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Les artistes engagés se donnent donc pour mission de témoigner, dénoncer, faire réfléchir sur telle ou telle situation Dénonciation des horreurs de la guerre Première guerre mondiale Otto Dix : triptyque de la guerre 1929 Otto Dix a fait la guerre, il en a donc été le témoin direct. Il a vu ses camarades mourir sur le champ de bataille. Blessé, il ne terminera pas la guerre mais il en restera traumatisé. C’est un triptyque : trois panneaux peints articulés plus celui du bas que l’on appelle une prédelle. C’est un retable : tableaux retraçant la vie d’un personnage biblique, que l’on plaçait dans les églises, derrière le prêtre. La mode des

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Les artistes engagés se donnent donc pour mission de témoigner, dénoncer, faire réfléchir sur telle ou telle situation

Dénonciation des horreurs de la guerre

Première guerre mondiale

Otto Dix : triptyque de la guerre 1929

Otto Dix a fait la guerre, il en a donc été le témoin direct.

Il a vu ses camarades mourir sur le champ de bataille. Blessé, il ne terminera pas la guerre mais il en restera traumatisé. C’est un triptyque : trois panneaux peints articulés plus celui du bas que l’on appelle une prédelle. C’est un retable : tableaux retraçant la vie d’un personnage biblique, que l’on plaçait dans les églises, derrière le prêtre. La mode des retables date du 15 , 16ème siècle (1400, 1500) . Il est souvent question de la vie d’un martyr : personne qui a souffert de longues heures (le martyr, la torture) pour avoir refusé de renoncer à sa foi.

Pourquoi Otto Dix fait-il référence directement à un art religieux si ancien alors que lui-même n’est pas croyant pour traiter le sujet de la guerre ? Sans doute parce que pour lui chaque soldat envoyé sur le champ de bataille est un martyr.

- La forme du retable avec ses nombreux panneaux lui permet de travailler le temps car « on lit » un retable comme une bande dessinée, de cases en cases et bien sûr de gauche à droite (c’est notre sens de lecture à nous les Occidentaux, l’écriture Arabe se lisant de droite à gauche par exemple). -Le panneau de gauche montre des soldats se rendant sur le champ de bataille avec les canons, ils entrent dans la composition, de dos, nettement par la gauche et c’est le matin ou même l’aube, vu la lumière.

- Le panneau qui suit, panneau central, le plus important dans un retable montre le carnage de la guerre sur le front et ce carnage dure en grande partie de la journée. Repérer les lignes circulaires qui relient les éléments entre eux par exemple on peut commencer par les jambes dressées d’un mort, et poursuivre sur le même panneau le cercle qui comprend les corps, les entrailles sanguinolentes, le tronc d’un l’arbre mort bien sûr, une de ses branches sur laquelle un squelette est perché qui désigne de son long bras squelettique et de son très long doigt, les pieds dressés ….et on peut recommencer ainsi sans s’arrêter ce cercle infernal car il s’agit bien d’un véritable enfer que vivent ces soldats chaque jour. -Le panneau suivant nous plonge dans la nuit, un incendie se voit au loin, autre rappel de l’enfer. Un personnage étrange dans ce contexte parce qu’il est très vieux, ses cheveux sont blancs, tient sur ses genoux un homme inerte, blessé à mort (à la tête vu son bandage) . Ce vieil homme n’a rien à faire ici, les soldats étant de jeunes hommes. Otto Dix fait surement référence à Dieu lui-même descendu sur terre pour se rendre compte de la folie des humains qui s’entretuent. Il est fort triste, il se lamente sur le corps de son fils mort. N’oublions pas que dans la religion chrétienne nous sommes tous les enfants de dieu. Il pourrait aussi évoquer la douleur de tous les pères (et donc des familles) qui ont perdu des fils, des frères…

De plus ce groupe rappelle par sa position, la figure de la pietà, autre groupe très connu de la religion chrétienne, il s’agit de la Vierge qui tient sur ses genoux son fils mort, Jésus, tué par les hommes.

Pietà de Michel-Ange, 1498, basilique de St Pierre, Rome.

