particules élémentaires - université laval
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© Marie-Ève Fréchette, 2018
Particules élémentaires
Mémoire
Marie-Ève Fréchette
Maîtrise en arts visuels - avec mémoire
Maître ès arts (M.A.)
Québec, Canada
Particules élémentaires
Mémoire
Marie-Ève Fréchette
Sous la direction de :
David Naylor, directeur de recherche
III
RÉSUMÉ
Ce texte est une réflexion sur mon parcours en atelier des trois dernières années qui m’a
menée aux projets d’expositions Particules élémentaires I et II. J’aborde l’axe poïétique de
ma pratique artistique et les enjeux théoriques qui en découlent. Mes recherches portent sur
la question de l’objet, son mode d’existence, ses dispositifs de présentation et ses
possibilités de transformation et de signifiance. J’interroge notre rapport à l’objet ainsi que
le rapport au corps et à l’espace propre à la sculpture. La structure formelle du texte reflète
mon approche sculpturale en atelier, tel un ensemble de fragments inter-reliés qui se
développent à l’instar d’un rhizome ou d’une toile d’araignée. À l’image de mon travail qui
se matérialise en corpus protéiformes, je développe dans ce texte différentes idées qui
cohabitent et convergent pour devenir complémentaires. La somme de ces fragments
constitue l’ensemble de ma démarche actuelle. Cette réflexion doit être considérée en
continuum avec mon expérience en atelier et est donc indissociable de ma pratique
plastique.
Mots clés : sculpture, espace, objet, objectité, sens, signifiance, indistinction, résistance
IV
TABLE DES MATIÈRES
RÉSUMÉ ........................................................................................................ III
LISTE DES FIGURES ................................................................................... V
REMERCIEMENTS .................................................................................... VI
INTRODUCTION ....................................................................................... - 1 -
1 LE VIVANT .......................................................................................... - 2 - 1.1 NOUS SOMMES DE LA MATIERE ............................................................................................ - 2 -
2 L’ESPACE ............................................................................................ - 5 - 2.1 L’ATELIER .......................................................................................................................... - 5 - 2.2 CONSTRUCTION – MASSE – VOLUME – EQUILIBRE .................................................................. - 5 - 2.3 UNIVERS INDEFINIS ............................................................................................................ - 7 - 2.4 INDISTINCTION .................................................................................................................. - 7 -
3 L’OBJET ............................................................................................. - 10 - 3.1 COLLECTION D’OBJETS NON IDENTIFIES ................................................................................ - 10 - 3.2 INTENTION ...................................................................................................................... - 10 - 3.3 TEMPORALITE .................................................................................................................. - 12 - 3.4 MATERIALITE................................................................................................................... - 13 -
4 LE SENS .............................................................................................. - 14 - 4.1 ABOUT « ABOUTNESS » .................................................................................................... - 14 - 4.2 SIGNIFIANCE .................................................................................................................... - 15 - 4.3 RESISTANCE .................................................................................................................... - 17 -
5 PARTICULES ÉLÉMENTAIRES ................................................... - 22 -
CONCLUSION .......................................................................................... - 23 -
FIGURES ................................................................................................... - 24 -
BIBLIOGRAPHIE .................................................................................... - 52 -
V
LISTE DES FIGURES
Figure 1. Marie-Ève Fréchette. Sans-titre, Objets idiopathiques, p.24
Figure 2. Marie-Ève Fréchette. Anomalie/ Saturation sérotoninergique/ Genèse du chaos,
Objets idiopathiques, p.25
