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Jérémy Stauffacher Droit des Successions Droit des Successions 1. Cours du 18 septembre 2012 Partie 1. Introduction §1. Notions, fondements, sources Le droit des successions (ou droit successoral) est la partie du droit privé qui s’occupent du transfert à une ou plusieurs personnes physiques ou morales des droits et des obligations (souvent pécuniaires) d’une personne décédée. Le but est donc de régler le sort du patrimoine d’une personne à son décès. La personnalité finit par la mort : l’être humain perd la capacité d’être sujet de droits et d’obligations. Certains et certaines prennent fin, mais d’autres sont simplement transféré(e)s (changement de titulaire) : ils peuvent notamment être transmis aux successeurs du défunt. Le droit des successions est la partie du droit privé en vertu de laquelle les droits et obligations d’une personne décédée passent à une ou plusieurs personnes physiques ou morales. Le but du droit des successions est de régler le sort du patrimoine d’une personne au moment de son décès. Au sens objectif, le droit des successions (tel que décrit ci-dessus) doit être distingué des droits de succession, qui sont les droits subjectifs privés conférés à certaines personnes (successeurs en particulier). Dans le CC (source principale : art. 457- IUR III 2012-2013 1

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Jérémy Stauffacher Droit des Successions

Droit des Successions

1. Cours du 18 septembre 2012

Partie 1. Introduction

§1. Notions, fondements, sources

Le droit des successions (ou droit successoral) est la partie du droit privé qui

s’occupent du transfert à une ou plusieurs personnes physiques ou morales

des droits et des obligations (souvent pécuniaires) d’une personne décédée.

Le but est donc de régler le sort du patrimoine d’une personne à son décès.

La personnalité finit par la mort : l’être humain perd la capacité d’être sujet de

droits et d’obligations. Certains et certaines prennent fin, mais d’autres sont

simplement transféré(e)s (changement de titulaire) : ils peuvent notamment

être transmis aux successeurs du défunt. Le droit des successions est la

partie du droit privé en vertu de laquelle les droits et obligations d’une

personne décédée passent à une ou plusieurs personnes physiques ou

morales. Le but du droit des successions est de régler le sort du patrimoine

d’une personne au moment de son décès.

Au sens objectif, le droit des successions (tel que décrit ci-dessus) doit être

distingué des droits de succession, qui sont les droits subjectifs privés

conférés à certaines personnes (successeurs en particulier). Dans le CC

(source principale : art. 457-650 CC), les successions prennent place entre le

droit de la famille et les droits réels. Il s’agit en effet d’un prolongement du

droit de la famille (successeurs choisis en fonction des liens familiaux) et d’un

élément essentiel de la propriété privée (transmission de biens). Il existe donc

un double fondement (familial et économique) qui permet d’expliquer

l’implantation du droit des successions dans les ordres juridiques nationaux.

En ce qui concerne les sources du droit des successions, on retiendra bien

entendu les art. 457-650 CC qui forment le titre troisième du Code civil. On

peut mentionner comme sources accessoires dans le CC les art. suivants :

31 ss (fin de la personnalité), 39 al. 2 ch. 1 (enregistrement des décès), 109

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et 120 al. 2 (effets de l’annulation du mariage et du divorce), 204 ss et 236 ss

(liquidation du régime matrimonial). En outre, on trouve dans le CO quelques

règles relatives à l’influence de la mort sur certains rapports juridiques. De

même, il existe un certain nombre de lois fédérales pertinentes : la LDFR (loi

sur le droit foncier rural, art. 11-35), la LPart (loi sur le partenariat enregistré,

art. 1 ss) ou encore la LFors (loi sur les fors, art. 18). Enfin, au niveau

cantonal, les règles se trouvent la plupart du temps dans les lois d’application

du CC (abstraction faite des dispositions sur les impôts successoraux).

Le droit des successions règle le sort du patrimoine transmissible (au

contraire de certains éléments intransmissibles, comme certains droits : droits

d’usufruit, servitudes personnelles proprement dites, rentes, etc.) d’une

personne physique (le système pour les personnes morales est différent) au

décès de celle-ci. Le droit des successions ne concerne donc pas les

questions liées au moment de la mort, au droit de mourir (aide au suicide) ou

au sort du cadavre (géré par le droit administratif). En outre, les proches sont

protégés dans leur sentiment par rapport au défunt, d’où la question des

oppositions de la famille du défunt par rapport à différents actes (liés à la

police, aux enquêtes, aux autopsies).

En matière de succession, le défunt est appelé le de cuius (is de cuius

successione agitur : celui dont la succession est en discussion). Le droit des

successions amènent une idée de continuité : les personnes changent mais

les droits subsistent (les dettes également). Les survivants récupèrent le

patrimoine du de cuius. En Suisse, 30 milliards de francs sont concernés par

le système des successions (2,5% du PNB national). Sans droit des

successions, toute la vie économique serait affectée : en effet, les dettes

seraient éteintes à la mort des personnes (physiques et morales). De ce fait,

les transactions seraient risquées, le paiement étant toujours subordonné à la

vie des personnes. De même, le sort des biens des personnes poserait

problème : à la mort de celles-ci, leurs biens deviendraient « sans maître » et

seraient donc certainement occupés par les premiers arrivés, par les plus

riches ou les plus puissants. On pourrait envisager que l’État récupère

automatiquement les biens des défunts mais dans ce cas, les achats à long

terme n’auraient plus aucun intérêt.

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Enfin, il faut tout de même préciser que même si le droit des successions

intervient matériellement au décès d’une personne, ses règles exerceront tout

de même une influence durant la vie des gens et ce en fonction des

conséquences successorales de chaque acte (mariage, filiation, adoption ou

autres). Le régime matrimonial joue ainsi un rôle central en matière de droit

des successions (questions de liquidation).

§2. Principes fondamentaux

En droit des successions, il existe 6 grands principes généraux :

- Le principe de l’unité de la succession : le sort du patrimoine du de

cuius fait l’objet d’un régime juridique unique qui s’étend à l’ensemble

des actifs et passifs, peu importe leur nature ou leur origine. La mort

d’une personne n’ouvre donc qu’une seule succession.

- Le principe de la succession universelle : le droit des successions est

régi par le principe de la succession universelle : l’ensemble des actifs

et des passifs du de cuius passent, du seul fait de la mort de ce

dernier, à ses héritiers (art. 560 al. 1). L’héritier est donc le successeur

universel du de cuius, il succède seul ou avec ses cohéritiers et répond

aussi des dettes de celui-ci. Dès lors, il n’y a pas de succession à titre

particulier pour cause de mort : aucun bien ne passent directement du

de cuius à un successeur à titre particulier. La loi offre tout de même la

possibilité de transmettre un ou plusieurs biens à une personne sans

que celle-ci ne réponde des dettes (legs, art. 484 al. 1-2 CC). Malgré

tout, le légataire ne succède pas directement et ne bénéficie que d’une

créance (créance contre les héritiers en délivrance de son legs, art.

562 al. 1). Ainsi, l’acquisition par le légataire s’effectue dans le cadre

de la succession universelle et n’est qu’indirecte. Par souci de

simplification, on dit souvent que le légataire est un successeur à titre

particulier. Il faut en tous cas se souvenir qu’il ne reçoit que certains

actifs et qu’il ne répond pas des dettes.

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- Le principe de la saisine des héritiers : les héritiers acquièrent la

succession de plein droit dès que celle-ci est ouverte (art. 560 al. 1) : le

mort saisit le vif, son hoir le plus proche. L’acquisition par les héritiers

présente donc les deux caractéristiques suivantes :

o Elle se produit immédiatement à l’ouverture de la succession (à

la mort du de cuius, art. 537 al. 1). Il y a donc continuité dans la

titularité des droits et des obligations (de cuius – héritiers).

o Elle se produit de plein droit : l’héritier devient ipso iure titulaire

des droits et des obligations du de cuius (même s’il ignore le

décès). L’acquisition ne dépend donc pas d’un acte positif

d’acceptation (sous certaines exceptions).

Le légataire, au contraire, n’acquiert pas de plein droit les biens

légués : ils passent d’abord aux héritiers qui sont alors chargés de

remettre le legs à son bénéficiaire, selon les règles ordinaires du

transfert entre vifs à titre particulier.

- Le principe de la nécessité de la succession universelle : nul ne meurt

sans héritier. S’il n’y a aucun héritier, c’est la collectivité publique qui

hérite (art. 457-460). Le principe de succession universelle est de droit

impératif, le de cuius ne peut donc pas exclure toute succession. Si

tous les héritiers répudient la succession, celle-ci est liquidée par

l’office des faillites (art. 573 al. 1). Si un solde subsiste, celui-ci revient

aux héritiers, comme si la répudiation n’avait pas existé.

- Le principe de la communauté héréditaire : lorsque le de cuius laisse

plusieurs héritiers, ceux-ci acquièrent ensemble l’universalité de la

succession et forment alors, de par la loi, une communauté héréditaire

(hoirie, communauté en main commune, art. 602 CC). Pour que

chacun devienne propriétaire individuel, il faut alors procéder à une

nouvelle opération : le partage de la succession (art. 604 ss CC),

fonctionnant selon les règles ordinaires des transferts entre vifs

propres à chaque catégorie de biens (inscription au RF, transfert de

possession, cession écrite de créances et autres). Si, au contraire, il ne

laisse qu’un seul héritier, celui-ci devient ipso iure titulaire des droits du

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défunt. Dès lors, sauf processus diverses (mise à jour du RF), aucune

démarches n’est nécessaire au transfert des biens successoraux.

- Le principe de la responsabilité personnelle et solidaire des héritiers :

les héritiers répondent non seulement sur l’actif successoral mais

également sur leurs propres biens (art. 560 al. 2). Entre eux, ils

assument une responsabilité solidaire (art. 603 al. 1) : chacun peut être

recherché pour tout ou partie de la dette, quitte à se retourner ensuite

contre ses cohéritiers s’il a payé plus que sa part (art. 143 ss CO).

L’acquisition de la succession n’est donc pas toujours sans risque. De

ce fait, il existe divers moyens de se protéger : l’héritier peut ainsi

refuser la succession par répudiation (art. 566 ss CC). Il renonce dès

lors aux actifs successoraux mais se libère également de toute

responsabilité. Il peut aussi demander l’établissement d’un inventaire

des actifs et des passifs et n’accepter ensuite la succession que sous

bénéfice d’inventaire (il ne répond alors que des dettes inventoriées,

art. 580 ss CC). Enfin, s’il souhaite limiter sa responsabilité aux actifs

successoraux, il peut aussi demander la liquidation officielle de la

succession. Dans ce cas, il ne répond plus personnellement des dettes

mais perd le contrôle de la liquidation successorale : il touchera sa part

de l’excédent actif s’il en existe un (art. 593 ss CC).

Partie 2. Vocation successorale

La première question concerne la vocation héréditaire (art. 457-536 CC). La

vocation héréditaire s’intéresse à l’identité et à la quantité. Les règles sur la

vocation successorale (art. 457-536 et 626-633 CC) permettent de déterminer

qui succède au de cuius et, s’il existe plusieurs successeurs, quelle partie du

patrimoine doit revenir à chacun (dévolution). Lorsqu’il existe plusieurs

héritiers (légaux ou volontaires), il faut définir la partie que chacun reçoit. Il

faut alors déterminer quelle fraction revient à chacun et ensuite donner une

valeur à ces parts en établissant le montant total (masse successorale). Il ne

s’agit pas de déterminer quels biens reviennent à qui (rôle de la dévolution

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successorale, règle sur le partage). Nous verrons ainsi la vocation légale puis

la vocation volontaire (la dévolution sera la seconde partie).

La transmission successorale suppose un titre (fait juridique en vertu duquel

la loi appelle une personne à succéder). Ce titre peut résulter de la loi, qui

attache à un état de fait le droit de succéder en tant qu’héritier légal (art. 457-

466 et 626-633) vocation successorale légale) ou d’une déclaration de

volonté du de cuius exprimée dans une disposition pour cause de mort

(testament ou pacte successorale ; art. 467-536) vocation successorale

volontaire). La VS reposant sur la loi (VSL, opposée à la VSV) concerne

toujours des successeurs universels : il n’existe aucun successeur particulier

légal (pas de légataire légal). Par contre, en matière de VSV, le de cuius peut

désigner des successeurs universels (héritiers institués) et des successeurs

particuliers (légataires), en fonction des biens dont il est question. Concernant

l’identité des successeurs, on peut établir les distinctions suivantes :

- Les héritiers ou successeurs universels (art. 560 CC) : ils succèdent de

plein droit (art. 560 al. 1-2) au défunt dans l’ensemble des droits et

obligations de celle-ci (art. 560 al. 1). C’est le principe de la saisine : le

mort saisit le vif, son hoir le plus proche. Cette distinction met en

œuvre un autre principe : l’unité de la succession : au décès d’une

personne, une seule succession est ouverte. Les héritiers forment

entre eux une hoirie et acquièrent la propriété en commun (propriété

commune, art. 602 CC). Enfin, les héritiers répondent personnellement

et solidairement des dettes (art. 560 al. 2 et 603 CC) : chaque héritier

répond pour toutes les dettes. Ainsi, le créancier d’une personne

décédée peut choisir n’importe quel héritier et exiger la totalité de la

somme. Naturellement, le dit héritier pourra ensuite agir à l’interne pour

rééquilibrer ce qu’il a payé (règles de la solidarité).

- Les légataires ou successeurs particuliers : au contraire des héritiers,

ils ne succèdent que dans certains droits (à titre particulier, que pour

certains actifs déterminés) et ne répondent pas des dettes. Le légataire

n’a donc pas le souci de savoir si la succession est déficitaire ou non

puisqu’il n’engage pas son propre patrimoine. Le légataire n’est en fait

pas un successeur du de cuius, il n’a qu’une créance contre le ou les

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héritier(s). En réalité, les légataires sont des successeurs entre vifs des

héritiers (succession à travers les héritiers).

De même, une deuxième distinction, complétant la première peut être faite

(les 4 types d’héritiers peuvent être combinés) :

- Les successeurs légaux (héritiers légaux, art. 457-466) : en principe, il

s’agit des proches du de cuius (y compris le conjoint ou le partenaire

enregistré) ou de la collectivité publique (cantons ou communes en cas

d’absence d’autres héritiers légaux). En droit suisse, nul ne meurt sans

héritier (principe de la nécessité de la succession universelle). Le

principe romain ereditas jacens n’est donc pas appliqué.

- Les successeurs institués (héritiers institués, légataires, art. 467-538) :

la vocation héréditaire est alors créée par le de cuius par le biais d’une

disposition pour cause de mort (instrument qui déploie ses effets au

moment de la mort de celui qui l’a rédigé). Il en existe deux formes :

o Les testaments (art. 498 ss) : ils sont unilatéraux, révocables

(le de cuius est libre de changer d’avis : on parle ainsi de

document de dernière volonté) et peuvent prendre trois formes :

olographes (écrits), publics (notaire) ou oraux (urgence).

o Les pactes successoraux (art. 512) : là encore, le de cuius

prend des dispositions en vue du décès mais de manière

bilatérale (contrat). Il s’engage donc vis-à-vis d’autrui. La forme

authentique qualifiée est requise pour les pactes successoraux.

Le de cuius ne peut alors plus changer d’avis seul.

En outre, il existe deux types de successeurs institués :

o Les héritiers institués : la relation entre les héritiers légaux et

institués est régie par l’art. 481 al. 2 : en principe les héritiers

institués l’emportent sur les héritiers légaux. La coexistence est

naturellement possible pour l’excédent. Le de cuius n’est

toutefois pas totalement libre (art. 481 al. 1, 470-471 CC) : le de

cuius peut disposer de sa quotité disponible, définie aux art. 470

et 471 CC, en respectant les réserves.

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o Les légataires : au contraire des héritiers institués, les légataires

ne répondent pas des dettes. Le legs consiste en l’attribution

d’un avantage patrimoniale et n’ouvre pas de succession

universelle : le légataire est un successeur particulier.

2. Cours du 25 septembre 2012

Une fois l’identité du successeur précisée, il s’agit de déterminer la part de

chacun. On se demande ainsi quelle est la masse de biens transmissibles et

quelle part de cette masse revient à chaque successeur (s’il y en a plusieurs

naturellement). Premier principe, la masse des biens transmissibles

comprend uniquement les actifs et les passifs du de cuius.

A la mort d’une personne, divers éléments se produisent, notamment la

naissance de certains droits pour les survivants. L’AVS fournira ainsi parfois

une rente de survivant mais il ne s’agit pas d’un droit hérité (1er pilier). Il en va

de même pour le 2ème pilier (prévoyance professionnelle), les survivants

n’héritent pas du de cuius, il s’agit d’une prestation de nature sociale, payée

par les cotisations de chacun. Il faut en outre distinguer ce que le conjoint

reçoit dans la succession et ce qu’il reçoit de par la liquidation du régime

matrimonial. En effet, il faut liquider le régime matrimonial avant de liquider la

succession. Le conjoint reçoit donc d’abord à titre matrimonial puis après à

titre successoral. Cela dépend du statut des époux quant à leurs biens

(communauté formée par les époux sur le plan patrimonial). La logique du

droit matrimonial doit tenir compte de la communauté alors que du point de

vue successoral on prend en compte les conséquences du décès.

Par défaut, si les époux n’ont rien prévu d’autres, le régime est celui de la

participation aux acquêts. Ce régime répartit les biens de chaque époux en

deux masses, deux patrimoines distincts : les biens propres et les acquêts.

Les biens propres sont ce que chacun apporte au mariage ou ce que chacun

reçoit à titre gratuit durant le mariage. Les acquêts sont ce que chaque époux

acquiert à titre onéreux durant le mariage. Pour tenir compte de la

communauté, les acquêts sont partagés par moitié, chaque époux ayant droit

à la moitié des acquêts de l’autre. Les époux restent par contre propriétaires

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de leurs biens propres. Dans ce système, il n’y a donc aucun partage des

biens durant le mariage (chaque époux reste propriétaire de ses biens

pendant la durée du mariage) mais seulement un partage des acquêts en cas

de dissolution du mariage (pour n’importe quelle cause : divorce, mort,

déclaration d’absence).

Pour les partenaires enregistrés, traités comme des conjoints, le régime

partenarial doit lui-aussi être liquidé avant la succession. L’opération est alors

beaucoup plus simple car les partenaires sont soumis à un régime ordinaire

ne prévoyant aucun partage (sorte de séparation de biens). Il n’y a rien à

partager, les partenaires restant propriétaire de leurs biens.

Deuxième principe, la masse successorale ne comprend que les droits et les

obligations transmissibles. En principe, ce qui est pécuniaire (estimable en

argent) est transmissible. Au contraire, ce qui n’a pas de valeur patrimoniale

ne peut être transmis (droits de la personnalité par exemple). Il existe bien

entendu des exceptions, pour la première catégorie : l’usufruit s’éteint au

décès de l’usufruitier ; certains contrats, comme le mandat, basé sur une

relation de confiance, prennent fin au décès de l’une des parties ; les

créances d’entretien prennent fin au décès du débiteur.

Troisième principe, la masse successorale ne prend en compte que les biens

du de cuius à son décès. Ce principe souffre toutefois un certain nombre

d’exceptions. En effet, imaginons le cas d’un de cuius veuf ayant trois enfants

et un patrimoine de 600'000 francs. L’un de enfants souhaitent construire une

maison et le père décide alors de faire un avancement d’hoirie de 150'000

francs. Au décès, si rien n’a changé, le patrimoine du père sera de 450'000

francs, tout en tenant compte des 150'000 francs de l’avance d’hoirie. On

tiendra ainsi compte de biens qui ne sont plus propriétés du de cuius. La

masse successorale doit être reconstruite à hauteur de 600'000 francs.

L’enfant ayant touché l’avance ne recevra que les 50'000 francs restants de

sa part successorale (200'000 francs chacun).

Quatrième principe, les dettes (du de cuius et de la succession) doivent être

déduites, payées ou attribuées à un héritier. Ces dettes vont donc diminuer la

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masse à partager. Les dettes de la succession peuvent également naître

après la mort du de cuius (frais liés aux obsèques).

La masse successorale comprend donc les biens extants (biens

transmissibles du de cuius), certaines libéralités entre vifs, les dettes du de

cuius et les dettes de la succession.

3. Cours du 2 octobre 2012

Titre 1. Vocation légale

En l’absence de dispositions pour cause de mort désignant qui sont les

héritiers, c’est la loi qui détermine quels sont les héritiers légaux du de cuius.

Il n’y a dès lors pas d’héritiers institués ou de légataires. Ainsi, les règles sur

la vocation (successorale) légale (V(S)L) ont valeur de droit dispositif

(art. 457-466 CC). Le premier chapitre concernant la vocation légale

concernera les principes qui régissent la désignation des héritiers légaux et la

fraction de la succession qui revient à chacun. Dans un deuxième temps, il

s’agira de préciser comment est calculée la masse successorale.

Chapitre 1. Les héritiers légaux

Les héritiers légaux sont en général les proches du de cuius (lien étroit de

parenté). Il s’agit ainsi souvent du conjoint (art. 462 CC) ou des parents (art.

457-460). A titre subsidiaire, il s’agira de la collectivité publique (cantons et

communes, art. 466). Nous allons donc voir les trois héritiers légaux : parents,

conjoints et partenaires enregistrés et collectivité publique.

§3. Les parents

Avant de présenter les trois parentèles (parents : descendants, pères et

mères et grands-parents), il convient de préciser un certain nombre de

principes et d’informations générales :

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Jérémy Stauffacher Droit des Successions

- La notion de parentèle (1.1) : une parentèle consiste en l’ensemble des

personnes qui descendent d’un auteur communs, y compris s’il vit

encore. La définition dépend donc d’une personne déterminée, autour

de laquelle gravite l’ensemble des descendants. Le CC utilise le terme

de parentèle dans un sens particulier en regroupant les parentèles de

la mère et du père et celles des 4 grands-parents. Il existe de ce fait

trois parentèles : la P des descendants (ensemble des enfants, petits-

enfants et arrière-petits-enfants du de cuius), la P des père et mère

(père, mère, frères, sœurs, neveux et nièces du de cuius) et la

parentèle des grands-parents (quatre grands-parents, oncles, tantes,

cousins et cousines du de cuius). Les liens entre les membres d’une

parentèle doit être un lien juridique de filiation au sens des art. 252 ss

(lien biologique ou adoptif). Ainsi, une descendance biologique qui

n’est pas établie juridiquement n’est pas suffisante : un enfant né hors

mariage et dont la filiation paternelle n’a pas été établie (ni

reconnaissance, ni jugement) n’hérite pas de son père biologique. Il

faut en outre distinguer la parentèle :

o De la souche : la souche est le groupe particulier que forment, à

l’intérieur d’une parentèle, une personne et ses descendants.

o De la ligne : la ligne est le groupe particulier que forment, à

l’intérieur de la deuxième et respectivement de la troisième

parentèle, le père et ses descendants d’une part, et la mère et

ses descendants d’autres part (respectivement chacun des

grands-parents et de ses descendants).

- Les principes régissant le système des parentèles : le système des

parentèles (détermination des héritiers légaux parmi l’ensemble des

parents) est régi par les 6 principes suivants :

o Limitation de la succession à 3 parentèles : seuls les membres

des trois parentèles listées ci-dessus peuvent être héritiers

légaux. Faute de membres dans ces trois parentèles et si le de

cuius ne laisse pas de conjoint, la succession passe à la

corporation publique (art. 466 CC).

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o Priorité d’une parentèle sur la suivante : la première parentèle

l’emporte sur la suivante et la deuxième sur la troisième. S’il y a

un ou plusieurs membres dans la première P, il(s) hérite(nt)

seul(s) à l’exclusion des membres de la deuxième et de la

troisième P (art. 457 al. 1, 458 al. 1 et 459 al. 1). La priorité

d’une parentèle sur la suivante est absolue : un concours entre

les membres de parentèles différentes est impossible (concours

impossible entre un oncle et un neveu par exemple).

o Partage par lignes à l’intérieur des deuxièmes et troisièmes

parentèles (1.2) : dès que la succession parvient aux P2 et 3,

elle se partage en deux moitiés : l’une pour la ligne maternelle et

l’autre pour la ligne paternelle. Ce n’est que s’il n’y a aucun

membre dans une ligne que les membres de l’autre reçoivent

l’entier de la succession (art. 458 al. 4 et 459 al. 5). Le même

système s’applique à l’intérieur de la P3 : la succession est

partagée en deux moitiés pour chacune des lignes. Il y a donc

au final un quart pour chacune des lignes (art. 459 al. 4 CC).

o Priorité de l’ascendant vivant sur ses descendants : à l’intérieur

de la P, l’ascendant vivant hérite et exclut ses propres

descendants. Ainsi, si dans la première parentèle un des fils du

de cuius est vivant, il hérite et exclut ses propres enfants. Le

moment déterminant pour juger si un parent est ou non héritier

est celui de l’ouverture de la succession.

o Représentation de l’ascendant prédécédé par ses descendants :

lorsqu’un ascendant est prédécédé, il est représenté par ses

descendants (art. 457 al. 3, 458 al. 3 et 459 al. 3). Ce type de

représentation successorale nécessite quatre précisions :

Les descendants acquièrent la succession en vertu d’un

droit propre (iure proprio). Il s’agit en fait plus d’un droit

d’intervention ou de substitution. En effet, les héritiers

descendants ne tiennent pas leur vocation héréditaire de

leur ascendants : ils auraient pu hériter même si

l’ascendant prédécédé n’avait lui-même pas été héritier.

IUR III 2012-2013 12

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Jérémy Stauffacher Droit des Successions

Le terme descendant n’est également pas tout à fait

correct. Il s’agit en fait des enfants de la personne

prédécédée. De ce fait, les enfants vivants excluent leurs

propres descendants (leurs propres enfants).

Le droit d’intervention ne se limite pas à l’hypothèse du

prédécès, il s’applique également lorsque la personne est

écartée de la succession suite à une exhérédation

(art. 478 al. 2-3), suite à son indignité (art. 541) ou suite à

une répudiation (art. 572 al. 1).

Dans deux cas particuliers, la cause écartant une

personne de la succession exclut également les

descendants de cette personne : lorsqu’un héritier

potentiel renonce volontairement à la succession par

pacte successoral (art. 495 al. 3, sous réserve de la

clause contraire) et lorsque tous les héritiers du rang le

plus proche ont répudié la succession (art. 573).

o Partage par souche à égalité de droit (1.3) : à l’intérieur de la

parentèle (ou de la ligne), le partage se fait par souche (art. 457

al. 3, 458 al. 3 et 459 al. 3). Chaque souche a un droit égal à la

succession (principe d’égalité). En outre, à l’intérieur de la

souche, le prédécès d’un membre accroît la part des autres

(principe d’accroissement). Le partage se fait par souche à tous

les degrés. S’il est vivant, le chef d’une souche a la priorité sur

ses descendants : la souche n’est alors présente dans la

succession que par une seule personne (partage par tête, art.

457 al. 2, 458 al. 2, 459 al. 2). Le partage par tête doit être

compris comme un cas particulier de partage par souche.

- Les cas particuliers de la demi et de la double-parenté : les six

principes ci-dessus s’appliquent également aux demi-parents (1.4-1.5),

mais ceux-ci n’héritent que dans la parentèle qu’ils ont en commun

avec le de cuius. Les demi-parents sont des collatéraux qui n’ont qu’un

seul ascendant commun (demi-frère ou demi-sœur par exemple), à la

différence des collatéraux germains qui ont deux ascendants communs

IUR III 2012-2013 13

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Jérémy Stauffacher Droit des Successions

(mêmes père et mère ou mêmes grands-parents). On dit qu’ils sont

consanguins s’ils ont le même ascendant paternel (père ou grand-

père) et qu’ils sont utérins s’ils ont le même ascendant maternel (mère

ou grand-mère). De même, dans de rares cas, il peut arriver qu’une

personne appartienne à deux souches descendant du de cuius : elle a

alors une double vocation successorale (1.6). Il s’agit de cas

exceptionnels, où une personne marie son cousin ou sa cousine.

Il s’agit à présent de présenter les trois parentèles, formant les parents,

première catégorie d’héritiers légaux (parents : descendants, père et mère et

grands-parents), puis les principes de la succession du conjoint ou du

partenaire enregistré survivant (deuxième catégorie d’héritiers légaux) et enfin

la succession de la collectivité publique (troisième type d’héritier légal). La

parentèle des descendants (P1, 1.7) est la parentèle appelée à succéder en

premier (art. 457 al. 1 et 458 al. 1). Dès lors, pour autant qu’elle comprend un

membre vivant, elle exclut les autres parentèles (art. 458 al. 1 et 459 al. 1).

Elle est formée par les enfants vivants du de cuius, qui excluent leurs propres

descendants et succèdent par tête (art. 457 al. 2). Les enfants prédécédés

sont par contre représentés par leurs descendants, qui succèdent par souche

à tous les degrés (art. 457 al. 3).

La parentèle des père et mère (P2, 1.8.1 ; 1.8.2 ; 1.8.3) recueille la

succession lorsque le de cuius n’a pas de descendants vivants (art. 458 al. 1).

Si le père et la mère du de cuius sont vivants, ils succèdent par tête et

excluent leurs descendants (art. 458 al. 2). Si l’un d’eux est prédécédé, il est

représenté par ses descendants, qui succèdent par souche à tous les degrés

(art. 458 al. 3). A défaut de descendant, c’est la ligne de l’autre parent qui

hérite de l’ensemble des biens (art. 458 al. 4).

La parentèle des grands-parents (P3, 1.9.1 ; 1.9.2) est la dernière à recueillir

la succession (art. 460). Si elle ne comprend pas de membre vivant et qu’il n’y

a pas de conjoint survivant, la succession est dévolue à la corporation

IUR III 2012-2013 14

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publique (art. 466). La parentèle des grands-parents ne vient à la succession

que si les deux premières P ne comportement aucun membre (art. 459 al. 1)

et que s’il n’y a pas de conjoint survivant (art. 462 ch. 3). Si les 4 grands

parents sont vivants, ils succèdent par tête à parts égales et excluent leurs

descendants (art. 459 al. 2). Si l’un d’eux est prédécédé, il est représenté par

ses descendants (art. 459 al. 3). A défaut de descendant, la part du grand-

parent décédé revient à l’autre grand-parent ou à ses descendants

(art. 459 al. 4). S’il n’y a pas de représentant dans une ligne, toute la

succession revient à l’autre ligne (art. 459 al. 5).

4. Cours du 9 octobre 2012

§4. Le conjoint ou le partenaire enregistré survivant

Les droits de succession légaux sont quasiment tous fondés sur les liens

familiaux qui unissent les héritiers (sauf exception de la collectivité publique).

Le législateur n’a pas uniquement considéré les liens du sang mais a estimé

que le conjoint doit recevoir une partie de la succession et avoir la qualité

d’héritier. Les liens du de cuius avec le conjoint justifient qu’il l’emporte sur

des parents éloignés. De même, l’art. 462 confère au partenaire enregistré le

statut d’héritier, avec les mêmes droits que ceux du conjoint survivant. Le

principe est donc de ne pas imposer au conjoint ou au partenaire enregistré

survivant (CPES) une réduction excessive de ses ressources économiques. A

l’origine, les droits de succession du conjoint s’exprimaient sous la forme d’un

usufruit portant sur l’ensemble des ressources du de cuius. Toutefois, de

nombreux facteurs ont amené la refonte de ce système et le nouveau

système, mis en place dans la révision du CC de 1984. Le droit de

succession du CPES varie selon la P avec laquelle il est en concours :

- Concours avec la P1 : en concours avec les descendants, le CPES a

droit a la moitié de la succession (art. 462 ch. 1).

- Concours avec la P2 : en concours avec les père et mère, le CPES a

droit aux trois-quarts de la succession (art. 462 ch. 2).

IUR III 2012-2013 15

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- Concours avec la P3 : s’il n’y a aucun héritier P1 ou P2 (et donc

éventuellement des héritiers P3), le CPES a droit à toute la

succession : il l’emporte donc sur la troisième parentèle (grands-

parents) et sur la collectivité publique.

Ainsi, la présence d’un CPES modifie les droits des successions des parents.

Il faut donc calculer la part revenant au CPES avant de calculer les droits de

succession des parents (2.1.1 ; 2.1.2). La qualité de conjoint nécessite d’être

marié avec le de cuius au moment de l’ouverture de la succession. Ainsi, les

fiançailles ne créent pas de vocation légale, pas plus que le fait de vivre en

union libre. Il faut donc être déjà marié au moment de l’ouverture de la

succession. De même, il faut être encore marié à ce moment, peu importe

que les époux aient suspendu leur vie commune (art. 175 ss) ou qu’une

séparation de corps ait été prononcée par le juge (art. 117 ss). Ces situations,

qui peuvent avoir des effets sur le régime matrimonial, n’ont aucune influence

sur la VSL. En cas de divorce, le mariage est considéré comme dissous au

moment de l’entrée en force du jugement (à l’échéance du délai de recours

ordinaire). Ce n’est qu’à ce moment-là que les époux divorcés cessent d’être

héritiers légaux l’un de l’autre (art. 120 al. 2). En cas d’annulation du mariage,

l’art. 109 al. 1 réserve les droits successoraux du conjoint survivant : celui-ci

perd donc ses droits si le jugement annulant son mariage avec le de cuius

entre en force après l’ouverture de la succession (effet rétroactif en matière

de droits successoraux, exception de l’art. 109 al. 1 CC). Les principes

énoncés ci-dessus s’appliquent également au partenaire enregistré : celui-ci

est héritier légal si, au moment de l’ouverture de la succession, il est lié au de

cuius par un partenariat enregistré (art. 3 ss LPart), qui n’a pas été annulé

(art. 9 ss : 11 al. 2 LPart) ou dissous judiciairement (art. 29 ss : 31/35 LPart).

