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RÉVOLUTION NUMÉRIQUE POUR LE SUD L’Afrique emprunte les voies du numérique Qu’en est-il des déchets électroniques ? L’électronique (non)équitable LA BIODIVERSITÉ : UN TRÉSOR MÉCONNU DERNIER NUMÉRO PAPIER N° 3/ 2016 • TRIMESTRIEL SEPTEMBRE-OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2016 P308613 • BUREAU DE DÉPÔT BRUXELLES X

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RÉVOLUTION NUMÉRIQUE POUR

LE SUDL’Afrique emprunte

les voies du numérique

Qu’en est-il des déchets électroniques ?

L’électronique (non)équitable

LA BIODIVERSITÉ : UN TRÉSOR MÉCONNU

DERNIER

NUMÉRO P

APIER

N° 3/ 2016 • TRIMESTRIEL SEPTEMBRE-OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2016

P308613 • BUREAU DE DÉPÔT BRUXELLES X

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ou par mail à :[email protected]

Abonnement gratuit sur la nouvelle version digitale :www.glo-be.be

SEPTEMBRE-OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2016Sommaire

18 / 19 >Construire l’avenir du numérique

20 / 21 >La face cachée de l’électronique

22 / 24 >L’électronique (non)équitable

4 Glo.be passe au numérique

5-7 Le numérique, moteur du progrès africain

8-9 D4D : la Belgique y croit

10-15 Le numérique, un atout de poids

16-17 mVAM : suivre la sécurité alimentaire en temps réel avec la technologie mobile

25 Intelligence collective : à la recherche de solutions citoyennes

26 Révolution des données pour la migration et le climat

27 UN Global Pulse : les big data au service du développement

28 D4D : le Prix bisannuel Digitalisation pour le Développement

29 Sakado: une tablette remplie de manuels scolaires

30-31 Détention préventive : histoires de vies

32 Mondiapolis-Oxfam : les Carrefours du monde

33 La biodiversité : un réservoir de solutions pour le développement durable

34-35 La biodiversité dans le Sud a plus que jamais besoin de protection

36-37 Impliquer plus de secteurs pour plus d’impact

38-39 Autour du Glo.be

> DOSSIER

LE NUMÉRIQUE, UN ATOUT DE POIDS

2 SEPTEMBRE-OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2016 I

Vous désirez suivre les news de la coopération belge ?Rendez-vous sur facebook (Diplomatie.Belgium), www.dg-d.be et Glo-be.be

DISPONIBLE EN VERSION TABLETTE

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L’avenir sera numérique ou ne sera pas

POUR UN MONDE DURABLE

N ous vivons dans un monde en perpétuel mouvement. Cette affirmation est même souvent un euphémisme : tout change à une vitesse folle. La numérisation en particulier, ainsi que l’automatisation et la

robotisation inspirent la peur. Y aura-t-il encore assez de travail pour tous ? Dans quelle mesure les gadgets technologiques permettent-ils le progrès ?

Un rapport de la Banque mondiale explique comment se préparer à un avenir numérique. Pour en récolter les fruits, nous devrons d’abord passer par une période de bouleversement. Dans ce contexte, il s’agira de rester vigilants afin d’empêcher la numérisation de creuser le fossé entre les riches et les pauvres.

Quoi qu’il en soit, notre pays a fait son choix : il souhaite tirer un profit maximal des bénéfices du numérique. Le ministre de l’Agenda numérique Alexander De Croo veut également promouvoir le numérique dans le cadre de son autre mandat : la coopération au développement.

Il est vrai que le numérique peut aider les pays en développement : beaucoup d’Africains possèdent un GSM, rendant inutile l’installation de lignes téléphoniques ; les applications poussent comme des champignons ; un fournisseur d’énergie éthiopien propose des panneaux solaires dans les villages les plus isolés, la facture étant réglée via GSM. Le Programme alimentaire mondial peut suivre individuellement via GSM les personnes les plus démunies dans les camps de réfugiés. Ce numéro vous révèlera les innombrables possibilités du numérique. La Belgique est toutefois bien consciente que cet instrument ne peut se concevoir indépendamment d’autres approches plus classiques telles que la distribution de dépliants.

Tout n’est pas rose au pays du numérique. Certains connaissent les images emblématiques des décharges fumantes au Ghana, où pullulent les carcasses d’ordinateurs. La communauté internationale et l’UE tentent de réglementer au maximum le transport des déchets dangereux. La problématique des déchets électroniques ne sera toutefois pas résolue de sitôt, à cause de la pauvreté et du fait que les gouvernements du Sud n’en font pas une priorité.

Les métaux des outils numériques sont-ils extraits de manière équitable et respectueuse de l’environnement ? Quelles sont les conditions de travail lors de l’assemblage ? De nombreuses initiatives tentent de réprimer les abus en la matière. Le seul instrument électronique plus ou moins « équitable » reste le fairphone.

Enfin, les serveurs et l’informatique en nuage sont pour l’instant très énergivores, même si des applications réduisent la consommation énergétique.

Glo.be suit aussi la tendance numérique. Pour en savoir plus, lisez ce tout dernier numéro en version papier. Nous continuerons à vous offrir des articles passionnants, mais dans un format numérique. À bientôt !

LA RÉDACTION

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Périodique trimestriel de la Coopération belge au Développement

Rédaction : Coopération au développement - DGD Rue des Petits Carmes 15 B-1000 Bruxelles Tél. +32 (0)2 501 48 81 E-mail : [email protected] www.diplomatie.be • www.dg-d.be

Secrétariat de rédaction : Chris Simoens, Stefanie Buyst, Trang Dao, Joeri Surdiacourt, Benoit Dupont, Blanche de Posch

Création et production : www.mwp.be

Remerciement : Koen Van Acoleyen

Les articles publiés ne représentent pas nécessairement le point de vue officiel de la DGD ou du gouvernement belge. La reproduction des articles est autorisée pour autant que la source soit mentionnée et qu’une copie de la publication soit envoyée à la rédaction.

Imprimé sur papier 100 % recyclé.

La Coopération belge au Développement veut œuvrer avec ses partenaires à la construction d’un monde juste, équitable et durable où chacun vit en paix, en sécurité, en liberté et à l’abri de la pauvreté. À cette fin elle définit la politique et toutes les activités liées au développement, financées par le gouvernement fédéral et principalement menées par la Coopération technique belge (CTB), par des acteurs non-gouvernementaux et multilatéraux.

Caritas Belgique a fait installer des panneaux solaires dans le département ensoleillé du Dakoro (Niger). Ceux-ci alimentent entre autres un point de charge pour les téléphones mobiles.

© DGD / T. Hiergens

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Nous enverrons mensuellement un bulletin d’information électronique avec les articles les plus intéressants”

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GLO.BE PASSE AU NUMÉRIQUE

Vous tenez entre les mains le dernier Glo.be papier. En 2017, le magazine sera entièrement numérique.

Avec quels effets concrets ?

C ’est avec le cœur un peu lourd que nous disons adieu à la version papier du Glo.be. Depuis 1975,

nous éditions plusieurs numéros par an. Après avoir contrôlé tous les points et les virgules, nous donnions le feu vert à l’impression et atten-dions avec impatience le moment où nous pourrions feuilleter un beau magazine.Cette période est révolue désor-mais, tout comme le concept de

“magazine” à proprement parler. Nous posterons régulièrement des articles sur le site d’informations Glo.be et les plus intéressants seront repris dans un bulletin d’information électronique mensuel qui englobera également les “e-news” actuelles.

Les ODDNous continuons à travailler au développement du site Glo.be qui s’appuie d’ores et déjà sur les cinq piliers des objectifs de développe-ment durable : les êtres humains, la planète, l’économie, la paix & la sécurité et la coopération. De plus, nous conservons la rubrique

“Sur les traces de”, sous le nom de

“Globetrotters”. Vous pourrez donc toujours lire des témoignages de Belges qui œuvrent d’une manière ou d’une autre à combler le fossé entre le Nord et le Sud.Les ODD ont un caractère universel : ils s’appliquent à tous les pays et diffèrent en cela des précédents Objectifs du millénaire (OMD), presque exclusivement consacrés au développement des pays du Sud. Les ODD définissent le cadre d’un développement durable pour l’en-semble du monde. Ils doivent per-mettre de garantir une vie décente aux générations actuelles et futures, en harmonie avec la nature. Le site Glo.be reflètera cette universalité et dépassera les limites de la simple coopération au développement. La

“coopération internationale” sera notre cadre d’action.

Rigoureux et limpide

Nous tenons à offrir à nos lecteurs la même objectivité et la même profondeur dans les articles. Nous ne perdons pas de vue les ensei-gnants et les écoles. Au contraire, un Glo.be numérique doit permettre justement d’atteindre plus de jeunes, entre autres par les médias sociaux.

Nous adapterons certes le style au support numérique mais notre marque de fabrique restera une information claire et rigoureuse sur un large éventail de sujets. Nos dos-siers contiendront moins d’articles qui seront, en revanche, publiés plus rapidement et reflèteront mieux l’actualité.Nous prévoyons l’aboutissement du site de Glo.be au cours du prin-temps 2017. En attendant, vous recevrez un bulletin d’information en guise de mise en bouche. Et nous sonnerons le rappel lorsque le grand moment sera arrivé.N o u s s o m m e s p l e i n e m e n t conscients que nous allons perdre des lecteurs. Mais nous mettrons tout en œuvre pour faire du Glo.be numérique un canal d’information tout aussi fascinant - sinon plus encore. Plus que jamais, le nouveau Glo.be remplira son engagement

“pour un monde durable” : informer sur les activités belges en matière de développement durable et inciter à se retrousser les manches. Parce que créer un monde véritablement durable passe par l’action commune. Rendez-vous au printemps 2017 ! Rassurez-vous : pour nous aussi c’est une grande aventure.

LA RÉDACTION

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Où en est l’Afrique sur le plan du numérique ?Chaque pays africain évolue à son propre rythme mais le numérique se développe de manière significative tant dans les zones urbaines que rurales. Le nombre d’adeptes de la téléphonie mobile double, voire triple chaque année. Les Somaliens par exemple, privés de gouverne-ment depuis longtemps, procèdent à des virements électroniques depuis la campagne grâce à leur GSM. Le Kenya est également très avancé en la matière.J’ai récemment eu des contacts avec un fournisseur rural d’élec-tricité produite par des panneaux solaires. Les habitants règlent leur facture mensuelle par SMS. Sans GSM ce serait impossible, il n’y a pas de banque à la campagne. Et l’éparpillement des habitations empêche la collecte de l’argent auprès du consommateur.Des applications plus sophistiquées voient aussi le jour. Au Kenya, des laboratoires mobiles équipés de la technologie numérique permettent

de diagnostiquer le paludisme. Un test sanguin n’est plus nécessaire. Une autre application permet de suivre les grossesses.

Le ministre Alexander De Croo veut soutenir le numérique dans le cadre de la coopération au développement. Une bonne idée ?Certainement. Le nombre d’experts est encore limité en Afrique. Pourtant, même les petites universités, plus éloignées, ont accès aux meilleurs professeurs, grâce à la technolo-gie audio-visuelle numérique. Les étudiants suivent les cours sur un écran de télévision. Une personne instruite ne vit pas à la campagne ; elle ne trouve un emploi décent que dans les grandes villes.La technologie doit s’améliorer mais elle est déjà utilisable.L’achat de livres universitaires n’est pas rentable ; après quelques années ils sont déjà dépassés. L’information numérique est une meilleure solution car elle est facile à mettre à jour. Le pouvoir judiciaire profite également de cette nouvelle technologie.

LE NUMÉRIQUE,MOTEUR DU PROGRÈS AFRICAIN

CHRIS SIMOENS

Le numérique est-il en train de percer en Afrique ? Nous avons interrogé Girum Ketema, expert en informatique de l’Université de Jimma (Éthiopie) et responsable d’un projet de la coopération universitaire flamande pour le développement.

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En Afrique, le nombre d’adeptes de la téléphonie mobile double, voire triple chaque année.

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NUMÉRISATION

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Auparavant, il fallait aller par monts et par vaux pour rencontrer un juge, aujourd’hui c’est possible grâce à la technologie audio-visuelle. L’Éthiopie est un immense pays aux routes dégradées, en particulier dans les zones rurales. Il est donc important d’investir dans la technologie, même si certains Africains estiment que c’est un luxe.

Au Rwanda, le président Kagame fait tirer partout des câbles en fibre optique pour faire de son pays un pôle numérique. Mais la famine et la pauvreté sévissent toujours. Est-ce une sage décision ?Je crois que oui. Une route asphaltée n’apporte pas non plus directement des aliments mais elle contribue à la sécurité alimentaire. Cette route permet en effet aux agri-culteurs d’atteindre les marchés plus facilement. Sans la technolo-gie, il est difficile de changer les choses. Savez-vous comment les marchés fonctionnent en Afrique ? Les acheteurs se rendent chez les agriculteurs et achètent les cultures sur place pour une somme dérisoire. Or, en ville, ces mêmes denrées sont vendues à prix d’or ! Dans les villages, les agriculteurs ne connaissent que le prix local. Depuis peu, ils peuvent suivre l’évolution des prix sur des écrans LCD ins-tallés par le gouvernement. Les producteurs se renseignent aussi par GSM sur les prix corrects.

Vous réalisez un doctorat sur “l’internet des objets”. De quoi s’agit-il ? Des applications existent elles en Éthiopie ?Il s’agit surtout de “réseaux intelli-gents” (smart grids) reliant des tas de dispositifs au moyen d’un Internet sans fil. Par exemple, des “bâtiments intelligents” peuvent optimiser leur chauffage. Il existe même des villes intelligentes, comme “smart Santan-der”, en Espagne, qui utilise diffé-rents types de données pour fluidi-fier le trafic et réduire la pollution. Les personnes âgées porteuses d’un stimulateur cardiaque, qui vivent seules ou séjournent en maison de repos, peuvent être connectées à un médecin ou à un hôpital. D’autres capteurs permettent de les localiser. Des applications sont également possibles aux soins intensifs ou dans

le domaine de la sécurité incendie.En Éthiopie, un réseau intelligent, pourvu qu’il soit peu coûteux, peut être facilement installé et servir, par exemple, à maintenir la tem-pérature et le taux d’humidité des serres. Un ingénieur biomédical de notre université met actuellement au point des couveuses avancées pour les bébés prématurés. Elles sont conçues pour envoyer au personnel soignant des données sur l’état de santé des bébés. Nous avons trop peu d’infirmières et trop de bébés, ces “couveuses intelligentes” per-mettent donc de suivre davantage d’enfants.

Le gouvernement éthiopien montre-t-il assez d’intérêt pour le numérique ? Et l’Afrique ?Les gouvernements font montre d’un grand intérêt. L’Afrique du Sud est l’État le plus avancé mais les pays d’Afrique du Nord progressent. L’Ouganda n’a commencé que récemment. Il y a quelques années, le gouvernement éthiopien a mis en place un ministère des TIC, ce qui a induit bon nombre de changements. Le réseau des télécommunications

– GSM, données, internet – a connu une formidable croissance et la bande passante internationale pour l’Internet est beaucoup plus large. En périphérie d’Addis-Abeba, le gouvernement a créé un parc TIC pour attirer les entreprises. Des sociétés productrices et vendeuses de GSM et de tablettes, entre autres en provenance de Chine, s’y sont installées.

Pourquoi la Chine est-elle si populaire ?Probablement parce que les appa-reils sont fiables et bon marché. Un agriculteur africain ne peut pas s’offrir un Galaxy ! Les produire en Éthiopie fait encore baisser le coût de ces appareils dont l’inter-face, disponible en quatre langues éthiopiennes, est idéal pour les agri-culteurs locaux qui ne comprennent généralement pas l’anglais.

