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L’AUA à Pantin, une architecture militante Des bonnes œuvres aux acquis sociaux archives patrimoine Parcours d’architecture N ° 10 dimanche 29 janvier 2006

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L’AUA à Pantin, une architecture militante

Des bonnes œuvres aux acquis sociaux

archives patrimoineParcours d’architecture N°10

dimanche 29 janvier 2006

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Couverture : plan de façade du groupe scolaire primaire de Jacques Kalisz et Jean Perrottet surlaquelle se détache les poteaux poutres en « Y inversé ».Intérieur de couverture : visite du chantier de la bibliothèque en février 1971, de gauche à droite,les architectes Jacques Kalisz, Jean Perrottet et le maire Fernand Lainat.

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L’Atelier d'Urbanisme et d'Architecture (AUA) a eu un rôlefondamental dans la redéfinition du visage de Pantin entre la fin des années 50et le début des années 70. Véritable laboratoire architectural, son rôle essentielfut de renouveler les grands éléments urbains de la ville, et de contribuer àlui donner une image moderne. Cette politique ne peut être comprise qu’enrepérant les sensibilités communes des architectes et des hommes politiquesqui partagèrent une même vision d'une ville ancrée dans son époque.L'impulsion de Jean Lolive fut à cet égard déterminante, et nous rappelle quesans vision, il n'est pas de vraie politique urbaine.

Il s’agissait alors de sortir la ville de la «faubourisation » parisienne et de luiconférer une identité urbaine propre et dynamique, en tenant compte des différentsbesoins de la population auxquels devait répondre une architecture fonctionnelle.Associant béton et structures métalliques, briques et verre pour l’essentiel desmatériaux, cette architecture s’inspirant souvent du brutalisme, a eu des résultatsinégaux. Aux portes de Pantin, l’ilôt 27 qui est une de ses réalisations etparticulièrement l’édifice de logements en briques, trop massif ou encore lecentre administratif eurent du mal à faire vivre la complexité programmatique deleur projet et furent assez vite mal-aimés et aujourd’hui encore décriés. D’autrescomme le groupe scolaire Édouard Vaillant/Jean Lolive ou encore la bibliothèqueElsa Triolet dans le parc Stalingrad s’attachèrent à mettre en œuvre des principesprécurseurs en matière de démocratisation de la culture ou de réorganisationpédagogique. Certains, réhabilités comme le centre administratif, qui accueilleà présent le CND, ont ainsi pu trouver leur place dans le paysage urbain.

Ce parcours d’architecture vous présente les différentes réalisations de l’atelierdans leur contexte. Soucieux de placer l'habitant au centre du dispositif urbain,elles se voulaient porteuses d’un nouveau vivre-ensemble, qui est aujourd’huiau cœur des préoccupations de notre municipalité. Ces bâtiments symboliquesd’une époque caractérisent Pantin. Il font partie de notre passé.

Aujourd’hui, pour que notre ville soit plus solidaire, et tout simplement plushumaine, l’architecture doit tenir compte d’aspirations et de techniques nouvelles.Mais elle ne peut le faire correctement qu’en comprenant et assumant son patri-moine qui est un bien commun.

Nathalie Berluadjointe au maire

déléguée à la Cutureet à la Communication

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2Le sigle et le cartouche de l’AUA en 1974. Ce courrier aborde le projet de parking d’intérêtrégional, prévu entre la place de l’église et le canal qui avait déjà été porté par DenisHonegger, et échoue avec la crise économique des années soixante-dix.

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L’AUA à Pantin,une architecture militante

Benoît PouvreauHistorien de l'architecture,chargé d'étude au bureau du patrimoinede Seine Saint-Denis.

Parcours d’architecture

Si l’Atelier d’Urbanisme et d’Architecture,l’AUA, et le communisme municipal sont étroitement associés, ce lienne saurait se résumer à une convergence politique. Élus locaux etarchitectes partagent également l’ambition de faire accéder la banlieueau « droit à la ville ». Plus largement, ces maires qui revendiquentleur prise d’autonomie par rapport à Paris s’enhardissent auprès dejeunes architectes qui, au-delà de leurs compétences, apportent leuroriginalité et l’estime dont ils bénéficient dans la profession. Très tôtsalué par la critique, l’AUA s’affirme comme une des seules sourcesdu renouveau architectural français des années soixante, aux côtésde l’Atelier de Montrouge.Vigneux, La Courneuve, Romainville, Aubervilliers, Orly, Saint-Ouen,entre autres en région parisienne mais aussi Vienne ou Grenoble, enIsère, bénéficient grâce à l’aura de l’AUA d’un autre regard que celuialors porté sur les villes de banlieue et de province. Pantin ne sedistingue pas des autres communes fortement marquées par laconfiance de ses élus à l’égard des membres de l’AUA. Ce quisingularise Pantin c’est la qualité et la précocité des relations nouéesavec Jean Lolive, qui ne lui survivront d’ailleurs que très partiellement,mais aussi le nombre et la diversité des membres de l’AUA qui y onttravaillé. Certains d’entre eux, dont des pantinois, ont pu y édifier deséquipements et des logements pendant plus de trente ans.

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Remise de prix à la section des boulistes, par le maire Jean Lolive en juin 1963.

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Rassurant, il rallie bientôt les autrespartis de gauche à ses choix et poursuitainsi une politique ambitieuse d’équipementde la commune 2. Dans ce but, il chercheà s’entourer de personnes compétentes.En septième position sur la liste du PCF,Michel Steinebach est élu conseillermunicipal. Étudiant à l’Institut d’urbanismede Paris et au CNAM, il est tout naturel-lement nommé délégué à l’urbanismepar Jean Lolive.

Pantinois, issu d’un milieu modeste,Michel Steinebach travaille en agencepour payer ses études. Chez l’architecteGenuys, il prend part à des chantiers dela reconstruction en Moselle, aux côtésde Jacques Kalisz, Paul Chemetov, JeanDeroche et Jean Renaudie.Il sympathise particulièrement avecKalisz, lui aussi pantinois, chef d’agencechez Genuys. Kalisz lui présente JeanPerrottet. Tous deux se sont rencontrésdans l’atelier d’architecture deRemondet, à l’école des Beaux-Arts.