Les rapports entre régime matrimonial et droit de succession légal sont assez

importants. Le décès d’une personne mariée entraîne en effet la liquidation du

régime matrimonial (art. 204 al. 1 et 236 al. 1), en plus de l’ouverture de la

succession (art. 537 al. 1). Il faut alors toujours procéder à la liquidation du

régime matrimonial, l’époux décédé y étant représenté par l’ensemble de ses

héritiers. En d’autres termes, le patrimoine successoral du de cuius est

constitué des biens qui reviennent à celui-ci dans la liquidation du régime

IUR III 2012-2013 16

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matrimonial. Le conjoint survivant commence donc par recevoir à titre

matrimonial ce qui lui revient et participe ensuite à titre d’héritier à la

succession du de cuius dans laquelle il reçoit la part légale qui lui revient

(art. 462 CC).

Pour les partenaires enregistrés, le régime matrimonial correspond à une

séparation de biens (régime patrimonial légal subsidiaire, art. 18 ss LPart) : il

n’y a donc pas lieu de procéder à une liquidation de régime, chacun

conservant ses biens.

§5. La collectivité publique

Pour terminer avec ce chapitre sur les héritiers légaux, il convient de parler de

la collectivité publique. Si le de cuius ne laisse ni parents des P1-2-3, ni

CPES ou si ceux-ci ne recueillent pas la succession (indignité, exhérédation,

pacte de renonciation ou répudiation), c’est la corporation publique qui hérite

(art. 466 ; nul ne meurt sans héritier). Selon l’art. 466, c’est en principe le

canton du dernier domicile du défunt qui hérite. Ce canton peut également

désigner une ou plusieurs commune(s) héritière(s). La corporation publique

succède de plein droit au de cuius, dans ses actifs comme dans ses passifs

(art. 560 al. 1-2) : elle est pleinement héritière légale. S’il y a plusieurs

corporations héritières ou si la corporation est en concours avec des héritiers

institués (pour une partie de la succession), il se forme une communauté

héréditaire. Toutefois, il ne serait pas juste que la corporation doive assumer

les passifs du de cuius lorsque ceux-ci excèdent les actifs, les contribuables

devraient alors prendre en charge les dettes privées du de cuius, ce qui

dénaturerait totalement le système de la responsabilité personnelle. Ainsi,

l’art. 592 prévoit que la succession est inventoriée d’office et que la

responsabilité de la corporation publique pour les dettes est limitée aux actifs

de celle-ci (au pire, la succession peut donc être nulle).

IUR III 2012-2013 17

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5. Cours du 16 octobre 2012

Chapitre 2. La masse successorale (masse à partager)

Une fois que l’on sait qui hérite de combien, il faut définir la masse de biens

totale. Ce n’est qu’ensuite qu’on pourra déterminer le montant qui doit revenir

à chaque héritier. La masse à partager (MàP) comprend :

- Des actifs : il s’agit de tous les biens qui appartenaient au DC

(de cuius) au moment de son décès (biens extants, art. 475) ainsi que

des rapports. Les rapports sont en fait toutes les libéralités que les

héritiers ont reçues du vivant du DC à titre d’avances sur leur part

héréditaire (avancement d’hoirie).

- Des passifs : il faut déduire de l’actif brut les dettes du DC qui passent

aux héritiers et certains frais que la loi met à la charge de la

succession. Ces dettes peuvent être réglées au cours de la liquidation

de la succession ou reprises par un héritier au moment du partage.

Dès lors, dans les deux cas, ces dettes diminuent la valeur de la

succession que les héritiers ont à se partager.

Au final, on peut donc résumer la composition de la MàP par ce tableau :

biens extants + rapports – dettes du de cuius – dettes de la succession =

masse à partager (ou masse successorale) :

Biens extants (§6)+ Rapports (§7)- Dettes du de cuius (§8)- Dettes de la succession (§9)= Masse à partager

§6. Les biens extants

Les biens extants comprennent les droits transmissibles qui existaient dans le

patrimoine du DC à l’ouverture de la succession. Cette définition, qui précise

la composition des BE, met donc en lumière trois éléments :

IUR III 2012-2013 18

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- Des droits appartenant au DC : il faut donc dégager le patrimoine du

DC des rapports patrimoniaux plus vastes puis distinguer les droits du

DC des prétentions que ses successeurs peuvent faire valoir en raison

de son décès et qui leur appartiennent. Ces prétentions ne font en effet

pas partie des biens du DC qui parviennent aux successeurs par

l’intermédiaire de l’hérédité. Deux étapes sont donc nécessaires :

o Dissociation du patrimoine du DC d’autres masses

patrimoniales : il peut arriver que tout ou partie du patrimoine du

DC soit lié à d’autres patrimoines. Ainsi, si le DC était marié, il

est nécessaire de procéder à la liquidation du régime

matrimonial (sauf séparation des biens). Ainsi, en cas de

participation aux acquêts, la liquidation s’achève par la

détermination d’une créance (qui augmente les BE) ou d’une

dette (qui augmente les passifs successoraux). Dans le régime

de la communauté de biens, le patrimoine du DC est compris

dans la masse des biens communs (propriété commune des

conjoints). Le partage peut dès lors être effectif (le conjoint

survivant et les héritiers procèdent au partage en nature) ou

virtuel (les BE du DC comprennent le montant de sa part à la

communauté matrimonial et le partage se fait au moment du

partage successoral). En sus du mariage, il se peut que le DC

ait été membre d’une communauté héréditaire, d’une indivision

(art. 336 ss CC) ou d’une société entraînant la propriété

commune de ses membres sur le patrimoine social (société

simple, société en nom collectif, société en commandite).

Autrement dit, dès que le DC est partie à d’autres rapports

juridiques liant son patrimoine, la liquidation préalable de ces

rapports est nécessaire.

o Droits propres des successeurs : il est fréquent que le décès

d0une personne ouvre chez les successeurs des prétentions

personnelles contre des tiers. Acquises en vertu d’un droit

propre et indépendant de la succession, elles n’entrent donc pas

dans la détermination des BE. Il s’agit notamment des

IUR III 2012-2013 19

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prétentions découlant de l’AVS (art. 23 ss LAVS), des

prétentions de la PP (art. 18 ss LPP), des prétentions de l’AA

obligatoire (art. 28 ss LAA) ou facultative ou de l’assurance

militaire (art. 51 ss LAM), des prétentions d’une éventuelle

assurance-vie (art. 78 LCA) ou des prétentions dues à la perte

de soutien (art. 45 al. 3 CO).

- Des droits transmissibles : certains droits sont tellement liés à la

personne de leur titulaire qu’ils s’éteignent de plein droit au décès de

celui-ci (au contraire de la plupart des droits, qui demeurent inchangés

et passent aux héritiers). Dès lors, il faut distinguer :

o Les droits non pécuniaires, en principe intransmissibles : droit à

la protection contre les engagements excessifs (art. 27 al. 2)

droits de la personnalité (art. 28 ss) qualité de membre d’une

association (art. 70 al. 33) ou fonction de curateur (art. 517).

o Les droits pécuniaires, en principe transmissibles : droits réels,

droits de la propriété immatérielle, droits de créance, droits

corporatifs ou d’autres valeurs patrimoniales comme la clientèle

d’une entreprise ou les secrets d’affaires. Certains droits

pécuniaires conservent toutefois un caractère strictement

personnel et prennent dès lors fin de plein droit à la mort de leur

titulaire. Il s’agit notamment de l’usufruit (art. 749), du droit

d’habitation (art. 776 al. 2), des servitudes irrégulières de l’art.

781 et des créances d’entretien. En outre, la mort d’une des

parties met fin à des nombreux contrats.

- De tels droits appartenant au DC au moment de l’ouverture de la

succession : les BE sont l’ensemble des actifs qui existaient dans le

patrimoine du DC au moment de l’ouverture de la succession : le DC

devait donc en être titulaire à ce moment. De ce fait, les biens dont il a

déjà fait donation n’entrent pas dans la composition des BE. Dès lors,

les libéralités entre vifs peuvent avoir le caractère d’avancement

d’hoirie (sujettes à rapport) ou servir à éluder les règles successorales.

Toutefois, il s’écoule souvent un certain temps entre le moment du

décès et celui où les héritiers légaux liquident effectivement la

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succession par le partage. Durant ce délai, des changements peuvent

affecter les BE (obligations échues, appareil défectueux à remplacer).

Comme tous ces BE appartiennent à l’ensemble des héritiers, ils

forment un patrimoine distinct, qui doit être géré indépendamment.

Ainsi, les BE sont composés de l’ensemble des droits transmissibles

du DC, tels qu’ils existaient au moment de l’ouverture de la succession

et ont ensuite évolué jusqu’au partage conformément aux règles de

gestion du patrimoine distinct qu’ils forment.

La composition des BE ayant été vue, il s’agit maintenant de préciser

comment ils sont évaluer (art. 617-619 CC). Le moment déterminant pour

l’évaluation des biens est le moment du partage (art. 617). En effet, les

héritiers ne peuvent se partager que les biens tels qu’ils existent au moment

du partage : ils bénéficient donc de l’ensemble des plus-values survenues

depuis le décès mais doivent également supporter les moins-values.

La valeur déterminante est la valeur vénale (art. 617), à savoir la valeur

marchande des biens. Elle correspond au prix qu’un bon père de famille, à qui

l’opération ne s’impose pas de manière urgente, pourrait raisonnablement

retirer dans un délai convenable compte tenu des conditions générales du

marché, déduction faite des éventuels impôts, émoluments ou frais à payer.

§7. Les rapports

Le de cuius remet souvent certains biens à ses futurs héritiers. La plupart du

temps, le DC n’entend pas avantager quantitativement un (futur) héritier mais

simplement faire un avance sur sa part successorale (avancement d’hoirie).

Le rapport successoral est l’institution qui permet de trouver une solution

successorale satisfaisante dans ce genre de situation.

Le rapport est l’obligation faite à un héritier légal de faire rentrer dans la

succession certaines attributions qui lui ont été faites par le DC du vivant de

celui-ci. Le CC prévoit deux modes de réintégration : le rapport en nature des

biens reçus ou l’imputation de la valeur des biens reçus. S’il choisit le rapport

en nature, l’héritier doit transférer à la communauté héréditaire la propriété du

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bien reçu (et celui-ci sera alors attribué dans le partage). En général toutefois,

l’héritier attributaire préfère garder le bien reçu et effectuer un rapport par

imputation. Il conserve alors le bien mais sa valeur est ajoutée à la masse à

partager. Dès lors, au moment du partage, la valeur du bien rapportée est

imputée sur la part de l’héritier qui a reçu le bien. Ainsi, si un DC a remis à

l’un de ses héritiers (A) 100'000 francs et que ses BE se montent à 500'000

francs, chacun de ses trois enfants (A, B et C) recevra 200'000 mais on

imputera 100'000 francs sur la part de A. Le rapport par imputation (de loin le

plus fréquent en pratique) permet donc à l’héritier attributaire de conserver ce

qu’il a reçu de la part du DC moyennant imputation lors du partage.

L’institution du rapport permet avant tout au DC de faire des libéralités entre

vifs à ses futurs héritiers, sans pour autant modifier les parts successorales

de chacun d’eux. Il s’agit donc simplement d’avancer le moment où un héritier

reçoit tout ou une partie de sa part. Malgré tout, le DC peut aussi décider de

remettre un bien à un futur héritier à titre de véritable libéralité (non

rapportable) que l’héritier pourra conserver en plus de sa part successorale

(si elle respecte les limites de la quotité, art. 628 al. 2 CC). Il peut exprimer sa

volonté soit en ordonnant le rapport du bien donné, soit au contraire en

dispensant le futur héritier de tout rapport. Lorsque le DC n’a pas exprimé sa

volonté, le législateur a posé les présomptions suivantes :

- La loi part du principe que le DC ne veut pas rompre l’échelle des

valeurs de la succession légale (égalité entre les enfants). Dès lors, le

CC présume le rapport des libéralités faites à un descendant pour lui

permettre de s’établir dans l’existence (art. 626 al. 2 CC) ou pour

financer sa formation au-delà de ce qui est usuel (art. 631 al. 1 CC). Si

le DC veut que de telles libéralités ne soient pas rapportées, il doit

ainsi le préciser par une dispense de rapport.

- Inversement, si le DC fait des libéralités à d’autres héritiers légaux

(conjoint ou membre de la P2 et de la P3), on présume qu’il entend les

favoriser au détriment des autres héritiers. La loi présume donc qu’il ne

s’agit pas d’un avancement d’hoirie (art. 626 al. 1). Il en va de même

pour les libéralités faites à des descendants hors des prévisions des

art. 626 al. 2 et 631 al. 1 CC. Dès lors, pour autant que la libéralité

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respecte les limites de la quotité disponible, l’héritier attributaire pourra

conserver et réclamer en plus l’entier de sa part successorale. Si le DC

veut que de telles libéralités soient rapportées, il doit donc le préciser

expressément par une ordonnance de rapport.

Concernant les espèces de rapports, les art. 626 et 631 al. 1 CC ne

s’appliquent que si le DC n’a pas pris de disposition pour cause de mort. En

effet, c’est dans le contexte d’une vocation légale que le rapport est

intéressant puisqu’il permet au DC de faire des libéralités entre vifs sans

s’écarter de l’équilibre existant entre les héritiers légaux (on parle alors de

rapport proprement dit). Dans le contexte d’une vocation volontaire,

l’institution du rapport permet au DC de faire des avancements d’hoirie alors

même qu’il s’est déjà écarté des parts légales (on parle alors de rapport

improprement dit). Il convient de présenter plus précisément les deux types :

- Les rapports proprement dits (art. 626 ss CC) : il en existe deux types :

o Les rapports légaux : il s’agit des rapports prescrits par la loi

pour certains types de libéralités faites aux descendants.

o Les rapports volontaires : il s’agit des rapports fondés sur une

ordonnance de rapport (libéralités faites à un héritier légale qui

n’est pas un descendant ou libéralités faites à un descendant en

dehors des prévisions des art. 626 al. 2 et 631 al. 1 CC).

- Les rapports improprement dits : il s’agit des rapports qui interviennent

en cas de vocation volontaire (et non légale comme pour les rapports

proprement dits). Bien que non prévus par les art. 626 ss CC ces

dispositions s’appliquent néanmoins par analogie dans 2 situations :

o Le DC peut avoir pris des dispositions pour cause de mort sans

que celles-ci n’influencent le régime légal : l’équilibre entre les

héritiers reste donc le même (l’échelle des valeurs ab intestat

est maintenue). Dans ce genre de cas, jurisprudence et doctrine

admettent que le rapport légal prévu en cas de vocation légale

s’applique par analogie (rapport volontaire présumé). Ainsi, si le

DC laisse son conjoint et deux enfants (dont A auquel il a donné

100'000 francs) et se borne à désigner une institution caritative

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comme héritière de 1/8 de la succession (700'000 de BE), les

100'000 francs donnés à A seront sujets à rapport. Selon l’art.

481 al. 2, les 7/8 restants sont attribués aux héritiers légaux. Le

conjoint reçoit donc 1/2 x 7/8, soit 7/16 et chaque enfant reçoit

1/4 x 7/8, soit 7/32. Dès lors, les parts de tous les héritiers étant

proportionnelles à leurs parts légales, l’art. 626 al. 2 CC

s’applique par analogie. La masse à partager est donc de

800'000 francs (100'000 pour l’institution, 350'000 pour le

conjoint et 175'000 pour chaque enfant, dont 100'000 déjà

compris pour A). Précisons que si le DC ne perturbe pas

l’égalité légale entre les enfants mais modifie tout de même

l’échelle des valeurs entre tous les héritiers légaux, il n’y a pas

de d’application par analogie des règles légales sur le rapport.

Ainsi, si le DC avantage son conjoint et maintient le régime légal

pour ses enfants, il n’y a pas de rapport volontaire présumé.

o Même en cas de modification des parts légales, le DC peut

souhaiter faire des avancements d’hoirie. Les art. 626 ss CC ne

s’appliquent alors pas directement mais doctrine et

jurisprudence admettent que le DC peut ordonner le rapport

dans ce type de situation (rapport volontaire improprement dit).

Avant de passer aux conditions du rapport, il convient de préciser que le

tableau 3.1 des annexes reprend de manière globale ces types des rapports.

Les conditions du rapport (3.2.1) sont au nombre de deux : le DC doit avoir

fait de son vivant un avancement d’hoirie (apprécié au moment de la

libéralité) et l’un des héritiers doit avoir l’obligation de le rapporter lors du

partage de la succession (apprécié au moment du partage) :

- Un avancement d’hoirie : un avancement d’hoirie est un acte

d’attribution entre vifs fait par le DC à un futur héritier (point 1 de la

condition). Cet acte d’attribution doit ensuite avoir fait l’objet d’une

ordonnance, légale ou volontaire, de rapport (point 2 de la condition) :

o Un acte d’attribution entre vifs : il s’agit en principe de toutes les

libéralités entre vifs (art. 626 al. 1 CC). Toutefois, les rapports

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légaux ne sont exigés que pour certaines libéralités déterminées

(dotations et contributions non usuelles aux frais de formation) :

En général (art. 626 al. 1 CC) : l’ordonnance volontaire

ou légale de rapport peut en principe concerner tout acte

d’attribution fait à titre gratuit en vue de favoriser autrui. Il

faut en outre distinguer les cas particuliers des présents

d’usage, dont la réglementation dépend de l’art. 632 CC :

Un acte d’attribution : il s’agit d’un acte du DC qui

procure à un futur héritier un avantage patrimonial

en appauvrissant d’autant le DC, que ce soit par la

diminution ou la non-augmentation (perte de gain)

de son patrimoine. Le plus souvent l’acte

d’attribution sera un contrat tendant au transfert

d’une chose, à la cession d’un droit ou à la remise

d’une dette (mais un acte unilatéral, renonciation à

une servitude, est aussi possible).

Dans l’intention de favoriser un futur héritier : le

DC doit faire l’attribution en ayant conscience de

favoriser l’attributaire. Elle doit être volontaire et

donc ne pas s’imposer par une obligation légale

(comme l’obligation de prise en charge des frais

usuels de la formation des enfants).

A titre gratuit : la gratuité peut être totale ou

partielle. Dans ce second cas (donation mixte), la

partie gratuite peut être sujette à rapport pour

autant que les cocontractants aient été conscients

de l’existence d’une libéralité.

Le cas particulier des présents d’usage : il s’agit

des cadeaux faits dans une mesure usuelle à une

occasion particulière. Normalement, les présents

d’usage sont peu importants par rapport à la

succession : l’art. 632 CC prévoit ainsi qu’ils ne

sont pas sujets à rapport. Malgré tout, le DC peut

IUR III 2012-2013 25

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toujours prescrire le rapport de tels éléments (ce

qui fait perdre au cadeau son caractère usuel).

Dans le cas des rapports légaux : lorsqu’il présume le

rapport (et donc lorsque l’ordonnance de rapport provient

de la loi elle-même), le législateur définit plus

précisément qu’à l’art. 626 al. 1 CC quelles sont les

libéralités sujettes à ce rapport : il s’agit ainsi des

dotations de descendants (art. 626 al. 2 CC) ou des frais

de formation non usuels (art. 631 al. 1 CC) :

Les dotations de descendants (art. 626 al. 2) : la

formule de l’art. 626 al. 2 comprend toutes les

libéralités qui sont destinées à créer, assurer ou

améliorer l’établissement du bénéficiaire dans

l’existence (dotation du descendant bénéficiaire). Il

s’agit donc de libéralités permettant de favoriser

une certaine autonomie dans la vie familiale.

Les frais de formation non usuels (art. 631 al. 1) :

conformément à la notion générale de libéralité, la

règle ne peut viser que les dépenses qui vont plus

loin que le devoir légal d’entretien des enfants qui

inclut les frais d’éducation et de formation (au sens

de l’art. 276 al. 1 CC) et s’étend jusqu’à la fin de la

formation (pour autant que les circonstances

permettent de l’exiger des parents et que la

formation soit achevée dans des délais normaux,

art. 277 CC). L’art. 631 al. 1 CC exclut du rapport

légal les libéralités usuelles, au contraire de

l’art. 626 al. 2 qui prévoient le rapport de toutes les

libéralités. L’art. 631 al. 1 constitue donc une lex

specialis par rapport à l’art. 632 al. 2 CC.

Précisons en outre que l’art. 631 al. 1 ne

s’applique pas qu’aux enfants mais à l’ensemble

des descendants du DC qui auraient bénéficié de

libéralités sous forme d’une prise en charge de

IUR III 2012-2013 26

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frais de formation non usuels. Le caractère non

usuel suppose des libéralités extraordinaires au vu

de la situation familiale et sociale des intéressés et

des ressources du DC à l’époque.

o Une ordonnance légale ou volontaire de rapport : un acte

d’attribution entre vifs fait par le DC ne constitue un avancement

d’hoirie que s’il est assorti d’une ordonnance de rapport. Dans le

cadre des art. 626 al. 2 et 631 al. 1 CC, cette ordonnance

résulte de la loi elle-même (ordonnance légale). En dehors de

ces deux cas, il n’y a ordonnance de rapport que si le DC a

exprimé une volonté correspondante au sens de l’art. 626 al. 1.

Naturellement, cette ordonnance ne produit son effet que si elle

n’a pas été infirmée par le DC, par une dispense de rapport (ou

révocation d’ordonnance de rapport volontaire) ou par une autre

disposition pour cause de mort manifestant la volonté du DC de

s’écarter de la vocation légale :

Une ordonnance de rapport :

Les ordonnances légales de rapport : il y a

ordonnance légale de rapport dans les situations

prévues aux art. 626 al. 2 et 631 al. 1 CC. Les

deux règles ont un caractère de droit dispositif.

L’ordonnance volontaire de rapport : pour toutes

les autres attributions entre vifs, l’art. 626 al. 1

précise qu’il n’y a rapport que si la libéralité a été

reçue à titre d’avancement d’hoirie. Le DC doit

donc avoir signifié au bénéficiaire, au plus tard au

moment de la libéralité, que celle-ci devait être

rapportée. L’ordonnance volontaire de rapport (par

opposition à l’ordonnance légale) est une

disposition pour cause de mort au sens matériel

mais sa validité ne dépend pas de sa figuration

dans un testament ou dans un pacte successoral.

L’ordonnance de rapport doit être faite au plus tard

IUR III 2012-2013 27

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au moment de la libéralité : le DC ne peut donc

pas qualifier par la suite d’avancement d’hoirie ce

qu’il a donné sans restriction (sauf lorsque le DC

s’est réservé le droit d’ordonner le rapport

ultérieurement, lorsque l’ordonnance postérieure

est acceptée par le bénéficiaire ou lorsque

l’ordonnance postérieure ne fait que prolonger

l’effet d’une ordonnance légale de rapport).

Pas d’infirmation de l’ordonnance de rapport :

l’ordonnance légale de rapport prévue aux art. 626 al. 2

et 631 al. 1 CC (droit dispositif) comme l’ordonnance

volontaire de rapport faite par le DC lors de la libéralité

(ou postérieurement si cela est valable) ne produisent

leurs effets à l’ouverture de la succession que si, entre

temps, elles n’ont pas été infirmées. En effet, le rapport

successoral n’est qu’un instrument mis à disposition du

DC pour lui permettre de faire des libéralités ente vifs

sans pour autant bouleverser l’équilibre entre héritiers.

De ce fait, il reste libre (sauf règles sur les réserves) de

suivre ou non cette voie. Dès lors, l’ordonnance de

rapport peut être infirmée par deux voies : soit par une

dispense de rapport, soit par d’autres dispositions pour

cause de mort ayant pour effet indirect de supprimer

l’ordonnance de rapport précédemment établie :

La dispense de rapport : il s’agit d’une MdV par

laquelle le DC dispense du rapport légal un

descendant qui y serait en principe tenu (en vertu

des art. 626 al. 2 et 631 al. 1 CC) ou révoque une

ordonnance de rapport volontaire qu’il a faite

précédemment. Dans les deux cas, il s’agit d’une

disposition pour cause de mort au sens matériel

soumise à aucune exigence de forme. Toutefois,

lorsque le DC veut dispenser un descendant de

rapporter ce qu’il a reçu à titre de dotation, la loi

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exige que la dispense de rapport soit expresse

(art. 626 al. 2, au contraire de l’art. 631 al. 1).

Cette exigence ne vaut que dans la mesure où la

libéralité faite n’excède pas la part successorale.

Pour l’excédent, l’art. 629 al. 1 admet la dispense

de rapport conformément au principe général : il

suffit donc que la preuve puisse être faite que telle

était la volonté du disposant. L’art. 629 al. 2

présume même la dispense de rapport de

l’excédent lorsque la libéralité a été faite en faveur

de descendants à titre de dotation à l’occasion de

leur mariage (art. 626 al. 2 CC). Précisons que la

dispense de rapport peut être antérieure,

concomitante ou postérieure à la libéralité. Si elle

a été communiquée au bénéficiaire ou à des tiers,

elle est alors irrévocable (ordonnance postérieure).

Les autres dispositions entraînant indirectement

l’infirmation de l’ordonnance de rapport : si le

rapport s’inscrit dans une succession ab intestat

(rapport proprement dit), il a pour but de permettre

au DC de faire des libéralités entre vifs sans

remettre en cause l’échelle des valeurs entre les

héritiers : il n’y a donc rapport (légal, art. 626 al. 2

ou 631 al. 1 CC, ou volontaire, art. 626 al. 1) que

si le bénéficiaire de la libéralité est un héritier légal

(ab intestat). Ainsi, si après avoir fait la libéralité

rapportable le DC prend des dispositions pour

cause de mort qui modifient cette échelle des

valeurs, les conditions du rapport proprement dit

ne sont plus remplies car celui-ci a perdu son

fondement. Le DC a en effet manifesté sa volonté

de traiter les héritiers de manière inéquitable : il n’y

a donc plus aucune raison d’admettre un rapport.

Ce genre de dispositions pour cause de mort

IUR III 2012-2013 29

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entraîne donc indirectement l’infirmation de

l’ordonnance légale ou volontaire de rapport

proprement dit. La situation est différente lorsque

le DC a lui-même ordonné le rapport alors que

l’échelle des valeurs entre héritiers était déjà

modifiée : une modification ultérieure ne change

donc rien à la situation : le rapport est nécessaire.

- L’obligation de rapporter : pour être tenu au rapport, l’héritier doit avoir

l’obligation de rapport l’avancement d’hoirie et ce au moment du

partage de la succession. Il doit donc être débiteur du rapport.

Forcément, un ou plusieurs créanciers doivent également exister et

exiger le rapport. Enfin, l’obligation de rapport ne doit pas s’être éteinte

dans l’intervalle (entre le moment de la libéralité et le moment du

partage de la succession). Cette deuxième condition s’analyse donc au

moment du partage de la succession, au contraire de la première qui

s’analyse au moment de la libéralité.

o Le débiteur du rapport : en principe, le débiteur du rapport est le

bénéficiaire de l’avancement d’hoirie. Malgré tout, la loi impose

parfois à d’autres personnes que le bénéficiaire de la libéralité

de procéder au rapport en lieu et place de celui-ci :

Le bénéficiaire de l’avancement d’hoirie : le bénéficiaire

n’est tenu au rapport que s’il est effectivement devenu

héritier du DC. Il faut donc d’abord qu’il ait la qualité

d’héritier. Ainsi, il ne doit pas y avoir renoncé par un

pacte de renonciation conclu avec le DC (art. 495 CC) ni

avoir été exhérédé par ce dernier (art. 477 ss CC).

Ensuite, il faut qu’il ait la capacité de succéder au DC, et

donc qu’il soit encore en vie au moment de l’ouverture de

la succession, qu’il ait à ce moment là la jouissance des

droits civils et qu’il ne soit pas indigne (art. 539 ss CC).

Enfin, il faut que le bénéficiaire devenu héritier soit

encore héritier jusqu’au moment du partage. Il ne doit

donc pas avoir répudié la succession (art. 566 ss CC).

IUR III 2012-2013 30

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Jérémy Stauffacher Droit des Successions

Le rapport pour autrui (3.2.2 ; 3.2.3) : si le bénéficiaire

perd sa qualité d’héritier (renonciation, exhérédation,

prédécès, indignité ou encore répudiation) avant ou après

l’ouverture de la succession, ceux qui prennent sa part

sont soumis au rapport en son lieu et place (art. 627 al. 1)

si les conditions suivantes sont remplies :

La part du bénéficiaire de la libéralité est attribuée

à d’autres personnes en lieu et place de ce

bénéficiaire. Tel est notamment le cas lorsque les

descendants du bénéficiaire deviennent héritiers

par représentation successorale dans la

succession ab intestat (prédécès, art. 457 al. 3,

458 al. 3 et 459 al. 3, exhérédation ordinaire,

art. 458 al. 2-3, indignité, art. 541 et répudiation,

art. 572 al. 1) ou lorsque la part des cohéritiers du

bénéficiaire s’accroît du fait que le bénéficiaire ne

vient pas à la succession.

Le DC ne doit pas avoir dispensé du rapport pour

autrui : l’art. 627 CC ne réserve pas cette

possibilité mais la règle est de droit dispositif.

Enfin, il faut que le ou les héritiers qui recueille(nt)

la part du bénéficiaire de l’avancement soi(en)t en

concours avec d’autres héritiers envers qui

l’absence de rapport constitueraient une rupture

d’égalité de traitement découlant de l’ordonnance.

o Le créancier du rapport : il faut distinguer selon qu’il s’agit d’un

rapport légal (art. 626 al. 2 et 631 al. 1 CC, dont on peut

rapprocher le rapprochement volontaire présumé) ou d’un

rapport volontaire (art. 626 al. 1 CC, dont on peut rapprocher le

rapport volontaire improprement dit) :

En cas de rapport légal : en cas de rapport légal

proprement dit (art. 626 al. 2 et 631 al. 1) ou de rapport

volontaire présumé, la situation concerne toujours un

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descendant (P1). La qualité de créancier du rapport est

subordonnée aux deux conditions suivantes :

Il faut être héritier du DC au moment du partage

de la succession. Ainsi, les héritiers qui ont perdu

cette qualité après l’ouverture de la succession et

les légataires ne sont pas créanciers du rapport.

Il faut être héritier légal, et donc descendant,

conjoint ou partenaire enregistré survivant.

En cas de rapport volontaire : l’art. 626 al. 1 prévoit que

les héritiers légaux sont tenus l’un envers l’autre du

rapport ordonné par le DC (règle de droit dispositif).

o L’obligation de rapporter non éteinte : enfin, le rapport n’est dû

lors du partage que si l’obligation de rapporter ne s’est pas

éteinte dans l’intervalle. Il y a extinction dans deux cas :

confusion (3.2.4 ; qualités de débiteurs et de créanciers réunies,

art. 118 al. 1 CO) et renonciation (créanciers du rapport qui

renoncent à faire valoir leurs droits, art. 115 CO).

Les conditions du rapport ayant été examinées (avancement d’hoirie et

obligation de rapporter), il convient de présenter les effets du rapport en

analysant successivement les modes, la valeur, l’étendue du rapport et enfin

la mise en œuvre judiciaire des règles sur le rapport :

- Les modes de rapport : selon l’art. 628 al. 1, l’héritier tenu au rapport

peut choisir entre le rapport en nature ou le rapport par imputation.

- La valeur du rapport : l’ensemble des règles prévues par le CC en

matière d’estimation de la valeur du rapport est de droit dispositif, le

DC peut donc les modifier à sa guise. Selon le système légal, si le

bénéficiaire n’a pas aliéné l’objet de l’avancement d’hoirie, le moment

déterminant est le jour de l’ouverture de la succession (au sens des

art. 630 al. 1 et 537 al. 2 CC). Si par contre il a aliéné l’objet avant

l’ouverture de la succession, le rapport a lieu selon le prix de vente des

choses aliénées (art. 630 al. 1 in fine CC). Les rapports s’ajoutant aux

BE, leur estimation fonctionne selon les mêmes règles que ces-

derniers. Il faut donc en principe estimer les biens à leur valeur vénale.

IUR III 2012-2013 32

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Jérémy Stauffacher Droit des Successions

Pour les avancements d’hoirie faits sous forme d’un montant en argent,

le rapport se fait à la valeur nominale sans intérêts. Si l’attribution est

une donation mixte (negotium mixtum cum donatione), seule la partie

gratuite est soumise au rapport. La valeur de cette part est fixée selon

la méthode de la proportionnalité, qui consiste à déterminer au moment

de l’avancement d’hoirie quelle fraction représente la partie gratuite

pour ensuite appliquer cette fraction à la valeur du bien lors de

l’ouverture de la succession. Ainsi, si un DC cède à un héritier un

terrain valant 90'000 francs pour un prix de 60'000 francs, la part

gratuit et de 1/3. Dès lors, si au moment de l’ouverture de la

succession l’héritier doit rapporter la part gratuite du terrain valant

désormais 150'000, il devra en rapporter 1/3, soit 50'000 francs.