Selon un récent rapport de la Banque mondiale, l’avènement du numérique risque de creuser l’écart entre riches et pauvres. Qu’en pensez-vous ?En Éthiopie, je ne vois pas de pro-blème immédiat. La plupart des gens sont pauvres mais ils peuvent quand même s’offrir un GSM, du moins les modèles chinois. Même les femmes de ménage en pos-sèdent un ! Selon notre gouverne-ment, 40 millions d’Éthiopiens pos-sèdent un téléphone portable, soit près de la moitié de la population.La technologie mobile vient en aide aux pauvres. Prenons l’exemple des travailleurs journaliers que l’on peut contacter beaucoup plus facilement, leur épargnant ainsi des déplacements inutiles. Il suffit de les appeler pour leur demander de laver votre voiture par exemple. Le GSM profite également aux agents immobiliers, qui gagnent moins bien leur vie ici qu’en Europe : la location d’une maison se règle sur un simple appel.Cependant, 2 à 5 % des Éthio-piens seulement utilisent Internet,

Il est important d’investir dans la technologie, même si certains Africains estiment que c’est un luxe”

GIRUM KETEMA

LE NUMÉRIQUE,MOTEUR DU PROGRÈS AFRICAIN

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principalement en raison du manque de smartphones. Beaucoup d’habi-tants ignorent aussi comment travail-ler avec Internet. À cela vient s’ajou-ter la barrière de la langue : Internet est principalement en anglais. Mais comme le prix des smartphones est en baisse, le nombre de surfeurs devrait augmenter en flèche.

Plus on compte sur “l’internet des objets”, plus on est vulnérable. Une panne d’électricité peut se produire par exemple.En Éthiopie, les coupures d’électri-cité sont assez régulières en effet. Nous n’avons pas assez de puis-sance pour répondre à la demande et les lignes sont vétustes. Les pan-neaux solaires sont peu présents parce que trop coûteux. Même si de nombreux villageois disposent déjà de petits panneaux. Importés de Chine, ils servent à écouter la radio, allumer une lampe ou rechar-ger un téléphone.Les serveurs ont naturellement besoin d’un approvisionnement fiable en électricité. Le gouver-nement met tout en œuvre pour en fournir une quantité suffisante.

C’est pourquoi le projet controversé “Great Renaissance Dam” sur le Nil Bleu bénéficie de toute l’attention. Une fois terminé, le barrage pourra produire 6.000 mégawatts, soit la capacité totale actuelle. Un autre est en cours de construction sur la rivière Omo, près du lac Turkana.

Les jeunes Éthiopiens sont-ils suffisamment intéressés par les TIC ? Les filles également ?Bien sûr ! La filière d’ingénieur en logiciel est particulièrement popu-laire, aussi chez les filles. Dans les villes, les jeunes des deux sexes sont désormais élevés de manière très similaire.

Où en sera l’Éthiopie dans 10 ans sur le plan du numérique ?Je suppose que dans 10 ans, tous les secteurs publics auront intégré les TIC dans leur fonctionnement, les entreprises également. Aujourd’hui, leur emploi est limité aux cartes d’identité. Les banques mettent pro-gressivement en place le système de transfert d’argent via GSM. D’autres secteurs doivent et vont suivre.

EXPLOSION DES TIC GRÂCE À LA COOPÉRATION UNIVERSITAIREGirum Ketema est responsable de la composante TIC d’une coopération à long terme (2004-2016) entre l’Université de Jimma (JU) et les universités flamandes via VLIR-UOS (appelé programme IUS ou coopération interuniversitaire). Un “pro-gramme de réseau” sur 10 ans devrait démarrer par la suite. Doté d’un budget limité, il aura principalement pour vocation de stimuler le transfert de technologie entre les membres du réseau, soit 4 universités éthiopiennes. La composante TIC se déroule en collaboration avec l’Université de Gand.La composante TIC vise particulièrement à améliorer les services informatiques de JU. En raison du manque flagrant d’expertise en Éthiopie, le programme s’est concentré sur la formation d’experts. Selon Ketema, JU fait aujourd’hui partie des meilleures universités à l’échelle nationale. “Auparavant, nous n’avions pas de messagerie d’entreprise, nous utilisions gmail ou yahoo. Aujourd’hui, nous avons notre propre extension (ju.edu.et) et une sauvegarde automatique. Nous avons aussi mis au point des “salles de classe intelligentes”, toutes équipées d’un projecteur et d’un PC. Les professeurs peuvent y récupérer leur matériel de cours qui est stocké de manière centralisée. D’autres universités suivent cet exemple.”JU a également trouvé une solution à la forte rotation du personnel, un problème propre aux universités africaines. “Comme les experts sont rares, la demande est énorme. Les universités perdent rapidement leurs employés. Pour ne pas toujours devoir recommencer à zéro, JU utilise désormais une “plate-forme de gestion des connaissances”. Si un nouveau service a été développé, il est décrit dans un document (une page wiki uniquement accessible au personnel informatique).”L’expertise acquise est également partagée avec d’autres universités éthiopiennes. Tous les trois mois, un forum accueille les directeurs des TIC de toutes les uni-versités éthiopiennes. Ketema explique : “Nous donnons aussi des formations dans 15 universités éthiopiennes et tentons d’y développer une infrastructure informatique. Certaines universités se situent dans des zones très difficiles avec

des températures allant jusqu’à 47 °C. Grâce à nous, elles disposent maintenant d’une infrastructure adéquate. Elles peuvent chercher les connaissances et la formation nécessaires via Google. Nous leur apprenons également comment assurer un meilleur suivi administratif de leurs étudiants (inscription, etc.). Nous en sommes très fiers. En outre, cela rapporte des revenus supplémentaires au bureau TIC de JU et aux enseignants eux-mêmes. Ces revenus sont un complément bienvenu à nos maigres salaires !”.

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NUMÉRISATION

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La Belgique axe sa politique en investissant dans la numérisation comme levier pour le développement. Voici les lignes de force de sa stratégie.

LA BELGIQUE Y CROITD4D

I nternet et les technolo-gies numériques font aujourd’hui de plus en plus partie de la vie de tous les

jours. C’est vrai chez nous mais ça l’est aussi pour toutes les régions du monde et cette révolution numérique ne fait que s’accélérer. En Afrique, par exemple, l’on peut s’attendre à un taux de pénétration d’internet de 50 % d’ici 2025 alors qu’il est aujourd’hui seulement de 16 %. C’est pour cette raison que, sous l’impulsion du ministre Alexandre De Croo, la Coopération belge au Développement a adopté une politique visant l’utilisation de la numérisation au profit du développement.Cette politique appelée “numé-risation pour le développement” (‘Digital for Development’, D4D) ne considère pas la numérisa-tion comme un objectif mais bien comme un moyen pour arriver à de meilleurs résultats pour atteindre le plus grand nombre de personnes dans le besoin. De plus, la numérisation transformera l’assistance humanitaire et la coo-pération belge afin d’augmenter son impact sur les Objectifs de Développement Durable (ODD). L’objectif principal sera de connec-ter les différents acteurs sur le ter-rain afin de promouvoir l’échange de connaissances et de favoriser les partenariats innovants. Tout ceci sera guidé par deux grands principes : “mettre l’humain en première place” et “ne pas faire de mal”.

Les priorités de la politique de “numérisation pour le développe-ment” sont multiples :

Un meilleur usage des données provenant de sources innovatrices ainsi que traditionnelles. Les don-nées sont indispensables pour la création et le suivi de toute inter-vention de développement. Mais elles servent aussi à mesurer la progression des ODD et elles per-mettent aussi aux citoyens de savoir ce que font les autorités. Elles sont donc au cœur des interventions de développement. C’est pour cette raison que la Belgique investira dans la création d’instruments et de poli-tiques nécessaires à la production d’informations utiles basées sur de grands volumes de données en temps réel.

ALICE KABONGO ET KOEN VAN ACOLEYEN

8 SEPTEMBRE-OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2016 I

Pour que la numérisation fonctionne, des infrastructures de base comme l’électricité sont indispensables. La Belgique veut contribuer à les installer là où il n’y en a pas. Sur la photo : un projet belge d’installation de panneaux solaires pour un centre de santé au Rwanda.

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La politique belge ne considère pas la numérisation comme un objectif mais bien comme un moyen pour arriver à de meilleurs résultats”

Une toute aussi grande attention sera consacrée aux “données ouvertes”, c’est-à-dire accessible au grand public, dans l’objectif de promouvoir la bonne gouvernance, de faciliter l’aide humanitaire et au dévelop-pement, de faciliter la gestion des ressources naturelles ainsi que de réduire le risque de désastre.

La numérisation pour des socié-tés inclusives : la Belgique veut également utiliser le potentiel de la numérisation afin, d’une part d’augmenter le nombre de bénéfi-ciaires d’une intervention, et d’autre part de réduire les obstacles que rencontrent les groupes les plus vulnérables, afin qu’ils puissent jouir des droits démocratiques, avoir accès aux services de base comme l’éducation et la santé, participer à la vie publique et être financièrement et économiquement inclus dans la société.

La numérisation pour la crois-sance économique : la numérisa-tion a été reconnue comme une force majeure de création d’emploi, de croissance et de prospérité. C’est pour cette raison que notre pays soutiendra les interventions ayant pour objectif de transformer la numérisation en une force positive de création d’emploi et de promo-tion de l’entreprenariat socialement responsable.

Toutefois, il est important de complé-ter cette politique par des stratégies hors-ligne existantes. Par exemple, bien que certaines organisations

de la société civile aient des plate-formes en ligne ou des groupes sur les réseaux sociaux, la distribution de flyers afin de faire connaitre leur action au grand public reste cruciale. Dans d’autres cas, les tentatives de mobilisation à travers les nouvelles technologies sont infructueuses : un projet en Tanzanie avait pour objectif de récolter l’avis des agriculteurs au sujet de leur l’approvisionnement en eau. N’ayant reçu que 53 SMS d’agriculteurs, ce projet a dû être abandonné. La numérisation n’est pas capable à elle seule de résoudre tous les problèmes. C’est un outil important mais il n’est pas le seul disponible.En ce qui concerne la mise en œuvre de la politique, celle-ci dépendra fortement du contexte local. Il faudra utiliser des outils adaptés tels que la téléphonie mobile, une carte d’identité numérique, les médias sociaux, la cartographie, ou encore des détecteurs. Certains éléments de base sont nécessaires : la pré-sence d’équipements informatiques et d’électricité, la présence de per-sonnes capables d’utiliser et de gérer ces technologies, des lois favorables à leur utilisation et une bonne gestion étatique. Là où ces éléments sont absents, la Belgique adaptera sa stratégie ou fera le nécessaire à leur mise en place.De plus, pour que ces mesures aient un effet à long terme, elles doivent faire l’objet d’une appropriation locale, ce qui veut dire que le public-cible devra apprendre à utiliser ces technologies en toute autonomie.

Un transfert de connaissances doit donc s’opérer. Il faut également veiller à l’impact environnemental de ces nouvelles technologies.Toutefois, la “numérisation pour le développement” n’est pas sans risques et il s’agira de les gérer. On peut distinguer deux types de risques. Premièrement les risques de faisabilité, qui sont les obstacles que les personnes peuvent rencon-trer en utilisant des outils digitaux, les difficultés d’accès aux données, etc. Deuxièmement, les risques de faire “plus de mal que de bien”. Cela signifie que l’application des technologies digitales peuvent avoir un impact négatif sur les droits des utilisateurs : affecter la vie privée ou la sécurité des utilisateurs, augmen-ter leur exposition potentielle à la cyber criminalité, etc.Cette politique sera mise en œuvre par les acteurs de la Coopération belge au Développement. Mais ils ne travailleront pas seuls. Ils auront des partenaires internationaux comme les organisations multilaté-rales, la Commission européenne et les autres états membres de l’Union européenne, ainsi que des parte-naires dans le secteur privé local et international. Ce secteur privé a notamment un rôle fondamental à jouer dans le développement numérique.La Coopération belge au Dévelop-pement a pour objectif d’utiliser les nouvelles technologies afin de rendre ses actions plus efficaces et d’aider le mieux possible les personnes les plus vulnérables.

Notre pays soutiendra les interventions ayant pour objectif de transformer la numérisation en une force positive de création d’emploi et de promotion de l’entreprenariat socialement responsable”

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NUMÉRISATION

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LE NUMÉRIQUE,UN ATOUT DE POIDSEnseignement, soins de santé, protection de la nature, agriculture… : ces domaines ont à gagner du numérique. Douze exemples illustrent ce large éventail d’applications.

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En République démocratique du Congo, le gouver-nement développe une plateforme permettant aux enseignants, parents et enfants d’établir un contact direct avec le ministère de l’éducation grâce à des SMS ou des messages téléphoniques gratuits. Cette initiative est développée en collaboration avec la Banque Mondiale et soutenue par la Coopération belge au Développement.

Les collaborateurs du ministère traitent les questions sur une plateforme numérique qui propose trois thèmes : l’utilisation des manuels, l’absentéisme des enseignants et la construction d’écoles. Cela permet davantage de responsabilisation des acteurs politiques ainsi que l’adaptation des lignes direc-trices et facilite la communication entre le gouvernement et les services décentralisés. Dans un pays aussi vaste que le Congo, où les infrastructures laissent à désirer, il s’agit d’un atout. Actuellement, 311 écoles ont mis en œuvre ce système ; elles sont réparties entre Kinshasa et Tshikapa, la capitale de la province du Kasaï.

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LA PLATEFORME“ALLO ÉCOLE”CONNECTE LES ÉCOLES AU GOUVERNEMENT

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L’Est du Congo fait toujours face à d’atroces viols. Pourtant, la plupart du temps, les auteurs ne sont pas inquiétés. L’impunité est liée à un appareil judiciaire médiocre, la crainte de vengeance et l’isolement de la population, trop éloignée des tribunaux.

L’ONG internationale TRIAL (Track Impunity Always) veut y remédier grâce à des outils numériques donnant plus de capacité d’action aux avocats, défenseurs des droits de l’homme, magistrats et à la police judiciaire. Les photos et enregistrements audio et vidéo apportent des preuves dans une affaire, juridiquement validées par l’app Eye Witness. Elle fournit la

date, l’heure et le lieu de l’enregistrement, garantit que les preuves n’ont pas été falsifiées et permet un stockage sécurisé sur le “cloud”.

L’utilisateur de Watch over me peut indiquer qu’il se rend dans une zone risquée. L’équipe de Watch over me le suit via GPS. Si personne n’appuie sur la touche “je suis en sécurité” après un délai convenu, l’app envoie un signal d’alarme. Umbrella permet de téléphoner en sécurité et offre un accès à l’information la plus récente sur les problèmes de sécurité dans la région.

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DES APPS POUR LUTTER CONTRE L’IMPUNITÉ DANS L’EST DU CONGO1

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I SEPTEMBRE-OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2016 11

NUMÉRISATION

Les régions reculées des pays africains sont peu accessibles en raison des routes dégradées et faire enregistrer toutes les nais-sances, notamment à Dogbo (Bénin), relève parfois de l’impos-sible. Il y a cinq ans, la moitié des parents n’enregistraient même pas les naissances. Or, les personnes non enregistrées n’existent pas officiellement et ne peuvent donc pas prétendre à leurs droits.

C’est pourquoi la ville de Rou-lers, jumelée avec Dogbo, œuvre pour un meilleur enregistrement : la ville a engagé un responsable par commune pour enregistrer les

naissances. Il se rend dans les maternités ou au domicile des parents et s’occupe des enregistrements. Le vendredi matin, les responsables envoient par SMS une mise à jour des données au service population. Tous les enregistrements sont consignés en format numérique à l’hôtel de ville. Grâce à l’engagement de personnel supplémentaire dans les communes, l’enregistrement atteint presque un taux de 100 %.