Figure 3. Marie-Ève Fréchette. Genèse du chaos, Objets idiopathiques, p.26
Figure 4. Marie-Ève Fréchette. ∞, Objets idiopathiques, p.27
Figure 5. Marie-Ève Fréchette. Débordement synaptique, Objets idiopathiques, p.28
Figure 6. Marie-Ève Fréchette. Vue de l’atelier, p.29
Figure 7. Marie-Ève Fréchette. Vue de l’atelier, p.29
Figure 8. Marie-Ève Fréchette. Ω, p.30
Figure 9. Marie-Ève Fréchette. Métaphysique des tubes, p.31
Figure 10. Marie-Ève Fréchette. Particules élémentaires I, p.32
Figure 11. Marie-Ève Fréchette. Particules élémentaires I, p.33
Figure 12. Marie-Ève Fréchette. Particules élémentaires I, p.34
Figure 13. Marie-Ève Fréchette. Sans-titre, Particules élémentaires I, p.35
Figure 14. Marie-Ève Fréchette. Sans-titre, Particules élémentaires I, p.36
Figure 15. Marie-Ève Fréchette. S.V.A.T.N. /Sans-titre / O.B.N.I. :
Particules élémentaires I, p.37
Figure 16. Marie-Ève Fréchette. O.B.N.I., Particules élémentaires I, p.38
Figure 17. Marie-Ève Fréchette. Particules élémentaires I, p.39
Figure 18. Marie-Ève Fréchette. Sans-titre, Particules élémentaires I, p.40
Figure 19. Marie-Ève Fréchette. Sans-titre, Particules élémentaires I, p.41
Figure 20. Marie-Ève Fréchette. Particules élémentaires I, p.42
Figure 21. Marie-Ève Fréchette. Ω, Particules élémentaires I, p.43
Figure 22. Marie-Ève Fréchette. Sans-titre, Particules élémentaires I, p.44
Figure 23. Marie-Ève Fréchette. ( + Ω), Particules élémentaires I, p.45
Figure 24. Marie-Ève Fréchette. ( + Ω), Particules élémentaires I, p.46
Figure 25. Marie-Ève Fréchette. ( + Ω), Particules élémentaires I, p.47
Figure 26. Marie-Ève Fréchette. ( + Ω), Particules élémentaires I, p.47
Figure 27. Marie-Ève Fréchette. Particules élémentaires I, p.48
Figure 28. Marie-Ève Fréchette. Particules élémentaires II, p.49
Figure 29. Marie-Ève Fréchette. Particules élémentaires II, p.50
Figure 30. Marie-Ève Fréchette. Particules élémentaires II, p.51
VI
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier mon directeur de recherche, David Naylor, pour les discussions
pertinentes et l’aide apportée durant la réalisation de ce projet. Je remercie également
Amélie Laurence Fortin et toute l’équipe de Regart Centre d’artistes en art actuel, Maxime
Rheault et Chany Lagueux de Criterium, ainsi que Jean-Pierre Morin, Guillaume D. Cyr,
Benoit Perrin, Lise Taillon et Martin Lépine.
VII
« Lorsqu’on dispose les éléments un par un,
les qualités diverses et l’aura des fragments isolés
se combinent, fusionnent ou se contredisent
de manière telle que […] la matière devient poésie1. »
1 William SEITZ, cité dans : Judith COLLINS, La sculpture aujourd’hui, Paris, Phaidon, 2008, p.414
- 1 -
INTRODUCTION
Durant ce projet de maîtrise, mes recherches portent sur la question de l’objet, son mode
d’existence et ses dispositifs de présentation. J’interroge notre rapport à l’objet en
m’intéressant à ses possibilités de transformation et de signifiance. Dans une volonté
d’abstraire l’objet fabriqué de son registre fonctionnel au profit de sa présence immédiate,
je cherche à en modifier le mode d’existence afin qu’il se révèle autrement, dans une
résistance signifiante.
J’explore la mutabilité des objets et leurs connexions par diverses techniques
d’accumulation et d’appropriation qui activent leur coexistence. Mon travail sculptural se
présente en différents corpus qui articulent l’espace dans lequel ils prennent forme. Je
cherche ainsi à induire des échos entre les différentes pièces du corpus, à multiplier les
rapports internes de l’ensemble. J’observe de quelle manière, d’une part, la mise ensemble
d’éléments divers peut niveler leurs significations (leurs origines, références, fonctions…)
dans une logique quasi-quantitative et, d’autre part, comment une chose ou un objet
ordinaire peut prendre un surcroît de présence à côté d’un autre, selon le contexte.
Comment cette chose apparaît dans ce qu’elle est, dans sa qualité d’objet.
Ce texte accompagne l’exposition Particules élémentaires I, présentée en janvier 2018 à
Regart centre d’artistes en art actuel à Lévis, ainsi que l’exposition Particules élémentaires
II, présentée en juin 2018 à la galerie Criterium à Québec. Un corpus qui se décline en deux
propositions, chacune étant fonction du lieu dans lequel elle prend forme.
- 2 -
1 LE VIVANT
1.1 Nous sommes de la matière
J’ai une approche empirique de l’espace et des objets comme point de départ de mes
recherches. Pour comprendre ce que je pressens, il faut que je l’expérimente. Je suis une
matière première ; je fais partie de l’équation. J’aborde mes projets comme une matière
vivante et malléable. Je considère en ce sens que l’œuvre qui émerge ne dépend pas
uniquement de moi, mais possède une certaine autonomie.