Lorsque le bien subit une modification de valeur entre l’avancement

d’hoirie et l’ouverture de la succession, la situation est différente. Selon

l’art. 630 al. 2 CC, il faut appliquer à ce genre de situation les

dispositions sur les droits et les obligations du possesseur, à savoir les

art. 938-940 CC. Ce renvoi pose problème sur deux points. D’une part,

le débiteur du rapport (et donc en principe le bénéficiaire) n’est pas un

possesseur illégitime puisqu’il est le légitime propriétaire du bien et

d’autre part parce qu’il ne peut être ni de bonne ni de mauvaise foi,

étant conscient qu’il devrait probablement un jour rapporter le bien.

Dès lors, il convient d’analyser l’application de ces art. 938-940 CC

pour chaque type de problème qui peut se poser :

o Jouissance : l’art. 938 al. 1 est applicable par analogie : le

débiteur du rapport peut librement percevoir les fruits du bien à

rapporter conformément à son droit présumé. Cela signifie que

le débiteur doit s’en tenir à une jouissance normale du bien

rapportable, sans mettre en cause la substance de celui-ci. Dès

lors, en cas d’abus, il est tenu de verser une indemnité aux

différents créanciers du rapport (rapport vidé de tout intérêt).

o Impenses : l’art. 939 CC s’applique lui-aussi par analogie. Le

débiteur peut donc demander le remboursement des impenses

nécessaires et utiles, seulement dans la mesure où celles-ci

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dépassent la valeur des fruits perçus. Il peut en outre récupérer

ce qu’il a uni à la chose par des impenses somptuaires.

o Dommage et perte de la chose : l’art. 940 al. 1 et 3 est encore

une fois applicable par analogie. Le débiteur du rapport répond,

s’il a commis une faute, des détériorations causées au bien ainsi

que de la perte ou destruction de celui-ci. La condition de la

faute est justifiée : le débiteur est en effet propriétaire du bien et

n’est pas sûr, avant l’ouverture de la succession, que le bien

devra être rapporté, justifiant un régime moins sévère.

o Aliénation : l’art. 630 al. 1 in fine est applicable (directement ou

par analogie, peu importe) : le débiteur, en tant que propriétaire,

a le droit d’aliéner l’objet du rapport (par une vente, une

donation ou la constitution d’un DRL). Si l’aliénation a lieu

moyennant versement d’une somme d’argent (adaptée au bien

aliéné), cette somme doit être rapportée. Dans les autres cas

(échange, donation mixte ou totale ou autre), le montant

rapportable est déterminé en fonction de la valeur vénale du

bien au moment de l’aliénation (art. 630 al. 1 in fine).

- L’étendue du rapport : en principe, le débiteur doit rapporter l’entier de

l’avancement d’hoirie. Dans deux cas toutefois, la dette de rapport est

limitée à une partie de l’avancement d’hoirie pour tenir compte de

circonstances particulières : lorsque le montant rapportable excède la

part héréditaire et que l’héritier est dispensé du rapport de l’excédant

ou lorsqu’une partie de l’avancement d’hoirie a déjà dû être restitué :

o Libéralités excédant la part héréditaire : en principe, lorsque le

DC fait un AdH, la libéralité est inférieure à la part que recevra

probablement le bénéficiaire dans la succession. Ainsi,

l’imputation du montant pourra se faire facilement et l’attributaire

recevra au moment du partage un montant supplémentaire. Il

peut toutefois arriver que la libéralité excède la part héréditaire

(notamment si le patrimoine du DC a fortement diminué au fil du

temps ou qu’au contraire la valeur du bien reçu a augmenté).

Dès lors, l’attributaire devrait rapporter un montant plus élevé

IUR III 2012-2013 34

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Jérémy Stauffacher Droit des Successions

que sa part héréditaire et aurait donc intérêt à répudier la

succession pour échapper à l’obligation de rapport. L’art. 629

n’exclut toutefois pas la possibilité de rapporter au-delà de sa

part, il présume que le DC dispense l’attributaire d’un tel rapport

lorsque l’AdH a été fait pour contribuer à l’établissement d’un

descendant à l’occasion de son mariage. Dans les autres cas, le

DC peut dispenser l’attributaire du rapport de l’excédent mais

cela n’est pas présumé. Précisons que l’excédent correspond

au montant rapportable estimé au moment de l’ouverture de la

succession, déduction faite de la valeur de la part héréditaire

(schémas sur le calcul de l’excédent : 3.3.1 ; 3.3.2).

o Libéralités déjà réduites au titre du régime matrimonial (en cas

de régime matrimonial de la participation aux acquêts).

- La mise en œuvre judiciaire sur les rapports : en principe, les

créanciers du rapport doivent agir en exécution par une action en

partage et demander que le débiteur du rapport soit condamné au

rapport. Préalable ou partie de l’action en partage, l’action en rapport

n’est soumise à aucun délai et le jugement ne produit d’effets qu’entre

les parties au procès (for déterminé par l’art. 18 al. 1 LFors).

§8. Les dettes du de cuius

En principe, les héritiers sont tenus de par la loi de toutes les dettes du DC,

dont ils répondent personnellement (art. 560 al. 1 CC). S’il y a plusieurs

héritiers, ceux-ci sont solidairement responsables des dettes (art. 603 al. 1).

L’art. 560 al. 2 réserve toutefois les exceptions prévues par la loi. Il s’agit des

cas où les héritiers, sans aller jusqu’à la répudiation, souhaitent limiter leur

responsabilité en acceptant la succession sous bénéfice d’inventaire au sens

des art. 589 ss CC ou en demandant la liquidation officielle de celle-ci selon

les art. 593 ss CC. Pour déterminer la MàP, il faut déduire les dettes des

actifs successoraux. Les dettes du DC comprennent toutes les dettes

transmissibles que celui-ci avait au moment de l’ouverture de la succession.

De plus, l’art. 603 al. 2 CC y assimile les indemnités dues aux enfants et

petits-enfants qui ont fourni des prestations au ménage commun :

IUR III 2012-2013 35

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- Les dettes transmissibles du DC : toutes les dettes sont en principe

transmissibles (dettes hypothécaires, dettes envers le conjoint

découlant de la liquidation du régime matrimonial, cautionnement,

art. 591 CC, dettes résultant d’actes illicites et autres). Malgré tout,

certaines dettes s’éteignent à la mort du débiteur (en particulier les

dettes d’entretien du droit de la famille, art. 124 ss, 163 ss, 276 ss et

328 CC, les dettes éminemment personnelles, art 338, 379 al. 1 et

405 al. 1 CO ou les amendes fiscales infligées au DC).

- Les indemnités dues pour les sacrifices faits pour la famille : parfois, un

enfant ou un petit-enfant majeur vivant avec le DC consacrait son

travail ou ses revenus soit au DC lui-même soit à la communauté

familiale, soit encore à l’entreprise du DC. S’il n’est pas indemnisé, les

autres héritiers profitent alors de son travail, qui a permis

l’accroissement (ou au moins le maintien) de la fortune du DC. Pour

rétablir l’égalité entre héritiers, les art. 334 et 334bis CC prévoient

l’octroi d’une indemnité équitable aux descendants ayant fait des

sacrifices pour la famille. L’art. 603 al. 2 précise que cette indemnité

est alors comprise dans les dettes du DC. Les conditions du droit à

l’indemnité peuvent être classées en trois types :

o Créancier : il peut s’agir d’un (ou de plusieurs) enfant(s) ou

petit(s)-enfant(s) majeur(s) du DC. Il n’est en outre pas

nécessaire qu’ils soient eux-mêmes héritiers du DC.

o Débiteur : selon l’art. 334bis al. 2 CC, il s’agit du bénéficiaire des

prestations correspondantes et donc du père, de la mère, du

grand-père ou de la grand-mère. Si les prétentions sont liées à

une entreprise, le bénéficiaire doit être propriétaire de celle-ci ou

tout du moins en assumer la responsabilité.

o Conditions matérielles : il existe 4 conditions matérielles :

Le créancier et le débiteur doivent avoir fait ménage

commun (art. 334 al. 1 CC) et donc avoir vécu en

communauté d’habitation et d’entretien.

L’enfant ou le petit-enfant doit avoir consacré son travail

et/ou ses revenus à ses (grands-)parents (art. 334 al. 1).

IUR III 2012-2013 36

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L’enfant ou le petit-enfant ne doit pas avoir été rémunéré.

L’ayant droit ne doit pas avoir renoncé à l’indemnité.

Concernant le montant de l’indemnité, l’ayant droit doit recevoir une

indemnité équitable (art. 4 et 334 al. 2 CC). Le montant ne pourra être

supérieur à ce que l’ayant droit aurait pu épargner en accomplissant le

même travail au service d’un tiers. De plus, lorsqu’elle est octroyée à

l’occasion du décès du bénéficiaire, l’indemnité ne doit pas excéder les

possibilités de la succession (et donc l’actif successoral, art. 603 al. 2).

§9. Les dettes de la succession

A côté des dettes du DC, il faut également tenir compte de certaines autres

dettes qui résultent de l’ouverture même de la succession (6 catégories

présentées ci-dessous). Ces dettes sont, dans une certaine mesure, à la

charge des héritiers et réduisent donc le montant total à partager. Pas

mentionnées à l’art. 560 al. 2 car naissant après l’ouverture de la succession,

elles ne sont pas non plus visées par l’art. 603 al. 1 qui ne régit que les dettes

du défunt. Certaines sont par contre énumérées à l’art. 474 al. 2 en relation

avec la succession volontaire. Il convient de les présenter :

- Les frais funéraires : mentionnés à l’art. 474 al. 2, ces frais recouvrent

l’ensemble des dépenses liées aux obsèques (selon l’usage local, la

situation financière du DC et éventuellement ses propres vœux).

- Les frais de la dévolution : également mentionnés à l’art. 474 al. 2, ces

vrais recouvrent toutes les dépenses nécessaires pour que la

succession puisse être liquidée conformément à la loi (frais de scellés,

art. 552, frais d’inventaire, art. 553 et 584 al. 2, administration d’office,

art. 554, appel aux héritiers, art. 555, expertise des actifs, liquidation

officielle de la succession, art. 590 ss, rémunération de l’exécuteur

testamentaire, art. 517 ss, et autres frais divers).

- Les frais nécessités par la gestion des biens successoraux : bien que

non mentionnés dans la loi, ces frais (frais nécessaire à la continuation

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de l’entreprise du défunt, frais d’entretien d’un immeuble ou autres)

doivent être considérés comme des dettes de la succession.

- Les frais d’entretien pendant un mois des héritiers qui faisaient

ménage commun avec le DC : la succession doit ainsi prendre en

charge, durant le mois qui suit le décès, l’ensemble des frais

d’entretien des héritiers qui étaient logés et nourris dans la demeure et

aux frais du DC (art. 474 al. 2, qui renvoie à l’art. 606 CC).

- Les frais d’entretien de la mère d’un enfant conçu, héritier du DC :

l’enfant conçu ne peut hériter que s’il naît vivant (art. 544 et 31 al. 2).

Avant cela, la mère peut faire valoir contre les héritiers une créance

tendant à l’octroi des moyens nécessaires (art. 605 al. 1-2). Il s’agit de

la reprise en droit suisse du principe romain missio ventris causa.

- L’indemnité due aux enfants encore en formation ou infirmes : prévue à

l’art. 631 al. 2, cette indemnité poursuit deux buts radicalement

différents (en fonction des deux hypothèses visées) : le premier est de

rétablir une certaine égalité entre les enfants du DC lorsque certains

ont pu bénéficié d’une formation complète financée par le DC alors que

d’autres sont encore en formation. Le second est au contraire

d’avantager financièrement les enfants infirmes, auxquels le DC aurait

certainement apporté un soutien financier accru. Pour atteindre ces

deux buts (liés au final à l’égalité), la loi prévoit le prélèvement d’une

indemnité équitable au titre de dettes de la succession.

6. Cours du 23 octobre 2012

Titre 2. Vocation volontaire

§10. Généralités

Il y a vocation successorale volontaire lorsque le titre en vertu duquel le

successeur est appelé est la volonté du DC et non pas la loi. Cette volonté est

exprimée par une disposition pour cause de mort (ce qui explique l’intitulé du

titre 14ème du CC, art. 467-536 CC). La structure de ce titre permettra

d’organiser les développements (chapitre 1-6 : §11-34) mais il est tout d’abord

IUR III 2012-2013 38

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nécessaire de définir les dispositions pour cause de mort puis de préciser la

relation entre vocation volontaire et vocation légale.

Une disposition pour cause de mort est un acte juridique par lequel une

personne prend une mesure qui a un effet sur la transmission de son

patrimoine à son décès. Les volontés exprimées par le DC à propos du

déroulement des obsèques, du don d’organes ou d’autres points similaires ne

sont donc pas des dispositions pour cause de mort car elles n’ont pas trait à

la transmission du patrimoine. Seul le DC peut prendre des disposition pour

cause de mort : toute forme de représentation, légale ou volontaire, ainsi que

toute intervention de tiers sont exclues. L’expression dispositions pour cause

de mort peut désigner le contenu de la volonté exprimée ou la forme donnée

à l’expression de cette volonté. On distingue ainsi entre les dispositions pour

cause de mort (DpCM) au sens matériel (contenu) et au sens formel (forme) :

- Les DpCM au sens matériel (contenu) : il s’agit des modes de disposer

au sens des art. 481-497 CC, à savoir les différentes possibilités

offertes au DC par rapport au contenu des DpCM. Il peut s’agir :

o D’un acte d’attribution de tout ou partie du patrimoine ou de

certains biens : l’acte vise alors le transfert de la propriété aux

héritiers (universels) ou la désignation de légataire (particuliers).

o D’un acte sans caractère attributif : l’acte peut consister en une

condition, une charge, des règles de partage, la désignation

d’un exécuteur testamentaire ou encore une exhérédation.

- Les DpCM au sens formel (forme) : les dispositions des art. 481-497

ne sont valables que si elles sont revêtues d’une certaine forme. Ainsi,

les art. 498-516 CC régissent les actes de disposition pour cause de

mort, à savoir le testament ou le pacte successoral :

o Le testament : il s’agit de l’acte unilatéral de DpCM résultant de

la déclaration de volonté d’une seule personne (testateur ou

disposant, seul maître de l’acte). Le testateur est libre de

modifier ou de révoquer le testament : il s’agit donc d’un acte de

dernière volonté, censé représenté la volonté actuelle et future

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du DC. Les dispositions prises par testament sont donc

appelées dispositions de dernière volonté.

o Le pacte successoral : il s’agit de l’acte bilatéral de DpCM

(contrat) résultant de l’échange de déclarations de volonté

concordantes de deux personnes (DC et cocontractant). On

distingue en outre deux types de pactes successoraux :

Le pacte d’attribution (positif) : le disposant institue

héritier le cocontractant ou un tiers, ou fait un legs.

Le pacte de renonciation (abdicatif) : un héritier

présomptif renonce à la succession du disposant.

Dans les deux cas, le disposant n’est pas maître de l’acte

(volonté des deux parties). Ni l’une ni l’autre ne peuvent donc

modifier ou révoquer le pacte : il ne correspond donc pas

forcément à la dernière volonté du DC puisqu’il n’est pas

librement modifiable par celui-ci (le DC est lié par son contenu).

Il est important de distinguer les DpCM (au sens matériel) des actes entre

vifs. En effet, des actes au but presque identique sont pourtant soumis à des

règles totalement différentes (capacité, représentation, forme, invalidation)

selon qu’ils sont fait entre vifs ou pour cause de mort. Le critère de distinction

choisi par la jurisprudence est le moment à partir duquel l’acte produit ses

effets : si l’acte doit produire ses effets à la mort du DC, il s‘agit d’une DpCM.

Au contraire, s’il produit déjà ses effets pendant la vie de celui-ci, il s’agit d’un

acte entre vifs (un contrat conclu pendant la vie du DC mais dont le terme est

la mort de ce-dernier est un acte entre vifs car le DC est lié durant sa vie).

Avant de passer au relation entre la succession volontaire et la succession

légale, il est nécessaire de parler de l’interprétation des DpCM. Bien que

soumises à une forme rigoureuse, les DpCM sont sujettes à interprétation.

Pour établir la réelle intention du DC, on se réfère aux 8 principes suivants :

- L’interprétation peut s’appuyer sur les différentes présomptions légales

établies dans le CC : art. 483 al. 2, 484 al. 3, 486 al. 3, 511, 522 al. 2,

608 al. 3, 539 al. 2, 626 al. 2, 629 ou encore 631 al. 1 CC.

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- L’interprétation ne peut conduire (pour les testaments) à établir une

volonté que le DC n’a absolument pas voulu. Le résultat ne peut donc

porter que sur une volonté qui a trouvé une expression quelconque

(même confuse et incomplète ; rattachement à la volonté exprimée).

- Si la volonté doit être exprimée dans une certaine forme, on présume

que l’expression donnée correspond à la volonté effective. Le texte de

l’acte pour cause de mort doit donc être le premier point d’appui. Dès

lors, le TF estime que si le texte est clair, il n’y a rien à interpréter

(principe d’univocité). Cette affirmation semble excessive : en effet,

considérer que le texte est clair est déjà une étape d’interprétation.

- Le deuxième point d’appui doit être la logique interne de l’acte. Il faut le

considérer dans son ensemble (logique systématique).

- Il reste possible de recourir à des éléments extrinsèques (déclarations

verbales du DC, notes laissées, liens sociaux, milieu, connaissances

culturelles, professionnelles ou juridiques) pour préciser l’interprétation.

- La recherche de l’intention réelle du DC ne doit pas être limitée par des

considérations liées à la sécurité des transactions. La manière dont un

tiers a pu comprendre la MdV n’a donc qu’un impact mineur. Le

principe s’applique également aux pactes successoraux, sauf lorsque

ceux-ci ont un caractère onéreux. Dans ce cas, le cocontractant peut

se baser sur le principe de la confiance pour fonder son avis.

- En cas de doute, l’interprétation qui maintien les DpCM doit être

favorisée, au détriment de celle qui conduit à les déclarer nulles ou

caduques (principe du favor testamenti, art. 469 al. 3, 482 al. 3 ou

encore 539 al. 2 CC). Ce principe rend possible la conversion d’une

DpCM viciée en une autre valable.

- En prenant ses DpCM, le DC avait comme base de réflexion la

succession légale. Il a ainsi voulu la confirmer, la compléter ou

l’exclure. Sauf en cas d’exclusion totale, il est donc possible de recourir

au texte légal pour interpréter ses dispositions. Ainsi, en cas de doute,

on choisira plutôt la solution qui maintient l’échelle des valeurs de la

succession légale (art. 522 al. 2 ou encore 608 al. 3 CC).

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Jérémy Stauffacher Droit des Successions

En principe, la relation entre succession volontaire et succession légale peut

être précisée en développant trois points :

- L’ordre de succession légal (art. 457-466 CC) jouit d’une primauté sur

l’ordre volontaire (art. 467-536 CC) : il s’applique en effet aussi

longtemps que le DC ne l’a pas écarté ou modifé. L’ordre légal est

donc la règle et la succession volontaire l’exception.

- L’ordre volontaire jouit donc logiquement d’une primauté sur l’ordre

légal : le DC peut en effet librement décider d’écarter l’ordre légal en

faisant usage de sa liberté de disposer. Cette possibilité de modifier

l’échelle des valeurs de l’ordre légal est essentielle dans notre droit des

successions puisqu’elle est le prolongement de la propriété privée.

- Malgré tout, la loi limite la liberté de disposer en permettant à certains

héritiers d’exiger au moins une fraction de leur part légale (il s’agit de la

réserve héréditaire, art. 470-480 CC). Dès lors, l’échelle de valeur de la

succession s’impose au DC pour certains héritiers et une certaine part.

Vocation légale et vocation volontaire ne sont pas incompatibles : la règle du

droit romain qui veut que nul ne puisse décéder alors que sa succession est

réglée en partie par testament et en partie sans (nemo partim testatus partim

intestatus decedere potest) ne s’applique donc pas en droit suisse, comme le

confirme l’art. 481 al. 1 CC. Selon le principe de la primauté de l’ordre légal,

l’art. 481 al. 2précise que les biens dont le défunt n’a point disposé passent à

ses héritiers légaux. Les règles de la succession légale s’appliquent donc à

toute la partie de la succession pour laquelle le DC n’a pas pris de DpCM. Si

le DC a institué héritiers ses propres héritiers légaux, on présumera qu’il a

simplement voulu confirmer l’ordre légal. De même, en cas de prédécès d’un

héritier légal institué, on applique les principes des art. 457-459 CC.

Comme dit précédemment, la structure du titre 14ème du CC permet de

construire le plan du résumé : ainsi, les 6 prochains chapitre (et donc les

paragraphes 11 à 34 du livre et du résumé) seront les suivants :

- Chapitre 1 (art. 467-469 CC) : qui peut prendre des dispositions pour

cause de mort, qui a la capacité et la volonté de disposer ?

- Chapitre 2 (art. 470-480 CC) : de quoi peut disposer le DC ?

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- Chapitre 3 (art. 481-497 CC) : comment disposer du point de vue

matériel, quels sont les modes de disposer que le DC peut utiliser ?

- Chapitre 4 (art. 498-508 CC) : quelle forme doivent revêtir les DpCM ?

- Chapitre 5 (art. 509-516 CC) : quand les DpCM sont-elles caduques ?

- Chapitre 6 (art. 519-536 CC) : quelle est la sanction des règles légale,

comment est organisée la mise en œuvre judiciaire des règles ?

Chapitre 1. Capacité et volonté de disposer

§11. Capacité de disposer

Toute intervention de tiers ou délégation de compétence étant exclues, les

règles sur la capacité de disposer pour cause de mort ont une importance

particulière. Les DpCM ne peuvent être prises que par le DC lui-même : s’il

n’agit pas ou n’a pas la capacité de disposer, c’est la vocation légale qui

s’applique par défaut. Pour le reste, le CC distingue deux situations :

- La capacité de disposer par testament : la capacité de tester est

soumise à deux conditions cumulatives (art. 467 CC) :

o La capacité de discernement (art. 16) : elle est admise lorsque

la personne a la faculté d’agir raisonnablement (mesurer la

portée de son comportement, aspect intellectuel, se comporter

en conséquence, aspect volontaire). Est également considéré

comme capable celui qui n’a pas cette faculté en raison d’une

cause d’altération autre que celles énoncées à l’art. 16 CC.

o L’âge de 18 ans révolus : cette condition garantit que le

testateur jouit d’une certaine maturité de jugement et de volonté.

- La capacité de disposer par pacte successoral : l’art. 468 CC exige la

capacité de discernement et la majorité. Toutefois, cet article ne règle

que la capacité de celui qui dispose pour cause de mort dans le pacte.

Il faut donc distinguer deux situations : si une seule partie prend une

DpCM et que l’autre ne fait qu’accepter ou promettre un avantage

entre vifs, la capacité du disposant est régie par l’art. 468 alors que

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celle du cocontractant dépend des règles ordinaires. Si par contre les

deux parties disposent pour cause de mort (institution réciproque), la

capacité de disposer des deux parties est régie par l’art. 468 CC :

o La capacité du (des) disposant(s) (art. 468 CC) : la capacité de

disposer par pacte successoral se distingue de la capacité de

tester en ce qu’elle nécessite que le disposant ait l’exercice des

droits civils. Dès lors, les mineurs et les interdits (même

capables de discernement) ne peuvent pas disposer

valablement par le biais d’un pacte successoral.

o La capacité du cocontractant : le cocontractant ne disposant pas

pour cause de mort, sa capacité dépend des règles ordinaires

sur la capacité civile active et passive (art. 12-19 CC).

En cas d’incapacité de disposer, les DpCM prises peuvent être annulées aux

conditions de l’art. 519 al. 1 ch. 1 CC. Il faut toutefois distinguer deux cas :

- L’incapacité a été constatée après le décès : dans ce cas, une action

en nullité (art. 519 CC) est nécessaire pour faire constater la nullité.

- L’incapacité a été constatée avant le décès : il faut alors encore

distinguer selon qu’il s’agit d’un testament ou d’un pacte successoral :

o Un testament : le DC (re)devenu capable peut révoquer le

testament et/ou en faire un nouveau (art. 509-511 CC). Dès lors,

le testament vicié sera caduc de plein droit et l’ouverture d’une

action en nullité ne sera donc pas nécessaire. Si le DC

conscient (ou non) du vice n’agit pas, les personnes lésées

doivent attendre le décès pour ouvrir action (art. 519 al. 1 ch. 1).

o Un pacte successoral : le disposant ou le cocontractant

(re)devenus capables peuvent en tout temps relever la nullité.

§12. Volonté de disposer

Les DpCM sont des MdV : elles sont donc en principe soumises aux règles

générales du CO, en particulier en ce qui concerne les vices de volonté

(renvoi aux art. 23-31 CO). L’art. 469 CC prévoit toutefois quelques règles

spéciales précisant la situation en matière successorale. Il convient donc de

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présenter les principes, puis plus précisément les vices de volonté retenus en

matière successorale et enfin les conséquences qui y sont rattachées.

Comme dit précédemment, la sécurité des transactions ne joue pratiquement

aucun rôle en matière de DpCM : le principe de la confiance n’a donc en

principe aucune utilité. C’est en effet la volonté réelle du DC qui importe. Dès

lors, l’art. 469 CC s’écarte des règles du CO en admettant plus largement la

possibilité d’invoquer les vices de la volonté : sont ainsi nulles toutes les

dispositions que leur auteur a faites sous l’empire d’une erreur, d’un dol,

d’une menace ou d’une violence. Toutes les DpCM viciées peuvent être

attaquées par la voie de l’action en nullité (art. 519 al. 1 ch. 2 CC). Il faut donc

préciser le champ d’application de cet art. 469 CC :

- Quant au type de MdV : la règle de l’art. 469 CC n’est justifiée que si le

vice affecte une DpCM. Elle s’applique alors sans restriction aux

testaments. Par contre, elle ne concerne logiquement que les MdV du

disposant dans le cadre d’un pacte successoral. Malgré cela, le TF,

pour des raisons d’égalité entre le disposant et le cocontractant, a

considéré que l’erreur du disposant ne pouvait être retenue que si elle

se rapporte à des faits qu’il considérait comme nécessaires au contrat.

- Quant au vice affectant la volonté : l’art. 469 CC s’applique lorsque la

volonté de disposer existait mais était viciée (erreur, dol, crainte). Si

par contre le DC n’avait pas de volonté de disposer, l’acte est

inexistant. On peut envisager les deux cas suivants :

o La contrainte physique : le DC est victime d’une force absolue

(vis absoluta) qui le contraint à faire une DpCM. Dans de telles

conditions, on considère que le DC n’a pas fait de DpCM.

o Un désaccord voulu entre la volonté et la déclaration : l’auteur

agit alors par jeu ou dans un but didactique (démonstration).

Il est à présent nécessaire de présenter les différents vices de la volonté

retenus en matière successorale. Le vice doit être causal et avoir exercé une

influence déterminante sur le disposant. On doit pouvoir admettre que sans

cet influence le DC n’aurait pas disposé comme il l’a fait. Si le vice n’a affecté

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que certaines clauses, seules ces clauses sont annulables (sauf si les

clauses doivent être considérées ensemble, art. 20 al. 2 CO) :

- L’erreur : toute erreur causale peut être retenue (en dérogation aux

règles du CO, et sous réserve du pacte successoral) :

o L’erreur de déclaration : le DC déclare, sans s’en apercevoir,

autre chose que ce qu’il voulait. Peu importe l’objet de l’erreur

(nature ou objet de la disposition, bénéficiaire, étendue).

o L’erreur sur les motifs : le DC prend alors une DpCM sur la base

d’une fausse représentation de la réalité (fondement erroné).

- Le dol : il s’agit du fait d’éveiller chez le disposant une fausse idée ou

d’exploiter un erreur commise pour l’amener à faire une DpCM. Peu

importe que le dol soit le fait du bénéficiaire ou d’un tiers.

- La crainte : même si l’art. 469 CC mentionne la crainte et la violence, il

s’agit en réalité de leur effet sur la volonté du disposant qui est visé

(crainte dans laquelle il se trouve du fait de la contrainte physique

exercée sur lui). Il n’est pas nécessaire que la crainte soit qualifiée (ou

fondée, au sens de l’art. 30 CO), il suffit qu’elle soit causale.

Pour terminer avec ce premier chapitre, nous parlerons des conséquences

des vices de la volonté. Il faut distinguer deux états de fait :

- Le DC est vivant : le DC qui découvre le dol ou l’erreur ou cesse d’être

sous l’empire de la crainte peut en tout temps révoquer son testament

mais doit alors respecter les formes prévues aux art. 509-511 CC. Il en

va de même pour le pacte successoral mais seulement dans l’année

après la découverte du dol ou de l’erreur ou après la cessation de l’état

de crainte (art. 469 al. 2 CC). Il y a donc un délai de péremption pour la

révocation des pactes successoraux. La révocation ne doit alors pas

respecter de forme particulière mais le DC doit la communiquer au

cocontractant, faute de quoi elle est nulle.

- Le DC est mort : si le DC est mort sans avoir révoqué (valablement) la

DpCM prise sous l’empire d’un vice de volonté, la disposition peut en

principe être annulée par une action en nullité (art. 519 al. 1 ch. 2 CC).

Il existe toutefois deux exceptions à ce principe d’annulation :

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o L’exclusion de l’action en nullité : l’action est exclue lorsque le

disposant qui a découvert l’erreur ou le dol ou a cessé d’être

sous l’empire de la crainte n’a pas fait usage de son droit de

révocation dans le délai de péremption de l’art. 469 al. 2 CC

(pour les pactes). La disposition est maintenue car il faut nier le

caractère causal du vice de volonté. Il y a donc validation entre

vifs de l’acte vicié et l’action en nullité n’est plus admissible.

o La rectification de la disposition en cas d’erreur manifeste de

désignation : lorsque le DC a commis une erreur de déclaration

manifeste dans la désignation d’une personne ou d’une chose, il

serait exagéré d’annuler la disposition et de revenir à la vocation

légale. L’art. 469 al. 3 permet de rectifier la disposition si la

volonté réelle peut être constatée avec certitude. Pour ce faire,

l’ouverture d’une action n’est pas nécessaire, les intéressés

peuvent rectifier eux-mêmes la disposition. En outre, si le juge

est saisi, il doit, en plus d’annuler la disposition, lui substituer

une autre disposition correspond à la volonté du DC.

Chapitre 2. Liberté de disposer

La liberté du DC de disposer de ses biens pour cause de mort n’est illimitée :

le législateur a considéré qu’il ne pouvait pas se désintéresser totalement de

l’avenir matériel de ses proches parents et de son conjoint. Le CC assure

ainsi aux héritiers légaux proches une part de succession intangible (fraction

de leur droit de succession légale). Cette fraction est appelée la réserve

héréditaire et les héritiers (réservataires) peuvent, dans la mesure où elle

n’est pas respectée, tenir en échec la volonté exprimée par le DC par le biais

de l’action en réduction (ou de l’exception correspondante, art. 522 ss CC).

Lorsque le DC laisse des héritiers réservataires, la succession peut être

divisée en deux parties : la portion réservée (constituée par la somme des

réserves) et la quotité disponible (solde de la succession dont le DC peut

disposer librement). La réserve est respectée si celui qui y a droit reçoit le

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montant correspondant (art. 522 al. 1 CC). Par contre, la manière importe

peu : le montant peut lui parvenir à titre d’héritier, de légataire ou par le biais

d’une libéralité entre vifs. Comme pour la détermination des parts légales, il

faut tout d’abord définir qui sont les héritiers réservataires (§13) et quelles

fractions de la succession leur reviennent (§14). Enfin, il faut bien entendu

préciser à quelle masse ces fractions doivent être appliquées (masse de

calcul des réserves et de la quotité disponible, §15).

§13. Les héritiers réservataires

Le CC désigne qui sont les héritiers réservataires (HR) à l’art. 470 al. 1 CC.

Ceux-ci n’ont toutefois droit à leur réserve que s’ils n’ont pas été

(valablement) exhérédés par le DC. Ainsi, sont en principe HR les proches

parents du DC (descendants du DC et père et mère) ainsi que le CPES, pour

autant qu’ils eussent été héritiers légaux en cas de vocation légale (la réserve

étant calculée sur la base de la part légale). Dès lors, les descendants sont

des HR seulement s’ils ne sont pas exclus de la succession par un ascendant

vivant (le petit-fils du DC n’est HR que si son père ou sa mère est

prédécédée). De même, les père et mère ne sont HR que s’il n’y a pas de

descendants. Le CPES, quant à lui, n’est réservataire que s’il était déjà et

encore marié ou en partenariat enregistré avec le DC au moment du décès.

Enfin, le réservataire qui ne vient pas à la succession (prédécès, renonciation,

exhérédation ou indignité) ou qui répudie celle-ci n’a plus droit à sa réserve.

Comme dit précédemment, les HR n’ont droit à leur réserve que s’ils n’ont

pas été valablement exhérédés par le DC. L’exhérédation est la DpCM de

dernière volonté (révocable en tout temps, même dans le cadre d’un pacte

successoral : le DC ne peut être lié par une clause d’exhérédation) par

laquelle le DC prive un HR de sa réserve. L’héritier non réservataire à qui le

DC préfère un tiers n’est ainsi pas exhérédé mais déshérité.

