pays : france rubrique : management page(s) : · pdf fileétudes »...

9
cc dans l ' obscurité des diplômes , des cursus et des classements Se repérer dans l ' offre complexe des écoles de commerce françaises devient difficile , tant règnent leflou , pour ne pas dire ' enfumage généralisé . Tentative de clarification à l ' usage des employeurs , prescripteurs et étudiants. PATRICEGIBERTIE Patrice Gibertie , agrégé d ' histoire , est professeur ( Chaire supérieure en géopolitique et histoire économique) . Il a fondé et dirigé les classes préparatoires aux grandes écoles du Lycée Notre-Dame du Grandchamp , à Versailles. Il vient de publier Lesclassements démystifiés . Guide critique des écolesdecommerce : prépas , concours , diplômes , métiers , salaires. A VOIE NORMALE DE FORMATION pour les futurs cadres du privé passait autrefois par lesécoles d ' ingénieurs . Mais , dans les années 70 et 80 , le nombre d ' emplois dans la finance , le commerce et la gestion a explosé , tandis que se multipliaient les classes préparatoires dites HEC . Il n' était plus nécessaire de devenir ingénieur pour embrasser une carrière de DRH ou de directeur financier , dès lors que la montée en gamme de nombre d ' écoles de commerce permettait d ' y réussir de « belles études » post-prépa . Ces écoles ont connu une véritable révolution , qui afait leur succès , sous la houlette de directeurs visionnaires , comme Aïssa Dermouche Audencia) , Gérard Morel (Rouen) , Georges Viala (Bordeaux) , Christian Vulliez (HEC) et d ' autres encore. La hiérarchie des écoles semblait alors intangible : HEC était talonnée par l ' Essec. Puisla fusion avec l ' EAP propulsa l ' ESCP , devenue ESCP-Europe , au sommet . Derrière les « parisiennes » , EM-Lyon et l ' Edhec se disputaient la quatrième place .Suivaient Audencia , Grenoble , Rouen et Reims puis Toulouse , Bordeaux , etc . Pendant près de trente ans , j' ai décrit ce paysage quasi immuable , de forum en salons pour étudiants et en journées portes ouvertes. Ce modèle est aujourd ' hui en crise , victime de la tyrannie de classements imbéciles et de nouveaux tropismes : celui de auberge espagnole» (pour faire référence au film) , de l ' école sans prof ( mais avec Moocs) ou encore de la fac de luxe , clone bas de gamme de Harvard. Sur le fond , rien n' asansdoute changé , comme me le confirment 3 000 anciens de classes préparatoires avec qui j' ai gardé le contact . Malheureusement , un épais brouillard recouvre le paysage . Une première couche concerne les diplômes et les cursus : programme grande école , bachelors , grade master , diplômes «visés» ou pas , MSc alternance , doubles diplômes , admissions parallèles après une licence , un BTS ou un DUT , apprentissage, tout se complique et se mélange . Les recruteurs voient arriver des jeunes estampillés Essecou Edhec qui ont été recrutés au niveau du bac. LES POINTS FORTS * Les palmarès d ' écoles font vendre du papier et génèrent du trafic sur les sites de presse mais ne contribuent pas à éclairer la lanterne des parents et futurs étudiants. * Pour tenter de se démarquer , les écoles se livrent à une véritable surenchère en matière de marketing. * Beaucoup de bruit pour rien , car les recruteurs , eux , tiennent peu compte de ces classements. Tous droits de reproduction réservés PAYS : France PAGE(S) : 102-110 SURFACE : 710 % PERIODICITE : Mensuel RUBRIQUE : Management DIFFUSION : 121032 JOURNALISTE : Patrice Gibertie 1 mai 2016 - N°814

Upload: hoangtuyen

Post on 02-Mar-2018

217 views

Category:

Documents


2 download

TRANSCRIPT

Page 1: PAYS : France RUBRIQUE : Management PAGE(S) : · PDF fileétudes » post-prépa .Ces écoles ont connu une véritable révolution , qui afait leur succès,sous la houlette de directeursvisionnaires

ccdans l'obscurité des diplômes ,des cursus et des classementsSerepérer dans l' offre complexe des écoles de commercefrançaises devient difficile , tant règnent leflou , pour ne pas dire

'

enfumage généralisé.Tentative de clarification à l'

usagedesemployeurs , prescripteurs et étudiants.

PATRICEGIBERTIE

Patrice Gibertie , agrégéd'histoire , estprofesseur (Chaire supérieure engéopolitique et histoire économique). Il a fondé et dirigé lesclassespréparatoiresaux grandesécolesdu Lycée Notre-Damedu Grandchamp,àVersailles. Il vient de publier Lesclassementsdémystifiés. Guidecritiquedesécolesdecommerce:prépas, concours,diplômes, métiers, salaires.

AVOIE NORMALE DE FORMATION pour les futurs

cadresdu privé passaitautrefois par lesécolesd ' ingénieurs . Mais , dans les années 70 et 80,le nombre d' emplois dans la finance ,lecommerceet la gestion a explosé, tandis que semultipliaient les classespréparatoires ditesHEC . Il n' était plus nécessaire de devenir

ingénieur pour embrasser une carrière de DRH ou dedirecteurfinancier , dès lors que la montée engamme de nombred' écoles de commerce permettait d ' y réussir de « bellesétudes » post-prépa . Ces écoles ont connu une véritablerévolution , qui afait leur succès, sous la houlette dedirecteursvisionnaires , comme Aïssa Dermouche Audencia) ,Gérard Morel (Rouen) , Georges Viala (Bordeaux) ,ChristianVulliez (HEC) et d' autres encore.La hiérarchie des écoles semblait alors intangible : HEC

était talonnée par l ' Essec. Puisla fusion avecl ' EAP propulsal' ESCP, devenue ESCP-Europe , au sommet . Derrière les« parisiennes », EM-Lyon et l ' Edhec sedisputaient laquatrièmeplace.Suivaient Audencia , Grenoble, Rouen et Reimspuis Toulouse, Bordeaux , etc . Pendant près de trente ans,

j'ai décrit ce paysage quasi immuable , de forum en salons

pour étudiants et enjournées portes ouvertes.Ce modèle est aujourd

' hui en crise, victime de la tyranniede classements imbéciles et de nouveaux tropismes : celuide auberge espagnole» (pour faire référence au film) ,de l ' école sansprof (mais avecMoocs) ou encore de la facde luxe , clone bas de gamme de Harvard.Sur le fond, rien n' asansdoute changé, comme me le

confirment3 000 anciens de classespréparatoires avec qui j'ai

gardé le contact . Malheureusement , un épais brouillardrecouvre le paysage. Une première couche concerne lesdiplômes et les cursus : programme grande école,bachelors, grademaster,diplômes «visés» oupas,MSc alternance,doubles diplômes , admissions parallèles après une licence ,un BTS ou un DUT, apprentissage, tout se complique et semélange. Les recruteurs voient arriver des jeunesestampillésEssecou Edhec qui ont été recrutés auniveau du bac.