Mon travail reflète ma manière de voir mon environnement et d’en rendre compte.
J’observe la façon dont le monde se construit et se transforme. Je questionne son
fonctionnement et l’action que nous avons sur celui-ci. Notre impact écologique sur
l’écosystème terrestre et la biosphère étant devenu une force géologique majeure, nous
sommes entrés dans l’ère géologique anthropocène2 qui rend compte de ces actions
anthropiques. L’humain est une machine biologique instable qui transforme son
environnement, et ce dernier le transforme en retour.
Que nos recherches se situent en physique, en biologie ou en art, ce ne sont que différentes
façons de tenter de rendre compte de notre réalité. Mes études antérieures en sciences
contaminent certainement mon travail sculptural actuel. Je m’intéresse à la physique, la
biologie, la biochimie et à tout ce qui concerne la transformation du vivant. Je suis intriguée
par la structure interne de la nature qui, sous un haut niveau d’ordre apparent, comporte des
systèmes dynamiques où coexistent des sous-structures chaotiques imprévisibles3.
Dans le projet Objets idiopathiques4 (figures 1 à 5), une exposition que j’ai présentée avant
d’entreprendre mon travail de maîtrise proprement dit, je me suis particulièrement
2 Anthropocène : terme proposé par Paul Crutzen en 2000, Prix Nobel de chimie et employé pour désigner une nouvelle
ère géologique (depuis la révolution industrielle) résultante des actions néfastes de l’Homme sur l’environnement
mondial : Audrey, GARRIC, Bienvenue dans une nouvelle ère géologique l’anthropocène, dans Le Monde. Fr, Blog,
http://ecologie.blog.lemonde.fr/2011/01/14/bienvenue-dans-une-nouvelle-ere-geologique-lanthropocene/, [En ligne],
(Page consultée le 22 avril 2018) 3 James, GLEICK, La théorie du chaos, Vers une nouvelle science, Paris, Flammarion, Champs – Université, 1991 4 Objets idiopathiques, exposition individuelle présentée à Espace Parenthèse, Québec, 2014
- 3 -
intéressée aux anomalies en référant à certains dysfonctionnements biochimiques. Le
corpus se matérialise en un ensemble d’étranges volumes qui semblent issus d’une
croissance anarchique. Des matrices en mutation qui questionnent leur évolution, leur
puissance et leur limite. Ce sont des volumes qui mettent en relief une matière exposée au
mouvement et à la pression qui génère un débordement de formes stratifiées qui se
déversent dans l’espace. « Idiopathique » est un terme emprunté à la médecine pour
qualifier un signe ou un symptôme qui existe par lui-même, dont on ignore la cause et pour
lequel l’évolution demeure hypothétique5. Il évoque l’aspect métaphorique de ses formes
plastiques d’origine et de destination inconnues, paradoxalement autonomes. Ce sont des
objets « vivants » qui se transforment dans le temps, animés d’une forme d’entropie.
Dans une perspective élargie, mon travail propose un questionnement sur le vivant, sa
complexité, ses paradoxes, sa force et sa fragilité, sa puissance et ses limites. La facture
organique de mon travail en témoigne. La fabrication de formes et de structures
biomorphiques reflète mon intérêt pour les systèmes biologiques, la matière organique et
les anomalies et désordres qui s’y développent. La tension entre un équilibre d’apparence
précaire et la stabilité de la masse qui s’impose par sa dimension à échelle humaine peut
évoquer certains dualismes propres au vivant : force/fragilité, ordre/chaos, norme/anomalie,
genèse/déclin. Je m’intéresse aux tensions inhérentes à leur dichotomie.