Le dernier panneau, c’est la nuit et c’est aussi la mort. On y voit dans une sorte de caveau dont on ne distingue pas la fin (car cette guerre a été extrêmement meurtrière) le corps des soldats allongés les uns à côté des autres.

Autre tableau d’Otto Dix : la rue de Prague 1920

Ce tableau va nous intéresser surtout pour sa composition. Nous sommes donc à Prague, actuelle République tchèque. (Je m’en tiendrai à une lecture de l’œuvre d’un point de vue artistique car cette œuvre a été étudiée en histoire).

Nous sommes juste après-guerre (fin de la guerre : 1919). La société est bouleversée, en plein chaos. Les rescapés rentrent de guerre blessés, mutilés.

Ce sont les « gueules cassées ». La guerre a meurtri (fait souffrir, blesser) tout le monde, toutes les classes sociales sont touchées, du plus pauvre au plus riche : référence aux deux personnages centraux.

Otto Dix pour exprimer la difficulté que vit la société après la guerre, cet aspect chaotique, désorganisé montre que tout est cassé, (comme les gueules cassées), morcelé, fragmenté. Repérer le cadrage, les bords du cadre. Tous les éléments en contact avec le cadre ne sont pas entiers, ce sont des morceaux de, des bouts, des parties de. En partant de l’angle gauche en bas : une tête de chien, une main en bois qui tient une canne, un bras avec sa main jaune, des vitrines coupées de magasins de perruques et de prothèses, une femme qui sort du cadre, un autre chien dont on ne voit que l’arrière train cette fois-ci...

Au centre les personnages sont représentés entiers mais ils sont mutilés donc il leur manque des parties de leur corps. Une seule personne est entière, c’est la petite fille qui fait du « lèche-vitrine » devant le magasin de prothèses en guise de boutique de jouets. Enfin, le sol est étrange, il semble se redresser à la verticale, s’incliner dangereusement et en effet, le personnage sur son petit chariot, c’est un homme tronc, semble commencer à glisser, une toute petite partie de l’ angle du chariot est hors-champ. Tout va dégringoler, s’effondrer, à l’image de la société d’après-guerre, disloquée.

Repérer les traits grossiers, rouge-rose des personnages, on dirait de la viande de boucher, et la guerre a été en effet une grande boucherie…… La petite fille n’est pas épargnée, pourtant elle n’a pas fait la guerre mais son enfance en restera marquée

Guernica de Pablo Picasso Avril-Juin 1937 Musée Reina Sofia Madrid

5m34 sur 3m56

Tableau immense, impressionnant par sa taille. Les personnages ont la même taille que nous (échelle 1)

P.Picasso qui est espagnol n’a pas été témoin directement de l’événement mais il en a eu connaissance par la presse. Guernica est le nom d’une ville au nord de l’Espagne qui a été bombardée par l’aviation de l’armée allemande (44 avions) et par l’aviation (13 avions) du général Franco, dictateur, qui a pris le pouvoir en Espagne après un putsch militaire. Le bombardement fait suite à un mouvement de résistance de la part de la population civile et fut particulièrement meurtrier et destructeur. (A vous de vous documenter plus précisément sur l’aspect historique).

L’ensemble parait à première vue chaotique mais il est en réalité très organisé. Il se compose d’un grand triangle dont la base est la largeur de la toile et dont le pied à droite et la main à gauche constituent les angles, la pointe étant le sommet de la chandelle tenue par une main. A l’intérieur, un cheval (le peuple espagnol, blessé)occupe le maximum d’espace au centre, une femme à droite tend sa tête vers la lumière, sa jambe difforme et énorme semble la retenir au sol ; à l’opposé la tête d’un homme par terre, son bras derrière sa tête, l’autre au centre dont la main tient une épée cassée et une minuscule fleur, symbole de la vie sans doute, fragile.