Syndicaliste CGT dans le Bâtiment avant-guerre, Jean Lolive a adhéré au PCF en1937. Résistant, déporté, candidatcommuniste à la mairie de Pantin dès1945, il créé la surprise en 1953 en étantélu premier adjoint de Louis Collavéri,maire socialiste. En novembre 1958, ildevient député de la circonscription dePantin, Le Pré-Saint-Gervais, Les Lilas,Bagnolet, alors que ces élections serévèlent catastrophiques pour le PCF auniveau national. Fort de ce succès etd’une bonne implantation locale, JeanLolive est élu maire de Pantin en mars1959. Pantin est alors une ville tradition-nellement acquise aux socialistes, pro-fondément marquée par les mandaturesde Charles Auray, maire de 1919 à 1938,grande figure du socialisme municipalde l’entre-deux-guerres 1. Malgré unecampagne électorale relativement violenteentre socialistes et communistes en cestemps de Guerre froide, Jean Loliven’entend pas mener une politique enrupture avec celle de ses prédécesseurs.

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Diplômé en 1957, Perrottet vit quelquesmois à Pantin après avoir épousé unepantinoise et travaille chez GuyLagneau. Il participe ainsi, avec MichelWeill et Jean Dimitrijevic, à la réalisationdes logements des Buffets à Fontenay-aux-Roses, qui font bientôt référence.Liés d’amitié, Michel Steinebach, JacquesKalisz et Jean Perrottet partagentégalement un engagement politiqueimportant au sein du mouvementcommuniste français, soit à l’Union desétudiants communistes, soit au parti.Membre actif de la section pantinoisedu PCF, Steinebach rencontre Jean Lolivedès le début des années cinquante.De leur côté, via leurs proches, Kalisz etPerrottet lui sont présentés dès 1957 3.

La nouvelle équipe municipale se mettout de suite au travail et engagenotamment de nouvelles acquisitionsfoncières dans le quartier Hoche (rueEugène et Marie-Louise Cornet, rue duCongo) mais aussi rue Jules-Jaslin.Par ailleurs, la rénovation urbaine autourdu quartier de l’église se poursuit.Engagée dès 1950, mêlant aménagementet construction d’équipements et delogements, cette ambitieuse rénovationest dirigée par l’architecte suisse DenisHonegger, l’office d’HLM municipal enest le principal opérateur. En 1959, lecommissariat à la Reconstruction et àl’Urbanisme de la Région parisiennedemande au conseil municipal de Pantinde désigner un cabinet d’études poursuperviser la seconde tranche de larénovation urbaine, substantiellementélargie. Michel Steinebach travailledepuis peu au sein du Cabinet d’étudestechniques d’architecture et de construction(CETAC) que dirige l’architecte et ingénieurRené Sarger 4. Outre des chantiersprestigieux (église N.D. de Royan,basilique d’Alger, pavillon de France àl’Exposition universelle de Bruxelles,Maison de la Culture du Havre), le CETACest particulièrement actif en matière de

rénovation urbaine, récemment réforméepar le décret de 1958 créant égalementles zones à urbaniser en priorité, lesZUP. Ce bureau d’études réalise pour lesvilles qui le mandatent les documentsd’urbanisme et les enquêtes nécessaires.

En juin 1959, il est choisi pour l’étudedu plan d’urbanisme par le conseilmunicipal de Pantin. Sont égalementnommés pour cette mission lesarchitectes et urbanistes Jean Perrottetet Jacques Kalisz 5.

Dans la foulée, Kalisz et Perrottet sevoient confier par le conseil municipaldu 29 juillet 1959 l’étude d’un projetd’équipement du stade municipalCharles Auray. Pour coordonner tousces projets, Michel Steinebach constitueun bureau du Plan municipal.

La bibliothèque Elsa Triolet en 1971, en coursd’achèvement.

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Maquette du projet pour l’îlot 27 de J. Kalisz, alors en rupture avec l’AUA, il n’y réaliseraqu’un ensemble de logements.

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Allégret s’installe d’abord rue Bailly où ilest vite rejoint par Perrottet puis Kalisz.Ils déménagent dans une ancienneimprimerie, cité Champagne dans le XXe

arrondissement de Paris. En 1960, ilsfondent l’Atelier d’Urbanisme etd’Architecture, l’AUA, et sont bientôtrejoints par Michel Steinebach, JacquesBerce, Valentin Fabre, décorateurs, JeanTribel, Georges Loiseau, architectes,Richard Slama, ingénieur. Paul Chemetovpuis Jean Deroche et Annie Tribel,décoratrice, se joignent à eux en 1961 et1962. Jacques Kalisz entre officiellementà l’AUA en 1963. Annick Dottelonde,sociologue, Mirolav Kostanjevac,ingénieur, tous deux rencontrés auCETAC, Jacques Simon, paysagiste,Max Soumagnac et Paul Foujino,plasticiens, collaborent ponctuellementà la coopérative pluridisciplinaire etparticipent parfois aux réunionscollectives du samedi matin, momentd’échanges et de convivialité.

Fondation de l’AUA

Au sein du CETAC, Michel Steinebachretrouve Paul Chemetov et fait laconnaissance de Jacques Allégret, urbanistecomme lui. Celui-ci a, par ailleurs, fondéla coopérative d’études foncières (COPEF)en 1955. Via cette coopérative, Allégretmène des enquêtes dans le cadre de larénovation urbaine. C’est peut-être lapluridisciplinarité et l’émulation régnant auCETAC (qui compte aussi des sociologues)qui donne l’idée à Jacques Allégret decréer une structure comparable maisplus élargie et sous la forme d’unecoopérative ouvrière, comme la COPEF.Allégret quitte alors l’agence Sarger pourse consacrer à la COPEF. Il a aussi entête ce projet d’atelier pluridisciplinaireréunissant architectes et urbanistes maisaussi ingénieurs, géographes, sociologuespour répondre autrement que par desgrands ensembles à la croissance urbaineen plein boom.

