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Jérémy Stauffacher Droit de la Famille Droit de la Famille 1. Cours du 20 septembre 2012 Partie 1. Introduction Les effets du mariage sont traités dans le CC aux titres cinquième et sixième. Le titre cinquième concerne les effets généraux du mariage (art. 159-179 : dispositions à caractère impératif concernant les effets personnels et patrimoniaux ainsi que la protection des époux) alors que le titre sixième régit les régimes matrimoniaux (art. 181-251 CC : dispositions générales puis dispositions propres à chacun des régimes). A ces règles de nature matrimoniale, il faut encore ajouter les règles du droit de la filiation (art. 270 ss CC : droits et devoirs des parents envers leurs enfants) ainsi que celle du droit successoral (art. 462, 471, 473 et 612a CC). Enfin, les effets du partenariat enregistré sont régis par la LPart (art. 12-28 LPart). A l’origine, les règles sur les effets du mariage étaient plutôt progressistes. Toutefois, au fil des années, le fossé entre réalité et règlementation s’est élargi. Une révision, demandée dès la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, a été entreprise et a débouché sur un nouveau droit du mariage, voté par les Chambres fédérales en 1984 (entrée en vigueur le 1 er janvier 1988). Le nouveau droit du divorce est quant à lui entré en vigueur le 1 er janvier 2000. De même, le nouveau droit de la protection de IUR III 2012-2013 1

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Jérémy Stauffacher Droit de la Famille

Droit de la Famille

1. Cours du 20 septembre 2012

Partie 1. Introduction

Les effets du mariage sont traités dans le CC aux titres cinquième et sixième.

Le titre cinquième concerne les effets généraux du mariage (art. 159-179 :

dispositions à caractère impératif concernant les effets personnels et

patrimoniaux ainsi que la protection des époux) alors que le titre sixième régit

les régimes matrimoniaux (art. 181-251 CC : dispositions générales puis

dispositions propres à chacun des régimes). A ces règles de nature

matrimoniale, il faut encore ajouter les règles du droit de la filiation (art. 270

ss CC : droits et devoirs des parents envers leurs enfants) ainsi que celle du

droit successoral (art. 462, 471, 473 et 612a CC). Enfin, les effets du

partenariat enregistré sont régis par la LPart (art. 12-28 LPart).

A l’origine, les règles sur les effets du mariage étaient plutôt progressistes.

Toutefois, au fil des années, le fossé entre réalité et règlementation s’est

élargi. Une révision, demandée dès la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, a

été entreprise et a débouché sur un nouveau droit du mariage, voté par les

Chambres fédérales en 1984 (entrée en vigueur le 1er janvier 1988). Le

nouveau droit du divorce est quant à lui entré en vigueur le 1er janvier 2000.

De même, le nouveau droit de la protection de l’adulte est entré en vigueur le

1er janvier 2013, tout comme la révision du droit du nom.

Le droit des effets du mariage vise deux buts principaux : d’une part, la

promotion, l’organisation et la protection la communauté de destin créée par

la mariage et d’autre part la garantie d’indépendance et de liberté de chaque

époux. Sur ce deuxième point, la révision de 1988 a précisé de nombreux

éléments (le CC de 1907 reposait sur une vision traditionnaliste du mariage et

la famille). L’évolution des mœurs a entraîné de nombreuses modifications

législatives. Le droit du mariage vise donc à placer les époux sur un pied

d’égalité en assurant la protection de chacun pendant le mariage (surtout

depuis 1981 et la mention dans la Constitution du principe de l’égalité).

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La concertation et la recherche du consensus tiennent donc une place

importante. Malgré tout, les deux postulats du droit des effets du mariage sont

souvent incompatibles : la loi ne peut garantir le respect de tous les intérêts

en présence. Dès lors, le CC tient compte des conflits d’intérêts :

- Certaines normes avantagent clairement l’intérêt de l’union conjugale

ou les intérêts individuels des époux (pesée des intérêts en conflit).

- Dans certains cas, la loi ne prévoit que des lignes directrices, la

solution devant être élaborée par le juge (pouvoir d’appréciation).

- Enfin, certaines dispositions font obligation aux époux de décider d’un

commun accord ou de se concerter et de faire preuve d’égards.

Au final, les époux sont donc des partenaires égaux et libres dans leurs

décisions. Toutefois, cette liberté doit être exercée de manière compatible

avec les exigences de la communauté de destin résultant du mariage. Sur la

plupart des points, les principes directeurs régissant le partenariat enregistré

sont les mêmes que ceux qui s’appliquent au mariage. Dans cette deuxième

partie, nous traiterons, conformément à l’ordre prévu par le CC, des effets

généraux du mariage, regroupés par thème (§1-7) :

- L’union conjugale (art. 159 CC : §1).

- Le statut personnel des époux (art. 160-161, 270-271 CC : §2).

- La demeure commune et le domicile des époux et le logement de la

famille (art. 162 et 172, 23 et 25 et 169 CC : §3).

- Les rapports juridiques entre époux (art. 167-168 et 170 CC : §4).

- La CCA des époux et les tiers (art. 168, 166 et 174 CC : §5).

- L’entretien de la famille (art. 163-165 CC : §6).

- La protection de l’union conjugale (art. 171-180 CC : §7).

La troisième partie sera consacrée au droit des régimes matrimoniaux. Nous

aborderons ainsi successivement dans deux chapitres :

- Un premier chapitre traitera des dispositions générales sur le régime

matrimonial (art. 181-195a CC : §8-11).

- Un deuxième chapitre étudiera le régime ordinaire de la participation

aux acquêts (art. 196-220 CC : §12-24).

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Partie 2. Les effets généraux du mariage

§1. L’union conjugale

L’art. 159 CC comprend trois alinéas : le premier définit le champ

d’application du droit matrimonial alors que le deuxième et troisième précisent

les grands principes régissant ce dernier. L’alinéa 1 précise que la célébration

du mariage crée l’union conjugale. Le droit matrimonial ne s’adresse qu’à eux,

et donc pas aux autres couples vivant sous une autre forme de communauté.

L’alinéa 2 précise que les époux sont liés par un contrat (synallagmatique) qui

engendre des obligations réciproques, génératrices de droit correspondant.

L’alinéa 3 prévoit une obligation de fidélité et l’obligation d’assistance de

chaque époux envers son conjoint. Au final, les alinéas 2 et 3 mettent en

évidence le but final de l’union conjugale : assurer la prospérité du couple et

de la famille, l’égalité des époux et la concertation entre eux.

Selon l’art. 14 Cst. le mariage n’est pas qu’une simple relation contractuelle

entre époux, il s’agit également d’une institution protégée par l’État (selon le

TF, il s’agit d’une institution dont le contenu est impérativement fixé par la loi).

La loi de 1984 et la révision de la Constitution de 1998 n’ont pas modifié ce

statut d’institution du mariage (art. 14 Cst). Malgré tout, même s’il est vrai que

les époux ne peuvent écarter l’essentiel de la loi ou y renoncer entièrement, le

droit de 1984 n’est pas si rigide que ça. En fait, les lignes directrices de ce

droit ne sont pas incompatibles avec l’autonomie des époux.

Le mariage est considéré comme une relation spéciale et destinée, en

principe, à durer pour toute la vie des époux. Elle ne peut donc être dissoute

plus tôt qu’à certaines conditions déterminées par la loi et vérifiées par le

juge. La volonté des époux ne suffit donc pas (au moins du point de vue

formel) à dissoudre leur union. Ainsi, une décision judiciaire (divorce,

déclaration d’absence, annulation) est indispensable (même si l’intervention

du juge est désormais fortement restreinte, notamment dans le cas du

divorce), contrairement à ce qui serait possible si le mariage était considéré

comme une simple relation contractuelle.

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Il faut à présent préciser la notion d’union conjugale : il s’agit de l’union de

deux personnes de sexe différent, constituée par la célébration du mariage

(art. 159 al. 1 CC), selon les formes prévues en droit civil (art. 97-103 CC). Le

droit matrimonial ne s’applique qu’à ces couples. Ainsi, ni l’union de

personnes de même sexe ni d’autres communautés de vie ne sont soumises

à ses règles. Les couples vivant dans de telles communautés ne peuvent

donc se prévaloir de la protection de leur statut au même titre que le mariage.

Dès sa célébration, le mariage est présumé valide (art. 94 ss CC) et déploie

ses effets. De même manière, les effets cessent à la fin de l’union (décès de

l’un des époux ou décision judiciaire : divorce, art. 111 ss, annulation de

mariage, art. 104 ss ou déclaration d’absence, art. 38 al. 3 CC).

Pendant l’union conjugale, les époux peuvent également vivre séparés.

Malgré tout, ni une séparation de fait ou judiciaire ni l’abandon de la demeure

commune ne dissolvent le mariage. Ainsi, on attend de l’époux qui dispose de

moyens suffisants qu’il avance à son conjoint les sommes nécessaires aux

procédures (mesures protectrices de l’union conjugale, art. 173 ss, séparation

de corps, art. 117 ss, divorce, art. 111 ss CC). Plus encore, le devoir

d’assistance peut justifier un soutien financier au-delà du mariage sous la

forme d’une pension. L’union conjugale entre les époux crée une

communauté imposant des droits et des devoirs spécifiques. Elle repose sur

des liens particuliers et constitue, sur le plan personnel, une relation morale,

affective et physique entre le mari et l’épouse. La communauté domestique et

économique implique la subordination des époux à un bien commun et à des

droits et devoirs réciproques (limite de la liberté personnelle) :

- Le devoir de fidélité : l’art. 159 al. 3 exige la fidélité des époux : la

relation conjugale est conçue comme exclusive (adultère et polygamie

sont donc proscrits). Le devoir de fidélité protège les relations

affectives et les intérêts personnels et économiques des époux. Il est le

symbole de la bonne foi et de la loyauté légitime. Ainsi, il est évident

que tout comportement violent (physique ou psychique) contrevient

aux devoirs conjugaux élémentaires. Il convient de mentionner

rapidement le devoir d’information réciproque (art. 170), le devoir de

respecter les relations avec les tiers ou encore le devoir de secret.

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- Le devoir d’assistance : ce devoir oblige chaque époux à soutenir

moralement et physiquement son conjoint et les autres membres de la

famille (notamment l’épanouissement dans la vie privée : désir d’avoir

des enfants, accès à des loisirs et autres). Les époux doivent s’aider

dans la vie quotidienne, notamment en cas de difficultés. Chaque

époux doit également assurer la protection physique et morale de son

conjoint (représentation, art. 166 CC). Le devoir d’assistance s’étend à

la vie professionnelle des époux (choix d’une profession, art. 167 CC).

- Les devoirs de nature économique : l’UC entraîne pou les époux le

devoir de pourvoir ensemble (revenus, fortune et force de travail) à

leurs besoins matériels et à ceux de la famille (art. 159 al. 2-3 et 163 ss

CC). La famille englobe non seulement les enfants du couple mais

aussi les enfants non communs et d’autres personnes dépendantes.

La solidarité implique également que chacun exerce ses droits

patrimoniaux envers l’autre en tenant compte de la situation du

conjoint. Enfin, si les moyens à disposition le permettent, l’entretien à

la communauté familiale peut aller au-delà des besoins élémentaires.

- Le devoir de mener une vie commune : en créant l’UC, les époux

s’obligent à mener une vie commune (art. 159 et 162 CC). Ainsi, la

cessation de la vie commune témoigne de la rupture du lien conjugal,

justifiant la dissolution du mariage (possibilité d’obtenir le divorce, sur

demande unilatérale, après une séparation de deux ans, art. 114 CC).

Les conséquences de ce devoir touchent également à des éléments

économiques (coût des logements séparés en cas de vie séparée).

- La sanction des devoirs entre époux : si un époux ne remplit pas les

devoirs qui lui incombent, les art. 172 al. 2, 173 ss et 28b CC

permettent l’intervention contraignante du juge au sujet de certaines

questions (plan patrimonial, enfants, logement). Précisons en outre

que des sanctions peuvent également être prises sur la base du droit

pénal ou d’autres législations, en parallèle au droit du mariage.

- La répartition des tâches : les rôles se déterminent par les conditions

concrètes de la vie (aptitudes et préférences personnelles). Les époux

conviennent librement de leurs rôles. Dans ses relations avec les tiers,

chaque époux est libre (art. 166) : aucun ne prime l’autre.

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Le droit de se marier ou le droit d’un époux à la relation avec son conjoint

sont des droits de la personnalité (art. 8 al. 1 et 12 CEDH, 14 Cst. et 28 CC).

Dès lors, la protection générale des art. 27 ss CC s’appliquent. Toutefois, les

moyens pour faire valoir ces droits ne sont pas les mêmes selon que l’auteur

de la violation est une tierce personne ou le conjoint. Pour les tiers, la

protection des art. 27 ss CC et 41 ss CO est pleinement applicable. Pour les

époux, la protection tient compte du statut de personne mariée. Dès lors, les

droits peuvent être limités en fonction du bien commun (art. 159 al. 2), des

intérêts de famille (art. 159 al. 2-3) et voire même en fonction de ceux du

conjoint seul (art. 159 al. 3 CC). Garantie primairement par les art. 171 ss CC,

la protection de la personnalité dans la relation entre époux prime en principe

le régime ordinaire des art. 27 ss CC (sous réserve d’une application à titre

subsidiaire ou des exceptions prévues par la loi).

Il convient de parler brièvement du partenariat enregistré. La LPart donne aux

personnes de même sexe la possibilité de formaliser leur union. Le

partenariat enregistré constitue une nouvelle institution du droit de la famille.

Tout comme le mariage n’est pas ouvert aux personnes de même sexe, le PE

ne l’est pas aux personnes de sexe opposé. La LPart règle la conclusion, les

effets et la dissolution du PE. Les partenaires forment une communauté sans

personnalité juridique et se doivent assistance et respect (art. 12 LPart). En

outre, le devoir d’assistance est le même que celui que se doivent les époux.

Enfin, même si l’art. 12 ne le précise pas, la doctrine admet l’existence d’un

devoir de fidélité (art. 159 al. 3 CC). Cela paraît d’autant plus logique au vu de

l’art. 215 CP interdisant les PE multiples.

§2. Le statut personnel des époux

Ce paragraphe est consacré principalement au nom de famille et au droit de

cité des époux. Deux catégories de noms existent dans la pratique : les noms

légaux et les noms extra-légaux (non mentionnés dans la loi). Parmi les noms

légaux, on distingue le nom de famille et le prénom. Les noms d’alliance,

pseudonymes et autres noms d’usage font partie des noms extra-légaux.

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Concernant le mariage, le nom de famille est le plus important : il s’agit du

nom au sens étroit (aussi appelé patronyme), commun à tous les membres

d’une même famille (jusqu’à la révision du nom) et indicateur d’appartenance.

En droit suisse, le nom de famille est gouverné par les principes de l’unité et

de l’immutabilité du nom de famille. Il convient donc d’analyser les règles qui

étaient en vigueur avant la révision du nom entrée en vigueur en 2013 :

- Le nom de famille pendant le mariage : les époux et leurs enfants ont

un nom de famille commun : celui du mari (art. 160 al. 1 aCC), sauf si

les fiancés choisissent le nom de la femme (art. 30 al. 2 aCC). L’époux

qui change de nom peut choisir de porter un double nom, formé de son

nom antérieur suivi du nom de famille commun (art. 160 al. 2 aCC).

En cas de nouveau mariage d’une personne ayant choisi de conserver

son ancien double nom, seul le premier (nom d’origine) peut être utilisé

pour constituer un nouveau double nom (art. 160 al. 3 aCC). Le double

nom légal s’écrit en principe sans trait d’union, au contraire du nom

d’alliance. Le double nom légal n’est pas transmissible, au contraire du

nom composé d’une famille, qui est transmissible et qui peut même

être combiné en double nom légal (art. 160 al. 2 aCC et 12 al. 1 OEC).

Le nom était lié au mariage, le décès de l’un des époux n’a pas

d’incidence sur le nom du conjoint survivant. En outre, même en cas

d’annulation de mariage ou de divorce, les époux peuvent préserver

les noms acquis (art. 119 et 109 al. 2 CC). Le statut des enfants est

régi par le droit de la filiation : les enfants portent de le nom de famille

de leurs parents mariés (art. 271, 259 al. 1 et 267 al. 1 aCC). Si l’un

des époux a choisi le double nom, seul le second passe aux enfants.

Enfin, les enfants de mères non mariées reçoivent son nom de famille.

De même, s’il s’agit d’un double nom acquis d’un mariage antérieur,

seul le premier de ces noms est transmis à l’enfant (art. 270 al. 2 aCC).

Le nom d’alliance est un nom extra-légal : il s’agit de permettre à

l’époux qui ne porte pas de double nom de faire suivre son nouveau

nom de famille par son ancien nom de famille, en joignant les deux par

un trait d’union. Dans le nom d’alliance, au contraire du double nom

légal, l’ancien nom de famille du conjoint se place en seconde position.

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- Le nom des époux à la dissolution du mariage : le divorce et

l’annulation du mariage n’entraînent pas nécessairement de

modification du nom : celui des deux qui n’avait pas changé de nom

continue à porter son nom et celui qui a changé de nom peut conserver

ce nom (bien de sa personnalité, art. 119 al. 1 CC). Ces règles valent

pour le nom simple comme pour le double nom (art. 160 al. 2 aCC).

Toutefois, l’époux qui a changé de nom peut décider de reprendre son

ancien nom (art. 119 al. 1 CC) : l’époux concerné doit le déclarer à

l’officier d’état civil, dans un délai d’un an à compter du jugement passé

en force. Au remariage de l’un ou des deux époux, les principes

énoncés aux art. 160 et 30 al. 2 aCC et 12 al. 1 OEC s’appliquent. En

cas de décès ou de déclaration d’absence, le nom reste inchangé.

Dans les deux cas, si le conjoint souhaite revenir au nom porté

antérieurement, il doit faire une requête (art. 30 al. 1 aCC). Enfin, en

l’absence de dispositions légales spécifiques, la dissolution du mariage

n’a en principe aucun effet sur le nom des enfants du couple.

Les éléments présentés ci-dessus appartiennent désormais (en partie) au

passé. En effet, une révision du droit du nom est entrée en vigueur le

1er janvier 2013, modifiant fondamentalement la législation en la matière

(initiative parlementaire déposée par une Conseillère nationale socialiste).

Selon le site de la Confédération, « la modification du Code civil suisse

concrétise l’égalité des époux ». Chacun des époux conserve son nom et son

droit de cité (art. 160-161 CC). Les fiancés peuvent toutefois déclarer vouloir

porter comme nom de famille le nom de célibataire de l’homme ou de la

femme (art. 160 al. 2 CC). L’enfant de parents mariés reçoit soit le nom de

famille commun, soit – si ses parents portent un nom différent – le nom de

célibataire que les parents ont choisi comme nom de famille au moment du

mariage (art. 160 al. 3 et 270 CC). Si les parents ne sont pas mariés, l’enfant

porte le nom de célibataire de sa mère (art 270a). Lorsque les deux parents

disposent de l’autorité parentale, ils peuvent déclarer que l’enfant portera le

nom de célibataire de son père (art. 270a al. 2-3). Les partenaires peuvent

lors de l’enregistrement du PE déclarer vouloir porter un nom commun ; ils

peuvent choisir entre le nom de célibataire de l’un ou de l’autre ».

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Il s’agit à présent de parler du droit de cité. Régi par l’art. 161 CC, il s’agit du

lien particulier qui unit une personne à une commune (bourgeoisie). Le lien

entre la personne et la commune crée un lien de même nature entre la

personne et le canton dans lequel se trouve la commune en question

(indigénat). Avant la révision de 2013, le mariage influençait uniquement le

droit de cité de l’épouse : celle-ci acquérait le droit de cité de son mari, sans

toutefois perdre son ou ses droits de cité de célibataire (art. 161 aCC). Ainsi,

à la conclusion du mariage, le mari conserve son ou ses droits de cité alors

que la femme acquiert l’ensemble des droits de cité de son mari, qui

s’ajoutent alors aux siens (art. 161 aCC). Après la dissolution du mariage, le

ou les droits de cité ne sont pas affectés : chacun conserve ses droits de cité

et les droits acquis (pour la femme). En outre, en cas de remariage, les droits

de cité du mari comme de la femme restent également inchangés : la femme

conserve ses droits de célibataire (dont ceux acquis par un éventuel

précédent mariage), auxquels s’ajoutent le ou les nouveaux droits de cité. Les

enfants nés du mariage acquièrent les droits du père (art. 271 al. 1 aCC). Les

enfants nés d’une mère non mariée acquièrent ses droits (art. 271 al. 2 aCC).

Comme pour le nom de famille, la révision a passablement modifié le régime

légal des droits de cité. Dès 2013, chacun de deux époux conservent son ou

ses droit(s) de cité (art. 161 CC : bourgeoisie et indigénat). Les enfants

acquièrent quant à eux le ou les droit(s) de cité du parent dont ils portent le

nom (art. 271 al. 1 CC). Concernant le PE, comme pour le nom, chaque

partenaire conserve son droit de cité : le PE n’a donc aucun effet.

2. Cours du 27 septembre 2012

§3. Demeure commune, domicile et logement familial

En matière de demeure commune des époux (art. 162 CC), de domicile des

époux et des enfants (art. 23-25 CC) et de logement familial (art. 169 CC) le

législateur a voulu faire ressortir les principes majeurs du droit matrimonial :

indépendance des époux, devoir de concertation, protection du mariage :

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- L’art. 162 CC : la demeure commune : le mariage implique en principe

que les époux vivent ensemble et aient une demeure commune :

il s’agit d’un logement (appartenant ou maison, location ou propriété)

où les époux vivent ensemble, indépendamment de leur volonté de

s’établir à cet endroit. Il ne faut pas confondre divers éléments :

o Le domicile est le lieu où une personne réside avec l’intention

de s’y établir (au contraire de la demeure commune). La

détermination du domicile est influencée par l’exigence de

demeure commune : le lieu de la demeure commune est

présumé être celui du domicile. Ainsi, l’époux qui entend fonder

son domicile ailleurs doit clairement démontrer cette volonté.

o Le logement de la famille est l’habitation de la famille qui

bénéficie d’une protection spéciale de la loi. En principe, la

demeure commune est également le logement de la famille.

Selon l’art. 162 CC, les époux choisissent ensemble la demeure

commune et optent pour la solution qui répond le mieux aux intérêts de

l’UC et de la famille (en lien avec l’activité professionnelle, le foyer, les

exigences d’éducation, les ressources, le marché du logement).

Exceptionnellement, il peut y avoir plusieurs demeures communes.

Lorsque les époux sont en désaccord, le juge ne peut que conseiller

les époux (art. 172 CC) : le silence de la loi est un silence qualifié.

Étant donné que la demeure commune repose sur la volonté

concordante des époux, elle cesse d’exister si cette volonté disparaît

chez l’un des époux (notamment en cas d’abandon du logement). Elle

fait également défaut si l’un des époux refuse de procéder au choix ou

si les époux décident de ne pas en avoir. Les partenaires enregistrés

doivent décider ensemble des modalités de leur union (art. 12 LPart).

La LPart ne contenant aucune disposition semblable à l’art. 162, le

devoir de mener une vie commune n’implique pas forcément pour les

partenaires une demeure commune. Dès lors, selon le Message du

Conseil fédéral, le devoir de mener une vie commune laisse le choix

aux partenaires enregistrés : ils peuvent décider ensemble d’avoir un

logement commun ou au contraire choisir de vivre séparés.

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- Les art. 23-25 CC : le domicile des époux et des enfants : le domicile

des personnes mariées se détermine selon les dispositions ordinaires.

Ainsi, il s’agit en principe d’un domicile volontaire au lieu où elles

résident avec l’intention de s’y établir (art. 23 CC). Exceptionnellement,

l’un des époux peut avoir un domicile subsidiaire (art. 24 CC) ou un

domicile dérivé (personnes sous tutelle, art. 25 al. 2 CC). Le domicile

des personnes mariées ou interdites se trouve au siège de l’autorité

tutélaire (art 25. al. 2) et ce lieu correspond en principe à la demeure

commune du couple (art. 162) et au logement familial (art. 169). Le

domicile permet de déterminer le for des actions civiles et des mesures

d’exécution forcée. Le domicile des enfants est un domicile légal, en

général dérivé de celui de son ou ses représentant(s) légal(aux). Dans

quelques cas, il peut se trouver au lieu de résidence de l’enfant

(domicile autonome). L’art. 25 al. 1 CC présente trois situations mais

bien d’autres situations peuvent se présenter dans la réalité :

o L’enfant de parents mariés dispose d’un domicile dérivé selon

l’art. 25 al. 1 CC, hypothèses 1 et 2, dans les cas suivants :

L’enfant vit avec ses parents détenteurs de l’autorité

parentale et domiciliés au même endroit : il a alors son

domicile dérivé au lieu du domicile de ses parents.

Les parents sont détenteurs de l’autorité parentale mais

n’ont pas de domicile commun (notamment par

séparation du couple parental avec attribution de l’enfant

par le juge, art. 118 al. 3, 176 al. 3 et 297 al. 2 CC, ou

retrait du droit de garde d’un des parents, art. 310 CC) :

le domicile de l’enfant est un domicile dérivé de celui du

parent disposant du droit de garde (parent gardien).

Si un seul parent détient l’autorité parentale, le domicile

de l’enfant sera dérivé de celui de ce parent.

Si les parents sont séparés (de fait ou de corps), ont tous

les deux l’autorité parentale mais n’ont pas demandé

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l’attribution du droit de gade, le domicile de l’enfant est au

domicile du parent avec lequel il vit.

o L’enfant dispose d’un domicile autonome au lieu de sa

résidence (art. 24 al. 2 CC) principalement lorsque les parents

disposent des mêmes droits. Ainsi, aucun critère légal ne

permet de trancher entre les deux parents et le domicile de

l’enfant est alors un domicile autonome au lieu de résidence.

Pour le PE, le domicile des partenaires n’est pas influencé par leur état

civil : les considérations faites ci-dessus sont appliquées mutatis

mutandis. Par ailleurs, les partenaires n’ont pas d’enfants communs.

- L’art. 169 CC : le logement de la famille : la protection du logement de

la famille est inscrite à l’art. 169 CC, complété ensuite par certaines

dispositions du droit de bail et du registre foncier. Elle repose

principalement sur l’exigence du consentement du conjoint à tout acte

de disposition du logement (restriction de la capacité civile). Il convient

donc de présenter successivement cinq points concernant cet article :

o Ratio legis et genèse : la possession d’un logement est un

élément primordial pour la famille. Dès lors, il faut éviter qu’en

cas de tension l’époux titulaire des droits dont dépend le

logement ne dispose unilatéralement de celui-ci. Dès lors, le

législateur a tenu à protéger le logement familial : l’art. 169

soumet dès lors au consentement du conjoint (al. 1) ou à

l’autorisation du juge (al. 2) certains actes de disposition.

o Nature de la restriction de la CC de l’époux titulaire : l’art. 169

restreint la capacité civile de l’époux titulaire des droits sur le

logement. Tout acte tombant sous le coup de l’art. 169 n’est

valable que si le conjoint ou un juge y consent. Faute de

consentement du conjoint ou d’autorisation du juge, le contrat

ou le congé sont nuls et ne produisent aucun effet.

o Champ d’application de l’art. 169 CC : la loi protège le logement

familiale (1), autrement dit les droits qui permettent de jouir du

logement (2), vis-à-vis de certains actes de l’époux titulaire des

droits et de tiers (3), durant le mariage et dans une moindre

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mesure après le mariage (4). Nous allons donc examiner les

quatre points qui ressortent de cette phrase générale :

L’objet de la protection : le logement familial : l’objet de la

protection est un local à usage d’habitation (immeuble ou

autre construction, même mobile). En principe il s’agit

d’un appartement ou d’une maison (art. 169 al. 1). Les

locaux à usage purement professionnel doivent être

exclus, au contraire des locaux mixtes, des résidences

secondaires voire même des logements de service. Le

logement doit ensuite être familial : il doit donc être

destiné par la volonté des époux à abriter la famille. La

protection de l’art. 169 CC n’échoit qu’aux couples

mariés : les couples vivant en union libre ou les tiers ne

peuvent donc pas l’invoquer pour protéger leurs droits.

Enfin, tous les logements habités par une famille (époux

et leur(s) enfant(s)) ne sont pas forcément des logements

familiaux : le logement ne jouit de la protection qu’à

condition d’être nécessaire (pour abriter les membres de

la famille) et de constituer le centre de vie de la famille

(il doit donc en principe constituer le domicile des époux

et des enfants selon les art. 23-25 CC et également la

demeure commune du couple au sens de l’art. 163 CC).

Précisons enfin qu’il ne peut y avoir qu’un seul logement

de famille bénéficiant de la protection de l’art. 169 CC.

Les droits protégés : la famille doit pouvoir être assurée

de maintenir le logement pour l’habiter : la loi entend

couvrir toute forme de maîtrise juridique d’un époux sur le

logement familial, peu importe son fondement juridique

(obligationnel ou réel). Ainsi, l’art. 169 vise en premier

lieu le droit personnel au bail et en deuxième lieu les

droits dérivant de la propriété du logement (propriété

simple, PPE ou encore droit de superficie). A défaut de

logement familial, il est éventuellement possible d’utiliser

les art. 176 ou 178 CC pour protéger l’habitation occupée

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par les époux et leurs enfants. De même, d’autres

dispositions légales s’appliquent parfois (art. 186 CP).

Les actes juridiques visés : le logement n’est protégé que

contre certains actes de dispositions de l’époux titulaire

du droit. Négativement, l’art. 169 n’a d’effet ni par rapport

à des actes ou à des omissions, ni en cas d’exécution

forcée. Dès lors, l’inaction du titulaire qui mène à la perte

du logement de la famille n’enfreint pas l’art. 169 (mais

peut par contre constituer une violation des devoirs

découlant de l’art. 159 CC). Positivement par contre,

l’art. 169 CC vise tout acte juridique ayant comme effet la

perte du logement familial ou qui, soit rend le droit

d’occuper les locaux très précaire, soit crée des

conditions d’habitation insupportables. Plus précisément,

il faut distinguer les actes de l’époux des actes de tiers :

Les actes spécifiques de l’époux titulaire : il s’agit

de tout acte juridique (vente, donation, échange,

apport dans une société, transfert de droit de

superficie, cession de part de PPE) qui aboutit au

transfert de la propriété du bien-fonds sur lequel

se trouve le logement familial. Précisons que

l’art. 169 CC s’applique même lorsque l’époux

propriétaire se réserve pour lui et son conjoint un

droit d’habitation, un usufruit ou un bail et ce car le

droit sur le logement est affaibli. Par contre,

l’art. 169 est inapplicable s’il y a vente de

l’immeuble avec constitution simultanée d’un droit

de PPE sur le logement familial. En matière de bail

et de résiliation par l’époux, l’art. 169 CC est

complété par l’art. 216m CO (résiliation anticipée).

Enfin, l’art. 169 doit être appliqué aux DdG sur un

immeuble de manière nuancée. En principe, la

constitution d’une CH n’est pas concernée (sauf si

elle est transmise à des tiers). Pour le reste,

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l’art. 169 ne s’applique que si le DdG menace le

logement ou augmente le danger potentiel.

La résiliation du bail du logement par le bailleur :

pour que la protection soit complète, il est

nécessaire que le bailleur ne puisse pas mettre fin

au bail en s’adressant uniquement à son

cocontractant (titulaire des droits). Ainsi, le congé

donné par le bailleur doit être signifié séparément

au preneur et à son conjoint (art. 266n CO). Les

mêmes exigences s’appliquent à la prolongation

du bail (art. 273a al. 2 CO). Comme l’art. 266m,

l’art. 266n CO se limite aux relations fondées sur

un contrat de bail ordinaire (et non bail à ferme).

La durée de la protection légale : une fois acquis, le

caractère du logement familial subsiste tant que dure le

mariage, même si les époux sont séparés de fait ou en

instance de divorce. Seul le divorce ou le décès mettent

donc un terme à l’application de l’art. 169 CC.

o Mise en œuvre de la protection : la protection légale est assurée

par l’exigence du consentement du conjoint ou subsidiairement

par l’autorisation du juge. En vertu de l’art. 169 al. 1, l’acte qui

restreint les droits dont dépend le logement de la famille n’est en

principe valable que moyennant le consentement du conjoint

(subsidiairement l’autorisation du juge). Le mandat entre époux

selon l’art. 195 CC ne fait pas obstacle à cette exigence. Le

consentement doit porter sur un acte déterminé et ne peut donc

pas être donné globalement par avance. Par contre, l’exercice

de ce droit peut être confié à un représentant légal ou

volontaire. Le consentement doit en outre être exprès mais

aucune forme n’est requise. Il peut être antérieur à l’acte

(immédiateté) ou concomitant (concours). Le conjoint peut

également ratifier l’acte (consentement postérieur) et ainsi le

rendre rétroactivement valable. Pour la résiliation du bail, le

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consentement du conjoint du locataire (ou l’autorisation du juge)

doit exister avant le début du délai de dénonciation. L’absence

de consentement rend l’acte nul (au moins temporairement).

Temporairement car le conjoint peut ratifier l’acte mais surtout

parce que le juge peut également donner son autorisation

comme le prévoit l’art. 169 al. 2 CC. L’autorisation du juge ne

peut remplacer le consentement du conjoint que si deux

conditions supplémentaires sont remplies (art. 169 al. 2 CC) :

L’autorisation du juge remplace le consentement du

conjoint s’il n’est pas possible que celui-ci le donne, par

exemple en raison d’une absence ou d’une maladie.

Le refus du conjoint n’est pas légitime si l’acte envisagé

ne le prive pas, lui et ses enfants, du logement occupé

par la famille ou n’en restreint pas la jouissance de

manière inacceptable. Dans ce genre de cas, le juge est

habilité à passer outre le refus du conjoint. Il l’est

également si le demandeur parvient à prouver que le

maintien du logement familial n’est plus possible au vu de

la situation familiale et financière concrète.

Précisons qu’en cas de désaffection totale du logement,

l’habitation concernée ne peut plus être qualifiée de logement

familial. Dès lors, le juge ne peut que constater l’inapplicabilité

de l’art. 169 CC, ce qui le dispense de procéder à une pesée

des intérêts parfois compliquée. Concernant la procédure, le

recours au juge appartient à l’époux titulaire des droits sur le

logement. La décision à prendre fait partie des mesures

protectrices de l’UC (art. 172 al. 3). La compétence appartient

ainsi au juge des mesures protectrices (art. 271 lit. c CPC).

o Effets : l’autorisation du conjoint ou du juge habilite l’époux

titulaire des droits à accomplir un acte tombant sous le coup de

l’art. 169 CC. Si l’acte est effectué avant l’obtention de l’une de

ces autorisations, il est imparfait (avant une éventuelle

ratification qui valide l’acte avec effet rétroactif). Faute de

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consentement ou d’autorisation, le contrat ou le congé est nul. Il

s’agit d’une nullité absolue : personne n’est tenu de la faire

valoir. De même, la bonne foi du tiers contractant ne joue aucun

rôle sur la validité de l’acte (sauf pour les données du RF).

o Protection du logement dans le PE : selon le Message du CF,

les principes élaborés au sujet de l’art. 169 CC s’appliquent

mutatis mutandis au PE : le législateur protège donc également

la demeure commune des partenaires enregistrés. Le recours

au juge est prévu à l’art. 305 lit. b CPC (analogie de l’art. 169).