LES POINTS FORTS

* Les palmarès d' écoles font vendre du papieret génèrent du trafic sur les sites de presse mais necontribuent pasà éclairer la lanterne des parentset futurs étudiants.* Pour tenter de se démarquer , les écolesse livrentà unevéritable surenchère en matière de marketing.* Beaucoup de bruit pour rien , car les recruteurs ,eux, tiennent peucompte deces classements.

Tous droits de reproduction réservés

PAYS : France PAGE(S) : 102-110SURFACE : 710 %PERIODICITE : Mensuel

RUBRIQUE : ManagementDIFFUSION : 121032JOURNALISTE : Patrice Gibertie

1 mai 2016 - N°814

Page 2: PAYS : France RUBRIQUE : Management PAGE(S) : · PDF fileétudes » post-prépa .Ces écoles ont connu une véritable révolution , qui afait leur succès,sous la houlette de directeursvisionnaires

Il s' agit de titulaires d ' un Bachelor of BusinessAdministration(BBA)... La presse s' en mêle, multiplie les classementset les critères , se mélange les pinceaux . On découvre auhasard des classements qu' un ESC Montpellier obtient endébutant le salaire que peut espérer un HEC dans la réalité.Pour départager les écoles, certains tiennent compte dunombre d ' anciens inscrits au Who' s Who.La filière est aujourd ' hui menacéede mort par ce que j'

oseappeler del ' enfumage. Il est temps d' entreprendre untravailcritique pour rétablir quelques vérités et aider lesétudiantscomme les recruteurs à s' y retrouver.

Lost in businesseducationDélivré par

' Etat, le gradedemaster estun desquatrereconnusàl ' échelle européenne Dans ce cadre, chaque annéed' études supérieures donne lieu à des créditsvalidantdes acquisitions : la licence (bac + 3; 180 crédits) , lemaster (bac + 5; 300 crédits) , le doctorat (bac + 8; 480crédits).Sur plus de 150écolesprivées decommerce et degestion, la moitié conduit à un niveau bac + 3, l ' autre moitié àun niveau bac + 4 ou 5. Seuleune minorité confère le gradede master , en l ' occurrence celles qui proposent unprogrammegrande école. Un étudiant d ' école de commercepeut donc suivre quatre ou cinq ans d' étudespour seretrouverà la fin , aveccomme seule peau d ' ânereconnue , lebaccalauréat. Aucune écoledecommerce nedélivrant de licence,c' est en effet le master ou rien . Les diplômes délivrés àbac + 3 ou 4 s' appellent souvent «bachelor » ouBBA , maisce terme anglo-saxon n' est pas un grade et ne répond àaucune définition formalisée ni universelle.Les écoles proposent également des diplômes à bac + 5

ou 6 qui nesont pasvisés par l ' Etat . Certains sont reconnuspar la Conférence desgrandes écoles, d' autres pas.Lemastèrespécialisé (MS) , créé en 1983 pour des formations deniveau bac + 4 ou 5, « garantit la vocation professionnelleaffirmée , la rigueur et la technicité des enseignementsdispensés», explique la Conférence desgrandes écolessur sonsite . Pour être accrédités, les cursus sont évalués sur leuradéquation aveclesbesoinsprofessionnels, levolume horaireet la durée de laformation . Ils comportent une missionobligatoireen entreprise et la soutenance d' une thèseprofessionnelle.Le MS correspond donc àune spécialisationconsécutiveau diplôme de master.Le mastère en science (MSc) , créé en 2002, « s' adresse

principalement àdes étudiants étrangers désireux deparfaireleur formation dansune grandeécolefrançaise»,détaillela CGE.Beaucoup d' écoles,précisément cellesqui grimpentdans les classements, proposent aux apprenants duprogrammegrande école defaire unepartie deleur cursus sousl'

appellation MSc, un artifice qui transforme l ' étudiant en«double diplômé », ce qui n' est pasneutre , on le verra,visà-visdes classements.

La multiplication des bachelorsattire le chalandPour desraisons entre autres budgétaires - le montant desfrais de scolarité du programme grande école atteint seslimites - ,les institutions ont multiplié lesformations moinssélectives. On compterait ainsi aujourd

' hui plusieurscentainesdebachelors proposés enFrance, sansquepersonnenesacheexactement combien d' étudiants suivent cesfilières.Dans cette jungle qui est aussiun marché où le pire côtoiele meilleur , seulement une vingtaine de cursus au niveaubac + 3 et une dizaine au niveau bac + 4 disposent duprécieuxvisa délivré par l ' Etat .Le ministère aconfié à laCommissiond ' évaluation des formations et diplômes de gestion(CEFDG) le soin de réfléchir à la création d' un grade delicence , sur le modèle du grade de master, pour réguler etclarifier l ' .En attendant , lesbachelors sont le plussouventmoins sélectifs que les DUT et les BTS.

Rappelons que le visa est délivré par l ' Etat pour uneformationprécise et non pour l ' ensembledes cursus d' uneinstitution. Dans une école donnée, certains diplômes sont«visés »àbac + 3 ou àbac + 4 et d ' autres délivrent le gradedemaster. C' estsur ce dernier que communiquent les écoles.Mais on n' ajamais vu un seul étudiant du BBA Essecne passeprésenter comme un Essec tout court . Pourtant , il n' apasobtenu le grade de master. Ni même la licence. La marqueEssec, ESCP, Kedge ou Toulouse BusinessSchool (qui abritele plus gros bataillon de bachelors) ne vous garantit doncpas forcément le diplôme prestigieux associé àson image.Le brouillard recouvre ce qui hier était transparent ...

Les recruteurs découvriront avecstupéfaction qu' unétudiantdebachelor estmoins bien formé qu' un DUT ou qu' unBTS . Mais il aura payé son diplôme très cher et fait desséjours dans des campus à l '

étranger.Certaines écolesutilisent leur bachelor comme vivier pour

le programme grande école. Après le bachelor il est certespossible de tenter le concours d ' admission sur titre endeuxième annéedu programme GE ou de seprésenter àunmaster à l ' université si le bachelor estvisé. Mais l' admissionn' estpassystématique.La multiplication desbachelorsrapportede l' argent et peut assurer aux écolesun recrutementcaptif , leur évitant de trop dépendre desprépas et despremierscycles universitaires . Pour les étudiants , le bachelorpeut sembler proche du cursus des écoles post-bac . Maiscertaines écoles post-bac délivrent le grade de master, ceque le bachelor ne fera jamais ...EM Lyon a ouvert , en 2014 , un bachelor (BBA en quatre

ans) comme alternative aux classespréparatoires . Le parin' estpassansrisque, car plus les effectifs debachelorscroissent, plus le programme grande école est dilué et plus lanotoriété du diplôme grande école en pâtit . Le risque de *

1. Cegrade est le fruit de la déclaration de Bologne du 19juin 1999, destinéeàcréer une architecture commune de cursus et de niveaux en Europe,lefameux LMD . Il s' ajoute au baccalauréat , à la licence et au doctorat.