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Elsa Triolet en 2005, les poteaux porteurséléments de décoration.

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Michel Corajoud, paysagiste, ChristianDevillers, Henri Ciriani, Borja Huidobro,architectes, Jean-François Parent, urbaniste,Pierre Arro et Louis Petrocchi, ingénieurs,entrent à l’AUA dans la deuxième moitiéde la décennie 6. Sous le sigle AUA seforment de nombreux duos et associationsdiverses, modulables mais finalementsouvent stables.Soutenu notamment par Jean Nicolas,architecte et membre influent du PCF,l’AUA va dès 1960 réaliser ses premierstravaux en « banlieue rouge », à Vigneux,Romainville, La Courneuve 7. Marginal,l’Atelier d’Urbanisme et d’Architecturetranche avec la pratique dominante desarchitectes prix de Rome qui, à la têtede grosses agences, produisent etreproduisent une architecture souventsans véritable qualité. Contestantpolitiquement, mais aussi pratiquement,le système de la commande et de laproduction architecturale et sa segmen-tation (bureaux d’études et entreprisesconcurrençant les architectes), l’AUAs’impose aussi par son style enrenouvelant une modernité galvaudéepar la production de masse. Marqué parle brutalisme mais féru d’innovationtechnique, l’AUA excelle dans le paradoxe :il monumentalise le logement social,démocratise les bibliothèques, ouvre lesécoles. Même en terme de programme,l’AUA invente en imposant la mixité, enmultipliant les fonctions.

À Pantin, le secteur de la rénovationurbaine est étendu de façon à prendreen compte la construction du périphériqueprovoquant l’élargissement de la routenationale 3. Les travaux et enquêtesmenés par le CETAC s’achèvent fin 1961et permettent d’envisager les expropriations.Afin de poursuivre ces travaux, l’étudedu plan d’urbanisme de détail estconfiée à Paul Chemetov par le Serviced’aménagement de la région parisienne.Approuvée par le conseil municipal dupremier février 1962, cette désignationfait l’objet d’une convention. De lamême façon et ce même jour, JeanPerrottet, qui vient d’achever avecJacques Kalisz les tribunes couvertes dustade Charles Auray, est nommé pourréaliser l’étude du plan de masse duquartier dit de la porte de Pantin.Progressivement, Jean Lolive a noué devéritables rapports de confiance avec lesarchitectes que lui a recommandé MichelSteinebach trois ans plus tôt. Il leurconfie alors les équipements promis lorsde sa campagne électorale.

La cour de l’école maternelle dans lesannées quatre-vingt.

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8Projet de centre administratif de 1938, déjà situé quai de l’Aisne et rue V. Hugo.

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le commissariat de police, la « maison dupeuple pour les syndicats », des sallesdes fêtes et de diverses sociétés(Anciens combattants…) mais aussi lespompes funèbres, la caserne des pompiers,le foyer des jeunes, la bibliothèque, lesbureaux de l’administration des impôtset des assurances sociales et, enfin, ensous-sol, un abri de la défense passive.Inspiré de « projets ou réalisationsidentiques dans des communes debanlieue appartenant au rassemblementdu Front populaire », ce projet « seraitfacilement rentable par le loyer perçudes différents services administratifs etpar la location des salles de réunions » 8.Mis en sommeil pendant la guerre, lefutur centre administratif n’est relancéqu’en juillet 1958 par la municipalitéCollavéri qui engage la procédured’acquisition des terrains, vote l’empruntet conserve la complexité programmatiquedu projet.

Le centre administratif,Jacques Kalisz, 1973

C’est vraisemblablement au cours del’année 1962 que Jean Lolive demande àJacques Kalisz de concevoir le projet decentre administratif. Non diplômé carpeu présent à l’école en raison de sesresponsabilités dans l’agence Genuys,Kalisz y voit l’occasion de présenter unprojet digne d’un diplôme de l’école desBeaux-Arts. Jean Perrottet le soutientdans ce dessein et s’engage à signer lepermis de construire si Kalisz n’est pasencore diplômé lors du lancement duchantier.

Ce projet de centre administratif estdéjà ancien. Il apparaît dès 1938 sous lamunicipalité socialiste d’Henri Labeyrie.Il doit se situer à proximité de la mairieet accueillir, outre des services municipauxdéconcentrés, la poste centrale,

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9Undespaliersdugrandhalldanssonétat initial.

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L’implantation du centre est choisie,exigeant trois expropriations quin’aboutissent qu’au cours de l’année1962. Le terrain désormais disponibleest situé près de la mairie et borde lecanal de l’Ourcq, quai de l’Aisne et rueVictor Hugo. Il s’inscrit ainsi dans unevolonté ancienne de la commune decréer une centralité autour de la mairiedans une ville désarticulée et morceléepar des infrastructures de transports etde nombreuses usines.

Élu maire, Jean Lolive porte à son tource projet et entame les négociationsavec les administrations pressenties.Dans 20 000 m2, Kalisz doit réaliser letour de force d’installer la Sécuritésociale, la Bourse du travail, les servicesdes Impôts, de l’Inspection du Travail etde la Main d’œuvre, de l’Orientationprofessionnelle, le Commissariat de police,le Tribunal d’instance, la Compagnie deseaux et les locaux de vérification desPoids et mesures, ainsi que des servicesmunicipaux et le restaurant pour lespersonnels administratifs. L’architectedébute alors la définition détaillée desprogrammes avec chacune des adminis-trations.