Les notions de métamorphose et de prolifération, qui sont intimement liées au vivant et
dans lesquelles réside l’idée de mouvement, se dégagent de l’ensemble de mon travail, bien
qu’elles ne soient pas l’objet direct de mes recherches. L’accumulation des objets dans
l’espace et le recours à la répétition de mêmes formes ou de motifs (structures symétriques
répétitives d’objets usinés, spirales, ressorts, formes stratifiées) suggèrent l’idée de
prolifération ou de l’ordre apparent qui régit la nature. Aussi, j’aime l’idée de figer un
instant dans l’évolution des formes que je fabrique. Fixer un état transitoire, pérenniser
l’éphémère et conserver ce qui s’achemine vers la disparition. Je considère certaines
sculptures comme des états transitoires qui ont le potentiel de se transformer dans le temps,
5 Dictionnaire médical de l’Académie de médecine, version 2016, Académie nationale de médecine,
http://dictionnaire.academie-medecine.fr/?q=idiopathique, [En ligne], (Page consultée le 18 avril 2018)
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au propre comme au figuré. D’une part, certains assemblages sont éphémères littéralement
et se présentent en continuité avec l’espace dans lequel ils s’inscrivent. Leur élaboration est
circonstancielle à l’espace et au corpus. Certaines pièces seront ainsi réutilisées dans des
œuvres ultérieures. D’autre part, certaines sculptures sont pérennes, notamment celles de
facture organique, et semblent être en processus de métamorphose par leur forme en
apparence molle et non résolue. Un paradoxe existe dans la fixité de ces objets d’apparence
informe et malléable qui sont pourtant fabriqués avec des matériaux fixes et rigides. Un
contrôle de la matière demeure dans cette tendance vers le désordre suggéré.
- 5 -
2 L’ESPACE
2.1 L’atelier
Mon atelier est un espace de collecte et d’archivage d’objets divers. Il possède une structure
dynamique qui lui est propre. Depuis le début de mon projet de maîtrise, j’y accumule
intuitivement un inventaire de choses qui m’intriguent et que je trouve dans mon
environnement immédiat, les rues du centre-ville où j’habite, les brocantes ou les fonds
d’ateliers : objets ou fragments d’objets, artefacts, chutes d’une production, outils et
matériaux divers. Ce sont des pièces usinées, de rebus, anonymes ; je les empile
aléatoirement dans l’idée d’une éventuelle récupération dont j’ignore au départ la finalité.
Je m’intéresse à la relation du corps à l’espace propre à la sculpture. La question de
l’échelle est donc importante. Je travaille en trois-dimensions dans l’espace réel à partir des
objets et des matériaux qui m’entourent, ce qui fait en sorte que je travaille dans les limites
physiques de mon corps, à même le sol. Il en résulte des objets à mon échelle, qui me
confrontent dans mon espace et qui existent dans leur matière, leur étrangeté. Mes objets
sont ainsi conçus pour être déposés à même le sol, sans socle, disposés à la même hauteur
que le regardeur afin que celui-ci l’appréhende dans un contexte similaire à sa construction.
2.2 Construction – masse – volume – équilibre
Mon processus est ainsi intimement lié à l’espace de l’atelier. La collecte de cet amalgame
d’objets de rebus devient une méthode de travail. C’est en travaillant organiquement, où
une décision en entraîne une autre, sur plusieurs pièces simultanément que je tente de créer
un espace actif où les choses qui cohabitent peuvent se contaminer. L’espace constitue une
matière première importante : il induit des connexions et constitue un milieu liant les divers
éléments qui s’y retrouvent. C’est en fait ce potentiel d’interaction même qui m’intéresse.
Certaines amorces de sculptures convergent parfois pour former un corpus autour d’une
idée commune. J’observe ces connexions qui se créent, fortuites ou non, improbables et
- 6 -
incongrues. Quelques fois, les éléments semblent devenir autres en se combinant. Une sorte
d’alchimie semble se produire. Certains détails m’incitent à développer une idée, un geste,
un concept. La répétition d’un même, le poids, la masse, l’équilibre, la signifiance d’un
matériau. Quelques esquisses et notes dans un carnet, mais aucun plan préparatoire n’est
produit. Les idées ne sont que des points de départ pour entamer une recherche, elles ne
prévoient jamais la finalité. « Les idées ce sont des potentiels6 » dit Deleuze. Une idée de
départ est souvent un fragment, un élément anodin, la manière dont un objet est appuyé au
mur et qui soudainement capte mon attention lorsqu’il côtoie par hasard un autre élément.
Je cherche à laisser les choses apparaître, venir à la présence. J’observe, j’assemble, je
déplace, j’emboîte, je superpose et j’observe à nouveau. Ce qui implique une ambivalence
entre le désir de donner un ordre aux choses et la volonté de laisser les choses s’organiser
elles-mêmes, selon une logique qui leur est propre.