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DOGBO ENREGISTRELES NAISSANCES PAR SMS3

Le projet “Renewable Energy for Rural Development” (RERD de la CTB) au Mozambique fut mis en œuvre de 2010 à 2015. À travers lui, ce sont des centaines de systèmes solaires hors réseau qui furent installés dans des infrastructures sociales (telles des centres de santé, des écoles et des bâtiments administratifs). Ces systèmes nécessitaient de grands investissements, une maintenance et un processus propre afin de rester stables. Pour ce faire, un suivi régulier par des experts était nécessaire. Cependant au vu des coûts exorbitants dans les contrées lointaines, ils furent souvent abandonnés dès le premier problème technique.

Face à ce constat, le projet RERD, en étroite collaboration avec le Belgium Campus basé en Afrique du Sud, avait établi un système de maintenance à bas prix en envoyant les paramètres vitaux du système au moyen d’un téléphone mobile vers une unité centrale de maintenance. À partir de laquelle, les équipes sur le terrain pouvaient être réparties de manière plus rentable. L’assistance à distance était aussi possible et pouvait résoudre beaucoup de problèmes à un prix réduit.

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COMBINAISON DELA NUMÉRISATION ETDE L’ÉNERGIE VERTE AU MOZAMBIQUE

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12 SEPTEMBRE-OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2016 I

LE NUMÉRIQUE, UN ATOUT DE POIDS

L’entreprise sociale Laboratoria (Pérou) enseigne la programmation aux jeunes femmes issues de milieux défavorisés, mais dotées d’un potentiel important. L’enseignement supérieur privé est trop cher, tandis que le réseau public est surpeuplé et d’un faible niveau. Laboratoria propose donc des formations abordables de qualité. Les étudiantes peuvent ensuite être engagées dans des entreprises de logiciel, où elles peuvent en moyenne tripler leur salaire. Les 400 femmes qui ont entretemps bénéficié des formations peuvent même concurrencer les experts informatiques universitaires.

Au Pérou, la demande est énorme : ces dernières années, l’industrie du software connaît une forte croissance. D’ici 2025, les développeurs de logiciels d’Amérique latine emploieront 1,2 million de personnes. La chasse aux talents est donc ouverte. Laboratoria aide également à égaliser le rapport hommes-femmes au sein du secteur des TIC, qui accueille les collaboratrices à bras ouverts en raison de leur approche différente des problèmes.

Laboratoria évite donc aux femmes des emplois peu rémunérés et leur permet de collaborer à l’expansion d’une industrie prometteuse. Laboratoria reçoit notamment le soutien de Google, de la Banque inter-américaine de développement et de l’agence d’innovation péruvienne.

CSwww.laboratoria.la

DES FEMMES DÉFAVORISÉESAPPRENNENT À PROGRAMMER5

LA TECHNOLOGIE AU SECOURSDES RHINOCÉROS EN AFRIQUE DU SUDFin avril 2016, deux géants de la technologie ont uni leurs forces pour protéger les rhinocéros d’Afrique du Sud. La corne de ces animaux menacés rapporte beaucoup d’argent. La demande augmente surtout en Asie, où on leur attribue des vertus médicinales. Conséquence : chaque année, plus de mille rhinocéros sont victimes du braconnage.

Afin de combattre ces pratiques abusives, Dimension Data et Cisco ont lancé un projet-pilote dans une réserve naturelle à la frontière du parc Kruger. Leur objectif est de se concentrer sur les personnes dans la réserve, et non sur les rhinocéros eux-mêmes. Les animaux ne sont ni chassés ni pucés et ne sont donc pas affectés. Grâce à des innovations de haute technologie (vidéo-surveillance, drones avec caméras infrarouges, screening biométrique des visiteurs, capteurs traceurs de véhicules), les gardiens et les agents de sécurité peuvent surveiller toute activité humaine dans et aux abords de la réserve. Un réseau numérique les maintient en contact mutuel grâce à des appareils portables partout dans le parc. Ils peuvent ainsi repérer les braconniers avant qu’ils ne blessent les rhinocéros et intervenir directement. À long terme, cette technologie servira ailleurs en Afrique, voire dans le monde, afin de protéger d’autres animaux menacés.

SB www.dimensiondata.com

PLUS D’INFOS SUR LA VERSION

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I SEPTEMBRE-OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2016 13

NUMÉRISATION

La Région Bruxelles-Capitale a construit un digitruck en collaboration avec Close the Gap. L’objectif : rendre les connaissances en informatique accessibles aux habitants de Kinshasa (RDC). La Région souhaite com-bler le fossé numérique : une connaissance générale des technologies de l’information et de la communication (TIC) se révèle nécessaire pour le développement du pays. Le digitruck a été inauguré officiellement en août. Il s’agit d’un local informatique placé dans un container, équipé de matériel TIC, dont 20 ordinateurs connectés à Internet, le tout alimenté par des panneaux solaires sur le toit.

Un programme de formation a été établi en partenariat avec les autorités locales. Des formateurs locaux et des travailleurs d’ONG initient les écoliers, les organisa-tions de défense des droits des femmes mais aussi le personnel communal. Le digitruck peut être facilement mobilisé dans plusieurs endroits de la capitale congolaise. D’autres quartiers bénéficieront bientôt de leçons d’informatique.

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LE DIGITRUCK COMBLELE FOSSÉ NUMÉRIQUE À KINSHASA8

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Les agences ONU-Habitat (aménagement urbain) et ONU-Femmes utilisent des outils numériques pour la reconstruction de la région sinistrée de Gaza (Territoires pales-tiniens). Bien souvent, les femmes et les jeunes n’ont pas voix au chapitre lors de la reconstruction après un conflit. Ils peuvent pourtant contribuer fortement à son succès.

Dans le jeu vidéo populaire Minecraft, les joueurs construisent des villes en trois dimensions. Les jeunes impliqués dans le jeu peuvent partager leur vision de la ville et acquérir des compétences tout en réseautant dans leur communauté.

Safetipin est une application pour smartphone qui permet aux femmes en ville de poster des photos et des commentaires sur une carte : lampadaire cassé qui donne un sentiment d’insécurité, endroits où elles ont été menacées ou harcelées, etc. D’autres femmes peuvent

tenir compte des informations, les administrations reçoivent des conseils afin de sécuriser les quartiers et les ONG disposent de données sup-plémentaires pour leur lobbying.

Les deux agences de l’ONU se concentrent sur les familles les plus vulnérables, les jeunes femmes architectes et les autorités locales.

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LES VILLES DEGAZA S’OUVRENT AUX FEMMES ET AUX JEUNES GRÂCE AUX OUTILS NUMÉRIQUES

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14 SEPTEMBRE-OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2016 I

L’Organisation des Nations unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) souhaite utiliser des drones pour la sécurité alimentaire. Les “véhicules aériens non habités” peuvent prendre des photos aériennes de champs, bois et côtes. Cela permet d’observer l’état de santé des cultures et les incendies de forêt. Grâce à des capteurs – plus sensibles qu’un œil humain – les drones détectent les plantes stressées par manque d’eau, de nutriments ou par la peste. Les drones alertent les agriculteurs pour qu’ils agissent et limitent les pertes. Actuellement, des drones-robots capables de prélever des échantillons d’insectes ou de poser des pièges sont à l’étude.

Un projet-pilote est en cours aux Philippines : des drones scannent les champs afin de déterminer les risques de catastrophes naturelles. Ils alimentent des systèmes d’alerte et informent le gouverne-ment qui adapte ses plans d’“alerte catastrophe”. À l’inverse des satellites, les drones fonctionnent par temps nuageux et disposent d’une précision de 1 à 3 cm. Cependant, le traitement de ces données requiert des installations et du personnel. Le coût du système - 71.000 euros - n’est pas négligeable non plus, même si son utilisation fera baisser les prix. CS

DES DRONES POUR GARANTIRLA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE10

La firme BlueSquare souhaite améliorer les soins de santé dans des hôpitaux de 20 pays, dont le Bénin, le Niger, le Burkina Faso et le Kirghizistan. Elle utilise l’outil « OpenRBF » (financement basé sur les résul-tats) : les hôpitaux reçoivent de l’argent s’ils réalisent de bonnes prestations.

Les collègues d’autres hôpitaux remplissent tous les 3 mois un formulaire d’évaluation sur tablette (éva-luation par les pairs). Ils vérifient la satisfaction des patients, l’hygiène, les accouchements et opérations, le nombre d’enfants vaccinés, etc. Ils envoient ensuite les données par Internet à la banque de données centrale qui calcule le financement auquel l’hôpital a droit sur la base des prestations.

Il n’y a pas d’intervention de tiers, ce qui évite la corruption. Le processus est transparent car les informations sont accessibles à tous. Elles sont d’ailleurs liées à la base de données sanitaires natio-nales (Health Information Management System). Le regroupement national de données améliore la prise de décisions en matière sanitaire.

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ÉVALUER VIA TABLETTEPOUR AMÉLIORER LA QUALITÉ DES HÔPITAUX

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LE NUMÉRIQUE, UN ATOUT DE POIDS

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I SEPTEMBRE-OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2016 15

NUMÉRISATION

LE FAO ET GOOGLE COLLABORENTPOUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE

REAL IMPACT ANALYTICS DÉTECTE LES CRISESGRÂCE AUX DONNÉES DES SMARTPHONES

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Real Impact Analytics (RIA) croit en l’impact positif des données (big data) sur le monde. Cette jeune société belge a pour ambition de contribuer à atteindre les Objectifs de développement durable en aidant les agences de développement à intégrer dans leurs interventions des analyses de données récoltées par les opérateurs de télécommunications. L’approche de RIA permet notamment de lutter contre des crises alimentaires ou des épidémies. Les opérateurs détiennent une multitude de données sur l’identité des appelants et des appelés, leur localisation, leurs déplacements. En analysant ces données et en les croisant, il est possible de prédire où et quand un foyer épidémique va surgir. Cette méthodologie facilite un travail de prévention qui permet d’endiguer les crises.

Les acteurs du développement faisant appel à ce potentiel numérique sont de plus en plus nombreux. L’UNICEF a utilisé les big data dans la lutte contre le virus Ebola, et la Fondation Bill & Melinda Gates pour la lutte contre le paludisme en Zambie. En Amérique latine, les données permettent de lutter contre le virus Zika. La Belgique, quant à elle, soutient un partenariat UNCDF (United Nations Capital Development Fund) / RIA pour un projet d’analyse de la vulnérabilité et de l’exclusion en Ouganda. BD

L’Organisation des Nations unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO) et la compagnie Google s’associent pour rendre plus accessibles le suivi géo-spatial et les produits de cartographie. Fournissant ainsi une aide aux pays dans leur lutte contre les changements climatiques et une plus grande capacité aux experts sur les politiques forestières, l’utilisation du sol et des ressources naturelles. Il s’agit d’un effort commun pour changer la démarche de développement durable établie dans le monde et supporter les politiques nationales sur le climat en stimulant l’innovation et l’expertise.

À travers ce partenariat signé et présenté en avril 2016 pour une durée de 3 ans, Google Maps permet l’accès aux spécialistes de la FAO à des données satellites. Concrètement, Google Maps formera 1.200 agents de la FAO et de ses partenaires à l’utilisation du moteur Google Earth. La FAO formera son propre personnel ainsi que le personnel technique des pays membres à l’utilisation d’outils numériques et de la technologie de Google. Le projet permettra de partager la connaissance et d’identifier les besoins en mettant l’accent sur les zones sèches et sur la productivité des cultures agricoles.

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16 SEPTEMBRE-OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2016 I

Dans le camp de Mugunga III en République démocratique du Congo (RDC), déchirée par la guerre, la téléphonie mobile est une bouée de sauvetage pour

les personnes déplacées qui peuplent les abris temporaires et les tentes.

mVAM :SUIVRE LA SÉCURITÉ ALIMENTAIRE EN

TEMPS RÉEL AVEC LA TECHNOLOGIE MOBILE

Agnes fait partie des 300 personnes qui reçoivent des appels téléphoniques mensuels d’un opérateur du PAM demandant ce qu’elle et ses enfants ont mangé.”

BROOK DUBOIS PAM

Les habitants de Mugunga III, à proximité de Goma et à l’ombre du volcan Nyiragongo, ont aban-donné leurs maisons,

ne conservant que quelques effets personnels et de maigres chances d’un revenu stable.Plus de 1,8 million de personnes sont actuellement déplacées à travers la RDC, deuxième plus grand pays d’Afrique. On estime que 7,5 millions d’individus nécessitent une aide ali-mentaire et humanitaire.

Cet interminable conflit a gravement affecté le développement de la RDC, en dépit de ses vastes ressources minérales. Et bien que l’agriculture constitue l’activité rurale première, avec un sol riche et fertile, le pays connaît un déficit de production estimé à 30-40 %. La combinaison de ces défis contribue à l’instabilité, qu’il s’agisse de la sécurité physique ou du prix des denrées sur les marchés.Afin de répondre aux besoins des personnes vulnérables, des agences humanitaires, comme le Programme

alimentaire mondial (PAM) se basent sur des enquêtes-ménages et des éva-luations du marché pour déterminer comment s’en sortent les familles, le type d’aide nécessaire et la manière adéquate de la fournir.La collecte de ces données peut cependant s’avérer difficile, voire impossible, en particulier dans les situations de conflit et d’urgence. Envoyer des équipes dans un pays aussi grand que la RDC pour trouver les communautés touchées est un processus long et coûteux - pour

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ne pas dire difficile à reproduire si les communautés sont obligées de se déplacer fréquemment.Depuis 2014, le système d’analyse et de cartographie de la vulné-rabilité fondé sur la téléphonie mobile (mVAM) du PAM s’est tourné vers la technologie à distance pour contourner ces défis et créer un mode de recueil des informations plus flexible, rapide et efficace. En effectuant des sondages télépho-niques réguliers, le mVAM peut dia-loguer avec les populations touchées et recueillir des données de manière cohérente. En fonction du contexte et de la complexité de l’information, ces enquêtes téléphoniques courtes se font par SMS, conversations en direct ou un système de réponse vocale interactive (RVI). Le RVI est automatisé et appelle les familles afin de recueillir des données ou les informer sur les prix et la dis-tribution alimentaire ainsi que sur les projets du PAM.

Le secteur humanitaire a lutté dans le passé pour mettre les mégadonnées au service des actions de première intervention en raison de la nature dynamique des situations d’urgence et des divers contextes des pays. Ces dernières années, cependant, de plus en plus d’agences ont tenté d’exploiter la disponibilité et l’utilité des données pour apporter des réponses plus rapides et plus efficaces. En août, le PAM a lancé l’Innovation Accelerator, impli-quant secteur privé, société civile et entrepreneurs pour relever les défis humanitaires et de développement, en particulier la famine.Le mVAM a été une source d’ins-piration pour cette initiative. Avec le soutien de sociétés de technolo-gie, comme Google et Cisco, et de gouvernements, comme la Belgique, le mVAM a été lancé en 2013 en RDC et en Somalie. Il a depuis été renforcé pour fonctionner dans plus

de 20 pays, y compris au Yémen et en Afrique de l’Ouest au cours de l’épidémie d’Ebola.En RDC, le mVAM aide le PAM à mieux comprendre la manière dont les gens parviennent à se nourrir à travers des enquêtes téléphoniques directes dans le camp de Mugunga III. Agnes Niyanzira, jeune veuve avec six enfants, a fui vers Mugunga III après les explosions de violence dans sa ville natale de Masisi. Les rebelles sont entrés dans sa maison, tuant sept de ses frères et sœurs. Agnes a également été blessée par balle à trois reprises – elle en porte les marques sur ses deux bras et a été contrainte de marcher avec le soutien d’une canne.Équipée d’un téléphone mobile, le premier de sa vie, Agnes fait partie des 300 personnes qui reçoivent des appels téléphoniques mensuels d’un opérateur du PAM demandant ce qu’elle et ses enfants ont mangé et comment ils font face au manque de nourriture. On recharge son GSM gratuitement, et elle a non seulement l’accès au PAM, mais peut également passer des appels téléphoniques à ses proches à Masisi.