Parallèlement, Kalisz fait le choix d’occuperquasiment la totalité d’un terrain touten longueur et dessine un bâtiment deprès de 175 m de long sur six niveaux,dont l’imposante terrasse renforce encorel’horizontalité. Celle-ci est cependantéquilibrée par la verticalité monumentaled’une « série de signes symboliquesd’inspiration aztèque », abstraits etsculpturaux, formant parfois loggias,identifiant la présence de chacun desgrands services (tribunal, commissariat,bourse du travail, sécurité sociale) 9.Fortement présent, le verre est cependantsouvent en second plan et régulièrementenchâssé dans des meneaux de bétonqui donnent une dimension très plastiqueau bâtiment. Outre des « canons àlumière » et l’important patio du tribunal,le grand hall d’entrée est particulièrementlumineux. Il abrite un impressionnantescalier à double circulation au cœur del’édifice qui dessert les six niveaux. Pourcet édifice public, Jacques Kalisz affirmeen mai 1964 vouloir « retrouver uncaractère monumental débarrassé deson aspect académique » 10. Grâce à laconfiance que lui témoigne le maire,Kalisz y parvient sans peine et crée unensemble unique, entre la cité adminis-trative et la maison du peuple, donnantau béton brut une officialité nouvelle.D’inspiration ouvertement «néo-brutaliste»,croisant Le Corbusier et Louis Kahn,Kalisz donne à l’AUA une de ses réalisationsmarquantes, illustrant avec force l’une deleurs orientations stylistiques majeures.

Les fers à béton du centre administratif encours de construction.

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La seule maquette du centre administratifsuffit alors à son aura : à l’article parudans Techniques et architecture dès mai1964 s’ajoute la présentation du projetdans une exposition à l’Union centraledes Arts décoratifs durant l’été 1965,peu après la pose de la première pierre,le 6 mars. Intitulée « Architecture françaisede recherche », cette exposition d’ampleurnationale confère une véritablereconnaissance au centre administratifde Pantin qui y figure avec les travauxde Claude Parent et de Paul Viriliod’Architecture Principe (l’église SainteBernadette de Nevers, alors en chantier)ou de Jean-Claude Bernard avec son« étude pour une ville totale ». La mêmeannée l’AUA partage avec l’Atelier deMontrouge et l’Atelier de Bordeaux legrand prix d’architecture du Cercled’études architecturales, composé demaîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre.

Le centre administratif est alors dansune phase d’études approfondies quidurera plus de quatre ans.

Aux côtés des ingénieurs MiroslavKostanjevac et Richard Slama, Kaliszmet au point le moindre détail, commeen témoignent les plans et le cahier deprescriptions techniques. Il accorde uneattention toute particulière à la mise enœuvre du béton puisque l’édificeprésente la caractéristique de recourirau béton brut, à l’intérieur comme àl’extérieur, « présentant de ce fait uneétonnante unicité du matériau », commele souligne Jacques Lucan 11. Si lastructure de l’édifice est relativementsimple, le béton apparent exige unegrande qualité de l’agrégat et un rapportsable / gravillon établi en laboratoire.Outre l’aspect esthétique, cettepréoccupation est aussi techniquepuisque certains éléments sont de faibleépaisseur. Par ailleurs, les motifs defaçade ou les planchers à caissonnécessitent une exécution très soignéeet des coffrages sophistiqués, en boismais aussi en métal pour les parties lesplus complexes.

Le centre administratif côté bourse du travail.

Sur le toit, les «canons à lumière», aujourd’huidisparus.

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La maquette du centre administratif, conçue dès 1964.

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Les sols réhabilités de l’artiste Till quiintroduit la couleur avec cette compositionabstraite.

Enfin, de nombreux murs intérieurs,notamment dans le hall et dans certainestrès grandes salles, sont ornés de dessinsabstraits de Kalisz tandis qu’au sol, lesculpteur Till, fait courir des lignescourbes avec un granito polychrome duhaut en bas de l’édifice. Jean Lolivemeurt en septembre 1968 alors que lechantier est enfin lancé. Le centreadministratif est totalement achevé àl’automne 1972 et inauguré fin janvier 1973.Au fil des ans, différents services jugentleurs locaux peu adaptés et certainesadministrations quittent le bâtimentpour prendre leur autonomie. Aprèsavoir vu les départs se multiplier, lebâtiment relativement mal-aimé de lapopulation est finalement désaffecté aucours des années quatre-vingt-dix. En1999, il est cédé au ministère de laCulture pour devenir le Centre nationalde la danse qui ouvre ses portes en juin2004 après avoir été remarquablementréhabilité par les architectes AntoinetteRobain et Claire Guieysse.

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12Le projet de centre culturel dessiné par J. Kalisz et J. Perrottet, dont seule la bibliothèque sera réalisée.

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14L’école primaire, au fond, le collège.

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Le groupe scolaireJean Lolive/Édouard Vaillant,Jean Perrottet et Jacques Kalisz, 1971

Vœu ancien de la municipalité, ce groupescolaire figure dans le programme ducandidat Jean Lolive aux électionsmunicipales de mars 1959. Il s’engageainsi à « pousser l’étude et la mise enroute du groupe scolaire avenueÉdouard Vaillant 12» . Ce groupe scolairedoit venir en appui de celui créé en1876 rue Thiers (actuelle rue Condorcet).Industrieux et populaire, le quartierreste en effet globalement sous-équipé.Très dense, il pose une fois de plus unproblème foncier à la ville, contrainte defait à la rénovation urbaine. En 1956, lamunicipalité annonce sa volontéd’acquérir le terrain de la Manufactured’allumettes de l’État, devenue magasingénéral dès 1931. En 1957-1958, la villepeut installer onze classes provisoiresdans ces locaux en attendant l’acquisitionqui aboutit en 1961.

Au cours de l’année 1964, le projetentre dans une phase active et JeanLolive confie à Jean Perrottet et JacquesKalisz la réalisation d’une école maternelle,d’une école primaire et d’un collège. Enpréalable, les architectes se proposentde mener une démarche expérimentale,en concertation avec le ministère del’Éducation nationale et la municipalité.