Quant aux espèces d’exhérédation, il en existe deux :

- L’exhérédation ordinaire (art. 477-479 CC) : elle trouve son fondement

dans le fait que la réserve se justifie par les liens de famille qui

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attachent le DC à ses proches. Si ces liens sont rompus, le disposant

peut priver l’héritier de sa réserve (exhérédation à caractère punitif) :

o Conditions : le HR doit avoir commis une infraction pénale grave

ou avoir gravement failli aux devoirs familiaux, sans que le DC

ne lui ait pardonné ses différents manquements :

Une infraction pénale grave : il doit s’agir d’une infraction

commise intentionnellement (crime ou délit). L’auteur

peut avoir agi à titre de complice ou d’instigateur et il

n’est pas non plus nécessaire que l’infraction soit

achevée (une tentative suffit). L’infraction doit enfin être

dirigée contre le DC ou l’un des proches de celui-ci.

Une violation grave des devoirs de famille : les devoirs de

famille englobent les devoirs découlant du droit du

mariage (art. 159 ss CC), du partenariat enregistré

(art. 12 ss LPart), du droit de la filiation (art. 272 ss CC)

ou du droit de la famille (art. 328 ss CC).

L’absence de pardon : s’il y a pardon, on présume que le

manquement de l’héritier n’a pas eu pour effet de détruire

définitivement les liens qui l’unissaient au DC. Le HR

peut donc prouvé que le DC lui a pardonné pour

contester la validité de l’exhérédation. Le pardon en tant

que tel ne fait donc pas cesser l’exhérédation, au

contraire de la situation de l’art. 540 al. 2 CC (indignité).

On considère par contre que les conditions matérielles de

l’exhérédation ne sont plus réunies s’il y a eu pardon.

o Formes : l’exhérédation doit figurer dans un testament ou dans

un pacte successoral. Elle consiste en une déclaration de

volonté. La loi exige en outre que la cause soit indiquée dans

l’acte qui l’ordonne de manière suffisamment précise pour que

le juge puisse contrôler la valeur du motif (art. 479 al. 1 CC).

o Effets : la personne totalement exhérédée ne devient pas

héritière du tout : elle n’a aucun droit sur les actifs mais ne

répond pas non plus des dettes et n’est pas tenue au rapport. Si

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l’exhérédation n’est que partielle, l’exhérédé participe à la

succession pour la part qu’il lui reste selon ce qui est prévu par

le DC. Selon l’art. 478 al. 2, la réserve de l’exhérédé (ou la part

dont celui-ci est privée) augmente la quotité disponible, ce qui

peut avoir deux effets, suivant les choix du DC :

Si le DC n’a pas disposé de la part de l’exhérédé, celle-ci

est dévolue aux héritiers légaux du DC (art. 478 al. 2 :

comme si on considérait que l’exhérédé était précédé).

Si le DC a disposé de sa part, celle-ci va aux personnes

désignées, mais les descendants de l’exhérédé ont droit

à leur propre réserve (art. 478 al. 3 : là encore, la

situation est la même que si l’exhérédé était précédé).

o Contestation : l’exhérédation entachée d’un vice n’est pas nulle

de plein droit mais l’exhérédé peut en contester la validité grâce

à deux voies de droit (en fonction du vice invoqué) :

L’action en nullité (art. 519 ss CC) : l’exhérédé peut

intenter une action en nullité et invoquer les clauses

générales de nullités des DpCM (vice de volonté ou de

forme, art. 519 ch. 1-2, ou absence de capacité du DC,

art. 520 CC). Si l’action en nullité est admise,

l’exhérédation tombe et l’exhérédé retrouve toute sa part

légale (pas seulement le montant de sa réserve).

L’action en réduction (art. 522 ss CC) : si l’exhérédé ne

peut invoquer une clause générale de nullité mais

uniquement un vice propre à l’exhérédation, il doit

intenter une action en réduction. Si elle aboutit,

l’exhérédé ne reçoit que le montant de sa réserve. Cette

action doit être ouverte lorsque l’exhérédé se fonde sur la

cause de l’exhérédation (absente, insuffisante ou non

indiquée). L’action doit être dirigée contre l’héritier ou le

légataire qui profite de l’exhérédation (art. 479 al. 2).

- L’exhérédation d’un insolvable (art. 480 CC) : elle est liée au fait que la

réserve doit contribuer à assurer les conditions de vie des proches du

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DC. Si le HR est insolvable, la réserve qu’il touche risque surtout de

servir à désintéresser ses nombreux créanciers. Dans le même ordre

d’idée, l’art. 524 al. 2 reconnaît d’ailleurs aux créanciers la faculté

d’ouvrir une action en réduction si le débiteur renonce à exiger sa

réserve. Toutefois, le législateur a considéré que la position des

créanciers était trop favorable lorsque le HR est un descendant ayant

lui-même des enfants. Ces derniers ne doivent en effet pas être lésés

du fait que la réserve forme la garantie des créanciers. Ainsi, le DC

peut priver son descendant de la moitié de sa réserve et l’attribuer aux

enfants nés ou à naître (exhérédation à caractère préventif) :

o Conditions : l’art. 480 CC soumet l’exhérédation d’un insolvable

à quatre conditions relativement strictes :

Elle n’est possible qu’à l’égard d’un descendant.

Ce descendant doit être insolvable : l’existence d’actes

de défaut de bien représentant au moins le quart du droit

héréditaire de l’exhérédé doit être prouvée (art. 480 al. 2).

Elle ne peut porter, au maximum, que sur la moitié de

la réserve de l’insolvable (art. 480 al. 1).

La part dont l’exhérédé est privée doit être attribuée aux

enfants (aux descendants) de celui-ci.

o Formes : voir règles sur l’exhérédation ordinaire (analogie).

o Effets : l’exhérédation réduit de moitié (au maximum) la réserve

du descendant. De ce fait, la part que les créanciers de cet

héritier peuvent faire réaliser diminuer également. L’autre moitié

passe aux enfants (la quotité disponible reste donc inchangée).

o Contestation : selon les mêmes conditions que l’exhérédation

ordinaire, l’exhérédation de l’insolvable peut être attaquée par

une action en nullité ou une action en réduction. Elle devient

également caduque, à la demande de l’exhérédé, s’il n’existe,

au moment de l’ouverture de la succession, plus d’actes de

défaut de bien pour un montant supérieur au quart du droit

héréditaire de l’exhérédé (art. 480 al. 2 CC).

§14. Les réserves et la quotité disponible

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Sauf exhérédation, les HR sont les descendants, les père et mère ainsi que le

CPES (art. 470 al. 1 CC). Pour chacun d’eux, la réserve consiste en une

fraction de leur droit de succession légal (art. 471 CC). Dans un cas

particulier toutefois, la réserve des enfants communs est modifiée pour

permettre au DC de favoriser d’avantage le conjoint survivant (art. 473 CC).

La réserve du CPES est de la moitié de son droit de succession légal, comme

le précise l’art. 471 ch. 3 (en lien avec le ch. 1). Comme le droit du CPES

varie en fonction des parents avec lesquels il est en concours, la fraction de la

succession qui lui est réservée est également variable :

- Si le CPES est en concours avec des descendants, sa part légale est

de 1/2 (art. 462 ch. 1) et sa réserve est donc de 1/4 de la succession.

- S’il est en concours avec des membres de la P2, sa part légale est de

3/4 (art. 462 ch. 2) et sa réserve est donc de 3/8 de la succession.

- Dans tous les autres cas, il a droit à toute la succession (art. 462 ch. 3)

et sa réserve est donc de la moitié de la succession (1/2).

La réserve des descendants est de 3/4 de leur droit de succession légal

(art. 471 ch. 1 CC), peu importe leur nombre. La fraction de la succession qui

leur revient dépend donc de leur part légale et ainsi des concours possibles :

- En l’absence de CPES : la fraction réservée aux descendants est de

3/4 de la succession totale (quotité disponible de 1/4). La réserve

individuelle dépend dès lors du nombre de descendants :

o 3/4 pour l’enfant unique du DC (seul héritier légal du DC).

o 3/8 (1/2 x 3/4) pour chacun des deux enfants du DC.

o 1/16 (1/3 x 1/4 x 3/4) pour chacun des quatre petits-enfants du

DC nés de l’un des trois enfants précédés de ce même DC.

- En cas de concours avec le CPES : la fraction réservée aux

descendants est alors de 1/2 (part légal, l’autre demi est attribué au

CPES) de 3/4 (fraction de la réserve), soit 3/8. Au final, le total des

réserves des descendants et du CPES est donc de 1/4 + 3/8, soit 5/8.

Là encore, la réserve individuelle de chaque descendant varie en

fonction de leur nombre. Elle sera ainsi par exemple de :

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o 3/8 pour l’enfant unique.

o 3/16 (1/4 x 3/4) pour chacun des deux enfants du DC.

o 1/8 (1/6 x 3/4) pour chacun des trois enfants du DC.

La réserve des père et mère est de la moitié de leur droit de succession

(art. 471 ch. 2 CC, en lien avec le ch. 2). Comme toujours, la fraction des père

et mère varie en fonction des concours :

- En l’absence de CPES : plusieurs cas sont alors possibles :

o Si le père et la mère sont tous deux vivants, la réserve de

chacun est de 1/4 de la succession (quotité disponible : 1/2).

o Si le père ou la mère est prédécédé(e) sans descendance, le

parent survivant reçoit toute la succession et sa réserve est

donc de 1/2 du tout, tout comme pour la quotité disponible.

o Si le père ou la mère prédécédé(e) laisse des descendants, la

part légale du parent survivant est de 1/2 et sa réserve est donc

de 1/4. Ensuite, les frères et sœurs du DC n’étant pas

réservataires, la quotité disponible est de 3/4.

- En cas de concours avec le CPES : la part légale du CPES étant de

3/4 de la succession (art. 462 ch. 2), les membres de la P2 n’ont droit

qu’à 1/4 de la succession. La réserve des père et mère varie alors :

o Si le père et la mère sont tous deux vivants, la réserve de

chacun est de 1/16 (1/2 de 1/8) de la succession (celle du CPES

est de 3/8). Dès lors, la quotité disponible est de 8/16, soit 1/2.

o Si le père ou la mère est prédécédé(e) sans descendance, le

parent survivant a droit à 1/2 de 1/4, soit 1/8. La réserve du

CPES sera alors de 3/8 et la quotité disponible sera de 1/2.

o Si le père ou la mère prédécédé(e) laisse des descendants, sa

réserve est de 1/16 (1/8 x 1/2). Comme les frères et sœurs du

DC (descendants du parent prédécédé) ne sont pas HR, le 1/8

du parent prédécédé n’entre pas en compte. Le CPES a une

réserve de 3/8. Dès lors, la quotité disponible et de 9/16.

HR Réserve Fraction finale

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CPES (1) 1/2 de leur droit 1/2 x droit de succession

Descendants (2) 3/4 de leur droit 3/4 x droit de succession

Père et mère (3) 1/2 de leur droit 1/2 x droit de succession

On voit donc que pour obtenir la réserve de chacun, il faut multiplier la fraction

de réserve (art. 471 CC) par leur droit de succession légal (art. 462 CC

notamment). Naturellement, la fraction finale dépend des cas de concours et

du nombre de descendants.

Il convient à présent de parler du cas particulier du legs d’usufruit, au sens de

l’art. 473 CC (concours entre les descendants et le conjoint). En dérogation à

la règle de l’art. 471 CC (réserve des descendants de 3/8, réserve du conjoint

de 1/4 et quotité disponible de 3/8), l’art. 473 permet du DC de grever toute la

part dévolue aux enfants communs d’un usufruit en faveur du conjoint. Il s’agit

d’une lex specialis par rapport aux art. 471, 484 al. 2 et 530 CC.

Le but poursuivi est de permettre au DC de laisser à son conjoint l’usufruit de

toute la succession (les descendants ont la nue-propriété). Cela contribue à

maintenir les conditions de vie que le conjoint avait avant le décès et évite de

devoir partager la succession entre le conjoint et les descendants. En plus de

cela, l’art. 473 al. 2 permet de laisser au conjoint tout ou partie de la quotité

disponible en propriété, en plus de l’usufruit de la part revenant aux enfants

communs. Ces possibilités, fréquemment utilisées dans la pratique, exigent

un sacrifice des descendants communs, qui doivent attendre le décès du

conjoint titulaire de l’usufruit pour recevoir leur part.

Il convient de rappeler les règles ordinaires en matière de legs d’usufruit

(règles auxquelles l’art. 473 CC déroge en tant que lex specialis). Au lieu de

léguer un bien en propriété, le DC peut en léguer l’usufruit. Le légataire

(personne à qui le DC lègue l’usufruit, pas le conjoint dans l’hypothèse) exige

alors des héritiers qu’ils constituent en sa faveur une servitude d’usufruit. Il en

acquiert dès lors la possession et en a l’usage et la jouissance (art. 745 ss).

Les héritiers restent les nus-propriétaires du bien, dont ils peuvent donc

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librement disposer. Sauf précision contraire, l’usufruit s’éteindra au décès du

légataire et les héritiers récupéreront à ce moment-là la pleine propriété de

l’objet. Pour apprécier l’importance du legs d’usufruit en rapport avec les

règles sur les réserves et la quotité disponible, il faut en déterminer la valeur.

Cette valeur ne correspond en effet pas à la valeur de l’objet lui-même

puisque le légataire n’en a que l’usage et la jouissance. La valeur du legs est

alors déterminée par l’art. 530 CC, qui prescrit de prendre en compte la valeur

capitalisée, qui dépend de la durée présumable du droit (et donc en principe

de l’âge du légataire). Plus le légataire est jeune, plus l’usufruit durera

longtemps et plus sa valeur capitalisée sera élevée. Il faut estimer le

rendement annuel net de l’objet de l’usufruit et le multiplier par un coefficient

qui est fonction du nombre probable d’années que durera l’usufruit. Dès lors,

pour déterminer si un legs d’usufruit respecte la quotité disponible, il faut

comparer la valeur capitalisée de cet usufruit avec la valeur de la quotité

disponible. Si la valeur capitalisée de l’usufruit coïncide avec la valeur de la

quotité disponible, l’usufruit va porter sur un montant qui sera forcément plus

grand que la quotité. Le HR ne recevra donc pas toute sa réserve en pleine

propriété. Pour compenser cela, le HR reçoit une part de sa réserve en nue-

propriété, qui vaut autant que l’usufruit qui empiète sur sa réserve. Au final, le

HR reçoit un montant respectant sa réserve, même si une partie de ce

montant est en nue-propriété : il ne peut pas l’utiliser dans son intégralité.

Voyons un exemple : le DC laisse un seul héritier, un enfant. La succession

s’élève à 160'000 francs. Selon l’art. 471 ch. 1 CC, l’enfant a droit aux 3/4 de

la succession, soit à 120'000 francs (la quotité disponible est alors de 40'000

francs). Si le DC lègue à une vieille femme l’usufruit de la moitié de sa

succession (soit un usufruit portant sur 80'000 francs), la valeur capitalisée de

l’usufruit est de 39'312 francs (selon les tables de capitalisation). La quotité

disponible est donc respectée. Malgré tout, l’enfant du DC ne recevra que la

moitié de la succession en pleine propriété, l’autre moitié étant grevée de

l’usufruit. Cette partie grevée d’usufruit a toutefois une valeur, qui correspond

à la valeur du patrimoine grevé, déduction faite de la valeur de l’usufruit (soit

dans notre cas 40'688 francs). Au final, l’enfant reçoit donc 120'688 francs,

soit plus que le montant de sa réserve, qui est dès lors respectée.

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Le but de l’art. 473 CC est de permettre au DC de laisser à son conjoint, à

certaines conditions et avec certains effets particuliers, un usufruit sur un

montant plus élevé (l’usufruit de toute la succession) que ce qu’autoriserait la

règle ordinaire de l’art. 530 CC. En effet, à partir d’un certain âge (plus le

légataire est jeune, plus l’usufruit a de valeur capitalisée, et donc moins la

part de nue-propriété est importante) et d’une certaine part léguée, la valeur

de la nue-propriété revenant aux HR n’est plus suffisante pour assurer leur

réserve. Pour permettre cela, il faut que les enfants en concours avec le

conjoint survivant soient communs. Dès lors, si le conjoint survivant est en

concours avec des enfants communs, le DC peut lui léguer l’usufruit de toute

la part revenant à ces descendants sans effectuer de calculs. Si au contraire

le conjoint est en concours avec des enfants non-communs, l’usufruit doit

respecter la règle ordinaire de l’art. 530 CC.

L’art. 473 CC a pour effet que si le conjoint accepte le legs d’usufruit, il

renonce par là même à sa réserve (et à sa qualité d’héritier). La réserve des

enfants communs, quant à elle, est réduite à la nue-propriété de la part de

succession qui est grevée de l’usufruit. Si le DC a légué à son conjoint

l’usufruit de toute la succession (quotité disponible léguée en usufruit), les

enfants reçoivent la nue-propriété de l’ensemble de la succession. Mais il est

également possible que le DC dispose de 1/4 de la succession en pleine

propriété. L’usufruit porte alors sur les 3/4 de la succession. Dès lors,

l’art. 473 a pour effet de substituer à la réserve des descendants de 3/8 en

propriété une réserve de 3/4 en nue propriété (au minimum). Le 1/4 restant

constitue alors la quotité disponible (art. 473 al. 2 CC). Dans la majorité des

cas, le DC utilise la possibilité offerte par cet article pour attribuer la quotité

disponible en propriété à son conjoint, en plus du legs d’usufruit. Il reçoit alors

1/4 de la succession en propriété et l’usufruit des 3/4 restants.

Une dernière précision : le privilège accordé au conjoint par l’art. 473 al. 1-2

prend fin en cas de remariage de celui-ci (art. 473 al. 3 CC). Dès ce moment,

son usufruit cesse de grever la partie de la succession qui n’aurait pas pu être

l’objet du legs d’usufruit selon les règles ordinaires sur les réserves des

descendants. Il convient donc de calculer quelle partie de la succession

n’aurait pu être grevée d’usufruit selon les règles générales.

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§15. La masse de calcul des réserves et de la quotité

Une fois les HR identifiés et les fractions de la succession qui leur reviennent

déterminées, il faut déterminer à quelle masse de biens ces fractions vont

être appliquées. Il faut ainsi définir la masse de calcul des réserves et de la

quotité disponible (MCRQD). En appliquant la réserve à cette masse, il sera

possible de déterminer concrètement combien chaque HR touchera.

La MCRQD comprend tout d’abord les mêmes éléments que le MàP (actif

successoral duquel sont déduites les dettes du DC et les dettes de la

succession). Elle comprend donc les BE du DC au moment de l’ouverture de

la succession, les rapports dus par les héritiers (art. 626 ss CC), ce qui

correspond à l’actif successoral. De cet actif, il faut déduire les dettes du DC

(dettes transmissibles ou éventuelles indemnités pour sacrifices familiaux) et

les dettes de la succession (frais funéraires et autres). Conformément à

l’art. 475 CC, il faut encore ajouter certaines libéralités entre vifs faites par le

DC (réunion successorale). Le but de ces réunions est d’éviter que le DC ne

rende illusoires les réserves en procédant à des libéralités entre vifs non

sujettes à rapport qui diminuent les BE. On peut donc résumer la composition

de la MCRQD grâce au tableau suivant :

Biens extants+ Rapports- Dettes du de cuius- Dettes de la succession+ Réunions= MCRQD

La détermination de la MCRQD n’est nécessaire que si le DC a pris des

DpCM attributives de biens ou de montants déterminés ou s’il a fait des

libéralités entre vifs non rapportées. S’il s’est contenté de modifier les

fractions revenant à certains héritiers, l’art. 474 CC ne s’applique pas. En

effet, dans ces cas-là, la MCRQD est égale à la MàP et les fractions

revenants aux héritiers sont réparties sur la base de cette MàP. Si un DC a

attribué toute la QD à son conjoint (réduisant la part de ses enfants à leur

réserve), il n’est pas nécessaire de déterminer la MCRQD car il n’y a aucune

libéralité sujette à réunion.

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Il convient à présent de parler des modalités d’évaluation de la MCRQD. Le

moment déterminant est le jour de l’ouverture de la succession, tant pour la

détermination de l’état de la succession que pour l’évaluation de sa valeur

(art. 474 al. 1, 630 al. 1 et 537 al. 2 CC). Même si les art. 474 ss CC ne

précisent pas quelle valeur doit être retenue pour l’estimation des biens, il est

généralement admis que le principe de la valeur vénale s’applique.

Après ces quelques généralités, il convient de parler (longuement) des

réunions. Les réserves étant des fractions de la masse successorale, le DC a

la possibilité, par le biais de libéralités, de diminuer la valeur des BE et donc

des réserves. Il pourrait ainsi faire de nombreuses libéralités peu avant sa

mort pour supprimer la protection des HR. Ceux-ci recevraient alors bien la

fraction de la succession qui leur est due mais la MàP serait tellement faible

que cette fraction deviendrait dérisoire. Les héritiers peuvent également eux-

mêmes influer sur la MàP. Un héritier tenu au rapport peut ainsi répudier la

succession pour y échapper, faisant dès lors baisser la MàP. Les réunions

successorales, éventuellement suivies de la réduction des libéralités faites et

de la restitution par leur bénéficiaire de ce qui excède la QD, permettent de

tenir en échec de telles manœuvres et ainsi d’assurer une protection

effectives des HR. Le montant des libéralités faites entre vifs par le DC est

alors réuni à la MàP pour calculer les réserves. Dès lors, la MàP et la quotité

disponible augmentent. Si la MàP au décès du DC permet de couvrir les

réserves, les libéralités ne sont pas remises en cause. Par contre, si la masse

restante ne permet pas d’assurer les réserves, les HR peuvent faire réduire

les libéralités et exiger la restitution de ce qui est nécessaire pour garantir leur

réserves (action en réduction et en restitution, art. 522 ss CC).

La réunion est donc une opération purement comptable consistant à ajouter à

la MàP le montant de certaines libéralités afin de calculer les réserves et la

QD (d’où son nom, masse de calcul des réserves et de la quotité disponible).

Le législateur précise à l’art. 527 CC quelles libéralités sont incompatibles

avec les réserves héréditaires et doivent dès lors être réunies. La réunion doit

avoir lieu dans tous les cas où une réduction serait possible selon l’art. 527,

même si la réduction n’est au final pas nécessaire (parce que les libéralités

n’excèdent pas la quotité disponible).

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Il s’agit désormais de préciser l’objet des réunions. L’art. 527 CC (art. 475)

prévoit tout d’abord 4 cas. Il faut ensuite ajouter le cas particulier des

assurances en cas de décès (art. 476) ainsi que les règles spéciales relatives

aux libéralités faites par modification du régime matrimonial (art. 216 al. 2 et

241 al. 3 CC) ou par convention sur les biens entre partenaires enregistrés

(art. 25 LPart). Voyons donc successivement ces sept points :

- Les libéralités que le DC pouvait librement révoquer et celles

exécutées dans les 5 années antérieures à son décès (art. 527 ch. 3) :

en soi, toutes libéralités entre vifs faites par le DC diminuent les BE et

devraient donc être sujettes à réunion. Toutefois, le législateur a limité

à cinq ans avant le décès la période à prendre en considération. Cela

permet d’éviter que le DC n’agisse peu avant sa mort. Au-delà de cette

période de cinq ans, la réunion n’a lieu que si la libéralité tombe sous

l’un des six autres cas de réunions. L’art. 527 ch. 3 CC exige :

o Une libéralité : il peut s’agir de toute forme d’attribution

volontaire effectuée à titre (partiellement) gratuit.

o La libéralité ne doit pas être un présent d’usage.

o La libéralité doit avoir été faite entre vifs, peu importe à qui.

Précisons que les libéralités faites en exécution d’une DpCM

n’ont pas à être réunies car elles ne sont exécutées qu’après

l’ouverture de la succession au moyen des biens extants.

o La libéralité doit être librement révocable par le DC jusqu’à son

décès (très rare en pratique) ou avoir été exécutée dans les 5

ans avant le décès. C’est le moment du transfert de possession

ou de l’inscription au registre foncier qui est déterminant.

- Les libéralités faites à titre d’avancement d’hoirie quand elles ne sont

pas soumises au rapport (art. 527 ch. 1) : les libéralités visées sont

celles faites sous forme de dot, d’établissement ou d’abandon de

biens. De manière générale, l’article vise les mêmes libéralités que

l’art. 626 al. 2 CC (et donc également les remises de dette ou les

autres avantages semblables : au final toutes les libéralités faites à titre

de donation). Si ces libéralités échappent au rapport, elles doivent être

réunies. Le TF précise que l’art. 527 ch. 1 CC vise trois cas :

IUR III 2012-2013 59

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o Le bénéficiaire de la libéralité est un descendant qui serait tenu

au rapport mais qui ne vient pas à la succession pour une cause

diverse (prédécès, répudiation, indignité, exhérédation).

o Le bénéficiaire de la libéralité est un descendant qui serait tenu

au rapport mais qui en a été expressément dispensé par le DC.

o Le bénéficiaire de la libéralité est un héritier (autre qu’un

descendant) mais la libéralité a tout de même le caractère d’une

dotation. Dès lors, elle n’est pas rapportable car le bénéficiaire

n’est pas un descendant mais un autre héritier.

- Les libéralités faites à titre de liquidation anticipée de droits

héréditaires (art. 527 ch. 2) : cet article vise l’hypothèse où le DC

passe avec un HR un pacte successoral de renonciation, à titre

onéreux. Le DC verse donc au renonçant une contre-prestation en

échange de sa qualité de HR. En ce sens, il y a une liquidation

anticipée des droits héréditaires du renonçant. L’art. 527 ch. 2 doit être

lu en relation avec les art. 535-536 CC, qui précisent le statut de la

contre-prestation en lien avec les réserves et la QD. Précisons en

outre que le pacte passé par le renonçant est en principe opposable à

ses descendants : ceux-ci perdent également leur réserve, ce qui

augmente alors la QD (et non pas les réserves des autres HR). Si la

contre-prestation ne fait que compenser la perte de la réserve, il ne

s’agit pas d’une libéralité : seul le montant qui excède la réserve du

renonçant est sujet à réduction. Par contre, c’est l’ensemble du

montant qui est sujet à réunion (sans quoi le calcul serait faussé).

Ainsi, l’ensemble du montant de la contre-prestation doit être réuni

mais seule la part excédant la réserve peut être réduite (exception au

parallélisme entre montant réuni et montant réduit).

- Les aliénations faites par le DC dans l’intention manifeste d’éluder les

règles concernant la réserve (art. 527 ch. 4) : au contraire des autres

chiffres, l’art. 527 ch. 4 s’étend à toutes les aliénations. La seule

condition de la réunion est l’intention (élément subjectif) manifeste du

DC d’éluder les réserves (concrétisation de l’interdiction de l’abus de

IUR III 2012-2013 60

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droit de l’art. 2 al. 2 CC). Cet article permet ainsi de réunir des

libéralités faites plus de cinq ans avant le décès du DC.

- Les règles particulières sur les assurances en cas de décès : pour faire

une libéralité, il est possible de faire bénéficier une personne du capital

en cas de décès. Si le DC conclut une telle assurance (preneur), la

créance contre l’assureur entre dans les BE et profite ainsi aux

héritiers. Toutefois, le DC peut faire bénéficier un tiers de ce capital (en

le désignant par une clause bénéficiaire, art. 76 al. 1 LCA). Dès lors,

l’art. 78 LCA prévoit que l’assureur doit verser le capital directement au

bénéficiaire. De ce fait, celui-ci n’entre pas dans les BE et la clause ne

constitue ainsi pas une libéralité entre vifs. En général librement

révocable par le DC (art. 77 al. 2 LCA), la libéralité en cause est visée

par l’art. 527 ch. 3 CC et prend effet dès le moment où il est acquis que

le DC ne la révoquera pas (et donc à la dernière seconde de sa vie).

Le DC peut également choisir de faire profiter un tiers de l’assurance

en lui cédant celle-ci entre vifs à titre gratuit. Enfin, le DC peut aussi

léguer le capital assuré. Normalement, le capital devrait être versé aux

héritiers qui devraient alors le transmettre au légataire. Toutefois, le

CC prévoit une règle spéciale : l’art. 563 al. 2 prévoit que le légataire

peut faire valoir ses droits directement contre l’assurer. Au final, peu

importe la forme utilisée, le capital assuré n’entre pas dans les BE. Dès

lors, l’art. 476 CC prévoit la réunion des assurances en cas de décès

constituées sur la tête du défunt. L’art. 476 vise les assurances en cas

de décès, constituées par le DC sur sa tête, en faveur d’un tiers :

o Une assurance en cas de décès est une assurance qui prévoit

le versement d’une somme d’argent à la mot d’une personne

(assurance-vie simple : la somme est due au décès de l’assuré

ou si celui-ci atteint un âge très avancé, assurance-vie mixte : la

somme est due lorsque l’assuré atteint un âge fixé ou, dans tous

les cas au décès de l’assuré). L’art. 476 CC ne s’applique alors

que si la somme a été versée au décès du DC.

o L’assurance doit avoir été constituée par le DC sur sa tête : il

doit donc être le preneur d’assurance et l’assuré.

IUR III 2012-2013 61

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o L’assurance doit bénéficier à un ou plusieurs tiers (personnes

autres que le DC ou ses héritiers). De plus, ce bénéficiaire ne

doit pas avoir fait de contre-prestations au DC.

Si ces conditions sont réunies, l’art. 476 CC prescrit que la réunion

s’opère pour la valeur de rachat calculée au moment de la mort. Il

écarte donc la valeur de l’assurance (montant touché par le tiers) ou la

valeur du total des primes. La valeur de rachat est toujours inférieure à

la somme assurée : l’art. 476 fait donc exception au principe selon

lequel l’entier de la libéralité reçue doit être réuni et favorise ainsi le

tiers bénéficiaire par rapport aux HR (le bénéficiaire peut conserver la

différence entre le montant assuré et la valeur de rachat).

- Les règles spéciales relatives aux libéralités faites par une modification

du régime matrimonial : la liquidation du régime matrimonial précédant

la succession, les époux peuvent exerçant une influence sur les BE et

les dettes en modifiant leur régime matrimonial. Le CC fixe des limites

à de tels procédés pour assurer une protection suffisante des HR. Ces

limites varient selon le régime matrimonial des époux. Nous nous

limiterons à la présentation des limites imposées aux époux mariés

sous le régime de la participation aux acquêts (en cas de mariage sous

le régime de la séparation de biens, la question ne se pose pas car il

n’y a pas de partage de bénéfice ou de biens). En principe, à la

dissolution du régime, chaque époux (ou ses héritiers) a droit à la

moitié du bénéfice réalisé par son conjoint (art. 215 al. 1 CC). Les

époux peuvent toutefois prévoir une autre répartition (art. 216). Cette

possibilité fréquemment utilisée en pratique (l’entier des bénéfices

revient au conjoint survivant) peut diminuer fortement les BE, qui sont

désormais restreints aux seuls biens propres du DC. Le conflit entre

héritiers et conjoint survivant est arbitré par l’art. 216 al. 2 CC qui

prévoit que les conventions modifiant la répartition des bénéfices ne

peuvent porter atteinte à la réserve des enfants non communs et de

leurs descendants. Il convient alors d’analyser deux points :

o L’art. 216 al. 2 en tant que lex specialis : l’art. 216 al. 2 est une

lex specialis par rapport aux art. 475 et 527 ch. 3 : il signifie que

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seuls les enfants non communs et leurs descendants peuvent

faire réunir et, le cas échéant, réduire, la libéralité faite au

conjoint. La réserve des autres HR (enfants communes et père

et mère) n’est donc pas protégée. La réunion de la libéralité faite

au conjoint est exclue pour le calcul des réserves de ces HR,

quand bien même les conditions des art. 475 et 527 ch. 3 sont

remplies. Pour les enfants communs, l’art. 216 al. 2 signifie que

la réserve n’est protégée que pour les 3/8 des biens propres du

DC (à la condition que celui-ci n’ait pas fait usage des

possibilités offertes par l’art. 473 CC, car dans ce cas la réserve

des enfants communs est réduite à la nue-propriété des 3/4 des

biens propres du DC, voire même à l’ensemble si le DC a

étendu l’usufruit au 1/4 restant de la QD).

o La réserve des enfants non communs : l’art. 216 al. 2 CC

signifie que les enfants non communs et leurs descendants

peuvent exiger la réunion et, au besoin, faire réduire la libéralité

faite au conjoint par contrat de mariage. L’art. 216 al. 2 fonde

donc un cas supplémentaire de réunion, indépendant des

conditions de l’art. 527 ch. 1-4 CC. Pour déterminer cette

libéralité, il faut calculer le bénéfice selon les règles ordinaires et

considérer que toute part qui excède la moitié de ce bénéfice

(règle légale) est une attribution au conjoint à titre gratuit. La QD

ne peut alors plus être déterminée en fraction mais doit être

déterminée en valeur directement, en soustrayant la somme des

réserves de la MàP. Voyons deux exemples :

Le DC laisse son conjoint et un enfant commun : le

bénéfice réalisé par les époux est de 240'000 francs et

les biens propres du DC sont de 160'000 francs. Ces

160'000 francs constituent les BE mais également la

MCRQD. Selon l’art. 216 al. 2, l’enfant ne peut exiger la

réunion des 120'000 francs qui auraient dû revenir au DC

(moitié des bénéfices, selon la règle générale de l’art.

215 al. 1 CC). Dès lors, la réserve de l’enfant est de 3/8

IUR III 2012-2013 63

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de ces 160'000 francs (60'000 francs). Si le DC a en plus

constitué un usufruit sur ses propres biens en faveur de

son conjoint (et cédé à ce même conjoint la QD de

40'000 francs), l’enfant ne dispose alors que de 120'000

francs en nue-propriété (soit les 3/4 des biens du DC).