“Avoir un téléphone m’a beaucoup aidée”, dit-elle. “Je ne m’inquiète plus autant si mon enfant tombe malade parce que je peux appeler à l’aide et même utiliser l’option torche (pour éclairer).” Agnes bénéficie égale-ment de l’aide alimentaire du PAM. Un travail dans des fermes voisines

lui permet d’acheter des légumes frais, du poisson séché, et d’autres aliments sur les marchés locaux. Grâce au mVAM, le PAM est en mesure de localiser et combler les déficits vivriers et nutritionnels des familles comme celle d’Agnes.

Selon Jean-Martin Bauer, analyste principal au PAM et expert mVAM, les enquêtes par GSM ne sont que la pointe de l’iceberg. De plus en plus de gens possèdent et utilisent des téléphones mobiles à travers le monde. La disponibilité des applications gratuites de message-rie et l’expansion des services de transmission de données permettront donc de leur apporter l’aide appro-priée où qu’ils se trouvent.Avec le soutien et l’investissement du gouvernement belge et d’autres donateurs, le PAM continuera d’ouvrir la voie de l’utilisation de la technolo-gie pour éradiquer la famine.

ONLINEwww.wfp.org

En effectuant des sondages téléphoniques réguliers, le mVAM peut dialoguer avec les populations touchées et recueillir des données de manière cohérente”

7,5 MILLIONS D’INDIVIDUSNÉCESSITENT UNE AIDE ALIMENTAIRE ET HUMANITAIRE

EN RDC,

PLUS D’INFOS SUR LA VERSION

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Je ne m’inquiète plus autant si mon enfant tombe malade parce que je peux appeler à l’aide et même utiliser l’option torche (pour éclairer)”

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18 SEPTEMBRE-OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2016 I

CONSTRUIRE L’AVENIR DU NUMÉRIQUE

L e numérique est en plein essor : plus de 40 % de la population mondiale est connecté à Internet.

7 ménages sur 10 parmi les 20 % de familles les plus pauvres pos-sèdent un téléphone mobile ; c’est davantage que les foyers équipés d’un sanitaire ou d’un accès à l’eau potable. Pourtant, 4 milliards de personnes n’ont toujours pas accès à Internet et 2 milliards doivent se passer de téléphone mobile. Et tant qu’une personne sur 5 restera analphabète, il sera difficile pour ce groupe de bénéficier du numé-rique, qui risque donc de creuser le fossé entre riches et pauvres. La connectivité place aussi les pays riches face à des défis : les emplois traditionnels disparaissent à cause du bouleversement technologique.

OpportunitésLe rapport cite trois grands avan-tages liés aux technologies du numérique. (1) Croissance. Internet permet aux entreprises de réduire les coûts de production. Il leur est plus facile de s’informer et de s’approvisionner en prenant moins de risques. La

société UPS économise chaque année 4,5 millions de litres de carbu-rant grâce à un programme qui opti-malise les itinéraires. Le Botswana et l’Uruguay peuvent désormais exporter de la viande bovine vers l'UE à l’aide d’un système d’identifi-cation et de traçabilité du bétail. Le numérique procure aux entreprises un avantage concurrentiel par rap-port aux établissements tradition-nels : l’e-commerce concurrence les magasins classiques, la transmission de fonds via smartphone rivalise avec les banques ordinaires.(2) Emplois. Le nombre d’emplois directs créés grâce au numérique est limité, mais les postes indirects peuvent être plus nombreux. Au Kenya, le système de paiement mobile M-Pesa assure des revenus à plus de 80.000 agents. En Chine, l’e-commerce a généré 10 millions d'emplois. Internet accroît les débou-chés pour demandeurs d’emploi. Il favorise l’intégration des femmes, des habitants des localités isolées et des handicapés qui, travaillant à domicile, bénéficient d’horaires flexibles. Les travailleurs sont plus productifs. Ainsi, les informations sur les prix, la qualité du sol, le

climat, les intrants et les nouvelles technologies aident les agriculteurs.(3) Prestation de services. Les gouvernements améliorent leurs ser-vices. Un système d'enregistrement de l’identité performant peut aider les plus démunis. 900 millions d’In-diens ont reçu une carte d’identité numérique leur permettant d'ouvrir un compte bancaire et d’avoir droit à des subsides. En Ouganda, l'absen-téisme des professeurs a diminué de 11 % depuis que les chefs d’établis-sement transmettent les présences à une base de données qui produit des rapports hebdomadaires. Les enseignants présents sont récom-pensés d’une prime.

RisquesRevers de la médaille : 60 % de la population mondiale reste “hors ligne”. Ce chiffre révèle un clivage Nord-Sud, mais aussi des inégalités liées au genre, à l'âge, à la zone géographique et au revenu. Des problèmes surviennent aussi malgré l’accessibilité à Internet.(1) Concentration. Internet stimule la croissance économique par la mise en concurrence. Un choix plus large s’offre aux consommateurs

CHRIS SIMOENS

Le rapport de la Banque mondiale “Les dividendes du numérique”, sur l'économie du numérique, explique comment le monde peut s’adapter à cette (r)évolution. Le message clé : sans un “environnement analogique” adapté aux personnes, aux entreprises et aux gouvernements, le fossé entre riches et pauvres ne fera que se creuser.

+40%DE LA POPULATION MONDIALEEST CONNECTÉ À INTERNET

PARMI LES 20 % DE FAMILLES LES PLUS PAUVRES POSSÈDENT UN TÉLÉPHONE MOBILE

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EN CHINE, L’E-COMMERCE A GÉNÉRÉ

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qui peuvent comparer les prix. Les entreprises qui en tiennent compte progressent mais une régle-mentation excessive (protection et distorsion du marché) peut entra-ver la concurrence et conduire à des monopoles qui freinent les innovations.(2) Inégalité. Les machines sont de plus en plus capables de s’acquitter de tâches routinières dans la traduc-tion, les souscriptions d'assurances ou les diagnostics médicaux. Dans le monde entier, la proportion des emplois hautement qualifiés ou faiblement qualifiés est en hausse, tandis que celle des emplois semi-qualifiés est en baisse. Les travaux pénibles, répétitifs et dangereux tendent à disparaître, libérant de l'espace pour d'autres services. Mais les travailleurs devront s’adap-ter et acquérir des compétences ou envisager un travail peu qualifié et non routinier.(3) Contrôle. Internet permet de rendre les services publics plus efficaces, mais ne donne pas aux citoyens la garantie d’obtenir de leur gouvernement davantage de comptes. Une utilisation abusive dans le but de manipuler l'infor-mation et de favoriser des élites politiques est également possible. Internet renforce la relation exis-tante entre le gouvernement et les citoyens.

Compléments analogiques adaptés

Pour réduire la fracture numérique, une adaptation des compléments analogiques s’impose. (1) Régulation des entreprises. Une législation qui favorise la concurrence est indispensable. Les entreprises doivent pouvoir se déplacer librement dans un pays et en dehors de ses frontières en s’exposant à la concurrence étrangère. Certains pays grèvent les biens numériques de droits d’importation et d’exportation éle-vés, ce qui entrave l’adoption des nouvelles technologies. Pour les entreprises en ligne, une règlemen-tation adaptée doit être élaborée. Airbnb et Uber doivent se plier aux prescriptions en matière de sécurité et payer des impôts. Sinon, il faut réduire les charges qui pèsent sur les secteurs de l’hôtellerie et des taxis. Il en va de même pour Amazon, Google et Facebook. Les pays en

développement peuvent tirer des leçons des “pays en transition” afin de trouver leurs propres solutions.(2) Compétences. Une écono-mie numérique exige plus que la connaissance des TIC. Les tâches de routine sont éliminées, tandis que le travail d'équipe créatif, la réflexion et la résolution de pro-blèmes gagnent en importance dans un environnement en constante évolution. L'éducation ne doit plus préparer les élèves à un emploi mais à une carrière. Autrement dit, transmettre moins d'informations et se concentrer sur la façon de les trouver par eux-mêmes et de les utiliser. La formation permanente est inévitable.(3) Institutions tenues de rendre des comptes. Le gouvernement peut utiliser les technologies numé-riques dans un souci de transpa-rence vis-à-vis des citoyens qui peuvent donner un avis sur un scru-tin ou sur des services publics tels l'approvisionnement en eau. Les marchés publics électroniques freinent la corruption. Mais les “non-connectés” ne doivent pas être lais-sés de côté et il ne faut pas de perdre de vue la sécurité (cybercriminalité, manipulation)– ni la vie privée.

Une coopération internationale

inévitableInternet est né aux États-Unis, qui conservent leur suprématie au niveau de sa gestion. De plus en plus de voix s’élèvent en faveur d'une gestion multilatérale à l’instar de l'ONU. Certains thèmes trans-cendent les frontières nationales et exigent une approche inter-nationale : les droits de propriété intellectuelle, les limitations des flux de données, entre autres. Les données sur la météo, le climat et les courants marins sont cruciales dans la lutte contre le changement climatique et pour l’agriculture. Grâce aux “données publiques”, des organisations de développe-ment peuvent obtenir de meilleurs résultats dans la lutte contre la pau-vreté (meilleures décisions, feed-back plus rapide).

ConclusionCertes, le numérique engendre des bouleversements mais les retom-bées peuvent se révéler positives pour qui leur tend les bras. Aller à

contre-courant de cette tendance serait stérile. Toutefois, l’objectif d’un bénéfice généralisé dépasse le seul accès à Internet. Ce projet exige un ajustement de l'ensemble de l'environnement afin de permettre aux entreprises, aux individus et aux gouvernements de tirer parti de ces nouveaux outils numériques.

ONLINEwww.worldbank.org/en/publication/wdr2016

Les tâches de routine sont éliminées, tandis que le travail d’équipe créatif, la réflexion et la résolution de problèmes gagnent en importance”

Au Kenya, le système de paiement mobile M-Pesa assure des revenus à plus de 80.000 agents.

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20 SEPTEMBRE-OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2016 I

U n dépotoir géant rempli de carcasses d’ordina-teurs. Des enfants bravent les émanations toxiques

pour dénicher des matériaux de valeur. Ils brûlent des câbles pour libérer le cuivre. Les métaux toxiques tels que le mercure et le plomb s’écoulent jusqu’aux eaux souterraines alors qu’on y cultive pourtant des légumes. Voilà le quotidien d’Agbogbloshie, une décharge emblématique près d’Accra (Ghana). Si ces déchets permettent à 50.000 personnes de survivre, personne ne semble conscient des dangers pour l’envi-ronnement et la santé.Les déchets électroniques d’Accra proviennent majoritairement d’Eu-rope. Cependant, l’UE a élaboré la “directive DEEE” qui oblige les producteurs et distributeurs à mettre en place un système de collecte et de traitement des appareils et ampoules en fin de vie. En Belgique, l’organisme Recupel s’en charge depuis 2001. La société est financée par la “cotisation Recupel” incluse dans le prix de vente des appareils.La Belgique atteint un taux de col-lecte très élevé. Au sein de l’UE, 40 % des “e-déchets” (cadre) sont traités par ce canal officiel. Le reste com-prend entre autres de petits appareils, comme les GSM, jetés avec les déchets résiduels. D’autres appareils

sont collectés par des entreprises privées qui les revendent d’occa-sion ou en confient le recyclage à des sociétés de transformation des métaux et des plastiques, sans passer par Recupel. En Belgique, ce traitement officieux représenterait 10 % du total ; 5 % sont exportés, notamment en Afrique.

MafiaIl y a aussi des “circuits” illégaux. Chaque année, 250.000 tonnes de ces déchets seraient introduites clandestinement dans des pays ouest-africains. Une véritable aubaine, surtout lorsque le “trai-tement” est réalisé à bas prix en Afrique. Les matériaux non précieux et généralement toxiques sont jetés, seuls les composants précieux sont isolés (cadre) et souvent acheminés vers la Chine et l’Inde.La mafia italienne serait particuliè-rement active dans le transport des déchets électroniques. La Conven-tion internationale de Bâle impose pourtant une procédure très stricte pour le transport international de déchets. Les transporteurs illé-gaux savent comment la contour-ner, par exemple en faisant passer les déchets pour des matériaux d’occasion. Ils choisissent aussi les ports les moins pointilleux. Une

réglementation européenne récente prévoit des contrôles beaucoup plus stricts dans les ports euro-péens. L’Afrique de l’Ouest n’est pas une destination privilégiée par hasard, ses règlementations sont moins contraignantes que celles d’autres pays africains. Une par-tie des déchets électroniques qui se retrouvent dans les décharges en Afrique de l’Ouest a une ori-gine “interne”. L’Afrique ne produit presque pas d’appareils électro-niques. Elle importe tout, souvent des appareils d’occasion mais aussi de plus en plus d’appareils chinois peu coûteux. Il est avan-tageux de leur offrir une seconde vie. Le Ghana a développé une expertise incroyable pour répa-rer les appareils ou en réutiliser les composants. Mais les déchets électroniques supplémentaires sont impossibles à transformer sur place en respectant l’environnement.

WorldLoopParfois, même des organisations caritatives sont pointées du doigt. Certaines exportent des ordina-teurs d’occasion en Afrique afin d’y encourager le numérique. Mais lorsque les PC tombent en panne, le volume de déchets augmente. La société belge Close the Gap, qui ne

Les décharges d’Afrique de l’Ouest débordent de déchets électroniques. Comment atterrissent-ils là ? Avec quelles conséquences ? L’ONG belge WorldLoop tente de combattre les effets négatifs des e-déchets.

La face cachée de

L’ÉLECTRONIQUE

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QU’ENTEND-ON PAR DÉCHETS ÉLECTRONIQUES ?Les “e-déchets” ou DEEE englobent les appareils élec-triques et électroniques, ainsi que leurs pièces, qui ont été jetés par leur propriétaire, sans intention de les réutiliser. Outre les écrans d’ordinateur, GSM, imprimantes, tablettes et PC, les déchets électroniques incluent les ampoules, machines à laver, panneaux solaires, aspirateurs, radios, appareils photo, etc.

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de tonnes41,8 millions de tonnes

e-déchets produits dans le monde en 2014

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41,8 millions de tonnes de déchets électroniques (dont 300 tonnes d’or et 1.000 tonnes d’argent).

le monde en 2014

CHRIS SIMOENS

Le démontage d’appareils électroniques : comme cela devrait être.

