patrice cosia

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SdniG L'association Lyme sans frontière manifeste demain devant le ministère de la bante a Fans, contre un scandale sanitaire sous-évalué Piqûre de rappel En forêt, les petits rongeurs comme ce mulot servent de réservoir à une bactérie transmise à l'homme par les tiques. Photo DR Nancy. C'est une bactérie qui rôde dans les sous-bois hu- mides et chauds dont le pou- voir de nuisance sur la santé humaine inquiète, notam- ment dans le Grand Est. Comme d'autres agents in- fectieux à l'origine de zoo- noses telles que la leptospi- rose ou l'échinococcose alvéolaire, elle exploite un vecteur, une tique, pour s'in- troduire dans la chair du simple promeneur ou du professionnel forestier Avec des conséquences graves si la maladie n'est pas détectée dans les jours suivant la morsure et traitée au stade primaire par des antibioti- ques. Cette bactérie a pour iden- tité scientifique Borrelia burgdorferi et avant de con- taminer une tique, elle utili- se comme réservoir des hô- tes sauvages de la forêt : campagnols, mulots, mais aussi cervidés. Bref, la voie royale pour infester d'im- menses secteurs, en particu- lier les massifs boisés situés en périphérie des grandes agglomérations. La menace surgit au printemps - et ce- lui-là est précoce - puis en été, période où les tiques sont à l'affût du moindre « repas sanguin ». L'attaque est sournoise, mais elle lais- se des traces : dans un délai de 3 à 30 jours, apparaît une lésion cutanée sous la forme d'une tache rouge qui s'étend rapidement en cer- cle. Dans les mois ou les an- nées qui suivent, un pour- centage non négligeable des cibles de l'appétit de la bes- tiole souffre alors de dou- leurs hétérogènes, polyné- vrites, méningites, pertes de mémoire, inflammations ar- ticulaires... Autant de trou- bles non spécifiques qui ex- pliquent les difficultés de réaliser un diagnostic quand la piqûre de tique est passée inaperçue. Voilà pourquoi la maladie ou borréliose de Lyme est aujourd'hui un casse-tête pour le monde médical et les pouvoirs pu- blics. 25.000 nouveaux cas paxan « Cette maladie, on l'ap- pelle la grande imitatrice car elle ressemble à beaucoup de maux... », observe Ca- therine Faivre, le conseil de l'association Lyme sans frontières. Né en mars 2012 à Strasbourg, ce mouvement revendique 1.200 adhérents. Parmi eux des malades, mais aussi des médecins « qui ont été poursuivis sur le mode disciplinaire parce qu'ils n'avaient pas suivi le proto- cole de soin classique », ajoute l'avocate. Demain à 14 h, cette ONG organise un rassemblement devant le ministère de la Santé à Paris pour dénoncer « un scanda- le sanitaire du même niveau que l'épidémie de Sida ». Selon elle, 25.000 cas se- raient détectés chaque an- née dans l'Hexagone et en Allemagne, où l'examen sé- rologique de dépistage est plus poussé, le nombre de cas dépasse le million par an ! « L'association a ren- contré Marisol Touraine en septembre 2012. Dans la foulée, une commission mi- nistérielle a été créée qui doit rendre son rapport d'ici la fin mars », précise M'= Fai- vre. « Celle-ci doit répondre à plusieurs questions sur la chronicité de la maladie, sur la fiabilité des tests, la perti- nence du traitement... A priori, ces réponses sem- blent aller dans le bon sens pour la révision des critères diagnostiques. Sur ce point, on sait que les tests actuels pratiqués sur l'homme ne sont pas fiables, déjà parce qu'ils mesurent des taux d'anticorps alors que cette maladie affecte le système immunitaire au point que l'organisme ne produit plus de défense. Si bien que lors- que vous êtes infecté au sta- de tardif, on ne trouve rien ou on impute votre problè- me à des manifestations psychosomatiques ! ». Impasse qui justifie l'autre combat de Lyme sans fron- tières pour obtenir la prise en charge d'un fléau chroni- que. « Aujourd'hui, on con- sidère qu'après une cure d'antibiotique, le patient est tiré d'affaire. Faux, car cette maladie est récurrente, fonctionne par crise. Des milliers de victimes se re- trouvent dans des états de santé dramatiques, sans pouvoir travailler, exclus so- cialement... Depuis octobre dernier, tous les jours, nous avons adressé un courrier détaillant le cas d'un malade à Mme Touraine. Mais rien ne bouge ». La borréliose de Lyme est considérée comme maladie professionnelle à l'ONF. Mais pour les usagers occasionnels de la forêt, mieux vaux éviter une mor- sure de tique en portant cha- peau, manches longues et chaussures montantes... Patrice COSIA