Dans l’assemblage de ces pièces hybrides, je vise une sobriété formelle qui résulte d’une
succession de choix et de prises de décisions. Je m’intéresse à la structure interne de mes
sculptures ; aux systèmes qui les font fonctionner. Il y a quelque chose d’évolutif et
d’organique dans le processus d’assemblage. Ce jeu d’équilibre dans la construction est
parfois suggéré, parfois réel. Par exemple, Sans-titre (figures 11-12, objet gris) est un
volume massif fixe, en apparence instable, qui s’érige sur un seul pied et s’allonge en porte-
à-faux. Avec Sans-titre (figures 13-14), l’équilibre est réellement précaire. Le haut-relief
fabriqué de retailles d’emballage de polystyrène moulé est construit en équilibre un
morceau à la fois, sans qu’aucun ne soit fixé aux autres. Tous les morceaux sont donc
nécessaires au maintien de l’équilibre de la structure. Les décisions sont fonction de la
gravité et de l’équilibre et non pas d’une préconception esthétique.
6 Gilles DELEUZE, « Qu’est-ce que l’acte de création ? », extrait de la conférence L’acte de création donnée dans le cadre
des Mardis de la fondation Femis, 17 mai 1987, Art & thoughts ,2013, Carmen Lobo,
https://articulosparapensar.wordpress.com/2013/02/17/gilles-deleuze-quest-ce-que-lacte-de-creation/, [En ligne], (Page
consultée le 18 avril 2018)
- 7 -
2.3 Univers indéfinis
Mes objets se regroupent pour former des corpus qui sont évolutifs. Les circonstances
réelles de la rencontre entre l’objet et l’espace sont importantes dans la lecture. Le sens de
l’œuvre naît de ces interactions entre les différentes pièces mises en relation. Ces corpus
sont des systèmes à l’intérieur desquels se développe une logique qui leur est propre.
Chacun constitue une proposition contextuelle qui peut se reformuler avec l’ajout ou le
retrait de certaines pièces. Chaque élément est important et réfléchi, tout en étant le
fragment d’un tout.
2.4 Indistinction
Dans la constitution de ma collection d’objets, il y a ainsi une volonté de dé-classification
et d’indistinction. Il importe que les choses ne soient pas classées car c’est dans ce contexte
de désordre que certains objets singuliers, solitaires, parviennent à se relier entre eux et
évoluer sur un même filon. Je veux que mes objets discutent entre eux.
Je suis intriguée par la pensée de Graham Harman qui, en ce sens, questionne le « privilège
accordé traditionnellement à la relation sujet/objet qui a occulté la relation que peuvent
avoir entre eux les objets (comme par exemple le feu et le coton, l’eau et la roche, la
poussière qui s’accumule sur une malle au grenier pendant notre absence, etc.)7 ». Croyant
qu’il existe quelque chose en dehors de notre subjectivité, l’auteur propose l’existence des
«objets extramentaux» dans une « ontologie orientée vers l’objet » qui remet en question
celles qui proposent « une pensée de notre pensée des choses »8. Ce qui ne renie
évidemment pas notre expérience subjective dans la connaissance des choses.
Dans Forme et objet, un traité des choses, Tristan Garcia rend compte également de ce
rapport différent au monde en développant le concept « d’ontologie plate ».9 Il écrit : « […]
on a vu récemment apparaître cette idée d’« ontologie plate » afin de qualifier des pensées
7 Pierre-Alexandre FRADET, Tristan GARCIA, « Petit panorama du réalisme spéculatif », Le réalisme spéculatif, Spirale
: arts lettres sciences humaines, n255, hiver (2016), p. 27-30, http://magazine-spirale.com/dossier-magazine/petit-
panorama-du-realisme-speculatif, En ligne , (Page consultée le 18 avril 2018). 8 Ibid., p. 27-30 9 Tristan GARCIA, Forme et objet, un traité des choses, France, Puf Métaphysiques, 2011
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ne hiérarchisant pas les entités du monde autour de substances ou à partir de principes
transcendantaux, mais reconnaissant une égale dignité ontologique à tout ce qui est
individué10
». Garcia imagine un monde qui serait plat, composé de choses isolées
possédant toutes une valeur identique. Il mentionne que si « n’importe quoi est quelque
chose », toutefois, « quelque chose n’est pas n’importe quoi »11
. Garcia se questionne à
savoir « Comment comprendre, finalement, qu’un objet d’art ne soit pas qu’un objet ?12
» et
« qu’une œuvre d’art soit toujours une chose 13
».