Le DC laisse son conjoint et un enfant non commun :

dans ce cas (reprise des éléments chiffrés de l’exemple

précédent), l’enfant peut exiger la réunion des 120'000

francs (part revenant au DC dans le partage des

bénéfices) pour la détermination de la MCRQD. Sa

réserve est ainsi des 105'000 francs : 3/8 (fraction) des

160'000 francs de biens propres du DC auxquels

s’ajoutent les 120'000 francs de part de bénéfice.

- La règle spéciale relative aux conventions sur les biens passés entre

partenaires enregistrés : selon l’art. 25 al. 2 LPart, la convention

passée entre partenaires enregistrés ne peut porter atteinte à la

réserve des descendants de l’un ou de l’autre. Le système est donc

analogue à celui des art. 216 al. 2 et 241 al. 3 CC : les libéralités faites

au partenaire enregistré doivent être réunies pour calculer la MCRQD.

Le CC ne régit que très partiellement la détermination du montant précis de la

réunion à effectuer. On peut affirmer l’application des principes suivants :

- Le moment déterminant pour estimer le montant de l’attribution est

celui de l’ouverture de la succession (art. 537 al. 2 CC). La règle est

ainsi la même qu’en matière d’estimation des BE.

- La valeur déterminante est la valeur vénale, sauf pour les immeubles

et entreprises agricoles, estimés à leur valeur de rendement, pour les

usufruits et les rentes, estimés à la valeur capitalisée, pour les

libéralités faites par le biais d’assurances, réunies à leur valeur de

rachat pour les assurances visées par l’art. 476 et au montant du

capital assuré pour les autres assurances ou pour les libéralités faites

en argent, prises en comptes à leur valeur nominale.

IUR III 2012-2013 64

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- En cas de donation mixte, la libéralité est estimée selon la méthode de

la proportionnalité. On réunit la fraction de la valeur actuelle du bien

transféré qui correspond à la part gratuite au moment de la libéralité.

- Pour terminer, il est nécessaire de déterminer comment on tient

compte de ce qu’il s’est passé entre le moment où l’attributaire a reçu

le bien du DC et le moment de l’ouverture de la succession. Cela

concerne ainsi l’aliénation du bien, les impenses, les fruits perçus :

o L’attributaire étant légitime propriétaire du bien, il peut l’aliéner

en tout temps à un prix normal et c’est alors ce prix qui est pris

en compte pour la réunion (art. 630 al. 1 CC).

o Les diminutions fautives de valeur (donation ou vente en temps

inopportun ou en dessous du prix, perte, destruction) ne sont

pas prises en considération et ne diminuent donc en rien la

valeur à réunir. En cas d’aliénation totale, la réunion doit être

faite à la valeur normale du bien au moment de l’aliénation,

augmentée du montant du dommage causé. En cas de

détérioration, la réunion se fait à la valeur résiduelle. Les

diminutions de valeur fortuites, par contre, sont prises en

compte et la réunion se fait alors à la valeur résiduelle.

o Les fruits perçus par l’attributaire ne sont pas pris en compte.

o Les plus-values apportées par des impenses nécessaires et

utiles ne sont déduites de la valeur du bien que si elles excèdent

les fruits perçus. Les plus-values apportées par des impenses

somptuaires sont par contre déduites de la valeur du bien.

7. Cours du 30 octobre 2012

Chapitre 3. Modes de disposer

La liberté de disposer n’est pas seulement limiter par les règles sur les

réserves et la QD (quantitatif, art. 470-480 CC). Elle l’est également quant

aux instruments juridiques utilisables : sur le plan formel, le DC doit passer

par un testament ou un pacte successoral (art. 498-508 CC). Ensuite, sur le

IUR III 2012-2013 65

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fond, il doit utiliser l’une des manières de disposer prévues par la loi (modes

de disposer, art. 481-497 CC). Parmi ces modes, on distingue :

- Selon le caractère successoral :

o Les modes sans caractère successoral : il s’agit des modes

ressortissant du droit des personnes, du droit de la famille ou du

droit des obligations. Il s’agit de mesure que le DC prend en vue

de sa mort mais qui ne visent pas à régler directement la

transmission de son patrimoine. Il peut s’agir de la constitution

par DpCM d’une fondation (art. 81), de la reconnaissance par

testament d’un enfant naturel (art. 260 CC), de la désignation du

bénéficiaire d’une assurance-vie (art. 76 ss LCA), de la

proposition d’une personne comme tuteur (art. 381 CC), du

testament parental, d’une clause compromissoire prévoyant la

liquidation des litiges par voie d’arbitrage.

o Les modes à caractère successoral : ils s’agit des modes qui

concernent la transmission des biens du défunt. Parmi ceux-ci

on distingue encore les dispositions attributives de biens de

celles qui n’ont pas ce caractère attributif :

Les dispositions attributives fondement une vocation

successorale ou confère un avantage à un successeur ou

à un tiers. Il s’agit de l’institution d’héritier (art. 483), du

legs (art. 484-486), des substitutions (art. 487-492), de

certaines charges (art. 482) et du cas particulier de

l’attribution de biens à une fondation (art. 493 CC).

Les dispositions non attributives comprennent

l’exhérédation (art. 477-480), l’exclusion d’un héritier non

réservataire (art. 470 al. 2), les règles de partage

(art. 608 al. 1), la désignation d’un exécuteur (art. 517), la

révocation d’un testament ou d’un pacte (art. 509 ss CC),

l’ordonnance de rapport (art. 626 al. 1).

- Selon le caractère unilatéral ou contractuel : la plupart des dispositions

peuvent avoir soit l’un, soit l’autre caractère, selon qu’elles se trouvent

dans un pacte successoral (PS, contrat) ou dans un testament (acte

IUR III 2012-2013 66

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unilatéral révocable). Certaines dispositions sont toutefois par nature

unilatérales. Dès lors, si elles se trouvent dans un PS, elles ne seront

valables qu’à condition d’être révocables (reconnaissance d’un enfant,

art. 260 al. 3, exhérédation, art. 477 ss, désignation d’un exécuteur

testamentaire, art. 517 al. 1 et révocation d’une disposition de dernière

volonté). Précisons que la renonciation d’un héritier par pacte

successoral n’est pas un mode de disposer (pas un acte du DC).

Nous nous limiterons à l’étude des modes de disposer proprement dits régis

par les art. 482-497 CC. La première section sera consacrée aux modes

pouvant avoir leur place dans un testament comme dans un pacte

successoral, à savoir l’institution d’héritier et le legs (nous laisserons de côté

les différents types de substitution, l’affectation de biens à une fondation ainsi

que les conditions et les charges). La seconde section, quant à elle, sera

consacrée aux modes spécifiques du pacte successoral et concernera le

pacte en général, le pacte d’attribution et le pacte de renonciation.

Section 1. Les modes de disposer de caractère général

§16. L’institution d’héritier

L’institution d’héritier est la DpCM par laquelle le DC désigne un successeur

universel. L’art. 483 apporte quelques précisions quant à la manière de

procéder et quant aux personnes qui peuvent être choisies comme héritier.

La désignation des héritiers peut être faite de plusieurs façons (art. 483 al. 1) :

- Un héritier unique peut être désigné pour toute la succession.

- Plusieurs héritiers peuvent être désignés ensemble, le DC précisant

alors quelle est la quote-part personnelle de chacun.

- Plusieurs héritiers peuvent être désignés, sans que le DC n’indique les

parts de chacun. La disposition doit alors être interprétée pour

déterminer quelle fraction des biens revient à chacun. On présume en

principe que les héritiers succèdent à parts égales. Par contre, si le DC

IUR III 2012-2013 67

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a simplement institué ses héritiers légaux, on doit au contraire

présumer qu’il a simplement voulu confirmer la succession légale.

Enfin, précisons que le DC n’est pas forcé d’utiliser les termes héritiers ou

successeurs universels. Il suffit qu’il exprime sa volonté d’instituer un

successeur universel. En ce sens, l’art. 483 al. 2 CC prévoit que toutes

dispositions portant sur l’universalité ou sur une quote-part (notamment la

réserve ou la QD) de la succession est réputée institution d’héritiers.

§17. Le legs

L’art. 484 CC définit le legs de manière négative (libéralités qui n’emportent

pas d’institution d’héritier). De manière positive, il s’agit d’une DpCM qui

oblige un héritier (ou un autre légataire) à faire une prestation à une ou

plusieurs personnes. Un legs présente les caractéristiques suivantes :

- Il s’agit de l’attribution d’un avantage patrimonial.

- Au contraire de l’institution d’héritier, le legs n’ouvre pas de succession

universelle. Le légataire est un successeur à titre particulier : il ne

succède que dans certains actifs et ne répond pas des dettes du DC.

Il ne fait donc pas partie de la communauté héréditaire.

- Le légataire n’acquiert pas de droit direct sur l’objet du legs mais

seulement une créance contre la personne grevée (art. 562 al. 1 CC).

Le légataire est donc un successeur du débiteur du legs (en général

l’ensemble des héritiers) et non pas un successeur direct du DC.

Il convient maintenant de parler des bénéficiaires du legs et des débiteurs du

legs. Le DC peut désigner comme légataire (bénéficiaire) toute personne

physique ou morale ayant, au moment de l’ouverture de la succession, la

jouissance des droits civils (art. 543 al. 1 CC). Le DC peut ainsi faire un legs à

une personne qui est aussi héritière légale ou instituée (art. 486 al. 3 CC), on

parle alors de legs préciputaires (legs par préciput). Dans ce cas, l’héritier a le

droit de prendre son legs avant de recevoir sa part. Les débiteurs du legs

préciputaire sont en principe l’ensemble des héritiers (y compris le

bénéficiaire). En outre, la volonté du DC d’attribuer un ou plusieurs biens en

plus de sa part à un héritier doit pouvoir être clairement établie. En effet, le

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DC peut avoir simplement établi une règle de partage qui précise comment

l’héritier doit recevoir sa part. D’ailleurs, le CC présume la règle de partage

(art. 522 al. 2 et 608 al. 3). En ce qui concerne le(s) débiteur(s), le DC peut

désigner la ou les personnes tenue(s) d’exécuter le legs. Selon l’art. 484 al. 2,

il peut s’agir d’héritier(s) ou de légataire(s) (on parle alors de legs au second

degré ou de sous-legs). Faute de précision, le legs est dû par l’ensemble des

héritiers légaux et institués (art. 562 al. 1 CC).

L’objet du legs doit maintenant être précisé. Il peut porter sur toute prestation

qui peut faire l’objet d’une obligation et qui est destinée à procurer un

avantage patrimonial direct ou indirect. La prestation ne doit pas être illicite,

immorale ou impossible (art. 519 al. 1 ch. 3). L’art. 484 al. 2-3 énumère en

outre 5 types de prestations pouvant être léguées :

- Le legs d’une chose en propriété : il s’agit du cas le plus fréquent : le

DC lègue un immeuble, un meuble, de l’argent, sa voiture ou tout autre

objet (qui doit être déterminé ou au moins déterminable).

Normalement, il s’agit d’une chose dépendant de la succession, au

sens de l’art. 484 al. 2 (figurant parmi les actifs successoraux).

Toutefois, aux conditions de l’art. 484 al. 3, le DC peut léguer un objet

ne se trouvant pas dans ces actifs successoraux.

- L’octroi d’un droit réel limité : l’art. 484 al. 2 mentionne le legs de

l’usufruit de tout ou partie de la succession mais il peut aussi s’agir

d’un droit d’habitation, d’une autre servitude personnelle, d’une

servitude foncière voire d’un droit de gage ou d’une charge foncière.

Le légataire n’acquiert alors qu’une créance tendant à la constitution

du droit réel limité. Cette dernière n’intervient que par la suite, à titre

dérivé, par le biais du débiteur du legs, moyennant inscription au

registre foncier ou transfert de la possession (art. 563 al. 1 CC).

- Le legs d’une créance ou d’un autre droit : il peut s’agir d’une servitude

personnelle transmissible ou des droits de la propriété immatérielle.

- Le legs portant libération d’une obligation (d’une dette) : cette forme de

legs vise à libérer le légataire d’une dette envers le DC, envers le

débiteur du legs ou envers un tiers. Si le débiteur du legs est lui-même

le créancier de la dette, l’exécution du legs consiste en une remise de

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dette. Dans les autres cas, le débiteur du legs doit libérer le légataire

en payant lui-même la dette ou en reprenant celle-ci.

- Le legs d’une autre prestation matérielle ou personnelle.

En ce qui concerne le rapport entre le legs et la succession, le droit suisse ne

pose pas de limite quant à l’étendue des legs que peut faire le DC. Dès lors,

le débiteur du legs peut devoir utiliser tout ce qu’il retire de la succession

(voire plus) pour l’exécuter. Pour les HR, la question ne se pose pas : ceux-ci

peuvent en effet s’opposer à la délivrance du legs s’il excède la QD. Le

débiteur non réservataire, par contre, n’a pas cette possibilité (même s’il peut

répudier la succession, aux conditions des art. 566 ss et 593 ss CC, avec les

problèmes familiaux que cela peut entraîner). En outre, même en cas de

répudiation de la succession par le débiteur, l’art. 486 al. 2 prévoit que le legs

est maintenu. Pour compenser cela, l’art. 486 al. 2 donne au débiteur du legs

une voie générale pour obtenir la réduction du legs qui excède les forces de

la succession ou respectivement la libéralité qu’il a reçue.

Section 2. Les modes de disposer propres au pacte

§22. Le pacte successoral en général

La notion de pacte successoral sera présentée ici en quatre points :

- Le pacte successoral est un contrat pour cause de mort conclu entre le

DC (disposant) et un tiers (cocontractant) concernant la succession du

DC. Le pacte lie donc le DC tout en réglant sa succession.

- Il existe deux types de pactes successoraux :

o Le pacte d’attribution (pacte positif) : le DC prend des DpCM en

faveur du cocontractant ou d’un tiers (art. 494 al. 1) : le DC se

lie sur la manière dont il dispose pour cause de mort.

o Le pacte de renonciation (pacte abdicatif ou négatif) : un héritier

présomptif renonce à ses futurs droits de succession. Ce n’est

donc pas le DC qui se lie sur le plan successoral mais bien le

cocontractant (renonçant, art. 495 al. 2-3).

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- Le PS, dans sa forme simple, ne comporte qu’une seule prestation, à

savoir la DpCM du DC pour le pacte positif ou la renonciation du

cocontractant dans le pacte négatif. Toutefois, la prestation est souvent

faite en échange d’une contre-prestation (pacte onéreux).

- L’intérêt du pacte de renonciation est de permettre au DC de venir en

aide immédiatement à un HR dans le besoin. Son intérêt à conclure un

pacte attributif réside dans les contre-prestations qu’il pourrait recevoir.

§23. Le pacte d’attribution

Après avoir analysé le contenu du pacte, nous étudierons les droits du

disposant et enfin la protection du bénéficiaire dès l’ouverture de la

succession. Par rapport au contenu du pacte d’attribution, l’art. 493 al. 1

précise que le disposant peut s’obliger à laisser sa succession ou un legs à

l’autre partie contractante ou à un tiers. Cet article appelle quatre précisions :

- L’art. 494 al. 1 CC ne décrit pas l’objet du contrat. En concluant le

pacte, le DC ne s’oblige pas à disposer mais il s’oblige immédiatement

pour cause de mort. Dès lors, il ne peut plus valablement faire des

DpCM qui tiendraient celles du pacte en échec. Le pacte crée donc en

faveur du bénéficiaire une vocation successorale que le DC ne peut

plus révoquer, mais là s’arrête son effet.

- Le cocontractant accepte la disposition du DC mais ne se lie pas

autrement. Il reste libre de répudier la succession ou de renoncer à

l’avantage que lui confère la disposition prise par le DC.

- Le pacte est en général conclu au bénéfice du cocontractant.

Toutefois, il peut aussi l’être au bénéfice d’un tiers (stipulation pour

autrui, sans application de l’art. 112 al. 3 CO). Le disposant n’est lié

qu’envers le cocontractant : du vivant du disposant, le tiers n’a donc

qu’une expectative de fait, les parties au pacte pouvant en tout temps

révoquer d’un commun accord la disposition (même si le tiers a eu

connaissance de la disposition et a déclaré qu’il l’acceptait).

- Le pacte peut porter sur une institution d’héritier ou sur un legs mais

également sur toute DpCM qui n’est pas par nature unilatérale.

IUR III 2012-2013 71

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Comme toute DpCM, le pacte d’attribution ne produit d’effets qu’à la mort du

DC. Tant qu’il est vivant, le bénéficiaire du pacte n’a aucun droit sur son

patrimoine (le cocontractant a une expectative de droit, le tiers une

expectative de fait). Cette expectative est tout de même plus forte que celle

de l’héritier ou du légataire institués par testament car le DC ne peut plus la

révoquer unilatéralement. De ce fait, l’expectative du bénéficiaire d’un pacte

se rapproche de celle d’un HR. De son vivant, le DC continue à pouvoir

disposer de ses biens à sa guise (art. 494 al. 2 CC).

Après avoir parler des droits du DC durant son vivant, il convient de terminer

ce paragraphe consacré au pacte d’attribution en parlant de la protection du

bénéficiaire après le décès du disposant. La mort du DC transforme

l’expectative du bénéficiaire en un véritable droit, auquel l’art. 494 al. 3 donne

une protection rétroactive. Le bénéficiaire peut en effet attaquer les DpCM ou

les donations inconciliables avec les engagements résultant du pacte. L’une

comme l’autre ne sont pas nulles de plein droit : le bénéficiaire doit en obtenir

l’annulation par une action analogue à l’action en réduction :

- Les DpCM attaquables : il s’agit des dispositions figurant dans des

testaments antérieurs (révocables) ou postérieurs au pacte d’attribution

ou dans des PS postérieurs à celui-ci. Toutes ces dispositions peuvent

être attaquées si elles sont incompatibles avec les attributions

conventionnelles prévues par le pacte successoral d’attribution. Ainsi,

si le disposant lègue par testament un objet qu’il a déjà légué par

pacte, le second lègue est attaquable par le bénéficiaire du premier.

- Les donations attaquables : deux conditions doivent être remplies :

o Il doit s’agir d’un acte à titre gratuit (ou au moins de la partie

gratuite d’une donation mixte). Ainsi, contre les actes onéreux,

le bénéficiaire ne peut rien faire, même si ceux-ci sont

préjudiciables à ses intérêts (prise de valeur du bien aliéné).

o La donation doit être inconciliable avec les engagements

résultant du pacte d’attribution. Le TF estime que c’est le cas si

le DC s’est engagé à ne pas faire de donation ou si la donation

a été faite dans l’intention de nuire au bénéficiaire du pacte.

IUR III 2012-2013 72

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§24. Le pacte de renonciation

Le pacte de renonciation est un contrat que le disposant passe avec un

héritier présomptif et par lequel ce dernier renonce en tout en en partie à ses

futurs droits de succession (art. 495 al. 1). Par héritier présomptif on entend

toute personne qui succéderait à titre universel si celui-ci décédait au moment

où le pacte est conclu. Le DC peut écarter de la succession certains héritiers

sans conclure de pacte de renonciation (en disposant de ses biens par

testament) : celui-ci n’est donc nécessaire que si l’héritier présomptif est un

HR. Même si l’art. 495 al. 1 n’envisage que la renonciation à l’ensemble de la

succession, le cocontractant peut également renoncer à une partie de celle-ci.

La notion ayant été précisée, il s’agit de parler des modalités du pacte de

renonciation et de la contre-prestation du DC. En effet, même si la

renonciation de l’héritier (en principe réservataire) présomptif peut avoir lieu à

titre gratuit, celui-ci demande en générale une contre-prestation en échange

de l’abandon de ses expectatives successorales. Cette contre-prestation est

presque toujours fournie entre vifs (liquidation anticipée des droits

héréditaires au sens de l’art. 527 ch. 2 CC). Si la contre-prestation ne fait que

compenser la perte de la réserve, elle ne constitue que le versement d’un

montant auquel le renonçant aurait de toutes façons eu droit et ne lèse donc

pas les autres HR. Par contre, si elle excède le montant de sa réserve, elle

constitue une libéralité éventuellement sujette à réduction (art. 535 ss CC).

Enfin, concernant les effets, il faut distinguer selon le type de renonciation. Si

la renonciation est totale, le cocontractant ne devient pas héritier, n’est pas

membre de la communauté héréditaire, ne répond pas des dettes et n’est pas

associé aux opérations de partage. Naturellement, le DC peut toujours

instituer le renonçant héritier ou faire à celui-ci un legs malgré le pacte. Si elle

est partielle, les effets du pacte dépendent des prestations concrètes

auxquelles le cocontractant a renoncé. Dans les deux cas, la renonciation a

pour effet d’augmenter la QD. Concernant les descendants du renonçant, le

pacte est, sauf clause contraire, opposable aux descendants (contrairement

IUR III 2012-2013 73

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aux principes généraux), peu importe le type de renonciation (à titre gratuit ou

non). Concernant la contre-prestation, comme cela a déjà été dit, seule la

partie qui excède le montant de la réserve doit être réunie et peut être réduite.

Enfin, il faut préciser que les créanciers de l’héritier présomptif renonçant,

contrairement à ceux de l’HR (art. 524 CC), ne bénéficient d’aucune

protection contre l’abandon de l’expectative successorale. Par contre,

l’art. 497 CC protège les créanciers héréditaires dans la succession du DC

dans la mesure où le renonçant a reçu une part des actifs sur lesquels les

créanciers auraient normalement pu se payer.

8. Cours du 6 novembre 2012

Chapitre 4. La forme de dispositions

La forme revêt une importance particulière pour les DpCM, d’une part parce

qu’elles entraînent souvent des conséquences sur la totalité du patrimoine

d’une personne et d’autre part parce qu’elles produisent leurs effets à un

moment où leur auteur ne peut plus être interrogé sur ses intentions. Les

règles des art. 498 ss CC ont donc pour but d’amener l’auteur à bien mûrir sa

décision et à l’exprimer de manière claire. En principe, le non respect de ces

règles de forme entraîne l’annulabilité (nullité successorale) des dispositions

(art. 520 al. 1 CC). Toutefois, les actes qui se présentent sous une forme

véritablement éloignée de ce qui est requis peuvent être déclarés nul

d’emblée. A l’inverse, la loi prévoit quelques exceptions pour des informalités

mineures. Enfin, le TF a rappelé que les prescriptions de forme doivent être

interprétées en fonction des buts qu’elles poursuivent et en tenant compte du

principe du favor testamenti. En ce qui concerne le testament, l’art. 498 CC

énumère exhaustivement quelles peuvent être les formes possibles :

- Le testament public, forme qualifiée d’acte authentique (art. 499-504).

- Le testament olographe, forme qualifiée sous seing privé (art. 505).

- Le testament oral, forme qualifiée de déclaration verbale (art. 506-508).

Les deux premières formes sont dites ordinaires alors que la dernière est dite

extraordinaire, réservée à certaines circonstances exceptionnelles. En ce qui

IUR III 2012-2013 74

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concerne le pacte successoral, il doit toujours être reçu dans la forme du

testament public et donc de l’acte authentique qualifié (art. 512 CC).

§25. Le testament public

Le testament public est l’acte de DpCM de dernières volontés reçu par un

officier public avec le concours de deux témoins (art. 499). La confection d’un

testament public comporte 5 phases (art. 500-502 CC) :

- Le DC (testateur) indique ses volontés à l’officier public (art. 500 al. 1).

Il s’agit de la phase de la communication de la volonté.

- L’officier public transcrit ou fait transcrire les volontés dans un acte

(art. 500 al. 1). Il s’agit de la phase de rédaction de l’acte.

- Le testateur s’assure que l’écrit correspond à sa volonté, consacrant la

phase de vérification. Cette phase peut avoir lieu de deux manières :

o Le testateur peut lire lui-même l’acte et ensuite confirmer sa

vérification en signant le testament (art. 500 al. 1-2 CC).

C’est la forme principale du testament public.

o L’officier public donne lecture de l’acte au testateur et aux deux

témoins. Le DC déclare ensuite que l’acte contient ses dernières

volontés (art. 502 al. 1, forme secondaire du testament public).

- L’officier signe et date l’acte, lui conférant son caractère authentique

(art. 500 al. 3, phase de l’authentification du testament public).

- Les deux témoins confirment que le testateur a procédé à la

vérification du contenu et certifient qu’il leur a paru capable de disposer

(art. 501 al. 1-2). Il s’agit de l’attestation des témoins.

Les deux premières phases relèvement de la procédure préalable, ayant pour

but de préparer la procédure d’instrumentalisation proprement dite, constituée

des trois dernières étapes indiquées ci-dessus. L’art. 503 CC définit divers

cas d’incapacité et de récusation qui empêchent un officier public ou des

témoins de concourir valablement à l’acte. Les personnes qui participent avec

le DC à la confection du testament doivent ainsi présenter les qualités

IUR III 2012-2013 75

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personnelles nécessaires pour éviter que la procédure ne soit faussée en

raison de leurs intérêts personnels.

Précisons en outre que la forme du testament public est de droit fédéral : il

s’agit d’une forme qualifiée d’acte authentique, caractérisée par l’intervention

de deux témoins. Le droit cantonal joue tout de même un certain rôle, soit

parce que le droit fédéral y renvoie (art. 499 et 504 CC), soit parce qu’on peut

trouver en droit cantonal des solutions aux questions non régies par le CC.

Ainsi, les cantons ont notamment l’obligation de veiller à ce que les officiers

publics conservent en original ou en copie les testaments publics reçus ou

alors qu’ils les remettent en dépôt à une autorité (art. 504).

§26. Le testament olographe

Le testament olographe est le testament sous seing privé, entièrement écrit,

daté et signé de la main du testateur (art. 505 CC). Environ 90% des

testaments sont olographes : les avantages de cette forme tiennent

essentiellement à sa simplicité de rédaction et de modification. Le testament

olographe permet également au DC de tenir ses dernières volontés secrètes.

Toutefois, cette forme présente certains inconvénients : le DC ne peut en effet

pas se rendre compte des difficultés d’interprétation que ses dernières

volontés pourraient poser. Dès lors, il est utile que le DC se fasse conseiller

par un spécialiste. De plus, le risque d’être influencé par l’entourage est plus

grand que pour le testament public, pour lequel la présence d’un officier

public apporte une certaine garantie. Enfin, le testament olographe risque

plus facilement d’être détruit ou ignoré, d’où l’intérêt de le déposer chez une

personne de confiance. Il convient à présent d’examiner quelques points :

- Le support matériel : la loi ne précisant rien à ce sujet, le testament

peut être écrit sur tout ce qui supporte l’écriture (papier, bois, toile ou

encore mur, peu importe). Le testament n’a pas besoin de constituer

un document distinct, ni même d’être intitulé testament.

- L’écriture : toutes les dispositions du testament doivent être écrites de

la main du testateur. Il doit donc écrire lui-même, de la manière qui lui

est habituelle. L’utilisation de l’ordinateur, de la machine à écrire ou de

IUR III 2012-2013 76

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toute autre machine rend le testament invalide. Tant que le document

n’est pas daté et signé, les modifications apportées sont valables, pour

autant que le texte conserve une clarté suffisante. Après la signature,

les modifications sont régies par d’autres règles :

o Les ratures et biffages ont la portée de suppressions partielles

de l’acte (art. 510 al. 1 CC) et sont donc valables.

o Les corrections ou adjonctions, par contre, constituent une

nouvelle DpCM qui doit respecter la forme de l’art. 505 CC et

doivent donc être datées et signées. Malgré cela, une adjonction

faite par le DC (indubitablement) au-dessus de la signature est

valable même si elle n’a pas été à nouveau signée.

- La date : elle consiste dans la mention écrite de l’année, du mois et du

jour où l’acte a été dressé (art. 505 al. 1 CC). Grâce à la date, il est

possible de vérifier si le DC avait la capacité de disposer au moment

où il a fait le testament. On pourra également rétablir l’ordre

chronologique entre plusieurs testaments et mieux distinguer l’acte

définitif des simples projets. En outre, depuis 1996 (révision de

l’art. 505), la mention du lieu n’est plus exigée. L’art. 520a CC relativise

l’exigence de date : ainsi, le testament dont la date fait défaut ne peut

être annulé que s’il est impossible de déterminer d’une autre manière

les données temporelles requises et que la date est nécessaire pour

juger de la capacité de tester de l’auteur de l’acte, de la priorité entre

plusieurs dispositions ou de toute autre question de validité.

- La signature : en général, la signature consiste dans l’apposition du

nom et du prénom du testateur. Mais, d’une manière générale, toute

indication ne laissant planer aucun doute sur l’auteur est suffisante

(nom de famille ou prénom seuls, diminutifs, pseudonyme). Il n’est en

outre pas nécessaire que la signature soit légalisée. Celle-ci doit par

contre figurer au bas de l’acte, de manière à couvrir le bas de celui-ci.

§27. Le testament oral

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Le testament oral consiste dans la déclaration par le testateur de ses

dernières volontés à deux témoins, qui les communiquent ensuite é une

autorité judiciaire ou, si le testateur est un militaire en service, à un officier

ayant au moins le grade de capitaine (art. 506 al. 2-3 et 507 CC). Il s’agit

d’une forme exceptionnelle : le DC ne peut y recourir que s’il est empêcher de

tester sous une autre forme (art. 506 al. 1). Le DC doit donc être incapable

d’écrire et ne pas avoir le temps de faire appel à un officier public pour

recevoir ses dernières volontés (danger de mort imminent, épidémie, guerre,

communications interceptées ou autres circonstances extraordinaires : DC

grièvement blessé dans un accident de voiture par exemple). En ce sens, le

testament oral perd sa validité (et devient donc caduc) 14 jours après que le

DC a recouvré la possibilité de tester d’une autre manière (art. 508 CC).

§28. Le pacte successoral

Le pacte successoral ne peut être conclu que dans la forme du testament

public (art. 512 al. 1, renvoyant aux art. 499-503 CC). Comme le testament

public, le pacte successoral peut être passé en la forme principale ou en la

forme secondaire. Enfin, les formalités du testament public doivent tout de

même être adaptées au caractère bilatéral du pacte (art. 512 al. 2 CC). Ainsi,

les deux parties doivent prendre connaissance de l’acte, ce qui suppose que

disposant et cocontractant doivent être présents devant l’officier public.

Chapitre 5. La caducité des disposition

Entre le moment où les DpCM sont prises et celui de l’ouverture de la

succession, divers événements peuvent rendre caduques certaines mesures

décidées par le DC. Il faut distinguer le cas des testaments (art. 509-511 CC)

de celui des PS (art. 513-515 CC). Enfin, pour des raisons historiques,

l’art. 516 rapproche la caducité de la diminution de la liberté de disposer.

§29. La caducité des testaments

IUR III 2012-2013 78

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Jérémy Stauffacher Droit des Successions

Le testament étant une disposition de dernière volonté, la première cause

possible de caducité est la révocation par le DC (art. 509, 510 al. 1 et 511). Le

testament peut toutefois également devenir caduc indépendamment de la

volonté du DC, par l’effet de forces extérieures (art. 510 al. 2 CC) selon la loi :

- La révocation du testament : par nature, le testament peut être révoqué

en tout temps par son auteur (art. 509 al. 1 CC). Pour ce faire, il

dispose de quatre moyens, utilisables pour les 3 formes de testament :

o La révocation proprement dite (art. 509) : il s’agit d’une DpCM

par laquelle le DC déclare révoquer tout ou partie d’un

testament. Cette révocation expresse doit obéir aux règles des

DpCM et doit donc être revêtue de l’une des formes du

testament ou du PS (valable dans un PS si révocable).

o La suppression de l’acte par le testateur (art. 510) : comme la

révocation expresse, la suppression équivaut à une DpCM. Le

disposant doit donc avoir la capacité de disposer (art. 567 CC)

et la volonté de détruire l’acte en vue de révoquer le testament.

Ainsi, une destruction involontaire ne remplit pas les conditions

de l’art. 510 al. 1 mais constitue un cas de l’art. 510 al. 2 CC.

Par suppression on entend toute action matérielle sur le

testament qui révèle l’intention de le révoquer en totalité ou en

partie. Le testateur ne doit pas forcément agir lui-même, il suffit

que ce soit lui qui prenne la décision et donne les directives.

o La confection de DpCM ultérieures (art. 511 al. 1 CC) : le

testament étant une disposition de dernières volontés, les

DpCM inconciliables avec une disposition antérieure l’emportent

sur celles-ci. Dans le cas contraire, si la disposition postérieure

est compatible avec la précédente, on considère qu’il s’agit

uniquement d’une précision (toutes les deux sont dès lors

maintenues). C’est parce que la volonté du DC n’est pas

toujours forcément claire que le législateur a voulu instituer en la

matière une présomption en faveur de la révocation des

dispositions précédentes (art. 511 al. 1 CC).

IUR III 2012-2013 79

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o L’aliénation de l’objet de la DpCM (art. 511 al. 2 CC) : le DC

restant libre de disposer de son vivant des choses qu’il a

attribuées, l’aliénation d’une de ces choses manifeste son

intention de révoquer la DpCM. Toutefois, le CC ne fait que

présumer que telle était l’intention du DC. Dès lors, le

bénéficiaire peut établir que, dans l’esprit du DC, il devait

recevoir la contre-valeur de la chose aliénée ou l’objet acquis en

remplacement de celle-ci. Précisons que le terme « legs » de

l’art. 511 al. 2 est trop étroit : l’art. vise toutes les DpCM qui

peuvent se rapporter à une chose déterminée.