Kalisz et Perrottet engagent ainsi en1965 une enquête auprès de diversspécialistes de l’enseignement pourévaluer les limites des projets types etautres « modèles » dans un contexte deproduction massive de groupes scolairesqui tend à standardiser et figer lestypologies. L’enquête rend compte dedifférentes orientations visant uneréorganisation pédagogique et en tireles conséquences architecturales. Leursconclusions sont bien accueillies parl’inspecteur général du Second degré etl’ingénieur en chef de l’Éducationnationale ainsi que par la Ville de Pantin.

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Au premier plan, l’école maternelle, ausecond plan, à droite, l’école primaire, àgauche, le réfectoire puis les logements defonction, au centre, le collège.

L’un des modules abrite également unpetit réfectoire obligeant le fractionnementen petits groupes pour les repas et unesalle de repos. L’ensemble est complétéd’un module salle des fêtes et de deuxplus petits, affecté l’un à la direction,l’autre au logement du gardien. Chaquesalle de classe est équipée d’un pointd’eau et d’un vestiaire commun avecl’autre classe du module. Pour l’écoleprimaire, ils optent pour un bâtiment enlongueur doté d’un étage, mais avecune organisation identique à chaqueniveau. Les 22 classes sont autonomes,séparées par les vestiaires ou les sanitaires.Placées au centre, les circulations mènentà un espace collectif muni de gradinspour des activités pédagogiques ouextra pédagogiques pour éviter un préauabritant une vingtaine de classes. Sallespolyvalente et de repos sont égalementprévues. Comme pour la maternelle,le fractionnement des classes en petitesunités est favorisé. Le collège accueillant600 élèves reprend les mêmes principesque l’école primaire. Le réfectoire quileur est commun est divisé en six sallesà manger, là encore pour éviter deslieux à la fois bruyants et fatiguants.Cette mise en commun du collège et duprimaire, également à l’œuvre pour leslogements de fonction et la chaufferie,permet aux architectes de rester dansles prix limites et d’obtenir l’agrémentde l’Administration.

Le projet de cité scolaire de Pantindevient ainsi une mise en applicationconcrète de cette étude. Perrottet etKalisz disposent alors, sur le terrain touten longueur d’environ 18 000 m2, lestrois bâtiments scolaires et leurs équipe-ments : les logements de fonction pourle personnel administratif et technique,les enseignants et la cuisine-réfectoirepour la primaire et le collège. Ils prennentle parti d’inscrire la maternelle avenueÉdouard Vaillant et le collège rue Cartier-Bresson, et situent l’école primaire, leslogements et le réfectoire au cœur duterrain, dans sa plus grande largeur.

Pour la maternelle, huit classes sontprévues. Les architectes proposentquatre grands modules regroupant deuxclasses formant un patio planté, reliéspar des passages couverts. Cettedisposition crée ainsi plusieurs petitescours de récréation.

Un des espaces collectifs de l’école primaire,ouverts aux activités extra pédagogiques.

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16L’école maternelle, en arrière-plan, la manufacture des Allumettes détruite par la suite.

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Soutenus par une structure de poteauxpoutres « en Y inversé », apparents enextérieur et peints de couleurs primaires,les modules parés de murs-rideaux enaluminium laqué de blanc et largementvitrés constituent l’unité de base créantles espaces fonctionnels. Le chantier nedébute qu’en 1969 mais s’achève enjanvier 1971. Cet ensemble remarqué avantmême son ouverture constitue, aujourd’huiencore, un exemple intéressant des effortsd’innovation déployés par le ministère del’Éducation nationale pour donner librecourt aux nouvelles pédagogies. Unepartie des enseignements tirés de cetteexpérience seront repris par l’Éducationnationale, notamment les salles de reposet le principe de multiplier les cours derécréation.

Le mode constructif et ses innovationsgénèrent, en effet, un surcoût de 20 %à compenser obligatoirement 13.

Ces choix sont faits par Kalisz et Perrotteten collaboration avec l’entreprise GEEP-Industries, spécialisée dans la constructionmétallique industrialisée, et sélectionnéepar le biais d’un concours « conception-construction ». Très marquée par lapersonnalité de son patron, Paul Chaslin,cette entreprise se singularise par sesrapports de confiance avec des architectestels que Guillaume Gillet, Marcel Lods,Jean Prouvé 14. Chaslin et ses ingénieursMarco Martucci et Roland Dumontierprennent assez facilement en compte lesinnovations proposées par Jacques Kalisz,avec l’aide de Miroslav Kostanjevac etRichard Slama.

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La bibliothèque Elsa TrioletJean Perrottet et Jacques Kalisz, 1972

Parallèlement au centre administratif etau groupe scolaire Édouard Vaillant /Jean Lolive, Jacques Kalisz et JeanPerrottet engagent un autre chantierimportant dans Pantin : la bibliothèquemunicipale Elsa Triolet, rue de Paris,actuelle avenue Jean-Lolive. Ce projet debibliothèque est alors considéré commela première tranche d’un centre culturelambitieux qui doit prendre place aucœur du parc Stalingrad. Dès les électionsmunicipales de 1959, Jean Lolive envisageune « Maison de la culture », prévoit« d’améliorer le fonctionnement de labibliothèque municipale » et de « créerune école municipale de musique ». Dixans plus tard, le programme a évoluévers une fusion de ces trois projets.L’élargissement de la Nationale 3condamne l’ancienne bibliothèquemunicipale tandis que le projet deMaison de la culture est remis en causepar l’engagement moindre du ministèredes Affaires culturelles et la multiplicationde projets dans toute la France. JeanPerrottet et Jacques Kalisz proposentalors un centre culturel réunissant unebibliothèque, un auditorium de 450places, une école de dessin, une écolede musique, un théâtre de plein-air,un lieu d’exposition et des salles deréunion. L’ensemble, prévu en troistranches de travaux, suppose un réamé-nagement complet du parc Stalingrad etdes démolitions, notamment celle de lasalle des fêtes du 19e siècle.