3. Cours du 4 octobre 2012

§4. Les rapports juridiques entre époux

Selon l’art. 168 CC, les époux peuvent conclure des actes juridiques entre

eux et avec des tierces personnes. La liberté des époux dans leurs relations

internes fera l’objet du §4 alors que les relations du couples avec les tiers

seront traitées dans le §5. Concernant le premier point donc (relations

juridiques entre époux), il s’agit d’analyser successivement quatre éléments :

- La portée de l’art. 168 CC : le mariage n’a en principe pas d’effet sur la

capacité civile et donc sur la liberté juridique des époux. Dès lors, le

législateur a confirmé que les époux gardent leur qualité de personnes

majeures et pleinement responsables de leurs actes. Ainsi, les époux

peuvent conclure tout acte juridique entre eux : ils sont libres dans

leurs actes bilatéraux et dans toute autre MdV tendant à modifier, créer

ou supprimer un droit ou une relation juridique. Tout de même,

l’art. 168 CC réserve les dispositions légales contraires, par souci de

protection de l’UC et par considérations politico-familiales. Ainsi, les

exceptions à la pleine capacité des époux se justifient par la

particularité des liens entre eux et se fondent sur le devoir d’égards, de

fidélité et d’assistance (art. 159 CC). Naturellement, ces devoirs

diminuent la liberté des époux mais ont également comme corollaire

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des droits accrus. L’art. 168 CC et toutes les autres dispositions liées à

la capacité civile des époux sont édictés dans l’intérêt public et sont

par conséquent de nature impérative : ils ne peuvent ainsi ni être

modifiés ni être abrogés par les époux (sauf exception légale).

- L’activité professionnelle des époux et l’UC (art. 167 CC) : chaque

époux a la liberté d’exercer une profession ou d’exploiter une

entreprise et d’effectuer tout acte juridique que comporte cette activité

(art. 12-13 et 168 CC, confirmé par l’art. 167 CC). Chaque époux peut

donc exercer hors du foyer l’activité rémunérée de son choix, en tant

que salarié ou en tant qu’indépendant. L’art. 167 comprend également

l’activité non lucrative (œuvres caritatives ou d’éducation, voire loisirs).

Il s’agit en fait de garantir aux époux le droit d’exercer des activités

extérieures à la vie domestique, peu importe les modalités (volume,

employeur, lieu, horaires, salaires et autres). Toutefois, le droit conféré

par l’art. 167 CC est conditionnel : l’activité hors du foyer doit être

rendue aussi compatible que possible avec la vie familiale et avec les

intérêts matériels et moraux des époux, de l’UC et de la famille :

o Modalités : les décisions à prendre sont une affaire commune

dont les époux doivent débattre : une solution respectueuse des

intérêts de tous doit être privilégiée. Il faut ainsi principalement

tenir compte des aptitudes de chacun des époux, de la situation

familiale, du bien des enfants et du marché du travail.

o Conséquences du désaccord des époux : en cas de désaccord

entre époux, l’art. 167 ne permet pas à l’un d’eux de s’opposer à

l’exercice d’une activité en dehors du foyer. Ainsi, la liberté

personnelle des époux l’emporte et chacun peut exercer

l’activité de son choix. La violation des devoirs de l’art. 167

n’entraîne dès lors pratiquement aucune sanction : la seule

ouverture est la procédure devant un office de consultation

conjugale ou familiale (art. 171 CC ; compétence de conciliation,

sans pouvoir décisionnel, art. 172 al. 1 CC).

- Le devoir d’information mutuel des époux (art. 170 CC) : le but du

couple d’assurer la protection la prospérité de l’UC et de la famille au

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sens de l’art. 159 al. 2 ne peut être atteint que si les époux sont

renseignés sur tout ce qui concerne l’autre ou la communauté

conjugale, directement ou indirectement. L’art. 170 concrétise cette

idée en imposant aux époux un devoir d’information réciproque qui

porte sur leurs revenus, leurs biens et leurs dettes. Les sanctions sont

cette fois-ci bien réelles : l’art. 170 al. 2 prévoit certaines mesures

judiciaires contraignantes. De même, l’époux qui donne des indications

fausses engage sa responsabilité. Naturellement, cette règle est de

droit impératif et s’applique à tous les époux, sans égard à leur régime

matrimonial. Sa mise en œuvre nécessite les précisions suivantes :

o Les conditions légales : le devoir de renseigner suppose une

requête du conjoint adressée à l’époux débiteur ou au juge

(art. 170 al. 1-2 CC). Des tiers peuvent également être amenés

à devoir fournir des renseignements. Cependant, les règles sur

la bonne foi et le devoir de fidélité (art. 159 al. 3) impliquent

parfois qu’un des époux renseigne l’autre en l’absence de

requête. Le droit à être informé existe tant que dure le mariage

(jusqu’au jugement de divorce passé en force). En cas de

décès, l’époux survivant et les autres héritiers ont soumis au

devoir d’information réciproque que le droit successoral impose

aux cohéritiers (art. 607 al. 3 et 610 al. 2 CC). Le droit à

l’information est un droit inconditionnel : il peut être exercé à tout

moment, sans que le requérant ne doive se justifier. Tout de

même, il faut réserver l’interdiction générale de l’abus de droit.

o Objet, étendue et modalités : chaque époux peut demander à

son conjoint qu’il le renseigne sur les trois éléments suivantes :

Les revenus : il s’agit de la rémunération qu’il touche pour

son travail, du rendement de ses immeubles et de ses

capitaux et du revenu de ses activités accessoires. De

plus, le conjoint doit renseigner sur l’usage qu’il en fait.

Les biens : les biens comprennent les avoirs de libre

passage et prévoyance, les immeubles, les prêts,

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l’argent, l’or, les œuvres d’art, les participations dans les

sociétés, le contenu des coffres et encore les trusts.

Les dettes : cela concerne toutes les créances que les

tiers peuvent faire valoir contre l’époux. Chaque époux a

aussi un intérêt légitime à connaître les engagements

certains futurs (obligations dérivant du contrat de bail,

cautionnements, garanties, porte-fort et autres).

Le devoir d’information comprend tous les renseignements et

les pièces nécessaires pour permettre à l’époux d’évaluer la

situation. Ensuite, même si l’art. 170 CC ne le précise pas, la

requête peut être formulée en tout temps, mais l’époux doit faire

usage de cette faculté dans le respect de son propre devoir de

fidélité et de loyauté (art. 159 al. 3) et avec les égards dus à son

conjoint (interdiction de l’abus de droit notamment). En

contrepartie de ce droit, l’époux demandeur doit observer la

discrétion requise sur les renseignements obtenus. En cas de

refus d’un époux de renseigner son conjoint, les divergences

peuvent être soumises à une personne de confiance ou à un

conseiller conjugal (art. 171). De même, s’ils n’ont pas réussi à

s’entendre, les époux peuvent s’adresser au juge des mesures

protectrices de l’UC (conciliation, art. 172 al. 1-2 CC). En cas

d’échec de cette procédure de conciliation, chacun peut

demander au juge de trancher (art. 170 al. 2) à titre de mesure

protectrice de l’UC (art. 172 al. 3 CC). La demande en justice

doit être motivée : l’époux demandeur doit démontrer qu’il a un

intérêt digne de protection et l’époux sollicité doit établir que son

refus est justifié. Sur la base des art. 170 al. 2 et 172 al. 3, le

juge peut condamner l’époux récalcitrant à donner les

renseignements. Si l’époux persiste dans son refus en dépit de

l’ordre du juge, celui-ci peut prononcer la séparation de biens à

la demande de l’époux titulaire du droit aux renseignements. Le

refus de renseigner constitue en effet un juste motif au sens de

l’art. 185 al. 2 ch. 4 CC. Le changement de régime peut en outre

être ordonné cumulativement avec les autres mesures que peut

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prendre le juge. En outre, le juge est habilité par l’art. 170 al. 2 à

astreindre un tiers à fournir les informations demandées par

l’époux. Il dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour décider si

l’obtention est nécessaire. Enfin, le législateur fédéral a réservé

exhaustivement à l’art. 170 al. 3 le secret professionnel des

avocats, des notaires, des médecins, des ecclésiastiques et de

leurs auxiliaires (et non le secret bancaire).

- L’exécution forcée entre époux : l’exercice des droits civils se traduit

par la faculté des époux de procéder judiciairement l’un contre l’autre

(en matière civile comme en matière pénale). Toutefois, les égards que

se doivent les époux leur commandent la plus grande retenue : ils

doivent donc tenter d’apaiser leurs différends par des mesures

protectrices de l’UC (consultation conjugale ou médiation). Toutefois,

lorsque ces démarches n’aboutissent pas et des mesures d’exécution

forcée sont alors envisageables. Sur le plan patrimonial, elles sont

possibles durant le mariage, peu importe la nature des dettes

(matrimoniales ou ordinaires). Si l’époux est en demeure pour une

prestation pécuniaire due à son conjoint, ce-dernier a le choix

d’entamer de sa propre initiative l’exécution forcée ou de suivre la

procédure ouverte par d’autres créanciers. Enfin, lorsqu’une procédure

d’exécution forcée est dirigée contre une personne mariée, certains

privilèges sont consentis de par la loi au débiteur ou au conjoint :

o La procédure entamée par l’époux : chaque époux peut exercer

tout type de poursuite (art. 38 ss LP) contre son conjoint :

la saisie (art. 89 LP), la réalisation de gage (art. 151 ss LP),

la faillite (art. 159 ss LP) ou le séquestre (art. 271 ss LP). L’objet

de la réalisation peut être n’importe quelle créance d’argent ou

de sûreté, du moment qu’elle est exigible (art. 75 ss CO).

o La participation de l’époux créancier à la procédure : en cas de

saisie ou de réalisation de gage par un tiers, l’époux peut y

participer sans poursuite préalable (art. 111 al. 1 ch. 1 LP).

Cette faculté permet de garantir une certaine paix familiale.

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o Les privilèges des personnes mariées dans et après l’exécution

forcée : ces privilèges peuvent être regroupées en deux

catégories : art. 95a LP et créances pécuniaires d’entretien :

L’art. 95a LP précise que les créances d’un époux envers

l’autre ne peuvent être saisies par un tiers qu’en cas

d’insuffisance des biens du poursuivi. Ce privilège permet

de protéger le conjoint de l’époux débiteur et la famille.

Les créances pécuniaires d’entretien obéissent en partie

à des règles spéciales (voir §6 : entretien de la famille).

§5. Les rapports juridiques avec des tiers

Selon l’art. 168 CC, chaque époux peut également faire tout acte juridique

avec les tiers. Tout comme pour le §4, il est nécessaire de préciser la portée

de cet art. 168 en relation avec les tiers, avant de parler de la représentation

de l’UC (art. 166). Chaque époux a en principe la capacité de s’obliger,

d’acquérir et de disposer de ses biens dans ses relations externes. Les époux

peuvent conclure ensemble ou individuellement des actes juridiques avec des

tiers et sont également capables d’ester en justice. La validité des rapports

externes des personnes mariées se détermine en application des règles

ordinaires, sans exigence de consentement (mais sous réserve des

dispositions légales contraires instaurant des restrictions de la capacité des

époux). Ces restrictions fondées sur la protection de l’UC (art. 159 CC)

n’entament en principe pas la capacité d’agir des époux mais influencent les

relations de ceux-ci avec les tiers. Elles peuvent concerner divers éléments :

- La capacité civile : l’exigence du consentement du conjoint pour la

vente du logement familial est un exemple de restriction touchant la

capacité civile : si cette condition légale fait défaut, l’acte est nul.

- Le droit de disposer : le pouvoir de disposer peut être restreint dans les

cas où le juge interdit à l’un des époux de disposer de certains biens

(art. 178 CC). S’il le fait quand même, l’acte obligationnel est valable

mais pas l’acte de disposition (voir §7, protection de l’UC).

- Les effets de certains actes juridiques : le mariage peut également

toucher non pas les conditions de conclusion et de validité mais les

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effets d’actes juridiques. L’art. 166 CC par exemple prévoit une

exception importante au régime ordinaire de la responsabilité pour

dettes en fondant une responsabilité solidaire des époux pour les actes

accomplis par l’un d’eux en tant que représentant de l’UC.

- Des simples recommandations : parfois, la loi se limite à recommander

aux époux de tenir compte des intérêts de l’UC ou de la famille. Il n’y a

dès lors aucune sanction ou mesure d’exécution forcée. L’art. 167 CC

empêche ainsi la remise en cause du contrat de travail.

Nous allons à présent traiter de la représentation de l’UC (art. 166 CC). Les

époux sont en effet amenés à traiter avec des tiers dans l’intérêt du couple et

de la famille (et non pas seulement à titre individuel). Ils agissent dès lors en

tant que représentants de l’UC. Celle-ci n’ayant pas la personnalité morale,

c’est la loi qui détermine les conditions d’exercice et l’étendue du pouvoir de

représentation. Le but de l’art. 166 CC est de permettre à chaque époux

d’agir (seul ou avec le consentement de son conjoint ou du juge) pour les

besoins de la famille et d’obliger par ses actes sa propre personne mais

également son conjoint. Cela améliore l’efficacité des époux (mari et femme

bénéficient d’un pouvoir égal) lorsqu’ils agissent dans l’intérêt de la famille.

L’art. 166 ne s’applique qu’aux actes servant à satisfaire les besoins de la

famille. Toutefois, la représentation obéit à des conditions différentes selon

qu’une affaire relève ou non des besoins courants (art. 166 al. 1-2 CC). La loi

vise tous les actes juridiques exécutés pour les besoins du couple et de la

famille (actes générateurs d’obligations, actes de disposition, conséquences

de l’inexécution, pouvoirs d’administration). Les besoins du couple sont

définis par l’objet du devoir d’entretien réciproque des époux (art. 163 al. 1). Il

s’agit de tous les engagements pris et de toutes les dépenses faites dans

l’intérêt de la famille (en lien avec la capacité financière des époux et du train

de vie de la famille). On peut ainsi citer les denrées alimentaires, les

vêtements, les soins, les assurances, le logement, le véhicule, l’éducation, le

mobilier ou encore les voyages. L’art. 166 englobe tous les besoins de la

famille mais distingue les besoins courants des besoins sporadiques et

consacre dès lors deux régime de représentation (art. 166 al. 1 et 2 CC) :

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- La représentation ordinaire (art. 166 al. 1 CC) : elle se restreint aux

seuls besoins courant du ménage et ne nécessite pas le consentement

du conjoint ou l’autorisation du juge. Ce pouvoir ordinaire existe

indépendamment du fait que l’époux ait agi dans une situation

d’urgence ou non. Tout comme les besoins de la famille, les besoins

courants ne sont pas définis dans la loi. Il s’agit des besoins qui se

renouvellent constamment, peu importe la fréquence et visent à couvrir

l’entretien usuel et quotidien de la famille et les frais quotidiens.

Souvent, la distinction entre besoins courants et sporadiques et donc la

nuance entre représentation ordinaire et extraordinaire n’est de loin

pas évidente. Pour décider si une dépense est ou non un besoin

courant, il faut considérer la situation particulière de chaque famille

(taille, statut social, revenus, fortune, situation professionnelle). Il

convient encore de préciser le statut de trois cas particuliers :

o Les traitements médicaux et les frais pharmaceutiques font en

principe partie des besoins courants mais peuvent être exclus

en raison de l’importance des coûts. Malgré tout, la santé étant

une priorité, il n’y a pas lieu de se montrer trop exigeant et

restrictif : les critères ordinaires (notamment le revenu familial)

permettent ainsi de délimiter les engagements tombant sous le

coup de l’art. 166 al. 1 de ceux dépendant de l’art. 166 al. 2 CC.

o Les assurances-maladie, accident et autres font partie des

besoins courants (peu importe le moment de la conclusion). La

question des soins et assurances complémentaires doit être

tranchée en fonction du niveau de vie de la famille.

o Les autres actes juridiques : dans le cadre des besoins

courants, un époux peut également prendre à bail des objets

mobiliers (appareil ménager), faire des acte de disposition

(vente d’objets), procéder à certains actes juridiques (mise en

demeure, résiliation de contrat, exécution forcée et autres).

- La représentation extraordinaire (art. 166 al. 2 CC) : elle concerne les

actes qui dépassent la satisfaction des besoins courants. Le pouvoir

extraordinaire peut exister soit parc que l’époux a obtenu l’autorisation

IUR III 2012-2013 24

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de son conjoint ou du juge (art. 166 al. 2 ch. 1), soit en vertu de la loi

parce qu’il est nécessaire d’agir en urgence (art. 166 al. 2 ch. 2 CC) :

o L’autorisation du conjoint ou du juge (art. 166 al. 2 ch. 1) :

l’autorisation du conjoint permet de prendre des engagements et

de disposer des biens communs (art. 228 al. 3). Elle doit être

distinguée de celle donnée par le conjoint pour des transactions

ne concernant pas les besoins de la famille et qui ne sont jamais

visés par l’art. 166 CC (voyage effectué par un seul époux).

L’autorisation, sans exigence de forme, doit concerner l’acte

envisagé ou effectué par son conjoint et ne peut être présumée.

Le législateur a également envisagé le cas où un époux se

heurte au refus de son conjoint par rapport à une affaire

pourtant dans l’intérêt de l’UC, justifiant ainsi la responsabilité

solidaire (inscription d’un enfant en école privé, réparation d’un

toit, achat d’une seconde voiture nécessaire). Dans de telles

situations, un époux peut requérir l’intervention du juge des

mesures protectrices de l’UC (art. 172 ss CC). Si celui-ci

considère que les motifs invoqués sont des justes motifs, il peut

autoriser le requérant à effectuer les actes nécessaires.

L’autorisation, comme le consentement, doit porter sur une

affaire spécifique ou au moins sur un genre d’affaires

déterminées. Le juge peut également assortir son autorisation

de réserves (limitation de durée, restriction postérieure,

révocation sur requête du conjoint ou du requérant, art. 179).

o Le cas d’urgence (art. 166 al. 2 ch. 2) : chaque époux dispose

d’un pouvoir de représentation en cas d’urgence. Ce pouvoir

existe lorsqu’une affaire concernant les besoins non courants de

la famille doit être traitée sans retard et lorsqu’en plus il est

impossible de recueillir le consentement du conjoint (maladie,

absence, incapacité de discernement ou autre). De plus, il faut

encore qu’au vu de la situation la requête d’autorisation du juge

(ou n’importe quelle autre mesure protectrice de l’UC) ne puisse

pas non plus aboutir à temps. Le pouvoir extraordinaire fondé

IUR III 2012-2013 25

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sur l’art. 166 al. 2 ch. 2 est délimité dans son étendue et sa

durée par les intérêts à sauvegarder. Il ne peut concerner que

les actes absolument nécessaires et n’existe que pour la durée

pendant laquelle il est impossible l’époux représentant d’obtenir

le consentement de l’époux représenté ou l’autorisation du juge.

Ainsi, le pouvoir d’agir seul ne cas d’urgence et au nom de l’UC

ne peut être invoqué que pour des actes uniques ou pour un

nombre limité d’actes répétitifs (sa durée est donc limitée).

Précisons que l’art. 166 al. 2 ch. 2 peut aussi être appliqué

lorsque l’époux n’a pas obtenu le consentement de son conjoint

et n’aurait plus le temps d’obtenir l’autorisation du juge.

Les conditions relatives aux époux sont au nombre de trois. La représentation

de l’UC nécessite tout d’abord un mariage (seules les personnes mariées

peuvent représenter l’UC). Le pouvoir de représentation, qui dépend de la

capacité civile active, n’existe ensuite que durant la vie commune :

- L’existence du mariage : le pouvoir de l’art. 166 CC n’existe que durant

le mariage. De ce fait, les fiancés et les concubins ne peuvent s’en

prévaloir et la dissolution de l’UC (par décès, déclaration d’absence,

divorce ou annulation de mariage) en provoque l’extinction. Si un

mariage n’existe pas, le tiers ne bénéficie pas de la responsabilité

solidaire, même si le cocontractant a prétendu être marié. Le pouvoir

de représentation des époux est complété par celui des enfants : un

enfant capable de discernement peut agir pour sa famille avec le

consentement de ses parents (art. 306 al. 1 CC). La seule différence

est que l’enfant ne sera pas obligé (seuls ses parents le seront).

- La vie commune : le pouvoir de représenter n’existe que durant la vie

commune (autant pour la représentation ordinaire qu’extraordinaire).

Les époux doivent donc avoir la volonté de vivre en communauté

conjugale. Le pouvoir de représenter ne cesse que si la vie commune

est suspendue ou a pris fin parce que le couple n’entend plus maintenir

la vie conjugale (une éventuelle séparation du couple pour d’autres

raisons ne suffit donc pas). La fin de la vie conjugale peut résulter

d’une décision judicaire, d’un accord entre les époux ou d’autres

IUR III 2012-2013 26

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circonstances. Tout de même, la durée des pouvoirs est liée à la

question de la protection des TdBF en cas d’absence ou de

suspension de la vie commune. Selon la jurisprudence et la doctrine, la

BF des créanciers n’est pas protégée (protection du conjoint débiteur).

En cas de litige sur le moment de la suspension de la vie commune,

les parties doivent collaborer (la loi n’exige aucune preuve formelle) et

le juge prend en compte les indices à la disposition du créancier.

Précisons enfin que le défaut de vie commune n’entraîne que la

suspension totale des pouvoirs de représenter l’UC. Ceux-ci renaissent

donc dès la reprise de la vie commune par le couple.

- L’exercice du pouvoir de représentation : pour représenter valablement

l’UC, l’époux représentant doit avoir l’exercice des droits civils par

rapport à la transaction effectuée. La capacité civile active de l’époux

représenté n’a par contre aucune importance. L’exercice du pouvoir de

représentation est un droit strictement personnel et intransmissible :

les époux ne peuvent pas y renoncer ou le modifier par contrat. Enfin, il

est impossible de recourir aux services d’auxiliaires pour exercer le

pouvoir de représentation : il doit être exercé personnellement.

Si les conditions de l’art. 166 al. 1 ou 2 sont remplies, les effets légaux se

produisent impérativement (art. 166 al. 3) et les époux sont de par la loi

codébiteurs solidaires de l’engagement pris par l’un d’eux. Si par contre elles

ne sont pas remplies, seul l’époux contractant est obligé, mais son conjoint

peut éventuellement être tenu d’assumer les conséquences de l’acte sur la

base de l’art. 163 (§6) voire de l’art. 159 CC (§1). Si les conditions sont

remplies, il convient encore donc de distinguer selon que l’époux représentant

a ou non excédé le pouvoir de représentation (art. 166 al. 3 CC) :

- La responsabilité solidaire des époux (art. 166 al. 3) : si les conditions

sont remplies et que le conjoint n’excède pas son pouvoir de manière

reconnaissable, il s’oblige personnellement et oblige solidairement son

conjoint (effets doubles). La solidarité entre époux est justifiée par les

liens créés par l’UC. Les effets sont les mêmes pour les deux types de

représentation et se produisent d’emblée (institution du droit de la

famille sui generis), sans égard à la volonté des parties. D’éventuelles

IUR III 2012-2013 27

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conventions entre époux limitant leur responsabilité solidaire ne sont

opposables aux tiers que si ceux-ci y ont consenti.

- L’excès du pouvoir de représentation : selon l’art. 166 al. 3, les effets

de la représentation se produisent même si l’époux représentant a

excédé ses pouvoirs, pour autant que le tiers l’ait ignoré de bonne foi

et que les conditions de base soient remplies (sans quoi l’acte est nul).

Dès lors, le tiers qui ne savait pas (et ne devait pas savoir) que le

pouvoir de son cocontractant n’existait pas (notion absolue) est

protégé dans ses prétentions contre les deux époux. Les exigences de

bonne foi sont alors différentes selon le type de représentation :

o Pouvoir de représentation ordinaire : concernant le pouvoir de

représentation ordinaire, les tiers peuvent se fier à la nature de

la transaction et au mode de vie apparent des époux (principe

de la confiance). Il s’agit ainsi de déterminer s’il était

reconnaissable pour tiers que, selon ce qu’il savait ou pouvait

savoir de la situation de la famille, le représentant faisait une

dépense inconsidérée ne concernant pas les besoins de la

famille. La situation précise de la famille étant rarement connue

des créanciers, elle n’est normalement pas exigée.

o Pouvoir de représentation extraordinaire avec consentement ou

autorisation du juge (art. 166 al. 2 ch. 1) : l’excès du pouvoir est

alors impossible (par nature). Le tiers n’est dès lors pas protégé

au-delà des pouvoirs effectivement conférés et l’art. 166 al. 3

CC n’a aucune portée pratique dans ce genre de situations.

o Pouvoir de représentation extraordinaire dans les cas d’urgence

(art. 166 al. 2 ch. 2) : pour être protégé, le tiers doit avoir

raisonnablement pu déduire des circonstances de la transaction

que son cocontractant agissait dans une situation d’urgence. Il

devait donc croire que l’époux agissait en cas d’urgence.

Avant de terminer ce chapitre en traitant de la fin de la représentation, nous

devons analyser les conséquences et les effets sur les rapports internes. En

effet, l’art. 166 ne concerne que les rapports des époux avec les tiers. Il ne

désigne donc pas quel époux supporte la dette. L’attribution interne dépend

IUR III 2012-2013 28

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en fait premièrement de la répartition légale ou conventionnelle de la charge

d’entretien entre les époux (art. 163 CC, §6) ou d’autres conventions entre

eux. Si un époux s’acquitte des dettes familiales dans une trop grande

mesure, il pourra se prévaloir soit des art. 163 CC et 148 al. 2 CO, soit de

l’art. 165 al. 2 CC pour obtenir le remboursement (ou une indemnité).

Deuxièmement, l’attribution des dettes se fait en fonction du régime

matrimonial. Dans le régime ordinaire (participation aux acquêts) et dans la

séparation de biens, les deux époux répondent de leurs dettes sur tous leurs

biens (art. 202 et 249 CC). Dans le régime de la communauté de biens, les

dettes sont des dettes générales au sens des art. 233 ch. 1 et 3 CC.

Comme dit précédemment, nous conclurons ce paragraphe en parlant de la

fin de la représentation de l’UC. Le pouvoir ordinaire peut s’éteindre de deux

manières (même si le texte légal ne mentionne que le retrait du pouvoir de

représentation ordinaire par le juge). Premièrement donc, le pouvoir ordinaire

s’éteint automatiquement lorsque le mariage est dissous (par décès,

déclaration d’absence, divorce ou annulation). Deuxièmement, le pouvoir

ordinaire peut prendre fin par retrait judiciaire (art. 174 CC). La privation du

pouvoir ordinaire ne peut être décidée que par le juge : il s’agit d’une mesure

protectrice de l’UC (art. 172 al. 3 CC). Chaque époux peut ainsi demander au

juge de retirer les pouvoirs de représentation de son conjoint lorsque celui-ci

excède son droit ou se montre incapable de l’exercer (retrait protecteur contre

les dangers de la solidarité). La décision judiciaire ne peut en principe

concerner que le pouvoir ordinaire et ne peut donc pas toucher des pouvoirs

découlant d’autres dispositions (art. 227 CC ou art. 32 ss CO). L’époux dont

les pouvoirs doivent être restreints (art. 174 al. 1) doit, d’une part, être investi

de ces pouvoirs et, d’autre part, se montrer incapable de les exercer ou les

avoir excédés (mise en danger durable des intérêts de la famille).

Le juge doit alors décider de retirer une partie ou tous les pouvoirs selon le

principe de proportionnalité. Le retrait total est recommandé lorsque l’époux

concerné se montre généralement incapable d’agir dans l’intérêt de la famille.

Au contraire, un retrait partiel s’impose lorsque l’excès à craindre ou

l’incapacité est limité à quelques affaires uniquement. Le juge peut par

exemple interdire certains achats ou certains moyens de paiement voire

IUR III 2012-2013 29

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même limiter la responsabilité solidaire du conjoint à une certaine somme. Le

retrait total du pouvoir de représenter l’UC fait cesser la responsabilité

solidaire du conjoint de l’époux contractant. Ce-dernier peut par contre

continuer à s’engager auprès de tiers (art. 168) car sa capacité civile n’est

pas touchée. Sur le plan externe, le moment auquel cesse la responsabilité

dépend de la notification faite aux tiers. Le retrait est ainsi immédiatement

opposable dès que les tiers en ont connaissance, soit par une communication

personnelle des époux, soit par un avis du juge. Logiquement, il ne l’est donc

pas à ceux qui ne le connaissent pas et n’auraient pas dû le connaître. Si le

juge décide d’une publication générale, la mesure est opposable à tout tiers,

même de bonne foi, dès la parution de la publication (art. 174 al. 3). Sur le

plan interne, les effets des mesures prononcées se produisent dès l’entrée en

force de la décision. Enfin, si par la suite le retrait ne se justifie plus

(déchéance injustifiée), l’époux privé de son pouvoir peut demander au juge

d’être réintégré. L’initiative peut également être prise par l’époux qui avait

requis le retrait des pouvoirs de son conjoint (art. 179 al. 1 CC). Si la

réintégration est acceptée par le juge, l’époux retrouve les pouvoirs dont il

avait été privé dès que la nouvelle décision est passée en force.

Le pouvoir extraordinaire basé sur le consentement du conjoint ou sur

l’autorisation du juge (art. 166 al. 2 ch. 1) peut être limité d’emblée, restreint

voire même supprimé. Le juge peut également préciser les pouvoirs qu’il

confère à l’époux requérant et ceux-ci prennent alors fin automatiquement

une fois que le (les) acte(s) visé(s) est (sont) accompli(s). Enfin, le pouvoir

extraordinaire basé sur le cas d’urgence (art. 166 al. 2 ch. 2 CC) cesse de

plein droit dès que les conditions de son existence ne sont plus réunies.

4. Cours du 11 octobre 2012

§6. L’entretien de la famille

Les principes généraux en matière d’entretien de la famille sont énumérés

aux art. 163 al. 1 et 159 al. 2-3 : les époux doivent pourvoir ensemble (devoir

IUR III 2012-2013 30

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de concertation : pas de répartition fixe) aux besoins de la famille. La

répartition doit tenir compte des facultés de chacun et des besoins familiaux

(art. 163 al. 3 CC). Malgré tout, l’art. 163 CC ne vise que l’entretien de la

famille et n’atteint qu’un concept d’égalité idéale. De ce fait, eu égard à la

situation matérielle du couple et aux besoins de chacun, les art. 164-165 CC

apportent un certain nombre de précisions pour corriger ces défauts.

L’art. 164 CC donne ainsi à l’époux resté au foyer le droit d’obtenir une

somme plus importante que le seul argent de poche (si la situation

patrimoniale du couple le permet). L’art. 165 CC, de son côté, vise à

indemniser l’époux qui a collaboré à la profession ou à l’entreprise de son

conjoint ou qui a fourni une contribution financière à l’entretien de la famille

dans une mesure notablement supérieure à ce qu’il devait faire en vertu de

son devoir d’entretien. Ces trois dispositions (art. 163-165) ont deux buts :

premièrement, en créant un cadre légal souple, ils favorisent le dialogue entre

époux et deuxièmement, ils protègent les intérêts propres de chacun en

prévoyant dans certains situations le droit de l’un à une part du revenu de

l’autre. Concernant l’art. 163 CC, nous analyserons successivement six

points : le devoir en général, la notion de famille, l’objet du devoir, les modes

de contribution, la répartition du devoir d’entretien et la durée du devoir :

- Le devoir en général : l’art. 163 CC impose aux époux (mari et femme,

art. 163 al. 1 CC) un devoir égal de pourvoir à l’entretien de la famille.

La forme de la contribution importe peu (travail, ménage) : les époux

doivent couvrir la totalité des besoins. En cas d’insuffisance, le devoir

leur impose de faire les démarches nécessaires à l’obtention d’un

soutien externe. Si un époux viole son devoir d’entretien, son conjoint

peut requérir des mesures protectrices du juge (art. 172 ss CC) ou

l’aide de la collectivité (qui peut alors se retourner contre l’époux

négligeant). En outre, il faut préciser que la violation fautive du devoir

d’entretien est passible d’une sanction pénale (art. 217 CP).

- La notion de famille : le devoir d’entretien concerne en premier lieu les

charges relatives aux époux et à leurs enfants. D’autres personnes

dont l’entretien est assumé par les époux (devoir légal ou base

volontaire) peuvent également occasionner des charges comprises

IUR III 2012-2013 31

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dans le devoir d’entretien (enfant non commun). Le devoir d’entretien

(droit de l’homme) incombe principalement aux père et mère et est

défini par le droit de la filiation (art. 276-278 CC). Le fait que les

enfants ne vivent pas en ménage commun avec leur(s) parent(s) n’a

pas d’incidence sur l’entretien qui leur est dû mais modifie la nature

des prestations : le parent qui vit avec son enfant fournit des

prestations en nature alors que l’autre parent contribue financièrement

à l’entretien de son enfant (art. 276 al. 2 CC). Enfin, beau-père et belle-

mère n’ont pas d’obligation d’entretien mais doivent assister leur

conjoint dans l’accomplissement de son devoir (art. 278 al. 2 CC).

- L’objet du devoir : l’entretien vise tous les besoins ordinaires de la vie

domestique ainsi que les besoins personnels de chaque époux et des

enfants (logement avec frais annexes, vêtements, nourritures, soins

personnels et médicaux, hygiène, transport et éducation). L’entretien

couvre également les dépenses nécessaires pour les assurances ou

pour l’avenir de la famille (cotisations AVS du premier pilier,

prévoyance professionnelle du deuxième pilier et éventuellement

assurances-vie du troisième pilier). Les charges publiques (impôts)

doivent être intégrées dans l’entretien si les biens ou les revenus

imposés sont affectés à l’entretien de la famille. L’entretien comprend

également la satisfaction des besoins plus personnels des époux et

des enfants (sociabilité, culture, apprentissage, loisirs, distraction).

L’époux sans revenu peut également déduire de l’art. 163 CC un droit

à de l’argent de poche de la part de son conjoint pour satisfaire ses

besoins personnels. Si la situation du couple fonde une prétention à un

montant à la libre disposition de l’époux au foyer (art. 164 CC), ce

montant absorbe l’argent de poche dû en vertu de l’art. 163 CC.

Comme le précise l’art. 163 al. 1 CC, l’entretien auquel les époux

doivent pourvoir est un entretien convenable, déterminé en premier lieu

par la situation et les ressources de la famille (l’entretien convenable

est pratiquement toujours au moins supérieur au minimum vital).

Chacun des deux époux doit jouir du même niveau de vie, pendant la

vie commune mais aussi lors d’une séparation (avec adaptation du

niveau de vie si nécessaire du fait de la tenu de deux ménages).

IUR III 2012-2013 32

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- Les modes de contribution : l’art. 163 al. 2 CC énumère de manière

non limitative les modes principaux selon lesquels les époux peuvent

contribuer à l’entretien de la famille. Le plus souvent, les époux

fournissent leurs prestations par des montants en argent (produit du

travail, pensions AVS ou LPP, fortune ou encore capital), par le travail

au foyer et les soins voués aux enfants ou par l’aide gratuite (ou avec

rémunération utilisée exclusivement pour l’entretien de la famille) dans

la profession ou l’entreprise du conjoint (au sens) mais d’autres formes

sont également possibles (notamment mise à disposition de biens ou

d’immeubles, entretien ou réparation de matériels, artisanat).

- La répartition du devoir d’entretien : la loi laisse toute liberté aux époux

dans la répartition des obligations (art. 163 al. 2 CC). L’ensemble des

contributions doit couvrir la totalité des besoins de la communauté

familiale. Plus précisément, nous allons étudier trois points :

o Le mode de contribution de chaque époux : le rôle respectif des

époux n’est pas défini par la loi (aucun modèle standard prévu

par le droit suisse). Dès lors, ni l’épouse ni le mari ne disposent

d’un droit à ne fournir sa contribution que par le travail au foyer

ou que par l’activité professionnelle. Dès lors, chaque époux

peut prétendre à exercer une activité hors du foyer (art. 167 CC)

et doit même le faire si cela est nécessaire. De même, chaque

époux est également tenu, si les circonstances l’exigent, de

participer aux tâches ménagères et au soin des enfants.

o La mesure de la contribution des époux : chaque époux

contribue à l’entretien selon ses facultés (art. 163 al. 1 CC).

L’apport doit être fixé selon les moyens personnels et matériels

de chaque époux (solidarité et protection de la personnalité).

Des critères purement économiques ou mathématiques sont

donc totalement inapplicables. Ainsi, la fourchette de la

contribution à fournir dépend entièrement des capacités de

chaque époux et des nécessités et possibilités dans la famille.

o La modification de l’accord des époux : les époux peuvent en

tout temps réajuster le contenu de leur accord. En effet, un

IUR III 2012-2013 33

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changement dans la vie de famille peut affecter les besoins

(nouvel enfant, maladie, chômage, séparation). Dans de telles

situations, une modification de la répartition des contributions

est recommandée par l’art. 159 al. 2-3 CC et par les règles de la

bonne foi (clausula rebus sic stantibus). A défaut d’accord entre

les époux, la nouvelle répartition peut être imposée par le juge

mais uniquement pour les montants dus. La fixation des charges

non pécuniaires dépend donc toujours des époux. En cas de

besoins accrus qui ne peuvent être couverts par les ressources

des époux, l’un d’eux ou les deux peuvent être tenus d’exercer

une activité lucrative ou d’étendre une activité existante.