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“Une législation solide fait défaut dans de nombreux pays africains, ainsi qu’un cadre financier pour le traite-ment de toutes les parties de déchets électroniques, y compris les com-posants toxiques. Et les “e-déchets” sont rarement une priorité pour les gouvernements africains.”Reste la question clé : les appa-reils électroniques ne peuvent-il pas être totalement conçus selon la logique du recyclage complet (cradle to cradle) ? Elle implique la réutilisation de chaque composant et l’absence de substances toxiques et que les entreprises cessent de programmer l’obsolescence de leur appareils. Récemment, le Parlement européen a adopté un rapport qui édicte les lignes directrices pour une économie circulaire. Bart Staes, député européen Groen, déclare :

“Ces propositions combinent inno-vation, protection de l’environne-ment et création d’emplois. Grâce à une économie circulaire complète, l’UE économiserait chaque année 600 milliards en (dépenses pour des) matières premières et pourrait créer 2 millions d’emplois de plus.” L’Afrique en bénéficierait également. Il reste à voir dans quelle mesure la Commission européenne adoptera les propositions du rapport.

réutilisables sont vendus. Si un trai-tement écoresponsable sur place est impossible, nous participons à l’expédition des appareils en Belgique ou aux Pays-Bas.” Le centre DEEE est devenu une véritable entreprise commerciale.Sam Van Dyck ajoute : “Le secteur informel, efficace dans la collecte des déchets, opère la première étape du démontage d’une manière dangereuse et inefficace. Le matériel est incendié ou les écrans brisés, sans souci des risques pour la santé et l’environnement. Voilà pourquoi nous travaillons à sensibiliser nos partenaires.” Ce vaste secteur informel est l’un des obstacles à une approche rigoureuse de la problématique. La fermeture d’Ag-bogbloshie ne ferait que déplacer le problème. Ces 50.000 personnes chercheraient ailleurs des oppor-tunités de survie.Mais il existe d’autres obstacles sérieux face auxquels WorldLoop est impuissant. Sam Van Dyck explique :

fournit que du matériel informatique de seconde main de très haute qualité, est parfaitement consciente du problème des déchets. Il y a 5 ans, elle a donc fondé WorldLoop, une entreprise sociale qui aide les pays africains à résoudre le pro-blème des déchets électroniques. L’organisation repose sur un vaste réseau incluant Recupel, Bebat, Umicore, Deloitte et ONUDI.

“Dans la coopération avec nos par-tenaires en Afrique, nous optons consciemment pour le modèle de l’entreprise sociale, moins pour une coopération au développement pure et dure ” déclare Sam Van Dyck, col-laborateur de WorldLoop. “Nous veillons à ce que nos partenaires deviennent des entreprises sociales saines et capables de générer des profits sans soutien financier. Au Kenya, nous avons soutenu le centre DEEE dans le cadre de la collecte et du recyclage des équipements obsolètes et endommagés. Ils sont démontés de manière écologique et les matériaux

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ONLINEwww.worldloop.org - www.cwitproject.eu

DE QUOI SONT COMPOSÉS LES DÉCHETS ÉLECTRONIQUES ?De matériaux de valeur dont :• Les métaux tels que le fer,

le cuivre et l’aluminium : très faciles à recycler

• Certains plastiques

• Les cartes de circuits imprimés, les puces informatiques ainsi que les puces mémoire contenant entre autres de l’or et de l’argent qui ne peuvent être traitées de manière efficace et écologique qu’avec une technologie sophistiquée. La société belge Umi-core récupère 95 % des métaux précieux. Dans le monde, seules quatre entreprises en sont capables.

De matériaux non précieuxIls contiennent souvent des substances toxiques, comme les retardateurs de flamme des boîtiers en plastique des écrans d’ordinateur ou de télévi-sion ou le verre de vieux tubes cathodiques - encore utilisés en Afrique – qui contient beaucoup de plomb

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PLUS D’INFOThe global e-waste monitor 2014 (United Nations University)

The global impact of e-waste (OIT)

Le démontage d’appareils électroniques : comme cela ne devrait pas être.

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Minerais de conflitsLes apparei ls électroniques contiennent des minerais : tel est le cœur du problème. Dans les pays en développement, le secteur minier constitue souvent une source de profit qui attire des groupes armés comme un aimant. La pro-blématique des minerais de conflits, en particulier l’étain, le tantale, le tungstène et l’or (les 3TG), ainsi que les violations des droits de l’homme qu’elle entraîne, frappent principalement l’Afrique centrale, notamment la République démo-cratique du Congo. Pourtant, un changement est en marche.

Grâce à la loi Dodd-Frank (voir enca-dré), les seigneurs de guerre congo-lais perdraient leur emprise sur les minerais de sang. “Auparavant, les groupes armés contrôlaient presque tous les sites miniers”, explique Justine Bihamba, une activiste congolaise à Goma. “Aujourd’hui, nous constatons qu’ils évitent de se montrer ici. La loi Dodd-Frank a braqué les projecteurs sur les activités illégales”.Un rapport (S/2016/466) du groupe d’experts des Nations Unies sur la RD du Congo confirme cette tendance. “Il a été plus difficile aux groupes armés de tirer profit de l’exploitation des minerais d’étain, de tantale et de tungstène sur des sites d’extraction où l’exercice du devoir de diligence (due diligence) a été étendu”. Cependant, le rap-port note que les groupes armés restent activement impliqués dans l’exploitation minière, le commerce et l’exportation d’autres matières premières telles que l’or.Outre la loi Dodd-Frank, d’autres initiatives luttent contre les minerais de conflits. Le Regional Certifica-tion Mechanism des Grands Lacs distingue les mines conflictuelles de celles situées dans des régions sans tension. Le programme iTSCi accompagne les entreprises dans leur devoir de diligence et l’achat de minerais issus de zones à risques ; les Certified Trading Chains cer-tifient les pratiques minières et le

commerce de minerais éthiques.Ces systèmes ne sont toutefois pas infaillibles, ils coexistent sans coordination. En outre, certaines zones du Congo sont exclues, ce qui permet à des minerais de sang de se retrouver dans les chaînes d’approvisionnement hors conflits. La contrebande des minerais se poursuit sans relâche. En outre, les rapports montrent que des certifi-cats légitiment sur le marché noir rwandais ces minerais de conflits.En juin 2016, le Parlement européen a adopté une loi afin de contrôler le commerce de ces produits. Les entreprises actives sur le marché européen sont obligées de vérifier si les matières premières importées financent des rebelles armés ou encouragent le travail des enfants. La loi imposerait de limiter les 3TG dans le monde entier, pas seulement en Afrique centrale. Des problèmes se posent également en Colombie, où les FARC tirent des revenus de l’exploitation du cuivre. Tout ce qui ne relève pas des 3TG – par exemple, les produits semi-finis - reste cependant hors de portée.

Processus de production

Nos appareils électroniques sont fabriqués par des sociétés telles que Foxconn. Ce fabricant taïwanais travaille entre autres pour Apple, HP, Sony et Nokia. En 2010, la com-pagnie s’est trouvée au centre de

DU MINERAI DE CONFLITS DANS NOS APPAREILS

ÉLECTRONIQUESSmartphones, tablettes, ordinateurs, consoles de jeux et téléviseurs sont omniprésents dans notre vie . Pourtant, rares sont les personnes à se soucier du processus de production de ces gadgets. Notre élec-tronique de pointe a un prix : des vies humaines.

TRANG DAO ET JOERI SURDIACOURT

QU’EST-CE QUE LA LOI DODD-FRANK ?La loi américaine Dodd-Frank a été votée en 2010 afin d’éviter une nouvelle crise financière. Elle stipule entre autres que les entreprises américaines cotées en bourse qui utilisent les minerais d’Afrique centrale doivent en indiquer la provenance. Elles sont également tenues de vérifier si ces pro-duits financent des groupes armés.

Dans les pays en développement, le secteur minier constitue souvent une source de profit qui attire des groupes armés comme un aimant.”

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Fairphone veille à ce que les conditions de travail soient les meilleures possibles.

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l’attention après plusieurs articles dans les médias sur le nombre élevé de suicides, résultant de conditions de travail effroyables : bas salaires, journées interminables, heures supplémentaires et lieux de travail dangereux.Les mauvaises conditions de travail en Asie font souvent la une des médias. Au cours des dernières années, les salaires ont pourtant aug-menté dans les sociétés chinoises. Cette augmentation, cependant, ne peut être attribuée à une poli-tique commerciale intentionnelle : le

gouvernement chinois a adopté des lois garantissant un salaire minimum.Un rapport de l’European Trade Union Institute (Flexible workforces and low profit margins) montre que Foxconn exporte les “systèmes de travail chinois” vers les filiales européennes. Des usines tchèques ont ainsi installé des dortoirs afin d’accélérer la rotation des équipes ; la Turquie multiplie les contrats de stage et d’apprentissage et en Hongrie, le revenu moyen mensuel d’un ouvrier est de 294 euros.

Le Guide de l’OCDE (les lignes directrices de l’OCDE pour une diligence raisonnable) fournit des lignes directrices aux entreprises pour l’utilisation des minerais dans toute la production. Par cette voie, le guide veut faire en sorte que les entreprises respectent les droits humains en évi-tant de contribuer aux conflits par leur politique d’approvisionnement. L’objectif: favoriser des chaînes en minerais transparentes.

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Grâce aux procédures de due diligence (diligence raisonnable), les groupes armés retirent moins de profit de l’exploitation de l’étain, du tantale et du tungstène.

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Samsung n’est pas en meilleure posture. Le géant coréen de l’élec-tronique, contrairement à d’autres entreprises du secteur, produit plus de 90 % de ses produits en interne. Il est également connu pour sa poli-tique active contre les syndicats. Les médias signalent souvent l’isole-ment ou l’exclusion intentionnelle de dirigeants syndicaux. Les longues heures de travail entraînent fatigue chronique et stress.L’utilisation de substances toxiques est un autre problème courant ; par exemple, le benzène cancérogène est utilisé dans des produits de nettoyage pour des composants électroniques. Un rapport de l’ONU révèle que depuis janvier 2015, 350 employés de l’industrie coréenne de l’électronique souffrent de graves problèmes de santé (cancers, dépression de la moelle osseuse et anomalies des organes génitaux). 130 travailleurs, pour la plupart des jeunes femmes, y ont déjà laissé la vie. Les entreprises d’électronique rechignent à divulguer des infor-mations sur l’utilisation de produits chimiques. Samsung affirme qu’il s’agit de secrets commerciaux qui ne sont donc pas destinés au public.

Fairphone : les premiers smartphones

équitablesFondée en 2013 à Amsterdam, Fair-phone plaide pour un entreprenariat socialement responsable. L’entre-prise œuvre pour l’électronique équitable (voir Glo.be, 3/2014) et produit un smartphone équitable avec des minéraux garantis “sans conflit”. Au cours du processus de production, les conditions de travail font l’objet d’une attention particulière.Via le crowdfunding, Fairphone essaye de conscientiser les uti-lisateurs aux aspects sociaux et

environnementaux. En outre, l’entre-prise espère convaincre les multi-nationales d’évoluer vers un mode de production plus durable. Ainsi, Apple et Acer ont adopté quelques mesures concrètes.Récemment, les usines de pro-duction travaillant pour Apple ont participé au Third Party Audit, une évaluation indépendante par des tiers. Apple a identifié deux objectifs importants : 1) l’introduction des procédures de diligence et 2) le rapportage d’incidents et la réso-lution des problèmes. En 2010, les inspecteurs d’Apple ont constaté de

nombreuses infractions dans une usine de production chinoise. Mais celle-ci n’a pas été pénalisée. Apple a essayé d’améliorer les conditions de travail en collaborant avec elle.La société Acer a aussi fait des efforts. Elle exige de ses fournis-seurs qu’ils se conforment aux droits de l’homme dans toute la chaîne de production selon les lignes direc-trices du OCDE (voir encadré). En organisant régulièrement des formations, Acer cherche à assurer un environnement de travail sain et sécurisé, à améliorer les conditions de travail et à promouvoir la santé et l’hygiène.Depuis 2013, Acer est membre du Public-Private Alliance for Res-ponsible Minerals Trade (PPA). Le soutien d’Acer et des autres par-tenaires à cette initiative renforce l’expertise et la capacité de PPA dans ses projets liés aux minéraux “sans conflit” dans la région afri-caine des Grands Lacs.

UN LABEL COMMERCE ÉQUITABLE POUR UNE MINE D’OR OUGANDAISE

En Ouganda, l’association minière de petite taille Sama a reçu le premier label de commerce équitable. Le site minier garantit une extraction équitable de l’or. Le Trade for Development Centre (TDC) - une initiative de la Coopération belge au Développe-ment - soutient la mine afin qu’elle puisse bénéficier davantage du label.

Pour obtenir le label, Sama devait entre autres réduire considérablement la quantité de mercure, substance toxique utilisée pour isoler l’or du minerai aurifère. Le TDC veut contri-buer au financement d’un équipement spécial rendant inutile l’utilisation du mercure. En outre, le TDC aide Sama dans sa recherche de nouveaux clients et en matière de sensibi-lisation et de lobbying. Les communautés et les autorités locales doivent être informées des avantages écologiques, sociaux et économiques du label.

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Fairphone cherche à renforcer la prise de conscience auprès des utilisateurs en vue de susciter l’intérêt pour les aspects sociaux etenvironnementaux”

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Intelligence collective : à la recherche de solutions citoyennesNotre société devient toujours plus individualiste. Et si nous unissions les forces et connaissances de chacun pour créer un meilleur environnement pour tous ? Telle est la mission de l’entreprise sociale Edgeryders.

Edgeryders est le résul-tat d’un projet des ins-titutions européennes né en 2011 : créer une

plate-forme en ligne qui invitait les participants à donner sponta-nément leur avis sur la réforme de la politique pour la jeunesse. Les échanges s’étaient poursuivis bien longtemps après la clôture du projet.

“Voilà pourquoi, avec trois collègues, nous avons lancé une nouvelle plate-forme tout en conservant la même méthodologie. Ainsi, Edgeryders fut créé en 2013” nous confie Nadia El-Imam, co-fondatrice d’Edgeryders.

Échanges en ligneEdgeryders est une communauté en ligne, un réseau à l’échelle mondiale. Dans plus de 30 pays, le projet rassemble 4.000 membres d’horizons très divers : ingénieurs, avocats, médecins, hackers, acti-vistes. L’objectif est de trouver de nouvelles réponses à des pro-blèmes politiques, économiques et écologiques existants, à travers une plate-forme ouverte, associée aux médias sociaux. L’entreprise, soucieuse de permettre le dévelop-pement optimal du potentiel humain, met aussi en avant de nombreuses actions individuelles.

Priorité à l’individuPartant de l’intérêt collectif, Edge-ryders propose d’abord de partager connaissances et expériences pour ensuite aligner des stratégies de manière à faire émerger des solu-tions. Objectif atteint, précisément parce que l’individu est au cœur de tout le processus. “L’échange direct avec et entre les citoyens révèle

de nouvelles perspectives. Cette approche ascendante livre un meil-leur aperçu de ce qui anime une communauté et fait ressortir les besoins” explique Nadia.Edgeryders parvient à maîtriser ses coûts en s’appuyant sur un vaste réseau de connaissance et d’expertise. Edgeryders tire des revenus de la vente d’avis à ses clients (organisations internationales, sociétés, pouvoirs publics). En outre, elle organise régulièrement des ateliers autour d’études de cas concrets.

Coopération avec le PNUD

Edgeryders privilégie l’action à la politique. “Nous sommes convaincus que les gouvernements, ONG et insti-tutions internationales jouent un rôle important. Mais bien souvent, cela ne suffit pas. Il faut aussi travailler à un autre niveau pour résoudre les questions de société”, estime Nadia. Edgeryders et le Programme de développement de l’ONU (PNUD) ont donc uni leurs forces en 2014.En 2013, le PNUD a organisé une enquête mondiale en ligne (World We Want) sur l’agenda post-2015 du développement. Plus d’un million de citoyens partagèrent leur vision sur un avenir meilleur. Bien que leurs attentes étaient claires, ils ne savaient pas comment atteindre leur but. À la demande du PNUD, Edgeryders lança un projet (Spot the Future) pour savoir en quoi consiste cet avenir pour les habi-tants d’Arménie, de Géorgie et d’Égypte. Grâce à des conversations en ligne et des analyses de réseau, Edgeryders put se faire une idée précise des projets déjà en cours et des objectifs poursuivis, et inciter les

citoyens, groupes et organisations concernés à façonner l’avenir de leur pays respectif.Par exemple, en Égypte, les habi-tants d’une banlieue n’avaient pas accès au périphérique du Caire. Le gouvernement ne voulait pas relier le quartier à la ville, le considérant comme une implantation informelle. Durant le Printemps arabe, les habi-tants ont pris les choses en main : ils ont obtenu les autorisations, loué le matériel nécessaire et ils sont parvenus à construire quatre voies d’accès. Si le projet avait été pris en charge par les pouvoirs publics, il aurait coûté le quadruple. Un bel exemple de changement issu de la communauté.