Seule la première tranche est validéepar le nouveau maire, Fernand Lainat.Les architectes étudient plus en détaille projet de bibliothèque municipale aucours de l’année 1969 aux côtés desingénieurs de l’AUA Miroslav Kostanjevac,Pierre Arro et Louis Petrocchi.

La maîtrise d’ouvrage est partagéeentre la Municipalité et la Direction desbibliothèques et de la lecture publique,alors encore sous la tutelle de l’Éducationnationale. Le programme est trèslargement défini par la Direction desbibliothèques qui encadre et suit leprojet via son architecte conseil. Labibliothèque s’inscrit ainsi dans unprogramme type correspondant au nombred’habitants et à une surface, ici 1600 m2.

Kalisz et Perrottet s’inspirent très librementdu pavillon autrichien de l’Expositionuniverselle de Bruxelles de 1958. Ilsoptent pour une structure mixte associantossature acier et dalles béton, lacouverture liant, elle, bois et métal pourformer les paraboloïdes qui surmontentles modules latéraux. Expérimentaux,ces derniers poseront des problèmesd’infiltration. Volontairement affirmés,les poteaux porteurs en acier encadrentet surmontent l’ensemble de la structure.Laissés apparents, ils sont peints decouleurs vives par Max Soumagnac, labibliothèque présente ainsi de nombreusesparentés avec la piscine d’Aubervilliersque Kalisz et Perrottet édifient à la findes années soixante.

La bibliothèque parée des coloris d'originechoisis par Max Soumagnac

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La bibliothèque est composée de cinqmodules de base identiques formant unplan en H. Elle s’élève sur deux niveauxauxquels s’ajoute un sous-sol pour lachaufferie. Le module central se partageentre logement de fonction, bureaux etespace d’exposition, en rez-de-chausséeet à l’étage. Également hall d’accueil, ildonne accès aux quatre autres, distribuéslatéralement et groupés par deux.En rez-de-chaussée, ils se répartissententre espaces techniques (magasins,

Le secteur jeunesse dans les annéessoixante-dix.

atelier, réserves) et espaces publics :une salle d’activité polyvalente, prévuepour des projections cinématographiques,et une discothèque.

À l’étage, se trouvent une salle de lectureet une section pour les enfants, d’unepart, et une salle de prêt adultes, del’autre. Achevée en 1972, la bibliothèqueElsa Triolet ne bénéficiera pas des prolon-gements prévus par ses auteurs, de mêmela discothèque et la salle de projectionn’entreront pas en fonction. Initiée aprèsla réforme de la lecture publique, labibliothèque Elsa Triolet fait partie de lapremière génération de bibliothèquesmunicipales l’appliquant dans sa program-mation. Chaque espace correspond à unedestination et à un public précis. Œuvrantpour une démocratisation de la culture,cette réforme offre désormais un véritablelieu pour les enfants, enfin considéréscomme des lecteurs à part entière etannonce le programme complexe etspécifique de la médiathèque qui apparaîtau milieu de la décennie.

La bibliothèque aujourd'hui avec ses nouveaux coloris.

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En contrepartie des aménagements etéquipements nécessaires à cette nouvellepopulation dans un quartier peu équipé,la municipalité demande qu’une partiede l’opération (22 logements) soitréservée à l’Office HLM de Pantin,comme l’autorise la loi. Les architectess’emparent de ce programme au coursde l’année 1963. Chemetov et Derochedessinent sur ce terrain d’environ 9000 m2,en longueur et pentu, trois éléments :les locaux d’activités sur la rue de Paris,vastes et compacts, l’immeuble encopropriété rue Formagne, massif etaltier, enfin, l’immeuble d’HLM rueBrossolette, modeste et tirant parti de lapente, des passerelles en assurantl’accès. Finalement, les 22 logements dela rue Brossolette ne deviendront pasHLM et les promoteurs rembourseront àla Ville son investissement.

L’AUA et le logementSi les équipements publics constituentune part importante de l’œuvre de l’AUAau cours des années soixante, lesmembres de ce collectif souhaitent aussis’exprimer dans le domaine du logementet plus particulièrement du logementsocial. Ils en construisent cependantassez peu dans cette période.La résidence du 188 rue de Paris et dela rue Formagne à Pantin est une desrares réalisations de logements privésde l’AUA de cette décennie. Moinsconnue que les logements HLM deVigneux ou que l’ensemble mixte privé /HLM de Bagnolet, la copropriété dePantin est l’œuvre du duo qui aconstruit le plus grand nombre delogements dans l’AUA : Paul Chemetovet Jean Deroche.

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La maquette de la résidence de la rueFormagne, le pôle d’activités s’y distinguebien des logements.

Selon Paul Chemetov, cette commandeleur est parvenue de façon fortuite.Recevant les maîtres d’ouvrage de cetensemble en tant qu’architecte conseilde la ville, l’architecte accepte leurproposition de le réaliser. MessieursVincent Giacomucci et René Chardinavaient probablement le souci de nepas froisser la commune. En effet, leurprojet consiste à substituer à une usinedélocalisée dans le cadre de ladécentralisation industrielle de la régionparisienne, une copropriété, des bureauxet des locaux d'activités.

Plaquette de présentation du projet en vue dela vente des appartements dont l'achèvementest prévu en 1967.

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Détail de la façade où se lit le travail sur latexture mené par Chemetov et Deroche.

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La fresque de céramique de Paul Foujinoorne l’entrée principale de la résidence.

Pour cet ensemble de 154 logements, de2600 m2 de locaux d'activité et 1150 m2

de bureaux, dotés de 316 places deparking en sous-sol, Chemetov etDeroche font appel aux ingénieursKostanjevac et Venturelli. Le plasticienPaul Foujino réalise la céramique quimarque l’entrée principale de l’immeubleprincipal tandis que les paysagistesJacques Simon et Michel Corajoud agencentles 5000 m2 d’espaces verts. Des jeuxpour enfants sont également prévus etune halte-garderie associative gérée parles résidents, en rez-de-chaussée.

