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PATHOLOGIE DE LA COIFFE DES ROTATEURS Professeur J.F. Kempf, CCOM Avenue Baumann 67400 ILLKIRCH I. L’EXAMEN CLINIQUE PROGRAMMÉ DE L’ÉPAULE L’inspection Elle recherchera une déformation du moignon de l’épaule, une amyotrophie. L’examen physique Étude de la mobilité passive : on recherchera une éventuelle limitation de l’élévation antérieure du membre supérieur, de la rétropulsion, de la rotation externe coude au corps (=RE1) et le bras porté à 90° d’abduction (=RE2), de l’abduction dans le plan de l’omoplate, de la rotation interne en demandant au patient de monter le plus haut possible sa main le long de sa colonne vertébrale. Les amplitudes retrouvées seront comparées au côté contro-latéral. Sa limitation témoignerait soit d’une affection dégénérative comme une omarthrose, soit d’une capsulite rétractile ! La mobilité active sera utilisée dans les mêmes plans que précédemment et là aussi comparée au côté controlatéral. Les signes cliniques de souffrance de la coiffe des rotateurs Déclenchement de douleurs à la palpation du suspra épineux en portant le bras en rétropulsion et en palpant la région juste en avant du bord antérieur de l’acromion La manœuvre de Neer : en portant le bras en élévation et rotation interne, on déclenche une douleur La manœuvre de Hawkins : le bras est porté à 90° d’élévation antérieure et l’examinateur imprime un mouvement en rotation interne qui déclenche une douleur La manœuvre de Yocum : le patient porte sa main sur l’épaule contro-latérale et on lui demande d’élever le coude le plus haut possible ce qui déclenche une douleur.

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PATHOLOGIE DE LA COIFFE DES ROTATEURS Professeur J.F. Kempf, CCOM Avenue Baumann 67400 ILLKIRCH

I. L’EXAMEN CLINIQUE PROGRAMMÉ DE L’ÉPAULE

L’inspection

Elle recherchera une déformation du moignon de l’épaule, une amyotrophie.

L’examen physique

Étude de la mobilité passive : on recherchera une éventuelle limitation de l’élévation antérieure

du membre supérieur, de la rétropulsion, de la rotation externe coude au corps (=RE1) et le bras porté à 90° d’abduction (=RE2), de l’abduction dans le plan de l’omoplate, de la rotation interne en

demandant au patient de monter le plus haut possible sa main le long de sa colonne vertébrale. Les amplitudes retrouvées seront comparées au côté contro-latéral.

Sa limitation témoignerait soit d’une affection dégénérative comme une omarthrose, soit d’une

capsulite rétractile !

La mobilité active sera utilisée dans les mêmes plans que précédemment et là aussi comparée au

côté controlatéral.

Les signes cliniques de souffrance de la coiffe des rotateurs

Déclenchement de douleurs à la palpation du suspra épineux en portant le bras en rétropulsion et en palpant la région juste en avant du bord antérieur de l’acromion

La manœuvre de Neer : en portant le bras en élévation et rotation interne, on déclenche une douleur

La manœuvre de Hawkins : le bras est porté à 90° d’élévation antérieure et l’examinateur imprime un mouvement en rotation interne qui déclenche une douleur

La manœuvre de Yocum : le patient porte sa main sur l’épaule contro-latérale et on lui demande d’élever le coude le plus haut possible ce qui déclenche une douleur.

Ces trois signes lorsqu’ils sont positifs témoignent d’une souffrance de la coiffe des rotateurs qu’il y

ait rupture ou non.

Les signes cliniques de rupture de la coiffe des rotateurs sont :

La manœuvre de Jobe : on demande au patient de faire une élévation dans le plan de l’omoplate c’est-à-dire à 30° d’antépulsion et ceci contre-résistance en comparant du côté contro-latéral. Un

déficit de la force et spécifique d’une rupture du supra épineux,

Rupture de l’infra épineux : on demande au patient de faire une rotation externe coude au corps

contre-résistance (RE1) ou encore de faire la même rotation externe à 90° d’abduction (RE2) : un déficit témoigne d’une atteinte infra épineux et/ou du petit rond,

Atteinte du subscapulaire : le teste de Gerber : on demande au patient de mettre la main

dans le dos le plus haut possible puis de décoller le dos de sa main de son dos : en cas d’impossibilité d’effectuer une rotation interne le test est positif et témoigne d’une rupture du sous scapulaire. Si cette manœuvre est trop douloureuse, on peut réaliser le Press Belly test :On

demande au patient de mettre la main sur le ventre et de porter vers l’avant son coude : s’il ne peut le faire, cela témoigne d’une rupture du sous scapulaire.

II. LES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES

Ceux-ci seront dictés par l’examen clinique. Des radiographies standard sont toujours nécessaires :

une face de l’épaule le bras en rotation neutre puis en rotation interne et en rotation externe, un profil axillaire et un profil de l’omoplate appelé profil de Lamy. Une imagerie plus sophistiquée sera indiquée la plupart du temps : arthroscanner ou IRM.