- La durée du devoir : le devoir réciproque d’entretien de l’art. 163 CC

naît avec le mariage et ne prend fin qu’à la dissolution de l’UC. Il existe

donc pour toute la durée du mariage, que le couple vive en ménage

commun ou non. De même, il ne cesse ni durant les périodes de

suspension de la vie commun (art. 175-176 CC), ni pendant l’instance

de divorce ou la séparation de corps (voir CPC et 117 al. 2 CC).

Concernant l’art. 164 CC, nous analyserons successivement quatre points :

le droit en général, les conditions du droit, la détermination du montant et

enfin les modalités du versement et de l’utilisation du montant dû :

- Le droit en général : un époux peut prétendre, dans les situations

énumérées à l’art. 164 al. 1, à un montant équitable que doit lui servir

son conjoint et dont il peut disposer librement. Ce montant relève de

l’entretien global de la famille mais se distingue de l’entretien dû en

vertu de l’art. 163 CC. En effet, le montant prévu par l’art. 164 doit

permettre à son bénéficiaire de satisfaire des besoins personnels

nécessitant des moyens supérieurs à ce qui peut être demandé au titre

d’entretien au sens de l’art. 163 CC (dès lors, l’art. 164 précise la

portée de l’art. 163 CC). Cette disposition tend à assurer l’égalité entre

les conjoints dans des couples où l’un d’eux ne dispose pas de

revenus ou dont les revenus sont insuffisants pour couvrir ses besoins

personnels. La loi vise tout particulièrement le cas de l’époux au foyer.

En effet, même si les contributions sont considérées comme égales

IUR III 2012-2013 34

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(activité lucrative ou travail au foyer), il n’en résulte pas moins une

égalité matérielle : l’époux qui dispose d’un revenu jouit d’une certaine

indépendance. Dès lors, pour rétablir l’égalité, l’art. 164 CC assure au

conjoint lésé un montant à sa disposition, ce qui lui garantit une

certaine autonomie financière. Comme l’art. 163, l’art. 164 CC est

applicable pendant toute la durée du mariage et la suspension de la vie

commune, l’instance en divorce ou en séparation de corps ou le

prononcé par le juge d’une telle séparation n’y mettent pas fin d’office.

Dès lors, le juge des mesures protectrices de l’UC (art. 173 ss CC) ou

des mesures provisoires (art. 117 al. 2, 118 al. 2 ou 137) doit allouer

un montant équitable lorsque les conditions légales sont remplies.

- Les conditions du droit : il faut distinguer deux types de conditions,

selon qu’elles sont relatives à l’époux créancier ou débiteur :

o Les conditions relatives au créancier : la prétention appartient à

l’époux au foyer sans revenu propre qui voue ses soins au

ménage et aux enfants (l’époux qui contribue de manière

extraordinaire à l’entretien du ménage peut recevoir une

indemnité équitable au sens de l’art. 165 CC), à l’époux qui

apporte une aide professionnelle à son conjoint sans être

rémunéré pour cela (là encore, s’il a contribué de manière

extraordinaire, une indemnité équitable est possible) et à l’époux

qui retire de son travail ou de sa fortune une indépendance

insuffisante par rapport à celle de son conjoint. L’art. 164 CC

permet donc de compléter l’art. 163 CC en accordant au

conjoint sans salaire une valorisation de ces contributions.

o Les conditions relatives au débiteur : le droit à l’indemnité

équitable ne naît que si le revenu de l’époux assurant la

subsistance de la famille n’est pas entièrement absorbé par

l’entretien de la famille. Ce principe doit être appliqué dans un

sens large : il ne suffit pas que l’entretien minimum soit couvert.

Il faut en effet que l’entretien convenable (avec constitution de

réserve et prévoyance pour l’avenir de la famille) soit assuré

pour que l’on puisse songer à appliquer l’art. 164 CC.

IUR III 2012-2013 35

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- La détermination du montant : si, une fois acquittés les charges

d’entretien au sens de l’art. 163 CC, les revenus n’ont pas été

entièrement utilisés, le solde du revenu ou une partie de ce solde doit

être attribué aux époux en vue de satisfaire leurs besoins personnels.

Le montant doit être ajusté en fonction du niveau de vie du couple et

des besoins personnels de chacun. Il faut également tenir compte des

éventuels changements de circonstances entraînant une nouvelle

répartition des charges (art. 159 al. 2-3 en relation avec l’art. 163 CC).

- Les modalités du versement et de l’utilisation du montant dû : les

modalités et la fixation du montant dépendent de la concertation des

époux. Les sommes visées doivent être versées en espèce et avec

une certaine régularité (en fonction de la périodicité des besoins).

Concernant l’art. 165 CC, nous analyserons successivement quatre points :

le droit en général, la collaboration extraordinaire d’un époux à la profession

ou à l’industrie de l’autre (art. 165 al. 1 CC), la contribution pécuniaire

extraordinaire à l’entretien de la famille (art. 165 al. 2 CC) et enfin l’exclusion

de l’indemnité en cas de rapport juridique spécial (art. 165 al. 3 CC) :

- Le droit en général : un époux peut être amené à contribuer à

l’entretien dans une mesure qui excède ce à quoi il serait normalement

astreint selon l’art. 163 CC, que ce soit sous la forme d’un apport

financier ou d’une prestation en nature. Même importante, une telle

contribution repose sur le lien d’affection qui unit les époux et sur le

devoir général d’assistance (art. 159 al. 3 CC) : elle ne doit ainsi pas se

monnayer. Cependant, le législateur a prévu deux cas (al. 1 et 2) dans

lesquels une compensation est justifiée : ainsi lorsque l’un des époux a

fourni une contributions extraordinaire et notablement supérieure à

celles normalement dues, sous forme de collaboration à la profession

ou à l’entreprise de son conjoint ou d’une contribution pécuniaire aux

charges du mariage, une indemnité équitable est prévue (il ne s’agit

donc pas véritablement d’une contreprestation ou d’une rémunération

dépendant d’un rapport juridique). Précisons que si une indemnité est

due en vertu des deux alinéas, les montants sont cumulables.

IUR III 2012-2013 36

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- La collaboration extraordinaire d’un époux à la profession ou à

l’industrie de l’autre (art. 165 al. 1 CC) : l’aide apportée par un époux à

l’autre dans sa profession ou son industrie est en principe un mode de

contribution à l’entretien de la famille (art. 163 al. 2 CC). Dès lors, les

revenues de l’activité exercée conjointement permettent d’assurer

l’entretien de la famille et n’exigent aucune indemnité supplémentaire

(sauf montant équitable prévu par l’art. 164 CC). Toutefois, lorsque

l’aide dépasse par sa nature, son volume ou sa durée, de manière

notable, ce qui est raisonnablement exigible, une rémunération des

services rendus est due. Il s’agit en fait de situations où l’aide apportée

par le conjoint équivaut quasiment au travail d’un employé salarié.

Cette rémunération peut découler d’un rapport juridique extérieur au

droit matrimonial, comme nous le verrons ci-dessous, mais elle peut

également être due sur la base de l’art. 165 al. 1 CC. Dès lors, si

l’existence d’un rapport juridique ordinaire (contrat de travail, de prêt ou

de société), une indemnité équitable sera due s’il paraît injuste que les

contributions faites par un époux ne soient pas honorées. Au final, une

compensation est due aux trois conditions suivantes :

o La collaboration de l’époux doit profiter à la profession ou à

l’entreprise de son conjoint. L’aide doit bénéficier au conjoint

directement et non à une tierce personne (entreprise partenaire

du conjoint). De plus, si le travail de l’époux représente un

travail indépendant et constitue sa part de contribution à

l’entretien du ménage (selon l’art. 163), l’indemnité est exclue.

o La collaboration en cause doit être notablement supérieure à ce

qui est exigé normalement à titre de contribution d’entretien.

o La collaboration de l’époux doit être effectué sans aucune

contreprestation. Celle-ci peut découler d’un rapport juridique

ordinaire mais également d’autres éléments, comme par

exemple le règlement global des prétentions des époux lors du

divorce. Dès lors, une contreprestation, même inférieure à la

valeur économique des services rendus exclut toute indemnité.

IUR III 2012-2013 37

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Si les conditions sont remplies, l’époux reçoit une indemnité équitable

(et non un salaire). Les époux conviennent librement du montant de

l’indemnité (un accord entre les héritiers d’un époux et le conjoint

survivant est également envisageable). L’accord est soumis aux règles

contractuelles ordinaires (art. 1 ss et 23 ss CO). Si le juge est saisi, il

statue en équité (art. 4 CC) : la somme allouée étant en principe

inférieure à une rémunération intégrale, il n’y a pas lieu d’interpréter

restrictivement l’art. 165 al. 1 CC. L’existence d’un rapport juridique

entre époux n’étant pas admise aussi facilement qu’entre personnes

non mariées, l’art. 165 al. 1 sera bien souvent le seul moyen de

rémunérer les prestations extraordinaires d’un conjoint : il serait dès

lors disproportionné d’interpréter restrictivement cet article et de

refuser d’accorder ces indemnités. Précisons enfin que le tiers qui

cause une incapacité de fournir une contribution extraordinaire engage

sa responsabilité et peut dès lors devoir indemniser la victime.2

- La contribution pécuniaire patrimoniale extraordinaire à l’entretien de la

famille (art. 165 al. 2 CC) : il se peut qu’un époux, de son propre choix

ou par accord, contribue par ses revenus ou sa fortune aux charges du

ménage dans une mesure notablement supérieure à ce qu’il devait vu

l’état de ses ressources et le niveau de vie familial. Naturellement,

l’époux concerné ne saurait prétendre à une indemnité pour ce qu’il

devait de toutes façons au titre du devoir d’entretien. De même, les

prestations financières qui ne dépassent pas dans une mesure notable

ce qui est dû (en terme de quantité et de fréquence) n’entraînent pas

application de l’art. 165 al. 2 CC. Au-delà de cette limite par contre,

l’indemnité est due, même si cela n’a pas été stipulé. Naturellement,

l’éventualité d’une donation ou d’une renonciation selon l’art. 165 al. 3

est réservée. L’époux qui remplit les conditions de l’art. 165 al. 2 a droit

à une indemnité équitable, ce qui est différent de la restitution des

sommes versées. En outre, comme précisé ci-dessus, les indemnités

des art. 165 al. 1 et 165 al. 2 CC sont cumulables.

-  L’exclusion de l’indemnité en cas de rapport juridique spécial entre

époux (art. 165 al. 3 CC) : un époux ne peut élever des prétentions

fondées sur les al. 1 et 2 lorsque sa contribution extraordinaire était

IUR III 2012-2013 38

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fournie en vertu d’un rapport juridique ordinaire. Les époux sont en

effet libres de conclure tout type de contrat entre eux (art. 168 CC).

Parmi les types de contrat et autres rapports juridiques excluant

l’application de l’art. 165 al. 1 et 2, on peut notamment citer :

o Le contrat de travail (art. 319 ss CO) : libres de déterminer la

répartition et le mode de leurs contributions, les époux peuvent

prévoir que celui qui collabore dans la profession ou l’entreprise

de son conjoint fasse son apport sous forme pécuniaire.

o Le contrat de société : les époux s’associent dans la plupart des

cas dans des sociétés simples (art. 530 ss CO), en nom collectif

(art. 552 ss CO) ou en commandite (art. 594 CO). Leur

contribution peut alors prendre la forme de prestations

financières et en nature ou d’une contribution (hypothèse de

l’art. 165 al. 1 et 2 CC). Dans tous les cas, le but de la société

ne doit pas s’épuiser en la réalisation des buts du mariage.

o Le contrat de prêt : la plupart du temps, les avances entre époux

se font sans réflexion et formalités. Ainsi, en l’absence d’actes

écrits, diverses délimitations s’imposent : de telles avances

peuvent constituer des prestations ordinaires à l’entretien, des

contributions extraordinaires ou des prêts (art. 305 ss CO).

o Les autres rapports juridiques : une contribution extraordinaire

peut aussi résulter d’un mandat, d’un contrat d’entreprise, de

bail, de donation ou encore de vente. Enfin, précisons que la

réserve de l’art. 165 al. 3 CC s’étend aux droits nés d’un rapport

juridique non contractuel (gestion d’affaires notamment).

Les art. 163-165 CC ayant été analysés, il convient maintenant de préciser la

nature des droits liés. Nous traiterons ensuite de l’exercice de ces droits et de

l’exécution forcée des prétentions qui en découlent. Enfin, nous conclurons en

parlant des prestations d’entretien en lien avec le RM. Chaque époux a un

droit inaliénable à l’entretien (art. 163), au montant à sa libre disposition

(art. 164) et à l’indemnité équitable (art. 165) : ces droits appartiennent aux

époux pour leur propre entretien ainsi que pour l’entretien des enfants et ont

un caractère éminemment personnel (art. 27 CC). Contrairement aux droits

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de base, les droits aux prestations spécifiques déduits des art. 163-165 CC

n’ont pas un caractère personnel et sont soumis à des régimes différents :

- Les contributions dues en exécution du droit à l’entretien de l’art. 163

sont des créances d’entretien d’un époux contre son conjoint. L’époux

peut renoncer à des contributions exigibles ou futures de la part de son

conjoint (sous réserve de la responsabilité envers les enfants).

- Les créances individuelles de l’art. 164 sont également des créances

d’entretien, fondées sur le devoir de chacun de consacrer ses

ressources aux besoins de la famille. L’époux titulaire peut renoncer

aux créances exigibles et futures dans les limites de l’art. 27 CC.

- A la différence des prestations découlant des art. 163-164 CC, les

créances de l’art. 165 sont des créances ordinaires, soumises au droit

commun. Elles ne bénéficient donc pas des privilèges conférés aux

créances d’entretien en cas d’exécution forcée (sauf art. 111 LP).

L’exercice des droits des art. 163-165 CC varie pour chacune des trois

situations. Concernant l’exercice du droit à l’entretien (art. 163 CC), les époux

doivent en principe fixer leurs contributions d’un commun accord. Si cela est

impossible, les époux peuvent, au besoin, s’adresser au juge des mesures

protectrices de l’UC (art. 172 CC). Sur réquisition d’un des époux, il peut fixer

pour l’avenir et l’année écoulée la contribution due par l’autre (art. 173 al. 3).

Le juge doit toutefois se restreindre à déterminer l’entretien à la charge de

chacun : sa compétence ne s’étend pas à la répartition des tâches au sein du

couple. Les prestations individuelles sont dues régulièrement, selon les

nécessités. Une réclamation rétroactive des contributions par voie judiciaire

n’est possible que pour l’année qui précède l’introduction de la requête.

Pour l’exercice de l’art. 164 (montant à libre disposition), la situation est la

même : les époux doivent s’entendre sur son importance et sur les modalités

de son règlement. A défaut d’entente, le juge statuera (art. 172 ss). Précisons

que les prestations ne peuvent être réclamées en justice que pour l’avenir et

pour l’année qui précède l’introduction de la requête (art. 173 al. 3).

Il en va de même pour l’exercice du droit à l’indemnité équitable de l’art. 165

CC : les époux doivent s’entendre sur le bien-fondé et le montant de

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l’indemnité. En cas de divergence, le litige ressortit au juge ordinaire, qui

décide uniquement sur les prétentions élevées par rapport à des contributions

effectuées entre le 1er janvier 1988 et la dissolution de l’UC. Avant cette date

(qui correspond à l’entrée en vigueur du droit actuel), l’art. 165 est

inapplicable mais le droit commun peut être applicable (conditions ordinaires

des prétentions d’un époux pour les prestations fournies).

En ce qui concerne l’exécution forcée des prétentions découlant des art. 163

à 165 CC, il faut distinguer selon que l’on traite des créances d’entretien (pour

les art. 163-164 CC) ou de la créance de l’indemnité équitable (art. 165) :

- Les créances d’entretien fondées sur les art. 163-164 CC : comme on

l’a dit, le droit en tant que tel de percevoir des créances d’entretien ne

peut être cédé ou mis en gage et n’est pas sujet à exécution forcée.

Par contre, les contributions individuelles sont, dans certaines limites,

cessibles, saisissables et sujettes à exécution forcée :

o Les contributions individuelles (art. 163 CC) : la contribution

pécuniaire peut être l’objet d’une exécution forcée, même entre

époux. L’époux créancier peut ainsi requérir la notification d’un

commandement de payer à son conjoint. Si des tiers requièrent

la saisie d’une créance contre l’époux débiteur, le conjoint peut

sauvegarder ses droits en agissant par la voie de la participation

à la saisie sans poursuite préalable (art. 111 LP).

o La créance du montant à libre disposition (art. 164 CC) : comme

pour la créance précédente, il s’agit d’une créance d’entretien.

Dès lors, son régime est le même (art. 111 et 219 al. 4 LP).

- La créance de l’indemnité équitable de l’art. 165 CC : là encore, le droit

de base déduit de l’art. 165 CC ne peut être ni cédé, ni mis en gage et

n’est pas non plus sujet à l’exécution forcée. Par contre, l’indemnité

équitable due, qui n’est pas assimilée à une créance d’entretien, est

cessible et saisissable comme tout créance ordinaire. Elle ne bénéficie

d’aucun privilège dans l’exécution forcée (sauf art. 111 LP).

Pour terminer, nous préciserons les liens entre prestations d’entretien et

régime matrimonial. Même si les dispositions sur le droit à l’entretien et celles

IUR III 2012-2013 41

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sur le régime des époux sont indépendantes les unes des autres, le devoir

mutuel des époux de pourvoir à l’entretien du couple ou de la famille a des

répercussions sur leurs patrimoines respectifs, patrimoines dépendants du

régime matrimonial. On peut ainsi citer les 4 conséquences suivantes :

- Les contributions à l’entretien au sens de l’art. 163 CC doivent en

premier lieu être prélevées sur les acquêts du débiteur (régime

ordinaire, art. 196 ss CC). Ce n’est que si les circonstances l’exigent

(insuffisance des acquêts notamment) que les biens propres peuvent

être mis à contribution. Les sommes passées en possession du

conjoint font provisoirement partie de ses acquêts mais doivent être

restituées à l’époux qui les a fournies si elles ne sont pas totalement

dépensées (sauf l’argent de poche, qui rentre définitivement dans les

acquêts de l’époux bénéficiaire). A la dissolution du RM, ce qui reste

des contributions à l’entretien dans les acquêts entre dans le calcul du

bénéfice de l’union conjugale (art. 210 CC).

- Pour les couples soumis au régime légal, le montant à libre disposition

de l’époux au foyer (art. 164 CC) doit en principe être prélevé sur les

acquêts du débiteur et rentre dans les acquêts de l’époux au foyer. Là

encore, à la dissolution du régime, ce qui en reste dans le patrimoine

de l’époux au foyer et rentre dans le calcul de son bénéfice.

- La créance d’un époux pour collaboration extraordinaire à la profession

ou à l’entreprise de son conjoint (art. 165 al. 1) a le caractère d’acquêt

dans le régime de participation : la dette correspondante grève donc

les acquêts de l’époux débiteur. Si l’indemnité n’a pas été versée à la

dissolution du mariage, il n’est pas nécessaire d’en déterminer le

montant. En effet, étant donné qu’elle grève les acquêts de l’époux

débiteur et profite dès lors aux acquêts de l’époux créancier et que les

surplus des acquêts sont partagés également (art. 215 CC), la situation

est égale (sauf bien sûr si les époux ont modifié la répartition du

bénéfice de l’UC, art. 217 et 242 al. 3, ou si les acquêts de l’un des

deux sont déficitaires). Dans la communauté de biens, la créance et la

dette font en principe partie des biens communs. Toutefois, les biens

étant réunis, le versement de cette indemnité n’a aucun sens. Au

IUR III 2012-2013 42

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contraire, dans la séparation de biens, cette indemnité est

importante puisque le montant concerné sort du patrimoine du débiteur

et rentre dans celui du créancier de manière définitive. La créance d’un

époux pour sa contribution pécuniaire extraordinaire à l’entretien de la

famille (art. 165 al. 2 CC) est un acquêt si cette contribution a été

prélevée sur ses acquêts (fortune et revenus d’acquêts ou revenus de

biens propres). Au contraire, cette contribution devient un bien propre

si elle a été prélevée sur les biens propres du débiteur.

- L’attribution des créances et des dettes découlant d’un rapport

juridique ordinaire (art. 165 al. 3) obéit aux règles générales.

Concernant le partenariat enregistré, nous nous limiterons à préciser que les

partenaires contribuent, chacun selon ses facultés, à l’entretien convenable

de la communauté (art. 13 al. 1 LPart). Les partenaires se doivent en plus

mutuellement assistance pour assurer l’entretien de leurs enfants, comme

l’impose l’art. 27 LPart (enfants nés avant ou pendant le PE).

§7. La protection de l’union conjugale

Les époux mettant en péril le mariage ont à leur disposition les mesures

protectrices de l’UC prévues aux art. 171 ss CC. Ces mesures, faisant appel

au juge ou à une instance de consultation ou de médiation, complètent

d’éventuels autres moyens extralégaux. Les MPUC tendent à protéger soit

l’union en tant que telle, soit un époux, soit les enfants. Le but premier est

d’amener les époux à se réconcilier afin de maximiser les chances de

restaurer l’entente conjugale. Le second but est plus individuel : il est parfois

nécessaire de protéger les droits d’un seul époux, voire des enfants (art. 28).

La loi comportant de nombreuses notions indéterminées (affaire importante

ou bien de la famille), le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation.

De manière générale, on peut affirmer que 3 principes régissent la question :

- L’intervention extérieure des offices de consultation (art. 171) ou du

juge (art. 172 ss CC) doit reposer sur une requête d’un des époux ou

des deux. Une intervention d’office ou sur demande d’un tiers n’est

donc pas admissible, sauf pour protéger les enfants (art. 307 ss CC).

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- Dans tout conflit conjugal, une solution négociée entre les époux doit

être privilégiée : la loi tente ainsi de favoriser les conseils et la

médiation des offices de consultation ou du juge. Les mesures

juridiques contraignantes sont donc subsidiaires.

- Les compétences du juge sont restreintes par l’art. 172 al. 3 CC aux

seuls mesures prévues dans la loi : le catalogue des mesures est donc

exhaustif (contrairement au droit du divorce, voir CPC).

Seules seront étudiées dans ce paragraphe les MPUC au sens étroit, à savoir

les mesures des art. 171-178 CC. Trois mesures figurant parmi les effets

généraux du mariage les complètent : l’autorisation par le juge de représenter

l’UC (art. 166 al. 2 ch. 1 CC) ou de disposer du logement (art. 169 al. 2 CC)

ainsi que la possibilité d’astreindre un époux ou des tiers à fournir des

renseignements (art. 170 al. 2 CC). Ces trois mesures complémentaires ainsi

que les art. 171-179 CC constituent les MPUC au sens large. Nous traiterons

successivement du champ d’application, de la faute, des moyens à

disposition des époux, des mesures judiciaires et de la procédure.

Le champ d’application des différentes mesures dépend de la situation du

couple : en effet la loi prévoit des MPUC tant pour les couples vivant en

ménage commun que pour les couples séparés. Certaines ne s’appliquent

que dans l’une de ces hypothèses, d’autres s’appliquent sans distinction.

Ainsi, la question de la situation du couple ne se pose pas pour les

dispositions relatives aux conseils et à la médiation des offices de

consultation et du juge (art. 171-172), pour les avis aux débiteurs (art. 177) et

pour la restriction du pouvoir de disposer (art. 178 CC). Par contre, les

mesures relatives à la fixation de l’entretien selon l’art. 173 ou au retrait du

pouvoir de représenter l’UC au sens de l’art. 174 CC ne peuvent être

décidées par le juge que pendant la vie commune. Au contraire, les mesures

énumérées à l’art. 176 (entretien, logement, mobilier, régime matrimonial ou

sort des enfants) ne peuvent être prises qu’en cas de vie séparée. En fait,

l’art. 28b CC s’applique par analogie : les mesures envisageables dépendent

des circonstances concrètes. Reprenons les deux situations :

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- Couples vivant en ménage commune : cela concerne en principe les

époux disposant d’une demeure commune (art. 162) et d’un logement

familial (art. 169). Cependant, la condition légale du ménage commun

est également remplie lorsque la vie familiale se déroule à plusieurs

endroits, pour autant que le couple s’y retrouve. Ces couples peuvent

demander toutes les mesures prévues aux art. 171 ss CC, notamment

celles des art. 173 ss mais à l’exclusion des mesures de l’art. 176 CC.

- Couples séparés et en procédure de divorce ou de séparation de

corps : même si le mariage entraîne en principe le devoir de ménage

commun, il est impossible de contraindre les époux à vivre ensemble.

La cessation de la vie commune peut intervenir suite à un accord, à

l’initiative d’un des époux ou en raison de circonstances particulières.

Cette suspension relève entièrement de la décision des époux et ne

met pas fin aux droits et devoirs conjugaux, mais en change les

modalités. Des MPUC ne sont justifiées que lorsqu’il est nécessaire de

protéger l’un des époux, les deux ou la famille. Ainsi, il est impossible

de demander de telles mesures lorsque la séparation était décidée

d’un commun accord par les époux. Dans les autres cas, l’éventail des

mesures que le juge peut prononcer dépend du rôle que l’époux

requérant a joué dans la cessation de la vie commune. En outre, leur

application est restreinte lorsque les époux sont en procédure de

divorce ou de séparation de corps. Voyons ces deux points :

o Le champ d’application des art. 176 ss CC en fonction du rôle

joué par le requérant : la requête peut émaner de l’un ou des

deux époux mais les mesures varient selon que la situation.

L’époux qui a refusé la vie commune de manière infondée ne

peut requérir les mesures de l’art. 176 al. 1 CC. Dans les trois

autres situations (requête commune, requête de l’époux qui

n’est pas à l’origine du refus ou requête fondée), le champ

d’application des art. 176 ss CC est entier. Le refus de la vie

commune est fondé s’il répond aux deux conditions suivantes

(conditions alternatives interprétées de manière large) :

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Art. 175 CC : le refus de vivre avec le conjoint est justifié

lorsqu’il est le résultat d’une menace grave touchant la

personnalité (intégrité physique, psychique, honneur,

liberté personnelle et autres), la sécurité matérielle

(garanties économiques minimales) ou le bien de la

famille (intérêts d’un des époux ou des enfants).

Art. 176 al. 2 CC : le refus est également fondé lorsque la

vie commune se révèle impossible, à cause par exemple

de la détention de l’un des époux. On assimile à un cas

d’impossibilité la situation où l’un des époux refuse la vie

commune de manière infondée (au sens de l’art. 175).

o L’application analogique des art. 176 ss CC lors de procédures

de divorce ou de séparation de corps : logiquement, la vie

séparée est justifiée (de par la loi, si le lien de litispendance est

créé) en cas de procédures de divorce ou de séparation de

corps (art. 276 al. 1 et 294 al. 1 CPC : mesures provisionnelles).

Étant donné que le mariage existe encore et que la vie

commune a cessé, les art. 176 ss s’appliquent par analogie, en

dépit de l’incompatibilité de leur but avec celui des MPUC

(divorce ou séparation de corps contre protection de l’UC).

Nous allons à présent passer à la présentation des différents moyens à

disposition des époux (conseils, médiation et mesures judiciaires). Il s’agit de

distinguer les conseils et la médiation des mesures judiciaires, les premiers

devant être privilégiés face aux secondes afin de favoriser l’entente et la

collaboration entre époux. Présentons donc ces deux types de moyens :

- Les conseils et la médiation : les rôles de conseiller et de médiateur

peuvent être exercés par les offices de consultation ou par le juge :

o Les offices de consultation : l’art. 171 CC oblige les cantons de

veiller à ce que les conjoints puissent s’adresser à des offices

de consultation conjugale ou familiale. Les époux sont libres d’y

recourir, ensemble ou séparément, de leur propre initiative ou

sur le conseil d’un tiers (ce tiers peut même être le juge des

IUR III 2012-2013 46

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MPUC, art. 172 al. 2 CC). La compétence locale n’étant pas

réglée, les époux peuvent s’adresser à l’office de leur choix. La

consultation porte sur les difficultés de la vie d’époux, peu

importe leur nature et a pour but de restaurer le lien conjugal.

On constate donc que le législateur a tenté de mettre l’accent

sur la médiation (accord à l’amiable, conciliation). Chaque

époux doit donner la priorité à la recherche d’un consensus.

o Le juge : les époux peuvent, ensemble ou individuellement,

requérir l’intervention du juge (art. 172 al. 1 CC), soit pour des

mesures non contraignantes (al. 2), soit pour des mesures

contraignantes (al. 3). Matériellement, le recours au juge

conciliateur de l’art. 172 al. 2 (l’al. 3 sera analysé ci-dessous)

suppose qu’un époux ne remplisse pas ses devoirs de famille

ou que le couple soit en désaccord sur une affaire importante :

La violation des devoirs de famille : il s’agit des devoirs

d’époux et parentaux (art. 159 al. 2 et droit de la filiation).

Une violation objective suffit et il n’est pas nécessaire que

l’époux requérant soit touché directement ou fortement.

Le désaccord sur une affaire importante : le désaccord

doit concerner les époux eux-mêmes ou se rapporter à

leurs relations avec les enfants ou la famille.

La procédure de conciliation devant le juge obéit à plusieurs

principes et à un caractère officiel (contrairement aux séances

devant les offices de consultation). Elle démarre par la requête

d’un des époux (ou des deux). En principe, les deux époux

(époux cité par le juge) doivent être présents à la consultation.

Le but premier du juge est la conciliation des époux, afin d’éviter

la rupture définitive du couple. Le juge est donc un conseiller, un

médiateur (officiel). L’art. 172 al. 2 énumère quelques moyens :

Le juge peut rappeler les époux à leurs devoirs.

Le juge peut les aider à surmonter leurs désaccords.

Le juge peut, avec l’accord des parties, requérir le

concours de personnes qualifiées (médecins, mages,

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psychologiques, voyants, sorciers, assistants sociaux,

ecclésiastiques, chamans ou autres).

Le juge peut conseiller aux époux de s’adresser à un

office de consultation conjugale ou familiale.

o La procédure de conciliation se termine soit par sa réussite, ce

qui entraîne sa clôture, soit par un échec, auquel cas il faut

distinguer selon que le conflit exige des mesures légales. Si de

telles mesures sont possibles et si un époux en fait la requête,

la procédure se poursuit sous forme d’un contentieux judiciaire.

Si au contraire des mesures ne sont pas requises ou ne sont

pas possibles, les choses en restent là et l’instance est close.

- Les mesures judiciaires : comme le précise l’art. 172 al. 3 CC, les

compétences du juge vont au-delà des conseils et de la médiation : il

est compétent pour ordonner n’importe quelle mesure contraignante

prévue par la loi. Tout de même, 2 conditions doivent être remplies :

o Le juge doit être requis de prendre des mesures contraignantes.

o Le besoin des mesures requises doit se faire sentir à l’égard de

la situation conjugale ou familiale d’abord et à l’égard de

l’adéquation des mesures possibles ensuite. Ainsi, il doit

apparaître évident que les mesures non contraignantes sont

inopportunes ou insuffisantes. Ensuite, les mesures en cause

doivent être proportionnées à la situation problématique.

Nous allons maintenant examiner les mesures protectrices au sens strict et

l’art. 28b : il s’agit successivement de traiter de l’entretien (art. 173 et 176),

des mesures relatives à la représentation de l’UC (art. 166 et 174), des autres

mesures aménageant la vie séparée (art. 176), de la restriction du pouvoir de

disposer d’un époux (art. 178) et de la protection contre les violences

domestiques (art. 28b). Commençons l’analyse de ces cinq points.

Tant que dure le mariage, les époux doivent assurer ensemble l’entretien de

tous les membres de la famille (art. 159 et 163 ss CC). En cas de désaccord,

le juge doit allouer des prestations fondées sur les art. 163-164 CC (il s’agit

de contributions d’entretien ; l’indemnité équitable de l’art. 165 CC ne fait pas

IUR III 2012-2013 48

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partie des compétences du juge des MPUC). Les contributions d’entretien

peuvent être demandées pour l’avenir et pour l’avenir qui précède

l’introduction de la requête (art. 173 al. 3 CC). Cet article est applicable par

analogie en cas de vie séparée ainsi que pendant les procédures de divorce

ou de séparation de corps (art. 276 al. 1 et 294 al. 1 CPC). Pour déterminer le

montant des contributions à l’entretien, cinq principes s’appliquent :

- Le juge tient compte de la répartition des tâches et des charges

convenue par les époux et ne modifie ces arrangements qu’en cas de

nécessité économique ou lorsque la convention est inéquitable.

- La contribution fixée par le juge est fondée sur le droit du mariage, non

sur les dispositions relatives à l’entretien après le divorce (art. 125).

- Dans la mesure du possible, l’ancien standard de vie des époux doit

être maintenu (limite inférieure). Inversement, ce niveau constitue

également la limite supérieure du devoir d’entretien mutuel.

- Au besoin, la fortune des époux doit être entamée si les revenus du

ménage ne suffisent pas à couvrir les besoins de la famille.

- Si les moyens manquent (besoins de base non couverts), le juge peut

tenir compte d’un revenu hypothétique supérieur d’un des époux. Cela

est notamment admissible si un époux a réduit intentionnellement ses

revenus de manière infondée ou lorsqu’il ne réalise pas pleinement son

potentiel de gain alors que la situation familiale l’exige. Le revenu

hypothétique correspond au revenu que l’on peut raisonnablement

attendre d’un époux de bonne foi (âge, formation, santé et autres).

Pour compléter le §6 consacré à l’entretien en particulier et avant d’analyser

les 4 éléments restants, il est encore nécessaire de développer deux points

en relation avec le rôle du juge des mesures protectrices de l’UC face à des

couples vivant séparés et face aux débiteurs de la famille (art. 177 CC) :

- L’entretien des couples séparés (art. 176 al. 1 ch. 1 CC) : en cas de vie

séparée, les contributions sont déterminées en fonction des principes

des art. 163-164 CC et de la convention existant entre époux. En

principe, l’époux qui supportait le poids principal des charges doit

continuer à fournir à son conjoint un entretien convenable. En pratique,

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le juge fixe d’abord les contributions à l’entretien des enfants avant de

déterminer l’entretien des époux (art. 176 al. 3 CC). L’élaboration du

montant diffère notablement, principalement du fait que l’existence de

deux ménages occasionne des frais plus élevés. Pour les couples

séparés (encore plus que pour les couples vivant ensemble),

l’insuffisance des ressources pose des problèmes difficiles à résoudre.

- L’avis aux débiteurs (art. 177 CC) : le non-paiement des contributions

d’entretien peut causer des problèmes considérables, voire

existentiels, au conjoint du débirentier et aux enfants. Pour mettre fin à

une telle situation, le juge peut, en vertu de l’art. 177 CC, prescrire aux

débiteurs de l’époux débirentier d’opérer tout ou partie de leurs

paiements entre les mains de son conjoint (mesure d’exécution

privilégiée). L’art. 177 vise la violation du devoir d’entretien incombant

à un époux envers les siens (conjoint et enfants). Il peut être ordonné

indépendamment du régime matrimonial et de la situation du couple.

De plus, le juge peut prendre cette mesure sans requête spécifique de

la part d’un époux. Le cercle des destinataires possibles est délimité en

fonction du but de l’avis et de la nature de leurs obligations envers

l’époux débirentier. En général, le destinataire sera l’employeur du

débirentier (créance de salaire). L’art. 177 est une mesure d’exécution

forcée privilégiée sui generis (certains actes procéduraux ne sont pas

nécessaires). Les montants reçus sont des contributions d’entretien.

Dès lors, l’époux bénéficiaire doit les affecter à l’entretien de la famille

et doit rendre compte de leur utilisation (à charge de restitution).