L’importance de cet investissementcollectif témoigne à la fois de la qualitéet des exigences de l’équipe mais ausside la vitalité de l’AUA dans cette premièrepériode. Le traitement architectural est àla hauteur de l’attention portée à laconception et fait de cet ensemble un« immeuble manifeste ». L’influencebrutaliste de Le Corbusier se lit clairementdans le choix des pilotis, comme dansle jeu des textures ou encore le projetde placer la halte-garderie sur le toitterrasse, abandonné à cause des fuméesdes usines avoisinantes. Pour autant,la mise en œuvre des matériaux,notamment, en fait une créationemblématique du style fondateur del’AUA en matière de logement.

Ainsi, le bois et le verre côtoient deuxtypes de briques, elles-mêmes diversementmises en œuvres et associées au bétonbrut ou gravillonné, alvéolé ou peint.Cette façade est aussi marquée, surcour, par des loggias saillantes et parl’irrégularité de la composition parseméede bacs à fleurs préfabriqués. Le bâtimentest enfin couronné d’un acrotère,supporté par des voiles, qui répond auxpilotis très marqués qui portent l’en-semble. Bien que moins publiée queVigneux ou Bagnolet, cette réalisationpantinoise est remarquée par la pressespécialisée avant son achèvement 15.Terminé en 1967, cet ensemble accueilleun bureau de poste, sur l’actuelle avenueJean-Lolive. Les membres de l'AUA ontsouvent habité leur réalisation : JacquesKalisz rue Formagne, Perrottet, Deroche,Steinebach, Fabre, Allégret, Loiseau etTribel à Bagnolet là où se situe lanouvelle agence de l’AUA.

Cette année 1967 révèle les premièresdissensions au sein de l’AUA. Ainsi, pourle concours des Halles, le collectif neproduit pas moins de quatre propositionsdifférentes. La même année, la décentra-lisation d’une partie de l’AUA à Grenoblepour la conception et la réalisation duquartier de la Villeneuve accentue lephénomène. Les débats mais aussi lestensions de Mai 1968 resserrent tempo-rairement les liens mais ne met pas finau malaise. Profond, celui-ci s’enracinedans une pratique collective déjà longueau sein d’une structure coopérative dontles règles internes conviennent demoins en moins à des personnalités quiont de plus des revenus très différents.En 1972, le groupe tente une psychanalysecollective pour mettre fin à des conflitsqui dominent désormais la vie del’atelier. Cette démarche décide ledépart et la rupture de Jacques Kaliszmais aussi des ingénieurs de l’AUA,quand d’autres se retirent à Grenobleou à la campagne.

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C’est dans ce contexte tendu qu’émergeenfin le dernier gros chantier pantinois :la porte de Paris, aussi dénommé « îlot27 » en référence au périmètre de larénovation urbaine délimité par îlot.Jean Perrottet en est l’urbaniste depuis1962. Les acquisitions foncières ont,comme pour le quartier de l’église,considérablement ralenties l’opération.Devenu Zone d’Aménagement Concerté,l’îlot 27 est par ailleurs un enjeu politique,opposant l’OPHLM de Pantin et lacommune. Dominé par une personnalitépolitique de droite, l’OPHLM échappe aucontrôle municipal qui, par conséquent,a peu de prise sur la question pourtanttoujours cruciale du logement.En 1967, la ville crée la SEMIP, sociétéd’économie mixte d’aménagement et deconstruction, pour enfin mener sa proprepolitique en matière de logement.SEMIP et OPHLM se confrontent sur lechantier de l’îlot 27 accueillant d’autresopérateurs aux préoccupations plusclassiques.

Le projet mêle des immeubles de bureauxet d’activités, dont la tour Essor quidomine l’ensemble, des logements dontune partie d’HLM et des équipementspublics. Après de longues négociations,OPHLM et SEMIP parviennent à uncompromis et leurs architectes respectifsse partagent les chantiers.

Collaborateur attitré de l’Office d’HLMdepuis 1950, Denis Honegger obtientainsi la conception de 292 logementsHLM tandis que Jean Perrottet et ValentinFabre, en conçoivent 122, toujours pourl’OPHLM.

Pour la SEMIP, ils construisentégalement l’hôtel Mercure et deséquipements tels que le centre socio-éducatif, la crèche et la maternellepour la ville, via la SEMIP.Cette dernière édifie également deslogements en copropriété qu’elle confieà Jacques Kalisz, en rupture avec l’AUA.Dernier opérateur important,le Logement français, société anonymed’HLM, confie à Paul Chemetov,Christian Devillers, Jean Perrottet etValentin Fabre 291 logements HLM.

L’hôtel Mercure conçu par Jean Perrottet etValentin Fabre.

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Le centre de loisirs E. Cotton, une réalisationpeu satisfaisante pour l’AUA car placée sousla tutelle de Denis Honegger, architecte deslogements HLM situés en arrière-plan.

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Engagée plus tard, cette dernièretranche de l’opération, qui s’achève en1981, ferme l’îlot 27 au sud-ouest etconstitue la partie la plus visible de laporte de Paris.Nés d’un compromis peu satisfaisantentre la Ville, la SEMIP et l’Office, leséquipements collectifs conçus par l’AUAs’avèrent peu intéressants car tropcontraints par cet accord. Accaparé parses importants chantiers de Nanterre,Kalisz livre, de son côté, une opérationsans réel intérêt, tout comme celled’Honegger. L’hôtel et les logementsconstruits par Fabre et Perrottet au seinde l’AUA, partiellement modifiés, serévèlent peu marquants, représentatifsde l’AUA sans pour autant s’y distinguer.

C’est de la dernière opération que vientla surprise. Retrouvant une inventivité etune émulation collectives, Chemetov,Devillers, Fabre et Perrottet achèvent en1981 un ensemble de logements devenuemblématique de l’AUA. L’ensemble abriteduplex et triplex, des espaces verts encœur d’îlot et intègre des équipementspublics en rez-de-chaussée. Mais decette réalisation collective émergecependant la personnalité de PaulChemetov qui opère des choix décisifsdans la conception de l’immeuble 16.