Tous droits de reproduction réservés

PAYS : France PAGE(S) : 102-110SURFACE : 710 %PERIODICITE : Mensuel

RUBRIQUE : ManagementDIFFUSION : 121032JOURNALISTE : Patrice Gibertie

1 mai 2016 - N°814

Page 3: PAYS : France RUBRIQUE : Management PAGE(S) : · PDF fileétudes » post-prépa .Ces écoles ont connu une véritable révolution , qui afait leur succès,sous la houlette de directeursvisionnaires

confusion est d' autant plus grand que de très nombreuxrecruteurs ignorent ce qu'

est un BBA.HEC ne s' y trompe pas, qui n' apas debachelor . Certaines

institutions , prudentes , ouvrent des bachelors spécifiqueset sélectifs .Ainsi , durant trois ans, les étudiants duBachelorin Management (BSc) de l ' ESCP Europe vont étudiersur trois campus. Ils commenceront àLondres , puispoursuivrontleur scolarité soit à Madrid , soit à Turin , avant deconverger en dernière année sur le campus de Berlin . Lapremière promotion comporte 16 nationalités , dont unemajorité dAllemands et d' Italiens , sélectionnés parmiplusieurscentaines de candidats . L' ESCP s' est largementinspiréedu Cesem de Neoma.

La prépa reste une boussolePerdus dans cefoisonnement , les recruteurs regardentsystématiquementdanssonCV sile candidat estampillé grandeécole estpassépar une classeprépa. C' est à leurs yeux unegarantie .Dans lebrouillard épais desécoleset des diplômes,on repère donc une première lueur : l ' intérêt de faire uneclasse préparatoire . Mais il faut se hâter d ' en profiter , carcette filière souffre aux yeux decertainsd ' un handicap impardonnable: elle assure laréussite de ceux quil ' empruntent ! D ' où l ' idée bienfrançaisede la supprimer ...La spécificité dela CPGEréside dans

l ' encadrement etl ' engagementdesprofesseurs. Certains d' entre eux auraientpu faire carrière à l ' université , unecarrièredéterminée entièrement par leurspublications et leurs recherches . Ilsont choisi d ' être plutôt évaluésetpromussur la qualité de leurenseignement. Que sepasserait-il si les prépasétaient intégrées à l ' université ?Trèssimple : les professeurs penseraientplus àleurs publications académiquesqu' à corriger des copies !Une prépa apporte le soutien d' un

réseau souvent plus efficaceque celui de l ' école.Depuis prèsde deux ans, le réseau LinkedIn que j'

ai mis en placeproposedescentaines de stageset d' emplois enCDD et enCDI.La prépa marque l' étudiant souvent plus que l' école et créedes liens indestructibles . Elle apporte des savoirs maisplusencore des savoir-faire.Cette filière apporte aurecruteur des garanties enmatière

de capacité de travail , d ' efficacité , de productivité et sansdoute de respect des hiérarchies et des procédures . L'

étudiantainsi formé possède un bon niveau de culturegénérale. La philosophie , l ' histoire , l ' économie lui permettentun recul critique qui estplus que nécessaire.En outre , les classespréparatoires aux grandes écolessont

bien moins sélectives qu' on ne le croit , 8 000 à 9 000candidatsse partageant les 8 000 places proposées chaqueannée. Le concours ne sert donc qu' àles classer. L ' impor

tant estdeviser la classeprépa qui correspond àson niveau.Les prépassont encore largement ignoréesdanslesmilieux

populaires et en province . Les milieux plus privilégiés lesconnaissentmieux , mais sont tentés par d' autres formationspour leur progéniture . Après la fascination pour SciencesPoà l'

époque Descoings, on note aujourd ' hui une attirancepour les universités canadiennes . La perspective detravaillerbeaucoup fait fuir les moins courageux, surtout s' ilspeuvent compter sur desrelations familiales pour s' insérer.

Les admissions sur titre ouvrentle jeu et compliquent la donneEn 2015, certaines écoles, cherchant àaccroître leurseffectifs, ont buté sur le numerus clausus de la filière prépa(8 000 places par an) . Toute augmentation du nombre deplacesaux concours desécoles les plus prestigieuses tarit lerecrutement pour lesautres.Multiplier le nombre deplacesen prépa n' est pas dans l ' air du temps. Le prétexte invoquéen serait le coût par étudiant , qui serait trop élevé (2)Les écolescherchent du coup d' autres formes de

recrutement,via l ' admissionsur titre qui donnele plus souvent accèsàlasecondeannée

Les classespréparatoires

aux grandesécolessont bien moins

sélectivesqu' on ne le croitgénéralement.

du programme grande école.Lescandidatssont jugés sur leurs diplômes ,leurs expériences et stages et passentun concours simplifié . Sélectionnéssurdossier , ils subissent des épreuvesécrites ( tests de mathématiques , delogique , de culture générale) suiviesd ' un oral . Cette façon d' intégrer lesécoles ne concurrence pas la filièreprépa, mais n' est ni plus simple ni plusfacile . Sa cible naturelle est l '

université. Il s' agit derécupérer les meilleursétudiants auniveau dela licence ou dumaster . Certains titulaires d' unmaster2 investissentdanstrois ansd' étudessupplémentaires , mais ils sont moinsnombreux quenel'

espéraient lesécoles.Les meilleurs étudiants desmeilleures universités ne s'

intéressenten fait aux grandes écoles qu' après avoir terminéun cursus complet .Et le programme grande écoleles séduitsouvent moins qu'

un MSc ou qu'un MS. Or cesderniers sont

souvent concurrencés par ceux des universités et desinstitutionsétrangères. Onseraleplus souventdans deslogiquesde double compétence : un MS degestion en école pour unétudiant titulaire d' un M2 en droit , par exemple.

Ceux qui se présentent avecune licence aux admissionssur titre sont souvent en réorientation .Parmi eux , on trouvede bons candidats , mais aussi des stratèges ducontournementattirés par le miroir aux alouettes d' écolesoffrant unediversité de campus à l '

étranger ou une pseudo-collectiondedoubles diplômes (voir encadrépagesuivante) .Les écolesexploitent également le filon des étudiants étrangers, maisla concurrence avecles institutions anglo-saxonnesest rude.

Tous droits de reproduction réservés

PAYS : France PAGE(S) : 102-110SURFACE : 710 %PERIODICITE : Mensuel

RUBRIQUE : ManagementDIFFUSION : 121032JOURNALISTE : Patrice Gibertie

1 mai 2016 - N°814

Page 4: PAYS : France RUBRIQUE : Management PAGE(S) : · PDF fileétudes » post-prépa .Ces écoles ont connu une véritable révolution , qui afait leur succès,sous la houlette de directeursvisionnaires

Les étudiants étrangers apportent , certes, de l' argent et debons classements, mais leur niveau peut laisser à désirer ,surtout quand ils viennent d ' un très grand pays d' Asie.

L' admission sur titre dans les programmes grandes écolesdemeure cohérente si elle associe une formation depremiercycle académique , que ce soit en CPGE ou enpremiercycle universitaire , à la formation en gestionproposéepar le programme . Cette fusée à deux étages permetaux grandes écoles de se démarquer nettement des écolespost-bac en cinq ans.