Le premier point concernant l’entretien ayant été traité, nous nous limiterons à

quelques phrases concernant le deuxième, consacré aux mesures relatives à

la représentation de l’UC (art. 166 et 174 CC). En effet, nous avons déjà

largement parlé de la représentation de l’UC dans le §5. Le juge peut ainsi

autorisé un acte de représentation au-delà des besoins courants ou retirer le

pouvoir de représenter l’UC (art. 166 al. 2 ch. 2 et art. 174 CC).

Notre troisième point sera consacré aux autres mesures aménageant la vie

séparée. Les époux vivant séparés peuvent prendre (d’un commun accord)

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toutes les décisions et mesures utiles. En cas de désaccord, le juge peut être

requis de mesures qui seront brièvement exposées ci-dessous :

- Le logement et le mobilier du ménage (art. 176 al. 2 ch. 1) : en cas de

besoin et sur requête, le juge procède à l’attribution du logement et du

mobilier du ménage, sans tenir compte de la titularité des biens en jeu.

Il veille à ce que chaque époux dispose des meubles et ustensiles de

ménage dont il a besoin. L’attribution ne transfère pas le titre sur le

bien (l’attributaire ne devient pas propriétaire) et peut être assortie

d’une interdiction de disposer du bien attribué ou d’autres mesures de

sûretés (art. 178 al. 1-2 CC). Enfin, elle peut également être

accompagnée d’une interdiction de s’approcher du logement. Il faut

bien distinguer ces questions d’attribution des procédures de divorce.

- Le régime matrimonial (art. 176 al. 1 ch. 3) : en cas de cessation de la

vie commune, il peut se révéler opportun de liquider le régime ordinaire

pour passer à la séparation de biens. Cette transition peut être

ordonnée par le juge des MPUC sur requête et si les circonstances

(interprétées de manière extensive) le justifient (art. 176 al. 1 ch. 3

CC). Tel est notamment le cas si un époux démontre que ses intérêts

pécuniaires sont menacés ou si la séparation paraît définitive.

- Les enfants (art. 176 al. 3) : en cas de suspension de la vie commune,

le juge peut prendre des mesures concernant les enfants mineures. Il

importe de créer aussi rapidement que possible une situation optimale

pour eux. Le juge peut ainsi attribuer l’autorité parentale (art. 279 al. 2)

ou le droit de garde, déterminer les relations des époux avec les

enfants ou encore fixer les contributions d’entretien (art. 279 al. 3).

Comme prévu, nous allons maintenait parler de l’art. 178 CC, qui permet au

juge de restreindre le pouvoir d’un époux de disposer de ses biens sans le

consentement de son conjoint. La mesure doit être nécessaire pour la

sauvegarde des intérêts essentiels de la famille. L’intervention du juge permet

d’empêcher l’époux destinataire de disposer de certains biens, évitant ainsi

d’ébranler la situation économique de l’UC et de compromettre les intérêts

pécuniaires de son conjoint. La situation du couple n’a aucune incidence sur

la mesure et le consentement de l’époux bénéficiaire suffit à libérer son

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conjoint, qui recouvre un plein pouvoir de disposer. Du point de vue formel, la

mesure exige une requête de l’époux menacé. Du point de vue matériel, le

prononcé du juge dépend de la réalisation des deux conditions suivantes :

- La restriction suppose une menace sérieuse, objective, actuelle et

imminente pour le maintien des conditions matérielles de la famille ou

pour l’exécution d’obligations pécuniaires découlant du mariage.

- L’interdiction de disposer doit être nécessaire pour sauvegarder les

intérêts protégés. L’application de l’art. 178 doit donc respecter le

principe de proportionnalité. Le juge ne peut pas supprimer de façon

générale le droit d’un époux de disposer de sa fortune : la mesure ne

peut donc viser que certains biens et certains actes. Le juge peut

également devoir limiter la durée de la restriction ou des sûretés.

Dans sa décision, le juge fait ainsi état des biens et actes concernés (biens

énumérés et actes les concernant), des éventuelles mesures de sûreté (pour

assurer l’efficacité, art. 178 al. 2 et la publicité de la restriction pour les

immeubles, art. 178 al. 3) et de la durée de la mesure. L’indisponibilité

statuée par le juge est relative car elle peut être levée par le consentement

(concret et non général et abstrait) du conjoint (art. 178 al. 1). L’époux

propriétaire peut requérir du juge qu’il lève totalement ou partiellement la

mesure s’il prouve que les conditions légales ne sont pas ou plus réalisées

(art. 179 CC). L’ordre du juge entraîne de plein droit l’indisponibilité des biens

désignés (restriction du pouvoir de disposer et non incapacité civile, comme le

prévoit l’art. 169 CC). Sauf consentement du conjoint et sous réserve de la

protection des TdBF (art. 96 al. 2 LP en lien avec les art. 714 al. 2, 884 al. 2,

933, 973 CC, 18 al. 2 et 164 al. 2 CO), seul l’acte de disposition est nul.

Pour en terminer avec les mesures protectrices au sens strict et avant de

terminer ce §7 en analysant quelques notions de procédure, il est nécessaire

de parler de la protection contre les violences domestiques (art. 28b CC).

Depuis le 1er juin 2007 (entrée en vigueur des art. 28b et 172 al. 3 CC),

l’éventail des mesures que le juge peut prononcer s’est enrichi. L’art. 28b

prévoit certaines mesures destinées à toute personne victime de n’importe

quel comportement violent. L’utilisation de la violence envers son conjoint

IUR III 2012-2013 52

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constitue une violation des devoirs résultant du mariage (art. 159 al. 1-2 CC).

Dès lors, tout comportement violent commis pendant le mariage constitue une

violation de la personnalité de l’époux victime (art. 159, 171 ss et 28 CC) et

peut ainsi faire l’objet d’une requête de mesures fondées sur l’art. 28b CC.

L’auteur de violences physiques, psychiques, sexuelles voire même

économiques peut ainsi être expulsé du logement, recevoir une interdiction de

s’en approcher, de fréquenter certains lieux ou de prendre contact avec le

conjoint. Pour assurer le respect de la mesure, le juge peut même transférer

le bail au requérant (ou lui attribuer le logement, art. 176 al. 1 ch. 2 CC). La

liste de l’art. 28b n’est pas exhaustive et peut être complétée par diverses

autres mesures provisionnelles (voire par l’intervention de la police : mesures

super-superprovisionnelles). Comme souvent en matière de protection de

l’UC, l’art. 28b laisse au juge une grande marge d’appréciation quant au choix

et à la durée des mesures décidées (cela dans les limites du principe de

proportionnalité naturellement). De manière générale, il faut garder à l’esprit

que les violences commises par un époux envers son conjoint sont lourdes de

conséquences (impact important dans la pesée des intérêts).

La fin de ce §7 sera consacrée à quelques questions de procédure. Conçues

comme définitives, les mesures fondées sur l’art. 172 al. 3 CC sont des

décisions qui touchent à un rapport de droit privé entre deux parties

déterminées et qui affectent leur sphère juridique. Les procédures civiles

ayant été unifiées dans le CPC depuis le 1er janvier 2011, l’ensemble des

articles liés à la procédure dans le CC a été abrogé (art. 135-149 CC). Il s’agit

donc aujourd’hui de procédures sommaires spéciales (art. 271 ss CPC). Le

but principal (restauration de la paix et de l’entente au sein de l’UC) est

exprimé à l’art. 273 al. 3 CPC (mission de trouver un accord).

Les six caractéristiques essentielles de la procédure sont les suivantes :

- La procédure prévue est une procédure sommaire spéciale, au sens

des art. 271 ss CPC, soumise subsidiairement aux art. 248 ss, 220 ss

et 295 ss CPC, notamment en ce qui concerne les enfants.

- Le demandeur doit déposer une requête écrite ou sous forme

électronique (art. 130 CPC) avec l’indication des faits et en joignant les

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pièces nécessaires afin d’établir leur vraisemblance. La partie adverse

dispose alors du droit de répondre oralement ou par écrit (art. 253).

- L’audition des parties est obligatoire, sauf s’il résulte des alléguées que

l’état de fait est totalement clair et incontesté (art. 273 al. 1 CPC).

- Le droit d’être entendu est garanti par l’obligation du juge d’entendre

les parties en comparution personnelle (dont ils ne peuvent être

dispensés qu’en raison de leur santé, de leur âge ou d’un autre juste

motif, art. 273 al. 2) et par le droit à la réplique du défendeur (art. 253).

- La procédure est soumise à la maxime inquisitoire pour toutes les

questions traitées (art. 272 CC), ce qui exclut toute restriction du droit

des parties d’apporter des preuves et de les administrer.

- En cas de situations d’urgence et selon l’art. 265 CPC, le juge peut

ordonner des mesures superprovisionnelles.

Portant sur des affaires civiles, les décisions des juges cantonaux relatives

aux MPUC peuvent naturellement être soumises au TF par la voie d’un

recours en matière civile au sens des art. 72 ss LTF (après une procédure

cantonale avec possibilité d’appel, art. 308 al. 1 lit. b CPC, pour violation du

droit ou constatation inexacte des faits, art. 310 CPC, en deuxième instance

et avec effet réformatoire ou cassatoire). En principe, les mesures prises par

le juge sont en principe des décisions finales (art. 90 LTF) Les MPUC,

toutefois, sont des mesures provisionnelles au sens de l’art. 98 LTF (seule

peut être invoquée à leur encontre la violation de droits constitutionnels). En

règle générale, le TF exerce son examen de la cause avec retenu et

n’intervient que si l’appréciation de l’autorité cantonale de dernière instance

est arbitraire (manifestement insoutenable ou en contradiction évidente avec

la réalité). Cela est particulièrement vrai en matière de MPUC car le juge

cantonal n’examine les causes que de manière sommaire et provisoire.

La qualité pour former requête et y répondre appartient aux époux et donc à

l’exclusion des tiers (les concubins sont considérés comme tels). Un époux

interdit mais capable de discernement peut agir seul chaque fois que la

mesure requise ne vise pas des questions d’ordre pécuniaire (art. 19 al. 2).

Dans les autres cas, il doit le faire avec le consentement de son représentant

légal (art. 19 al. 1). Les MPUC sont intentées au domicile d’un des époux

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(art. 15 al. 1 lit. a LFors et art. 23 al. 1 CPC). Au besoin, le juge décide de la

durée des mesures. Cela n’a pas une grande importance étant donné que les

mesures prononcées peuvent être modifiées à tout moment, pour autant que

les conditions de l’art. 179 CC soient remplies. En outre, certaines mesures

s’épuisent en un seul acte : si le juge ordonne à un tiers de donner un

renseignement précis, le fait de s’y conformer épuise la mesure.

Comme précisé ci-dessus, les MPUC peuvent être modifiées. Elles n’ont pas

en elles-mêmes l’autorité de la chose jugée : l’art. 179 al. 1 permet de les

annuler ou de les modifier. En règle générale, cela se produit en raison de la

survenance de faits nouveaux durables et importants (maladie, départ d’un

époux ou autres). Toutefois, même en l’absence de faits nouveaux, le juge

peut revenir sur sa décision si le requérant établit qu’elle reposait sur des

constatations inexactes. Naturellement, si le fait nouveau est l’introduction

d’une instance en divorce ou en séparation de corps, ce sont les dispositions

de la nouvelle procédure qui s’appliquent. La modification exige une requête

d’un époux (que ce soit celui contre qui la mesure a été prise ou celui qui l’a

obtenue). Elle peut consister dans la suppression de la mesure, dans sa

limitation ou dans son extension. La demande doit être introduite au domicile

d’ne des parties (art. 15a al. 1 LFors et 23 al. 1 CPC). Enfin, il est logique que

les mesures ordonnées en vue de la vie séparées sont caduques de plein

droit (sauf séparation de biens) dès que les époux reprennent la vie

commune, comme le précise l’art. 179 al. 2 CC. Il doit s’agir d’une véritable

reprise de la vie commune et non d’un simple essai (cela suppose donc que

le retour à la vie commune soit véritablement souhaité et non juste feint).

Enfin, une mesure judiciaire est également caduque de plein droit à

l’expiration du temps pour lequel elle a été ordonnée.

4. Cours du 11 octobre 2012

Partie 3. Le régime matrimonial

Chapitre 1. Les dispositions générales

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§8. Le système de la loi

Le régime matrimonial définit le statut des époux quant à leurs biens. Il régit

ainsi l’influence que le mariage exerce sur le patrimoine des époux, que ce

soit par rapport à la propriété, à la gestion, à la jouissance ou à la disposition

des biens. Le régime matrimonial précise également la responsabilité des

conjoints pour leurs dettes, la répartition interne de celles-ci, les droits en cas

d’exécution forcée ou les règlements des intérêts à la fin du régime.

L’art. 181 CC (en lien avec l’art. 9 T.f.) précise que les époux sont placés

sous le régie de la participation aux acquêts, à moins qu’ils n’aient adopté un

autre régime par contrat de mariage ou qu’ils ne soient soumis au régime

matrimonial extraordinaire. On constate donc que le législateur n’impose pas

aux époux un régime matrimonial unique (régime légal exclusif). A l’inverse, il

ne leur donne pas non plus la pleine liberté pour aménager le régime de leurs

biens. Ils peuvent au final exercer une certaine influence sur le statut de leurs

biens en concluant un contrat de mariage (art. 181 ss CC). S’ils ne le font

pas, ils sont placés, dès la célébration du mariage, sous un régime subsidiaire

(régime ordinaire, art. 196 ss CC) : le régime de la participation aux acquêts

(art. 181 CC). Il y a donc présomption légale que les époux sont soumis au

régime ordinaire (régime qui est d’ailleurs de très loin le plus répandu).

Selon le régime ordinaire, les biens des époux sont répartis en deux masses :

biens propres et acquêts (chacun dispose de biens propres et d’acquêts, il y a

donc au final quatre masses). Les biens propres comprennent ce qui

appartenait déjà à l’époux au début du régime, ce qu’il reçoit ensuite à titre

gratuit et ses effets destinés à son usage personnel (art. 198 CC). Les

acquêts regroupent les biens acquis par l’époux à titre onéreux pendant le

mariage (produit de son travail et revenus de ses biens propres (art. 197 CC).

A la dissolution du régime, chaque époux reprend ses biens propres (profitant

dès lors seul de leur éventuelle plus-value). Ensuite, chaque époux reprend

également ses acquêts mais est débiteur, envers son conjoint, d’une somme

correspondant à la moitié du bénéfice réalisé pendant le régime (art. 215 CC).

Le bénéfice réalisé est donc partagé entre les époux (équilibrage) : c’est en

ce sens que l’on peut dire que chaque époux participe aux acquêts.

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Par contrat de mariage, les époux peuvent aussi choisir d’adopter un des

deux autres régimes prévus : la communauté de biens (dans ses diverses

variantes, art. 221 ss CC) et la séparation de biens (art. 247 ss CC). La liberté

des époux est donc restreinte par la loi. Le régime de la communauté de

biens prévoit deux masses de biens : les biens communs, appartenant de

manière indivisible aux deux époux et les biens propres (de chacun des deux

époux, il y a donc trois masses de biens). Dans la forme de la communauté

universelle, les biens communs comprennent l’ensemble des biens des époux

(sauf les effets strictement destinés à l’usage personnel et les éventuelles

créances en réparation d’un tort moral, art. 222 al. 1 et 225 al. 2 CC). Si le

régime prend fin en cas de décès d’un des époux, les biens communs sont

partagés de manière égale entre le conjoint survivant et les héritiers de l’autre

(art. 241 al. 1 CC). Si par contre la fin du régime est provoquée par divorce,

chaque époux reprend les biens communs qui auraient formé ses biens

propres dans le régime ordinaire et seuls les biens communs restants sont

partagés par moitié (art. 242 al. 1-2 CC). Pour ce qui est du régime de la

séparation de biens, il laisse à chaque époux l’administration, la jouissance et

la disposition de ses biens (art. 247 CC), comme pour le régime ordinaire. Par

contre, aucun partage des bénéfices n’est prévu à la dissolution du régime.

Précisons que les époux peuvent changer de régime pendant le mariage.

Ainsi, les époux soumis au régime ordinaire ou à un régime conventionnel

peuvent conclure un (nouveau) contrat de mariage pour passer à un autre

régime (art. 182 al. 1-2 CC). Ils peuvent également, lorsque la loi le permet,

modifier par un tel contrat le régime sous lequel ils vivent (art. 182 al. 2 CC).

Ensuite, il existe des situations exceptionnelles où il devient nécessaire de

protéger les intérêts d’un époux et ceux de l’UC (voire les intérêts des

créanciers). Dans ces cas, le régime de séparation de biens peut être

substitué d’autorité au régime existant. Chacun des époux peut également en

faire la demande (art. 176 al. 1 ch. 3, 185 et 187 CC). De plus, lorsque les

époux vivent sous un régime de communauté et que l’un d’eux est déclaré en

faillite, ils sont soumis de plein droit à la séparation de biens comme régime

extraordinaire (art. 188 CC). Enfin, en cas de saisie pratiquée contre un

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époux pour une dette propre, l’autorité de surveillance de la poursuite peut

requérir le juge d’ordonner la séparation de biens (art. 189 CC).

En ce qui concerne les effets envers les tiers, les conventions matrimoniales

passées pendant le mariage produisent leurs effets entre les parties mais

aussi à l’égard des tiers dès la conclusion du contrat de mariage. La loi

protège tout de même les créanciers contre le risque que l’adoption ou la

modification d’un régime peut représenter (soustraction à leur champ d’action

de biens sur lesquels ils pouvaient exercer leurs droits). L’art. 193 CC prévoit

donc le maintien de la garantie offerte par les biens du conjoint et une

obligation personnelle subsidiaire de l’époux attributaire.

§9. Le contrat de mariage

Le contrat de mariage est un contrat bilatéral par lequel les fiancés ou les

époux règlent, dans les limites de la loi, leur régime matrimonial en s’écartant

du régime ordinaire ou d’un régime conventionnel antérieur (voire du régime

extraordinaire auquel ils sont soumis). Cette définition exprime la mutabilité

du régime matrimonial : si les époux sont soumis au régime ordinaire, ils

peuvent adopter un régime conventionnel, s’ils ont déjà adopté un régime

conventionnel, ils peuvent en choisir un autre ou revenir au régime ordinaire.

Ils peuvent également modifier, dans les limites de la loi, modifier le régime

auquel ils sont soumis. En principe, toutes ces modifications ne peuvent être

opérées que d’un commun accord (par contrat de mariage). Il faut toutefois

réserver la faculté de chaque époux de demander la séparation de biens ou

l’abandon de celle-ci (art. 179 al. 1 CC). Enfin, précisons que le contrat peut

être passé avant ou après la célébration du mariage (art. 182 al. 1 CC).

A côté du contrat de mariage, il existe d’autres conventions, touchant de près

ou de loin au régime : les conventions entre époux concernant les effets

généraux du mariage (répartition des tâches, montant de l’art. 164 CC,

indemnité de l’art. 165 CC, représentation de l’UC, art. 166 al. 2 ch. 1 CC et

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consentement d’un époux à un acte qui restreint les droits dont dépend le

logement familial, art. 169 CC), les contrats que les époux peuvent conclure

entre eux (vente, donation, mandat), les accords et déclarations de volonté

des époux (administration des biens, confection d’un inventaire, reprise de

bien, accord sur le paiement d’une créance) et les accords entre époux qui

concernent les suites patrimoniales du divorce (art. 140 al. 1 CC).

La conclusion d’un contrat de mariage est soumise à un certain nombre de

conditions personnelles, matérielles et formelles. Il faut d’abord que les

parties soient capables et agissement personnellement (art. 183-184 CC).

Les limites légales et contractuelles doivent ensuite être respectées (art. 182).

Enfin, le contrat doit être passé en la forme authentique (art. 184 CC) :

- Les conditions personnelles : elles sont au nombre de deux :

o La capacité des parties : comme le précise l’art. 183 al. 1 CC,

seules les personnes capables de discernement (au sens de

l’art. 16 CC) peuvent conclure un contrat de mariage. Dès lors,

une partie mineure ou sous curatelle (dont l’étendue touche la

conclusion d’un contrat de mariage ; nouveau droit) doit être

autorisée par son représentant légal (art. 183 al. 2 CC).

o Le concours personnel des parties à l’acte : acte dont la nature

personnelle exige la présence de chaque partie (art. 184 CC :

signé par les parties), le contrat de mariage ne peut être conclu

par représentation (même en cas de curatelle : autorisation).

- Les conditions matérielles : il en existe également deux :

o Les limites du droit contractuel : la liberté de contracter des

époux est d’abord contenue dans les limites du droit contractuel

(art. 19 et 20 CO ainsi que les art. 2 al. 2 et 27 al. 2 CC).

o Les limites de la loi : au sens de l’art. 182 al. 2 CC, les parties

ne ensuite peuvent pas adopter, modifier ou révoquer un régime

en dehors des limites de la loi. Cela a trois conséquences :

Les époux sont tenus d’adopter l’un des trois régimes

prévus par le CC, que ce soit la participation aux acquêts

IUR III 2012-2013 59

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(art. 196 ss CC), la communauté de biens (art. 221 ss

CC) ou la séparation de biens (art. 247 ss CC).

Les époux ne peuvent modifier le régime auquel ils sont

soumis que sur les points expressément prévus par la loi

(art. 199, 216, 217, 219, 222-225, 241 al. 2 et 242 al. 3).

La liberté du contrat de mariage est restreinte par les

dispositions qui protègent certains héritiers réservataires

et héritiers des époux. Les HR sont protégés par le droit

successoral (art. 522 ss, selon 216 al. 2 et 241 al. 3 CC)

alors que les créanciers sont protégés par l’art. 193 CC.

- Les conditions formelles : le contrat de mariage doit être reçu en la

forme authentique (art. 184 CC). Cette exigence s’applique de manière

générale à la conclusion, modification ou révocation du contrat de

mariage (condition de validité de l’acte, art. 11 al. 2 CO). Le contrat de

mariage constituant un acte important de la vie juridique, pour les

époux comme pour les tiers, la loi demande le concours d’un officier

public. La forme authentique est de droit fédéral mais le droit cantonal

en règle les modalités (art. 55 T.f. : officier compétent et procédure).

Les effets du contrat de mariage se produisent dès la conclusion du mariage.

Ses effets se produisent d’abord à l’égard des époux et se déploient ensuite

envers les tiers. Lorsque les parties sont fiancées, le contrat est subordonné à

la célébration du mariage et ne produit ses effets qu’à ce moment (terme ou

condition possibles). Les époux qui modifient contractuellement leur régime

en cours de mariage ont la liberté de faire rétroagir cette modification jusqu’au

début de leur union (ou jusqu’à une autre date). Toutefois, cette rétroactivité

ne peut concerner que les rapports internes entre époux, sans pouvoir

remettre en cause les effets des actes accomplis avec les tiers. Si la

modification du régime entraîne le changement de titularité de droits (adoption

ou extinction d’un régime de communauté de biens), il se produit de plein

droit : il y a alors mutation de la propriété (il s’agit d’un cas d’acquisition sans

inscription au RF et l’art. 665 al. 3 prévoit l’inscription déclarative).

5. Cours du 18 octobre 2012

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§10. Le régime extraordinaire

Afin de protéger les intérêts d’un époux, de l’UC ou des créanciers, un régime

extraordinaire peut être imposé aux époux (art. 185 ss CC) à condition que

les époux ne soient pas déjà sous le régime de la séparation de biens : les

art. 185 ss CC s’appliquent donc aux époux soumis au régime subsidiaire de

la participation aux acquêts et à ceux ayant adopté un type de communauté.

Le régime extraordinaire peut d’abord être prononcé par le juge à la demande

d’un époux (MPUC, art. 176 al. 1 ch. 3) ou pour de justes motifs (art. 185). Le

code donne quelques exemples de justes motifs à l’art. 185 al. 2 et régit

également la révocation de la mesure (art. 187 CC). Ensuite, une procédure

d’exécution forcée dirigée contre un époux peut parfois entraîner la mise en

œuvre d’un régime extraordinaire. Ce passage ne se fait que si les époux

sont soumis à un régime de communauté (art. 188-189 CC). Dès lors, si les

époux sont soumis au régime ordinaire, la faillite de l’un d’eux n’a aucune

influence sur le régime. Enfin, la loi a introduit une cause de séparation légale

lorsque le juge prononce la séparation de corps (art. 118 al. 1). Reprenons

donc ces trois possibilités de passage au régime extraordinaire :

- La séparation de biens judiciaire à la demande d’un époux : s’il existe

de justes motifs (art. 185 al. 1), un époux soumis au régime ordinaire

ou à un régime de communauté de biens est fondé à obtenir du juge le

prononcé d’une séparation de biens judiciaire. Ce régime s’applique

dès lors aussi longtemps qu’il n’a pas été révoqué (conjoint ou juge) :

o Les justes motifs : il y a justes motifs de séparation de biens dès

le moment où le fonctionnement du régime est sérieusement

compromis ou n’a plus de véritable sens. Le juge doit s’assurer

que les difficultés ne sont pas passagères et que la mesure est

proportionnée. L’art. 185 al. 2 CC donne quelques exemples de

justes motifs (liste non-exhaustive). En outre, en cas de

suspension justifiée de la vie commune (ou de divorce), le juge

peut ordonner la séparation de biens (art. 176 al. 1 ch. 3 CC).

o La procédure de séparation judiciaire : la procédure est régie

par le CPC, sous réserve des points tranchés par l’art. 185 CC.

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En principe, le juge ne peut ouvrir la procédure que si un époux

le demande (art. 185 al. 1 ; dirigée contre le conjoint) et si cet

époux n’est pas lui-même à l’origine du juste motif. Il faut

réserver le cas où le représentant légal demande la séparation

au nom d’un époux incapable de discernement. La compétence

de désigner le juge appartient aux cantons (art. 23 ss CPC). La

séparation est prononcée selon la procédure sommaire spéciale

prévue pour le droit matrimonial (art. 271 ss CPC).

o La révocation de la séparation judiciaire : la décision du juge

étant prise dans le seul intérêt des époux (pas de création d’un

état de droit soustrait à leur volonté), les époux séparés de

biens judiciairement peuvent, par un contrat de mariage,

adopter à nouveau un régime (antérieur ou nouveau), comme le

précise l’art. 187 al. 1 CC. En outre, si les époux ne peuvent

s’entendre sur un retour au régime antérieur ou si un contrat ne

peut être conclu en raison de l’absence de capacité civile d’un

époux, chaque époux peut demander au juge de prescrire le

rétablissement du régime antérieur. Naturellement, le juge ne

procèdera à la révocation judiciaire que si les justes motifs qui

avaient justifié la séparation ont disparu (art. 187 al. 2 CC).

- La séparation de biens en cas d’exécution forcée contre un époux :

o En cas de participation aux acquêts : dans le régime ordinaire,

les patrimoines des époux sont séparés quant à la propriété, la

gestion et aux dettes. Dès lors, une séparation de plein droit

consécutive à la faillite d’un époux aurait pour seul effet de

forcer le conjoint du failli à partager de façon anticiper ses

acquêts. Le législateur a voulu éviter que les créanciers d’un

époux en faillite puissent mettre la main sur la participation de

son conjoint. De même, les créanciers n’ont pas la possibilité de

provoquer une décision judiciaire: ils ne peuvent provoquer la

liquidation du régime pour saisir la créance de participation au

bénéfice du débiteur contre son conjoint.

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o En cas de régime de communauté : la séparation de biens de

plein droit se justifie par l’intérêt du conjoint de l’époux en faillite

de reprendre ses biens propres (qui étaient devenus communs)

et de retirer ce qu’il peut des autres biens (art. 242 al. 2 CC).

- La séparation de biens légale en cas de séparation de corps : l’art. 118

prévoit que la séparation de corps entraîne de plein droit la séparation

de biens. Lorsque le juge constate, comme pour le divorce, une

désunion profonde et durable sur le plan personnel, il est logique que

les patrimoines des (futurs-ex-)époux. La séparation de biens légale

rétroagit au jour de la demande (art. 204 al. 2 et 236 al. 2 CC). Ensuite,

rien n’empêche les époux de conclure un contrat de mariage pour

rétablir leur régime antérieur ou en adopter un nouveau. Les époux

restent en effet mariés et peuvent être parties à un tel contrat.

Dans tous les cas (vus ci-dessus) où les époux se trouvent soumis au régime

extraordinaire de séparation de biens, il y a lieu de procéder à la liquidation

du régime antérieur (art. 192 CC). Cet article prévoit que les époux procèdent

à la liquidation consécutive à la séparation de biens conformément aux règles

de leur régime antérieur. Dès lors, la date où la séparation produit ses effets

(art. 188, 204 al. 2 et 236 al. 2 CC) est déterminante pour arrêter la

composition des diverses masses de biens (art. 207 al. 1 et 236 al. 3 CC).

§11. Les autres dispositions générales

Ce chapitre vise un certain nombre de dispositions générales concernant

divers domaines : nous traiterons de la protection des créances en cas

d’adoption ou de modification d’un RM ou de liquidations entre époux (1), des

inventaires des biens des époux (2), du for des actions en liquidation du

régime (3) et de l’administration des biens d’un époux par son conjoint (4) :

- La protection des créances en cas d’adoption ou de modification d’un

RM ou de liquidations entre époux : l’art. 193 vise à éviter que les

époux n’effectuent des transferts patrimoniaux au détriment de leurs

créanciers au moyen d’actes relevant RM (liquidation). Ainsi, ses deux

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alinéas maintiennent tout d’abord la garantie (al. 1) et introduisent une

responsabilité personne subsidiaire de l’époux attributaire (al. 2).

L’application de cet article suppose que soient réunies trois conditions :

il faut que des biens d’un époux, d’un fiancés ou de la communauté

garantissant une dette de l’un ou l’autre époux soient soustraits à

l’action des créanciers d’un conjoint ou de la communauté par l’effet de

l’adoption ou de la modification du régime matrimonial :

o Des biens d’un des époux ou de la communauté garantissant

une dette : l’art. 193 protège les créanciers dont les créances

sont antérieures aux faits visés par l’al. 1 (faits de la deuxième

condition : adoption, modification ou liquidation). Il n’est pas

nécessaire que le créancier ait eu connaissance du RM de

l’époux débiteur à la naissance de la créance, ni que la créance

soit exigible ou que le créancier ait déjà eu recours à l’exécution

forcée. Les biens peuvent être de toutes sortes, y compris les

créances d’un époux contre l’autre (sauf éventuelle créance de

participation au bénéfice au sens des art. 215 ss CC.

o L’adoption ou la modification d’un RM ou la liquidation entre

époux : il faut distinguer les trois situations de l’art. 193 al. 1 :

L’adoption d’un RM : il s’agit de la conclusion, avant la

célébration, d’un contrat de mariage instituant une

communauté de biens. En effet, l’assujettissement au

régime ordinaire n’est pas une adoption de régime. En

outre, le régime ordinaire, tout comme le régime de la

séparation de biens, ne modifient en rien la situation des

créanciers des fiancés devenus époux, chacun répondant

de ses dettes sur tous ses biens (art 202 et 249 CC).

La modification d’un RM : il y a modification du RM (mais

pas forcément préjudice pour les créanciers) lorsque les

époux changent le régime sous lequel ils vivaient :

passage de la PA à la SB ou à la CB, création de BP

conventionnels (art. 199), retour à la PA, passage de la

SB à la CB (ou inversement) ou modification de la CB.

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Ainsi, tout changement du statut matrimonial des époux

est un changement de régime, peu importe la cause :

contrat de mariage (art. 182), loi (art. 188, 242 al. 1, 155)

ou jugement (art. 185, 236 al. 2). Précisons par contre

que la convention entre époux qui modifie la participation

légale au bénéfice ne constitue pas (par rapport aux

créanciers) un changement de RM (ceux-ci n’ont aucun

droit à faire valoir sur cette créance de participation).

La liquidation entre époux : cela concerne tout acte

juridique conclu entre les époux en vue d’exécuter (et

non pas seulement de garantir) une prétention dérivant

spécifiquement du RM. On peut ainsi citer divers cas :

Les attributions faites en règlement.

Le règlement anticipé de la créance matrimonial.

L’octroi au conjoint d’un usufruit.

L’attribution aux époux de biens communs.

La reprise de plein droit de l’art. 242 al. 1.

L’attribution de la maison de l’art. 244.

Le partage anticipé partiel de la communauté.

o La soustraction de biens d’un époux à la mainmise des

créanciers : pour que l’art. 193 CC s’applique, il ne suffit pas

que les époux adoptent ou modifient leur RM ou procèdent à

une liquidation matrimoniale, il faut encore que ces opérations

aient pour conséquence de soustraire des biens à la mainmise

des créanciers. Par contre, il n’est pas nécessaire que les époux

aient eu l’intention de léser leurs créanciers. Il faut distinguer

selon que la soustraction de bien dépend d’une adoption ou

d’une modification du régime ou d’une liquidation matrimoniale :

En cas d’adoption ou de changement de RM : dans le

régime de la PA (art. 202) comme dans celui de la SB

(art. 249), chaque époux répond de ses dettes sur tous

ses biens : dès lors, l’adoption de l’un de ces RM depuis

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l’autre ne modifie en rien la garantie des créanciers, au

contraire des opérations possibles en lien avec la CB :

Adoption initiale d’un régime de CB : la dette d’un

fiancé, antérieure au mariage, n’est pas une dette

générale mais une dette propre, dont l’époux ne

répond que sur ses biens propres et sur la moitié

de la valeur des biens communs (art. 233 ss CC).

Passage de la PA ou de la SB à la CB : un tel

passage peut diminuer la garantie dont jouissent

les créanciers, comme en cas d’adoption initiale.

Retour de la CB à la PA ou à la SB : le retour, qu’il

soit légal ou judiciaire, au régime ordinaire ou au

régime de séparation de biens modifie la garantie

des créanciers : en effet, les créanciers de dettes

générales ne sont plus garantis par les biens

communs et les créanciers de dettes propres

perdent la garantie que leur offrait la moitié de la

valeur des biens communs. De plus, la conversion

de biens propres en biens communs (ou de biens

communs en biens propres) modifie également la

garantie des créanciers (dette générale ou propre).

En cas de liquidation entre époux : les cas de liquidation

entre époux précisés ci-dessus entraînent tous des

déplacements de biens ou de valeurs de nature à léser

les créanciers (paiements, dations en paiement ou autres

compensations opérés pour régler une créance).

Les conditions ayant été précisées, il faut à présent analyser la

protection effective des créanciers. Les moyens de protection accordés

aux créanciers consistent, d’une part dans le maintien de la garantie

des biens sur lesquels ils pouvaient exercer leur droit et, d’autre part

dans la naissance d’une obligation personnelle, subsidiaire et limitée,

de l’époux attributaire du bien. Ces moyens, limités au montant de la

créance originaire (la protection ne s’étend donc pas aux intérêts de la

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créance), sont subsidiaires : les créanciers ne peuvent y recourir que si

les biens du débiteur ne suffisent pas à les désintéresser.

o Le maintien de la créance existante (art. 193 al. 1 CC) : selon

l’art. 193 al. 1, les créanciers conservent la possibilité d’agir sur

les biens qui constituaient leur garantie comme si ceux-ci

n’avaient pas changé de statut ou de titulaire. Dès lors, en cas

de passage de la PA à la CB, le créancier antérieur d’un époux

peut continuer à exercer sa mainmise sur le bien de garantie, en

dépit du fait que celui-ci est devenu commun (art. 234 CC).

Précisons en outre que le maintien de la garantie s’étend aux

biens acquis en remploi. Dans tous ces cas, le créancier peut

faire saisir dans le patrimoine de l’époux débiteur ou intégrer à

sa masse en faillite (voir notamment art. 10 al. 1 ch. 2 ORFI) les

biens transférés à son conjoint ou devenus communs.

o L’obligation personnelle de l’époux attributaire (art. 193 al. 2) : le

créancier qui ne peut agir par la voie de l’art. 193 al. 1 CC peut

rechercher l’époux auquel les biens ont passé : celui-ci est

personnellement débiteur de la créance que garantissaient les

biens reçus dans les patrimoine de l’attribuant, (art. 193 al. 2).