Il a, en effet, progressivement pris sonautonomie au cours de la décenniesoixante-dix, sans quitter l’AUA.Menant des travaux historiques tout enpoursuivant ses recherches en matièred’industrialisation, Chemetov condensedans l’immeuble de la porte de Pantinces deux orientations. Il recourt ainsi aumodèle de logement Multiplus, unprocédé constructif qu’il a mis au pointen 1972 et qui lui permet de subvertir lalogique des « modèles » en gardant unevraie souplesse de mise en œuvre.Avant même de revendiquer sonéclectisme, Paul Chemetov se réfère àl’alignement parisien et à la « ceinturerouge » et renouvelle l’architecture etl’urbanisme propres aux portes de Parisen affichant avec fierté un édifice debrique d’une monumentalité rare, àl’échelle du périphérique et de laNationale. Souhaitant tout à la foisétouffer visuellement une tour Essorsans qualité et affirmer la force dulogement social, Chemetov met en scènela vue offerte par le périphérique sur labanlieue nord-est de Paris. Dans cebâtiment, massif mais subtil, se lisentaussi de discrètes correspondances avecl’architecture de la piscine de Pantindatant de l’entre-deux-guerres.

Monumentales, les HLM de l’îlot 27 sehissent à l’échelle de la Porte de Pantin etdu périphérique.

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L’entrée de l’ensemble de logements del’îlot 27 dont les rondeurs rappellent cellesde la piscine municipale.

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correspondent aussi à un contexte urbainbien précis qui évolue profondément aucours des années soixante-dix.Réformée, la profession architecturalesubit la crise et la prédominance nouvelledu concours. De leur côté, les édiles dela banlieue parisienne ont définitivementpris leur autonomie et leurs rapportsconflictuels avec la capitale et l’États’apaisent avec la fin d’un certaingaullisme ; les élections municipalesde 1977, les présidentielles de 1981achèvent d'émanciper et de banaliserla banlieue rouge.

Un peu oubliées voir mal-aimées ousous-estimées, les principales réalisationspantinoises de l’AUA méritent aujourd’huiune réévaluation, un nouveau regard,comparables à ce dont a bénéficié lecentre administratif en devenant Centrenational de la danse.

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Le centre administratif devenu Centre national de la danse grâce aux soins des architectesAntoinette Robain et Claire Guieysse, mis en lumière par Hervé Audibert.

Ce début des années quatre-vingt estmarqué par une reconnaissance officiellede membres de l’AUA tels que Chemetov,Fabre et Perrottet, mais aussi Henri Ciriani,Christian Devillers ou encore Annie Tribel.

Comme pour l’îlot 27, l’individualitéa pris le pas sur le collectif et si l’AUAsubsiste, il est très en retrait. Cirianiet Devillers le quittent respectivementen 1982 et 1984. La coopérative esttotalement dissoute en mars 1986.Seul Paul Chemetov, régulièrementassocié à Borja Huidobro, travaille encoreà Pantin et ce jusqu’à très récemment,mais par le biais des concours.Ainsi, le lien entre l’architecte et l’élus’est transformé.L’AUA n’est plus ; cette disparition n’estpas qu’un essoufflement, par ailleurscompréhensible. L’ambition et l’exigenceque sous-entendait un tel engagement

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NOTES1 Bellanger (Emmanuel), Michel (Geneviève),Pantin, mémoire de ville, mémoires decommunaux, XIXe et XXe siècles, Pantin, 2001,264 p., pp. 109-113.

2 Idem, pp. 120-135.

3 Témoignage de Jean Perrottet, « Genèsed’une architecture », site du Centre nationalde la danse. Entretien de l’auteur avecJean Perrottet du 30.11.2005, MichelSteinebach du 8.12.2005, Paul Chemetovdes 1er et 15.12.2005.

4 Nogue (Nicolas), « René Sarger, 1917-1988 », AMC, n°156, novembre 2004,pp. 102-108.

5 Conseil municipal du 17.06.1959, AM Pantin.

6 Blin (Pascale), L’AUA : mythes et réalités.L’atelier d’urbanisme et d’architecture, 1960,1985, Milan-Paris, Electa Moniteur, 1988.

7 Cohen (Jean-Louis), « Jean Nicolas », inMaitron (Jean) (dir.), Dictionnaire biographiquedu mouvement ouvrier français, Paris,Éditions Ouvrières et le CD Rom.

8 M 010, AM Pantin.

9 Témoignage de Jean Perrottet, « Genèsed’une architecture », site du Centre nationalde la Danse.

10 Kalisz (Jacques), « Pantin. Centreadministratif », Techniques & Architecture,n°4, mai 1964.

11 Lucan (Jacques), Architecture en France1940-2000, Paris, Le Moniteur, 2001, 375 p.,p. 161.

12 K 009 AM Pantin.

13 Perrottet (Jean), note de présentation dela réalisation, janvier 1971, IFA fonds J. Kalisz.

14 Seitz (Frédéric), « GEEP-Industries, lecœur et la croissance », Monnier (Gérard),Klein (Richard) (dir.), Les années ZUP.Architectures de la croissance, 1960-1973,Paris, Picard, 2002, 301 p., pp. 217-232.

15 Techniques & Architecture, n° 4, mars 1966.

16 Témoignages de J. Perrottet (30.11.05) etde P. Chemetov (15.12.05).

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Le centre administratif, un chantier nécessitant pas moins de quatre grues pour un bâtimentde 175 m de long.

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Cette publication a été réalisée en partenariatavec le Conseil général de la Seine Saint-Denis(bureau du patrimoine, service de la culture) D

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prochain rendez-vous14 mai 2006

L’hygiène et la santédans la ville

Rémi RouyerArchitecteet maître-assistantà l’École d’architecturede Versailles

Parcours d’architecture organisé par le service archives-patrimoineTexte de Benoît Pouvreau,Historien de l’architecture,chargé d’étude au bureau du patrimoine de Seine Saint-Denis

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