La révocation elle-même étant une DpCM, elle peut être révoquée à

son tour. Il faut alors déterminer si le DC voulait revenir sur son

intention primitive et faire revivre la première disposition ou s’il souhaite

plutôt revenir à la succession légale (ce que le TF présume).

- Suppression du testament (art. 510 al. 2) : cet art. vise tous les cas où

le document est supprimé indépendamment de la volonté du DC (par

cas fortuit). Dans tous ces cas, le testament n’est pas caduc de plein

droit mais ne le devient que s’il est impossible d’en reconstituer le

contenu. Toute personne qui y a intérêt peut donc prouver quel était le

contenu (sens) exact et intégral (pas forcément le texte) du testament.

- Autres causes légales de caducité : il s’agit des situations suivantes :

o Le prédécès (art. 542-543) ou l’indignité (art. 540 et 572 al. 2)

du gratifié et la répudiation par celui-ci (art. 572 al. 2 et 577 CC).

o Le divorce et l’annulation de mariage rendent caduques les

DpCM faites par l’un des époux en faveur de l’autre avant la

litispendance de la procédure (art. 120 al. 2 et 190 al. 2 CC).

o La dissolution judiciaire et l’annulation du partenariat enregistré

rendent également caduques les dispositions pour cause de

mort prises par l’un des partenaires en faveur de l’autre avant la

litispendance de la procédure (art. 31 al. 2 et 11 al. 2 LPart).

o L’écoulement du délai légal de 14 jours dans le cas du

testament oral (DC retrouvant la capacité de tester ; art. 508).

o La destruction, volontaire ou non, de la chose attribuée.

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o L’avènement d’une condition résolutoire ou le non-avènement

d’une condition suspensive mise à la DpCM.

§30. La caducité des pactes successoraux

De par sa nature contractuelle, le PS ne peut être révoqué unilatéralement : il

ne peut ainsi être rendu caduc que d’entente avec les parties (art. 513 al. 1).

Dans deux cas, il est possible de mettre fin au pacte par un acte unilatéral

(art. 513 al. 2 et 514). Les PS peuvent devenir caduc de par la loi (art. 515).

- Convention contraire : comme tout contrat, le PS peut être remis en

cause par un contrarius des parties, même si le bénéficiaire est un

tiers. Par contre, au contraire de ce que prescrit l’art. 115 CO, la

convention contraire doit être passée en la forme écrite.

- Révocation unilatérale pour cause d’exhérédation : l’expectative de la

personne gratifiée par un pacte d’attribution est analogue à celle d’un

HR. Dès lors, le législateur a considéré que le disposant devait pouvoir

priver le cocontractant de son expectative s’il se rend coupable, après

la conclusion du pacte, d’un acte cause d’exhérédation (art. 513 al. 2).

L’annulation unilatérale doit alors se faire dans l’une des formes

prescrites pour le testament (art. 513 al. 3 CC). En outre, si le pacte a

été conclu à titre onéreux, elle doit être notifiée au cocontractant.

- Résolution du pacte pour cause d’inexécution : le pacte ne peut être

remis en cause que si la ou les prestation(s) due(s) n’est (ne sont) ni

exécutée(s) valablement (art. 68 ss CO), ni garantie(s) selon ce qui

avait été convenu. La remise en cause est également possible lorsque

le disposant dissipe sa fortune ou rend impossible l’exécution d’un legs

(art. 514 par analogie). Dans tous les cas, le créancier doit procéder

conformément aux règles prévues par le droit des obligations pour les

cas d’inexécution des contrats synallagmatiques (art. 107-109 CC).

- Autres causes légales de caducité : il s’agit des mêmes causes que

pour les testaments. Ainsi, si l’héritier ou le légataire gratifié

prédécèdent, ils ne succèdent pas (art. 542-543 CC) et leur part revient

IUR III 2012-2013 81

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aux héritiers légaux du disposant (art. 572 al. 2 par analogie). Le pacte

est alors résilié de plein droit. Cette règle est toutefois de droit

dispositif : les parties peuvent donc convenir d’une substitution vulgaire

en faveur des héritiers du gratifié ou de tiers (art. 572 al. 2 CC).

§31. L’influence de la diminution de liberté de disposer

Il peut arriver que la situation familiale du DC se modifie de telles façons que

sa liberté de disposer diminue (mariage, partenariat enregistré ou nouveau

descendant, que ce soit par naissance, adoption, reconnaissance ou action

en paternité). Dans ce genre de cas, le droit romain et certains droits

cantonaux prévoyaient la caducité des DpCM. Le droit suisse, au contraire, se

contente de rappeler que les dispositions sont réductibles à la demande du

nouvel HR (art. 516 CC), afin d’assurer sa réserve (et non sa part légale).

9. Cours du 13 novembre 2012

Chapitre 6. L’inefficacité des dispositions

Pour terminer l’étude de la vocation volontaire, il faut analyser la sanction des

règles sur les DpCM. Deux voies de droit, applicables tant aux testaments

qu’aux PS, sont prévues par le CC : l’action en nullité, sanctionnait les règles

sur la capacité et la volonté de disposer, sur les modes de disposer et sur la

forme des DpCM (art. 519-521 CC) et l’action en réduction, permettant

d’obtenir le respect des réserves héréditaires et sanctionne la violation des

règles sur la liberté de disposer (art. 522-533 CC). Avant d’analyser ces deux

voies de droit, il convient de présenter l’ensemble des causes d’inefficacité

des dispositions pour cause de mort.

§32. Les causes d’inefficacité des dispositions

L’inefficacité des DpCM peut résulter de l’inexistence de l’acte, de la caducité

de l’acte ou de son invalidité. En général l’invalidité entraîne l’annulabilité :

IUR III 2012-2013 82

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la disposition reste donc valable tant que l’invalidité n’a pas été prononcée par

une action en nullité. Il existe tout de même quelques cas de nullité absolue.

Il faut également distinguer le cas particulier des dispositions réductibles, qui

forment une catégorie particulière de dispositions invalides :

- Les dispositions ne produisant d’emblée aucun effet : inexistantes,

caduques ou nulles de plein droit, ces DpCM sont d’emblée sans effet.

Il n’est pas nécessaire de les attaquer par le biais de l’action en nullité

(ou en réduction). Tout intéressé peut faire constater en tout temps

l’inefficacité de la DpCM par une action déclaratoire, qui n’est pas

soumis aux art. 519 ss (que ce soit pour ses conditions ou ses effets).

o Les dispositions inexistantes : il s’agit des DpCM auxquelles il

manque un élément constitutif. Voici deux exemples :

La volonté de disposer fait défaut : la DpCM peut être

simulée, faite par plaisanterie ou dans un but didactique,

avoir été rédigée sous la contrainte ou exprimer un vœu.

L’acte n’émane pas du DC : si l’acte est faux dans son

ensemble, il n’existe pas du tout. Si des tiers ont fait des

adjonctions, seules celles-ci sont considérées comme

inexistantes mais l’acte en lui-même demeure valable.

o Les dispositions caduques : il s’agit des DpCM dont la validité

était subordonnée à la survenance d’une condition suspensive

(légale) qui ne s’est pas réalisée ou à la non-survenance d’une

condition résolutoire (légale) qui s’est réalisée.

o Les dispositions nulles de plein droit : ce sont les DpCM

affectées d’une vice si fondamental que la jurisprudence ou la

doctrine admettent, en dérogation aux art. 519-521 CC, qu’elles

sont privées de tout effet juridique. Il peut notamment s’agir

d’une clause par laquelle le DC s’en remet à un tiers afin que

celui-ci attribue ses biens successoraux, du legs d’une chose

dont le DC ne pouvait disposer (substitution fidéicommissaire),

d’une clause frappée d’une impossibilité objective initiale, d’une

promesse de passer un pacte successoral ou encore de cas

extrêmes de violation des règles sur la capacité de disposer

IUR III 2012-2013 83

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(testament rédigé par un enfant de huit ans) ou sur la forme des

dispositions pour cause de mort (testament d’origine douteuse,

écrit entièrement à l’ordinateur, non daté et non signé).

- Les dispositions annulables : il s’agit de toutes les DpCM visées par les

art. 519 et 520 CC (absence de capacité de disposer, vice de la

volonté, illicéité du mode de disposer et vice de forme). Alors que de

tels actes passés entre vifs sont en principe nuls (nullité absolue ou

relative), le droit successoral ne prononce qu’une annulabilité. La

disposition est donc valable tant que personne ne l’a attaquée. Si

personne ne le fait ou si l’action n’aboutit pas (irrecevabilité ou rejet), la

disposition devient donc pleinement valable.

- Les dispositions réductibles : ce sont toutes les DpCM qui portent

atteinte aux réserves héréditaires. Elles ne sont alors pas annulées

entièrement mais seulement réduites de ce qui est nécessaire pour

reconstituer les réserves lésées. Tout comme l’action en nullité, l’action

en réduction est formatrice (ou constitutive).

§33. L’action en nullité

L’action en nullité est la voie de droit qui sanctionne les règles sur la capacité

et la volonté de disposer, sur les modes de disposer et sur la forme des

dispositions pour cause de mort. La nullité peut également être invoquée par

voie d’exception (art. 521 al. 3 CC). L’action comme l’exception ont un

caractère formateur (constitutif) : elles tendent à supprimer les effets de

DpCM jusqu’alors valables. Si l’invalidité de la disposition est admise par

toutes les personnes à qui celle-ci donne droit, l’ouverture d’une action en

justice n’est toutefois pas nécessaire. Il s’agit à présent d’analyser les

conditions (personnelles, matérielles, for et péremption) et les effets :

- Les conditions personnelles et matérielles, le for et la péremption :

o Les conditions personnelles : la qualité pour agir appartient à

toute personne intéressée, héritière ou légataire, à l’annulation

des dispositions litigieuses (art. 519 al. 2 et 520 al. 3). L’action

doit être dirigée contre toutes les personnes qui tirent

IUR III 2012-2013 84

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directement avantage, au détriment du demandeur, de la

disposition dont l’annulation est demandée.

o Les conditions matérielles : l’action n’est admise que si la

disposition est affectée d’une cause de nullité (art. 519 ss CC) :

Incapacité de disposer (art. 519 al. 1 ch. 1 et 467-468).

Vice de la volonté (art. 519 al. 1 ch. 2 et 469).

Illicéité ou immoralité (art. 519 al. 1 ch. 3 et 482-497).

Vice de forme (art. 520 al. 1 et 498-508, 512 et 509-515).

Vice de forme concernant la date (art. 520a CC).

o Le for : le for est au dernier domicile du DC (art. 18 al. 1 LFors).

o La péremption : même si l’art. 521 parle de délais de

prescription, il s’agit de délais péremptoires, qui ne peuvent être

ni suspendus ni interrompus et doivent être mis en œuvre

d’office par le juge. Il faut distinguer deux situations, selon que

la nullité est invoquée par action ou par exception :

L’exception de nullité : l’exception de nullité ne se périme

pas et peut être opposée en tout temps (art. 521 al. 3).

L’action en nullité : l’art. 521 prévoit 3 délais :

Un délai relatif d’une année à compter du jour où

le demandeur a eu la possibilité subjective d’agir.

Un délai absolu de dix ans dès l’ouverture de l’acte,

indépendant de la conscience du demandeur.

Un délai absolu prolongé à trente ans, applicable

lorsque l’action est dirigée contre un défendeur de

mauvaise foi et lorsque l’annulabilité de la

disposition est fondée soit sur le caractère illicite

ou immoral de celle-ci, soit sur l’incapacité de

disposer du DC (art. 521 al. 2). Si ce délai de 30

ans est applicable, les deux autres ne le sont plus.

- Les effets : le jugement entraîne l’annulation de l’acte vicié. Toutefois,

le principe favor testamenti impose si une conversion est possible :

o L’annulation de l’acte : si la nullité est prononcée pour incapacité

de disposer ou pour vice de forme, le jugement invalide en

IUR III 2012-2013 85

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principe l’acte dans son entier (sauf art. 520 al. 2). Au contraire,

en cas de vice de la volonté et d’illicéité ou d’immoralité, seules

les dispositions affectées sont annulées (sous réserve du cas où

il est possible de prouver que le DC n’aurait pas pris l’ensemble

des DpCM sans celles frappées de nullité, art. 20 al. 2 CO par

analogie). Le jugement produit un effet rétroactif : on considère

que la disposition n’a jamais existé et on applique dès lors les

DpCM antérieures ou, s’il n’y en a pas, la vocation légale. Ainsi,

un HR devrait favoriser l’action en nullité car cela lui permet de

retrouver sa part légale, en plus de sa réserve.

o La conversion des actes viciés : chaque fois que cela est

possible, la DpCM viciée doit être convertie de plein droit en une

autre DpCM valable. Pour être convertie, une disposition doit

être viciée et remplir les conditions de validité d’une autre DpCM

ou d’un acte juridique entre vifs poursuivant un but analogue.

Enfin, on doit pouvoir admettre que le DC aurait préféré choisir

la disposition valable plutôt que l’absence de disposition.

§34. L’action en réduction

L’action en réduction est la voie de droit qui permet à l’héritier dont la réserve

est lésée d’obtenir que les libéralités pour cause de mort ou entre vifs faites

par le DC soient réduites jusqu’à due concurrence (art. 522 al. 1 : sanction en

cas de violation des règles sur la liberté de disposer, art. 470-480). L’action

en réduction est une action formatrice (constitutive) tendant à la modification

d’effets juridiques déjà produits (résultant d’une DpCM ou d’une libéralité

entre vifs). Cette caractéristique amène trois précisions (trois conséquences) :

- La protection des HR n’est pas assurée d’office : celui-ci doit faire

valoir ses droits au cours du processus de liquidation de la succession.

L’ouverture d’une action n’est toutefois pas nécessaire si le droit à la

réserve est reconnu par les bénéficiaires des libéralités réductibles.

Inversement, le HR peut décider, après l’ouverture de la succession,

de renoncer, sans forme et même tacitement à faire valoir sa réserve.

IUR III 2012-2013 86

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- Le HR indûment exhérédé ou passé sous silence par le DC n’a pas la

qualité d’héritier tant qu’il n’a pas obtenu le respect de sa réserve : il ne

devient pas droit propriétaire et possesseur des biens successoraux

par l’effet de l’art. 560 CC et ne peut demander le partage. De même, il

ne répond pas des dettes du DC : il reste simplement héritier virtuel

jusqu’à l’entrée en force du jugement de la réduction.

- Le HR qui ne reçoit pas l’intégralité de sa réserve mais qui n’est pas

exclu par le DC est héritier : il participe à la gestion des biens, peut

demander le partage, répond des dettes et autres conséquences. La

voie pour obtenir la réduction varie alors selon le type de libéralité :

o Si le HR doit attaquer des DpCM non exécutées ou

(exceptionnellement) des libéralités entre vifs non exécutées,

l’héritier peut se contenter d’attendre que le gratifié ouvre action

pour obtenir son dû et lui opposer l’exception de réduction

(imprescriptible, comme le précise l’art. 533 al. 3 CC).

o Si le HR doit attaquer une libéralité entre vifs ou une DpCM

portant sur des biens dont le bénéficiaire est déjà possesseur, il

doit ouvrir, dans le délai de l’art. 533 CC, l’action en réduction.

La nature de l’action ayant été précisée, il convient de parler de son objet. La

réduction ne tend pas forcément à la suppression totale de la DpCM ou de la

libéralité entre vifs, mais seulement à ce qu’elle soit diminuée de ce qui est

nécessaire pour reconstituer la réserve. Si la libéralité n’a pas encore été

exécutée, demander la réduction suffira pour atteindre le résultat recherché.

Par contre, si elle a déjà été exécutée ou si son bénéficiaire se trouve, d’une

autre façon, déjà en possession des biens, la seule réduction de la libéralité

ne suffira pas à reconstituer la réserve. L’action en réduction doit alors être

complétée par une action en restitution de la partie de la libéralité qui a été

réduite. Les deux actions, généralement ouvertes en même temps, ne sont

toutefois pas de même nature : la première est formatrice (et personnelle)

alors que la seconde est condamnatoire (restitution du manque pour assurer

la réserve). Il s’agit à présent d’analyser les conditions personnelles,

matérielles, les règles sur le for et la péremption de l’action en réduction :

IUR III 2012-2013 87

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- Les conditions personnelles : légitimation active et passive :

o La qualité pour agir : elle appartient aux HR et, à certaines

conditions, à ses créanciers. L’exécuteur testamentaire et le

cessionnaire de la part héréditaire sont donc exclus :

Les HR : tout HR qui ne reçoit pas le montant de sa

réserve peut agir en réduction (art. 522 al. 1 CC), seul ou

avec d’autres HR dans la même situation. Toutefois

s’il renonce (pacte de renonciation) ou répudie à la

succession ou s’il est indigne, il perd la qualité pour agir.

Enfin, s’il décède après l’ouverture de la succession, ses

propres héritiers ont qualité pour agir (action pécuniaire).

Les créanciers des HR : l’expectative successorale des

HR constitue une partie de son crédit. L’attente des

créanciers est donc trompée si ceux-ci sont privés de leur

réserve et n’intentent pas d’action en réduction. Pour

éviter cela, l’art. 524 CC reconnaît la qualité pour agir en

réduction à la masse en faillite de l’héritier lésé ou au

créancier possédant contre lui un acte de défaut de biens

(avec les conditions de l’art. 480 en cas d’exhérédation).

o La qualité pour défendre : l’action peut être dirigée contre toute

personne ayant reçu une libéralité qui porte atteinte à la réserve

du demandeur. Précisons que l’exécuteur testamentaire et la

communauté héréditaire n’ont pas la qualité pour défendre.

- Les conditions matérielles : selon l’art. 522 al. 1 CC, l’admission de

l’action suppose l’existence d’une ou plusieurs libéralités du DC

excédant la quotité disponible et lésant le montant de sa réserve :

o Une disposition réductible : il s’agit de dispositions prises par le

DC qui constituent des libéralités (procurant à un tiers une

attribution sans contre-prestation équivalente) :

Des DpCM (institutions d’héritiers, legs, charges ; selon

les art. 522 al. 2 et 528 al. 2 CC) : l’art. 522 al. 2 CC

présume d’ailleurs que les dispositions relatives aux lots

des héritiers sont des règles de partage et non des legs

IUR III 2012-2013 88

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préciputaires (art. 608 al. 3 CC). En outre, il ressort de

l’art. 528 al. 2 CC que les attributions faites par PS sont

sujettes à réduction même si elles ont donné lieu à une

contre-prestation. Ainsi, si l’attribution a été réduite, la

contre-prestation peut l’être également.

Des libéralités entre vifs : les libéralités entre vifs ne sont

réductibles que si la loi le prévoit (art. 527 ch. 1-4 CC,

art. 529, art. 216 al. 2, 241 al. 3 CC, 25 al. 2 LPart).

o Une libéralité excédant la quotité disponible : si l’ensemble des

libéralités portent sur une fraction de la succession qui excède

la QD ou sur des biens dont la valeur dépasse celle de la QD, la

situation est claire. Par contre, il peut arriver que la réserve d’un

HR soit lésée alors même que le DC a respecté la QD. En effet,

la partie de la succession dont le DC n’a pas disposé revient

aux héritiers légaux (art. 481 al. 2 CC). Or, les réserves ne

portent pas toujours sur la même fraction de la part légale

(3/4 pour les descendants et 1/2 pour les autres HR). Ainsi, la

réserve de certains HR peut être lésée du fait de l’acquisition ab

intestat d’autres héritiers sur la partie de la succession dont le

DC n’a pas disposé. Il s’agit d’un cas de libéralité cachée.

Voyons un exemple : un DC laisse son conjoint et un enfant. La

part légale de chacun est de 1/2 (art. 462 ch. 1 CC). La réserve

du conjoint et de 1/2 de 1/2, soit 1/4 (art. 471 ch. 3) et de 3/4 de

1/2 pour l’enfant, soit 3/8 (art. 471 ch. 1). La QD est donc de 3/8.

Si le DC se contente de léguer cette QD à un tiers, le reste, soit

5/8 doit être partagé entre le conjoint et l’enfant (art. 481 al. 2).

Dès lors, chacun reçoit 5/16, ce qui lèse la réserve de l’enfant

(qui est de 6/16) et dépasse celle du conjoint (de 4/16).

Etrangement, la loi ne règle pas cette question : il y a donc une

lacune proprement dite (art. 1 al. 2 CC), qui doit être comblée :

Soit on considère que la réduction de la libéralité peut

être opérée alors même que le DC n’a pas excédé la QD

(il s’agirait alors d’une exception à l’art. 522 al. 1 CC).

IUR III 2012-2013 89

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Soit on admet que l’acquisition ab intestat d’où découle la

lésion de la réserve peut être réduite alors même qu’elle

ne procède pas d’une disposition du DC mais de

l’application de l’art. 481 al. 2 CC. Le DC ayant manifesté

sa volonté d’utiliser la QD, on peut présumer qu’il n’a pas

imaginé que les mécanismes successoraux conduiraient

à la lésion de la réserve de certains HR. Dès lors, cette

seconde solution semble mieux respecter la volonté du

DC : une acquisition ab intestat et doit être réduite en

priorité lorsque les dispositions du DC respectent la QD.

o Une libéralité portant atteinte à la réserve du demandeur :

lorsque les libéralités dépassent les QD, les réserves sont

forcément atteintes mais cela n’implique pas toujours que la

réserve individuelle du demandeur soit lésée. En effet, la

répartition du solde de la succession ne se fait pas forcément en

proportion des réserves. Il faut donc vérifier dans chaque cas si

la réserve du demandeur est lésée. Ainsi, si le DC laisse un

enfant et son conjoint et institue un tiers héritier de la moitié de

sa succession (soit 1/8 de plus que la QD), le conjoint recevra

2/8, soit sa réserve (1/4) et l’enfant 2/8 également, soit 1/8 de

moins qu’il ne devrait (application de l’art. 481 al. 2 CC).

o Le demander n’a pas reçu le montant de sa réserve : pour que

la réserve du demandeur soit lésée, il ne suffit pas qu’il ne

reçoive pas la fraction de la succession à laquelle il a droit selon

les art. 471 ss CC, il faut encore (art. 522 al. 1) qu’il n’ait pas

reçu, sous une autre forme, le montant de sa réserve. Ainsi, la

réserve est respectée si le HR reçoit l’équivalent de celle-ci en

valeur, peu importe, en principe, sous quelle forme. De ce fait, il

doit se laisser imputer sur sa réserve les avantages que le DC

lui a accordés (biens accordés en vertu d’une règle de partage

selon l’art. 608 CC ou par une libéralité entre vifs si celle-ci est

sujette à réunion selon l’art. 475 CC). Tout de même, seules

sont imputables les attributions en propriété (excluant ainsi les

IUR III 2012-2013 90

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usufruits ou les rentes : la réserve doit être couverte par des

biens facilement négociables, ce qui n’est pas le cas des

usufruits ou des rentes). Selon l’art. 522 al. 1, le HR ne peut

exiger d’être héritier s’il a reçu le montant de sa réserve en

propriété sous forme de legs ou de libéralités entre vifs. Dès

lors, il ne répond pas des dettes de la succession (à titre

primaire) mais une responsabilité subsidiaire (application

analogique des art. 497 et 579 CC) semblerait équitable.

- Le for : le for est au dernier domicile du DC (art. 18 al. 1 LFors).

- La péremption : comme pour l’action en nullité, même si l’art. 533 parle

de délais de prescription, il s’agit de délais de péremptions, qui ne

peuvent être ni suspendus ni interrompus et doivent être mis en œuvre

d’office par le juge. Là encore, il faut distinguer action et exception :

o L’exception de réduction : elle ne se périme pas (voir exception

de nullité) et peut être opposée en tout temps (art. 533 al. 3).

o L’action en réduction : l’art. 533 al. 1 institue deux délais :

Un délai relatif d’une année qui court dès le jour où le HR

a eu connaissance de la lésion de sa réserve.

Un délai absolu de dix ans qui court dès le moment où

l’action est objectivement possible (ouverture du

testament en cas de dispositions testamentaires ou

ouverture de la succession dans tous les autres cas).

Les conditions ayant été vues, il s’agit à présent de parler des effets de

l’action en réduction. Il faut ainsi préciser l’ordre dans lequel les libéralités

doivent être réduites et, si cela s’avère nécessaire, dans quelle proportion. Le

CC règle également les modalités de la réduction partielle de certaines

libéralités ainsi que des conséquences de la réduction :

- L’ordre des réductions : le législateur considère que le DC commence

par utiliser la QD avant d’entamer les réserves des HR. Logiquement

donc, la réduction s’opère sur les libéralités dans l’ordre inverse où

celles-ci ont été faites (art. 532 CC). La réduction s’opère donc en

IUR III 2012-2013 91

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première ligne sur les DpCM, puis sur les libéralités entre vifs (en

remontant de la plus récente à la plus ancienne) :

o La réduction des DpCM : la réduction porte en premier lieu sur

les libéralités faites par testament ou par PS (institutions

d’héritiers, legs, constitution d’une fondation et autres) et sur les

donations à cause de mort (art. 245 al. 2 CO). Ces dispositions

produisant leurs effets au moment de l’ouverture de la

succession (et donc toutes simultanément), l’art. 525 al. 1

prévoit que la réduction s’opère au marc le franc et donc

proportionnellement. Ainsi, on compare la réduction globale (R)

qui doit être opérée au total des libéralités (L). Le pourcentage

est ensuite appliqué à chaque libéralité (l) afin d’établir le

montant dont celle-ci doit être réduite (r). On peut résumer la

formule avec le tableau suivant : Voyons un exemple : le DC

laisse un enfant et a légué, par testament, 12'000 francs à X,

18'000 à Y et 30'000 à Z. La masse successorale est de

160'000. L’enfant a droit aux 3/4, soit 120'000 francs (la QD est

de 40'000). Dès lors, il faut réduire l’ensemble des libéralités de

20'000 francs. On applique donc la formule. On multiplie chaque

libéralité (l) par 20'000 (R) et l’on divise ensuite le tout par

60'000 (L). On obtient alors le montant dont il faut réduire

chacune des trois libéralités (un tiers de chaque : 4'000, 6'000 et

10'000, soit 20'000 francs au total).

Pour terminer avec la réduction des

DpCM, il convient de parler du cas

particulier des libéralités faites à des réservataires. Selon l’art.

523 CC, les principes ci-dessus s’appliquent aussi aux

libéralités faites à des HR. Toutefois, dans ces cas, la réduction

ne s’opère pas sur l’ensemble du montant car l’attribution faite

par le DC couvre d’abord la réserve (il ne s’agit dès lors pas

d’une attribution). Ainsi, la formule doit être appliquée

uniquement sur le montant qui excède la réserve. Là encore, un

IUR III 2012-2013 92

R x lr =

L

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exemple permettra de mieux comprendre : le DC laisse deux

enfants (A et B). Dans un testament, il a décidé de laisser 1/2 à

A, 1/6 à B et 1/3 à X (un tiers). La masse successorale et de

240'000 francs. La réserve de chacun des deux enfants est de

3/8 (soit 90'000 francs). Le tableau suivant présente le cas :

Part légal Réserve (1) Part réelle (2) (2) – (1)

A 1/2 (120) 3/8 (90) 1/2 (120) +30

B 1/2 (120) 3/8 (90) 1/6 (40) -50

X 0 (0) QD 2/8 (60) 1/3 (80) +20

Comme le démontre ce tableau, B a 50'000 francs de moins que

sa réserve. Il faut donc réduire les libéralités. Pour déterminer

de combien chacune des deux libéralités doit être réduite, on

applique la formule. Pour A, on multiplie la libéralité faite, soit

30'000 (seul l’excédent est pris en compte : 120'000 – 90’000)

par 50'000 (R, soit le manque) et l’on divise le tout par 110’000

(soit le total des libéralités, L : 80'000 + 30'000) : on doit donc

amputer 13'636 francs à la libéralités faite à A. Pour B, on

multiplie 80'000 par 50'000 et l’on divise le tout par 110'000 : on

doit donc amputer 36'363 francs à la libéralités. Au total,

B récupère donc les 50'000 francs manquants à sa réserve. On

voit donc que l’on ne doit prendre en compte que la part qui

excède le montant de la réserve. Dans la formule, R reste

inchangé (manque pour le HR), mais l et L diffèrent : l

correspond à l’excédent et L au total des libéralités.

o La réduction des libéralités entre vifs : si la réduction des DpCM

n’est pas suffisante pour reconstituer la réserve, il faut réduire

les libéralités entre vifs, en remontant de la plus récente à la

plus ancienne (art. 532 CC). Si plusieurs libéralités ont été faites

au même moment, elles sont réduites proportionnellement. Le

moment déterminant pour établir quand la libéralité a été faite

est celui de l’acquisition du droit par le bénéficiaire, et non celui

IUR III 2012-2013 93

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de l’exécution de la libéralité. Au final, l’ordre dans lequel les

réductions doivent être opérées semble être le suivant :

1. Acquisitions ab intestat.

2. Dispositions pour cause de mort.

3. Libéralités de la modification du régime matrimonial.

4. Clauses bénéficiaires révocables d’assurance-vie.

5. Autres libéralités entre vifs (récente – ancienne).

- La proportion des réductions : chaque réservataire est en principe libre

de faire valoir ou non sa réserve. Ainsi, s’il y a plusieurs HR, il est

possible que seuls certains d’entre eux agissent pour obtenir la

réduction des libéralités excédant la QD. De même, il est possible

qu’un HR n’attaque que certaines libéralités. Dans tous ces cas, les

principes restent applicables et le demandeur ne peut obtenir les

réductions que dans la proportion de sa réserve par rapport à

l’ensemble des réserves lésées ou des libéralités faites.

- Les modalités de la réduction partielle de certaines libéralités : il peut

arriver qu’un legs ne soit que partiellement sujet à réduction en ce sens

qu’une partie respecte les limites de la QD. Cela soulève alors une

difficulté si l’objet du legs est une chose déterminée (œuvre d’art,

immeuble bâti ou tout autre corps certain) qui ne peut être partagée

sans entraîner une perte de valeur. Dans ce genre de situations,

l’art. 526 CC offre une alternative au légataire :

o Soit il demande que la chose lui soit remise moyennant

versement aux HR le montant nécessaire aux réserves.

o Soit il abandonne la chose au(x) HR, à charge pour lui (eux) de

lui transférer le disponible, à savoir l’équivalent de la valeur du

legs comprise dans la QD (valeur respectant les réserves).

Avant de présenter les conséquences de la réduction, il est nécessaire

de parler du deuxième cas de réduction partielle, celui des rentes et

des usufruits. Pour déterminer si une rente ou un usufruit se tient dans

les limites de la QD, il faut prendre en compte leur valeur capitalisée

(art. 530 CC). Si cette valeur excède la QD, le HR a le choix de faire

réduire le montant grevé de l’usufruit ou de la rente de façon à ce que

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leur valeur capitalisée ne lèse plus la réserve ou alors de transférer le

disponible en pleine propriété au bénéficiaire de la libéralité.

La notion, les conditions et les effets ayant été analysés, nous terminerons ce

chapitre consacré à l’action en réduction en parlant de ses conséquences.

L’action en réduction débouche sur un jugement formateur qui modifie la

libéralité attaquée. Si elle a déjà été exécutée, l’action en réduction sera

complétée par une action en restitution de la partie réduite de la libéralité. Le

TF a jugé que l’action tend au versement d’une somme d’argent équivalente à

la valeur de la réduction qui doit être opérée (et non pas, comme l’estime la

doctrine majoritaire, à la restitution en nature). Il reste encore à préciser

l’étendue de la restitution lorsque l’objet de la libéralité a été endommagé ou

détruit ainsi que le sort à réserver aux impenses faites par le bénéficiaire et

aux fruits perçus. L’art. 528 al. 1 ne donnant qu’une réponse très partielle à

ces questions, il est nécessaire de distinguer deux situations, selon que le

possesseur a eu ou non conscience (ou aurait dû avoir conscience) que la

libéralité reçue porterait atteinte aux réserves à l’ouverture de la succession :

- Le possesseur est de bonne foi : la restitution ne porte alors que sur la

valeur de son enrichissement au jour de l’ouverture.

- Le possesseur est de mauvaise foi : la mauvaise foi peut avoir existé

déjà au moment de l’attribution ou seulement plus tard. Inversement, le

bénéficiaire de mauvaise foi peut devenir de bonne foi, notamment s’il

a conscience d’une augmentation importante du DC. L’étendue de la

restitution par le bénéficiaire de mauvaise foi n’étant pas régie par la loi

(au contraire de la restitution du possesseur de bonne foi, dépendant

de l’art. 528), le TF a jugé qu’elle allait aussi loin que l’exige la

reconstitution du patrimoine qui serait revenu aux réservataires si le

DC n’avait pas fait la libéralité.

Le dernier point sera consacré aux réductions au second degré. Il peut en

effet arriver que le bénéficiaire d’une libéralité réduite doive lui-même faire

des prestations en faveur de tiers ou en faveur des héritiers. Il ne serait

toutefois pas juste que ces prestations soient maintenues alors que la

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libéralité a été réduite. Dès lors, le bénéficiaire peut demander la réduction au

second degré des prestations auxquelles il est tenu. Il existe deux cas :

- Le bénéficiaire de la libéralité réduite est lui-même tenu d’acquitter les

legs (art. 525 al. 2 CC) : le législateur est parti de l’idée que si le DC

avait su que la libéralité serait réduite, il aurait diminué de manière

correspondante le legs mis à la charge du bénéficiaire. Ainsi, l’art. 525

prévoit qu’en l’absence d’intention contraire du DC, si les libéralités

faites à une personnes sont réduites, cette personne peut demander

que les legs dont elle est débitrice soient proportionnellement réduits.