Son obligation est subsidiaire et accessoire : ce n’est que si le

créancier subi une perte qu’il peut rechercher l’attributaire. La

dette est en outre limitée à la valeur des biens reçus (exception

d’insuffisance : avec leurs plus-values et leur moins-values) et

se prescrit par 10 ans (art. 127 CO), indépendamment de la

prescription de la créance garantie. Si plusieurs créanciers se

présentent, l’attributaire les désintéressera tour à tour.

- Les inventaires des biens des époux : les inventaires sont un moyen

pour les époux de constater la propriété respective de leurs biens.

L’art. 195a al. 1 prévoit que chaque époux peut demander en tout

temps à son conjoint de concourir à la confection d’un inventaire de

leurs biens par acte authentique. Il s’agit d’un droit et d’un devoir

découlant du régime, analogue au devoir de renseigner de l’art. 170. Il

vise tous les biens, y compris les récompenses d’une masse contre

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l’autre et les créances entre époux. Selon l’art. 195a al. 2, l’exactitude

de l’inventaire est présumée lorsqu’il a été dressé dans l’année à

compter du jour où les biens sont entrés dans une masse.

- Le for des actions en liquidation du régime : selon l’art. 23 CPC, le

tribunal du domicile de l’une des parties est impérativement compétent

pour statuer sur les requêtes et actions fondés sur le droit du mariage

ainsi que sur les requêtes en mesures provisionnelles (et donc aussi

pour les actions en liquidation du régime matrimonial). La règle ne

réserve pas le for successoral, mais l’art. 28 CPC prévoit que le

tribunal du dernier domicile du défunt est compétent sur les actions en

liquidation du RM faisant suite au décès de l’un des conjoints : le for

successoral l’emporte donc dans ce cas sur le for matrimonial.

- L’administration des biens d’un époux par son conjoint : dans le régime

de la PA comme dans celui de la SB, chaque époux administre ses

biens (art. 201 al. 1 et 247 CC). Dans la CB, alors que la gestion des

biens propres dépend également de chaque époux (art. 232 al. 1), les

biens communs font en principe l’objet d’une administration commune

(art. 227 CC). En revanche, il arrive parfois qu’un époux veuille confier

à son conjoint l’administration de ses biens (art. 195 CC). Dans ce

genre de cas, lorsqu’un époux confie expressément ou tacitement

l’administration de ses biens à son conjoint, les règles du mandat sont

applicables (sauf convention contraire). L’art. 195 CC renvoie donc aux

art. 394-406 CO. La référence au mandat suffit à relier la gestion des

biens au droit des obligations. Pourtant, le fait que mandant et

mandataire soient époux a tout de même une influence sur l’application

des règles contractuelles. L’art. 195 peut s’appliquer dans tous les

régimes, raison pour laquelle la disposition a été insérée dans les

dispositions générales sur les régimes. La réglementation légale

concerne 6 éléments : conclusion, rémunération, objet et étendue,

responsabilité, reddition des comptes et sort des revenus et extinction :

o La conclusion du contrat : le mandat de gestion peut être exprès

ou résulter d’actes concluants : tel sera le cas lorsqu’un époux

laisse son conjoint prendre en mains ses intérêts pécuniaires.

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o La rémunération du mandataire : selon l’art. 394 al. 3 CO, une

rémunération n’est due que si la convention ou l’usage lui en

assure une. Tel n’est évidemment pas le cas, le devoir

d’assistance (art. 159) parlant en faveur de la gratuité.

o L’objet et l’étendue du mandat : en dépit des termes généraux

de l’art. 195, la gestion ne peut concerner qu’une catégorie de

biens dans le patrimoine personnel d’un époux ou dans une

masse de biens (voire un seul bien déterminé ou une seule

affaire précise). L’étendue du mandat est déterminée par la

convention ou la nature de l’affaire (art. 396 al. 1 CO). Il s’agira

le plus souvent d’un mandat général de conservation des biens

et de perception de leurs fruits civils et naturels (art. 396 al. 2-3).

o La responsabilité de l’époux mandataire : elle est en principe

basée sur l’art. 398 CO, déjà calquée sur celle du travailleur

(art. 321e al. 2 CO) : l’époux est responsable de la bonne et

fidèle exécution du mandat (art. 398 al. 2 CO). Ajoutons qu’il

faut tenir compte de la gratuité du mandat et du statut des

parties pour juger de la responsabilité (art. 99 al. 2 CO).

o La reddition des comptes et le sort des revenus : le mandataire

doit, en tout temps et à la demande de son conjoint, lui rendre

compte de sa gestion et lui restituer ce qu’il a reçu (art. 400).

o L’extinction du mandat : les art. 404-406 CO sont applicables :

selon l’art. 404 al. 1 CO, en tout temps, le mandat peut révoquer

le mandat et le mandataire le répudier, sous réserve de l’al. 2

qui oblige la partie qui résilie en temps inopportun d’indemniser

l’autre du dommage causé. Voyons donc les deux situations :

La révocation par le mandant : le mandat prend fin avec

effet immédiat. Pour éviter que l’époux mandataire ne

doive restituer sur le champ les biens, droits et valeurs

gérés, la loi lui donne la possibilité d’obtenir un sursis

(art. 195 al. 2). S’il est accordé, l’époux ne devra pas

payer les intérêts des sommes dues car il ne sera pas

considéré comme en retard (art. 400 al. 2 CO). Précisons

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que l’art. 195 al. 2 concerne tant la révocation du mandat

que la reddition des comptes en cours de gestion.

La répudiation par le mandataire : celle-ci pouvant placer

le mandant dans une situation délicate, le mandataire

peut encourir la responsabilité de l’art. 404 al. 2 CO.

6. Cours du 25 octobre 2012

Chapitre 2. La participation aux acquêts

§12. Généralités

Le régime matrimonial de la participation aux acquêts (PA) est le régime légal

ordinaire depuis 1988 en raison de la grande liberté qu’il laisse à chaque

époux tout en assurant les intérêts de la communauté durant le mariage. Les

caractéristiques du régime ordinaire peuvent être résumées en quatre points :

- Le régime se caractérise par le fait qu’aucun des époux n’y a la

prééminence (principe d’égalité). Chaque époux administre ses biens,

chaque époux a des acquêts et chacun a droit à une part du bénéfice.

- La participation prévue ne se rapporte qu’aux acquêts (biens acquis à

titre onéreux durant le mariage). Le régime n’impose donc pas de

partager avec son conjoint les biens qui lui appartenaient avant le

mariage, ni ceux qu’il a reçus à titre gratuit (succession notamment).

Par rapport à ces biens, la participation aux acquêts est comparable au

régime de la séparation de biens (et se distingue donc de la CB).

- Chaque époux participe aux acquêts de l’autre : le régime impose une

participation de chaque époux au bénéfice réalisé durant le régime,

soulignant ainsi la communauté d’intérêts qui a été créée. La PA se

distingue de la séparation de biens, qui n’implique aucun partage.

- L’élément communautaire (participation au bénéfice) ne se réalise qu’à

la dissolution du régime. Auparavant, la communauté créée n’affecte

pas le patrimoine des conjoints : chaque époux conserve la propriété,

l’administration et le droit de disposer de ses biens (SB). Ce n’est qu’à

la fin du régime que les effets de la communauté se manifestent. Cet

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élément distingue de la PA de la CB, qui concrétise la communauté

pendant le régime par une propriété et une gestion communes.

Sous l’ancien droit, le régime légal était celui de l’union de biens, caractérisé

par le rôle prépondérant du mari (tutelle maritale et cinq masses de biens).

Désormais, le principe d’égalité marque l’ensemble du droit matrimonial.

La présentation des règles sur la PA sera divisée en deux sections. Dans la

première, nous analyserons essentiellement la structure patrimoniale du

régime, la composition des masses matrimoniales et les règles de preuve : il

s’agit en fait des art. 196-200 CC. Cette première section traitera également

des dispositions qui régissent le statut des biens et les dettes des époux

pendant le régime (art. 201-203 CC). Dans la deuxième, ce sont les diverses

phases de la dissolution du régime qui seront étudiées (art. 204-220 CC).

Section 1. Structure du régime et situation des époux

Selon l’art. 196 CC, le régime de la PA comprend les acquêts et les biens

propres de chacun. Le patrimoine des époux est donc réparti en 4 masses,

dont la composition est ensuite définie, en principe de manière impérative

(sauf réserve de l’art. 199 CC), aux art. 197-198-199 CC. L’art. 198 CC donne

une liste exhaustive des biens propres légaux, tout comme l’art. 197 avec les

acquêts. Si l’on ajoute l’art. 200 al. 3 (présomption d’acquêts : tous les biens

qui ne peuvent être qualifiés de propres entrent dans les acquêts d’un époux),

il semble inutile de définir de manière précise les acquêts. En pratique, la

répartition entre les deux masses pose de nombreuses questions : justifiant

une analyse complète et précise de la composition des deux masses.

Contrairement au système légal, nous commencerons par analyser les biens

propres (§13) et ce parce qu’il est possible de donner une liste exhaustive de

ces derniers. Les acquêts seront ensuite présentés (§14) et nous

poursuivrons par l’analyse des règles de preuve (art. 200 CC), qui précisent

comment sont répartis les biens en cas de doutes (entre les conjoints et entre

les masses ; §15). Nous examinerons ensuite les droits des époux sur les

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masses (art. 201 CC ; §16) et terminerons par un paragraphe consacré aux

dettes et à leur répartition interne entre les deux masses de chacun des deux

époux (art. 202-203, 209 al. 2 CC ; §17). Comme dit précédemment, la

deuxième section sera consacrée à la dissolution et à la liquidation du régime.

§13. Les biens propres

Les biens propres constituent pour chaque époux un patrimoine séparé dont

la substance n’a pas à être partagée avec le conjoint. Chaque époux est

propriétaire de ses biens propres durant le régime et les reprend lors de sa

dissolution, en profitant de la plus-value ou en supportant la moins-value. Par

contre, les revenus de biens propres sont des acquêts (sauf art. 199 al. 2). La

composition des BP est déterminée par les art. 198-199 CC : ces articles

distinguent les BP légaux (art. 198) des BP désignés comme tels par le biais

d’un contrat de mariage (art. 199). Nous ferons également cette distinction :

- Les biens propres légaux : l’art. 198 CC donne une liste exhaustive des

biens propres légaux : il s’agit ainsi des quatre catégories suivantes :

o Les effets d’un époux affectés exclusivement à son usage : il

s’agit de choses mobilières (effets) qui sont la propriété d’un

époux et qui sont affectées, de par leur nature ou même par la

destination qui leur est donnée, à l’usage propre et exclusif de

leur propriétaire. Cette définition exclut donc les immeubles et

les choses mobilières qui ne peuvent faire l’objet d’un usage

personne et exclusif (créances ou argent). On peut par contre

citer les vêtements, les livres, les souvenirs de famille ou encore

les objets de collection (sauf s’ils sont rassemblés dans un but

d’investissement). Il arrive fréquemment que certains de ces

effets personnels appartiennent déjà à un époux au début du

mariage, qu’ils lui soient offerts par la suite ou encore qu’il

finance leur achat par ses biens propres : dans tous ces cas,

l’art. 198 ch. 1 n’a aucune portée (sauf éventuellement le fait de

faciliter la preuve de leur qualité de BP). En revanche, l’art. 198

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prend toute son importance lorsque les effets personnels ont été

acquis pendant le mariage au moyen de biens provenant des

acquêts de l’époux propriétaires. Dans ces cas, les biens

devraient normalement entrer dans la masse de ses acquêts

(sur la base de l’art. 197 al. 2 ch. 5 : cas de remploi d’acquêts).

L’art. 198 ch. 1 CC constitue ainsi une lex specialis.

o Les biens qui appartiennent à un époux au début du régime ou

qui lui échoient ensuite à titre gratuit : les biens appartenant à

un époux au début du régime entrent de plein droit dans ses BP.

Dans le cas normal (la PA prenant effet dès la conclusion du

mariage), il s’agira des biens que les époux ont acquis ou hérité

avant d’être mariés ou des économies réalisés sur le produit de

leur travail. En cas de remariage, les BP intègrent aussi tout ce

que l’époux a retiré du mariage précédent. L’art. 198 ch. 2 vise

également les cas où un époux acquiert la propriété d’un bien

sans avoir fourni une contrepartie (peu importe sous quelle

forme : patrimoine ou prestations personnelles). En principe,

l’acquisition à titre gratuit est liée à une donation quelconque, à

une succession à cause de mort ou à d’autres circonstances :

Par donation : la donation peut être le fait d’un tiers ou du

conjoint. Il appartient à l’époux qui prétend qu’un acte est

une donation d’en apporter la preuve : il n’existe aucune

présomption de donation, même entre époux. Lorsqu’elle

émane d’un tiers, il est parfois difficile de déterminer à qui

elle est faite : selon l’art. 200 CC, la preuve de l’intention

du tiers incombe à la personne que la libéralité était

destinée à l’un des époux. Si la preuve ne peut être

apportée, les biens propres de chaque époux se voient

attribuer une part de copropriété de l’objet (art. 200 al. 2).

Par succession : l’art. 198 ch. 2 vise également toute

forme d’acquisition par succession, pourvu qu’elle ait lieu

à titre gratuit : le titre successoral n’a donc aucune

importance (héritier légal ou institué, légataire ou autre).

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L’acquisition a lieu dès l’ouverture de la succession

(éventuellement sous forme d’une part à la communauté

héréditaire ou d’une créance en délivrance du legs).

D’autres cas d’acquisition à titre gratuit : on peut citer la

somme versée par un assureur, certaines acquisitions

originaires, les enrichissements illégitimes, les cas de

renonciation à un DRL ou les attributions légales.

o Les créances en réparation d’un tort moral : ces créances visent

à compenser, autant que possible, les souffrances physiques ou

psychiques éprouvées par un époux en raison d’une atteinte à

un droit de la personnalité (art. 28a al. 3 CC). Les indemnités

versées au titre de la réparation du tort moral ne sont donc pas

destinées à compenser un dommage : elles ont un caractère

personnel, qui explique leur rattachement aux biens propres.

o Les biens acquis en remploi de biens propres : l’art. 198 ch. 4

vise les cas où un bien appartenant à la masse des biens

propres est aliéné pour acquérir un nouveau bien. Dans un tel

cas, le bien acquis est également un bien propre : une voiture

achetée par un époux au moyen de l’argent qu’il a retiré de la

vente d’un tableau hérité de ses parents est un bien propre.

Cette règle est une expression du principe de la subrogation

patrimoniale selon lequel un bien acquis au moyen d’un bien

provenant d’un patrimoine séparé prend dans ce patrimoine la

place du bien aliéné. L’art. 198 ch. 4 parle de remploi et non de

subrogation car ce terme désigne l’élément de fait auquel la loi

attache une conséquence juridique (la subrogation). On peut

donc exprimer la règle de la manière suivante : si un BP est

remployé pour acquérir un nouveau bien, celui-ci remplace, de

par la loi, le bien aliéné par subrogation patrimoniale. La notion

de remploi permet en outre de déduire deux conditions :

Le remplacement d’un bien par un autre : trois éléments

permettent de préciser cette condition de remplacement :

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Un bien sujet à remplacement : il peut s’agir de

n’importe quel bien figurant dans la masse des BP,

que ce soit une chose mobilière, une créance ou

un autre droit. Le remplacement a lieu si le bien

est sacrifié : vendu, échangé, détruit ou exproprié.

Un bien nouvellement acquis : il peut s’agir d’un

bien quelconque, peu importe sa nature (conforme

ou non avec la nature du bien remplacé).

Un rapport de connexité entre le sacrifice du bien

remplacé et l’acquisition du nouveau bien : il s’agit

de l’élément décisif : il faut que la valeur du bien

remplacé passe économiquement dans le bien de

remplacement, directement ou indirectement :

o Rapport direct : le rapport est direct lorsque

le lien de connexité entre le bien remplacé

et le bien de remplacement est donné par la

loi ou résulte de la nature des choses : on

peut citer l’achat ou l’échange d’une chose.

o Rapport indirect : il arrive que seule un lien

de connexité indirecte relie le sacrifice d’un

bien et l’acquisition d’un autre bien : c’est

alors uniquement l’intention de l’époux de

procéder au remplacement qui fonde un

rapport de connexité. Il faut alors distinguer

essentiellement deux situations :

L’acquisition se produit avant que la

contreprestation ne soit fournie

(achat effectué à crédit). Selon le

principe, on devrait se fonder sur la

seule intention de l’acquéreur et

rattacher le bien acheté aux BP. Or,

cela paraît excessif : les BP n’ont

absolument pas été entamés et il

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n’est même pas sûr qu’ils le seront

un jour. Dès lors, les biens acquis

entièrement à crédit sont rattachés

aux AQ (art. 200 al. 3 et 209 al. 2 :

acquisition à titre onéreux). Si le bien

est acquis en partie à crédit, le bien

entre dans la masse qui a fait la

prestation au comptant (ou la plus

grande partie de celle-ci).

Le remplacement d’un bien par un

autre dans des circonstances telles

que la connexité de fait entre les

deux biens est momentanément

interrompue. Ainsi, si un époux

désire vendre un tableau de ses BP

pour acquérir une armoire et qu’il

dépose l’argent issu de la vente sur

un compte bancaire, il n’y a plus de

connexité directe. En effet, tant que

l’argent issu de la vente n’a pas été

dépensée pour remplacer le tableau,

la situation est délicate car c’est la

seule intention de l’époux qui crée un

lien de connexité indirecte.

L’acquisition du bien de remplacement par le propriétaire

du bien remplacé : pour qu’il y ait remploi, il faut qu’un

bien de remplacement soit acquis moyennant le sacrifice

d’une valeur figurant dans les BP mais également que

l’acquisition soit faite par l’époux ayant subi le sacrifice du

bien précédemment aliéné. Ainsi, le remplacement d’un

bien n’entraîne pas de plein droit la subrogation réelle du

bien acquis au bien remplacé. En effet, si le bien acquis

est une chose, il faut encore que l’époux acquiert la

propriété selon les DR (art. 656 ss et 714 ss CC). Si le

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bien n’est pas une chose, il doit être acquis par l’époux

selon les règles du bien en question (créances, droits

corporatifs ou droits de la propriété immatérielle).

Les conditions du remploi ayant été précisées, il est nécessaire

de parler de ses effets. Les biens acquis en remploi de BP sont

des BP de par la loi (art. 198 CC). Le remploi amène donc une

subrogation patrimoniale : en principe, lorsqu’un bien est acquis

en remploi de BP, il prend la place du bien aliéné avec le même

statut matrimonial (lex specialis par rapport à l’art. 197 al. 1).

Toutefois, cette subrogation peut être tenue en échec par une

disposition légale particulière prévoyant le rattachement aux AQ

de certains biens, même lorsqu’ils ont été acquis moyennant le

sacrifice de BP. Une telle lex specialis existe pour les sommes

versées par des institutions de prévoyance en faveur du

personnel ou par des institutions d’assurance ou de prévoyance

sociale (art. 197 ch. 2 al. 2 CC). Par contre, malgré les

apparences, la règle de l’art. 197 al. 2 ch. 4 n’est pas une

exception à la subrogation patrimoniale : en effet, les revenus

produits par des BP ne constituent pas un cas de remploi. Pour

terminer avec les remplois, il convient de parler de deux cas

particuliers (l’application des règles de remploi crée en effet de

très nombreuses difficultés pratiques) : voyons en deux :

Le financement de l’acquisition d’un bien au moyen de

plusieurs masses matrimoniales : dans ce genre de cas,

la situation diffère selon que les masses ayant contribué

à l’acquisition appartiennent ou non au même époux :

Les masses matrimoniales qui ont contribué à

l’acquisition n’appartiennent pas au même époux :

une nouvelle distinction s’impose selon que les

époux unissent leurs moyens pour acquérir un

bien ensemble ou que l’un des époux seulement

acquiert le bien mais avec l’appui financier de son

conjoint. Il est enfin possible que l’on ne puisse

déterminer qui a acquis le bien de remplacement :

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o Les époux acquièrent ensemble le bien : il

arrive souvent que les conjoints mettent en

commun leurs biens pour acquérir un bien

ensemble (immeuble en particulier). Dans

ces cas, il s’opère, dans la masse des deux

époux ayant participé au financement, un

remploi ordinaire. La part acquise rejoint

donc la masse que l’époux a utilisée (en

cas d’utilisation double : art. 206 et 209).

o Seul l’un des époux acquiert le bien : il est

aussi possible que seul un époux acquiert

le bien, l’autre se contentant de l’aider

financièrement. Le remploi ne peut alors

s’opérer pour le deuxième époux puisque la

deuxième condition n’est pas remplie : seul

l’un des deux époux acquiert le bien. Dans

un tel cas, la subrogation patrimoniale ne

s’opère donc qu’au profit de l’époux qui a

effectivement acquis le bien. Pour l’autre

époux, sa contribution n’étant pas effectuée

à titre gratuit, l’acquisition donne lieu à une

créance en remboursement (art. 206 CC).

o Impossibilité de déterminer qui a acquis le

bien de remplacement : l’acquisition peut

être financée par les deux époux mais sans

que l’on puisse déterminer avec précision si

le bien de remplacement a été acquis par

les deux époux ou par l’un d’eux seulement.

Conformément à l’art. 200 al. 2, on admet

que le bien leur appartient en copropriété

(présomption de l’art. 646 al. 2) et, dès lors,

appliquer les principes exposés ci-dessus.

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Les masses matrimoniales qui ont contribué à

l’acquisition appartiennent au même époux : là

encore, il faut distinguer selon que l’acquisition est

faite par l’époux qui en assure le financement ou

que l’acquisition est faite par les deux époux :

o L’acquisition n’est faite que par l’époux qui

assure le financement du bien : ce genre

d’hypothèse se produit fréquemment : dans

la plupart des cas, l’époux utilisera des

valeurs provenant de ses BP et de ses AQ

mais il est possible que plusieurs soient

impliquées pour d’autres raison (acquisition

en partie à titre gratuit : art. 198 ch. 2 CC :

donation mixte ou acquisition par voie de

succession avec soulte). Dans toutes ces

situations, on applique le système de la

récompense variable (art. 209 al. 3 CC) : le

bien acquis entre entièrement dans l’une

des masses de l’époux, qui doit ensuite

« récompenser » l’autre masse. Le montant

de cette récompense dépend en outre de

l’éventuelle plus/moins-value. On voit donc

qu’il y a parallélisme dans la PA entre le cas

où l’acquisition est financée par des masses

appartenant aux deux époux (art. 206 al. 1)

ou à un seul époux (art. 209 al 3) : dans les

deux cas, le bien de remplacement n’est

attribué qu’à une seule masse et l’équilibre

est ensuite rétabli par une dette variable ou

par une récompense variable. Il faut encore

déterminer quelle masse le bien acquis doit

rejoindre : selon l’art. 209 al. 3, le bien est

rattaché à la masse ayant contribué le plus

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à l’acquisition du bien (quantitativement). Si

les deux masses ont fourni une contribution

égale, le bien est un acquêt (art. 200 al. 3).

Précisons que le rattachement n’est pas

modifié si la masse minoritaire fait, par la

suite, une contribution supplémentaire (que

ce soit des travaux ou une rénovation). Par

contre, cette masse bénéfice d’une seconde

récompense complémentaire. En résumé,

lorsque l’acquisition d’un bien est financé

par les deux masses d’un époux, le bien

doit être intégré à la masse majoritaire.

o L’acquisition est faite par les deux époux :

dans de très rares cas, un bien peut être

acquis par les deux époux alors qu’il n’est

financé que par un seul d’entre eux, au

moyen de ses deux masses. Dans ce genre

de cas, il faut analyser l’intention de l’époux

qui finance l’achat pour déterminer laquelle

des deux masses de l’époux « passif » le

bien rejoint : en cas d’intention libérale, le

bien rejoint les biens propres de l’époux

passif et dans le cas contraire, ses acquêts.

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Le financement partiel de l’acquisition d’un immeuble par

reprise ou constituions d’une dette hypothécaire : le prix

d’un immeuble étant souvent partiellement payé par la

reprise ou la constitution d’une dette hypothécaire, ce

type de biens fait l’objet de paiements de divers sources.

Pour simplifier cela, le bien acquis entre, par remploi,

dans la masse qui a effectué la prestation au comptant,

cette masse étant grevée de la dette hypothécaire. Ainsi,

même si une partie du prix est payée par remploi de

biens et une autre est payée par endettement, le bien

appartient toujours à la masse ayant effectivement payé.

- Les biens propres conventionnels : en plus des BP légaux de l’art. 198,

le CC prévoit la possibilité de constituer des BP conventionnels en

transformant, par contrat de mariage, des acquêts en BP (art. 199 CC).

L’art. 199 al. 2 permet ensuite aux époux de créer une catégorie

particulière de BP dont les revenus ne deviennent pas des acquêts

mais des BP (en dérogation à l’art. 197 al. 2 ch. 4 CC).

o Les biens propres conventionnels au sens strict : l’art. 199 al. 1

permet de constituer des BP conventionnels, afin d’éviter que la

poursuite de l’activité professionnelle ou de l’entreprise ne soit

mise en péril par un partage des acquêts. En effet, lorsque le

patrimoine professionnel d’un époux se trouve dans ses AQ, sa

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valeur doit être partagée avec le conjoint en cas de dissolution,

ce qui peut causer des difficultés. La constitution de tels BP ne

peut se faire que par contrat de mariage, généralement passé

en cours de régime (transformation d’AQ en BP). Seuls les AQ

affectés à l’exercice d’une profession ou à l’exploitation d’une

entreprise peuvent être transformés en BPC : l’art. 199 al. 1 CC

s’applique dans tous les cas où un époux utilise des AQ pour

l’exercice de sa profession ou l’exploitation d’une industrie. Les

AQ concernés par le contrat de mariage entrent alors dans les

BP et sont traités comme des BP légaux : leurs revenus seront

des acquêts (art. 197 al. 2 ch. 4) et s’ils font l’objet d’un remploi,

les biens de remplacement seront des BP (art. 198 ch. 4). La

transformation d’un AQ en BP entraînant une modification de la

répartition des bénéfices, elle peut léser les intérêts des héritiers

de l’autre époux (art. 215 al. 1 CC). Pourtant, l’art. 216 al. 2, qui

protège les réserves des EN CET de leurs descendants, ne

s’applique pas car la modification de la répartition du bénéfice

est indirecte (sous réserve de l’interdiction de l’abus de droit).

o Les biens propres réservés : l’art. 199 al. 2 CC a une portée

large : à partir du moment où les conjoints conviennent d’exclure

des AQ le revenu de certains BP, cela s’applique de manière

générale : les BP visés constituent un patrimoine séparé auquel

s’appliquent les règles générales de la subrogation patrimoniale.

Cela doit se faire au moyen d’un contrat de mariage (art. 182

CC). Lorsqu’elle est passée durant le régime, elle ne vise les

revenus passés que si ceux-ci peuvent être identifiés avec une

précision suffisante. La convention peut porter sur les BP légaux

mais aussi sur les BP conventionnels mais ne peut viser que

certains revenus. Les contrats de mariage passés en vertu de

l’art. 199 al. 2 ayant une influence sur le montant du bénéfice de

l’UC, il faut faire la même remarque que pour l’art. 199 al. 1 au

sujet de la protection de certains héritiers (art. 216 al. 2 CC).

Les BP visés par de telles conventions constituent une masse

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matrimoniale nouvelle, distincte des BP ordinaire. En dérogation

à la règle de l’art. 197 al. 2 ch. 4, les revenus de ces BP restent

des BP (comme en cas de SB partielle). De même, en cas de

remploi de BP « réservés », il y a subrogation patrimoniale.

Pour terminer, il convient de faire quelques précisions quant à la structure

patrimoniale de la PA. Chaque bien entre dans une masse matrimoniale : la

répartition légale des biens est (sauf art. 199) impérative. Lorsque plusieurs

masses (acquêts et biens propres) ont contribué à l’acquisition d’un bien :

- Le bien n’entre que dans une seule masse (pas de proportion).

- Le bien entre dans l’une des masses de l’époux propriétaire.

- Le bien entre dans la masse à laquelle il peut, lors de l’acquisition, être

rattaché en plus grande partie. En cas d’égalité des contributions des

biens propres et des acquêts, le bien rejoint les acquêts (art. 200 al. 3).

- La contribution apportée par une ou plusieurs autres masses (que celle

dans à laquelle le bien est attribué) entraîne plusieurs conséquences :

o L’autre masse matrimoniale de l’époux propriétaire reçoit une

récompense (variable) selon l’art. 209 al. 3 CC.

o Le conjoint dispose d’une créance (variable) contre l’époux

propriétaire aux conditions de l’art. 206 al. 1 CC.

- L’intégration d’un bien à une masse lors de l’acquisition est immuable.

- Un bien acquis à crédit ou par emprunt entre dans les acquêts grevés.

- Un bien acquis partiellement à crédit entre dans la masse dans

laquelle a été prélevé le versement au comptant (sa part majoritaire).

§14. Les acquêts

De manière générale, les AQ sont les biens acquis par un époux à titre

onéreux pendant le mariage (art. 197 al. 1 CC). Le législateur ne donne

qu’une définition abstraite, complétée par une énumération non-exhaustive de

certains types d’acquêts. Pour le reste, il introduit une présomption d’acquêts

à l’art. 200 al. 3 CC. On peut retenir 2 caractéristiques principales des AQ :

- Ils sont acquis à titre onéreux (art. 197 al. 1) : le CC précise le critère

essentiel : ce qui est acquis à titre gratuit est un BP (art. 198 ch. 2)

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alors que ce qui est acquis à titre onéreux est un AQ. L’acquisition est

faite à titre onéreux si l’époux fournit une quelconque contreprestation

(que ce soit une contrepartie pécuniaire ou des prestations en travail).

Le principe de l’art. 197 al. 1 ne s’applique toutefois que s’il n’existe

aucune règle spéciale qui prévoit un régime différent : ainsi, si l’on peut

appliquer l’art. 198 ch. 1 ou 4 ou l’art. 199 al. 2, il est évident que la

question de la gratuité de l’acquisition ne joue plus aucun rôle.

- L’acquisition à titre onéreux a lieu pendant le régime : si l’acquisition a

lieu avant le régime, le bien est un BP (art. 198 ch. 2 CC). Le moment

décisif est celui de la naissance du droit de l’époux à l’acquisition du

bien (naissance de la créance tendant à une livraison par exemple).

L’art. 197 al. 2 CC concrétise ensuite le principe énoncé à l’art. 197 al. 1 en

énonçant un certain nombre de cas d’application, de compléments voire aussi

d’exceptions. La liste n’est toutefois pas exhaustive (au contraire de la liste

des BP donnée à l’art. 198 CC). Ainsi, les acquêts comprennent notamment :

- Le produit du travail d’un époux (art. 197 al. 2 ch. 1 CC) : tout gain

réalisé par un époux du fait d’une activité intellectuelle ou physique est

un AQ (salaire, honoraire, pourboire, provision ou part au bénéfice). La

forme de versement du gain et le type d’activité (régulière ou non,

dépendante ou non, licite ou non) n’ont aucune importance. Le gain

peut même provenir d’une absence d’activité, lorsqu’un époux reçoit

des montants en échange d’une abstention de concurrence.

- Les sommes versées par des institutions de prévoyance en faveur du

personnel ou par des institutions d’assurance ou de prévoyance

sociale (art. 197 al. 2 ch. 2 CC) : cet article concerne, d’une part, les

prestations faites par des institutions de prévoyance professionnelle et,

d’autre part, les prestations faites par des institutions d’assurance ou

de prévoyance sociale (AVS, AI, etc.). Dans l’esprit du législateur, ces

différentes prestations ont pour but de remplacer le produit du travail

d’un époux, au service donc de l’UC et de la famille, lorsque celui-ci

n’exerce plus d’activité lucrative (retraite, chômage, maladie, accident).

L’art. 197 al. 2 ch. 2 introduit une lex specialis par rapport au principe

de la subrogation patrimoniale (au même titre que l’art. 198 ch. 1 pour

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les effets personnels) : peu importe quelle masse a assuré le paiement

des primes et que ces primes aient été payées avant ou pendant le

régime ou même, par l’un ou l’autre époux (ou même par un tiers) : le

critère essentiel est bien le fait que le montant versé remplace les

revenus d’une activité lucrative. Il convient à présent de distinguer plus

précisément les 3 types de prestations visées par l’art. 197 al. 2 ch. 2 :

o Les sommes des institutions de prévoyance professionnelle :

même si la loi ne vise explicitement que les sommes versées

par des institutions en faveur du personnel (et donc en faveur

des personnes salariées), la disposition s’applique également à

la prévoyance professionnelle des personnes indépendantes :

Les sommes versées par des institutions de prévoyance

en faveur du personnel : l’art. 197 al. 2 ch. 2 vise toutes

les prestations faites par des institutions de prévoyance

professionnelle (IPP) au titre du deuxième pilier (A et B :

PP obligatoire selon l’art. 2 LPP et PP facultative selon

l’art. 4 LPP). Ces prestations sont toutes destinées à

compenser la cessation des activités lucratives (retraite

ou décès) ou la diminution de la capacité de travail (pour

cause d’invalidité). De manière précise, la loi distingue

selon que les prestations sont faites par une rente ou un

capital et précise quelques cas particuliers (prestations

de sortie, versements et rachat d’année cotisation) :

Les prestations sous forme de rente : en principe,

c’est la forme utilisée par les IPP. Dans ces cas,

toutes les sommes versées ou dues pendant le

régime entrent dans les AQ. Par contre, dès que le

régime est dissous (divorce, décès ou autre), les

rentes dues après la dissolution ne rentrent dans

aucune masse matrimoniale et ne sont pas prises

en compte pour la détermination du bénéfice. Le

régime juridique applicable à la PP lorsqu’aucun

cas de prévoyance n’est survenu (et que donc

IUR III 2012-2013 85

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aucune rente n’a été versée pendant le régime)

dépend de la cause de dissolution du régime :

o S’il est dissous par le décès de l’époux

assuré, la prétention du conjoint survivant

contre l’IPP est actualisée (art. 18 ss LPP)

et n’entre dans aucune masse (inutile).

o S’il est dissous par le décès du conjoint de

l’époux assuré ou par le passage à un autre

régime matrimonial, l’expectative ne joue

aucun rôle dans la liquidation du régime.

o Si le régime est dissous par divorce (ou par

annulation du mariage, art. 109 al. 2 CC),

chacun a droit à la moitié de la prestation

de sortie de son conjoint, calculée pour la

durée du mariage (art. 122 al. 1 CC).

Le versement d’un capital : selon l’art. 37 LPP, il

peut arriver que les IPP fournissent une prestation

sous forme de capital. Ce capital entre alors dans

les AQ, conformément à l’art. 197 al. 2 ch. 2 CC.

Les prestations de sortie : lorsqu’un assuré quitte

son IPP avant la survenance d’un cas, il a droit à

une prestation (art. 27 LPP et 2 al. 1 LFLP). Il faut

alors distinguer deux situations selon que :

o L’assuré entre dans une nouvelle institution

de prévoyance (changement d’employeur

en Suisse par exemple) : l’ancienne IPP

doit alors verser la prestation de sortie à la

nouvelle IPP (prestation de libre passage

au sens de l’art. 3 al. 1 LFLP). Le transfert

n’a pas de conséquence sur le régime

matrimonial : les prestations versées sont

donc des AQ (art. 197 al. 2 ch. 2 CC).

IUR III 2012-2013 86

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o L’assuré quitte la Suisse ou s’établit à son

compte : la prestation est alors versée en

espèce (art. 5 LFLP) et il s’agit alors d’un

versement d’un capital pendant le régime

qui, selon l’art. 197 al. 2 ch. 2, entre dans

les AQ. Précisons qu’en cas de dissolution,

l’art. 207 al. 2 CC n’est pas applicable.

Le versement anticipé à titre d’encouragement à la

propriété du logement : les art. 30a ss LPP en lien

avec l’art. 331e CO permettent le versement

anticipé de tout ou d’une partie de la prestation de

libre passage en vue de faciliter l’acquisition d’un

logement pour les besoins propres de l’assuré.

Tant qu’un cas de prévoyance n’est pas survenu,

le versement anticipé est assimilé à un prêt de

l’IPP : l’assuré n’a qu’une expectative contre elle.