A gauche du grand triangle central un autre triangle est occupé par un taureau (la barbarie, la violence) ; une femme tenant son enfant mort dans ses bras qui rappelle une nouvelle fois le thème de la piéta déjà vu lors de l’analyse du triptyque de la guerre d’Otto Dix ; la colombe de la paix, bien maigrichonne et mal en point. A l’opposé dans l’autre triangle une femme semble venir de l’extérieur et découvrir un spectacle horrifiant. Elle tient dans sa main la chandelle qui est le sommet du grand triangle central. Une autre femme, les bras en l’air reçoit la poutre en flamme de sa maison qui s’effondre. …

La toile est en noir et blanc comme la presse à l’époque, se souvenir que P.Picasso a appris la nouvelle dans la presse. Le pelage du cheval, des petits traits serrés et verticaux rappellent les caractères de l’imprimerie.

Le tableau a été exposé à Paris en 1937 lors de l’exposition universelle. A la fin de celle-ci, Picasso a déclaré que la toile ne reviendrait en Espagne que lorsque Franco en serait parti. Il meurt en 1975. De 1937 à 1975 il a été accueilli à New-York. Depuis 1975 il est dans le musée Reina Sofia à Madrid.

A vous de compléter, vous trouverez plein d’informations sur internet sur ce tableau extrêmement connu.

Nous en avons vu une version en 3D.

· Seconde guerre mondiale

Christian Boltanski : Personnes, 2010. Grand Palais, Paris

(Documentation abondante sur internet, à vous de compléter)

C. Boltanski est né pendant la guerre. Ses parents sont juifs. Son père s’est caché dans un réduit pendant toute la durée de la guerre, sous le plancher de l’appartement familial. Christian Boltanski a été conçu à ce moment- là. S’il était trop jeune pour avoir vécu la guerre, il en est marqué et la guerre est le sujet de toute son œuvre.

Cette œuvre est une installation : une installation est une œuvre créée pour un espace qu’elle occupe. Elle suppose le déplacement du spectateur, déplacement qui entraine les changements de points de vue.

L’espace du grand palais est immense et l’installation « Personnes » en occupe en effet toute la surface.

Le spectateur lorsqu’il rentre dans l’exposition se heurte à un mur de boites rouillées et numérotés, boites d’archives peut être, de souvenirs, urnes funéraires ? Numéros qui renvoient aux tatouages sur les bras des déportés.

Le spectateur accède ensuite à l’espace sous la voute du grand palais, considérable. Espace entièrement occupé par des rangées de rectangles tapissés de vêtements délimités à chaque angle par des poteaux métalliques reliés entre eux par des fils électriques alimentant des néons. Des haut-parleurs sont suspendus aux poteaux et diffusent le son de battements de cœurs.

Un énorme tas de vêtements a été installé à l’opposé de l’entrée, le grappin d’une grue descend vers le tas, en saisit plusieurs, les relâche, recommence. Le son grinçant de son va et vient s’ajoute à celui des battements de cœur. Cette grue qui saisit au hasard les vêtements pourrait évoquer le destin de chacun en fonction de son lieu de naissance, de sa nationalité.

L’exposition devait avoir lieu en Mai mais C.Boltanski a tenu à ce qu’elle ait lieu en Janvier pour la lumière crue et triste de l’hiver . Il a refusé d’éclairer l’espace avec la lumière artificielle, la toiture du Grand Palis étant en verre, l’exposition bénéficiait de la lumière naturelle du jour. De plus il y faisait froid car il avait également exigé que le chauffage soit éteint.

Tout cela pour mettre le spectateur dans l’inconfort.

L’installation évoque la géométrie implacable des camps de concentration avec ses rangées de baraquements (édifices en longueur : les dortoirs) évoqués par les rectangles de vêtements. Les sons des cœurs peuvent renvoyer à ceux de toutes les personnes qui ont vécu dans ces camps et qui y sont mortes dans des conditions effroyables. Ils sont aussi nos propres battements de cœur puisqu’ils sont enregistrés sur place. Les vêtements (achetés dans des frippes puis distribués à des associations à la fin de l’exposition) évoquent ceux dont devaient se débarrasser les déportés avant de rentrer dans les chambres à gaz. Ils suggèrent donc l’absence des corps. Il n’y a plus personne.