- La partie gratifiée dans un PS a fait des contre-prestations au DC

(art. 528 al. 2 CC) : lorsqu’en contrepartie d’une institution d’héritier ou

d’un legs, la personne gratifiée par un PS a elle-même fait au

disposant des prestations entre vifs, il ne serait pas juste que ces

prestations soient maintenues telles quelles si la libéralité faite au

gratifié doit être réduite. Ainsi, l’art. 528 al. 2 permet à la partie gratifiée

de répéter une part proportionnelle des contre-prestations faites.

10. Cours du 20 novembre 2012

Partie 3. La dévolution

Les règles sur la dévolution (art. 537-640 CC) déterminent comment le

patrimoine du DC passe à son ou à ses successeur(s). Elles fixent tout

d’abord comment s’ouvre la succession (art. 537- 538 et 546-559, chapitre 1).

Les règles sur la dévolution fixent ensuite les conditions (art. 539-550) et les

modalités (art. 560-601) de la succession des actifs et des passifs du DC

(chapitre 2). Enfin, il faudra préciser comment assurer la gestion commune de

la succession (art. 602-640, chapitre 3).

Chapitre 1. L’ouverture de la succession

§35. Le moment de l’ouverture de la succession

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La succession s’ouvre de plein droit par la mort du DC (art. 537 al. 1 CC),

indépendamment de toute constatation officielle de celui-ci ou d’une

quelconque manifestation de volonté des successeurs. Avant, l’héritier et le

légataire n’ont qu’une expectative (protégée en cas de HR ou de PS). Même

si le DC a procédé à des avancements d’hoirie, on ne peut pas parler de

succession (viventis non datus hereditas). L’ouverture de la succession

transforme alors l’expectative en un droit pur et simple : ils ont désormais une

vocation successorale, avec effet réel pour l’héritier et effet personnel pour le

légataire. La notion de mort est définie par les règles des personnes

physiques sur la fin de la personnalité (art. 31 ss). La preuve du moment de la

mort doit être apportée, si besoin, par celui qui veut faire valoir des droits

successoraux (art. 32 al. 1). Normalement, ces preuves se font par la

production d’un acte d’état civil démontrant le décès (art. 33 al. 1 et 39 al. 2).

Le décès peut toutefois également être établi par d’autres moyens, en

particulier si le DC est décédé à l’étranger (art. 33 al. 2 CC). En outre, selon

les art. 35 ss et 546 ss CC, la loi dispense les ayants droits d’apporter la

preuve de la mort du DC si celui-ci est déclaré absent. Dans ce genre de

situations, la succession est ouverte mais la dévolution a lieu selon des

modalités particulières (art. 546 ss CC).

§36. Le lieu de l’ouverture de la succession

La succession s’ouvre au dernier domicile du défunt pour l’ensemble des

biens (art. 538 CC, de droit impératif). Cette disposition adapte le principe de

l’unité de la succession au plan spatial : les différentes opérations liées à la

dévolution doivent être accomplies en un lieu unique. Le lieu permet de

déterminer quel est le droit applicable (lorsque le droit fédéral y renvoie). Il

fixe aussi le for. Enfin, il détermine également le domicile fiscal pour le

prélèvement des droits de succession.

Il convient de distinguer la juridiction gracieuse de la juridiction contentieuse.

En ce qui concerne la première, les autorités judiciaires ou administratives du

dernier domicile du défunt sont compétentes pour prendre les mesures liées à

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la dévolution (art. 18 al. 2 LFors). Ces autorités sont également compétentes

pour recevoir les déclarations et les requêtes des héritiers relatives à la

répudiation ou à l’acceptation de la succession, au bénéfice d’inventaire ou à

la liquidation officielle (art. 566 ss CC). Enfin, ces autorités sont aussi

chargées de la surveillance de l’exécuteur testamentaire ainsi que des

mesures de juridiction gracieuse liées au partage. En matière de juridiction

contentieuse, le tribunal du dernier domicile du défunt est compétent pour

connaître des actions successorales ainsi que des actions en liquidation du

régime matrimonial faisant suite au décès d’un époux (art. 18 al. 1 LFors).

Chapitre 2. L’acquisition de la succession

Alors que la capacité de succéder au DC est réglée pratiquement de la même

manière pour les héritiers et pour les légataires (art. 539-545 CC, section 1),

les modalités de l’acquisition sont bien différentes selon que le successeur est

un héritier (art. 560 et 566-597, section 2) ou un légataire (art. 562-565 CC).

Cette distinction se retrouve d’ailleurs dans les voies de droit que les

successeurs peuvent mettre en œuvre (art. 562 et 598-601).

Section 1. La capacité de succéder

L’héritier (légal ou institué) et le légataire ne peuvent acquérir l’avantage

successoral résultant de leur vocation que s’ils remplissent les deux

conditions suivantes, auxquelles seront consacrées les deux prochains § :

- Ils doivent être vivants à l’ouverture de la succession, ce que les

art. 542-545 appelle la condition du point de survie (§38).

- Ils doivent avoir la capacité de recevoir, au sens de art.539-540 (§39).

§38. Le point de survie

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L’héritier et le légataire doivent survivre au DC (art. 542 al. 1 et 543 al. 1 CC).

Ils doivent donc être déjà en vie au moment de l’ouverture de la succession et

être encore en vie à ce moment-là. La condition est donc double :

- Le successeur doit être déjà en vie : la personne physique doit être

déjà née, vivante (art. 31 al. 1 CC). La personne morale, quant à elle,

doit déjà avoir acquis la personnalité juridique (art. 52). Ce principe

souffre toutefois les six exceptions suivantes :

o L’enfant conçu (nasciturus) est capable de succéder pour autant

qu’il naisse vivanr (art. 544 CC). L’enfant conçu a en effet la

jouissance des droits civils s’il naît vivant (art. 31 al. 2). Dès lors,

l’art. 544 CC applique ce principe à la capacité de succéder.

o Une DpCM peut être faite en faveur d’une fondation qui n’existe

pas encore à l’ouverture de la succession mais à laquelle le DC

veut attribuer les moyens nécessaires à sa fondation (art. 493).

o Une substitution fidéicommissaire peut être prévue au profit

d’une personne qui n’est pas encore en vie à l’ouverture de la

succession (art. 545 al. 1, en lien avec l’art. 492 al. 1 CC).

o Une institution d’héritier ou un legs peuvent être prévus en

faveur d’une personne qui n’est pas encore née (art. 545).

o La succession répudiée peut être acquise par des héritiers de

remplacement qui n’étaient pas encore en vie (art. 572 ss).

o La part de succession dont est privé l’exhérédé insolvable doit

être attribuée ses descendants nés ou à naître (art. 480 al. 1).

- Le successeur doit être encore en vie : le CC établit cette règle pour

l’héritier (art. 542 al. 1) comme pour le légataire (art. 543 al. 1). Il suffit

que le successeur ait survécu un instant au DC pour qu’il acquière

pleinement ses droits successoraux. Ainsi, l’ensemble de ceux-ci

passent à ses propres héritiers (art. 542 al. 2, applicable aux héritiers

comme aux légataires). L’expectative successorale du successeur

prédécédé (expectative non réalisée) n’est pas un droit compris dans

la succession du prédécédé et ne passe donc pas à ses héritiers :

o Prédécès d’un héritier : il faut encore distinguer selon que la

vocation de l’héritier repose sur la loi ou sur la volonté du DC :

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Jérémy Stauffacher Droit des Successions

En cas de succession légale : le prédécès de l’héritier ne

porte pas préjudice à ses héritiers : ceux-ci viennent à la

succession en lieu et place de leur ascendant prédécédé.

Si l’héritier n’a pas de descendant, sa part viendra

accroître celle des cohéritiers (sauf substitution vulgaire).

En cas de vocation volontaire : les DpCM faites en faveur

d’un héritier institué qui ne survit pas sont réputées

caduques : ce sont donc les héritiers légaux du DC qui

succèdent. Ce principe n’est exprimé que pour la

répudiation par l’héritier institué (art. 572 al. 1) mais a

pourtant une portée générale et s’applique chaque fois

qu’un héritier institué ne vient pas à la succession.

Toutefois, si le DC a simplement voulu instituer ses

héritiers légaux, on présume qu’il a simplement voulu

confirmer la vocation légale. Dès lors, on appliquera les

règles régissant la succession légale en cas de prédécès.

o Prédécès du légataire : on présume que si le légataire

prédécède, son legs profite à celui qui eut été chargé de

l’acquitter (art. 543 al. 2). Précisons que la règle s’applique par

analogie aux cas où le légataire ne succède pas, que ce soit

pour cause de répudiation, d’indignité ou d’annulation du legs.

§39. La capacité de recevoir

La capacité de recevoir repose sur la jouissance des droits civils et l’absence

d’indignité (notes marginales des art. 539-541). La capacité de recevoir est

une émanation de la jouissance des droits civils (art. 11 CC) : toute personne

physique ou morale est en principe capable d’acquérir par succession (art.

539 al. 1 et 543 al. 1). L’art. 539 al. 1 réserve le cas des personnes

légalement incapables de recevoir (autorisation nécessaire pour l’acquisition

d’un immeuble en Suisse par une personne domiciliés à l’étranger).

IUR III 2012-2013 100

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Jérémy Stauffacher Droit des Successions

L’indignité est l’incapacité dans laquelle se trouve une personne, pour une

cause déterminer, de succéder à une autre à titre d’héritier ou de légataire.

Elle prive de par la loi le successeur de sa capacité de recevoir dans les cas

où le DC ne lui aurait manifestement pas laissé sa succession (ou une

libéralité) s’il avait été en mesure d’exprimer sa volonté. Le but de l’institution

est de protéger le DC en enlevant au successeur le bénéfice d’un

comportement coupable envers le défunt (assassinat par exemple).

L’indignité est doublement relative : elle n’existe d’une part qu’envers le DC

qui est la victime de l’acte indigne et seulement si celui-ci n’a pas pardonné à

l’auteur de l’acte (art. 540 al. 2 CC) et d’autre part que pour l’auteur de l’acte

indigne : elle est donc personnelle (art. 541 al. 1 CC : les descendants de

l’indigne sont capables de recevoir). Il convient de présenter les cas

d’indignité, exhaustivement énumérés à l’art. 540 al. 1 CC :

- Attenter à la vie du DC (art. 540 al. 1 ch. 1 CC) : est indigne celui qui, à

dessein et sans droit, a donné ou tenté de donner la mort au DC.

- Mettre le DC dans l’incapacité permanente (physique ou mentale)

de disposer pour cause de mort (art. 540 al. 1 ch. 2 CC) : comme pour

le premier cas, il faut que l’auteur ait agi à dessein et sans droit.

- Induire illicitement le DC à disposer pour cause de mort ou l’empêcher

de le faire (art. 540 al. 1 ch. 3 CC) : il s’agit des cas où un successeur

influence la capacité et la volonté du DC par dol, menace ou violence

(mêmes notions qu’à l’art. 469 CC, sauf contrainte physique). La

disposition couvre deux cas assez différents selon que le successeur :

o A incité le DC à prendre ou à révoquer une DpCM.

o A empêché le DC de prendre ou à révoquer une DpCM.

- Dissimuler ou détruire (modifier) des DpCM (art. 540 al. 1 ch. 4 CC) :

le successeur doit avoir agi à dessein, sans droit et dans des

circonstances telles que le DC que le DC n’a pas été en mesure de

disposer à nouveau. Peu importe que les DpCM aient été valables ou

annulables. Par contre, la destruction ou la dissimulation de

dispositions inexistantes, nulles de plein droit ou caduques n’entraînent

pas l’indignité de la personne qui l’a provoquée. Précisons que la

dissimulation constitue également une violation de l’art. 556 CC.

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Pour terminer avec l’indignité et la capacité de recevoir, il convient de parler

des effets de l’indignité. L’indigne n’a pas la capacité de recevoir et ne

succède pas au DC : cet effet se produit de plein droit à l’ouverture de la

succession et a un caractère impératif. La succession est dès lors liquidée

comme si le successeur était prédécédé :

- Si l’indigne était héritier institué, sa part revient aux héritiers légaux.

- Si l’indigne était légataire, le legs tombe, ce qui profite aux débiteurs.

- Si l’indigne était héritier légal, sa part revient à ses descendants qui ont

un droit propre à la succession (art. 541 al. 2 CC) ou, à défaut, aux

autres héritiers selon l’ordre légal.

11. Cours du 27 novembre 2012

Section 2. L’acquisition par les héritiers

§40. Généralités

Conformément aux principes de l’acquisition universelle et de la saisine, les

héritiers acquièrent de plein droit l’universalité de la succession dès qu’elle

est ouverte (art. 560 al. 1 CC). Ils deviennent titulaires de tous les droits et de

tous les passifs du DC, peu importe qu’ils s’agissent d’héritiers légaux ou

d’héritiers institués. Les héritiers sont donc immédiatement titulaires de plein

droit de tous les droits transmissibles du DC (propriété des meubles et des

immeubles, droits réels limités, créances et autres droits personnels, actions

et droits corporatifs, droit de la propriété immatérielle : art. 560 al. 2 CC).

Cette acquisition a lieu sans formalité : une inscription au RF n’est pas

nécessaire, pas plus qu’un transfert de la possession (possession fictive,

indépendante de la maîtrise effective des biens). L’art. 560 al. 2 réserve les

exceptions prévues par la loi (cas visés par l’art. 566 al. 2 CC, présomption de

répudiation en cas d’insolvabilité notoire du DC, ainsi que par les art. 574 et

575 al. 2 CC, personnes à qui la succession est proposée après la

répudiation par tous les héritiers du rang le plus proche).

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Concernant le passif, les héritiers deviennent aussi, à l’ouverture de la

succession, personnellement (et solidairement, art. 603 al. 1) responsables

des dettes transmissibles du DC (art. 560 al. 2). Sauf pour la collectivité

publique (art. 592), les héritiers répondent de ces dettes sur les actifs

successoraux mais aussi sur leurs biens. Les héritiers répondent

(personnellement et solidairement) même si les dettes excèdent les forces de

la succession. Cette conséquence ne pouvant leur être imposée aux héritiers

(impossible de les forcer à accepter une succession déficitaire par exemple),

le CC leur donne trois moyens de se protéger :

- Chaque héritier peut, par une déclaration de répudiation refuser

purement et simplement la succession (§41, art. 566 ss CC). Il renonce

alors aux actifs successoraux mais se libère entièrement de toute

responsabilité pour les dettes du DC et pour celles de la succession.

La répudiation fait perdre la qualité d‘héritier. Malgré tout, si tous les

héritiers du rang le plus proche répudient et que la succession est

liquidée par l’office des faillites, un solde actif (après paiement de

toutes les dettes, des legs et des frais) peut éventuellement leur

revenir (art. 573 al. 2), comme s’ils n’avaient pas répudié.

- S’il est dans l’incertitude sur l’état des actifs et des passifs, chaque

héritier peut également demander l’établissement d’un inventaire pour

ensuite décider d’accepter la succession sous bénéfice d’inventaire

(§42, art. 580 ss CC). Il reste alors héritier et continue de répondre des

dettes mais limites sa responsabilité aux dettes inventoriées.

- Enfin, chaque héritier peut requérir la liquidation officielle de la

succession (§43, art. 593 ss CC). Si elle est ordonnée, la liquidation

limite la responsabilité des héritiers aux actifs successoraux : les

héritiers le restent mais perdent toute possibilité de procéder à la

liquidation et ne répondent pas des dettes. La liquidation n’est toutefois

pas ordonnée si un autre héritier accepte la succession (même sous

bénéfice d’inventaire). Dans ce cas, le requérant qui veut restreindre

sa responsabilité n’a plus d’autre choix que de répudier la succession

ou d’accepter celle-ci sous bénéfice d’inventaire.

IUR III 2012-2013 103

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§41. La répudiation

La répudiation est l’acte unilatéral par lequel un héritier rend caduque son

acquisition de la succession. Elle ne peut donc intervenir qu’après l’ouverture

de la succession, une fois que l’expectative est devenue un droit, dans un

délai de trois moi (art. 567 CC). Il est en effet important que clarté soit

rapidement faite sur l’identité des successeurs du DC. Il s’agit d’un acte

formateur irrévocable et inconditionnel (art. 570 al 2 CC) qui supprime la

qualité d’héritier. Tant que l’héritier a la possibilité de répudier, l’acquisition de

la succession est provisoire : durant cette période, l’héritier est un acquéreur

sous condition résolutoire. Dès lors, ses pouvoirs de gestion et de disposition

sur la succession sont limités : il ne peut procéder qu’à l’administration

ordinaire et liquider les affaires courantes (actes indispensables au maintien

de la substance de la succession : payer les factures, percevoir les loyers,

vendre des biens périssables, continuer une poursuite / un procès et autres).

La notion ayant été précisée, il s’agit de présenter les conditions de la

répudiation ordinaire et de la répudiation présumée de l’art. 566 al. 2 CC :

- Les conditions de la répudiation ordinaire : la répudiation est un acte

formel qui doit être fait dans un certain délai. En outre, le répudiant doit

avoir la qualité et la capacité pour renoncer à ses droits de

successions. Enfin, il ne doit pas être déchu de son droit de répudier :

o La qualité pour répudier : tout héritier légal ou institué a qualité

pour répudier, y compris la collectivité publique (art. 566 al. 1).

Si un héritier répudie, ce sont les héritiers appelés à sa place

(art. 572) qui deviennent titulaires du droit individuel de répudier.

Par contre, la succession répudiée par tous les héritiers du rang

le plus proche est liquidée par l’office des faillites (art. 573 al. 1).

o La capacité de répudier : elle requiert deux éléments :

La capacité civile active : s’agissant d’un acte juridique, le

répudiant doit avoir l’exercice des droits civils. On admet

que les personnes capables de discernement mineures

ou interdites peuvent répudier avec le concours de leur

représentant légal (art. 19 al. 1 CC).

IUR III 2012-2013 104

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Jérémy Stauffacher Droit des Successions

Le pouvoir de disposer : le répudiant doit avoir le pouvoir

de disposer de ses biens. Ainsi, l’époux marié sous le

régime de la communauté de biens doit avoir le

consentement de son conjoint ou celui du juge pour

répudier (art. 230 CC). Ce consentement n’est pas

nécessaire dans le régime de la participation aux acquêts

(et à fortiori dans celui de la séparation de biens), mais le

répudiant doit tout de même tenir compte des intérêts de

l’union conjugal (art. 159 al. 2 et 167 par analogie). Enfin,

l’héritier en poursuite (ou objet d’un séquestre) ou en

faillite est en droit de répudier mais ses créanciers

peuvent attaquer la répudiation selon l’art. 578 CC.

o Le délai de répudiation : la répudiation doit intervenir dans les

trois mois, faute de quoi l’héritier acquiert la succession (art. 567

al. 1 et 571 al. 1 CC). Le point de départ du délai peut varier :

Pour chaque héritier légal, il court dès le moment où

celui-ci a connu le décès du DC et sa qualité d’héritier

(art. 567 al. 2 CC). Normalement, les deux vont de pair et

la loi présume ainsi que le délai court dès la

connaissance du décès (plus facile à établir).

Pour chaque héritier institué, le délai court dès le jour où

il a été prévenu officiellement de la disposition faite en sa

faveur (art. 567 al. 2 CC). Pour l’héritier institué par

testament, le délai court en général dès la communication

officielle des DpCM. Pour l’héritier institué par PS par

contre, ce jour correspond en principe au jour du décès

du DC (en raison du caractère contractuel du pacte).

o La déchéance du droit de répudier : elle peut résulter de :

L’acceptation de la succession (art. 571 al. 1-2 CC) :

l’héritier qui a accepté la succession (avant l’échéance du

délai) ne peut plus la répudier. L’acceptation peut

s’exprimer par une déclaration de l’héritier à l’autorité, à

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un créancier ou même à un cohéritier. De même, lorsque

le délai est échu, la succession est réputée acceptée.

Certains actes d’immixtion dans les affaires : l’héritier qui

s’immisce dans les affaires de la succession et fait des

actes allant au-delà de ceux nécessités par une bonne

administration et la continuation des affaires du DC est

également déchu du droit de répudier la succession.

Les actes malhonnêtes : l’art. 572 al. 2 mentionne le cas

de l’héritier qui divertit ou recèle des biens de la

succession : cela vise les cas où un héritier dissimule ou

s’approprie des biens. Ainsi, si un héritier cache le fait

qu’il détient un bien ou qu’il était débiteur du DC, il sera

déchu du droit de répudier. Dans ce genre de cas, la

répudiation serait abusive au vu du comportement de

l’héritier (actes d’immixtion ou actes malhonnêtes).

o La forme de la répudiation : la répudiation doit être faite par une

déclaration écrite ou verbale de l’héritier à l’autorité (art. 570).

- La présomption de répudiation en cas d’insolvabilité notoire du DC :

dans un cas, le principe selon lequel la répudiation exige une

déclaration de l’héritier souffre une exception. Lorsque le DC était

notoirement insolvable à l’ouverture de la succession, l’art. 566 al. 2

prévoit une présomption de répudiation. Dès lors, les héritiers doivent

déclarer qu’ils acceptent la succession ou avoir un comportement

entraînant la déchéance du droit de répudier (art. 571 al. 2 CC). Dans

le cas contraire, la répudiation est présumée par l’art. 566 al. 2 CC.

Il s’agit à présent d’analyser les effets de la répudiation. La répudiation

entraîne la caducité de l’acquisition successorale du répudiant. Il faut alors

déterminer ce qu’il advient de la part successorale répudiées. En outre, le

législateur a tenu à protéger les créanciers de l’héritier et ceux de la

succession dans les cas où la répudiation leur porte préjudice :

- Le sort de la succession répudiée : il faut alors distinguer deux cas :

IUR III 2012-2013 106

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o Répudiation par l’un seulement des héritiers : dans ce cas, les

effets de la répudiation diffèrent encore selon que le répudiant

était un héritier légal ou un héritier institué :

Le répudiant était un héritier légal : dans ce cas, la part

du cohéritier répudiant est dévolue comme s’il était

prédécédé (art. 572 al. 1 CC). La règle étant de droit

dispositif, le DC put prévoir une autre règle par une

substitution vulgaire (art. 487 CC). Faute de tel

mécanisme, la part est dévolue comme suit :

Si le répudiant est un parent, sa part revient à ses

descendants. Faute de descendants, sa part

accroît celle des cohéritiers (art. 457 ss CC).

Si le répudiant est le conjoint survivant, la

succession est dévolue aux parents du DC.

Le répudiant était un héritier institué : la part de l’héritier

institué répudiant est dévolue aux héritiers légaux du DC

(art. 572 al. 2 et art. 481 al. 2 CC). Là encore, la règle

étant de droit dispositif, le DC peut prévoir une

substitution vulgaire pour modifier le régime (art. 487).

o Répudiation par tous les héritiers légaux du rang le plus proche :

si l’héritier légal unique ou si tous les héritiers légaux du rang le

plus proche répudient, la succession ne passe en principe pas

aux héritiers plus éloignés, mais est liquidée par l’office des

faillites (art. 573 al. 1 CC). Le législateur a estimé qu’il était

inutile de mener le processus de dévolution jusqu’à l’acquisition

par la collectivité publique alors que la succession a été refusée

par les personnes les plus proches du défunt. Le rang le plus

proche est formé par l’ensemble des personnes qui sont

immédiatement devenues héritières légales au décès du DC

(on pourrait donc parler des héritiers appelés en première ligne).

Si tous ces héritiers répudient, l’art. 573 al. 1 veut que la

succession ne passe pas aux descendants des répudiants ou à

des héritiers plus éloignés. Le principe de l’art. 573 al. 1 souffre

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toutefois deux exceptions, énoncées aux art. 574 (répudiation

par les descendants et choix du conjoint) et 575 CC (répudiation

des héritiers de 1ère ligne et offre aux héritiers venant après).

Lorsque tous les héritiers ont répudié, le produit des actifs sert à

payer les dettes du DC et de la succession, puis les légataires

(comprenant les legs dont bénéficient les répudiants). S’il reste

un solde, celui-ci est abandonné aux ayants droit, comme s’ils

n’avaient pas répudié (art. 573 CC). Les héritiers légaux (en

première ligne, voire en seconde selon les art. 574-575 CC) se

partagent donc le solde selon les principes de la vocation légale,

bien entendu sans tenir compte des réserves.

- La protection des créanciers de l’héritier : si une succession échoit à

un héritier obéré, il peut être tenté de répudier pour éviter que sa part

ne profite à ses créanciers. Dans ce type de situations, l’art. 578

permet aux créanciers d’attaquer la répudiation et de faire procéder à

la liquidation officielle de la succession. L’action des créanciers est

soumise conditions suivantes (concours des art. 288 LP et 578 CC) :

o Qualité pour agir : elle appartient à toute personne envers qui

l’héritier a une dette (même non exigible) au moment de la

répudiation ou, dès que la faillite a été prononcée, à la masse

en faillite. La dette doit être une dette personnelle de l’héritier et

non une dette du DC ou de la succession.

o Qualité pour défendre : elle appartient à l’héritier répudiant.

o Conditions matérielles : l’admission de l’action est subordonnée

aux trois conditions matérielle suivantes. D’abord, l’héritier doit

être obéré : ses passifs doivent excéder ses actifs. Ensuite, il

doit avoir eu l’intention de porter préjudice aux créanciers

(soustraire des biens à leur emprise). Elle doit être solvable et

l’héritier doit être conscient de son surendettement. Enfin, les

créanciers ne doivent pas avoir reçu de sûretés suffisantes.

o Délai : l’action doit être ouverte dans les six mois qui suivent la

répudiation (art. 578 al. 1 CC), indépendamment du moment où

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les créanciers ont appris celle-ci (délai de péremption). Le for

est déterminé par le dernier domicile du DC (art. 18 al. 1 LFors).

Si elle est admise, l’action amène la liquidation officielle de l’entier de

la succession (art. 578 al. 2 CC). La répudiation n’est toutefois pas

annulée : le répudiant ne retrouve donc pas sa qualité d’héritier.

- La protection des créanciers successoraux : alors que l’art. 578 vise

l’héritier obéré qui répudie une succession solvable, l’art. 579 concerne

l’héritier solvable qui répudie une succession obérée. En principe, cette

situation n’appelle aucune protection des créanciers successoraux

(sans quoi la répudiation n’aurait plus aucun sens). Par contre, si le

répudiant a reçu un avancement d’hoirie de la part du DC, il ne serait

pas équitable qu’il puisse conserver cette avance et échapper à sa

responsabilité pour les dettes successorales. Dès lors, dans de tels

cas, les créanciers successoraux peuvent agir en responsabilité contre

le répudiant sur la base de l’art. 579 al. 1 CC aux conditions suivantes :

o Qualité pour agir : elle appartient à chaque créancier de la

succession (créancier du DC) et à chaque personne ayant une

créance née après le décès contre la succession (frais

d’obsèques et autres). Elle est reconnue à chaque créancier

individuellement (masse en faillite également), même si la

succession a été liquidée selon les règles de la faillite.

o Qualité pour défendre : elle appartient à tout héritier qui a

répudié et qui avait reçu, dans les cinq ans qui ont précédé le

décès, des biens qui eussent été sujets à rapport. Une

exception est toutefois prévue par l’art. 579 al. 2 CC pour les

prestations usuelles d’établissement pour le mariage et les frais

d’éducation et d’instruction. Dès lors, l’art. 579 al.2 exclut

l’action contre les descendants du DC qui seraient tenus au

rapport à raison d’une dotation usuelle reçue à l’occasion de

leur mariage (art. 626 al. 2 ou en raison de la prise en charge

par le DC de frais de formation extraordinaires (art. 631 al. 1).

o Conditions matérielles : l’action est soumise aux trois conditions

matérielles suivantes. D’abord, la succession doit être insolvable

IUR III 2012-2013 109

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(le DC doit avoir au moment du décès plus de passifs que

d’actifs). Ensuite, il faut que le défendeur ait répudié la

succession ou que celle-ci soit considérée comme répudiée de

par l’art. 566 al. 2 CC). Enfin, il faut que le créancier ait subi une

perte suite à la liquidation de la succession. Les créanciers ne

peuvent agir que s’ils n’ont pu obtenir le paiement autrement.

o Délai : l’art. 579 ne fixe pas de délai pour ouvrir action mais le

défendeur peut naturellement opposer au demandeur la

prescription. Le for n’est pas celui de l’art. 18 LFors (l’action n’a

pas un caractère successoral) ni celui de l’art. 49 LP (l’action

n’est pas dirigée contre la succession) mais le for ordinaire du

domicile du défendeur (art. 3 LFors).

Si elle est admise, l’action ne remet pas en cause la répudiation. Par contre,

le défendeur répond personnellement envers le demandeur de la dette

successoral à concurrence de l’avancement d’hoirie qu’il a reçu.

§42. Le bénéfice d’inventaire

La procédure d’inventaire prévue aux art. 580-592 CC a un double but. Elle

permet d’abord à l’héritier d’obtenir une vue claire de l’état de la succession et

lui donne ensuite le moyen de rester héritier tout en limitant sa responsabilité

pour les dettes du DC. En effet, il arrive qu’à l’ouverture de la succession un

héritier n’ait pas assez d’informations sur la situation successorale financière

pour mesurer le risque qu’il prendrait en acceptant. Il peut certes demander la

liquidation officielle ou répudier mais cela peut être un choix difficile en raison

des liens qui le liaient au défunt. Le législateur lui offre donc un mécanisme

pour prolonger son temps de réflexion avant de prendre une décision :

l’établissement d’un inventaire de la succession. Plus encore, le CC permet à

l’héritier d’utiliser cet inventaire pour limiter sa responsabilité quant aux dettes

du DC : à la clôture de l’inventaire, l’héritier peut, au lieu d’accepter

simplement ou de répudier, n’accepter la succession que sous bénéfice

d’inventaire, limitant sa responsabilité aux dettes inventoriées. Avant de

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Jérémy Stauffacher Droit des Successions

passer à la liquidation officielle, nous devons présenter les effets de

l’inventaire. Pour ce faire, il faut distinguer deux situations :

- Acquisition par les héritiers ordinaires : la procédure d’inventaire

prolonge le délai de réflexion : après la clôture de l’inventaire, l’autorité

doit fixer à chaque héritier un délai d’un mois pour prendre parti

(art. 587 al. 1 CC). Dès lors, quatre choix s’offrent à lui :

o Il peut accepter purement la succession.

o Il peut répudier celle-ci.

o Il peut demander la liquidation officielle.

o Il peut accepter la succession sous bénéfice d’inventaire.

L’acceptation pure et simple et celle sous bénéfice d’inventaire

entraînent en outre la responsabilité restreinte de l’héritier en matière

de cautionnement (art. 591 CC). Chaque héritier peut faire son choix

individuellement. En cas de silence, l’héritier est censé avoir choisi

l’acceptation sous bénéfice d’inventaire (art. 588 al. 2 CC). Par contre,

si le DC était notoirement insolvable à l’ouverture de la succession, les

héritiers qui n’ont pas demandé l’inventaire ni exprimé leur choix sont

déjà présumés avoir répudié la succession (art. 566 al. 2 CC). Enfin,

dès que l’un des héritiers a accepté la succession, la liquidation

officielle ne peut plus être ordonnée (art. 593 al. 2 CC). L’héritier qui l’a

demandée dispose alors d’un nouveau délai pour prendre parti. En cas

d’acceptation sous bénéfice d’inventaire (acceptation bénéficiaire), la

succession passe à l’héritier avec les dettes constatées à l’inventaire

(art. 589 al. 1 CC). L’acceptant devient ainsi héritier définitif, avec effet

au jour de l’ouverture (art. 589 al. 2 CC). Il est donc saisi de tous les

actifs du DC, peu importe que ceux-ci aient été ou non portés à

l’inventaire. Par contre, il n’est tenu que des dettes du DC portées à

l’inventaire. L’acceptant répond solidairement et personnellement des

dettes, comme un héritier ordinaire (art. 560 al. 2 et 603 al. 1 CC). Pour

les dettes qui n’ont pas été inventoriées, l’héritier ne répond en principe

ni sur son patrimoine si sur les biens de la succession (art. 590 al. 1).