Le versement donne lieu à une dette de l’assuré,

rattachée sur le plan interne à la masse dans

laquelle figure le logement que le versement a

contribué à financer. Si un cas se produit avant la

dissolution du régime (vieillesse ou invalidité),

l’expectative s’actualise et la dette envers l’IPP

s’éteint : le versement anticipé est traité comme

une prestation définitive en capital et profite en

entier aux AQ de l’assuré (art. 197 al. 2 ch. 2 CC).

Le rachat d’années de cotisation : si l’assuré a été

amené à procéder, durant le régime, à un rachat

d’années de cotisation, le statut des sommes

versées en cas de survenance d’un cas n’est pas

modifié et l’art. 197 al. 2 ch. 2 s’applique (si cela

est nécessaire avec le correctif de l’art. 207 al. 2).

Si aucun cas ne s’est produit à la dissolution, les

IUR III 2012-2013 87

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règles ordinaires s’appliquent, sous réserve d’une

éventuelle réunion (art. 208 al. 1 ch. 2 CC).

Les sommes versées pour la prévoyance professionnelle

des indépendants : il ne serait pas juste que les principes

présentés ci-dessus ne s’appliquent que si l’époux est

salarié. Ainsi, même si la loi ne le dit pas expressément,

tous s’appliquent également à l’époux qui exerce une

activité lucrative indépendante, si le mode de prévoyance

auquel il recourt revêt une forme identique (ou au moins

comparable) à la PP des personnes salariées :

L’assurance type deuxième pilier : lorsque l’époux

est assuré auprès d’une IPP fonctionnant sur le

même modèle que celui prévu par la LPP pour les

salariés, l’art. 197 al. 2 ch. 2 s’applique, sans

égard au type de prévoyance choisi par

l’indépendant (deuxième pilier A ou B).

La prévoyance liée (troisième pilier A) : il s’agit de

l’épargne privée, qui joue un rôle particulièrement

important pour les indépendants. On parle alors de

prévoyance liée ou de troisième pilier A lorsque les

sommes épargnées ne peuvent être récupérées

que cinq ans avant l’âge normal de la retraite.

Même si ce type de prévoyance poursuit un but

analogue à la PP, la doctrine majoritaire considère

qu’on ne peut appliquer l’art. 197 al. 2 ch. 2 et qu’il

faut donc appliquer les principes du remploi.

o Les sommes des assurances sociales : le terme assurances

sociales comprend toutes les assurances ayant pour but de

remédier à l’influence de l’âge, de l’invalidité, de la maladie ou

des accidents sur l’aptitude à exercer une activité lucrative. Les

prestations de ces institutions tendent donc à remplacer la

rémunération tirée d’une telle activité. Ainsi, l’art. 197 al. 2 ch. 2

concerne principalement les sommes versées par :

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L’assurance-vieillesse et survivants : l’AVS, assurance

sociale type, constitue, avec l’AI, le premier pilier de la

prévoyance. Comme pour la PP, l’art. 197 al. 2 ch. 2 CC

déroge au principe de la subrogation patrimoniale : peu

importe donc que les cotisations aient été versées par un

époux salarié ou indépendant, par son employeur, avant

ou pendant le régime : toutes les sommes versées à un

époux au titre de l’AVS entrent dans ses acquêts.

L’assurance-invalidité : les remarques faites à propos de

l’AVS s’appliquent également à l’assurance-invalidité.

Par suite de maladie : les indemnités journalières versées

par un époux par suite de maladie entre dans ses AQ,

car ces montants sont destinés à remplacer le produit de

son travail. La loi vise toutes les indemnités versées, que

ce soit selon la LAMal ou selon la LCA (assureur privé).

Par suite d’un accident : les sommes versées à un époux

par suite d’un accident à titre d’indemnités journalières ou

de remboursement des frais médico-pharmaceutiques

ont le même statut juridique que les prestations versées à

la suite d’une maladie. Si l’époux accidenté reçoit une

rente, celle-ci a le même statut qu’une rente AI. S’il reçoit

un capital au lieu d’une rente, l’art. 207 al. 2 s’applique et

le capital est intégré aux AQ. A la liquidation, il faudra

alors déduire la valeur capitalisée de la rente.

D’autres assurances sociales : sont également des AQ

les indemnités versées par l’assurance-chômage ou par

les différentes autres assurances sociales (militaires).

o Les sommes des institutions de prévoyance sociale : il s’agit des

organismes publics cantonaux, voire des institutions privées, qui

assurent l’assistance sociale (aide sociale) aux personnes dans

le besoin. Même si cette assistance est fournie sans reposer sur

une contreprestation, l’art. 197 al. 2 ch. 2 en fait des AQ, en

dérogation à la règle de l’art. 198 ch. 2 CC. Cela est logique :

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les montants reçus remplacement les moyens que la personne

devrait normalement se procurer par le biais de son travail.

o Précisions quant aux assurances privées sur la vie : pour les

institutions d’assurance privée sur la vie, on applique les règles

de la subrogation patrimoniale, et non l’art. 197 al. 2 ch. 2 CC.

Ainsi, si le capital assuré est versé au preneur d’assurance

pendant le régime, il entre dans la masse qui a payé les primes.

Si les primes ont été payées en partie avant le régime, le capital

entre dans les BP, les acquêts bénéficiant d’une récompense. Si

le régime est dissous avant que le capital assuré ne puisse être

versé au preneur d’assurance, il faut distinguer 2 hypothèses :

Si le preneur a déjà disposé du montant assuré en faveur

d’un tiers (cession de l’assurance ou clause bénéficiaire),

l’assurance ne peut intervenir dans la liquidation que si

elle est sujette à réunion au sens de l’art. 208 CC.

Si le preneur n’a pas disposé du montant assuré, il faut

déterminer la valeur de l’assurance qui doit être prise en

compte. Si la prestation de l’assureur est certaine, c’est la

valeur de rachat qui doit être prise en compte (au sens

des art. 90 ss LCA, art. 476 et 529 CC par analogie).

Dans le cas contraire, le juge doit prendre en compte la

valeur conventionnelle accordée par les assureurs.

Enfin, si le régime est dissous par la mort du preneur, il faut

opérer les mêmes distinctions que précédemment, avec les

mêmes conséquences, à cela près que c’est la somme assurée

entière qui doit être prise en compte pour la liquidation du

régime, et non la seule valeur de rachat (dans le cas où l’assuré

n’a pas disposé du montant de l’assurance durant sa vie).

- Les dommages-intérêts qui sont dus à raison d’une incapacité de

travail (art. 197 al. 2 ch. 3 CC) : les dommages-intérêts dus à raison

d’une incapacité de travail prennent place dans les AQ (sommes dues

selon les règles de la RC afin de réparer le dommage qui résulte pour

un époux de son incapacité de travail, totale ou partielle, ou de

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l’atteinte portée à son avenir économique). L’art. 197 al. 2 ch. 3 vise

donc les dommages compensant une perte de gain déjà subie mais

également ceux qui visent à réparer une diminution future.

- Les revenus des biens propres d’un époux (art. 197 al. 2 ch. 4 CC) :

les revenus des BP d’un époux entre dans ses AQ, en dérogation au

principe selon lequel les revenus d’un bien entrent normalement dans

la masse dans laquelle figure ce bien. La règle n’est toutefois pas

impérative : les conjoints peuvent prévoir, par contrat de mariage, que

les revenus des BP restent des BP (art. 199 al. 2 CC). Les revenus

sont en principe les revenus bruts. Toutefois, lorsque le bien est sujet à

dépréciation (bâtiment, machine, bétail), il faut déduire l’amortissement

raisonnable du bien : ce montant reste dans les BP et permet à l’époux

de financer les réparations ou l’acquisition d’un bien de remplacement.

En outre, les revenus visent tant les fruits civils que les fruits naturels :

o Les fruits civils : il s’agit des revenus bruts qui peuvent être tirés

d’un patrimoine à raison d’un rapport juridique : intérêts de tous

genres, dividendes, parts de bénéfice, loyers et fermages.

o Les fruits naturels : il s’agit des produits périodiques d’une

chose et de tout ce que l’usage autorise à tirer d’une chose en

fonction de sa destination (art. 643 al. 2 CC) : céréales, herbe,

légumes, lait, fruits, laine, rocher, gravier, arbres et autres.

- Les biens acquis en remploi d’acquêts (art. 197 al. 2 ch. 5 CC) : au

même titre que l’art. 198 ch. 4 pour les BP, l’art. 197 al. 2 ch. 5 prévoit

que les biens acquis en remploi des acquêts deviennent des acquêts.

Le fondement et le fonctionnement des remplois sont les mêmes que

pour les BP : les conditions du remploi sont les mêmes : il faut qu’un

bien soit remplacé par un autre bien (rapport de connexité), acquis

selon les règles ordinaires par le propriétaire du bien remplacé.

Pour terminer avec ce paragraphe consacré aux acquêts, il convient de citer

brièvement quelques autres éléments considérés comme des AQ. En effet,

l’art. 197 al. 2 n’énonce que certains types d’acquêts. D’autres biens peuvent

ainsi présenter les caractéristiques d’acquêts : il s’agit notamment :

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- Des revenus d’acquêts : les revenus d’AQ sont des AQ. En effet, selon

la loi, tout ce qui n’est pas désigné comme bien propre est un acquêt.

- Des prestations d’entretien faites à un époux : ces prestations visent à

couvrir les besoins vitaux du bénéficiaire et entrent ainsi dans ses AQ.

- Du montant équitable versé à l’époux au foyer : le montant équitable

versé à l’époux sur la base de l’art. 164 CC entre dans ses AQ.

- Des dommages-intérêts versés à un époux par suite d’une atteinte à

un droit de la personnalité : ces indemnités entrent dans les acquêts

car elles visent à réparer un dommage qui affecte en général les AQ.

- Des allocations familiales : toutes les formes d’allocations familiales

versées selon la LF sur les allocations familiales dans l’agriculture

(du 20 juin 1952) sont considérées comme des acquêts.

6. Cours du 25 octobre 2012

§15. La preuve de l’appartenance d’un bien

La preuve de l’appartenance d’un bien à une masse matrimoniale suppose

que deux éléments soient établis : l’identité de l’époux propriétaire et la nature

du bien (AQ ou BP). Ces deux aspects sont régis par l’art. 200, qui institue

deux présomptions : un bien est présumé appartenir en copropriété aux deux

époux (art. 200 al. 2) et il est ensuite présumé acquêt (art. 200 al. 3 CC).

En prévoyant que quiconque allègue qu’un bien appartient à l’un des époux

est tenu d’en apporter la preuve, l’art. 200 al. 1 reprend le principe de l’art. 8  :

ce n’est qu’à défaut de cette preuve directe de la propriété du bien que joue la

présomption de copropriété prévue par l’art. 200 al. 2 CC. En principe donc,

toute personne que prétend qu’un bien appartient à un époux doit le prouver,

par tous les moyens possibles (pièces, témoignages, expertises, inventaires).

Les règles ordinaires s’appliquent également : il est donc possible de recourir

aux présomptions des art. 930-931 pour les choses mobilières et à celle de

l’art. 937 CC pour les immeubles. Précisons que les présomptions tirées de la

possession ou de l’inscription au RF l’emportent sur la présomption instituée

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par l’art. 200 al. 2 CC. Si la preuve de la propriété par l’un des époux ne peut

être apportée, le bien est présumé appartenir aux deux époux en copropriété.

L’application des règles de la copropriété (art. 646-651 CC) implique que les

quotes-parts des conjoints sont présumées égales (art. 646 al. 2), la preuve

du contraire étant naturellement possible. En outre, l’un des époux ne peut,

en principe, disposer de sa quote-part sans le consentement de son conjoint

(art. 201 al. 2 CC). De plus, un époux peut, à la dissolution du régime, faire

une demande d’attribution totale du bien s’il justifie d’un intérêt prépondérant

(art. 205 al. 2). Enfin, le droit au partage n’existe pas en ce qui concerne le

mobilier et les objets de ménage car ceux-ci sont affectés à un but durable

(art. 650 al. 1 CC). Une fois que la question de l’appartenance du bien a été

tranchée, d’une manière ou d’une autre (propriété prouvée ou copropriété

présumée devenue fiction), il faut encore déterminer dans quelle(s) masse(s)

le bien doit être placé (masses au pluriel en cas de copropriété fictive).

Le régime de l’appartenance d’un bien à l’une des masses est semblable à

celui de la preuve de la propriété du bien. Ainsi, quiconque allègue qu’un bien

appartient à une masse doit le prouver (mêmes moyens de preuve). Lorsque

cette preuve ne peut être apportée, le bien est considéré comme un acquêt,

selon la présomption de l’art. 200 al. 3 CC. Cette règle est en lien avec les

principes des art. 197-198 CC : les biens propres y sont décrits comme un

patrimoine séparé et délimité par la loi, au contraire des acquêts, qui sont une

catégorie résiduelle (patrimoine générale de l’époux). En outre, cette règle de

l’art. 200 al. 3 (présomption d’AQ) est surtout justifiée par la communauté

d’intérêts que forment les conjoints, qui appelle naturellement au partage des

biens dont l’appartenance à une masse ne peut être prouvée. La présomption

d’acquêts est indépendante de la présomption de copropriété : ainsi, la part

de copropriété fictive de chaque époux n’est pas forcément présumée AQ (et

inversement, il est possible d’appliquer la présomption d’AQ lorsque le bien a

été attribué à l’un des époux par la preuve de la propriété).

§16. Administration, jouissance et disposition

IUR III 2012-2013 93

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Chaque époux est propriétaire de ses BP et de ses AQ (art. 196). De plus,

l’art. 201 al. 1 CC précise que chaque époux en conserve l’administration, la

jouissance et la disposition (solution semblable à la SB, art. 247). La liberté

de chaque époux est toutefois limitée par la loi (art. 201 al. 1, calqué sur le

modèle de l’art. 641 al. 1 CC) : cela fait référence aux restrictions particulières

de la liberté des époux introduites par le droit du mariage (général ou PàA) :

- L’administration des BP et des AQ : chaque époux administre les deux

masses dont il est propriétaire à sa guise et supporte également les

frais correspondants (impôts). En principe, l’autre époux n’a, de par la

loi, ni le devoir ni le pouvoir de participer à cette administration (sous

réserve du devoir général d’assistance de l’art. 159 al. 3 CC et des cas

de représentation de l’union conjugale selon l’art. 166 al. 1 CC).

- L’usage et la jouissance des BP et des AQ : chaque époux a l’usage et

la jouissance de ses biens, dans les limites des devoirs au sein de l’UC

(contribution d’entretien selon l’art. 163, entretien du ménage, montant

équitable versé au conjoint selon l’art. 164 CC). De même, le juge peut

imposer des restrictions par le biais des MPUC relatives à l’utilisation

du logement ou du mobilier de ménage (art. 176 al. 1 ch. 2 CC).

- La disposition des BP et des AQ : le droit de disposition fait également

l’objet de certaines restrictions résultant du droit du mariage. Ces

restrictions doivent être distinguées selon qu’elles sont liées au régime

de la participation aux acquêts ou aux effets généraux du mariage :

o Les restrictions liées au régime ordinaire : la première restriction

résulte de l’art. 201 al. 2 qui limite le droit de chaque époux de

disposer de sa part sur un bien leur appartenant en copropriété

(dérogeant au système de l’art. 646 al. 3 CC). Cette restriction

s’applique aux copropriétés conventionnelles mais également

aux copropriétés fictives de l’art. 200 al. 2 CC. Par contre, elle

ne vaut que si les époux sont seuls copropriétaires de la chose.

En pratique, elle permet de soumettre la validité de l’acte de

disposition au consentement du conjoint copropriétaire.

o Les restrictions découlant des effets généraux du mariage : ces

restrictions sont de trois ordres : protection du logement familial

IUR III 2012-2013 94

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(art. 169), représentation de l’UC (art. 166 al. 1) et décision du

juge (MPUC, art. 177-178). Reprenons donc ces trois types :

Selon l’art. 169 CC, un époux ne peut disposer librement

de ses biens si cela a pour effet de compromettre le

logement familial (aliénation ou tout acte de disposition).

L’acte qui restreint ou supprime les droits dont dépend le

logement doit être expressément approuvé par le conjoint

ou, à défaut, par le juge (restriction de la capacité civile

active des époux, et non seulement du droit de disposer).

Lorsqu’il agit dans les limites de ses pouvoirs, un époux

peut aliéner valablement des objets appartenant à son

conjoint (art. 166 al. 1 : représentation de l’UC pour les

besoins courants de la famille). Il ne s’agit donc pas

d’une véritable restriction du droit de disposer mais plutôt

d’un cas où il peut être simplement privé de ce droit.

Le juge peut prononcer des MPUC ayant pour effet de

restreindre le pouvoir de disposer d’un époux (et non sa

capacité civile active cette fois-ci ; art. 177-178 CC).

§17. Les dettes des époux

Dans le régime ordinaire de la participation aux acquêts, les dettes des époux

soulèvent deux problèmes. On se demande tout d’abord comment le régime

matrimonial influence la dette en tant que telle (qualité de débiteur, exigible et

autres) et la garantie dont bénéficie le créancier. Ensuite, il est également

important de préciser la répartition interne de la dette entre les époux et

surtout entre les masses des époux. Le premier problème est résolu par les

art. 202-203, qui distinguent les dettes envers les tiers et les dettes entre

époux. La deuxième question est régie par l’art. 209 al. 2, en relation avec les

dispositions sur la liquidation du régime matrimonial.

Comme précisé, le régime matrimonial exerce une influence différente selon

que les dettes sont « externes » ou « internes ». Il convient ainsi de distinguer

IUR III 2012-2013 95

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le régime de la dette et celui de la garantie pour les dettes envers les tiers

(selon l’art. 202 CC) et pour les dettes entre époux (art. 203 CC) :

- Les dettes envers les tiers (art. 202 CC) :

o Les dettes en tant que telles : le régime ordinaire n’ayant pas

d’influence sur les dettes des époux, ce sont les règles du droit

des obligations (complétées si nécessaire par les dispositions

sur les effets généraux du mariage) qui déterminent l’identité du

débiteur, l’exigibilité de la dette ou son exécution. La PàA est

donc semblable à la SB pour ce qui est des dettes externes. En

principe donc, chaque époux a ses propres dettes, nées avant

ou pendant le mariage. L’art. 143 CO prévoit toutefois que la

solidarité doit être admise si les époux en sont convenus avec le

tiers ou si elle est prévue par la loi, comme le fait l’art. 166 CC

(représentation de l’UC). Ainsi, l’époux qui contracte une dette

en tant que représentant de l’UC oblige également son conjoint,

pour autant qu’il n’excède pas ses pouvoirs d’une manière

reconnaissable pour les tiers (ce principe vaut d’ailleurs pour

tous les régimes : il s’agit d’un effet général du mariage).

o La responsabilité pour les dettes envers les tiers : chaque époux

répond de ses dettes sur tous ses biens (art. 202 CC) : la dette

concerne donc les acquêts et les biens propres d’un époux.

- Les dettes entre époux (art. 203 CC) :

o Les dettes en tant que telles : les dettes entre époux, comme les

dettes envers les tiers, sont en principe régies par les règles

ordinaires du droit des obligations (sources des obligations :

contrat, acte illicite ou enrichissement illégitime). Toutefois, la

situation particulière des époux exerce une influence sur les

dettes qu’ils peuvent avoir l’un contre l’autre. Ainsi, un certain

nombre d’exceptions au régime ordinaire s’applique, quant à la

prescription, l’exigibilité, les délais de paiement ou encore quant

à l’augmentation de la dette en fonction de plus-values :

Les créances entre époux ne se prescrivent pas pendant

la durée du mariage au sens de l’art. 134 al. 1 ch. 3 CO.

IUR III 2012-2013 96

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Dans la mesure où l’on admet qu’un prêt est fait par un

époux à condition que le mariage dure, on considère que

la dissolution du mariage entraîne l’exigibilité.

Lorsque le règlement d’une dette ou la restitution d’une

chose expose l’époux débiteur à des difficultés graves qui

mettent en péril l’UC, celui-ci peut solliciter des délais de

paiement (avec sûretés si les circonstances l’exigent).

L’art. 200 al. 3 atténue les effets de l’exécution forcée

entre époux et concrétise ainsi l’art. 159 al. 3 CC.

Selon l’art. 206 al. 1, lorsqu’un époux a contribué sans

contrepartie correspondante à l’acquisition, l’amélioration

ou la conservation de biens de son conjoint, sa créance

est proportionnelle à sa contribution (VA des biens).

o La responsabilité pour les dettes envers l’autre époux : la même

règle que pour les dettes envers les tiers s’applique : les époux

répondent sur tous leurs biens des dettes qu’ils ont l’un contre

l’autre : l’art. 202 CC s’applique donc de manière générale.

La deuxième question concerna la répartition interne des dettes. En effet, les

règles que nous venons de présenter concernent les rapports juridiques entre

l’époux débiteur et le créancier (époux ou tiers). Or, si le créancier est un

tiers, il reste encore à déterminer si l’époux débiteur à l’externe est également

le débiteur interne de la dette et surtout quelle masse matrimoniale doit au

final supporter le poids de la dette. Si par contre le créancier est le conjoint, la

question de la répartition entre les époux ne se pose pas et l’on passe donc

directement à l’attribution de la dette à l’une des masses matrimoniales. La loi

ne règle que la répartition des dettes entre les masses (art. 209 al. 2). Ainsi,

la répartition interne est régie par le rapport juridique entre époux. Le principe

de connexité de l’art. 209 al. 2 CC est repris par la jurisprudence et la doctrine

qui avaient été développées à l’origine en relation avec l’union de biens (de

manière générale d’ailleurs, on peut dire que les principes établis pour l’union

de biens ont été repris dans leur grande majorité dans le droit actuel).

- La répartition interne des dettes entre les époux : en principe, un époux

a la charge des dettes dont il est le débiteur dans les rapports externes

IUR III 2012-2013 97

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(peu importe le fondement de la dette ou le moment de sa naissance).

Si une dette est malgré tout attribuée à l’interne à l’époux qui n’est pas

débiteur externe, celui à qui incombe la charge de la dette dispose

d’une dette correspondante (dette ordinaire entre époux).

- La répartition des dettes entre les masses d’un époux : une dette grève

la masse avec laquelle elle est en rapport de connexité ou, en cas de

doute, les acquêts (art. 209 al. 2 CC). Le critère donné pour rattacher

une dette à une masse est celui de la connexité, ce qui laisse une

large place à l’interprétation. Pour éviter les incertitudes, le législateur

a établi un rattachement subsidiaire aux acquêts. Il y a connexité entre

une dette et une masse matrimoniale si l’on peut établir entre elles un

lien (une dépendance). Il s’agit à présent d’énumérer quelques règles

majeures concrétisant le principe de connexité (11 règles) :

o Les dettes antérieures au régime sont rattachées aux BP car

c’est cette masse qui englobe les biens qui appartenaient à

l’époux avant le régime (concrétisation de l’art. 198 ch. 2 CC).

o Les dettes (nées pendant le régime) dont la naissance procure

un avantage à une masse sont rattachées à cette masse.

o Les dettes qu’il est usuel de payer avec les revenus sont

rattachées aux AQ (entretien de la famille ou des biens divers).

o Les impôts sont rattachés à la masse qui est en relation avec la

source de l’impôt (souvent les AQ, soit parce qu’ils intègrent le

produit du travail, soit parce que les revenus des biens donnant

lieu à impôt y sont versés ; les BP doivent supporter les impôts

relatifs aux BP : plus-values, impôts de succession et autres).

o Les dettes grevant une succession sont rattachées à la masse

qui reçoit les actifs correspondants : il s’agira donc très souvent

des BP car l’acquisition par succession a presque toujours lieu à

titre gratuit (ou de façon prépondérante à titre gratuit).

o Les libéralités sont supportées par la masse à laquelle le bien

donné (ou affecté par la libéralité en cause) appartient.

o Les dettes découlant d’un acte illicite sont en principe rattachées

aux AQ : la communauté d’intérêts qui unit les conjoints requiert

IUR III 2012-2013 98

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qu’un époux accepte que sa part au bénéfice se réduise si son

conjoint doit assumer une responsabilité, même pour faute.

o Les dettes résultant d’un enrichissement illégitime grèvent la

masse à laquelle l’enrichissement peut être rattaché ou, si cela

ne peut être déterminé, les biens propres. Si les deux masses

sont enrichies, la dette est répartie proportionnellement.

o Les dettes nées d’un gestion d’affaires ainsi que les amendes

sont rattachées aux acquêts, pour les mêmes raisons que les

dettes découlant d’acte illicite (communauté d’intérêts).

o Enfin, les frais de procès qui ne concernent ni des BP ni des AQ

(séparation de corps, procès pénaux) sont à la charge des AQ.

7. Cours du 1 novembre 2012

Section 2. Dissolution et liquidation de la PàA

La PàA présentant, pendant le régime, les mêmes caractéristiques que la SB,

c’est surtout au moment de la liquidation du régime que se manifestent les

éléments communautaires. Ainsi, sur les 25 articles traitant de la PàA, 17 ont

directement trait à la dissolution et à la liquidation du régime (art. 204-220).

Nous commencerons par déterminer quand se produit la dissolution (§18) et

quelles sont les questions à régler avant de procéder à la liquidation (§19).

Nous analyserons ensuite les quatre phases de la liquidation (§20-23) :

séparation des patrimoines des époux (§20), reprise des biens propres de

chaque époux (§21), établissement du compte d’acquêts (§22) et enfin

partage des bénéfices (§23). Pour terminer, nous étudierons les règles qui

régissent le règlement des créances entre époux résultant de la liquidation.

§18. La dissolution du régime

IUR III 2012-2013 99

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Selon l’art. 204 CC, le régime est dissous au jour du décès d’un époux ou au

jour du contrat adoptant un autre régime. S’il y a divorce, séparation de corps,

nullité du mariage ou séparation de biens judiciaire, la dissolution du régime

rétroagit au jour de la demande. La dissolution du régime est le moment où le

régime prend fin : il marque donc l’arrêt de la composition des masses en vue

de la liquidation (art. 207 al. 1). Ainsi, les biens acquis par un époux à titre

onéreux après le moment de la dissolution n’ont pas à être pris en compte. Il

en va de même pour les dettes postérieures à la dissolution (dettes de décès,

frais funéraires ou dettes mentionnées à l’art. 474 al. 2 CC). De manière

générale, on peut retenir trois (groupes de) cas de dissolution :

- Le décès d’un époux : le décès entraîne la dissolution du mariage et du

RM (art. 204 al. 1, 31 al. 1 et 32 al. 2 CC). La succession d’un époux

comprend les droits ou les obligations qui résultent de la liquidation du

régime : il faut donc commencer par liquider le régime matrimonial.

- La conclusion d’un contrat de mariage adoptant un autre régime :

l’adoption d’un nouveau RM par contrat de mariage met fin à la PàA

(art. 181) : la dissolution a lieu au moment de la conclusion du contrat

(art. 204 al. 1), sauf si les époux ont subordonné l’adoption du nouveau

régime à la survenance d’un terme ou d’une condition. Précisons que

le régime ordinaire ne doit être entièrement liquidé que si les époux

adoptent un régime de SB ou de communauté réduite (au sens des

art. 223 al. 1 et 224 CC). En effet, en cas d’adoption d’un régime de

communauté universelle, la liquidation n’est pas nécessaire puisque

tous les biens des époux entrent dans les biens communs (sauf les BP

légaux, art. 225 al. 2 CC, qu’il convient donc d’identifier).

- La dissolution consécutive à une décision judiciaire : il y a dissolution

en cas de décision judiciaire mettant fin au mariage (divorce, art. 120,

annulation du mariage, art. 109 al. 2) ou en cas de séparation de corps

(art. 118 al. 1). Enfin, la décision prononçant la SB judiciaire, au sens

de l’art. 176 al. 1 ch. 3 (ou 185 CC) entraîne également la dissolution.

§19. Opérations précédant la liquidation

IUR III 2012-2013 100

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En principe, la dissolution du RM n’a aucun impact sur les rapports juridiques

des époux avec les tiers : les actifs et passifs sont simplement pris en compte

pour établir les masses de chaque époux. Par contre, avant de passer à la

liquidation proprement dite (art. 205 ss CC), il est souvent nécessaire de

régler les rapports juridiques spéciaux qui existent entre les époux (rapports

noués entre les époux indépendamment de leur statut matrimonial). Ainsi, le

sort de tout contrat ordinaire (mandat, prêt, contrat de travail, administration

de bien selon l’art. 195 CC, contrat de société) doit être traité avant de liquider

le régime matrimonial. Le cas le plus fréquent est celui de l’acquisition d’un

bien en copropriété (ordinaire ou par l’effet de l’art. 200 al. 2 CC). En effet,

même si la liquidation n’impose pas le partage de la copropriété, les époux

(ou leurs héritiers) profiteront de l’occasion pour partager préalablement la

copropriété (art. 650-651 CC). Ainsi, le partage peut être demandé par

chaque copropriétaire (sauf si la chose est affectée à un but durable, si le

partage intervient en temps inopportun ou s’il a été exclu par acte juridique).

Le mode de partage est également défini par les règles ordinaires : si les

copropriétaires ne s’entendent pas, le juge peut procéder au partage en

nature ou faire vendre le bien aux enchères (art. 651 CC ; cas particulier de

l’art. 651a CC pour les animaux). En outre, l’art. 205 al.2 ajoute un autre

mode de partage : le juge peut attribuer le bien entier à l’époux qui justifie

d’un intérêt prépondérant, à charge ensuite pour celui-ci de désintéresser son

conjoint. Ainsi, un époux exerçant son activité dans un immeuble acquis en

copropriété pourra reprendre entièrement ce bien. Il appartient à l’époux qui

veut invoquer l’art. 205 al. 2 de solliciter l’attribution du bien entier : le juge

n’appliquera jamais cette disposition d’office. Il incombe également à l’époux

demandeur de démontrer l’existence d’un intérêt prépondérant (il faut une

relation particulièrement étroite avec le bien en copropriété : continuer à vivre

dans la maison familiale sur un terrain acquis de la famille, attachement de

longue durée avec un bien et autres). Précisons que l’attribution du bien ne

peut être décidée que moyennant le versement d’une pleine indemnité au

conjoint, calculée sur la base de la valeur vénale du bien.

8. Cours du 8 novembre 2012

IUR III 2012-2013 101

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§20. Phase 1 : dissociation des patrimoines

Une fois les opérations préliminaires réglées, on peut passer à la première

étape de la liquidation proprement dite, la dissociation des patrimoines des

époux. Le but final de la liquidation est de déterminer quels biens chaque

époux peut reprendre et quel époux dispose d’une créance envers l’autre

(fondée sur les gains réalisés durant le mariage). Dans ce but, il faut débuter

en établissement le patrimoine de chaque époux, sans distinguer à ce stade

ce qui constitue des BP ou des AQ. Il faut donc inventorier les actifs, les

passifs et étudier le cas particulier des créances à plus-value.

Dans le régime de la PàA, chaque époux reste propriétaire de ses biens.

Ainsi, il n’y a en principe aucune difficulté à déterminer quels sont les actifs de

chaque époux. Dès lors, les art. 205-206 CC se limitent à préciser deux cas

particuliers : celui où un bien d’un époux est en possession de son conjoint

(art. 205 al. 1) et celui où l’un des époux a une créance contre l’autre du fait

qu’il a participé à l’acquisition, à l’amélioration ou à la conservation d’un bien

appartenant à son conjoint (art. 206). Voyons donc ces deux cas particuliers :

- La reprise par un époux de ses biens en possession du conjoint : un

époux peut avoir la possession (dérivée) de biens de son conjoint. Dès

lors, la restitution a lieu selon les règles ordinaires. L’art. 205 al. 1 vise

les cas pour lesquels les conjoints n’ont pas conclu de contrat et qui ne

sont pas non plus régis par un rapport juridique spécial (époux qui est

en possession de son conjoint en raison de circonstances de fait ou

d’une remise précaire : biens laissés au domicile par le conjoint).

- Les droits : tous les droits subjectifs privés (DRL, droits de propriété,

droits de la propriété immatérielle, créances) peuvent figurer dans les

actifs d’un époux. Il en va de même pour les créances qu’un époux

pourrait avoir contre son conjoint (art. 205 al. 3 CC). Ces créances

entre époux peuvent être de deux types : ordinaires ou variables :

o Les créances ordinaires (art. 165 et art. 206, art. 419 ss CO).

o Les créances variables, qui seront précisées ci-dessous.

IUR III 2012-2013 102

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La dissociation des patrimoines implique également la dissociation de leurs

dettes (passifs). Le mariage n’ayant aucun effet sur les dettes des époux, il

suffit d’identifier les dettes de chaque époux. La répartition des dettes (et des

actifs) entre les masses se fera lors de la deuxième phase de la liquidation.

Parmi les dettes d’un époux figurent naturellement celles qu’il a envers son

conjoint (art. 205 al. 3 CC). Dès lors, on retrouve naturellement la logique de

distinction entre les dettes ordinaires et les dettes variables de l’art. 206 CC.

L’art. 206 CC prévoit que certaines créances d’un époux contre son conjoint

peuvent augmenter en fonction de la plus-value prise par les biens qui ont fait

l’objet des investissements. Souvent, un époux avance des fonds à son

conjoint pour acquérir un bien ou entretenir une chose dont il est propriétaire.

Il est également fréquent qu’un époux paye les réparations d’une bien acquis

par son conjoint (ou acquis en copropriété). La plupart des temps, ces divers

investissements ne donnent lieu à aucune contreprestation (un époux n’a en

outre pas la possibilité de demander le remboursement : art. 203 al. 2 CC).

Pour éviter que l’époux ne doive se contenter de n’obtenir que le montant

minimal investi à l’origine pour acquérir, réparer ou améliorer les biens de son

conjoint (ou les biens en copropriété), le législateur a introduit l’art. 206 : cet

article permet de maintenir le bien financé par les 2 époux dans le patrimoine

du propriétaire (ou des propriétaires) tout en faisant croître la créance de

l’époux bailleur de fonds en fonction de la plus-value acquise par le fonds.

Pour disposer d’une telle créance variable (part à la plus-value), un certain

nombre de conditions doit être remplies : il faut ainsi qu’un époux ait contribué

à l’acquisition, à l’amélioration ou à la conservation de biens qui se retrouvent

à la liquidation avec une plus-value. La contribution ne doit ensuite ni avoir

été faite à titre gratuit, ni moyennant une contreprestation déterminée. Enfin,

précisons que la part à la plus-value est de droit dispositif : les conjoints

peuvent donc l’écarter, en tout ou en partie, moyennant une convention :

- Une contribution : en général, il s’agit d’une contribution financière,

l’époux mettant à disposition divers moyens de paiement (argent, prise

en charge des intérêts d’une dette ou des amortissements), mais elle

peut aussi prendre d’autres formes (travaux divers effectués).

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- En vue de l’acquisition, l’amélioration ou la conservation de biens : la

contribution doit être en relation directe avec le bien en question : le

simple fait d’administrer le bien ne suffit pas (art. 195). En principe,

l’époux bénéficiaire de la contribution est le seul propriétaire des biens

concernés mais l’art. 206 s’applique également si l’époux bénéficiaire

n’est que copropriétaire (ou propriétaire commun). Dans ce cas, la CV

sera calculée en fonction de la part de copropriété ou de communauté.

En outre, l’art. 206 s’applique à toutes les formes d’acquisition à titre

onéreux de la propriété (vente, échange avec soulte, donation mixte),

voire éventuellement d’un DRL (servitude de passage, droit de vue). Il

vise également toutes les formes d’amélioration du bien. Par contre,

toutes les contributions de conservation ne sont pas prises en compte :

l’art. 206 ne s’applique qu’aux frais dépassant les travaux d’entretien.

- Un bien qui se retrouve à la liquidation : l’art. 206 vise principalement le

cas où le bien financé par les deux conjoints existe encore lors de la

liquidation. Toutefois, si le bien a été aliéné avant la liquidation du RM,

l’art. 206 al. 2 prévoit que la CV est directement exigible (calculée sur

la valeur de réalisation du bien à l’époque de son aliénation anticipée).