III. LA CLASSIFICATION DE LA PATHOLOGIE DE LA COIFFE DES ROTATEURS

La coiffe des rotateurs est constituée du tendon du supra spinatus, de l’infra spinatus et du

tersminor en arrière, et du subscapulaire en avant. Entre le supra spinatus et le sous scapulaire chemine le chef long du biceps qui peut être le siège lui aussi d’une pathologie.

Les calcifications

Les tendinopathies non calcifiées et non rompues de la coiffe des rotateurs

Les ruptures partielles ou complète de la coiffe des rotateurs

Les tendinopathies du long biceps.

Les calcifications de la coiffe des rotateurs

Elles sont représentées par un dépôt calcique au sein de l’un des tendons de la coiffe des rotateurs,

le supra épineux étant de loin le plus souvent touché.

Il s’agit d’une pathologie bénigne susceptible de cicatriser et dont l’histoire naturelle aboutie dans l’immense majorité des cas à la résorption et à la guérison spontanée.

Sur le plan clinique, le patient peu se plaindre de douleurs chroniques de son épaule de siège plutôt antérieur ou externe. Toutes les manœuvres de conflit sont positives à l’examen clinique, mais il

n’y a pas de signe témoignant d’une rupture (manœuvre de Jobe par exemple).

Ces calcifications touchent plutôt les femmes que les hommes, entre 40 et 50 ans.

Le diagnostic repose sur la radiographie standard qui objective le dépôt calcique.

L’autre tableau clinique beaucoup plus expressif est la crise hyper algique de l’épaule : il s’agit d’une douleur lancinante, insomniante, résistant volontiers médical. Cette crise hyper algique

correspond la plupart du temps à la libération dans la bourse sous acromiale de cristaux calciques qui déclenchent une bursite micro cristalline.

En pratique, devant ces douleurs souvent sévères, il faut expliquer au patient qu’une phase de

résorption est entrain de se produire pouvant amener à la guérison, demander un bilan radiographique qui pourra montrer un aspect “floconneux” typique de cette phase et traiter par AINS et antalgiques aussi puissants que nécessaire.

Le traitement est avant tout médical, mise aux repos, anti-inflammatoires, glace et éventuellement

une infiltration sous acromiale d’un mélange d’anesthésique local et de corticoïde. Ces infiltrations

seront au mieux pratiquées sous contrôle scopique ou échographique.

Le traitement chirurgical n’est indiqué que chez les patients résistants au traitement médical et

dont la pathologie évolue depuis plus de 6 mois. Il repose à l’heure actuelle sur l’exérèse endoscopique de la calcification.

Les tendinopathies non rompues et non calcifiées de la coiffe des rotateurs

Parfaitement décrites par Neer en 1972, elles sont très souvent appelées épaules douloureuses par

conflit sous acromial.

En réalité, la souffrance tendineuse chronique du supra épineux s’explique par 4 causes qui

interviennent à des degrés variables :

Une cause vasculaire : on sait depuis longtemps que la portion terminale du sus épineux est

une zone mal vascularisée et particulièrement fragile,

Une cause dégénérative : le vieillissement normal des tendons de cette articulation

particulièrement sollicitée,

Une cause traumatique qu’il s’agisse d’un traumatisme vrai ou d’une surcharge tendineuse par hyper utilisation de l’épaule chez les sportifs ou chez certains travailleurs manuels,

Une cause mécanique et anatomique : c’est-à-dire le conflit entre le supraspinatus et la voûte ostéo-ligamentaire acromio-coracoïdienne c’est-à-dire le bord antérieur de l’acromion et le

ligament acromio-coracoïdien.

Sur le plan clinique, ces patients présentent une douleur chronique survenant à l’usage de leurs

membres supérieurs mais aussi au repos voir la nuit. Tous les signes de conflit sont positifs, mais il n’y a pas de signe de rupture de la coiffe des rotateurs. La radiographie standard permet surtout d’analyser la forme de l’acromion et d’objectiver sur le profil de Lamy un acromion courbé voir crochu, agressif pour la coiffe sous jacente.

A priori, il n’est pas nécessaire de demander une imagerie complémentaire à moins que l’on ne

craigne une rupture.

Sur le plan thérapeutique, un traitement médical s’impose pendant au moins 6 mois. Il

comportera un traitement anti-inflammatoire, 2 ou 3 infiltrations en sous acromial, la mise au repos de l’articulation et enfin une kinésithérapie spécialisée pour apprendre au patient à éviter le

conflit entre sa coiffe et la voûte osseuse sus jacente par le travail des muscles abaisseurs de l’épaule permettant le recentrage de la tête humérale.

Si ce traitement n’est pas suffisant, il est alors indiqué de proposer au patient une acromioplastie sous arthroscopie. Cette technique consiste à aplanir à l’aide d’une fraise motorisée l’acromion et de supprimer sa forme courbe agressive pour le tendon et d’autre part à section le ligament

acromio-coracoïdien.