Contraintes dans leur recrutement enCPGE comme à l ' université , bien desécolesveulent attirer des étudiants quise trouvent déjà ... en école decommerce.Et revoilà les fameux bachelors !Pour être attractifs , nous avonsvu quecesprogrammes devaient proposer unepossibilité depoursuite d' étudesmenantvers un grade de master . Mais aprèsavoir fait une école de gestion le plussouvent en quatre ans, est-il cohérentd ' intégrer une autre école de gestiongénéraliste, où on refera endeux anscequ' on a déjà fait en quatre ?

La logique voudrait qu' un jeune munid' un bachelor intègre le marché dutravail, puis, quelquesannéesaprès,sespécialisevia un MBA ou un MS . C' est ce

LinkedIn m' apprend que 85 %%vivent et travaillent enFrance.La dimension internationale concerne surtout les premièresannées de carrière (un quart des jeunes diplômés) . Quantaux métiers exercés, ils sont on ne peut plus classiques :

%% desancienspréparationnaires sont descommerciaux(marketing , ventes , fonctions commerciales) et 35 %%

travaillentdans la finance, l ' audit , le contrôle , le conseil ;5%% travaillent dans les services juridiques , 5 %% dansle SI ,et 5 %% dans la fonction ressources humaines ;5%% sont entrepreneurs ;5%% se répartissent entre art,

enseignement, armée...L ' humanitaire est moins représentéque l ' enseignement , la chanson etmême le clergé catholique !

Tripatouillage ,bricolage , opacité ,incohérenceLes classements de business schoolssont apparus en 1988 grâce à JohnByrne , leur inventeur » pourBusinessWèek.Il estime aujourd ' hui « avoirengendré des monstres » Etreconnaîtque la plupart des classementspubliés sont biaisés , voireintellectuellementmalhonnêtes.

Le journalisteanglaisquia inventé

lespremierspalmarès

dit avoir engendrédesmonstres.

qui sepassedansles paysanglo-saxons,où le programme grande école n' existe pas et où lesinstitutionsles plus prestigieuses en gestion ne sont présentesqu' enpost-graduate . En France, c' est le caspour une seuleécole : l ' Insead.

L' impératif marketing :plaire et briller dansles rankings internationauxDans un climat de concurrence féroce, les écolesfont toutpour s' adapter aux attentes de leurs clients potentiels , lesfuturs étudiants , et àcelles desprescripteurs , parents,orienteurset journalistes . Chacun sait qu' un élève determinalerêve d' international et/ oud ' humanitaire . Le commerce n' estpas a priori objet de désir Les pages d' accueil des sites decertaines écolesvendent donc du rêve humanitaire etinternational. Elles vantent leurs campus à l ' étranger, ou leurspartenariats internationaux et mettent en avant lesassociationset leurs exploits sportifs , artistiques ,humanitaires ...ou festifs . Les écoles qui utilisent leur page d' accueil pourprésenter leurs programmes font carrément moins envie !

Quel ' école fasse rêver, c' est bien ; qu' elle prépare aumarchédu travail , c' est mieux . Alors que les écoles comme lesétudiants ne semblent jurer que par l ' international , unepetite enquête via mes 3 000 anciens étudiants inscrits sur

De mon côté, j'aiétudié pendant deux

ans la méthodologie des classements publiés enFrance .Jesuis effrayé par ce que j'

ai trouvé . Le principal problèmeréside dans le décalage entre les informationscommuniquéespar les écoleset ce qui en estfait dansles classements.Pourquoi cesécarts ?La presse utilise trop decritères , tropcomplexes pour qui ne maîtrise pasles arcanesdu système.Les magazines qui cherchent par tous les moyens à «sortir»des classementsgagneraient àsimplifier et àfaire appelàun comité scientifique.Voici une revue critique (nonexhaustive)de critères utilisés pour les classements publiés dansla presse.

Moyenne au bac . Ce critère est censémesurer le niveaudesélèvesadmis qui ont choisi d' intégrer l ' école. Prendre encompte les performances au bac de jeunes qui ont fait aumoins deux ans d' études entre-temps semble d' un intérêtdouteux . Il n' y aen effet pas grand-chose de commun entrele niveau d ' entrée et le niveau desortie dela prépa.Pourquoi *

2. Prétexte fallacieux 'heure de cours de professeur de CPGE coûte deuxfois moins à l'Etat

qu'une heure d'

enseignant-chercheur à l'université , carles obligations deservice sont différentes.

3.Voir notamment https :/ / wwwlinkedin .com/ pulse/top-ten-businessschool-rankings-2015-john-a-byrne.

4. L'octroi cecritère semble, en outre, hasardeux.Ainsi , Grenoble , Toulouse , Skema et Neoma recrutent des étudiantsavec15à16 de moyenne. Dans un desclassements, les deux premièresobtiennent trois points , comme HEC (17,6 demoyenne) , les deux autresseulement deux points , comme desécolesrecrutant à13

Tous droits de reproduction réservés

PAYS : France PAGE(S) : 102-110SURFACE : 710 %PERIODICITE : Mensuel

RUBRIQUE : ManagementDIFFUSION : 121032JOURNALISTE : Patrice Gibertie

1 mai 2016 - N°814

Page 5: PAYS : France RUBRIQUE : Management PAGE(S) : · PDF fileétudes » post-prépa .Ces écoles ont connu une véritable révolution , qui afait leur succès,sous la houlette de directeursvisionnaires

- ne pasprendre les résultats aux concours des intégrés ?(Implication dans la recherche d' excellence . Ce critère

s' appuie sur le nombre d' articles publiés par lesprofesseursdans les revues « classées ». Nombre d ' experts ont déjàdénoncé les effets pervers de cette «course aux étoiles »( .Dès lors que la publication académique devient l ' alpha etl' omegade laprogression dela carrière pour lesenseignantset un critère prépondérant pour les certifications et desclassementsdes écoles, la pédagogie passeau secondplan.De plus , comme le note Philippe Silberzahn (EM Lyon) :«La majeure partie decespublications sont des exercicesde style certes intéressants mais rarement lus, enparticulierpas par les praticiens . Seulela production compte . C' estcomme si l' on jugeait Renault sur les voitures fabriquées ,passur lesvoitures vendues [...] . Qu' est-ce qui justifie l '

existenced' une école qui ne sert ni son audience ( lesentreprises), ni sesélèves, mais seulement sesemployés et quine parle qu'

à sesconcurrents ? » Excellente question , eneffet .Une école qui met face aux étudiants des starsrecrutéesà prix d' or dans les institutions anglo-saxonnes (lesmeilleures revues sont en anglais) et publiant des articlesabsconslus par dix personnes dansle monde montera dansles classements.