PLUS D’INFOS SUR LA VERSION

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ONLINEhttps://edgeryders.eu/

Nous sommes convaincus que les gouvernements, ONG et institutions internationales jouent un rôle important. Mais bien souvent, cela ne suffit pas. Il faut aussi travailler à un autre niveau pour résoudre les questions de société”.

NADIA EL-IMAM

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CHRIS SIMOENS

I l est extrêmement difficile d’obtenir une vue d’en-semble sur des phénomènes tels que la migration et le cli-

mat. Les gens fuient. Mais pourquoi ? Quel itinéraire empruntent-ils ? Avec quels besoins ? Quels traumatismes ? Quels sont leurs talents ? Le climat change. Mais dans quelle mesure les événements météorologiques extrêmes résultent-ils du change-ment climatique ? Comment mieux nous préparer aux catastrophes ? Comment réduire notre consom-mation d’énergie ?Pour répondre à ces questions, il nous faut des données qui, souvent, sont déjà disponibles. Il suffit de les réunir et d’en extraire les informations pertinentes. L’Organisation internatio-nale pour les migrations (OIM) utilise déjà dans 40 pays un Displacement Tracking Matrix, une énorme base de données qui permet de suivre la situation des personnes déplacées : origine, position, retour éventuel, etc. La technologie actuelle permet en outre de travailler en temps réel. Nous sommes donc en mesure de prendre nos décisions sur la base de données actuelles, alors que jusqu’à présent, nous utilisions des données datant de quelques années.

ODDÀ l’Assemblée générale de l’ONU à New York (septembre 2016), le

vice-premier ministre et ministre de la Coopération au développement, Alexander De Croo, a plaidé en faveur d’une révolution des don-nées. La Belgique est aussi deve-nue membre officiel du GPSDD, un vaste réseau de gouvernements, d’entreprises privées et d’ONG, entre autres. Objectif : utiliser les données au service des objectifs de développement durable. Notre pays a promis d’aider ses parte-naires à rassembler des données pertinentes et à les analyser, ainsi qu’à fournir les infrastructures et les compétences nécessaires.Les GSM, réseaux sociaux, drones, satellites, etc. peuvent permettre la collecte de données. Tout citoyen peut fournir des données mais un système de données aussi glo-bal n’évoque-t-il pas le spectre de Big Brother ? C’est ce qui incite le ministre De Croo à insister sur l’éthique et la vie privée, en évitant le terme “Big Data”1. La révolution des données doit se mettre au ser-vice des utilisateurs et permettre une politique fondée sur les faits, non sur les émotions.

Post-véritéMais dans quelle mesure les faits comptent-ils encore dans le contexte actuel ? The Economist a récemment épinglé une tendance : les déclara-tions de certains politiciens sonnent juste mais n’ont aucun ancrage factuel. Ils veulent en premier lieu

renforcer les préjugés. Un phé-nomène illustré par la campagne pour le Brexit.Selon le ministre De Croo, les don-nées sont une arme contre le popu-lisme. Les faits concrets doivent anéantir les préjugés qui sévissent à l’encontre des réfugiés et migrants, telle une arme contre l’ignorance, principal moyen de pression des populistes. Il est injuste d’étique-ter tous les réfugiés comme des profiteurs. La plupart n’étaient ni pauvres, ni dépendants d’une aide. Ils possèdent des compétences dont nous pourrions faire meilleur usage en consultant des bases de données qui enregistrent leurs capacités et expériences.Par ailleurs, les données très acces-sibles peuvent entraîner l’effet inverse. Des journalistes d’inves-tigation et des ONG peuvent les utiliser pour demander des comptes. Le “journalisme de données” peut devenir un quatrième pouvoir à part entière.Dans le monde moderne com-plexe, les données sont de toute façon indispensables. Utilisées à bon escient, elles peuvent nous conduire sur une voie durable et tolérante. C’est cet objectif que la Belgique veut atteindre.

1 Comme expliqué sur www.mo.be

ONLINEwww.data4sdgs.org

La révolution des données doit se mettre au service des utilisateurs et permettre une politique fondée sur les faits, non sur les émotions”

RÉVOLUTION DES DONNÉESpour la migration et le climat

La Belgique promeut une utilisation plus large des données concernant entre autres la migration et le climat. Notre pays a déjà rejoint le Global Partnership for Sustainable Development Data (GPSDD).

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UN GLOBAL PULSE : les big data au service du développement

la base du constat que les données numériques offrent une meilleure compréhension du monde et des hommes, et permettent d’obtenir des informations en temps réel sur la façon dont fonctionnent les réponses politiques à certaines crises. Les données peuvent donc être au ser-vice des politiques publiques en donnant une image de la réalité locale et des besoins. Elles prennent le pouls d’une population et parti-cipent ainsi au processus de prise de (bonnes) décisions.À cette fin, Global Pulse travaille à mieux faire connaître le potentiel des big data, à forger des parte-nariats académiques et public-privé sur le partage de données, à générer des approches et des outils d’analyse via son réseau de labora-toires (pulse labs), et à promouvoir l’adoption d’innovations utiles à travers le système des Nations Unies.

TwitterLe 23 septembre de cette année, UN Global Pulse a annoncé la signature d’un accord de partenariat avec Twitter, qui autorise l’accès à ses données pour soutenir la réalisation des Objectifs de Développement Durable. Concrètement, cela signifie que les acteurs du développement pourront accéder aux flux de don-nées des utilisateurs, contenant des informations sur le coût des denrées alimentaires, l’accès aux soins de santé, la qualité de l’éducation, les catastrophes naturelles etc.

N otre comportement sur Internet génère une quantité énorme de données : ce que

nous achetons, le type de site que nous visitons, nos préférences de voyages, qui sont nos amis, quels sont nos opinions politiques ou reli-gieuses, qu’avons-nous récemment liké sur Facebook, etc. Toutes ces informations peuvent être collectées, croisées et constituent une source inestimable de renseignements sur notre profil social, de consommateur, de citoyen etc. Ce sont les big data, données massives ou mégadon-nées. Elles peuvent être utilisées à diverses fins : commerciales, bien sûr, mais pourquoi pas aussi dans un but d’aide au développement ou pour des projets humanitaires ?

UN Global PulseC’est le pari de UN Global Pulse, une initiative du Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, en matière d’innovation sur les big data. La vision du projet est de construire un avenir dans lequel les big data sont exploitées en toute sécurité et de façon responsable, en tant que bien public. Le slogan de Global Pulse est sans équivoque : ‘Exploi-ter les big data pour le dévelop-pement et l’action humanitaire’. L’initiative a été lancée en 2010, suite à la crise économique mondiale, sur

BENOIT DUPONT

ONLINEwww.unglobalpulse.org

Les traces que nous laissons sur la toile et les médias sociaux peuvent paraître anodines. Mais les données ainsi produites sont extrêmement puissantes. Le tout est d’en faire bon usage et donc de les protéger. Les Nations Unies sont conscientes des risques d’atteintes à la vie privée des individus et travaillent au per-fectionnement du cadre juridique qui doit garantir un juste équilibre entre les droits de chacun.

Les Nations Unies misent sur le potentiel des big data comme instrument complémentaire de lutte contre toutes sortes de crises (sanitaires, climatiques, alimentaires…) affectant les pays en développement. Les technologies de l’information et de la communication au secours des populations vulnérables : est-ce possible ?

Les Nations Unies sont conscientes des risques d’atteintes à la vie privée des individus et travaillent au perfectionnement du cadre juridique”

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C’est au printemps dernier que le Musée royal de l’Afrique centrale (MRAC) lançait le Prix Digitalisation pour le dwéveloppement - D4D, avec le soutien de la Coopération belge au Développement. Présentation de cette nouvelle initiative destinée à faire du digital un incontournable pour toute stratégie de dévelop-pement durable dans les pays du Sud.

D4D : le Prix biennal Digitalisation pour le Développement

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Notez qu’à l’heure où nous écrivons ces lignes, les lauréats du Prix D4D ne sont pas encore connus. En effet, c’est le 30 novembre que le Musée royal de l’Afrique centrale organise la cérémonie de remise des prix ainsi qu’ un événement de réseautage prenant la forme d’un salon des innovations. Une aubaine pour les nomi-nés qui auront l’occa-sion d’y présenter leur projet et de réseauter avec plusieurs experts de réputation (inter)nationale.

Dans la langue de Sha-kespeare, on parle de “Digital for Develop-ment” ou “D4D”, ce

qu’on pourrait traduire par “Digi-talisation pour le Développement”, une thématique qui fait désormais partie des priorités de la politique de la Coopération belge au déve-loppement. L’idée est simple : il s’agit d’utiliser la technologie numérique comme un levier pour le développe-ment. En effet, la combinaison des compétences du Ministre Alexander De Croo – Coopération au déve-loppement et Agenda numérique – ouvre tout un champ d’opportunités nouvelles et uniques. L’une d’entre elles étant le Prix D4D.

De quoi s’agit-il exactement ?

Organisé tous les deux ans, le Prix D4D récompense les initiatives qui utilisent la créativité numérique et les nouvelles technologies, comme levier pour le développement au service des Objectifs de Dévelop-pement durable (ODD). Cette initia-tive vise donc très large : étudiants, doctorants, chercheurs, startups,

partenariats public-privé (PPP), ONG, initiatives du quatrième pilier et secteur privé.L’appel à projets précise d’ailleurs d’emblée qu’il n’y a pas de restric-tion au niveau des thèmes, toutes les initiatives sur la numérisation pour le développement étant les bienvenues, pour peu que le projet soit convaincant et innovant. Autre prérequis : les participants doivent avoir la nationalité belge ou pro-venir de l’un des quatorze pays partenaires.

Trois catégories de prix

Pour cette première édition, les participants avaient l’occasion de concourir dans trois catégories :• iStartUp pour les idées novatrices et les startups• iStandOut pour les bonnes pratiques• iChoose permettant au public de voter pour l’idée la plus innovante.Parmi la douzaine de projets retenus, voici les coups de cœur virtuels de la rédaction :• La startup belge Creo² qui propose une application sur tablette pour les commerces de proximité (restau-rants, magasins, etc). En échange de

leurs achats, les clients intéressés se voient offrir la possibilité de soutenir des promotions dites responsables, comme la plantation d’un arbre avec l’association We Forest ou l’achat de vaccins par Médecins sans Fron-tières. Une idée originale qui change de “3+1 gratuit” !• L’entreprise rwandaise HeHe-Labs qui s’est spécialisée dans la technologie mobile en développant des applications sur-mesure pour les entreprises, les gouvernements et de nombreuses associations. A travers ce projet, c’est aussi une possibilité qui est donnée aux jeunes d’apprendre et de contribuer au développement du Rwanda et de l’Afrique en général.• La startup belge Comundos qui grâce au storytelling digital, cherche à stimuler l’émancipation, le développement d’un esprit cri-tique et la construction identitaire chez les jeunes, en renforçant leur connaissance des medias et de la communication numérique.

MARTINE WARCK

ONLINE http://prized4d.africamuseum.be/

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SUR LES TRACES DE

Qui ?Maarten Boute Entrepreneur belge en Haïti

Quoi ?Deux entreprises sociales : sûrtab qui produit des tablettes et RE-VOLT qui installe des systèmes photovoltaïques bon marchés.

Pourquoi ?Haïti est l’un des pays les plus pauvres du monde. En offrant des solutions numériques abordables, sûrtab souhaite améliorer l’enseignement dans le pays et RE-VOLT, donner accès à l’électricité.

Une classe mobileJe voulais agir pour aider la popula-tion à progresser. J’ai alors créé sûr-tab, avec un homme d’affaires haï-tien, afin de produire des tablettes Android localement et à bas coût. Ce projet m’a permis d’enga-ger du personnel tout en répondant à une réelle demande. En effet, la population ne peut se payer un iPad ou un Samsung : il lui faut une alternative meilleure marché. L’objectif principal était de développer un produit pour les écoles afin d’améliorer le niveau d’éducation.Le gouvernement et la presse ont positivement accueilli sûrtab. La population était extrêmement fière des tablettes haïtiennes. La pro-duction a commencé en 2012 et un an et demi plus tard, la ‘classe mobile’ a vu le jour. Il s’agit d’un chariot équipé d’une quarantaine de tablettes, d’un projecteur laser et d’un pointeur laser. Des pan-neaux solaires intégrés chargent les tablettes en cas de coupure d’électricité. Depuis lors, les ‘classes mobiles’ circulent dans plus de 100 écoles.

SakadoEn collaboration avec le ministère de l’enseignement, nous avons équipé les tablettes de cours en français et créole. Cela nous a menés à un second projet “Sakado” (sac à dos en créole) : nous stockons sur les

tablettes les livres dont un écolier a besoin (il y en a beaucoup en Haïti). Une tablette coûte environ 200 dollars, leçons numé-riques comprises. Cela correspond au prix des manuels scolaires. L’avan-tage : les écoliers peuvent

effectuer une mise à jour au lieu d’acheter chaque année des nou-veaux livres.

Entreprise socialeSûrtab est une entreprise sociale qui crée de l’emploi et réinvestit 100 % des bénéfices au profit des employés et de l’entreprise. Durant le recrutement, nous avons soumis les candidats à des tests d’adresse et de logique qui ont révélé que les femmes étaient meilleures que les hommes. Sûrtab compte 40 employés, dont 80 % de femmes et 20 % d’hommes. Chaque mois, l’entreprise produit entre 800 et 1.000 tablettes, dont 80 % pour l’en-seignement et 20 % pour le marché de détail. Nous avons beaucoup

investi dans les formations pour les employés. De nombreuses femmes travaillant dans l’usine proviennent de quartiers pauvres et n’avaient que des connaissances de base. Grâce à des cours intensifs et des exercices pratiques, elles peuvent désormais installer aisé-ment des composants électroniques. Les employés gagnent trois fois plus que le salaire minimum en Haïti et bénéficient d’une assurance maladie. Certains reçoivent une prime s’ils atteignent un volume de production ou niveau de qualité déterminés.

RE-VOLTHaïti fait face à un réseau d’électri-cité quasi inexistant. De plus, la nuit tombe à 18 h 30. Les gens doivent allumer des bougies le soir. Voilà pourquoi j’ai fondé RE-VOLT en 2014, une entreprise sociale qui approvisionne la population en élec-tricité. Pour 30 dollars, les habitants peuvent installer un petit système photovoltaïque chez eux et ils paient 6 dollars par mois pour le service. S’ils ne paient pas, le système est désactivé à distance. RE-VOLT a déjà équipé plus de 4.000 foyers avec ces systèmes solaires, qui permettent aux enfants d’étudier encore un peu le soir.

En janvier 2009, je me suis rendu en Haïti en tant que CEO de Digicel, le plus grand opérateur mobile du pays. Travailler pour une entreprise sociale-ment engagée m’enthousiasmait beaucoup. En 2012, après 20 ans dans les télécommunications, j’étais lassé de ce secteur motivé surtout par le profit.