Le rapport d’interdépendance entre mon travail, orienté vers l’objet, et mon espace d’atelier
soulève cette question de la distinction ontologique entre l’objet d’art et le simple objet. Je
parle spontanément de mon travail en tant qu’objet, sculpture, expérimentation, présence,
mais plus rarement en tant qu’œuvre. Il survient parfois une confusion entre ce qui est
délibéré et ce qui est fortuit, entre mon travail, qui résulte de décisions successives, et les
autres objets-rebus-matériaux qui coexistent dans le même espace d’atelier. Une vision non
hiérarchique des éléments, qui crée une indistinction entre ce qui est un simple objet et ce
qui est ou pourrait être/devenir un objet d’art, est alors possible. Des éléments extérieurs,
qui peuvent aussi être d’ordre architectural ou du mobilier, peuvent venir parasiter
visuellement l’« œuvre » et intervenir dans sa structure. Je trouve intéressant de les
considérer et de conserver cette ambiguïté concernant l’appartenance ou non à l’œuvre, sur
ses limites. Mes sculptures ne sont donc pas fermées sur elles-mêmes ; elles s’approprient
l’espace qui les entoure et les présente (figures 18 et 21).
Cette indistinction se manifeste également dans mon travail dans lequel j’assemble de
manière non-hiérarchique les objets que je fabrique et les objets usinés récupérés. Je
questionne le socle en incluant le dispositif comme partie intégrante de l’objet. De cette
manière, l’objet supportant (qui agit à titre de socle), est d’importance égale à l’objet
supporté, il s’insère comme un élément actif de l’ensemble (figures 10, 16, 19). Je veux
10 Tristan, GARCIA, Op cit., p.11 11 Ibid., p.62 12 Ibid., p.298 13 Ibid., p. 299
- 9 -
utiliser les objets « comme des faits sculpturaux agissants, avec de réelles conséquences
sculpturales.14
».
Mon travail en sculpture porte ainsi sur la notion de l’objet et joue sur ce potentiel
d’indistinction entre art et non-art et l’ambigüité qui en découle. Dans cette volonté de ne
pas définir ni classifier les objets réside un intérêt pour leur identité propre, leur objectité.
Je m’intéresse aux objets pour eux-mêmes. Je veux mettre en évidence cette objectité et
expérimenter de quelle façon cette chose agit dans ce qu’elle est, dans ses qualités
intrinsèques.
.
14 John KELSEY, cité par Audrey LAUNEY : Audrey Launey réfère également à l’ontologie plate développée par Tristan
Garcia lorsqu’elle commente le travail de Rachel Harrison : Aude, LAUNEY. L’objet, la chose et le n’importe quoi dans
la sculpture de R. Harrison, 02, https://www.zerodeux.fr/guests/lobjet-la-chose-et-le-nimporte-quoi-dans-la-sculpture-de-
rachel-harrison/,John Kelsey « Sculpture in an Abandoned Field », in If I did It, p. 122., [En ligne], (Page consultée le -04-
2018).
- 10 -
« La sculpture vous éloignera toujours
des solutions réconfortantes.
Elle s’applique à défaire le rôle et l’usage du construit,
elle cache tout ce qu’elle montre.
C’est un objet qui s’objecte sans objectif.15
»
3 L’OBJET
3.1 Collection d’objets non identifiés
J’aime triturer les modes de présentation de l’objet. Je les fabrique, les trouve, les
collectionne, les assemble, les transforme. J’observe comment les choses sont faites,
comment je peux les déconstruire pour les reconstruire autrement, dans un autre matériau
ou à une échelle différente par exemple. C’est en les manipulant que je me les approprie et
les redécouvre. Je choisis mes objets indépendamment de leurs fonctions ou symbolismes,
au profit de leurs caractéristiques physiques et matérielles et leur potentiel structurel. Je
préfère les objets obsolètes industriels. Ils sont plus silencieux et anonymes que les objets
du quotidien, moins chargés symboliquement, mais tout de même dotés de sens. Certains
d’apparence austère sont à la fois sensuels dans leur matérialité et leur forme. Assemblé
aux formes abstraites que je fabrique, l’objet usiné que l’on reconnait ajoute un point
d’ancrage qui stimule l’imaginaire tout en demeurant une variable inconnue à l’équation.
Le tout est une énigme.