Duréedu grade de master . A l ' aune de ce critère , quimesure la durée d ' attribution du grade master par l ' Etat ,les écolesqui ont connu une fusion récente sontpénalisées.La durée d ' attribution du grade est en effet d' un à six ans,mais les écoles issues d' une fusion subissent une périodeprobatoire . Kedge et Neoma sont donc pénalisées, comme

le fut Skema avant elles. La plupart des écoles qui lesprécèdentdanslepalmarès du Figaro ont vu leurs labelsrenouvelésle 1" septembre 2015 pour cinq ans, ce qui lesavantage. L ' ex-ESG et l ' Ecole des cadres (EDC) bénéficient decet avantagedécisif dans le classementétabli parLe Figaro.Mais Kedge, classé 5epar Challenges , tombe du coup à la

place pour Le Figaro.Participants des entreprises aux forums . Ce critère

mesure le nombre d' entreprises de plus de 1000 salariésprésents sur les forums de recrutement del' école (un autrecritère mesure ce qu' il en est pour les entreprises de tailleplus modeste). Il démontrerait l ' aptitude del ' école àmobiliserles grandes entreprises pour qu' elles viennent seprésenteraux futurs diplômés . Bon critère ,mais pourquoi untel décalage entre les renseignements publiés à ce sujetpar l ' Etudiant par exemple , et ce qu'

on peut voir sur lessites des écoles ?Les écoles indiquent sur leurs plaquettes les entreprises

visiteuses et on trouve partout les mêmes : sansdoute pasde quoi établir un classement . Certains chiffres laissentdubitatifs : Montpellier ou Strasbourg recevraient selonl ' Etudiant 50 %% d ' entreprises de plus qu' HEC ! Mieux ,HEC, l ' Essecou l' ESCPreçoivent àpeu près le mêmenombrede grandes entreprises qu' Audencia ouque Neoma (80à90) , mais une barre astucieusement placée permet d'

accorderaux parisiennes davantage de points (comme àMontpellier pour plus de 140 entreprises) qu'

aux deuxautres.La participation des entreprises àl ' enseignement ,la prise en compte des chaires, des parrainages , seraient

Doubles diplômes et poudre aux yeuxles classements

un bonusaux écoles dont une

proportion significatived ' étudiants sort avec undouble diplôme . Louableinitiative , mais résultatscatastrophiques Lesclassements ne font pas ladistinction entre diplômes« jumeaux » ( un diplômede gestion et un autrediplôme de gestion demême niveau) et diplômesapportant une doublecompétence (ingénieuret gestion , par exemple) .Skema proposeparcours droit des affaireset des masters 2 de ' IEPd ' Aix-en-Provence

L Edhec , qui met en placeune vraie doublecompétenceen droit , ne voit passes efforts reconnus . C' estla même chose pour l ICN ,dont la proximité avecl ' Ecole des mines deNancy constitue un atout.Au contraire , certainesécoles créent des doublesdiplômes qui ne sontqu' une sous-traitanceconfiée à l ' université . Lejeu est gagnant-gagnant :l ' étudiant paie pour descours dispensésgratuitementpar l ' université , maisses yeux brillent à laperspectived ' un doublediplôme . L' école y gagnedes points dans les classe

ments , et l' université ,debons étudiants . Du coup ,une école qui sous-traiteune formation pourlaquelle elle n' est pashabilitéesera mieux classéequ' une autre qui l ' assureen interne . Rouen et Reims( regroupées dans Neoma)ou encore Audencia sesont ainsi fait uneréputationen comptabilité ,contrôle et audit avec lapréparation au diplômed ' Etat du DSCG ou enfinance avec la préparationau CFA. La méthodologiedes classementstransforme cette forceen faiblesse . Skema etStrasbourg , qui confient a

université la préparationau DSCG ,seront créditéesde nombreux doublesdiplômés . En somme ,la chute de Neoma

s' explique par ses pointsforts . Ladirection de cetteécole a bêtement déclaréles seules doublescompétences. De même ,Montpellier organise sesformations en partenariatavec l ' IAE , ce qui génèredes doubles diplômes.A l '

exception des écolesintouchables du hautdu tableau , les écolesqui font bien leur travailsont donc déclasséespar la presse à la suited ' uneerreur manifeste.

Tous droits de reproduction réservés

PAYS : France PAGE(S) : 102-110SURFACE : 710 %PERIODICITE : Mensuel

RUBRIQUE : ManagementDIFFUSION : 121032JOURNALISTE : Patrice Gibertie

1 mai 2016 - N°814

Page 6: PAYS : France RUBRIQUE : Management PAGE(S) : · PDF fileétudes » post-prépa .Ces écoles ont connu une véritable révolution , qui afait leur succès,sous la houlette de directeursvisionnaires

des signesplus tangibles dela mobilisation des entreprises.Partdes étrangers surie campus . Censé traduire le degré

d' ouverture internationale des campus français , ce critèresemble fragile : plusieurs scandales ont prouvé combien ilétait facile d' importer desétudiants chinois pour se faire del ' argent et bien progresser dans les classements.

Proportion de doubles diplômés . C' est là un critère desplus contestables si le double diplôme ne traduit pas unedouble compétence. Une école incapable d ' assurer laformationau DSCG et qui lasous-traite àune universitécréditerales étudiants concernés d' un double diplôme !

Satisfaction des étudiants vis-à-vis de l ' école . Cettenote de satisfaction (on demande à ' enquêté de noter sonécole, ses locaux et services, sa vie associative, sonouvertureinternationale , son corpsenseignant, etc ., sur une échelle d' un àcinq)est obtenue via un sondage réaliséauprèsdesalumni par uneJunior-Entreprise. Mais la méthodologie est peutransparente : qui fournit lescoordonnéesdesétudiants ?L' écolelescontactet-elle?Par ailleurs , pourquoi , dans undes classements, la «barre »nécessairepour obtenir trois points en satisfactiongénérale est-elle fixée à4,2, ce qui créeun « effet de seuil » ?Neoma, avec 4,1n' obtient du coup que deux points !

Etudiants par professeur degestion. Cette note est obtenue endivisantl ' effectif du programme grandeécole par le nombre d'

enseignants ensciences de gestion permanents ,travaillantau minimum quatre jours parsemaine en CDI et dont l ' établissement est l ' employeurexclusif .Cesenseignants-chercheurs coûtent cher etpassentle plus clair de leur temps sur leurs publications . Ilssont moins disponibles pour les étudiants . Mais une écolequi fait appel à des professionnels de haut niveau venusde l ' entreprise est pénalisée ...

Professeurs de gestion étrangers . L' Ieseg afait de cetype de recrutement la clé de sa progression dans lesclassements, avecplus de 80 %% de professeurs étrangers . Maiscela ne dit rien de leur qualité pédagogique. Mêmephénomènepour le fait de recruter des femmes.Une chercheusechinoise ou philippine , star desmathématiques financières,ne parlant pasle français et mal l' anglais, incapable àcetitred' animer un TD , « rapporte »plus de points qu' un hommefrançais, fût-il bilingue.

Etudiants admis sur titre . Ce critère mesure lepourcentaged' élèves venant de l ' université ou de tout cursushors classeprépa dans lapromotion sortante .Une écolequirecrute sur CPGE serait donc une mauvaise école ?

Diversité du recrutement . Le critère semble pertinent ,mais, en lamatière ,les classementsréservent de mauvaisessurprises.Pour Le Point ,recruter deslittéraires et desjeunesissusdesfilières technos favorise, mais recruter desbache

liers de lafilière économique et sociale (ES) pénalise.Communiquersur l ' égalité des chances favorise, pratiquer destarifs de scolarité moins coûteux est peu pris en compte.L' origine sociale des parents n' est jamais intégrée, etrarementla proportion de boursiers.