Ce principe souffre toutefois les cinq exceptions suivantes :

IUR III 2012-2013 111

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o Les créances que leurs titulaires ont sans faute omis de produire :

la perte totale de la créance constituant dans ce cas une sanction

trop sévère, l’art. 590 al. 2 prévoit que l’héritier demeure obligé

dans la mesure où il est enrichi. La garantie est illimitée mais la

dette est limitée au solde actif de la succession (ce qu’il lui reste

après le paiement des dettes inventoriées, des dettes de la

succession ainsi que des autres dettes qu’il doit exécuter, y

compris celles exigées au titre de l’art. 590 al. 2 CC.

o Les créances produites mais non inventoriées par l’autorité :

l’art. 590 al. 2 ajoute que l’héritier répond également, dans les

limites de son enrichissement, des créances dûment produites,

mais que l’autorité n’a pas du tout portées à l’inventaire ou n’a

inventoriées que pour un montant inférieur. Toute action en

responsabilité contre le canton ou contre les membres de

l’autorité (fautive) est alors naturellement réservée.

o Les créances garanties par des droits de gage : les créances

non produites ou non inventoriées mais garanties par des droits

de gage grevant les biens de la succession restent dues par

l’héritier (art. 590 al. 3). La dette est tout de même limitée au

montant de la garantie assurée par le droit de gage.

o Les créances de droit public : les art. 589-590 CC ne

s’appliquent pas aux créances de droit public (impôts,

assurances sociales notamment). Au final, il incombe donc aux

héritiers de se renseigner auprès des autorités compétentes

sous peine de devoir faire face à de mauvaises surprises.

o Les créances constituant la contre-prestation d’un droit du DC

que fait valoir l’héritier : les créances constituant la contrepartie

d’un droit du DC que l’héritier invoque dans le cadre d’un contrat

synallagmatique peuvent être opposées à ce droit (art. 82 CO).

- Acquisition par la collectivité publique : la collectivité publique peut,

comme tout héritier, répudier la succession ou demander la liquidation

officielle au terme de l’inventaire. Si elle décide de liquider, l’art. 592

limite sa responsabilité aux actifs successoraux.

IUR III 2012-2013 112

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Jérémy Stauffacher Droit des Successions

§43. La liquidation officielle

La liquidation officielle est un mode d’acquisition de la succession par les

héritiers qui présentent deux caractéristiques majeures. Premièrement, la

responsabilité personnelle illimitée est supprimée (le patrimoine de l’héritier

est séparé du patrimoine du DC, art. 593 al. 3). Deuxièmement, les héritiers

demeurent successeurs universels du DC mais, pendant la procédure, leurs

droits de gestion et de disposition sont suspendus et la liquidation est opérée

par l’autorité compétente ou la personne désignée (art. 595 CC). La

liquidation officielle doit être ordonnée dans trois cas :

- Lorsque les héritiers la demandent (art. 593).

- Lorsque des créanciers en font la requête (art. 594).

- Lorsqu’un héritier répudie et porte préjudice à ses créanciers (art. 578).

L’effet principal de la liquidation est que l’héritier (qu’il ait ou non demandé lui-

même la liquidation) ne répond plus personnellement des dettes du DC et des

dettes de la succession (art. 593 al. 3 CC). Ces dettes ne sont alors plus

garanties par les biens de l’héritier. Toutefois, il conserve sa qualité d’héritier

mais ne répond que sur l’actif successoral (responsabilité réelle).

Lorsque la succession semble d’emblée insolvable, la liquidation officielle

permet aux héritiers de ne pas répudier tout en restreignant leur

responsabilité. Une fois les dettes payées et les legs délivrés, l’éventuel solde

actif est remis aux héritiers. Ceux-ci procèdent alors au partage selon les

règles ordinaires. S’il apparaît que des dettes n’ont pas été payées, les

héritiers en répondent, mais seulement dans la limite du montant qu’ils ont

reçu. Lorsque la succession est solvable, la liquidation officielle évite aux

héritiers la charge de devoir procéder eux-mêmes aux opérations

d’établissement de l’actif et du règlement des dettes et des legs. Malgré les

avantages qu’elle présente, cette procédure est peu utilisée en pratique,

certainement parce que les héritiers refusent de laisser à une autorité le soin

de gérer la succession et de prendre les mesures préalables au partage.

IUR III 2012-2013 113

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Jérémy Stauffacher Droit des Successions

Pour le reste, la liquidation officielle suspend les droits de gestion des

héritiers sur la succession. Ces derniers conservent le droit d’être informés

sur l’avancement des opérations et, dans la mesure où leurs intérêts sont

touchés, ils peuvent faire valoir leur avis sur la manière de procéder (ordre

des priorités, éventuelle réalisation des biens). Ils peuvent également recourir

contre les décisions du liquidateur officiel et conservent la possibilité d’ouvrir

les actions successorales destinées à protéger leurs droits. Le tableau

présent en annexe (4.1) résume la situation en matière de responsabilité de

l’héritier pour les dettes du DC.

12. Cours du 4 décembre 2012

Chapitre 3. Le partage

Lorsque le DC laisse plusieurs héritiers (légaux ou institués), ceux-ci forment

de plein droit une communauté héréditaire (ou hoirie) et deviennent

propriétaires communs des biens successoraux et débiteurs solidaires des

dettes (art. 602 ss, 635-636 CC, §51). Toutefois, chacun des héritiers peut,

sous certaines réserves, demander en tout temps le partage de la

succession, transformant ainsi la propriété collective en propriétés

individuelles. Les héritiers sont en principe libres de décider comment ils

veulent procéder au partage. Malgré tout, la loi ou le DC confère parfois à un

hériter un droit d’attribution sur certains biens (art. 604-618 CC, §52). Enfin,

une fois le partage effectué, diverses questions peuvent encore se poser,

notamment en lien avec les engagements pris entre héritiers ou envers les

créanciers (art. 637-640 CC, §54).

§51. La communauté héréditaire

Une fois la notion de communauté héréditaire précisée, nous analyserons le

statut des actifs successoraux et celui des dettes. Nous terminerons ce

chapitre avec la représentation de la communauté héréditaire :

IUR III 2012-2013 114

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- La notion de communauté héréditaire : la communauté naît de plein

droit à l’ouverture de la succession chaque fois qu’il y a plusieurs

héritiers (art. 602 al. 1 CC). Elle ne peut être évitée ni par une DpCM

du DC ni par n accord des futurs héritiers et dure en principe jusqu’au

partage (art. 602 al. 1 CC). Elle peut également prendre fin du fait

qu’un héritier a repris toutes les parts successorales ou que les

héritiers sont convenus de la transformer en une autre forme de

communauté (indivision, art. 336 ss, ou société simple, art. 530 ss CO)

ou de propriété collective (PPE). La communauté est donc éphémère,

destinée à assurer la transition durant la dévolution. La composition de

la communauté héréditaire doit être précisée :

o Quant aux personnes : elle regroupe tous les héritiers (légaux

ou institués) du DC, mais seulement eux. Ainsi les légataires (y

compris le conjoint survivant ayant reçu un legs d’usufruit de la

succession selon l’art. 473 CC) n’en font pas partie.

o Quant aux biens : elle s’étend à l’ensemble des BE du DC et

aux éventuels biens rapportés en nature par les héritiers. Ces

biens forment le patrimoine commun des héritiers (différent des

biens dont chacun est propriétaire à titre personnel). Les

héritiers profitent des accroissements (revenus) et supportent

les réductions (dommages) de ce patrimoine ensemble

La communauté héréditaire est une communauté en main commune

au sens de l’art. 652 CC (propriété commune de ses membres) sans

personnalité morale. Les cohéritiers sont titulaires de droits indivis : ils

ne disposent (légalement) d’aucune quote-part idéale distincte. Par

contre, chacun dispose d’un droit de participation dans la communauté

lui permettant d’être associé à la gestion des biens et des revenus et

surtout de bénéficier d’une partie des biens suite au partage. D’un

point de vue économique, on parle ainsi de parts héréditaires.

- Le statut des actifs successoraux : il convient de préciser 4 points : la

propriété, l’administration, l’usage et la jouissance et la disposition :

o Propriété : les membres de la communauté sont de plein droit

propriétaires communs des meubles et des immeubles compris

IUR III 2012-2013 115

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dans la succession. Ils sont également titulaires des créances et

des autres droits constituants les actifs successoraux.

o Administration : les membres doivent administrer en commun

les actifs (art. 653 al. 2 et 602 al. 2 CC) : toutes les décisions

doivent être prises à l’unanimité (sauf cas d’urgence, pour

lesquels chacun peut prendre les mesures nécessaires). Au vu

de cette situation, les héritiers désignent souvent un

représentant de la communauté (ou demandent à l’autorité

compétente de désigner un tel représentant).

o Usage et jouissance : tous les membres ont le droit d’utiliser les

biens successoraux. Chaque héritier a également le droit de

participer aux fruits et aux revenus des biens.

o Disposition : tous les actes de dispositions doivent émaner de

tous les membres de la communauté héréditaire (art. 653 al. 2

et 602 al. 2). Cela vaut pour le transfert de propriété, la

constitution de droits réels limités, la renonciation à de tels, la

résiliation d’un contrat ou encore l’acceptation d’un paiement.

Comme en matière d’administration, les membres peuvent

désigner un représentant pour accomplir ces actes.

- L’obligation aux dettes successorale : alors que l’actif est soumis aux

règles de la propriété en main commune, le passif donne lieu à une

obligation personnelle et solidaire de chaque héritier (art. 560 al. 2 et

603 al. 1 CC ; la dette commune est inconnue en droit suisse). Tant

que le partage n’a pas eu lieu, il est possible de poursuivre la

succession (tous les héritiers conjointement, art. 49 et 65 al. 3 LP).

- La représentation de la communauté héréditaire : la représentation

envers les tiers obéit également aux règles de la main commune : les

héritiers ne peuvent obliger la communauté et acquérir ou disposer

pour elle qu’en agissant tous ensemble. Ce système étant très

exigeant, les héritiers peuvent désigner conventionnellement un

représentant ou demander à l’autorité de désigner un tel représentant :

o Désignation conventionnelle d’un représentant : elle exige une

décision unanime des héritiers. Ils peuvent désigner un ou

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plusieurs héritiers mais également un ou plusieurs tiers. Le

pouvoir du représentant peut être général, illimité (actes

d’administration et de disposition) ou limité à certains actes. La

procuration ne nécessite pas de forme, même si une procuration

écrite facilite évidemment la preuve des pouvoirs.

o Désignation d’un représentant par l’autorité : jusqu’au moment

du partage, chacun des héritiers peut demander à l’autorité

compétente (art. 18 al. 2 LFors : dernier domicile du DC) de

nommer un représentant de la communauté (art. 602 al. 3). Les

pouvoirs du représentant dépendent de la décision de l’autorité.

Sauf précision contraire, les pouvoirs du représentant doivent

être considérés comme égaux à ceux d’un exécuteur

testamentaire (sauf préparation du partage).

§52. Principes et modalités

En principe, la communauté prend fin par le partage. Chaque héritier a le droit

de demander le partage en tout temps (art. 604 al. 1 CC). La loi définit

toutefois quelques causes permettant aux cohéritiers d’obtenir l’ajournement

du partage (art. 604 al. 1-2 et 605 al. 1 CC). Si tous les héritiers sont

d’accord, ils peuvent procéder au partage même s’il existe une cause

d’ajournement (dans le cas contraire, ils peuvent ouvrir une action tendant au

partage). Le partage ne s’achève que lorsque tous les biens sont partagés.

Normalement, les héritiers procèdent au partage en une fois mais il est aussi

possible de partager certains biens tout en maintenant la communauté

héréditaire pour d’autres (partage partiel quant à l’objet). Un partage partiel

quant aux personnes est aussi possible : un cohéritier décide alors de sortir

de la communauté, en se faisant remettre la valeur de sa part. Nous allons

maintenant présenter les cinq causes d’ajournement :

- Convention entre les héritiers : les héritiers peuvent convenir de rester

en communauté (art. 604 al. 1 CC). Cette convention, tendant à la

création d’une communauté héréditaire prolongée, ne requiert aucune

forme et elle peut même résulter d’actes concluants.

IUR III 2012-2013 117

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Jérémy Stauffacher Droit des Successions

- Règle de (non-)partage édictée par le DC : selon l’art. 608 al. 1, e DC

peut prescrire par DpCM des règles de partage. Il peut donc émettre

une règle de non-partage et ainsi demander, par exemple, que le

partage soit totalement ou partiellement ajourné jusqu’à la majorité de

tous ses enfants ou jusqu’à l’extinction de l’usufruit du conjoint.

- Atteinte notable à la valeur de la succession : si le partage requiert la

liquidation de certains biens et qu’une réalisation immédiate aurait lieu

dans de mauvaises conditions (cours très bas ou autres causes),

chaque héritier peut demander un ajournement (art. 604 al. 2 CC).

- Sauvegarde des droits d’un enfant conçu : l’enfant conçu devenant

héritier à condition qu’il naisse vivant, il est ainsi préférable d’attendre

sa naissance avant de partager la succession (art. 605 al. 1 CC).

- Présence d’enfants mineurs du DC dans une succession comprenant

une entreprise agricole : voir art. 12 al. 1-2 LDFR (droit foncier rural).

Avant de présenter les modalités du partage, nous devons parler de l’action

tendant au partage. L’objet de cette action est de faire constater le droit au

partage immédiat (et donc l’absence de cause d’ajournement). L’action a ainsi

un caractère constatatoire. La qualité pour agir appartient à chaque cohéritier

personnellement ainsi qu’à l’autorité appelée à concours au partage selon

l’art. 609 al. 1 CC. L’action doit être dirigée contre tous les autres héritiers

(ou au moins contre ceux qui n’ont pas déclaré qu’ils acceptaient le partage).

L’action doit être admise chaque fois qu’il ‘y a pas de cause d’ajournement.

Concernant les modalités à présent, nous traiterons de quatre points. En

principe, les héritiers sont libres de partager la succession comme ils

l’entendent (art. 607 al. 2-3, 609 et 610 al. 3 CC ; point 1). Toutefois, le DC

peut prévoir des règles de partage qui s’imposent aux héritiers, sauf décision

unanime (art. 608 CC ; point 2). A titre subsidiaire, la loi établit un certain

nombre de règles de partage (art. 607 al. 1 et 610-615 CC ; point 3). Ces

règles servent à guider les autorités de partage ou le juge appelés à concourir

au partage ou à décider de celui-ci (point 4). Voyons donc ces quatre points :

- La liberté des héritiers et ses limites : le partage est l’affaire des

héritiers (art. 607 al. 2 CC). S’ils sont tous d’accord, le partage se

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déroulera selon leur volonté (art. 634) : ils peuvent décider quand,

comment et quoi partager. La répartition, la question d’un partage

partiel (objet ou personne) ou encore la décision de partager ne

dépend que de leur volonté. Plus encore, leur volonté unanime permet

d’écarter les règles de partage prévues par le DC et les règles légales

de partage. Tout de même, le CC introduit une obligation de renseigner

mutuellement sur les éléments de nature à influencer le partage. Ainsi,

l’art. 607 al. 3 oblige les héritiers en possession de biens de la

succession ou débiteurs envers celle-ci d’informer leurs cohéritiers. De

manière plus générale, l’art. 610 al. 2 oblige les héritiers à se

communiquer tous les renseignements utiles sur leur situation

personnelle envers le DC. Il est à présent nécessaire de parler des

limites : la liberté de partager des héritiers n’existe en effet qu’à moins

qu’il n’en soit ordonné autrement (art. 607 al. 2 CC). Ces limites ne

peuvent provenir que de dispositions impératives de la loi :

o Interdiction de partage ou de morcellement : les cas les plus

importants sont l’interdiction du partage matériel des entreprises

agricoles et l’interdiction de morcellement des immeubles

agricoles prévues par les art. 58 ss LDRF (droit foncier rural).

o Concours de l’autorité à la demande d’un créancier : tout

créancier qui acquiert ou saisit la part échue à un héritier, ou qui

possède contre lui un acte de défaut de biens, peut demander

que l’autorité intervienne au partage en lieu et place de cet

héritier (art.609 al. 1 CC). Si la part a été saisie et qu’un

créancier en a demandé la réalisation, le même droit appartient

alors à l’office des poursuites (art. 12 OPC). Le cessionnaire

d’une part héréditaire est assimilé à un créancier. L’intervention

de l’autorité restreint dès lors la liberté de l’héritier. Tout de

même, s’ils sont tous d’accord, les héritiers peuvent partager

selon d’autres modalités que celles proposées par l’exécuteur.

- Les règles de partage prescrites par le DC : pour faciliter le partage et

garantir la mise en œuvre de ses volontés, le DC peut désigner un

exécuteur testamentaire (art. 517-518 CC). Il s’agit d’une règle de

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partage au sens large, l’exécuteur étant en principe chargé de préparer

le partage de la succession (art. 518 al. 2 CC). En outre, il existe

également des règles de partage proprement dites. Selon l’art. 608 al.

1, le DC peut par le biais de DpCM prescrire à ses héritiers certaines

règles pour le partage et la formation des lots. Ces règles sont

obligatoires pour les héritiers (art. 608 al. 2 CC) : dès lors que l’un

d’eux en demande le respect, elles s’imposent à tous pour le partage.

Cela signifie donc que les héritiers unanimes peuvent décider de

partager sans tenir compte des règles émises par le DC. Les règles ne

peuvent concerner que les modalités du partage et n’ont pas

d’influence sur l’étendue des droits des héritiers. Ainsi, l’art. 608 al. 2

prévoit que si le(s) bien(s) attribué(s) à un héritier par les règles du

partage excède(nt) la valeur de la part qui doit lui revenir, il faut rétablir

l’égalité des lots : l’attributaire doit alors verser une soulte pour

compenser ce qu’il a reçu en trop. Les règles de partage se distinguent

donc du legs préciputaires (libéralité en plus de la part) sur ce point.

- Les règles de partage légales : lorsque les héritiers ne parviennent pas

à se mettre d’accord sur les modalités de partage (précisons

rapidement qu’en cas de doute, une DpCM est présumée être une

règle de partage : l’art. 608 al. 3 reprend la règle de l’art. 522 al. 2) et

où le DC n’a pas prescrit lui-même comment partager, les art. 607 al.1

et 610-615 CC définissent un certain nombre de principes applicables

à titre subsidiaire. Deux idées directrices guident l’ensemble de ces

principes : la première est l’égalité de droit entre les héritiers

(ressortant des art. 607 al. 1 et 610 al. 1), la deuxième est la

conservation du patrimoine héréditaire (art. 612 al. 1 et 613 al. 1-2).

Autant que possible les biens doivent passer aux héritiers dans leur

état au moment du décès et ce sans privilège aucun entre les héritiers.

o Le droit du CPES à l’attribution du logement et du mobilier de

ménage (art. 612a CC) : le but est de permettre au CPES de

continuer à vivre dans les mêmes conditions et dans le même

cadre qu’avant le décès du DC (règle dérivée des art. 219 et

244 CC). Quatre conditions doivent être remplies :

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Le CPES doit être héritier : l’art. 612a CC ne peut être

invoqué que si le CPES intervient au partage.

La prétention doit porter sur le logement ou le mobilier de

ménage : seul est visé le logement qui était occupé en

commun par les époux ou les partenaires enregistrés.

Les locaux dont l’attribution est demandée ne doivent pas

inclure ceux dans lesquels le DC exerçait une profession

ou exploitait une entreprise s’ils sont nécessaires à un

descendant pou continuer cette activité (art. 612a al. 3).

Le DC ne doit pas avoir écarté l’application de l’art. 612a

par une règle de partage ou par un legs. Le CPES ne doit

également pas avoir renoncé au bénéfice de l’art. 612a.

Pour le logement comme pour le mobilier, le CPES peut exiger

l’attribution de la propriété. Le CPES et les autres héritiers (ou

les héritiers seuls et à l’unanimité) peuvent demander à la place

la constitution d’un usufruit ou d’un droit d’habitation si les

circonstances le justifient (art. 612a al. 2 CC).

o Droit à l’attribution d’une entreprise ou d’un immeuble agricoles

ainsi que de l’inventaire : prévu aux art. 11 ss LDFR, ce doit

peut être rapproché du droit à l’attribution de l’inventaire d’une

entreprise agricole louée, prévu par l’art. 631a CC.

o Priorité au partage en nature : le partage doit en principe se

faire en nature (principe d’égalité de droit entre héritier et

principe de la conservation des biens). Ainsi, lorsque cela est

possible, les biens doivent être fractionnés en autant de parts

qu’il y a d’héritiers, en proportion de la part de chacun. Ce

principe ne peut toutefois pas obliger les héritiers à constituer

une PPE par la voie du partage. Il s’applique par contre sans

difficulté à de l’argent, des créances ou à de grands terrains

dont le morcellement n’entraîne aucune perte de valeur.

o Répartition égale entre les héritiers des biens qui ne peuvent

être partagés en nature (art. 610 al. 1, 611 al. 1 et 612 al. 1) :

les biens qui ne peuvent être divisés matériellement sans subir

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de diminution notable de leur valeur doivent être répartis entre

les héritiers de façon à ce que chacun reçoive des exemplaires

de chaque catégorie de biens. Dès lors, on se rapproche du

partage en nature. Précisons que l’art. 651a CC prévoit une

exception pour les animaux vivant en milieu domestique.

o Pas de répartition d’une universalité de fait contre la volonté

d’un héritier : les objets formant par nature un tout (universalité

de fait) sont traités comme des biens uniques si un des héritiers

le demande (art. 613 al. 1 CC). Chaque héritier peut, pour

n’importe quelle raison (économique, culturelle, sentimentale ou

autres) demander que l’ensemble ne soit pas partagé : le sort

de l’ensemble est alors sauvegardé et régi par l’art. 613 al. 2.

o Formation de lots : en vue de mettre en œuvre les principes

présentés ci-dessus, les biens doivent être regroupés dans des

lots hétérogènes. Il faut composer autant de lots qu’il y a

d’héritiers ou de souches copartageantes. Si les héritiers ne

s’entendent pas, les lots peuvent être tirés au sort. Dès que ce

système devient trop compliqué (héritiers nombreux, libéralités

rapportables à imputer, parts ou lots inégaux), soit les héritiers

doivent s’entendre, soit ils décident de réaliser les biens pour

pouvoir partager l’argent, soit l’un d’eux saisit le juge. L’équité

entre héritiers peut au besoin être rétablie par des soultes.

L’autorité n’ayant pas la compétence pour procéder à

l’attribution des lots, il appartient aux héritiers de s’entendre,

faute de quoi l’attribution est laissée au hasard (art. 611 al. 3).

o Sort des biens qui ne peuvent être placés dans un lot : il peut

arriver que la valeur d’un bien excède celle des parts

successorales et qu’une division soit exclue (ou que la division

de plusieurs biens seraient également exclue). Dans ce genre

de situations, si les héritiers sont d’accord, ce bien ou cet

ensemble de biens peut être attribué à l’un d’eux moyennant le

paiement d’une soulte (art. 612 al. 1). Par contre, s’ils ne

s’entendent pas, l’art. 612 al. 2 prévoit que le(s) bien(s) doi(ven)t

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être vendu(s) et le prix réparti entre les héritiers (sauf

éventuellement droit légal à l’attribution du bien).

o Papiers de famille et choses ayant un valeur d’affection : chaque

héritier a le droit de s’opposer à ce que les papiers de famille

(documents d’identité, diplômes, correspondances, généalogies,

archives familiales et autres) de même que les choses ayant

une valeur d’affection (photographies, portraits, décorations et

autres) ne soient vendus à des tiers (art. 613 al. 2 CC).

o Sort des créances du DC contre un héritier : ces créances sont

imputées directement sur la part de l’héritier (art. 614 CC) : il y a

dès lors confusion et la dette s’éteint. Le montant de la libération

vient alors réduire la part de succession de l’héritier concerné.

o Sort des dettes : le CC pose deux principes pour les dettes :

Chaque cohéritier peut exiger que les dettes soient

payées ou garanties avant le partage (art. 610 al. 3). Il

peut ainsi éviter d’être recherché comme débiteur

solidaire dans les 5 ans qui suivent le partage. La règle

est impérative : un cohéritier ne peut donc pas être privé

par le DC du droit que lui confère l’art. 610 al. 3 CC.

Si les dettes ne sont pas réglées, les héritiers

conviendront de la manière dont elles sont réparties. S’ils

ne l’ont pas fait ou s’ils ne s’entendent pas et s’il n’existe

aucune règle de partage du DC, la répartition s’effectue

proportionnellement aux parts. Les dettes garanties par

un droit de gage et les dettes propter rem, par contre,

sont reprises par l’hériter à qui l’objet est attribué.

- L’intervention de l’autorité de partage ou du juge : il faut distinguer

selon que l’intervention de l’autorité de partage est prévue par le droit

fédéral ou par le droit cantonal. Selon le droit fédéral, l’art. 611 al. 2

prévoit que l’autorité de partage n’intervient que sur demande d’un

cohéritier en cas de désaccord sur les modalités. L’autorité concourt

alors à la préparation du partage, principalement en formant les lots et

en dressant un projet de partage. Selon le droit cantonal (autorisation

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de l’art. 609 al. 2), les cantons peuvent prévoir l’intervention d’une

autorité de partage, sans toutefois pouvoir conférer à celle-ci un

pouvoir de décision, ni exiger que le contrat de partage soit approuvée

par cette autorité. Il s’agit à présent de terminer ce chapitre en parlant

de l’action en partage. Alors que l’action tendant au partage permet de

faire trancher la question du principe du partage, l’action en partage est

destinée à faire prononcer par le juge le partage lui-même. L’origine du

désaccord entre les héritiers peut être lié à de nombreux éléments

(mise en œuvre du partage, estimation d’un bien, nécessité de vente,

répartition entre les héritiers et autres). De plus, l’action en partage

permet de faire trancher tous les litiges qui demeurent entre les

héritiers, notamment en lien avec les réserves ou les réductions, la

validité ou l’interprétation d’une DpCM ou une obligation de rapporter.

Les conditions personnelles de cette action sont les mêmes que celles

de l’action tendant au partage. Les conditions de fond, quant à elle,

découlent des règles matérielles applicables aux questions posées

(lorsque le procès porte sur de telles questions). Si en revanche le

procès porte sur les modalités du partage, le juge examine si les

conclusions du demandeur sont conformes aux règles de partage

émises par le DC et subsidiairement aux règles légales.

14. Cours du 18 décembre 2012

§54. Clôture et effets du partage

Sauf lorsqu’il résulte d’un jugement (action en partage), le partage s’opère par

un contrat entre tous les héritiers. Cette clôture du partage (art. 634) peut se

faire par un partage manuel ou par un acte de partage en la forme écrite. La

clôture du partage a pour effet de transformer la propriété commune en

propriété individuelle. Si des dettes ont été réparties, le partage entraîne une

reprise interne (art. 175 CO). Sous réserve des motifs entraînant une remise

en cause du contrat (art. 638 CC), la clôture du partage met un terme aux

relations juridiques résultant de la communauté héréditaire. Les héritiers

conservent toutefois une obligation de garantie pour les actifs repris en

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propriété individuelle (art. 637 CC) et restent en principe tenus solidairement

des dettes pendant 5 ans (art. 639-640 CC). Enfin, il est nécessaire de

préciser que l’art. 837 al. 1 ch. 2 accorde aux cohéritiers de l’attributaire d’un

immeuble une hypothèque légale en garantie de la soulte due par celui-ci.

Concernant la clôture du partage (avant de parler de ses effets), il faut

distinguer le partage manuel de l’acte de partage :

- Le partage manuel : chacun des héritiers prend la maîtrise des biens

formant son lot (art. 634 al. 1). Le passage effectif des biens dans la

maîtrise exclusive de chaque héritier met alors fin au partage.

- L’acte de partage : les héritiers concluent alors un acte générateur

d’obligations (art. 634 al. 1) puis l’exécutent par les actes de

dispositions correspondants. L’acte de partage est donc le contrat par

lequel les héritiers s’obligent à procéder au partage selon les modalités

dont ils ont débattu dans la phase préparatoire. L’acte de partage est

soumis à la forme écrite (art. 634 al. 2 ; même si la succession

comporte des immeubles ou prévoit la constituions de DRL) et n’est

valable que si tous les héritiers l’ont signé (art. 13 CO). L’acquisition de

la propriété individuelle par le reprenant n’a lieu que lorsque l’acte de

partage est exécuté par les actes de dispositions. Les modalités

d’acquisition des biens sont les mêmes que pour le partage manuel.

Pour terminer ce chapitre lié au partage et cette partie sur la dévolution,

nous allons présenter les effets du partage en développant quatre points :

- La rescision du partage : le partage peut être attaqué pour les mêmes

causes que les autres contrats (art. 638 CC) : incapacité du

cocontractant, vice de forme, vice du consentement ou autres.

- L’obligation de garantie des cohéritiers : le partage ne rompt pas

complètement les liens unissant les héritiers, ils demeurent garants les

uns envers les autres selon les règles de la vente (art. 637 CC ; forme

de transfert à titre onéreux, l’héritier reçoit des biens en imputation sur

sa part). Dès lors, si le reprenant est privé d’un bien parce qu’un tiers

fait valoir si celui-ci un droit préférable ou s’il constate que le bien

présente un défaut qui réduit sa valeur, l’art. 637 lui permet de se

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retourner contre ses cohéritiers, comme le ferait un acheteur, dans le

délai de prescription prévu, à savoir 1 an (art. 637 al. 3).

- L’hypothèque légale des cohéritiers : lorsque l’attributaire d’un

immeuble doit une soulte à ses cohéritiers, ceux-ci peuvent exiger la

constitution d’une hypothèque légale indirecte (art. 837 al. 1 ch. 2 CC).

- La responsabilité pour les dettes : les clauses du partage relative à la

répartition des dettes n’ayant que la valeur d’une reprise de dettes

interne, elles ne sont donc pas opposables aux créanciers. Dès lors,

l’art. 639 al. 1 CC prévoit que les héritiers demeurent solidairement

responsables sur tous leurs biens des dettes de la succession durant

les cinq années suivant le partage (ou, suivant l’art. 639 al. 2, durant

les cinq années après l’exigibilité de la dette). Après l’expiration de ce

délai (de péremption), la dette subsiste à l’égard des héritiers mais

ceux-ci ne sont tenus que pour la partie de la dette proportionnelle à

leur part héréditaire. La dette se prescrit selon les règles ordinaires

(art. 127 ss CO). Si la responsabilité solidaire après le partage conduit

un héritier à devoir payer une dette qui ne lui a pas été attribuée ou à

payer une part supérieure à celle qu’il a reprise, il a un droit de recours

contre ses cohéritiers (art. 640 al. 1 CC). Il doit alors diriger son

recours contre celui qui avait repris la dette à l’interne, car cela évite de

remettre l’ensemble du partage en cause (art. 640 al. 2 CC).

Partie 1. Introduction..................................................................................................................... 1§1. Notions, fondements, sources...............................................................................................................................1§2. Principes fondamentaux.........................................................................................................................................3

Partie 2. Vocation successorale.................................................................................................. 5Titre 1. Vocation légale...........................................................................................................................10

Chapitre 1. Les héritiers légaux........................................................................................................................10§3. Les parents.................................................................................................................................................................10§4. Le conjoint ou le partenaire enregistré survivant.....................................................................................15§5. La collectivité publique.........................................................................................................................................17

Chapitre 2. La masse successorale (masse à partager)..........................................................................17§6. Les biens extants.....................................................................................................................................................18§7. Les rapports...............................................................................................................................................................21§8. Les dettes du de cuius............................................................................................................................................35§9. Les dettes de la succession..................................................................................................................................36

Titre 2. Vocation volontaire..................................................................................................................38§10. Généralités...............................................................................................................................................................38

Chapitre 1. Capacité et volonté de disposer................................................................................................42§11. Capacité de disposer............................................................................................................................................42§12. Volonté de disposer.............................................................................................................................................44

Chapitre 2. Liberté de disposer.........................................................................................................................46§13. Les héritiers réservataires................................................................................................................................47§14. Les réserves et la quotité disponible............................................................................................................51

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§15. La masse de calcul des réserves et de la quotité.....................................................................................56Chapitre 3. Modes de disposer..........................................................................................................................64

Section 1. Les modes de disposer de caractère général.......................................................................................66§16. L’institution d’héritier........................................................................................................................................66§17. Le legs........................................................................................................................................................................ 67

Section 2. Les modes de disposer propres au pacte...............................................................................................69§22. Le pacte successoral en général.....................................................................................................................69§23. Le pacte d’attribution..........................................................................................................................................70§24. Le pacte de renonciation...................................................................................................................................71

Chapitre 4. La forme de dispositions..............................................................................................................73§25. Le testament public.............................................................................................................................................73§26. Le testament olographe.....................................................................................................................................75§27. Le testament oral..................................................................................................................................................76§28. Le pacte successoral............................................................................................................................................77

Chapitre 5. La caducité des disposition.........................................................................................................77§29. La caducité des testaments...............................................................................................................................77§30. La caducité des pactes successoraux............................................................................................................79§31. L’influence de la diminution de liberté de disposer..............................................................................80

Chapitre 6. L’inefficacité des dispositions....................................................................................................81§32. Les causes d’inefficacité des dispositions..................................................................................................81§33. L’action en nullité.................................................................................................................................................83§34. L’action en réduction..........................................................................................................................................85

Partie 3. La dévolution................................................................................................................ 94Chapitre 1. L’ouverture de la succession......................................................................................................95

§35. Le moment de l’ouverture de la succession..............................................................................................95§36. Le lieu de l’ouverture de la succession........................................................................................................95

Chapitre 2. L’acquisition de la succession....................................................................................................96Section 1. La capacité de succéder.................................................................................................................................96

§38. Le point de survie.................................................................................................................................................97§39. La capacité de recevoir.......................................................................................................................................98

Section 2. L’acquisition par les héritiers..................................................................................................................100§40. Généralités............................................................................................................................................................100§41. La répudiation.....................................................................................................................................................102§42. Le bénéfice d’inventaire..................................................................................................................................108§43. La liquidation officielle....................................................................................................................................110

Chapitre 3. Le partage........................................................................................................................................112§51. La communauté héréditaire..........................................................................................................................112§52. Principes et modalités......................................................................................................................................115§54. Clôture et effets du partage...........................................................................................................................122

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