en/statistikas-

temas/consumer-prices-key-indicators-30504.html

– Kirghizistan et Serbie : Kirghizistan, Index : 2000=100, http://www.imf.org/external/pubs/ft/weo/2013/01/weodata/weorept.aspx?sy=2008&ey=2012&scsm=1&ssd=1&sort=country&ds=.&br=1&c=942%2C917&s=PCPI&grp=0&a=&pr.x=46&pr.y=13

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– Espagne : http://www.ine.es/varipc/verVariaciones.do?idmesini=1&anyoini=2008&idmesfin=12&anyofin=2011&ntipo=1&enviar=Calculate, janvier 2008-décembre 2011.

Salaires – OCDE : Travail-Salaires annuels moyens -

Parité de pouvoir d’achat en dollars É.-U. 2011 et prix constants de 2011 http://stats.oecd.org/#

– Géorgie : Moyenne mensuelle en monnaie nationale : http://www.geostat.ge/index.php?action=page&p_id=149&lang=eng

– Eurostat Bulgarie – http://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/show.do?dataset=earn_gr_nace2&lang=en

– Lettonie : Rémunérations brutes annuelles moyennes par activité économique en euros – Industrie, construction et services (à l’exception des activités des ménages en leur qualité d'employeurs et de celles des organisations et organismes extraterritoriaux) – Temps pleins http://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/setupModifyTableLayout.do

– Hongrie : Rémunérations brutes mensuelles moyennes des employés dans l’économie nationale en monnaie locale : http://www.ksh.hu/docs/eng/xstadat/xstadat_annual/i_qli012b.html

– Russie : Salaires mensuels moyens en monnaie nationale : http://www.gks.ru/bgd/regl/b12_12/IssWWW.exe/stg/d01/07-08.htm

– Serbie : http://webrzs.stat.gov.rs/WebSite/Public/ReportResultView.aspx - Salaires et rémunérations moyens par employé par

activité, avril 2011.

Tableau 5 – Calculs basés sur les comptes nationaux de

l’Organisation mondiale de la Santé

Table 6 – Eurostat : tous les États de l’Union européenne – Banque mondiale : Albanie, Arménie, Bosnie-

Herzégovine, Monténégro – Nations Unies : Bélarus, Géorgie – ILOSTAT : Kazakhstan, Ex-République

yougoslave de Macédoine, Moldova, Russie, Suisse et Serbie

– Société nationale : Kirghizistan – Données nationales : Ukraine (Bureau de la

statistique ukrainien)

Le type de personnes qui se présentent à la

Croix-Rouge pour faire du volontariat a changé. Souvent, la détresse se cache derrière la volonté de travailler en tant que

volontaire.

Croix-Rouge portugaise

En Suède, les milieux politiques et les autorités ont

dit qu’ils s’attendaient à ce que des acteurs tels que la Croix-

Rouge assument un rôle et des responsabilités accrus dans le

domaine de la protection sociale.

Croix-Rouge suédoise

Aujourd’hui, trois millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté, dont 439 000 enfants. Plus de 400 000 ménages sont sans emploi, ce qui signifie qu’aucun des membres de la famille n’a de travail.

Croix-Rouge hellénique

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Dans un monde meilleurNormunds Kvilis était l’exemple même de l’homme de la classe moyenne. Professeur d’anglais dans sa ville natale, il percevait un salaire bas, mais stable. Peu après que son pays, la Lettonie, est passé à une économie de marché, il a décidé de se lancer dans le marché émergent de l’immobilier, et il a réussi. À un moment donné, ses avoirs nets dépassaient lar-gement les deux millions d’euros, et son entreprise comptait cinq employés et quinze représentants de commerce.

Quand l’économie lettone a été frappée de plein fouet par la crise en 2008-2009 et que toutes les bulles ont éclaté simultanément, il a fait ce qu’il a appelé une « série d’erreurs ».

« Le marché de l’immobilier s’est effondré presque du jour au lendemain, mais j’ai voulu sauver les apparences. J’ai hypothéqué mes actifs et continué à vivre comme si de rien n’était. Quand la banque a fini par saisir tout ce que je possédais, j’ai commis une dernière erreur en hypothéquant l’appartement où vivait ma mère et où j’avais habité après mon second divorce. »

Ce fut la fin pour Normunds Kvilis, qui est ainsi passé de la richesse à la misère. Un après-midi de 2012, il s’est retrouvé dans la rue sans argent et sans abri, et il a commencé à boire.

Encore aujourd’hui, le système letton veut que, pour « exister officiellement », chacun déclare son adresse, qui ne peut pas être celle d’une boîte pos-tale ni d’un foyer d’accueil de nuit ou d’un héber-gement temporaire. Normunds vit maintenant dans l’appartement d’un ami, mais il n’a pas d’adresse à déclarer. Sans adresse, Normunds, comme bien d’autres dans son cas, ne peut pas être légalement employé. Or, sans la possibilité de travailler légale-ment, il a peu de chances de gagner assez d’argent pour louer un appartement, et sans adresse à dé-clarer, il ne peut pas exister.