Nombre d ' associations par élève . Ne vaudrait-il pasmieux privilégier les écolesqui ont peu d ' associations,maissolides, bien gérées, efficaces ?

Taille du campus , évolution de la taille des campus ,campus à l ' étranger . Le campus à l '

étranger , c' est bien.Cela permet de se démarquer par rapport à l ' université.Mais ce que ' ESCP a bien réussi , toutes les écolespeuvent-ellesse le permettre sans tomber dans le bas degamme ?Ont-elles durablement moyens d' envoyer tous

leurs étudiants chaque annéesur descampus différents et pour quelle

Plusieursscandalesont

montré qu'il est

facile d'

importerdesétudiantschinois pour

gagnerdespoints.

valeur ajoutée ?Partir encohortepassersix mois ou un an dans le campusétranger , ensemble pour ne pas êtredépaysés, estmoins formateur qu' unéchange traditionnel dans uneuniversitépartenaire.

Salaire annuel brut moyen desdébutants en France , hors primes ,dans la dernière promotion . Salaireannuel brut moyen des débutantsà l ' étranger , hors primes (source :écoles) . Bon critère . Le seulproblème, c' est la source ! Cesdonnéessont communiquées par les écoles !

Surpris par les classements de lapresse qui donnent desjeunesdiplômésde Strasbourg ou de Kedge

mieux payés que les HEC ou les Essec, nous avons menénotre propre enquête. Et «découvert » (mais on s' endoutait)que les premiers déterminants des salaires ne sontpasles écoles, mais le secteur d' activité .Les diplôméstravaillantdans la finance gagneront plus que ceux quichoisissentun autre métier . De multiples enquêtes (7), nondétaillées ici , le prouvent.Pour le reste, une étude réalisée par Aon Hewitt ,

spécialisédans ce type d '

enquête, donne un bonus de 10 à 20 %%

aux diplômés d' HEC et del ' Essec, tandisque ceux de l ' ESCPet de l ' EM Lyon setrouvent en situation intermédiaire parrapport àun secondgroupede« provinciales »debon niveau(Edhec , Neoma, Audencia , Toulouse , Grenoble) . L ' étudea été réalisée il y a deux ans, mais rien n' indique qu' unerévolution se soit produite depuis . Le « Neoma bashing »

5. Lire . Fimbel , J.-M .Huet , D.-A. Michel : « Ecoles de commerce : sortirdu flou éthique et pédagogique », L Expansion n° 804, 2015.

6. Diplôme supérieur de comptabilité et de gestion, qui confère legradedemaster.

Lire par exemple Le Guide dessalaires, publié par les Editions législativesou encore http :// www letudiantfrietudes/futur-salairecomparaisonde-formations.html

Tous droits de reproduction réservés

PAYS : France PAGE(S) : 102-110SURFACE : 710 %PERIODICITE : Mensuel

RUBRIQUE : ManagementDIFFUSION : 121032JOURNALISTE : Patrice Gibertie

1 mai 2016 - N°814

Page 7: PAYS : France RUBRIQUE : Management PAGE(S) : · PDF fileétudes » post-prépa .Ces écoles ont connu une véritable révolution , qui afait leur succès,sous la houlette de directeursvisionnaires

3-- de la pressefrançaise estdonc injustifié pour cequi estdessalaires. L ' école fait aussi bien que Grenoble, Audencia etToulouseet surclasseSkema. Cette dernière, comme Kedge,appartient comme la majorité des autres à un troisièmegroupe, avecdes rémunérations de 10 %% inférieures . Maisle classementAon a le défaut dene prendre en compte queles diplômés travaillant enFrance.Le site Emolument .com donne, lui ,une idée dela

représentationque sefont les recruteurs britanniques desdiplômésfrançais.L' enquête porte sur plus de10000 denoscompatriotestravaillant outre-Manche. Ils occupent desfonctionsdifférentes,mais lesite indique lebonus

qu' apportelediplômed' une école. En l' occurrence, les diplômes françaisprocurentun bonus moyen de 2766 livres. HEC bénéficie mêmed' un bonus supérieur à Oxford ! Les emplois considérés,majoritairement dans la finance, révèlent l ' excellence decertaines de nosécoles, avecdes écartsplus importants quedanslesclassementsfrançais et un vraigapenfaveur desparisiennes.Pour lessalaires moyens, l '

enquête est moinssignificative, certainesécolesayant700ou 800 diplômés étudiés, d' autres, 100.En compilant les données issues de

l' étude Aon, d' Emolument et dumagazineChallenges, nous avonsobtenu unclassementpar niveaux desalairesquidétermine trois groupes d' écoles. Legroupe1regroupeles trois parisiennes,plus l' Edhec et EM Lyon .Le groupe 2rassemble Grenoble, Neoma,Audenciaet Toulouse . Et on trouve dans legroupe 3 Skema, Kedge, Montpellieret Strasbourg.

Ce classement est confirmé par ceque les sites des écoles indiquent . Il

vre 148entreprises incubées, soit trois fois plus . Challenges,de son côté, trouve 104 entreprises incubées àl ' EM Lyon.L ' Etudiant en trouve 134. Mais , sur son site , l ' école enindique 24.Quepenser du chiffre donné pour Skema(deux campus :

Lille et Sophia-Antipolis) par la presse, en l ' occurrence55 entreprises actuellement incubées?L' incubateur Tonicde cette école, installé dans le Nord , indique avoiraccompagné40 entreprises depuis sacréation , en 1999. Celui deSophia-Antipolis a incubé 146entreprises depuis 2001 et lesite donne les noms de 7entreprises encours d' incubation.Comment Challengesarrive-t-il à 55?L'

explicationseraitelledans l ' addition des actuelles incubées et des projets ?Danscesconditions ,Neoma, qui avoue30 entreprisesactuellementincubées et 79 projets , devrait obtenir le chiffre de109. Challengesen trouve seulement 46.

Nouvelles technologies . Le Parisien et Le Figaro sontfriands de nouvelles technologies ettiennent compte du nombre d ' inscritsaux Moocs.Mais il y aproblème lorsquecela dégrade la qualité de l '

encadrementprofessoral . Si une importantepartie du programme n' est plusréaliséeen présentiel , les étudiants nevontplus accepter depayer aussicher pourquelque chose qui par ailleurs existegratuitement . Citons de nouveauPhilippeSilberzahn : « Poussées vers lehaut , les écoles laissent le marché demasse àd ' autres acteurs low cost, aupremier rang desquels se trouvent , etsetrouveront deplus enplus, lesacteursd' enseignement àdistance. »Certaines écoles donnent l '

impressionde se rêver sansprofesseur Elles

Pourquoine pas prendre

en compte ,tant qu' on y est,la proportion

d anciens élèvesavecparticule ?

est du coup difficile de comprendreles écarts indiqués dans les classements, où lesrémunérationsont d' ailleurs un poids considérable.Ainsi , les«surprises» du classement Challenges s' expliquententièrementpar ce critère salarial . Kedge se retrouve dans ceclassement devant ' Edhec , Grenoble , Audencia , Neomaet TBS. Montpellier enfonce également toutes les écolesci-dessus (sauf l ' Edhec) avecdes salaires à faire rêver desHEC . Même chose pour Strasbourg.