- Une plus-value : la CV n’est due que si le bien se retrouve avec une

plus-value à caractère conjoncturel lors de la liquidation. La plus-value

conjoncturelle est opposée à la plus-value d’impenses (qui tire son

origine d’un comportement particulier d’un époux). Il faut donc bien

distinguer les deux types de plus-values : la plus-value d’impense

résulte d’une dépense faite par un conjoint (elle est égale au montant

dépensé pour améliorer ou conserver le bien) alors que la plus-value

conjoncturelle dépend de la prise de valeur d’un bien. L’art. 206 ne vise

à récompenser que la plus-value conjoncturelle, peu importe si celle-ci

est due ou non à la contribution de l’époux. Ainsi, l’époux qui finance la

réparation du toit n’a pas a prouvé que c’est cette réparation qui a

provoqué l’augmentation de la valeur du bien en question.

- L’absence d’intention libérale : l’époux n’a droit à aucune part à la plus-

value si la contribution a été faite à titre gratuit (ou s’il a renoncé à la

part à la plus-value, voir ci-dessous le caractère dispositif). L’intention

libérale ne doit pas être présumée (c’est à l’époux débiteur de l’établir).

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- L’absence de contreprestations : enfin, la contribution doit avoir été

faite sans contrepartie correspondante (art. 206 al. 1). La CV est donc

écartée si les époux sont convenus d’une forme de compensation. Il

n’est pas nécessaire que la contrepartie soit exactement la même que

celle que l’époux créancier aurait exigé d’un tiers. De même, il n’y a

pas non plus de droit à la part à la plus-value lorsque la contribution est

faite en exécution d’une obligation légale (si un époux hérite d’une

maison moyennant reprise par un époux de la dette hypothécaire et

paie les intérêts au moyen de ses AQ, il n’y a pas de droit à une CV

car un tel paiement remplace la contribution d’entretien de l’art. 163).

Lorsqu’un époux a contribué au financement de biens appartenant à son

conjoint dans les conditions exposées ci-dessus, sa créance à la liquidation

est proportionnelle à sa contribution et se calcule sur la valeur actuelle des

biens. En cas de moins-value, l’époux créancier peut en tous cas réclamer le

montant de ses investissements (art. 206 al. 1). La participation aux moins-

values est donc exclue : l’époux doit être traité au moins aussi bien qu’un

bailleur de fonds quelconque, dont le montant nominal de la créance est de

toutes façons garanti (montant nominal de tous les investissements opérés). Il

faut distinguer selon que le conjoint investit au profit d’un ou plusieurs biens.

En cas d’investissement(s) au profit d’un seul bien, il faut commencer par

déterminer la contribution d’origine (montant ou valeur du travail investi). On

met ensuite ce montant en relation avec la valeur actuelle du bien avant les

travaux (ou à l’origine en cas de contribution à l’acquisition). Ces deux valeurs

mises en relation permettent d’obtenir la proportion dans laquelle l’époux a

contribué au financement du bien. La proportion est ensuite appliquée à la

valeur actuelle du bien (valeur vénale à la liquidation) pour obtenir la valeur

de la créance variable. Si cette valeur est inférieure à la somme dépensée à

l’origine (ce qui veut dire que bien a perdu de la valeur), la créance de l’époux

bailleur de fonds est équivalente au nominal investi (art. 206 al. 1 CC). Si

l’époux fourni plusieurs contributions, il faut procéder par étapes et établir

pour chaque investissement une nouvelle proportion. Lorsque le bien subit

des plus-values et des moins-values, la garanti du montant nominal ne doit

être assurée qu’au terme de tous les investissements (compensation).

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En cas d’investissements au profit de plusieurs biens, il faut les considérer

dans leur ensemble pour s’assurer que l’époux bailleur de fonds retrouve au

moins le nominal des sommes investies. Pour ce faire, on procède en deux

temps : d’abord on effectue la somme des créances résultants des différents

investissements. La créance du nominal n’étant assurée que pour l’ensemble

des biens, il faut comparer la somme des créances avec le total des montants

nominaux des investissements. Le montant de la créance retenue est alors

celui qui est le plus élevé (art. 206 al. 1 CC) : soit ce sera le montant des CV

(parce que les biens ont suffisamment de valeur), soit ce sera le nominal des

investissements effectués (parce que les baisses de valeur sont supérieures).

La part à la plus-value (PPV ou CV) modifie la créance en remboursement de

l’époux bailleur de fonds : la créance initiale varie en fonction de la valeur des

biens financés. Cette CV n’est échue qu’à la liquidation du régime, sauf si le

bien a été aliéné avant la liquidation, auquel cas la créance (variable ou non)

devient exigible immédiatement et se calcule sur la valeur de réalisation du

bien lors de l’aliénation (art. 206 al. 2 CC). Les époux peuvent aussi fixer

l’exigibilité à un moment antérieur à la liquidation du régime. Comme on l’a

déjà dit précédemment, les époux peuvent exclure par convention la

participation aux plus-values, soit de manière concrète, à l’occasion d’une

contribution déterminée (art. 206 al. 3 : convention par écrit modifiant ou

supprimant la part à la plus-value), soit de manière générale, par contrat de

mariage (modification du régime en lui-même). Une telle renonciation par

avance ne constitue en outre pas une libéralité de nature à léser la réserve

d’un héritier réservataire (renonciation à une expectative). Par contre, si la

renonciation a lieu alors que la plus-value s’est déjà produite, la libéralité peut

avoir une influence négative et léser la réserve des héritiers du renonçant.

Pour terminer, il faut encore parler du cas particulier du service de la dette

hypothécaire relative à un immeuble du conjoint. Il arrive fréquemment qu’un

époux acquière un immeuble moyennant constitution ou reprise d’une dette

hypothécaire. Conformément aux règles sur les remplois, le bien appartient

dès lors à la masse qui a fait la prestation au comptant (ou majoritaire). Il est

possible que ce ne soit pas l’époux propriétaire de l’immeuble qui assume le

service de la dette. Dans ce cas, s’il ne s’agit pas pour son conjoint d’une

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contribution à l’entretien de la famille, le remboursement doit être envisagé

(créance consécutive à une contribution à l’acquisition de l’immeuble selon

l’art. 206 al. 1 CC). Il faut alors distinguer amortissements et intérêts. Pour ce

qui est des amortissements, le régime juridique est clair lorsqu’il s’agit de

remboursements partiels et occasionnels (montant important). On applique

alors les règles ordinaires de calcul. Rappelons à ce stade que la valeur à

prendre en compte lors de l’investissement dépend du type de contributions :

s’il s’agit d’une contribution à l’acquisition, la valeur correspond directement

au prix d’acquisition (frais compris). Si par contre il s’agit d’une contribution en

vue de l’amélioration ou de la conservation d’un bien, la valeur est celle du

bien avant la travaux augmentée du coût des travaux (c’est donc la valeur

théorique qui est déterminante : certains travaux n’entraînent pas forcément

une augmentation de la valeur égale au montant des travaux). Dès lors, on

constate qu’il n’y a plus-value au sens de l’art. 206 CC que si la valeur à la

liquidation excède la somme investie pour acquérir et réparer le bien. Ainsi,

en matière d’amortissements, la valeur actuelle du bien correspond à la

valeur avant l’amortissement (sans qu’il soit nécessaire d’ajouter le montant

de l’amortissement effectué et ce même en cas d’amortissements multiples).

Les amortissements posent un problème majeur lorsqu’ils ne sont pas opérés

par des versements importants mais sous forme d’annuités (1-2% par année).

Dans ce cas, on considère les amortissements dans leur ensemble et l’on

calcule une valeur moyenne de la créance variable.

Même si le paiement des intérêts ne réduit pas la dette, il permet le maintien

de la dette et, à ce titre, contribue également au financement de l’acquisition

de l’immeuble. Dès lors, la prise en charge durable des intérêts par le conjoint

doit être traitée comme si la dette correspondante était attribuée à cet époux,

qui profitera dès lors de la part à la plus-value qui peut être imputée au

financement obtenu grâce à la dette hypothécaire. Ainsi, si un époux paye les

intérêts d’une dette de 200'000 ayant permis l’acquisition d’un bien valant

500'000, il aura, à la liquidation du régime, droit à 2/5 de la plus-value (si le

bien vaut 750'000 à la liquidation, la CV sera de 100'000 : soit 2/5 de

250'000). Il existe tout de même une exception lorsque la prise en charge des

intérêts est due au titre de contribution à l’entretien du ménage (art. 163 CC).

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Si le conjoint de l’époux débiteur prend en charge l’ensemble du service de la

dette (amortissements et intérêts), sa créance correspond à une CV ayant

contribué à l’acquisition de l’immeuble (du montant de la dette) avec ceci de

particulier qu’il faut tenir compte du fait que la dette de base n’est peut-être

pas entièrement remboursée au moment où le service prend fin. Ainsi, pour

calculer le montant de la créance, on considère qu’il s’agit d’une contribution

égale au montant de la dette hypothécaire au moment du début du service en

on déduit le montant de la dette restante au moment où l’époux créancier

cesse d’en assurer le service. Ainsi, si un époux prend en charge le service

d’une dette de 200'000 ayant permis l’acquisition d’un bien de 500'000 et que

la dette a été amortie à 100'000 lors de la liquidation, la CV de cet époux vaut

200'000 (300'000 normalement, desquels on déduit les 100'000 restants).

§21. Phase 2 : reprise des biens propres

Après la première phase, les patrimoines des deux époux sont dissociés mais

il faut encore déterminer ce qui relève des BP et ce qui relève des AQ (ce que

prévoit l’art. 207 al. 1 CC). Les biens intégrés aux AQ seront pris en compte

pour déterminer l’éventuel bénéfice alors que les BP sont intégralement repris

par l’époux auquel ils appartiennent. Comme pour le paragraphe 20 consacré

à la première phase, nous procéderons en 3 étapes : les actifs, les passifs et

les récompenses variables (calquées sur le modèle des créances variables).

Les actifs de la masse des BP sont arrêtés au jour de la dissolution du régime

(art. 207 al. 1 CC) et non à celui de la liquidation (même si l’estimation a lieu

lors de la liquidation, art. 209 al. 3 CC). Parmi les actifs des BP figurent

d’abord les choses (objets matériels ; art. 198 ch. 1-4 CC), qui seront toutes

reprises en nature (dans l’état où ils se trouvent lors de la liquidation : l’époux

profite ainsi de l’éventuelle plus-value mais supporte aussi toute moins-value).

Ensuite, les actifs peuvent comporter des droits (créances, DRL, propriété

immatérielle). Le rattachement de ces droits obéit aux règles de l’art. 198 CC.

Parmi ces droits peuvent figurer des créances entre époux. Qu’il s’agisse

d’une créance ordinaire, d’une créance consécutive à un prêt (art. 165 al. 3)

IUR III 2012-2013 108

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ou d’une contribution extraordinaire (art. 165 al. 1-2), le rattachement aux BP

s’opère selon les règles ordinaires. De même, s’il s’agit d’une créance faisant

suite à un investissement au profit de biens appartenant au conjoint, le

rattachement aux BP de l’époux créancier dépend des règles du remploi (un

investissement financé par des BP est un BP dans son intégralité : montant et

plus-value). Parmi les droits se trouvent encore les récompenses de l’art. 209,

qu’il s’agisse de récompenses ordinaires ou de récompenses variables. Les

secondes étant étudiées à part ci-dessous, nous nous limiterons à décrire

brièvement les premières. Selon l’art. 209 al. 1, il y a lieu à récompense lors

de la liquidation entre les BP et les AQ d’un époux lorsqu’une dette grevant

l’une des masses a été payées de deniers provenant de l’autre. Ainsi, les BP

bénéficient d’une récompense ordinaire contre les AQ si une dette grevant les

AQ a été payée, pendant le régime, par des deniers provenant de la masse

des BP, sans que cela ne constitue un investissement (art. 209 al. 3).

La répartition à l’interne (entre les masses de biens) de la créance variable de

l’époux créancier dépend alors du succès des investissements. Si tous ont

débouché sur une plus-value, la situation est simple : les investissements faits

par les AQ donnent lieu à une créance inscrite aux AQ (montant nominal et

plus-value) alors que ceux financés par des BP sont attribués aux BP. Par

contre, lorsqu’un ou plusieurs investissements entraîne(nt) une moins-value,

l’art. 206 al. 2 (qui garantit le nominal) exige une répartition entre les masses

si cela s’avère nécessaire. Ainsi, si un époux finance 10'000 (BP) sur 40'000

pour l’achat d’actions et 30'000 (AQ) sur 150'000 pour l’achat d’un immeuble,

les créances présentes dans les masses de biens varieront selon le résultat :

- Les deux biens ont pris de la valeur : les deux créances ancrées aux

BP et aux AQ seront égales à la créance variable. A la liquidation, si la

maison vaut 300'000 et les actions 100'000, les CV seront réparties

pour 60'000 aux AQ (30'000 x 2) et pour 25'000 aux BP (10'000 x 2.5).

- Un bien a perdu de la valeur : la fixation des CV dépend alors de

l’art. 206 al. 1. Si la maison vaut toujours 300'000 mais les actions

uniquement 20'000, les CV sont alors de 65'000 uniquement (ce qui

reste supérieur au nominal de 60'000). Pourtant, la répartition interne

sera modifié : 10'000 aux BP (garanti du nominal) et 55'000 aux AQ.

IUR III 2012-2013 109

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- Les deux biens ont perdu de la valeur : si la valeur des actions et de la

maison chutent, l’art. 206 al. 1 impose la garantie du nominal : ainsi, si

le total des CV est inférieur au nominal, on prend les montants investis.

Si la maison ne vaut plus que 160'000 et les actions 20'000, le total

des CV de l’époux bailleur de fonds serait de 32'000 + 5'000, soit un

montant inférieur aux 40'000 investis. Dès lors, on inscrirait le montant

garanti dans chacune des masses : 30'000 aux AQ et 10'000 aux BP.

Enfin, les actifs comprennent également le capital versé par une institution de

prévoyance ou à raison de la perte de capacité de travail. En effet, lorsque le

régime est dissous autrement que par le décès de l’époux propriétaire du

capital, ce capital est compté dans les BP à concurrence de la valeur

capitalisée de la rente qui eût appartenu à cet époux (art. 207 al. 2 CC). Cela

va à l’encontre de l’art. 197 al. 2 ch. 2-3 CC qui prévoit que le capital au titre

de la prévoyance vieillesse et les sommes perçues à cause de la perte de la

capacité de travail sont des AQ. Or, en cas de divorce notamment, il serait

injuste que l’époux soit privé d’une partie de ces biens, qui sont destinés à lui

assurer des moyens d’existence. Ainsi, l’art. 207 al. 2 CC soustrait des AQ

ces sommes, qui n’ont dès lors pas à être partagées avec le conjoint (on

constate donc que la prévoyance vieillesse est individuelle et non commune).

Lorsque les conditions de l’art. 207 al. 2 sont remplies, on calcule le montant

de la rente qui doit être retiré des AQ en capitalisant la rente qui eût

appartenu à l’époux à la dissolution s’il n’avait pas reçu le montant en capital.

Même si le texte légal de l’art. 207 al. 2 pourrait faire penser à un changement

de statut, l’attribution du capital aux BP doit se faire par le biais d’une

récompense des BP contre les AQ (prenant naissance à la liquidation).

Concernant les passifs à présent, il peut s’agir de dettes ou de récompenses

envers les AQ (ordinaires ou variables). Les dettes doivent être réparties

entre les masses de biens de l’époux auquel elles ont été attribuées lors de la

première phase. Selon l’art. 209 al. 2, ce partage interne s’opère selon le

principe de connexité (et subsidiairement par rattachement aux AQ). Comme

toujours, il peut s’agir de dettes ordinaires (fixes, envers le conjoint ou envers

des tiers) ou de dettes variables (art. 206 CC). La répartition des dettes

variables n’obéit pas tout à fait aux mêmes principes que celle des CV :

IUR III 2012-2013 110

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- Si tous les biens concernés ont pris de la valeur, chacune des masses

de l’époux débiteur doit supporter les dettes d’investissements. Un

époux achète un immeuble de 150'000 avec 120'000 de ses AQ et des

actions de 40'000 avec 30'000 de ses BP. A la liquidation, l’immeuble

vaut 300'000 et les actions 100'000 : la CV de son conjoint vaut 85'000

réparti pour 60'000 aux AQ et 25'000 aux BP de l’époux débiteur.

- Si certains biens ont subi une moins-value mais que la créance globale

du conjoint dépasse la somme des investissements au nominal, le

partage ne se fait pas selon les mêmes principes que les CV : en effet,

il n’y a pas lieu de respecter le principe du nominal garanti. Ainsi, une

dette inférieure au montant nominal investi peut être inscrite dans une

masse et c’est alors l’autre masse qui compensera la perte subie par

l’époux créancier sur la première dette. L’art. 206 al. 1 ne s’applique

donc pas quant à la répartition interne des dettes entre les masses

d’un époux en cas de créance dépassant le montant du nominal. Un

époux achète un immeuble de 150'000 avec 120'000 de ses AQ et des

actions de 40'000 avec 30'000 de ses BP. A la liquidation, l’immeuble

vaut toujours 300'000 mais les actions ne valent plus que 20'000. La

CV est répartie comme ci-dessus (application de la garanti du nominal

entre les masses) mais la dette est réparti normalement, soit 60'000

aux AQ et 5'000 (seulement, sur 10'000) à la charge des BP.

- Si l’investissement original du conjoint n’est pas couvert mais que

certains biens ont tout de même augmenté, la dette devra être égale

aux investissements, conformément à l’art. 206 al. 1 CC. La masse

dont les biens ont augmenté se voie attribuer une dette proportionnelle

(égale à la CV) alors que l’autre masse paie le solde. Un époux achète

un immeuble de 150'000 avec 120'000 de ses AQ et des actions de

40'000 avec 30'000 de ses BP. A la liquidation, l’immeuble vaut tout de

même 160'000 et les actions 20'000. La dette est d’abord répartie en

fonction du gain de valeur de l’immeuble : la CV est égale à 32'000, ce

montant est reporté à la charge des AQ. Ensuite, 40'000 ayant été

dépensés, les 8'000 restants sont à la charge des BP du débiteur.

- Enfin, si tous les biens ont subi une moins-value, chaque masse

supporte une dette correspondant à l’investissement nominal.

IUR III 2012-2013 111

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Pour terminer, après les actifs et les passifs, il convient de parler précisément

des récompenses variables (qui peuvent figurer dans aux actifs qu’aux

passifs des BP et des AQ). Selon l’art. 209 al. 3, lorsqu’une masse contribue

à l’acquisition, à l’amélioration ou à la conservation de biens appartenant à

l’autre masse, la récompense, en cas de plus-value ou de moins-value, est

proportionnelle à la contribution fournie et se calcule sur la valeur de ces

biens lors de la liquidation ou de leur aliénation. On constate donc que la

garantie du montant minimal introduite par l’art. 206 al. 1 CC n’existe pas en

matière de récompense. Il s’agit de situations où un époux utilise des biens

provenant d’une certaine masse pour améliorer, participer au financement ou

conserver un bien appartenant à l’autre masse. Peu importe la manière dont

les masses ont contribué au financement, la loi règle la question au moyen du

système des récompenses (la théorie du remploi proportionnelle n’est donc

jamais appliquée). Avant de présenter les conditions de la récompense, il faut

distinguer deux situations, en fonction du moment des investissements :

- Lorsque l’investissement intervient postérieurement à l’acquisition du

bien, celui-ci figure déjà dans une masse. Dès lors, il ne modifie pas le

rattachement du bien, même s’il est supérieur à la valeur actuelle ou

nominale du bien. Cette situation correspond en fait principalement aux

cas où un époux finance avec une de ses masses l’amélioration ou la

conservation d’un bien appartenant à l’autre masse (ou aux cas où

l’époux est déjà propriétaire du bien dont il finance l’acquisition).

- Si l’investissement intervient lors de l’acquisition du bien, il faut

attribuer le bien à la masse à laquelle peut être rattachée la plus

grande partie du bien en question ou, à défaut, aux acquêts.

En principe, l’art. 209 al. 3 requiert les mêmes conditions que l’art. 206 et les

développements présentés en relation avec ce dernier valent également (par

analogie). Il faut toutefois relever un certain nombre de particularités :

- Au contraire de l’art. 206 al.1, l’art. 209 al. 3 CC n’exige pas que la

contribution ait été faite sans contrepartie correspondante. En effet,

une telle contrepartie n’aurait aucun sens puisque le principe de la

récompense est de rétablir l’équilibre entre les masses d’un époux.

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- L’art. 209 al. 3 n’exige pas non plus d’intention libérale du conjoint : les

libéralités entre masses d’un seul époux sont exclues (en dehors du

cas de l’art. 199 CC), car cela permettrait de modifier les masses.

- L’art. 209 al. 3 s’applique en cas de plus-values mais également en

cas de moins-values : il n’y a donc aucune garantie de remboursement

du nominal lorsqu’une masse d’un époux contribue à l’autre masse. En

outre, l’art. 209 al. 3 s’applique même lorsque le bien est consommé

(destruction, perte ou utilisation avec disparition). Dès lors, si l’époux

consomme le bien, cela est assimilée à une moins-value et non à une

aliénation qui aurait pour effet de figer le montant de la contribution.

- Si le bien a été aliéné, c’est la valeur du bien à ce moment qui est

déterminante pour le calcul de la plus-value ou de la moins-value. Or,

l’aliénation de l’art. 209 al. 3 ne correspond pas à celle de l’art. 206 :

l’art. 209 al. 3 ne vise que les cas où le bien est aliéné à titre onéreux

et où la somme n’est pas réinvestie pour l’acquisition d’un nouveau

bien. Si le bien aliéné fait l’objet d’un remploi, la récompense ne doit

pas être arrêtée mais doit être reportée sur le bien de remplacement.

Lorsque les conditions sont remplies, on passe au calcul de la récompense

variable : elle est égale à la somme des récompenses dues pour chaque bien

ayant fait l’objet d’un investissement de la part de l’autre masse. Comme la

CV, la RV est un droit unique : la variabilité affecte le tout et il est donc

impossible de dissocier le montant de base et la plus-value. La RV prend

naissance au moment de l’investissement mais n’est prise en compte qu’au

moment de la liquidation. Enfin, précisons que la règle de l’art. 209 al. 3 est

de droit impératif, au contraire de celle de l’art. 206 al. 1 qui peut être écartée.

Pour terminer, comme en matière de CV, il convient de parler du cas où le

service d’une dette hypothécaire est assuré par l’autre masse (et non plus

comme dans le cas des CV par l’autre conjoint). Lorsqu’un époux acquiert un

immeuble moyennant reprise ou constitution d’une dette, cet immeuble rejoint

la masse qui a fait la prestation au comptant ou, si le financement a été fait

par les deux masses, à la masse majoritaire ou encore, en cas d’acquisition

entièrement à crédit ou de contributions égales, aux acquêts. Sur le plan

interne, la dette hypothécaire est rattachée à la masse de l’immeuble et c’est

IUR III 2012-2013 113

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normalement cette masse qui assure ensuite le service de la dette. Malgré

tout, comme il est possible que ce ne soit pas l’époux propriétaire qui le fasse,

l’époux débiteur peut utiliser des moyens appartenant à l’autre masse pour

financer les amortissements et / ou les intérêts. Pour les amortissements tout

d’abord, les principes exposés à propos de l’art. 206 s’appliquent également.

En effet, il s’agit de remboursements partiels de la dette : la masse qui fait

l’amortissement a droit au remboursement de ce qu’elle a versé, tout en

participant à la plus-value ou à la moins-value de l’immeuble.

En ce qui concerne la prise en charge des intérêts hypothécaire, la situation

diffère selon que les acquêts ont payé les intérêts hypothécaires d’une dette

rattachée aux propres ou selon qu’il s’agit de la situation contraire :

- Dans la première hypothèse (AQ payant une dette BP), il faut tenir

compte du fait que les revenus de BP sont des AQ (art. 197 al. 2 ch. 4,

sous réserve de l’art. 199 al. 2 CC). Dès lors, les AQ qui paient des

intérêts hypothécaires d’une dette grevant des biens propres productifs

de revenus n’ont pas de récompense, ni de part à la plus-value. Selon

le TF, la plus-value correspondant à la part non-remboursée de la dette

est attribuée aux autres contributions ayant permis l’acquisition. Le

même principe s’applique d’ailleurs en cas de moins-value. Ainsi, si un

époux acquiert un bien par succession (500'000) moyennant tout de

même le paiement d’une soulte de 100'000 (AQ) et la reprise d’une

dette hypothécaire de 100'000 (AQ), l’immeuble est un BP (300'000

prédominants) et les propres sont grevés de la dette hypothécaire,

dont les intérêts sont payés par les AQ. Si à la dissolution du régime

l’immeuble vaut 750'000, les AQ bénéficient d’une récompense initiale

de 150'000 (soulte et plus-value). Ensuite, la plus-value de la dette

(50'000) est répartie entre les BP et les AQ proportionnellement au

financement du solde de la valeur d’acquisition (400'000), soit 3/4 pour

les BP (37'500) et 1/4 pour les AQ (12'500). Au total, les AQ disposent

donc d’une récompense totale et finale de 162'500 contre les BP.

- Si le paiement des intérêts d’une dette d’AQ est assuré par des BP, les

BP dispose d’une récompense contre les AQ, calculée comme si la

dette avait été attribuée, à l’interne, aux BP directement (analogie).

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9. Cours du 15 novembre 2012

§22. Phase 3 : établissement du compte d’acquêts

Les biens d’un époux qui ne constituent pas des BP sont des AQ. Il en va de

même pour les dettes : celles qui ne sont pas rattachées aux BP grèvent les

AQ. En pratique, la masse des AQ est déjà connue au terme de la deuxième

phase : le but de la troisième phase est donc d’établir la composition de la

masse des AQ mais surtout de déterminer le bénéfice ou le déficit de chacun.

Il faut également connaître la valeur des biens figurant dans les actifs des AQ,

les passifs y relatifs et le montants qui doivent être réunis (art. 208). Enfin,

l’ensemble de ces éléments est exprimé par le compte d’AQ de chacun. Nous

parlerons donc successivement des notions de bénéfice et de déficit, des

actifs du compte d’AQ, des passifs et enfin des réunions.

Pour dégager le bénéfice, on déduit toutes les dettes grevant les AQ des

époux (réunions et récompenses comprises ; art. 210 al. 1 CC). Le terme

bénéfice est donc une notion arithmétique, désignant le solde actif du compte

d’AQ. Quant au déficit, il s’agit également d’une notion arithmétique (solde

passif du compte d’AQ : chaque époux supporte son déficit, art. 210 al. 2).

Les actifs du compte d’AQ de chaque époux comprennent les immeubles et

choses mobilières dont l’époux est propriétaire à la dissolution et qui n’ont pas

été repris, les droits de l’époux qui ne sont pas rattachés aux BP, les réunions

(art. 210 al. 1) et enfin les récompenses des AQ contre les BP. L’estimation

des biens d’AQ dépend de la valeur à prendre en considération et du moment

où elle doit se faire. En principe, les biens sont estimés à leur valeur vénale

(art. 211), qui correspond au prix qu’un bon père de famille, à qui l’opération

ne s’impose pas de manière urgente, pourrait raisonnablement retirer dans un

délai convenable compte tenu des conditions générales du marché, déduction

faite d’éventuels impôts, émoluments ou taxes à payer (valeur nette). Les AQ

existants à la dissolution sont estimés à leur valeur à la liquidation. Ainsi,

même si la composition est arrêtée au jour de la dissolution (art. 207 al. 1),

l’estimation se fait à lors de la clôture de la liquidation (art. 214 al. 1).

IUR III 2012-2013 115

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La composition des passifs du compte d’AQ est très simple : il s’agit des

dettes de l’époux qui grèvent les AQ dans les rapports internes (art. 209 al. 2)

et des récompenses des AQ envers les BP. Les dettes et les récompenses

peuvent être ordinaires (fixes) ou variables (art. 206 et 209 CC).

Il s’agit à présent de parler des réunions. Chaque époux étant propriétaire de

ses AQ, il peut en disposer librement (art. 201 al. 1). Dès lors, un époux peut

rendre illusoire le droit au bénéfice en dispersant la masse de ses AQ. Pour

parer à cela, le législateur a introduit, comme en matière successorale, le

système des réunions matrimoniales (art. 208 CC). Elle consiste à ajouter à

l’actif du compte d’AQ la valeur de certains biens dont l’époux a disposé par

des actes déterminés pendant le régime. Il s’agit d’une opération purement

formelle et comptable. Le mécanisme des réunions matrimoniales est donc

identique à celui des réunions successorales (art. 475), à ceci près que l’objet

des réunions matrimoniales est défini par la loi (art. 208 al. 1 CC). L’art. 208

prévoit directement deux situations donnant lieu à une réunion :

- Les libéralités entre vifs faites dans les 5 ans avant la dissolution et

sans le consentement du conjoint (art. 208 al. 1 ch. 1) : dans ce cas, il

y a réunion si un bien d’AQ a fait l’objet d’une libéralité entre vifs (titre

au moins partiellement gratuit : la réunion porte sur la partie gratuite)

dans les 5 ans qui ont précédé la dissolution et sans le consentement

du conjoint et sans que ce ne soit un présent d’usage (cadeaux). Celui

qui demande la réunion doit prouver la réalisation des trois premières

conditions et c’est ensuite à l’auteur de la libéralité de tenter de prouver

que son conjoint y avait consenti (fardeau de la preuve à l’auteur).

- Les aliénations de biens d’AQ faites dans l’intention de compromettre

la participation de son conjoint (art. 208 al. 1 ch. 2) : le conjoint peut

également obtenir la réunions s’il établit qu’un bien d’AQ a été aliéné

(toute aliénation, à titre onéreux ou non) pendant le régime dans

l’intention de compromettre sa participation au bénéfice. L’intention de

léser le conjoint n’a pas à être manifeste (l’art. 208 al. 1 ch. 2 offre

donc une protection plus grande que l’art. 527 ch. 4). De plus, le critère

prévu pour apprécier l’intention n’est pas la volonté de léser mais celle

de compromettre la participation du conjoint (volonté essentielle).

IUR III 2012-2013 116

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Le montant des réunions est une valeur comptable qui correspond à la valeur

vénale du bien (art. 211). L’estimation doit être faite au jour de l’aliénation (et

non à celui de la dissolution du régime, art. 214 al. 2 CC). En cas de donation

mixte, le montant à réunir équivaut à la partie gratuite de l’aliénation. Pour ce

qui est des libéralités sous forme d’usufruit et de rente, le montant à réunir

correspond à la valeur capitalisée de ces droits à leur constitution. Lorsque

les conditions de l’art. 208 al. 1 sont remplies, le conjoint du disposant peut

demander que soit ajoutée à l’actif du compte d’AQ la valeur des biens. En

cas de contestations, c’est le juge ordinaire qui doit trancher. En outre, en cas

de dissolution du régime par le décès de l’époux auteur d’une libéralité, il est

possible que cette libéralité donne lieu à une réunion matrimoniale puis à un

rapport (art. 626 ss) ou à une réunion (art. 475 et 527 CC). La liquidation du

RM précédant celle de la succession, cela ne pose aucun problème.

Au final donc, le compte d’AQ de chaque époux se présente sous la forme

d’un tableau : aux actifs sont fixées la valeur des immeubles et des choses, la

valeur des droits, les récompenses et le montant de réunions ; aux passifs

figurent les dettes grevant les AQ et les récompenses envers les propres. Il

faut alors passer à la quatrième phase : répartir les éventuels bénéfices et

établir l’état final des créances entre époux (si nécessaire).

§23. Phase 4 : répartition des bénéfices

Si le compte d’AQ d’un époux se solde par un déficit, celui-ci est à la charge

de cet époux (art. 210 al. 2 CC). Le droit suisse (comme les droits français et

allemand) ne prévoit donc pas la participation aux pertes. Tout de même,

l’époux dont le compte d’AQ est déficitaire peut participer au bénéfice réalisé

par son conjoint (celui-ci doit donc partager son bénéfice alors même qu’il ne

reçoit rien en échange). Si au contraire le compte d’AQ se solde par un

bénéfice, la loi prévoit la participation du conjoint à la moitié de ce bénéfice

(art. 215 al. 1), mais les époux peuvent modifier ou écarter ce partage légal

(art. 216-217 CC). En pratique, la participation au bénéfice s’exprime au final

par une créance de l’un des époux contre l’autre (art. 215 al. 2 CC).

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Ainsi, chaque époux (ou sa succession) a droit à la moitié du bénéfice de

l’autre (art. 215 al. 1 CC). Le partage des bénéfices s’applique quelle que soit

la cause de la dissolution et quelle que soit la situation familiale lors de la

liquidation. Il y a également partage même si seul l’un des deux époux réalise

un bénéfice (également en cas de comportement négatif pour la prospérité

commune, sous réserve de l’abus de droit). En cas de décès, le droit légal à

une part du bénéfice appartient à chaque époux ou à sa succession.

Par contrat de mariage, les époux peuvent convenir d’une répartition autre

que le partage par moitié (art. 216 al. 1) mais la loi apporte tout de même 2

précisions : une telle convention ne peut léser la réserve des enfants (au sens

de l’art. 216 al. 2) et n’est applicable en cas de divorce ou d’autres situations

assimilées que si le contrat de mariage le prévoit expressément (art. 217).

Premièrement donc, l’art. 216 al. 1 CC laisse les époux libres de modifier la

répartition des bénéfices prévue par la loi. Il serait ainsi possible de prévoir

une répartition 3/4 – 1/4 voire même une attribution totale du bénéfice au

conjoint survivant. La répartition conventionnelle peut également dépendre de

la cause de dissolution du régime (montant minimal indexé, convention avec

effet pour le conjoint uniquement ou autres effets).

L’art. 216 al. 2, dans un deuxième temps, limite cette liberté en précisant que

les conventions ne peuvent porter atteinte à la réserve des enfants non-

communs et de leurs descendants. En effet, la liquidation du RM précédant

celle de la succession, il est possible de rendre illusoire les réserves en

diminuant la substance de la succession. Plus précisément, si la quasi-totalité

des biens d’un époux sont des AQ, l’attribution de l’entier du bénéfice à son

conjoint revient à vider la succession de sa substance. Dès lors, les enfants

non-communs sont lésés (au contraire des enfants communs qui doivent

accepter le sacrifice des biens qu’ils toucheront un jour). L’art. 216 al. 2 vise

donc le cas où le contrat de mariage prévoit que le conjoint survivant reçoit

plus de la moitié du bénéfice et où l’époux décédé laisse à côté d’autres

héritiers réservataires. Interprétée a contrario, la règle de l’art. 216 al. 2 CC

signifie que seuls les ENC et leurs descendants peuvent attaquer par le biais

d’une action en réduction le contrat de mariage. Dès lors, la réserve des

autres HR (EC et descendants ainsi que père et mère) n’est pas protégée.

IUR III 2012-2013 118

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Jérémy Stauffacher Droit de la Famille

De manière positive, cela signifie pour les EC que leur réserve n’est protégée

que pour les 3/8 des BP de l’époux décédé, à condition encore que ce dernier

n’ait pas fait usage des possibilités offertes par l’art. 473 CC. Les ENC et

leurs descendants, par contre, peuvent faire réduire les conventions relatives

au partage des bénéfices dans la mesure où elles lèsent leur réserve. Le

terme ENC désigne les enfants nés d’un précédent mariage, les enfants nés

hors mariage et les enfants adoptés par le conjoint décédé. Pour déterminer

si leur réserve est lésée, il faut comparer le montant qui leur serait dévolu si

l’on appliquait la convention avec la réserve qu’ils auraient si le RM était

liquidé conformément à la loi (partage par moitié). On constate donc que s’il

existe des EC et des ENC dans une famille, la réserve de ces deux

catégories de descendants sera différente (dans le deuxième cas, le calcul de

la réserve prend en compte la part que les EC doivent sacrifier).