3.2 Intention
Les objets « fonctionnels » sont des dispositifs de discours. Dotés d’associations ou de
significations, je les incorpore dans mon travail en les faisant parler autrement. Il ne s’agit
donc pas ici de leur signification mais de leur mode de présence. Je cherche à permettre un
15 Gilles MIHALCEAN, cité par Charles GUILBERT, « Gilles Mihalcean. Mettre son monde sur la table »/ Gilles
MIHALCEAN, Galerie Roger Bellemarre, Espace : Art actuel, n° 97, 2011, Montréal, p. 44-46, Extrait d’un entretien à la
Galerie Roger Bellemarre, 11 février 2011, https://www.erudit.org/fr/revues/espace/2011-n97-espace1817376/64855ac/ ,
[En ligne], (Page consultée le -04-2018).
- 11 -
devenir autre de l’objet, révéler un sens qui lui serait immanent. Induire une actualisation
de son potentiel dans l’expérience qu’on en fait. Une venue à la présence qui se manifeste
parfois lorsqu’on fait l’expérience d’un objet qui donne l’impression de se soustraire à la
signification pour n’exister que dans son « être là », agir dans ce qu’il est. Sur cette
problématique de l’objet, David Naylor écrit :
Pour que l’objet donne la sensation qu’il vient à la présence, c'est-à-
dire qu’il devient œuvre, il me semble qu’il faut qu’il se définisse en
différence à quelque chose d’autre, mais quoi ? […] Pour moi, l’objet,
c’est ce qui doit venir à la présence, alors qu’il est déjà présent. Donc,
je me dis : il ne peut le faire qu’en différence avec lui-même16
.
J’expérimente, mais pas sans intention déterminante. J’utilise le vocabulaire de la sculpture
pour questionner l’objet dans l’espace. Je fabrique des objets que j’ai envie de voir exister.
Poser un geste sur ce qui m’entoure, manipuler l’objet dans une volonté de le réactiver au-
delà de ses fonctions d’usage. Induire une tension qui anime l’objet d’une manière
différente et tenter de le soustraire de sa signification au profit de l’œuvre en l’utilisant
comme un fait sculptural actif. Je veux faire voir l’objet/ la chose et non ce qu’il/elle
représente. Robert Morris écrit : « Voir, consiste à oublier le nom des choses que nous
regardons17
. ».
La motivation à entreprendre la conception d’une sculpture est d’agir sans connaître au
préalable sa finalité. J’ignore au départ quelle forme prendra mon travail lorsque j’initie les
choses : en cours de route quelque chose se passe, ou non, avec préméditation ou pas.
Ultimement, je choisis de conserver, d’approfondir ou de rejeter les résultats, imprévus et
erreurs. Sur sa démarche de création, Marguerite Duras écrit :
L’écriture c’est l’inconnu. […] Si on savait quelque chose de ce qu’on
va écrire, avant de le faire, avant d’écrire, on n’écrirait jamais. Ce ne
serait pas la peine. Écrire, c’est tenter de savoir ce qu’on écrirait si on
16 Branka KOPECKI, David NAYLOR, « La question de la présence en photographie et en sculpture », dans Bernard
Paquet (éd.), Faire œuvre : transparence et opacité, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2009, p.115 17 Robert MORRIS, cité par Howard* Saul BECKER, Les Ficelles du métier. Comment conduire sa recherche en sciences
sociales, Paris, la Découverte, 1998, p. 143.
- 12 -
écrivait — on ne le sait qu’après — avant, c’est la question la plus
dangereuse que l’on puisse se poser. Mais c’est la plus courante aussi18
.
Les différentes étapes du processus deviennent signifiantes rétroactivement dans leur
relation les unes aux autres. Le processus importe autant que la finalité. Les premiers essais
vont toujours m’amener ailleurs pour redéfinir constamment le corpus. La trajectoire n’est
jamais linéaire, il y a des détours indispensables dans la construction d’une direction, d’un
sens. C’est lorsque des solutions émergent que l’on comprend quelle en était la question de
départ, ce qui caractérise la temporalité complexe paradoxale de l’œuvre. Je poursuivrai
dans les pièces à venir les questions qui sont nées dans les premières. Avant même de
terminer une sculpture, j’envisage déjà la suivante. Ce que je transforme me transforme.
Sur son expérience d’écriture, Michel Foucault écrit :
Je ne l’écris que parce que je ne sais pas encore exactement quoi penser
de cette chose que je voudrais tant penser. De sorte que le livre me
transforme et transforme ce que je pense. Chaque livre transforme ce que
je pensais quand je terminais le livre précédent. Je suis un
expérimentateur et non pas un théoricien … Je suis un expérimentateur
en ce sens que j’écris pour me changer moi-même et ne plus penser la
même chose qu’auparavant19
.