Penser au titre : Personnes au pluriel qui en français définit une personne ou des personnes présentes mais aussi l’absence, il n’y a plus personne.

La nuit tombant rapidement en hiver, les néons étaient allumés et diffusaient une lumière crue, glaciale…

· Guerre du Vietnam-impérialisme américain.

Cette photographie est célèbre pour avoir remporté le prix pullitzer en 1972. Le photographe Nick UT avait immortalisé un groupe d’enfants fuyant les explosions de napalm sur leur village pendant la guerre du Vietnam (1959-1975). La fillette, Kim PHUC, court les bras grand ouverts, le visage tordu de douleur en raison de ses brûlures. Elle vient de se débarrasser de ses vêtements en feu et fuit son village dévasté par les bombes américaines déversant le napalm. Nick Ut lui a sauvé la vie, en l'emmenant directement à l'hôpital. Sans cela, avec un tiers de son corps rongé par le napalm, elle n'aurait pas pu survivre.

Dans l'armement le napalm, inventé en 1942, est de l'essence gélifiée, habituellement utilisée dans les bombes incendiaires. Sa formule est faite pour brûler à une température précise et coller aux objets et aux personnes.

1963-1975 La guerre du Vietnam : conflit de plus de dix ans entre le gouvernement du Sud-Vietnam et des rebelles communistes. Le premier bénéficie d'un soutien direct et actif des États-Unis et de leurs alliés de l'Océan pacifique, dont l'Australie. Les seconds sont activement soutenus par le gouvernement communiste du Nord-Vietnam, aidé par l'URSS et dans une moindre mesure la Chine populaire ------------------------------------------------------------------------

Banksy a fondé le projet « Santa's Ghetto » en réalisant des peintures sur le mur de Bethléem et aux abords du camp d'Aida afin de « redonner espoir aux habitants palestiniens ». En 2005, avec l'aide d'autres artistes, le mur de séparation devient peu à peu une toile géante.

Napalm 2005

Cette image est une violente critique des États-Unis avec d'un côté Mickey Mouse symbole de l'enfance moderne et de l'autre Ronald Mac Donald emblème de la firme multinationale Mac Donald. Introduire l’image de la petite vietnamienne entre ces deux personnages lui donne un certain sens. Mickey, monde de l’enfance est utilisé pour dénoncer le résultat de la cruauté militaire envers ces mêmes enfants (ou les populations civiles). Ronald Mac Donald personnifie l’implantation de la présence américaine dans tous les pays ainsi que son système de consommation capitaliste. Ces deux personnages sont heureux, joyeux et défilent, emportant avec eux la jeune vietnamienne terrassée par la puissance militaire de leur pays. Cette image représente donc une grande contestation de notre société de consommation, calquée sur le modèle capitaliste américain.

Les documents qui concernent cette artiste, vous les retrouverez identiques dans la fiche « détournement »

Cette jeune femme américaine aspire ses rideaux sans se rendre compte que derrière sa fenêtre c’est la guerre (du Viêtnam) Le photomontage permet ce rapprochement: l’artiste fait croire que la guerre et l’appartement sont un même lieu, or, la guerre se passe au Vietnam et la jeune femme vit dans son confortable appartement newyorkais. Si les lieux ne sont pas les mêmes, le temps l’est car nous sommes en 1967 époque de la guerre du Viêtnam dont les Américains sont responsables.

· Même principe : une jeune femme sexy dans un intérieur luxueux aux USA, n’en finit pas de se contempler et de s’admirer, l’artiste l’a dupliquée (il y en a deux) et elle prend des selfies donc elle est en 4 exemplaires. Elle ne se rend pas compte qu’au-delà de ses fenêtres c’est la guerre (en Irak) et que les corps criblés de balles d’une petite fille et d’une jeune femme se retrouvent dans ses propres fauteuils. Même réflexion : l’incroyable contraste entre ce qu’elle vit et ce que tout un peuple au même moment subi. Elle est américaine, ce sont les américains qui sont responsables de la guerre en Irak.