Les ruptures de la coiffe des rotateurs

Il peut s’agir de ruptures partielles ou complètes.

Les ruptures partielles de la coiffe des rotateurs, peuvent porter sur la face superficielle, boursale de l’infra épineux, sur sa face profonde, articulaire ou encore être de siège intra-

tendineux.

Le tableau clinique est très proche du conflit sous acromial sans rupture décrit précédemment. L’imagerie peut là être utile : arthroscanner qui permettra de retrouver une rupture de la face

profonde sous la forme d’une petite image d’addition du produit de contraste mais sans passage de celui-ci dans la bourse sous acromial ou encore IRM qui objectivera la lésion soit superficielle soit profonde soit intra-tendineuse.

Le traitement repose sur le même schéma thérapeutique que précédemment : traitement médical et en cas d’échec acromioplastie sous arthroscopie. Dans certains cas, si la rupture partielle est

étendue, supérieure à 50% de l’épaisseur tendineuse, il sera réalisé une résection suture.

Les ruptures complètes de la coiffe des rotateurs

Par définition, ces lésions entraînent des signes déficitaires c’est-à-dire qu’en fonction du tendon

atteint, l’un ou plusieurs des signes précédemment décrits (manœuvre de Jobe, rotation externe contrariée, manœuvre de Gerber) seront positifs.

Cette épaule douloureuse doit alors être explorée par une imagerie complémentaire : arthroscanner ou IRM.

L’arthroscanner ou l’arthro-IRM permettra parfaitement d’analyser le siège de la rupture : supra

spinatus, infra spinatus, teres-minor, sous scapulaire.

Mais il permettra aussi d’analyser le degré de rétraction du tendon :

Celui-ci peut être proche de son insertion sur le trochiter : il s’agit d’une rupture distale, (stade I de Bernageau),

Moignon tendineux à l’apex de la tête humérale : il s’agit d’une rupture intermédiaire (stade II de Bernageau)

Et enfin moignon, tendineux à l’aplomb de la glène : il s’agit d’une rupture rétractée stade III de

Bernageau.

Dégénérescence graisseuse stade IV du muscle Subscapulaire : prédominance de graisse (en

noir) / muscle (en gris) :

L’arthroscanner permettra aussi d’analyser la trophicité musculaire en recherchant une infiltration

graisseuse qui se traduit par une zone noire au sein du muscle qui est gris. Plus l’infiltration graisseuse est importante plus le muscle est de mauvaise qualité et moins il est susceptible de récupérer si on décide de réparer la coiffe des rotateurs.

Le traitement clinique dépens énormément de l’âge du patient, de sa demande fonctionnelle, de

sa motivation et de la trophicité tendineuse et musculaire.

Schématiquement, un traitement médical sera plus volontiers proposé à un patient âgé (de plus de

65 ans), à faible demande fonctionnelle et ce d’autant plus que les lésions sont évoluées avec rétraction, atrophie tendineuse ou dégénérescence musculaire. En cas d’échec, une acropioplastie

avec ténotomie du Chef Long du Biceps pourra être proposée.

À l’opposé, plus le patient est jeune, plus la lésion est récente, avec un moignon tendineux de

bonne qualité, une faible dégénérescence graisseuse et une faible rétraction, plus on sera enclin à proposer une réparation chirurgicale arthroscopique de cette rupture. Il est actuellement prouvé,

toutes choses égales par ailleurs, que la réparation d’une rupture de la coiffe des rotateurs donnera de meilleurs résultats que l’abstention chirurgicale ou l’acromioplastie.

Néanmoins, cette intervention chirurgicale a des suites plus longues, et n’a de bonnes chances de

succès que si les conditions anatomiques locales sont satisfaisantes (trophicité tendineuse, dégénérescence graisseuse, rétraction faible).

Les tendinopathies du Chef Long du Biceps

On évoque ce diagnostic devant des douleurs souvent importantes exacerbées par la palpation de

la gouttière bicipitale ou encore lors de la manœuvre du Palm up test : on demande au patient de

porter son bras en rotation externe élévation antérieure contre-résistance ce qui déclenche une douleur antérieure. Le biceps peut alors être le siège soit d’une inflammation (téno-synovite) soit d’une pathologie dégénérative, plus volontiers rencontrée lorsqu’il existe une rupture associée de la

coiffe des rotateurs.

La douleur nocturne est fréquemment présente.

Le traitement médical prime en cas de téno-synovite du long biceps et comportera une ou plusieurs

infiltrations, si possible radio ou écho guidées.

Lorsque cette pathologie du long biceps survient dans le contexte d’une rupture de la coiffe des

rotateurs, un traitement chirurgical est préférable : la ténotomie du long biceps ou la ténodèse de celui-ci dans la gouttière bicipitale, a un effet antalgique remarquable.

Iv. LES POINTS IMPORTANTS

L’épaule douloureuse est une situation clinique fréquente qui la plupart du temps peut-être

analysée par un examen clinique standardisé et un bon interrogatoire.