ONLINEhttp://surtab.com/home/edu.phpwww.re-volt.com

STEFANIE BUYST

PLUS D’INFOS SUR LA VERSION TABLETTE

Sakado: une tablette remplie de manuels scolaires

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Chadrack, 17 ans : “J’ai été placé avec les adultes. Le premier jour (en prison), on te frappe jusqu’à la mort. Dans ma cellule, on était au moins mille. Parfois, je dormais debout”. Après un mois et demi de détention, Chadrack est libéré suite à l’intervention d’un avocat et a pu reprendre l’école.

En RD Congo, la majorité des personnes placées en détention préventive ne paraissent pas devant un juge dans les délais prévus par la loi et n’ont pas accès à une assistance judiciaire. Ainsi, des détenus sont parfois abandonnés à leur sort pen-dant plusieurs années sans aucune décision d’un juge, ni accès à un avocat. Des personnes libérées témoignent des terribles conditions de vie dans les prisons. Pour nous rappeler que derrière chaque décision de justice, il y a des hommes, des femmes et des enfants.

Ce reportage photo de Rosalie Colfs a été réalisé dans le cadre d’un projet de lutte contre les détentions provisoires massives financé par le SPF belge des Affaires étrangères. Grâce à ce projet, un groupe d’avocats appuyé par Avocats Sans frontières

(ASF) a pu fournir une assistance judiciaire à près de 3.000 personnes en détention préventive dans quatre prisons congolaises.

Avocats Sans Frontières (ASF) est une organisation non gouvernementale internationale créée en Belgique en 1992. ASF est spécialisée dans le développement de projets de promotion et de soutien à l’accès à la justice, la réalisation des droits humains, et de l’état de droit dans des pays en situation de post conflit et/ou développement.

www.asf.be

Détention préventive : histoires de vies

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Aime a passé 50 jours d’an-goisse en prison et souffre de la hanche: “Ils n’ont pas voulu me soigner et refusaient que je prenne ma canne dont j’ai besoin pour me déplacer (…). En prison j’ai rencontré des innocents, des fous, toutes sortes de personnes qui ne devaient pas s’y trouver.”

Avec l’aide d’ASF, Désiré Loko a été libéré après avoir passé exactement 8 ans, 5 mois et 21 jours en détention préventive à la prison centrale de Kinshasa, alors qu’il était innocent. Pendant toutes ces années, il n’a reçu aucun appui de sa famille restée en province et qui ignorait tout de sa situation.

“En prison, on vous donne à peine à manger”, témoigne-t-il.

DROITS HUMAINS

Détention préventive : histoires de vies

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TRANG DAO

MONDIAPOLIS-OXFAM

Les Carrefours du mondeDepuis de nombreuses années, Oxfam-Solidarité organise un projet éducatif intitulé ‘Les Carrefours du monde’ visant à sensibiliser et à susciter la mise en action. Ce projet comprend deux ateliers d’immer-sion : l’atelier Bolivie, sur l’impact des changements climatiques, et l’atelier Mondiapolis qui s’intéresse au comportement de consommation et aux conséquences de l’exploitation des ressources naturelles sur l’environnement et sur les travailleurs. Glo.be a pris part à l’atelier Mondiapolis pour mieux comprendre la méthode de travail d’Oxfam-Solidarité.

Tout au long de l’atelier, diverses activités nous furent proposées pour comprendre au mieux

le message véhiculé par Oxfam-Solidarité. Accompagnés par des élèves de l’organisme de formation

“la Centrale Culturelle Bruxelloise”, nous fûmes placés au centre d’une pièce remplie de nombreux aliments et objets issus de notre quotidien. Après les avoir longuement observés et étudiés, nous nous sommes aper-çus combien nos vies sont influen-cées par des multinationales qui dominent le système économique et financier mondial. “Le but n’est pas d’attaquer les multinationales comme Coca-Cola parce qu’elles lancent des produits populaires”, a expliqué Julien Ureel, collaborateur

et galeries, les maladies. Plusieurs rapports des Nations Unies mettent par ailleurs en cause la responsabi-lité des entreprises actives dans le commerce du coltan en RDC.Nous avons par après partagé nos observations avec les membres des autres groupes qui nous ont livré leurs impressions sur les secteurs du sucre et du coton. Face à tous ces dangers et tristes réalités, nous avons compris l’importance de la prise de conscience d’une problématique, pour ensuite entreprendre le travail de plaidoyer auprès des politiques et de sensibilisation au niveau de l’éducation des jeunes.Transportés ensuite au Cambodge, nous avons pénétré l’ambiance étouf-fante d’une usine de vêtements où travaillent des centaines de femmes dans des conditions délicates, avec peu de sécurité, un horaire intermi-nable et un bas revenu. Éloignées de leurs familles, elles ne peuvent former de syndicats et vivent dans des logements précaires.Le tour du monde achevé, nous sommes retournés au siège d’Ox-fam-Solidarité à Bruxelles où une élève nous a témoigné que l’atelier l’avait changée : “Je suis consciente maintenant ! Je vais essayer de consommer mieux en adaptant mon comportement et en faisant notam-ment plus attention aux marques.”. Les ateliers d’immersion comme ceux d’Oxfam constituent une des manières par laquelle la Coopéra-tion belge au Développement essaie de mobiliser la population pour un monde plus juste.

du service de formation d’Oxfam-Solidarité. “Ce qui nous importe est la manière dont elles s’approprient les ressources naturelles dans l’éla-boration de ce produit.”Divisés en petits groupes, nous nous sommes par la suite imprégnés de l’univers des creuseurs et de leurs familles dans les mines de coltan en République Démocratique du Congo (RDC). Celles-ci constituent une stratégie de survie face à l’extrême pauvreté, à la violence et à l’insé-curité. Baignés dans cet univers du coltan, nous avons découvert les conditions dangereuses et pénibles dans lesquelles adultes et enfants travaillent tous les jours pour un faible revenu. Dans ces mines, le dan-ger est constant : les pentes raides, les effondrements dans les puits

Je suis consciente maintenant ! Je vais essayer de consommer mieux en adaptant mon comportement et en faisant notamment plus attention aux marques”

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CITOYENNETÉ MONDIALE

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Nous savons tous que le développement durable “répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins.” Mais combien sont conscients de l’importance de la biodiversité pour garantir cette capacité à satisfaire nos besoins les plus essentiels? La Coopération belge au Développement l’a bien compris.

L a biodiversité, n’est pas qu’une multitude de bes-tioles dont on pourrait bien se passer, c’est la

variété de la vie à tous les niveaux. L’Homme fait partie de ces écosys-tèmes où chaque élément, chaque interaction a sa place, sa fonction et son importance. Leur complé-mentarité permet l’équilibre et la résilience nécessaires pour pro-duire les services écosystémiques indispensables à l’Homme, qui en dépend et les impacte.En Coopération au développement, l’importance des services écosys-témiques est flagrante. La survie de populations vulnérables du Sud dépend directement des ressources fournies par leur environnement. Or celui-ci est trop souvent dégradé par ignorance. Surtout dans les zones urbaines, de plus en plus impor-tantes, où il est facile d’oublier que la nature fournit nourriture, air pur, eau, carburant, médicaments…Consciente que la biodiversité est la base de tout développement socio-économique et qu’il est essentiel de préserver ce réservoir de solutions présentes et futures, la Coopération

belge au Développement a construit sa stratégie environnementale sur une approche écosystémique, une gestion intégrée qui replace les dif-férents éléments dans leur contexte.En effet, pour qu’une action de développement soit véritablement durable, il faut qu’elle tienne compte de la logique de ces écosystèmes, souvent complexe, et contribue à sensibiliser, éduquer et renfor-cer les capacités des différents intervenants sur base de données scientifiques fiables. L’expertise internationalement reconnue en matière d’établissements scienti-fiques tels que l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique et le Musée royal de l’Afrique centrale, et leur engagement pour le déve-loppement, sont une véritable valeur ajoutée pour la Belgique.Face au défi de l’intégration trans-versale de l’environnement, qui est une obligation légale, la plateforme de recherche KLIMOS a développé un ‘kit d’outils’ permettant aux dif-férents intervenants d’intégrer tous les aspects de l’environnement dans leurs activités.Enfin, pour assurer une cohérence entre les différentes actions, la Bel-gique encourage les collaborations, synergies et complémentarités. De

nombreux partenaires suivent le mouvement. Un bel exemple est la récente initiative de la plateforme belge de l’enseignement et de la formation au sein de la coopération au développement, Educaid, qui réunit autour d’un projet ‘environne-ment et éducation’, des acteurs de la coopération directe et indirecte ainsi que du monde scientifique.Dans le secteur de la santé aussi, la conscientisation d’adopter une approche intégrée fait son chemin. De nombreuses initiatives finan-cées par la Belgique s’inscrivent volontairement dans le mouvement OneHealth, qui souligne l’interdé-pendance entre la santé humaine, animale et environnementale ainsi que l’importance de la biodiversité.Le dernier ‘peer review’ de l’OCDE a salué les efforts d’intégration de la biodiversité dans la Coopération belge au Développement.De tout temps, l’homme s’est inspiré de la nature pour se développer et a trouvé des remèdes dans des espèces sauvages parfois inconnues. Une dynamique est enclenchée et la Belgique continuera à agir pour la préservation de la biodiversité, ce réservoir de ressources et de solutions, pour un développement durable.

BARBARA VINCKE

LA BIODIVERSITÉ :UN RÉSERVOIR DE SOLUTIONS POUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE

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Les gorilles du parc national de Kahuzi-Biega, au Congo, se soignent avec les mêmes plantes médicinales que celles utilisées par les tradipraticiens pygmées, comme le démontrent les études de Chantal Shalukoma dont le doctorat a été financé par la coopération belge. Ils sont tous hommes, animaux et plantes menacés d’extinction.

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ENVIRONNEMENT

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Les économistes estiment que les services écosystémiques à l’échelle planétaire valent des dizaines de trillions de dollars !”

34 SEPTEMBRE-OCTOBRE-NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2016 I

P remier constat : l’alarme lancée quant à l’appau-vrissement de la diver-sité biologique inquiète

moins que le changement clima-tique. Une observation à titre d’illus-tration. Récemment, je me prome-nais dans le Pajottenland : les chants des coucous et des alouettes qui le peuplaient dans ma jeunesse se sont tus. La disparition de ces oiseaux migrateurs passe inaperçue, seuls les scientifiques professionnels et amateurs la remarquent. Processus insidieux, le dépérissement de la biodiversité est mondial même si le phénomène n’est pas aussi specta-culaire que la montée du niveau des mers ! L’extinction rapide actuelle d’espèces de plantes et d’animaux – la 6e extinction de masse après celle des dinosaures – est moins parlante que le changement climatique. En effet, l’appel à la prise de conscience dans ce domaine, par des messages

tels que “pas de hausse de tem-pérature au-dessus de 2 °C” peut s’appuyer sur des chiffres, et le CO2 est présenté comme la “bête noire”. Par contre, le slogan “Ne revivons plus l’extinction du dodo !”, un oiseau disparu de l’île Maurice, est tout sauf attrayant et cet objectif n’est pas mesurable. En outre, la nécessité de gérer le changement climatique (mesures d’adaptation et d’atténuation) encourage le dévelop-pement de nouvelles technologies économiquement attractives. Une longueur d’avance supplémentaire pour la lutte contre le changement climatique.

Mal au portefeuilleOn peut toutefois mener des cam-pagnes de sensibilisation sur la disparition de la biodiversité, en soulignant notamment les consé-quences financières. Imaginons qu’un service écosystémique (épu-ration de l’eau, sol fertile et pollini-sation) passe à la trappe. Quelles seront les répercussions sur les soins

de santé, la sécurité alimentaire, l’aide d’urgence, l’épuration de l’eau, les assurances, la biotechnologie ou même le maintien de la paix et l’accueil des réfugiés écologiques ? Les économistes estiment que les services écosystémiques à l’échelle planétaire valent des dizaines de trillions de dollars ! Lier la protection de la nature et les enjeux écono-miques est un puissant argument pour assurer d’urgence la protec-tion de la biodiversité en tant que support de ces services.Cette COP13 sera-t-elle médiatisée comme ce fut le cas du sommet de Paris sur le climat (COP21) ? Espé-rons-le : l’humanité y a tout intérêt. Des études scientifiques récentes démontrent que nous sommes loin d’être sur le bon chemin, malgré les engagements internationaux. Nous disposons, il est vrai, d’une meilleure vue d’ensemble, nous évaluons mieux l’état de santé de la terre, et nous avons progressé dans le domaine de la “gouvernance mon-diale” et de la protection. Songeons

LUC JANSSENS DE BISTHOVEN COORDINATEUR CEBioS — IRSNB

LA BIODIVERSITÉ DANS LE SUDA PLUS QUE JAMAIS

BESOIN DE PROTECTION

Les 17 Objectifs de développement durable (ODD) 2030 ont vu le jour voici un an déjà. Ils commencent à supplanter les 8 Objectifs du millénaire (OMD) dans la mémoire collective. Le maintien de la biodiversité est au cœur de l’ODD 14 (environnement marin) et de l’ODD15 (surfaces terrestres et eaux douces). La prochaine Conférence des Parties (COP13) de la Convention sur la diversité biologique (CDB) des Nations Unies aura lieu en décembre 2016 à Mexico. L’occasion de procéder à une évaluation globale à mi-par-cours des objectifs d’Aichi1 axés sur la biodiversité. L’heure est venue de faire le point sur l’état de la biodiversité, plus particulièrement dans le Sud.

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ENVIRONNEMENT

au succès des régions Natura 2000, à la réintroduction des oiseaux de proie en Europe ou à la meilleure surveillance des fuites de pétrole en mer. Les scientifiques estiment que les régions protégées font locale-ment croître le nombre d’espèces de 11 % et qu’elles constituent donc un instrument incontournable de la protection de la nature.

Des points névralgiques vulnérables

Les pays riches et les pays en déve-loppement seront réunis à la COP13. Le Sud exige – à juste titre – plus de moyens de la part du Nord pour ren-forcer les capacités de maintien de sa grande biodiversité. Par ailleurs, les riches pays donateurs devraient conditionner leur coopération au développement à la préservation de la biodiversité. Les autorités et les communautés locales, bénéficiaires finaux, devraient être associées plus étroitement aux projets durables. Et il faut garder à l’esprit le rapport entre les coûts et les bénéfices liés à la préservation des services écosystémiques.Les ODD veulent avoir une portée mondiale, mais c’est à ce niveau que le bât blesse. Sur 58 % de la superficie du globe, la biodiversité s’est tellement appauvrie que les services écosystémiques ne fonc-tionnent plus suffisamment. La des-truction des habitats et la disparition

de certaines espèces placent les savanes, les déserts, les mangroves et les prairies tempérées dans une situation extrêmement vulnérable. Beaucoup de régions ont franchi la limite de sécurité définie pour la stabilité de la biodiversité. Deux tiers des 34 points névralgiques de la biodiversité étudiés sont qualifiés de vulnérables, notamment l’Hima-laya, les zones afromontagneuses d’Afrique de l’Est ou le désert du Karoo en Afrique du Sud. Le bassin du Congo se trouverait à la limite de la “zone de sécurité”.Changement climatique et régres-sion de la biodiversité sont si étroi-tement imbriqués que nous devons travailler en parallèle sur les deux fronts. Les mangroves, par exemple, protègent les littoraux (sub)tropi-caux contre les ouragans, et sont des pièges à carbone ainsi que des viviers alimentaires et des aires de nidification pour les crabes, les poissons de mer et les oiseaux.À la lecture des dernières “Pers-pectives mondiales de la diversité biologique” de la CDB, un aspect est particulièrement frappant : sur un total de 56 indicateurs, l’objectif sera atteint pour 5 d’entre eux seulement d’ici 2020 : 17 % des superficies terrestres et d’eau douce sont pro-tégées, le Protocole de Nagoya2 a été adopté et est entré en applica-tion, 40 % des pays ont un plan de biodiversité et les connaissances se sont améliorées. Pour 16 indicateurs,

aucun progrès n’a été enregistré ou la situation s’aggrave : subventions nuisibles, espèces invasives, récifs de corail, pollution, espèces ani-males menacées, genre et minorités, pêche, perte d’habitat… Pour les 32 autres indicateurs, la progression est insuffisante.Le rapport n’est pas rassurant. Il est un appel à la communauté internationale, dont la Coopération belge au développement, à conti-nuer à œuvrer au renforcement des capacités des pays en voie de développement et à unir toutes ses forces, pour lutter pour la richesse et la stabilité de la biodiversité, la stabilité climatique et la durabilité de la société dans le Nord et le Sud.Merci à Han de Koeijer et Maarten Vanhove (IRSNB-CE BioS).