Ce cercle vicieux et grotesque illustre bien combien il est difficile de se réinsérer dans la société après avoir sombré dans la pauvreté.

«  Empêcher ainsi les gens de passer au-dessus du seuil de pauvreté est une perte insensée de

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ressources et de potentiel, quelles qu’en soient les raisons. Les gouvernements et les autres parties prenantes doivent penser différemment », dit Ketija Talberga, directrice du centre social de la Croix-Rouge de Jurmala, où Normunds, affamé et ivre, est un jour allé demander de l’aide.

Normunds vit maintenant une vie plus saine et ré-fléchit avec la Croix-Rouge aux moyens d’utiliser ses connaissances et son expérience professionnelles dans l’intérêt d’autres personnes socialement vul-nérables.

Normunds est l’une des cinq personnes qui ont fait le récit de leur histoire dans la vidéo In a Better World (Dans un monde meilleur), qui accompagne le présent rapport. Il y a aussi Maurizio, un Italien dont l’entreprise a fait faillite et qui vit maintenant dans un camping-car – autrefois sa maison de vacances ; Jorge, un Portugais qui n’a jamais réussi à trouver de travail après avoir obtenu son diplôme et qui vit tou-jours chez ses parents ; Elena de la République de Moldova, et Meerby du Kirghizistan, qui sont toutes les deux parties à l’étranger pour chercher du tra-vail, mais qui ont dû retourner dans leur pays pour des raisons différentes. Un couple sans enfant a, un jour, proposé, d’acheter le bébé de Meerby lorsqu’elle n’avait pas d’argent.

Ces personnes sont des Européens ordinaires qui ra-content les conséquences que la crise économique a eues pour eux, comment ils ont fait face et com-bien ils espèrent voir la situation s’améliorer – vivre dans un monde meilleur – en particulier pour leurs enfants.

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Humanité Né du souci de porter secours sans dis-crimination aux blessés des champs de bataille, le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, sous son aspect international et national, s’efforce de prévenir et d’alléger en toutes circonstances les souffrances des hommes. Il tend à protéger la vie et la santé ainsi qu’à faire respecter la personne humaine. Il favorise la com-préhension mutuelle, l’amitié, la coopération et une paix durable entre tous les peuples.

Impartialité Il ne fait aucune distinction de na-tionalité, de race, de religion, de condition sociale et d’appartenance politique. Il s’applique seule-ment à secourir les individus à la mesure de leur souffrance et à subvenir par priorité aux détresses les plus urgentes.

Neutralité Afin de garder la confiance de tous, le Mouvement s’abstient de prendre part aux hos-tilités et, en tout temps, aux controverses d’ordre politique, racial, religieux et idéologique.

Indépendance Le Mouvement est indépendant. Auxiliaires des pouvoirs publics dans leurs activi-tés humanitaires et soumises aux lois qui régis-sent leur pays respectif, les Sociétés nationales doivent pourtant conserver une autonomie qui leur permette d’agir toujours selon les principes du Mouvement.

Volontariat Il est un mouvement de secours vo-lontaire et désintéressé.

Unité Il ne peut y avoir qu’une seule Société de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge dans un même pays. Elle doit être ouverte à tous et étendre son action humanitaire au territoire entier.

Universalité Le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, au sein duquel toutes les Sociétés ont des droits égaux et le devoir de s’entraider, est universel.

Principes fondamentaux du Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge

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www.ifrc.orgSauver des vies, changer les mentalités. 12

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Pour plus d’informations:Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-RougeCase postale 303CH-1211 Genève, SuisseTéléphone : +41 22 730 4222Courriel : [email protected] web : www.ifrc.org

Zone Europe de la Fédération internationaleBerkenye str. 13 -151025 Budapest, HungaryTéléphone : +36 1 888 45 00 Courriel : [email protected]

La Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge est le plus vaste réseau humanitaire de volontaires au monde, qui atteint 150 millions de personnes chaque année par le biais de ses 189 Sociétés nationales. Ensemble, nous œuvrons avant, pendant et après les catastrophes et les urgences sanitaires pour répondre aux besoins et améliorer les conditions d’existence des personnes vulnérables. Nous agissons de façon impartiale, sans distinction fondée sur la nationalité, la race, le sexe, les croyances religieuses, la classe ou les opinions politiques.

Guidés par la Stratégie 2020 – notre plan d’action collectif pour faire face aux défis humanitaires majeurs de la décennie – nous sommes déterminés à « sauver des vies et changer les mentalités ».

Nous tenons notre force de notre réseau de volontaires, du savoir-faire acquis dans les communautés, de notre indépendance et de notre neutralité. Nous nous employons à améliorer les normes humanitaires, en tant que partenaires du développement et en intervenant en cas de catastrophe. Nous persuadons les décideurs d’agir en toutes circonstances dans l’intérêt des personnes vulnérables. Ce faisant, nous rendons les communautés saines et sûres, réduisons les vulnérabilités, renforçons la résilience et encourageons une culture de paix dans le monde entier.