Création d' entreprise . L ' Etudiant note les écolessur lepourcentage desjeunes diplômés qui créent une entrepriseàla sortie . La proportion est faible quelle que soit l ' école.Qu' importe ,une école à6 %% auratrois points (Montpellier)et une écoleà4 %% ,un seul point (Lyon, Neoma). Mais qu'

appelle-t-on«création d' entreprise » ?L' histoire nele dit pas.Challengesfait du nombre d ' entreprises incubées un

critèrediscriminant . Pourquoi pas, mais les résultats de l '

enquêteinterpellent . Ainsi , l ' incubateur de l ' Edhecrevendiquesur son site lacréation de12nouvelles entreprises quiont créé 30 emplois . On compte actuellement 50 projets encours de développement . L' enquête de Challengesdécou

réduiront ainsi les coûts et elles feront«moderne» . Dansles classements, peut-être. Mais paspourtrès longtemps.

Anciens élèves figurant dans le Who' s Who . Sanscommentaires. Pourquoi ne pas prendre en compte, tant qu' ony est, les alumni avecparticule ?

Incohérences et opacitéautour des accréditationsLes écoles retenues dans les classements publiés dans lapresseont toutes un grade demaster validé par l ' Etat , c' estbien. Mais il existe d' autres critères , en l ' occurrence lesaccréditations , accordées par des acteurs privés trèsinfluents au niveau international . Ceslabellisations , gaged' un certain niveau de qualité , devraient normalementrecouper les classements. C' est loin d ' être le cas. Alorsmême que les critères qui président àces labellisations -recherche académique et ouverture internationale - sontles mêmes que ceux des classements.L' accréditation Equis , accordée par l ' European Founda-

Tous droits de reproduction réservés

PAYS : France PAGE(S) : 102-110SURFACE : 710 %PERIODICITE : Mensuel

RUBRIQUE : ManagementDIFFUSION : 121032JOURNALISTE : Patrice Gibertie

1 mai 2016 - N°814

Page 8: PAYS : France RUBRIQUE : Management PAGE(S) : · PDF fileétudes » post-prépa .Ces écoles ont connu une véritable révolution , qui afait leur succès,sous la houlette de directeursvisionnaires

Les écoles accréditées EquisAix-en-Provence (IAE) , Audencia Nantes Ecole demanagement , Edhec Business School , EM LyonBusiness School , ESC Rennes School of Business ,ESCP Europe , Essec Business School , Grenoble Ecolede management , HEC Paris, ICN Business School ,leseg School of Management Lille-Paris , Insead ,Kedge Business School , Business School ,Skema Business School , Toulouse Business Schoolet l ' université Paris-Dauphine.

tion for Management Development (EFMD) , située àBruxelles , considère l ' institution dans son ensemble :programmes, recherche, enseignement àdistance , formationcontinue et responsabilité sociale. Le label estattribué auxinstitutions qui assurent un haut niveau de qualitéacadémique, desrelations étroites avecle monde del '

entrepriseet un solide potentiel en recherche . Toutes ces activitésdoivent avoir une forte dimension internationale.On comprend mal pourquoi figurent dans certains top 10

des écolesqui n' ont pas décroché cette accréditation . Et onaimerait savoir sur quels critères une école non accréditéeEquis, telle que Montpellier , sevoit attribuer une desmeilleuresnotespédagogiquesdeFrancepar lemagazineLe Point.Le classementdu Figaro laisseégalementdubitatif: Le

journalaccorde,en effet , uneénorme place àla reconnaissance.Il attribue pour ce critère 100 points à HEC, à l' Essec et àToulouse, mais seulement 93àLyon.Si l' on tient compte cette fois dela «triple accréditation» ,

qui correspond pour une école au cumul des trois labelsAACSB, Amba et Equis ), pourquoi PIeseg, qui ,contrairementà Lyon, ne l ' a pas, obtient-elle 94 points ?Pourquoiseulement 79 àNeoma, qui l' a ?Pourquoi le même nombrede points pour une école triplement labellisée (Neoma ,Rennes) et pour une école n' ayant qu' un seul label (Strasbourg, Montpellier) ?

La lumière peut-elle venird ' ailleurs ?

Sigem, c' est un peu l' APB (ii) des grandes écoles. Cesystèmeinformatisé permet aux candidats desclassespréparatoiresqui ont passéles concours de la Banque communed' épreuves(BCE) à23écoleset de labanqueEcricome d'

enregistrerleurs préférences et de connaître leur affectationàl ' issuedesoraux .Les donnéesdu Sigemdonnent uneindicationsur la perception des étudiants enfin de prépa, riendeplus .Mais il semblerait queles étudiants et leurs parentsrésistent aux effets de mode de la presse. Car, au cours desquinze dernières années, la stabilité est aurendez-vous. Leclassementissu deSigem donne le top ten suivant :les troisparisiennes,suivies d' EM Lyon, Edhec,Audencia , GrenobleEM ,Neoma, ToulouseBSet Skema. La concurrence estplus

rude depuis deux ou trois ans entre Audencia et Grenoble,Toulouse et Neoma

Lesclassements du Financial Times , construits àpartirde données objectives et vérifiables 3), fournissent d'

autresrepères utiles .Le microcosme français s' intéresse àunseul des multiples classementsde ce journal ,celui dumastergénéraliste en management . Mais permet-il decomparerles mastersdesgrandes écolesfrançaises?Pasvraiment ,car certains établissements sont classéssur un masterspécifiqueet non sur leur diplôme grande école. La stratégiepayante consiste à faire prendre en compte une formationd' excellence, très internationalisée , avecdesrémunérationsélevées, pour booster son classement.Ainsi , le bon rang deGrenobleEM s' explique par l' excellencedesonmasterInternationalBusiness, le seul pris en compte. De même, l' écoledeNantesAudencia n' estplus classéecette annéesur la basedu master qu' obtiennent un millier d' étudiants par an, maissur le double diplôme obtenu chaque année par unecentained' excellents étudiants del' Ecole centrale .Mêmestratégiepour Skema, qui diplôme plus d' unmillier d' étudiantschaque année dans son grade master.Faut-il reprocher aux écolesde définir une stratégie

spécifiqueàl ' égard du Financial Times , alors que lesétablissementsétrangers le font ?En tout cas, lesinstitutions qui nele font pas et fournissent les donnéesdu programme grandeécole le paient très cher Tel est le casde Toulouse, Lyon etNeoma. Qu' attendent-elles pour fournir les performancesd' un master spécialisé très élitiste en lieu et place de leurmaster grande école ?

Les réseaux sociaux vont-ilsubériser les classements ?En matière de classement, les réseaux sociaux pourraientbien bouleverser la donne.Le service Formation deLinkedInpermet , par exemple, à chacun de découvrir les écolesqui ont formé le plus d' étudiants pour une carrière ou unmétier donné. Ce que nous appellerons la « méthodeLinkedIn» reposesur un principe debon sens:le fait dechoisiruneécole assisesur un gros vivier dediplômés peut êtreperçu comme un avantageen termes deréseaux et denotoriété. A contrario , venir d' une institution ayant peu d'

anciensactifs dans un métier va pénaliser lesjeunes quisouhaitentexercer ce métier . LinkedIn propose pour les

8.https :// www .emolument .comt9.http :// www .edhec-executive .friqui-sommes-nous- /eye-business-incubateur/eye-l-incubateur-du-groupe-edhec-166412 .kjsp.