1 La CDB fixe 20 objectifs à atteindre pour la biodiversité d’ici à 2020 : les objectifs d’Aichi (https://www.cbd.int/sp/targets/).

2 Le Protocole de Nagoya sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation a été adopté en 2010 en tant que complément à la Convention sur la diversité biologique. Voir https://www.cbd.int/abs/

EN SAVOIR PLUSSecrétariat de la Convention sur la biodiversité (2014). Perspectives mondiales de la diversité biologique 4. Montréal, 155 pages

Dimension 3 (1, 2010) sur la biodiversité

Le programme CEBioS (“Capacities for Biodiversity and Sustainable Development”, http://cebios.naturalsciences.be) est financé par la Coopération belge au Développement et administré par l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique (IRSNB). Une dizaine de personnes assurent le suivi du volet “biodiversité et développement”, à savoir soutien

à la recherche, missions d’information, de sensibilisation, de conseil politique et publications sur la biodiversité et le développement dans le Sud. Le CEBioS inclut de courtes visites de stage en Belgique et des ateliers sur le terrain. Il numérise les archives coloniales relatives aux anciens parcs naturels nationaux pour les rendre accessibles (http://www.apncb.be). Les institutions partenaires sont principalement situées au Bénin, en RDC, au Burundi et au Vietnam, et d’étroites collaborations sont nouées avec des acteurs belges.

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fut une année char-nière dans le déve-

loppement international : l’adoption des objectifs de développement durable (ODD) à l’unanimité par l’ONU, le programme d’action d’Ad-dis-Abeba pour un cadre global de financement du développement après 2015 et, enfin, l’Accord de Paris qui a réalisé une percée tant attendue dans le domaine du chan-gement climatique. Au départ de

ces réalisations, on trouve une action commune qui agit simultanément sur plusieurs fronts. Mais comment obtenir des résultats concrets ?Le Consortium for Improving Agri-cultural Livelihoods in Central Africa (CIALCA ou Consortium pour l’amé-lioration des moyens de subsistance agricoles en Afrique centrale) a joué un rôle de pionnier dans la recherche appliquée, ainsi que dans des partenariats innovants

au Rwanda, au Burundi et en RDC. Il contribue à trois objectifs géné-raux : réduire la pauvreté, accroître la sécurité alimentaire et amélio-rer la gestion des écosystèmes (voir Dimension 3, 1/2014, p. 17). L’agriculture intervient dans 11 des 17 ODD au moins. Elle fournit un excellent point d’entrée pour amé-liorer la vie des populations et leur environnement dans la région des Grands Lacs. Les sujets de recherche

20 à 40 % des petits exploitants sont incapables d’améliorer significativement leurs moyens de subsistance grâce à l’agriculture. Ils ont besoin de revenus extra-agricoles”

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BOUDY VAN SCHAGEN

Les défis en matière de développement sont souvent complexes et inter-dépendants ; ils ne peuvent être résolus à un seul niveau ou par un seul acteur. Depuis 2006, un ambitieux consortium scientifique en Afrique centrale a fait grandement progresser la recherche intersectorielle. Un succès de la Coopération belge au Développement.

IMPLIQUER PLUS DE SECTEURSPOUR PLUS D’IMPACT

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abordés sont par exemple : comment la gestion d’une maladie du bananier peut-elle conduire non seulement à un contrôle de la maladie, mais aussi à un meilleur accès à des cultures riches en nutriments ? Quels éclai-rages tirés de la recherche aident à l’autonomisation des femmes ? Comment les innovations du sys-tème agroalimentaire contribuent-elles à une alimentation plus saine, plus durable et plus souhaitable ? Comment des plateformes compo-sées de diverses parties prenantes peuvent-elles influencer positive-ment les résultats ?Aujourd’hui, le consortium a 10 ans. Sa croissance s’est déroulée en 3 phases. Dans la première phase, l’accent a été mis sur la recherche et le développement dans le sec-teur agricole. CIALCA a essayé d’améliorer les systèmes de culture locaux et a investigué de nouvelles technologies de lutte contre les parasites et les maladies. Cette phase a favorisé des interactions avec les organisations de recherche des trois pays. Plusieurs collabora-teurs ont pu suivre une formation en recherche en partenariat avec les universités locales et belges. Une deuxième phase a privilégié la promotion et la diffusion à plus large échelle des nouveaux produits et technologies. Elle s’est appuyée sur des investissements dans les communications et des partena-riats avec des ONG locales et des prestataires de services pour la vulgarisation, qui ont entre autres organisé des formations. Enfin, en 2011, le CIALCA est devenu une plateforme modèle pour un pro-gramme scientifique et de déve-loppement plus complet. Grâce

aux années d’investissement dans l’innovation et aux partenariats, le CIALCA a pu lancer des activités et mettre en place des réseaux com-posés d’un large panel d’acteurs impliqués. Au total, sept thèmes de recherche ont été identifiés (voir infographie).Quelles sont les réalisations et les leçons tirées ? Quelle voie suivre ? Le CIALCA a élaboré et diffusé une trentaine de paquets technologiques incluant des variétés de semences performantes ou des innovations de marketing en passant par la gestion des parasites et des maladies. Les agriculteurs qui ont adopté ces tech-nologies gagnent davantage. Plus d’un demi-million d’agriculteurs au Burundi, au Rwanda et en RDC sont sortis de la pauvreté. Le CIALCA a contribué de manière significative au progrès dans le domaine de la gestion de la fertilité des sols, des solutions sur le plan climatique pour les petits exploitants, et de l’effica-cité de la vulgarisation agricole et d’autres modalités de partenariat pour soutenir les agriculteurs.CIALCA s’est rendu compte de l’importance de la collaboration entre les intervenants dans les sec-teurs agricole, commercial, envi-ronnemental et alimentaire pour un

impact plus grand, et ce pour trois raisons : (1) les acteurs apportent chacun leur pièce au puzzle lorsqu’il faut résoudre des problèmes com-plexes ; (2) les acteurs prennent conscience de leurs interdépen-dances et de la nécessité d’une action collective et (3) ils sont plus enclins à accepter et à soutenir des solutions spécifiques s’ils ont participé au processus décisionnel.D’importants défis restent à relever. De nouvelles recherches montrent que, bien qu’il existe des opportu-nités pour consolider la production, la commercialisation, le revenu et le régime alimentaire des agriculteurs “aisés”, 20 à 40 % des petits exploi-tants sont incapables d’améliorer significativement leurs moyens de subsistance grâce à l’agriculture. Ils ont besoin de revenus extra-agri-coles. Il s’agit donc de fournir aux agriculteurs compétents des rende-ments améliorés et des innovations de marketing tout en offrant des possibilités d’emploi aux groupes vulnérables, notamment les jeunes et les femmes. Cela implique une colla-boration avec des acteurs publics et privés dans le cadre d’une approche holistique. Le CIALCA est en cours de réorientation afin d’obtenir un impact aussi large que possible.

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CIALCA est en train de réduire la pauvreté

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Nouvelles technologiesNouvelles recommandations de lutte contre la maladie du bananier (BXW) peuvent réduire les taux d'infection aux fermes de:

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Les nouvelles technologies améliorent la productivité, la fertilité des sols et le contrôle des maladies. L'utilisation de fumier et d'engrais simultanément, a augmenté la productivité de:

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IMPLIQUER PLUS DE SECTEURSSESSIONS D’ÉCHANGES SUR LA NUTRITION :À LA CROISÉE DE LA SCIENCE, DU DÉVELOPPEMENT ET DE LA CULTURE Les plateformes d’innovation du CIALCA ont établi que l’accès limité aux connaissances sur les bonnes pratiques en matière de nutrition est un obstacle majeur à une alimentation plus saine. S’appuyant sur les résultats de recherche du CIALCA, des ani-mateurs mettent en place des sessions de formation en nutrition adaptées aux besoins locaux. Des participants enthousiastes com-muniquent les connaissances et les méthodes de formation aux membres de la communauté et mettent en place des forma-tions. Ces formations, qui allient connaissances scientifiques et traditions locales en répondant au souhait d’améliorer le bien-être, forment une passerelle irrempla-çable entre la science, la culture et le développement.

AGRICULTURE

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E n 2030, 45 pays auront un taux de famine modéré à alar-mant. Nous n’atteindrons pas le “niveau zéro” fixé dans les Objectifs de développement durable (ODD2), si nous ne

progressons pas et si la faim ne diminue pas plus vite que depuis 1992. Cela ressort de l’Indice de la faim dans le monde (IFM) 2016.En 2016, 7 pays, dont la République centrafricaine, le Tchad, la Zambie et Haïti, connaissent un taux de famine alarmant. Des pays fort peuplés tels que l’Inde, le Nigeria et l’Indonésie font partie des 43 pays souffrant fortement de la faim. Les conflits contribuent à la malnutrition (Syrie, Soudan, Soudan du Sud, Somalie…).Les chiffres nationaux peuvent dissimuler des différences régio-nales. Le Mexique, qui a de bons chiffres, présente un nanisme

infantile (indicateur de malnutrition) élevé dans certaines régions. Des données précises sont nécessaires pour une politique efficace.L’IFM révèle aussi des progrès. Depuis 2000, la faim a diminué de 29 % dans les pays en développement. L’IFM de 20 pays dont le Rwanda, le Cambodge et le Myanmar a diminué de 50 %. Selon l’IFM 2016, ce ne sont pas les connaissances mais le sens de l’urgence et la volonté politique qui manquent pour transposer les engagements en actions et atteindre l’ODD2 en 2030.

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LA FAIM persiste dans le monde

Découvrez la carte de la faim dans le monde : http://ghi.ifpri.org/

L ’Afrique possède 60 à 65 % des friches agricoles mondiales et 10 % des réserves d’eau douce renouvelables. Mais certaines

contraintes freinent la croissance de l’agri-culture, indépendamment du rendement. La politique douanière rigide entraîne de longs temps d’attente aux frontières. Pour les entreprises implantées dans un pays sans littoral, le transport de produits vers un port étranger est peu avantageux. La politique fiscale confuse et instable empêche les paysans de s’organiser à long terme.Les routes peu praticables constituent un autre défi. Dans le nord de la Tanzanie,

une entreprise de thé ne peut charger que 4 tonnes par camion à cause des routes boueuses. Des routes en bon état permet-traient des chargements de 20 tonnes. Les bateaux restent parfois longtemps amarrés en raison du manque de capacité des ports. Les producteurs alimentaires utilisent des groupes électrogènes coûteux pour leurs serres et pompes à eau car l’alimentation électrique n’est pas fiable.Le manque de silos de stockage fait perdre chaque année à l’Afrique 4 milliards de dollars d’aliments. Pour transporter des aliments sur de longues distances, il faut verser des pots-de-vin. Enfin, les fermiers

ont difficilement accès aux prêts. La plupart des pays africains n’ont pas de banques agricoles et les banques commerciales jugent l’agriculture trop risquée.Il faut agir rapidement. Actuellement, un quart de la population subsaharienne souffre de la faim et le changement climatique assombrira encore le tableau. Selon le NEPAD, les pays devront tout mettre en œuvre pour nourrir la population mondiale grandissante.

CS

L’Afrique pourrait nourrir sa population et une partie de celle du reste du monde, si elle ne faisait pas face à une série d’obstacles : passage des frontières malaisé, routes peu praticables, manque d’entrepôts opérationnels, ou encore corruption. Tel est le constat du NEPAD, l’agence de développement de l’Union africaine.

L’AFRIQUE POURRAIT NOURRIR LE MONDE

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ONLINEwww.undp.org

L e Programme des Nations Unies pour le développement mentionne dans son Rapport 2016 sur le développement

humain en Afrique que l’inégalité des chances coûte à l’Afrique subsaharienne en moyenne 95 milliards de dollars chaque année, soit 6 % du produit intérieur brut. Là où le commerce, la manufacture ou les services permettent à un homme de gagner 1 dollar, une femme ne reçoit que 70 cents. La proportion d’entreprises dirigées par des femmes se situe entre 7 et 30 %.Les femmes restent confinées aux tâches ménagères, comme aller chercher de l’eau, et disposent de peu de temps pour la formation et le travail rémunéré. Souvent, elles n’ont pas de compte ban-caire, peuvent difficilement demander un prêt ou posséder un lopin de terre. Et les mariages précoces, la mortalité

maternelle et la violence sexuelle pèsent lourdement sur leur santé.Une véritable égalité des chances don-nerait un coup de pouce à l’économie africaine. Elle est aussi essentielle pour la réalisation des Objectifs de dévelop-pement durable.Le rapport préconise la mise en place d’une Banque africaine d’investissement pour les femmes et d’un “certificat de genre” pour promouvoir l’égalité dans le milieu professionnel.

CS

L’ÉGALITÉ DES CHANCES

pour une Afrique prospère

DE L’AIDE HUMANITAIRE

pour l’Irak, la Jordanie, les Territoires palestiniens et le bassin du lac Tchad

L a Belgique a alloué 13,5 millions d’euros à l’aide aux groupes vulnérables en Irak. Le but est notamment d’améliorer l’accueil des réfugiés syriens dans

plusieurs camps du Kurdistan irakien. Les fonds contribueront également à la reconstruction des zones libérées de la domi-nation de Daech. Notre pays libère aussi 4 millions d’euros pour l’accueil des réfugiés de guerre syriens en Jordanie.Plus de 10 millions d’euros sont destinés aux Territoires palestiniens, principalement pour l’approvisionnement en nourriture, l’éducation et les soins de santé de base. En 2016, la Belgique devrait libérer plus de 20 millions d’euros d’aide humanitaire pour la population palestinienne.Notre pays veut aussi libérer plus de 9 millions d’euros pour la région du bassin du lac Tchad. La région du Nigeria, du Niger et du Tchad a fortement souffert de la violence du groupe terroriste Boko Haram et de l’insécurité alimentaire.

Repenserl’économie mondiale EN PROFONDEUR

A près 6 ans de croissance morose, l’économie mondiale a besoin d’une politique macro-éco-nomique dynamique, d’une meilleure régulation

financière et d’une politique industrielle active. Une refonte du système s’impose, selon la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED). L’austérité en Europe et le manque de demande intérieure dans les pays émergents ont entraîné une croissance mondiale inférieure à 2,5 % en 2016. Dans les pays en développement, elle se situe sous les 4 %, contre 6,5 % avant la crise. L’assouplissement de la régulation financière n’a pas mené à plus d’investissements, mais à plus de divi-dendes pour les actionnaires et à des fusions et acquisitions d’entreprises. Les pays en développement sont vulnérables à la volatilité des marchés financiers. Ils doivent s’en protéger et augmenter leur production. Les pays émergents peuvent stimuler la demande intérieure, instaurer un salaire minimum, lever des impôts équitables et développer des programmes sociaux pour améliorer le niveau de vie.

CS

PLUS D’INFORMATIONS sur www.dg-d.be (newsroom).

Lisez le Trade and Development Report 2016 sur www.unctad.org.

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