En cas de pluralité de libéralités, l’ordre des réductions est fixé par les règles

ordinaires des art. 523, 525 al. 1 et 532 CC : la réduction concerne d’abord

les libéralités ab intestat, puis les dispositions pour cause de mort et enfin les

libéralités entre vifs, de la plus récente à la plus ancienne (en cas de

libéralités simultanées, la réduction est proportionnelle). L’art. 216 al. 2

modifie tout de même cette répartition sur deux points :

- Les EC et autres HR ne peuvent pas faire réduire la libéralité faite par

contrat de mariage : celle-ci est sautée dans l’ordre des réductions.

- Pour les ENC par contre, la libéralité faite par contrat de mariage prend

rang dans l’ordre des réductions comme la dernière des libéralités

entre vifs (soit la première libéralité entre vifs qui sera réduite).

Les conventions étudiées ci-dessus visant à favoriser l’un des conjoints, leur

application en cas de divorce, de séparation de corps, de séparation de biens

judiciaire ou d’annulation de mariage pose problème. Dès lors, l’art. 217 exige

que si les conjoints veulent maintenir leur répartition conventionnelle pour ces

différentes hypothèses, ils le prévoient expressément dans le contrat de

mariage. Cette solution garantit donc que l’engagement des époux est pris en

connaissance de cause. Enfin, précisons que le droit à une part légale est

une créance de somme d’argent (art. 215 al. 1-2) : la liquidation du RM

IUR III 2012-2013 119

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Jérémy Stauffacher Droit de la Famille

n’amène donc aucun partage effectif : le bénéfice est une notion comptable.

La participation au bénéfice s’exprime toujours par une seule créance : cela

est logique si seul l’un des époux a réalisé un bénéfice mais il en va de même

si les deux époux réalisent un bénéfice. Dans ce second cas, les créances de

bénéfice de chaque époux sont compensées entre elles (art. 215 al. 2 CC).

Ainsi, si le bénéfice du premier époux se monte à 60'000 et que le deuxième

époux subit un déficit de 20'000, ce-dernier recevra 30’000. Au contraire, si le

second époux fait un bénéfice de 100'000, les bénéfices seront partagés par

moitié : le premier recevra 50'000 et le second recevra 20'000 (au final ils

auront tous les deux 70'000, soit la moitié du bénéfice total d’acquêts). Il est

possible que la créance de participation au bénéfice ne soit pas la seule

créance entre époux. Dans ce cas, il est utile de dresser un inventaire de

l’ensemble des créances : créance de participation et créances variables, afin

de compenser l’ensemble selon l’identité du débiteur et du créancier.

10. Cours du 22 novembre 2012

§24. Le règlement des créances après la liquidation

Au terme de la liquidation du RM, trois types de créances peuvent exister

entre les époux ou leurs héritiers : des créances ordinaires (résultant d’un

prêt, d’un contrat de travail, d’un bail ou autre), des créances variables et une

créance de participation au bénéfice (chaque fois qu’un époux au moins fait

un bénéfice). Le règlement de ces créances dépend des règles ordinaires du

droit des obligations, même si le législateur a prévu un certain nombre de

règles particulières concrétisant le devoir général d’assistance de l’art. 159.

Un époux peut ainsi demander des délais de paiement supplémentaires pour

une dette variable ou pour la dette de participation (art. 218 CC). De même,

en cas de dissolution par décès, le conjoint survivant peut faire valoir sa

créance de participation sous forme d’un droit à l’attribution de certains biens

(art. 219 CC). Enfin, lorsque la dette de participation ne peut être payée, le

conjoint de l’époux débiteur et ses héritiers peuvent agir contre les tiers qui

auraient bénéficié d’aliénations sujettes à réunions (art. 220 CC).

IUR III 2012-2013 120

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Jérémy Stauffacher Droit de la Famille

Le sursis au paiement est possible pour deux catégories de créances liées à

la dissolution du RM (créance de participation et créance variable). L’époux

débiteur peut, pour ces créances, solliciter des délais de paiement lorsque le

règlement immédiat l’exposerait à des difficultés graves (art. 218 CC). Les

conditions de ce privilège rappellent celles de l’art. 203 al. 2 pour l’octroi de

délais de paiement durant le régime (si ce n’est que la mise en péril ne

concerne logiquement plus l’UC mais bien le conjoint débiteur seul). La pesée

des intérêts doit montrer qu’un paiement immédiat présenterait pour l’époux

débiteur des inconvénients graves qu’il ne pourrait raisonnablement éviter.

Le conjoint a ensuite un droit à l’attribution ou à l’utilisation du logement et du

mobilier de ménage (art. 219). Ce doit, au contraire de celui de l’art. 218, ne

vaut que pour la créance de participation et dans le seul cas où l’époux

débiteur est décédé. Le privilège permet au conjoint survivant de conserver

son cadre de vie en exigeant que sa créance de participation soit réglée, non

en argent, mais par le transfert de la propriété ou la cession de l’usage du

logement occupé jusqu’alors et du mobilier de ménage. Quant au logement,

le conjoint peut demander un usufruit ou un droit d’habitation et c’est alors la

valeur capitalisée du droit qui est imputée sur la créance de participation. La

propriété ne peut être attribuée au conjoint survivant que si les circonstances

le justifient (art. 219 al. 3) et c’est alors la valeur vénale du bien au jour de la

liquidation qui est imputée sur la créance de participation. Quant au mobilier

de ménage, le conjoint ne peut exercer qu’une prétention en propriété, mais

n’empêche de convenir d’un droit d’usufruit (art. 219 al. 3 CC). De manière

générale, pour exercer ce droit, quatre conditions doivent être réunies :

- Le conjoint survivant doit être titulaire d’une créance de participation :

une créance de participation doit exister : il doit s’agir de la créance

finale, une fois la compensation de l’art. 215 al. 2 effectuée.

- La prétention ne peut porter que sur le logement ou le mobilier : le

privilège ne peut concerner que le logement occupé par le couple et

qui appartenait à l’époux décédé et le mobilier de ménage. Il faut

réserver le cas où le conjoint survivant avait obtenu le droit de résider

dans le logement au moment où les époux ont cessé la vie commune.

Enfin, il doit s’agir du logement principal (art. 219, comme l’art. 169).

IUR III 2012-2013 121

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Jérémy Stauffacher Droit de la Famille

- La prétention vise à assurer le maintien des conditions de vie : cela

signifie notamment que le conjoint survivant ne sera pas autorisé à

faire valoir la prétention de l’art. 219 quant au logement familial s’il

apparaît clairement d’emblée qu’il changera de domicile.

- Aucune clause contraire ne doit exister dans le contrat de mariage : un

époux peut renoncer aux prétentions de l’art. 219 CC par contrat de

mariage. La renonciation peut être totale ou partielle (al. 1-3).

Enfin, le conjoint de l’époux débiteur ainsi que ses héritiers disposent d’un

droit d’action contre les tiers ayant bénéficié d’aliénations sujettes à réunion.

(art. 220 CC). L’art. 220 concerne les cas où l’époux débiteur d’une créance

de participation a fait des libéralités à des tiers rendant le paiement de cette

créance impossible. Dans ces cas, l’époux créancier ainsi que ses héritiers

disposent d’une action en réduction et en restitution des montants aliénés,

analogue à celle disponible en droit des successions (art. 522 ss CC). Elle a

un caractère subsidiaire : l’époux ne peut l’intenter que si l’ensemble des

biens de son conjoint ne suffisent pas à couvrir la créance de participation.

Les conditions de cette action en réduction (matrimoniale) sont les suivantes :

- Conditions personnelles : la qualité pour agir appartient à l’époux

créancier ainsi qu’à ses héritiers. La qualité pour défendre appartient

aux tiers qui a bénéficié d’une aliénation sujette à réunion, peu importe

que celui-ci ait été ou soit encore de bonne ou de mauvaise foi. Si

plusieurs tiers ont bénéficié de libéralités, ils doivent être recherchés

selon un ordre analogue à celui de l’art. 532 CC. Seuls des tiers ayant

directement bénéficié de l’aliénation (ou leurs successeurs universels)

ont qualité pour défendre (personnelle : l’action ne peut être ouverte

contre une personne à laquelle le bénéficiaire a transféré le bien).

- Conditions matérielles : le demandeur doit prouver que les biens de

l’époux débiteur de la créance de participation ne couvrent pas sa

créance et que l’attribution faite au défendeur est sujette à réunion.

L’époux créancier ne peut donc agir contre les tiers que si, une fois

toutes les dettes payées, les biens de l’époux débiteur ne suffisent plus

à couvrir la créance de participation. Ensuite, l’attribution ne peut être

réduite que si elle est sujette à réunion au sens de l’art. 208 al. 1.

IUR III 2012-2013 122

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Jérémy Stauffacher Droit de la Famille

- Conditions temporelles : l’action s’éteint après une année à compter du

jour où l’époux créancier ou ses héritiers ont connu la lésion et, dans

tous les cas, après dix ans dès la dissolution du régime (art. 220 al. 2).

Le délai relatif ne commence à courir que dès le moment où l’époux

créancier connaît le montant de sa créance et sait que les biens de son

conjoint ne suffisent pas à la couvrir et qu’un ou plusieurs biens ont été

aliénés en faveur de tiers. Le délai absolu de dix ans court, quant à lui,

dès la dissolution du RM au sens de l’art. 204. Dans les 2 cas, il s’agit

d’un délai de péremption qui ne peut être suspendu ou interrompu.

L’action de l’art. 220 permet de rechercher pour le découvert les tiers qui ont

bénéficié d’aliénations sujettes à réunion. Il s’agit d’une action formatrice qui

tend à réduire les effets de l’attribution faite au tiers et l’action est complétée

par une action en restitution du montant ayant fait l’objet de la réduction afin

de combler le découvert du demandeur. L’action n’annule pas l’aliénation faite

en faveur du défendeur : celle-ci reste valable mais ses effets sont limités

dans la mesure nécessaire (règlement total de la créance de participation).

Concernant l’ordre des réductions, l’art. 220 al. 3 renvoie à l’art. 532 CC qui

prévoit que les attributions sont réduites en remontant de la plus récente à la

plus ancienne, jusqu’à ce que la créance de participation soit couverte. En

cas d’attributions simultanées, la réduction s’opère au marc le franc (art. 525).

Pour terminer, il convient de parler des relations de l’action matrimoniale

contre les tiers avec les rapports et les réductions de droit successoral. En

effet, une seule libéralité peut remplir à la fois les conditions d’une réunion et

d’une réduction matrimoniale et celles d’un rapport ou d’une réduction de

caractère successoral. Dès lors, le tiers bénéficiaire pourra être recherché à

un double titre. Dès lors, on applique les principes suivants :

- La liquidation du RM précédant la liquidation de la succession, l’action

matrimoniale contre le tiers a la priorité sur le devoir de restitution que

celui-ci pourrait éventuellement avoir également en raison des règles

sur les rapports ou les réductions de caractère successoral.

- Le tiers bénéficiaire ne peut pas être tenu de restituer plus qu’il n’a

reçu. Il pourra donc imputer les montants restitués à titre matrimonial.

IUR III 2012-2013 123

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11. Cours du 29 novembre 2012

Partie 4. La dissolution de la communauté de vie

§25. La séparation de fait des époux

Il y a séparation de fait lorsque les époux cessent de vivre ensemble sans

faire sanctionner cette situation par une décision judiciaire (que ce soit un

jugement de divorce, de séparation de corps ou de MPUC). Même s’il ne

s’agit que d’une décision de fait de suspendre la vie commune, la loi attache

tout de même un certain nombre de conséquences à la séparation de fait :

- Le pouvoir de représenter l’UC au sens de l’art. 166 CC cesse dès que

les époux ne font plus vie commune (art. 166 al. 1 a contrario).

- L’enfant peut attaquer la présomption de paternité du mari si la vie

commune de ses parents a pris fin pendant sa minorité (art. 256 al. 1).

- Dans une action en désaveu de paternité, le demandeur n’a pas à

prouver d’autre fait que la suspension de la vie commune des père et

mère de l’enfant au moment de sa conception (art. 256b al. 1 CC).

- Le juge peut attribuer l’autorité parentale sur les enfants à un seul des

conjoints lorsque la vie commune est suspendue (art. 297 al. 2 CC).

Concernant ses autres effets civils, la séparation de fait a quasiment les

mêmes conséquences juridiques que la séparation de corps. Les effets

généraux découlant du lien conjugal sont maintenus : nom, obligation

d’entretien ou droits de succession (mais pas représentation de l’UC, art. 166

ou choix d’une demeure commune, art. 162 CC). De plus, la séparation de fait

modifie la situation fiscale des conjoints qui seront imposés à titre individuel.

La séparation de fait peut découler de la volonté commune des époux ou être

imposée par un des conjoints à l’autre. Dans les deux cas, les époux peuvent

rédiger une convention réglant les modalités de leur vie séparée (logement,

biens, contributions). Si les époux reprennent la vie commune et que des

mesures avaient été prises, ces mesures deviennent caduques. De plus, la

séparation de fait prend fin par la séparation de corps (art. 117), par le divorce

(art. 111), par l’annulation de mariage (art. 109) ou la mort d’un des époux.

IUR III 2012-2013 124

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12. Cours du 6 décembre 2012

§26. Les causes de démariage

Les causes de démariage sont multiples. La dissolution est un premier type

de démariage. Elle peut se concrétiser de 4 manières différentes :

- La mort : la mort de l’un des époux entraîne la dissolution du mariage.

Le conjoint survivant acquiert alors le statut d’état civil de veuf.

- La déclaration d’absence (art. 38 al. 3 CC) : selon l’alinéa 3 de l’article

38 CC, la déclaration d’absence entraîne la dissolution du mariage.

- Le divorce (arts. 111-116, 119-149 CC) : le divorce est un constat

d’échec irrémédiable du mariage. Il s’agit donc d’une faillite du divorce.

- L’annulation (arts. 104-110 CC) : l’annulation peut être de trois types :

o Le mariage peut être considéré comme inexistant et donc

logiquement ne pas être annulable. Cela arrive notamment si le

mariage est affecté d’un vice fondamental (conjoints de même

sexe ou célébration effectuée par un tiers non compétent).

o Le mariage peut être considéré comme valable en dépit

d’irrégularités. Cela peut arriver si les fiancés se marient hors

des délais ou alors qu’ils sont mineurs ou sous curatelle. Le

mariage produit alors ses effets, sauf en matière de succession.

o Le mariage est annulable pour causes absolues (art. 105) ou

causes relatives (art. 107). Les causes absolues sont la bigamie

(art. 96), l’incapacité de discernement durable (art. 94 al. 1), le

lien de parenté (art. 95) et la violation des dispositions sur

l’admission et le séjour des étrangers (mariage fictif). Les

causes relatives sont l’incapacité de discernement passagère

(art. 94), l’error in negotio, l’error in persona (art. 24 CO), le dol

sur les qualités essentielles et les menaces.

En ce qui concerne la qualité pour agir en matière d’annulation du mariage

pour causes relatives ou absolues, il est intéressant de se référer au tableau

suivant qui présente les caractéristiques relatives aux deux systèmes :

IUR III 2012-2013 125

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Jérémy Stauffacher Droit de la Famille

13. Cours du 13 décembre 2012

§27. La séparation de corps des époux

La séparation de corps (art. 117-118 CC) permettait à l’origine aux époux de

confession catholique de vivre séparés sans pour autant se divorcer.

Aujourd’hui, elle sert plutôt à fournir un ultime délai de réflexion avant d’en

arriver au divorce ou à offrir une alternative aux personnes pensant que le

mariage doit rester indissoluble. Le nombre de séparations de corps n’a en

outre cessé de décroître ces dernières années (entre 150 et 180 par an).

La séparation de corps se distingue de la séparation de fait en ce qu’elle

nécessite un jugement. Par contre, tout comme la séparation de fait, elle ne

met pas fin au mariage (contrairement au divorce) et permet au couple de

rester marié tout en vivant séparé pour le restant de leurs jours. Pour les

causes et pour la procédure, la séparation de corps suit les mêmes règles

que le divorce (renvoi de l’art. 117 CC). Pour les effets en revanche, ce sont

les règles sur les MPUC qui s’appliquent (art. 118 al. 2 CC). La séparation de

corps peut être demandée sur requête commune des deux époux, avec

accord complet (art. 111 CC) ou partiel (art. 112 CC), sur demande unilatérale

d’un seul époux après un délai de suspension de la vie commune de deux

ans (art 114 CC) ou pour rupture du lien conjugal (art. 115 CC).

Les effets de la séparation de corps sont régis par l’art. 118. La séparation de

corps ne mettant pas fin à l’UC mais uniquement à la vie commune, elle

produit un impact immédiat sur les effets généraux du mariage découlant de

IUR III 2012-2013 126

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Jérémy Stauffacher Droit de la Famille

la vie commune. Ainsi, les époux n’ont plus de demeure commune au sens de

l’art. 162 CC. De plus, comme en matière de séparation de fait, le pouvoir de

représenter l’UC disparaît (art. 166). Ensuite, il faut encore distinguer divers

effets de la séparation de corps selon les modalités qu’ils concernent :

- Le statut personnel : la séparation de corps ne modifie pas le statut

personnel des époux : ceux-ci restent mariés et conservent le nom

acquis pendant le mariage et les avantages successoraux et sociaux

qui découlent de leur condition (HR : art. 462 et 471 CC). L’obligation

de fidélité et assistance est aussi maintenue mais fortement diminuée.

- Le régime matrimonial : la séparation de corps entraîne de plein droit le

passage au régime de séparation de biens (art. 118 al. 1). Il est donc

nécessaire de liquider le RM antérieur, à moins bien entendu que les

époux ne soient déjà soumis au régime de séparation de biens.

- L’entretien de la famille : le lien conjugal n’étant pas (encore) détruit, la

contribution d’entretien se détermine selon les art. 163 et 176 (et non

selon l’art. 125 relatif à l’entretien après le divorce). La séparation de

corps peut tout de même contraindre un époux à reprendre une activité

lucrative ou à augmenter son temps de travail et le juge tiendra tout de

même compte des critères de l’art. 125 CC (âge, formation, état de

santé, temps passé en dehors du marché du travail et autres).

- L’attribution du logement : l’usage du logement est attribué à l’époux

qui en a le plus besoin (selon les MPUC). L’application de l’art. 121 CC

visant à transférer le bail est impossible. Par contre, la protection de

l’art. 169 conférée à l’époux jouissant du logement est maintenue.

- Le sort des enfants mineurs : le juge applique l’art. 176 al. 3 et prend

les mesures nécessaires (art. 273, 285, 297 al. 2) L’autorité parentale

conjointe est en principe maintenue (sous réserve de l’art. 297 al. 2).

- La procédure ultérieure en divorce : selon l’art. 117 al. 3, le jugement

prononçant la séparation de corps n’a pas d’incidences sur le droit de

demander le divorce. Ainsi, le divorce sera prononcé dès qu’un des

époux en fait la demande et que l’une des conditions est remplie. Ainsi,

le prononcé du jugement de divorce (comme le décès d’un époux ou la

reprise de la vie commune) met fin à la séparation de corps.

IUR III 2012-2013 127

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Jérémy Stauffacher Droit de la Famille

14. Cours du 20 décembre 2012

§28. Le divorce

Le divorce est un constat judiciaire d’échec irrémédiable du mariage. Il n’est

prononcé que si certaines conditions prévues par la loi sont remplies. Il faut

en effet que soit que les deux époux manifestent la volonté commune de

dissoudre leur union (art. 111-112 CC : divorce sur requête commune par

accord complet ou accord partiel), soit que la volonté unilatérale d’un seul

époux s’appuie sur une condition objective (suspension de la vie commune

pendant deux ans, art. 114 ou rupture du lien conjugal, art. 115) :

- Le divorce sur requête commune avec accord complet (art. 111) : en

cas d’accord complet, les époux produisent une convention complète

sur les effets du divorce (forme la plus fréquente en pratique).

- Le divorce sur requête commune avec accord partiel (art. 112) : en cas

d’accord partiel, les époux acceptent le principe du divorce mais sont

en désaccord sur un, plusieurs ou tous les effets accessoires. Dès lors,

les époux confient au juge le soin de régler les effets du divorce sur

lesquels subsiste encore un désaccord (art. 112 al. 1 CC).

- Le divorce sur demande unilatérale (art. 113-115) : si les conditions du

divorce des art. 111-112 ne sont pas remplies, le juge impartit aux

époux un délai pour déposer une demande unilatérale (art. 114-115),

sur la base de l’art. 113 CC. Cette disposition s’applique également si

un époux retire son accord à la requête commune ou lorsque le juge

estime que les conditions des art. 111-112 CC ne sont pas remplies

(volonté viciée par exemple). Précisons que la décision du juge peut

faire l’objet d’un recours en matière civil au TF (art. 72 LTF) :

o Le divorce sur demande unilatérale après suspension de la vie

commune d’une durée de deux ans (art. 114) : l’art. 114 permet

à l’époux qui veut divorcer de déposer une demande unilatérale

en établissant l’échec de l’union conjugal à travers la preuve

d’une séparation d’une durée de deux ans (signe de désunion

irrémédiable le plus généralement reconnu : divorce-faillite).

IUR III 2012-2013 128

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Jérémy Stauffacher Droit de la Famille

o Le divorce sur demande unilatérale pour rupture du lien conjugal

(art. 115) : pour éviter qu’un conjoint ne puisse, peu importe les

circonstances, s’opposer au divorce tant que la séparation ne

dure pas au moins 2 ans, le législateur a introduit l’art. 115 qui

prévoit qu’un époux peut demander le divorce avant l’expiration

du délai de 2 ans lorsque des motifs sérieux qui ne lui sont pas

imputables rendent la continuation du mariage insupportable.

- Le passage au divorce sur demande commune : afin de favoriser la

voie pacifique du divorce sur requête commune, l’art. 116 CC prévoit

l’application par analogie des règles relatives au divorce sur requête

commune lorsque le conjoint défendeur consent expressément au

divorce demandé unilatéralement par l’autre conjoint ou dépose une

demande reconventionnelle en divorce. L’art. 116 s’applique aussi bien

aux demandes formulées sur la base de l’art. 114 que de l’art. 115 CC.

Il convient à présent de parler des effets du divorce, en commençant par les

effets personnels et en terminant avec les effets patrimoniaux. Le premier (et

principal) effet personnel est la dissolution de l’union conjugale : l’entrée en

force du jugement entraîne la dissolution définitive de l’UC : chaque époux

peut donc librement se remarier (art. 96) ou conclure un partenariat enregistré

(art. 4 al. 2 LPart). De même, les devoirs attachés au mariage disparaissent.

Ensuite, les époux acquièrent un nouveau statut d’état civil : divorcés. Quant

au nom et au droit de cité, nous nous référerons à ce qui a été dit au début de

ce document. Toutes les dispositions régissant les effets personnels du

divorce ont un caractère impératif : elles ne peuvent donc pas être modifiées.

Concernant les effets patrimoniaux du divorce à présent, nous allons les

regrouper en trois groupes : quelques effets généraux, les effets du divorce

sur les assurances sociales et les contributions d’entretien. Les premiers, de

nature générale, concernent un certain nombre d’éléments patrimoniaux :

- L’extinction des droits et obligations liés au mariage : le divorce met fin

à l’UC sur le plan personnel mais aussi économique : tous les droits et

obligations patrimoniaux que le mariage avait créés prennent fin au

moment du divorce (sous réserve de l’art. 125, pendant de l’art. 163).

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- La liquidation du RM : l’ouverture de l’action en divorce entraîne la

dissolution du RM (liquidé selon les règles ordinaires, art. 204-220).

- La perte de la qualité d’héritier légal : selon l’art. 120 al. 2, les époux

cessent d’être héritiers légaux l’un de l’autre au moment de l’entrée en

force du jugement de divorce. Ainsi, pendant la durée de la procédure

de divorce, les époux restent héritiers : dès lors, si l’un d’eux décède

durant la procédure, l’autre a droit à la moitié de la succession du DC

(sauf testament ; art. 462 CC). Cette situation peut déboucher sur des

abus de droit, un époux pouvant être tenté de faire durer la procédure.

- La perte des avantages résultant de DpCM : l’art. 120 al. 2 prévoit en

outre que les DpCM prises par un époux en faveur de l’autre avant

l’introduction de la procédure de divorce deviennent caduques (il peut

s’agir notamment d’une institution d’héritier, art. 483 CC, de l’attribution

d’un legs, art. 484 CC ou d’une donation, art. 245 al. 2 CO).

- Le sort du logement familial : pendant la durée du mariage, le logement

de la famille fait l’objet d’une protection spéciale (art. 169 et 178 CC

ainsi que 266m-266o CO). Le logement étant un élément vital pour une

famille, l’art. 121 CC permet au juge d’attribuer les droits et obligations

résultant du contrat de bail au conjoint qui n’en est pas titulaire ou de

constituer un droit d’habitation de durée limitée (appréciée selon

l’ensemble des circonstances, art. 4 CC : une prolongation n’est pas

possible sur la base de l’art. 272b CO mais le droit d’habitation peut

être inscrit, sur demande, au registre foncier). à ce même conjoint.

Pour que cela soit possible, trois conditions doivent être remplies :

o Il faut un logement de la famille, à savoir le lieu qui, de par la

volonté des époux, est destiné à les abriter, eux et leurs enfants

mineurs (non pas une résidence secondaire ; art. 169 CC).

o La présence d’enfants ou d’autres motifs importants doivent

justifier l’attribution du logement (raison de santé, exercice d’une

activité lucrative, garde des enfants ou attribution de l’autorité).

o L’attribution du logement doit être raisonnablement imposable à

l’autre conjoint : le juge doit procéder à une pesée d’intérêts.

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Comme dit précédemment, le divorce entraîne certaines conséquences dans

le domaine des assurances sociales (assurer financièrement les risques liés à

la perte des revenus consécutive à l’avancement en âge ou à l’invalidité), que

ce soit par rapport au premier pilier (AVS / AI), au deuxième pilier (PP) ou au

troisième pilier (prévoyance individuelle liée). Il faut donc distinguer les effets

du divorce sur chacun des trois piliers du système suisse :

- Le premier pilier : constitué de trois éléments (AVS, AI et prestations

complémentaires), il garantit principalement trois types de prestations

(AVS) : la rente de vieillesse (retraite, art. 34 LAVS), la rente d’orphelin

(art. 25 LAVS) et la rente de survivant (veuf, art. 23 LAVS). Pour ce qui

est de la rente de vieillesse, le divorce applique le principe du splitting,

qui met les deux conjoints sur un pied d’égalité : chaque époux se voit

attribuer la moitié des revenus globaux que le couple a réalisés. En ce

qui concerne la rente de survivant (pour veuf et veuve), une personne

divorcée est assimilée à une veuve ou à un veuf si elle remplit les

conditions de l’art. 24a al. 1 LAVS. Dans ce cas, le conjoint divorcé a

droit à une rente de veuf jusqu’à son remariage éventuel.

- Le deuxième pilier : la prévoyance professionnelle (PP) complète le

premier pilier : les deux piliers cumulés ont pour but de garantir à la

personne qui prend sa retraite au moins 60% de son dernier salaire.

Les caisses de pension versent des rentes de vieillesse de d’invalidité

pour l’assuré, des rentes d’enfants ainsi que des rentes de survivant.

Le droit du divorce prévoit le partage équitable entre les deux conjoints

des expectatives de PP qu’ils ont accumulées pendant toute la durée

du mariage, indépendamment du RM. Selon le système du deuxième

pilier, chaque personne assurée dispose d’une prestation de sortie, qui

peut être calculée à tout moment (capital de prévoyance accumulé

grâce aux cotisations de l’assuré et de l’employeur). Le législateur a

articulé le système autour de la survenance d’un cas de prévoyance :

o Si aucun cas n’est survenu à l’entrée en force du jugement de

divorce, chaque époux a alors droit à la moitié de la prestation

de sortie de son conjoint (conditions à l’art. 122 CC). Il n’est en

outre pas nécessaire que les deux époux soient affiliés LPP.

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o Si un cas de prévoyance est déjà survenu par contre, le partage

est impossible et l’époux ayant une prévoyance moindre a droit

à une indemnité équitable de la part de son conjoint (art. 124).

Le calcul du montant à verser (moitié de la prestation de sortie calculée

pour la durée du mariage) se fait sur la base de la LFLP (art. 15 ss). Au

montant de base (prestation de sortie au moment du divorce moins

prestation acquise au moment du mariage plus intérêts), il faut encore

ajouter les éventuels capitaux de libre-passage et autres versements

anticipés. En outre, les rachats (suppléments de cotisations payés à

l’IPP pour que les prestations futures soient calculées sur la base du

nouveau salaire, plus élevé que l’ancien) ne doivent être comptés dans

la prestation de sortie que s’ils ont été effectués avec des ressources

qui seraient qualifiées d’AQ (dans le RM ordinaire). Le versement ne

se fait alors pas en espèce mais sous forme de transfert à la caisse de

pension de l’époux créancier : celui-ci voit ainsi ses expectatives de

prévoyance grossir (au contraire de l’époux débiteur, qui subit une

diminution de ses expectatives de prévoyance). On peut ensuite

distinguer deux situations, selon la volonté des époux :

o En cas d’accord des époux : ils produisent une attestation des

IPP confirmant le caractère réalisable de l’accord et le montant

des avoirs (art. 141 al. 1 CC). Toute la procédure se déroule

devant le juge matrimonial. Si l’IPP refuse le transfert, l’époux

créancier devra procéder par la voie de l’exécution forcée (le

jugement de divorce constitue u titre de mainlevée définitive).

o En l’absence d’accord des époux : dans ce cas, le juge doit fixer

le montant précis des avoirs de prévoyance qui reviennent à

chacun des époux puis exécuter d’office le partage sur la base

de la clé de répartition déterminée par le juge du divorce.

Précisons qu’un époux peut renoncer au partage (art. 123 al. 1 CC)

mais l’art. 141 al. 3 impose au juge de vérifier d’office que l’époux

renonçant bénéficie alors d’une autre manière d’une PP équivalente

(solide troisième pilier, contribution d’entretien viagère, grosse fortune).

De même, le juge peut (doit) refuser le partage si celui-ci débouche sur

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une situation manifestement inéquitable (art. 123 al. 2 et art. 4 CC).

Comme dit précédemment, si un cas de prévoyance est survenu ou s’il

n’est pas possible de partager les avoirs de prévoyance pour d’autres

motifs, l’art. 124 CC prévoit l’octroi d’une indemnité équitable, qui peut

être versée sous forme de rente ou sous forme de capital. Pour fixer le

montant de l’indemnité, le juge doit tenir compte de la contribution

d’entretien de l’art. 125 CC. Ajoutons qu’un époux peut, comme dans

le cadre de l’art. 122 CC, renoncer à l’indemnité équitable. De même,

le juge peut la refuser si cela serait manifestement inéquitable.

- Le troisième pilier : purement facultatif, il est destiné à la couverture de

besoins plus étendus de la personne (fonds d’épargne exclusivement

destinés à la prévoyance bénéficiant d’avantages fiscaux). Ce mode de

prévoyance est notamment choisi par les personnes exerçant une

activité lucrative indépendante. Au moment du divorce, le partage du

troisième pilier obéit aux règles du RM (PàA : sources de financement).

Pour terminer avec les effets patrimoniaux du divorce, il convient de parler de

la contribution d’entretien. Même si la contribution d’entretien imposée par le

mariage s’éteint au divorce, il se peut qu’un époux doive continuer à subvenir

aux besoins de son conjoint. Jadis, la contribution était octroyée uniquement

que si un époux subissait un dommage fautif. Aujourd’hui, cette notion de

faute a été écartée : le seul critère déterminant est la capacité d’assurer soi-

même son entretien convenable. Ainsi, selon l’art. 125 CC, si l’on ne peut

raisonnablement attendre d’un époux qu’il pourvoie lui-même à son entretien

convenable, l’autre lui doit une contribution équitable. L’art. 125 al. 2 CC

énumère une série de huit critères qui permettent de trancher la question : la

répartition des tâches pendant le mariage, la durée du mariage, le niveau de

vie des époux pendant le mariage, l’âge et l’état de santé des époux, les

revenus et la fortune des époux, l’ampleur et la durée de la prise en charge

des enfants, la formation professionnelle et les perspectives de gain (ainsi

que le coût probable de l’insertion professionnelle du bénéficiaire) et enfin les

expectatives de l’AVS, de la PP et des autres formes de prévoyance. Au final,

peu importe les critères, le Tribunal fédéral exige que la fixation des

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contributions d’entretien n’entame pas le minimum vital du débirentier (l’époux

crédirentier ne recevra donc parfois pas une contribution suffisante).

En outre, en vertu de l’art. 125 al. 3 CC, la contribution peut être refusée en

tout ou en partie lorsqu’elle s’avère manifestement inéquitable (cela reste en

pratique exceptionnel : concrétisation de l’interdiction de l’abus de droit). En

principe, l’art. 126 al. 1 prévoit que la CdE est versée sous forme de rente

mais une CdE en capital est envisageable (art. 126 al. 2). Enfin, l’art. 126 al. 3

permet d’assortir de conditions ou de termes l’obligation de verser une CdE.

Le juge peut ainsi prévoir que la contribution augmentera ou diminuera lors de

la survenance d’événements déterminés dont la prévisibilité est suffisante.

Les art. 127-128 traitent respectivement de l’exclusion des modifications et de

l’indexation de la contribution (adaptations au coût de la vie). L’art. 129 CC

permet au juge de modifier la CdE, non plus par rapport au coût de la vie

(éléments externes), mais par rapport à la situation de l’un des ex-conjoints

(éléments internes). La modification doit alors être demandée par le biais

d’une action en modification du jugement de divorce.

L’obligation s’éteint au décès du débiteur ou du créancier (art. 130 al. 1). On

constate donc que la CdE n’est pas transmissible aux héritiers. De même,

l’obligation s’éteint si le crédirentier se remarie (sauf si les époux ont prévu le

contraire dans une convention, art. 130 al. 2 CC). L’art. 131 instaure en plus

un système d’aide au recouvrement en faveur du crédirentier : celui-ci peut

s’adresser à l’autorité tutélaire ou à l’office cantonal lorsque son ex-conjoint

néglige son obligation d’entretien. Dans ces cas, l’autorité entreprend les

démarches en vue de recouvrer les CdE non versées (gratuitement). Par

ailleurs, le débirentier qui ne respecte pas son obligation d’entretien (alors

qu’il avait les moyens de le faire) viole l’art. 217 CP.

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Partie 1. Introduction...................................................................................................... 1

Partie 2. Les effets généraux du mariage..................................................................3§1. L’union conjugale.........................................................................................................................................3§2. Le statut personnel des époux................................................................................................................6§3. Demeure commune, domicile et logement familial.......................................................................9§4. Les rapports juridiques entre époux.................................................................................................17§5. Les rapports juridiques avec des tiers..............................................................................................22§6. L’entretien de la famille..........................................................................................................................30§7. La protection de l’union conjugale.....................................................................................................43

Partie 3. Le régime matrimonial................................................................................ 55Chapitre 1. Les dispositions générales..............................................................................55

§8. Le système de la loi...................................................................................................................................55§9. Le contrat de mariage..............................................................................................................................57§10. Le régime extraordinaire.....................................................................................................................60§11. Les autres dispositions générales....................................................................................................62

Chapitre 2. La participation aux acquêts..........................................................................69§12. Généralités.................................................................................................................................................69

Section 1. Structure du régime et situation des époux..........................................................70§13. Les biens propres....................................................................................................................................71§14. Les acquêts.................................................................................................................................................82§15. La preuve de l’appartenance d’un bien.........................................................................................90§16. Administration, jouissance et disposition....................................................................................92§17. Les dettes des époux..............................................................................................................................93

Section 2. Dissolution et liquidation de la PàA.........................................................................97§18. La dissolution du régime.....................................................................................................................98§19. Opérations précédant la liquidation...............................................................................................99§20. Phase 1 : dissociation des patrimoines.......................................................................................100§21. Phase 2 : reprise des biens propres.............................................................................................106§22. Phase 3 : établissement du compte d’acquêts.........................................................................113§23. Phase 4 : répartition des bénéfices...............................................................................................115§24. Le règlement des créances après la liquidation......................................................................118

Partie 4. La dissolution de la communauté de vie.............................................122§25. La séparation de fait des époux......................................................................................................122§26. Les causes de démariage...................................................................................................................123§27. La séparation de corps des époux.................................................................................................124§28. Le divorce................................................................................................................................................126

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