10. Aujourd'hui , 11écolesfrançaises sont triplement accréditées, dont

' Insead . Et seulement 70 dans le monde.

. APB pour admissions post-bac, le portail où les futurs bacheliers doiventinscrire leurs voeux pour les études supérieures.12. http :// www sigem.org/pdf/ SIGEM-Recapitulatiffinal_2015 pdf.13. http :/ / ranldngs.ft com/ businessschoolrankings/masters-in-management-2015

Tous droits de reproduction réservés

PAYS : France PAGE(S) : 102-110SURFACE : 710 %PERIODICITE : Mensuel

RUBRIQUE : ManagementDIFFUSION : 121032JOURNALISTE : Patrice Gibertie

1 mai 2016 - N°814

Page 9: PAYS : France RUBRIQUE : Management PAGE(S) : · PDF fileétudes » post-prépa .Ces écoles ont connu une véritable révolution , qui afait leur succès,sous la houlette de directeursvisionnaires

Etats-Unis , le Canada et le Royaume-Uni son propreclassementdes écoles de commerce . Pour éviter un biaisévident, il convient de corriger seschiffres en tenant comptedu nombre d' anciens detelle ou telle école inscrits surLinkedIn. Je me suis livré à ce petit jeu, et l' origine des cadresfrançais réservequelquessurprises. Je n' ai paspris encompteHEC , l ' Essec et l ' ESCPpour cespremiers classements. Parexemple,pour les métiers dela finance générale, desmathématiquesfinancières et dela finance debanque (14),on obtientle top 10suivant :Dauphine ,Sorbonne, Neoma, Edhec, Kedge,Inseec,EM Lyon, Skema, SciencesPo, Audencia .Après priseen compte des effectifs de chaque école inscrits surLinkedIn, onobtient : Audencia,Neoma,EM Lyon BusinessSchool,Edhec , Kedge, Skema, Inseec et Grenoble EM.

Démystifierles classementsDe la même façon, pour la finance , l '

auditet le conseil en management , leclassementbrut donne : Dauphine , Neoma,Kedge,Edhec, Audencia ,Sorbonne,EMLyon, Skema, Grenoble,Toulouse.Aprèsprise en compte deseffectifs , onobtient :Audencia , Neoma , EM Lyon , Edhec ,Kedge,Toulouse ,Grenoble EM ,Skema.Le même exercicepeut être réalisépour

d ' autres métiers , comme la banque , lemarketing ou le commerceinternational. Les lecteurs intéressés peuvent sereporter à l' ouvrage «Les Classementsdémystifiés », qui donnequelquesexemplesde résultats obtenus selon la« méthode LinkedIn » pour diversesfilières professionnelles. On peut égalementréaliser unclassementLinkedIn pour savoir dansquelles institutionsrecrutentles entreprises préféréesdesétudiants européens.Cetteinformation est fournie par l ' institut Trendence et publiéerégulièrement sur le site de l ' Etudiant . La dernière éditionplaçait en tête LVMH , L ' Oréal , Google, EY, BNP Paribas,KPMG ,Danone, laCommission européenne,Canal-t Deloitteet Apple, dans cet ordre . Après prise en compte du nombredes inscrits sur ceréseau, enréintégrant les trois parisiennes,le classement LinkedIn ressort ainsi : L ESCP2. Essec3. HEC 4.Audencia 5. Neoma 6.Edhec EM LyonBusiness School 8. Grenoble Ecole de management 9 .

ToulouseBusiness Schoo110. Skema.

treprise anciens élèvesdes CPGEde Grandchamp ,unecentainedeprofesseurs et des étudiants en école ont été invitésàfaire leur propre classement. Sur près de 13000 personnessollicitées, 1216ont participé àl ' enquête.Il leur été demandéde citer les huit meilleures écoles deFrance. Rien de plus.Pasde critères complexes, pas demotivations publicitaires ,le simple regard de professionnels qui recrutent etpratiquentl ' entreprise . Sanssurprise , ils ont donné comme top 3les parisiennes et ajouté EM Lyon et l ' Edhec pour faire letop 5. Ces deux dernières sont citées neuf fois sur dix parmiles bonnes écoles. La hiérarchie entre les quatre suivantesestplus nette :Audencia (70,57 %%) arrive nettement devantGrenoble (64,8 %%) et Neoma (46,27 %%), dans un mouchoirdepoche avecl ' université Paris Dauphine (45,22 %%).La suite du classement est marquée par un décrochage.

Toulouse BS, PIeseg, Kedge, Skema,Telecom Ecole demanagement,l

' ICN ,Montpellier l ' ESCE, Renneset l'

Ipag,dans cet ordre, sont citées parmi leshuit meilleures écolesdeFrance, maisà chaque fois par moins de 15 %% desparticipants à l ' enquête.

Des formationsinadaptéesQuant àsavoir si lesclassementsont

pour les entreprises l ' importance queles étudiants, lesparents et les médiasleur accordent , diverses études vonttoutes dans le même sens:l ' immensemajorité desrecruteurs n' entient pascompte. Seuleslesentreprises dusecteurfinancier et de l ' audit et celles de

plus de 2 000 salariés disposent de grilles salarialesdifférenciéesselon l' école d'

origine.En 2012, l' Ifop a interrogé 405 DRH : 59 %% des

responsablesde ressources humaines ou du recrutement estimentque «la formation en école decommerce et demanagementn' est pas adaptée àleurs besoins ». Raison invoquée par lesentreprises ?«Les enseignementsne sont pas enphase avecnos besoins» , répondent-elles à66 %% . Pour autant , lesprofilsde jeunes diplômés d ' écoles de commerce continuentde les intéresser , notamment en raison de «leur aptitude às' adapter rapidement à un poste » 51 %%).Les recruteurs se montrent attentifs au parcours global du

jeune diplômé . Ils déclarent ainsi à68 %% tenir compte dela formation suivie avant l ' entrée à l ' école » et ilsprivilégientle passagepan.. une prépa

L ' avis desprofessionnelsqui recrutentet pratiquentl '

entreprisedevrait être pris

en compte.

Ecouter les recruteurset relativiserPour dresserun palmarès, pourquoi nepasprendre encomptece que pensent lesprofessionnels en entreprise ?Lesmembresdugroupe LinkedIn del Association nationale desdirecteursdes ressources humaines (ANDRH) des cadres d' en-

14. https :/ / www .linkedin .com/ edu/ .

15. httpeetudiandefigaro .fr/ orientation/actus-etconseils/detail/ article/les-recruteurs-pmferent-les-diplomes-passes-parune-prepa-690/.

Tous droits de reproduction réservés

PAYS : France PAGE(S) : 102-110SURFACE : 710 %PERIODICITE : Mensuel

RUBRIQUE : ManagementDIFFUSION : 121032JOURNALISTE : Patrice Gibertie

1 mai 2016 - N°814