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Page 1: Patrice COSIA

SdniG L'association Lyme sans frontière manifeste demain devant le ministère de la bante a Fans, contre un scandale sanitaire sous-évalué

Piqûre de rappel

• En forêt, les petits rongeurs comme ce mulot servent de réservoir à une bactérie transmise à l'homme par les tiques. Photo DR

Nancy. C'est une bactérie qui rôde dans les sous-bois hu­mides et chauds dont le pou­voir de nuisance sur la santé humaine inquiète, notam­ment dans le Grand Est. Comme d'autres agents in­fectieux à l'origine de zoo-noses telles que la leptospi-rose ou l'échinococcose alvéolaire, elle exploite un vecteur, une tique, pour s'in­troduire dans la chair du simple promeneur ou du professionnel forestier Avec des conséquences graves si la maladie n'est pas détectée dans les jours suivant la morsure et traitée au stade primaire par des antibioti­ques.

Cette bactérie a pour iden­tité scientifique Borrelia burgdorferi et avant de con­taminer une tique, elle utili­se comme réservoir des hô­tes sauvages de la forêt : campagnols, mulots, mais aussi cervidés. Bref, la voie royale pour infester d'im­menses secteurs, en particu­lier les massifs boisés situés en périphérie des grandes agglomérations. La menace surgit au printemps - et ce­lui-là est précoce - puis en été, période où les tiques sont à l'affût du moindre « repas sanguin ». L'attaque est sournoise, mais elle lais­se des traces : dans un délai

de 3 à 30 jours, apparaît une lésion cutanée sous la forme d'une tache rouge qui s'étend rapidement en cer­cle. Dans les mois ou les an­nées qui suivent, un pour­centage non négligeable des cibles de l'appétit de la bes­tiole souffre alors de dou­leurs hétérogènes, polyné­vrites, méningites, pertes de mémoire, inflammations ar­ticulaires... Autant de trou­bles non spécifiques qui ex­pliquent les difficultés de réaliser un diagnostic quand la piqûre de tique est passée inaperçue. Voilà pourquoi la maladie ou borréliose de Lyme est aujourd'hui un casse-tête pour le monde médical et les pouvoirs pu­blics.

25.000 nouveaux cas paxan

« Cette maladie, on l'ap­pelle la grande imitatrice car elle ressemble à beaucoup de maux... », observe Ca­therine Faivre, le conseil de l'association Lyme sans frontières. Né en mars 2012 à Strasbourg, ce mouvement revendique 1.200 adhérents. Parmi eux des malades, mais aussi des médecins « qui ont été poursuivis sur le mode disciplinaire parce qu'ils n'avaient pas suivi le proto­cole de soin classique »,

ajoute l'avocate. Demain à 14 h, cette ONG organise un rassemblement devant le ministère de la Santé à Paris pour dénoncer « un scanda­le sanitaire du même niveau que l'épidémie de Sida ».

Selon elle, 25.000 cas se­raient détectés chaque an­née dans l'Hexagone et en Allemagne, où l'examen sé-rologique de dépistage est plus poussé, le nombre de cas dépasse le million par an ! « L'association a ren­contré Marisol Touraine en

septembre 2012. Dans la foulée, une commission mi­nistérielle a été créée qui doit rendre son rapport d'ici la fin mars », précise M'= Fai­vre. « Celle-ci doit répondre à plusieurs questions sur la chronicité de la maladie, sur la fiabilité des tests, la perti­nence du traitement... A priori, ces réponses sem­blent aller dans le bon sens pour la révision des critères diagnostiques. Sur ce point, on sait que les tests actuels

pratiqués sur l'homme ne sont pas fiables, déjà parce qu'ils mesurent des taux d'anticorps alors que cette maladie affecte le système immunitaire au point que l'organisme ne produit plus de défense. Si bien que lors­que vous êtes infecté au sta­de tardif, on ne trouve rien ou on impute votre problè­me à des manifestations psychosomatiques ! ».

Impasse qui justifie l'autre combat de Lyme sans fron­tières pour obtenir la prise en charge d'un fléau chroni­que. « Aujourd'hui, on con­sidère qu'après une cure d'antibiotique, le patient est tiré d'affaire. Faux, car cette maladie est récurrente, fonctionne par crise. Des milliers de victimes se re­trouvent dans des états de santé dramatiques, sans pouvoir travailler, exclus so­cialement... Depuis octobre dernier, tous les jours, nous avons adressé un courrier détaillant le cas d'un malade à Mme Touraine. Mais rien ne bouge ». La borréliose de Lyme est considérée comme maladie professionnelle à l'ONF. Mais pour les usagers occasionnels de la forêt, mieux vaux éviter une mor­sure de tique en portant cha­peau, manches longues et chaussures montantes...

Patrice COSIA