3.3 Temporalité
L’idée même de collection implique une temporalité. La collecte et l’archivage forment un
processus dynamique qui implique une durée et une part de hasard. Ma collection est en
constante évolution. Je n’aime pas travailler à partir du vide, je cherche à intervenir sur ce
qui existe déjà. La récupération constitue la méthode avant le propos. Le recyclage fait
partie de mon quotidien et n’est pas le propre de mon travail sculptural. Il s’y imbrique
naturellement. Le contraire serait pour moi un non-sens. Ma satisfaction dans la fabrication
d’objets/sculptures se retrouve dans l’idée de transformer ma réalité, mon environnement.
Les objets ont ainsi leurs temporalités propres. Certains se transforment dans le temps,
18 Marguerite DURAS, Écrire, Paris, Édition Gallimard, Collection Folio 1993, p. 64-65 19 Michel FOUCAULT, Dits et écrits II. 1976-1988. Paris, Gallimard Collection Quarto, 2001, p. 860-861
- 13 -
d’autres sont permanents physiquement, mais ont un usage temporellement limité (matières
plastiques, polystyrène et verre par exemple).
Dans le projet Particules élémentaires, où j’explore la jonction entre l’organique et le
construit, alliant objets faits main et objets usinés, les formes faites main apportent une
autre temporalité au corpus. Étant uniques, leur fabrication implique temps et répétition de
gestes. Aussi, les matériaux que j’utilise sont susceptibles de se transformer dans le temps
(variation chromatique des résines, altération des traitements de surface etc.). Ils contrastent
en cela des objets usinés d’apparence immuable et reproductibles en série.
3.4 Matérialité
La matière en soi possède un langage organique qui est producteur de sens. Au tout début
de ma pratique, qui a toujours impliqué une expérience sensible des matériaux, j’ai choisi
l’argile, pour ensuite privilégier les polymères de résines et la fibre de verre. Mon projet de
maîtrise a introduit des matériaux industriels et des objets manufacturés. Je m’intéresse à la
chimie des matériaux et j’aime particulièrement ceux qui possèdent une grande plasticité et
un potentiel intrinsèque de transformation, imposant un temps d’action (argiles, résines,
uréthanes, pigments, oxydes, émaux, fusion des métaux). J’aime le moment où la matière se
transforme et passe d’un état à l’autre. L’argile est une matière vivante qui devient
céramique par l’action du feu alors que les résines se figent par une catalysation chimique.
J’ai transposé, avec le temps, mes gestes propres à la céramique (façonnage, modelage,
moulage, taille) dans d’autres matériaux plastiques. Leurs caractéristiques physiques
permettent davantage de possibilités, dont travailler à plus grande échelle et à un rythme
plus intuitif où les essais et erreurs sont privilégiés.
- 14 -
« Don’t ask what the work is. Rather, see what the work does20
. »
4 LE SENS
4.1 About « aboutness »
Quelque chose, mais pas n’importe quoi. Ne pas diriger la lecture de l’œuvre pour ne pas en
fixer le sens n’implique pas que celle-ci peut être tout et son contraire. Ce refus de définir le
contenu de l’œuvre ne signifie pas qu’il n’y en a pas, mais plutôt que le sens ne se réduit
pas à son contenu.
Dans La transfiguration du banal21
, Arthur Danto écrit qu’une œuvre intitulée Sans-
titre possède bien un titre. Ce titre « […] est une directive au moins en ce qu’il indique que
l’objet en question est destiné à ne pas être interprété22
». Même si un artiste déclare de son
œuvre qu’« elle n’est au sujet de rien23
», selon l’auteur, ce n’est pas une description de son
contenu. L’œuvre n’est pas une représentation d’un rien ou du néant : « l’absence de
contenu apparait comme un acte volontaire24
». Il précise que même si l’œuvre est vide de
toute image ou sujet, « il s’agit moins d’une mimesis de la vacuité que d’une vacuité de la
mimésis25
». Aussi, l’auteur explique que « la signification des œuvres résulte toujours de
l’interrelation d’un contenu (il y a toujours un contenu : l’absence de contenu est aussi un
contenu) et du mode de présentation de ce contenu26
». Je suis en accord avec cette idée.
20 Eva HESSE, « Minimalism with a human face: Hesse », Tate, Blogs & channel, publié à l’origine dans Tate
Magazine issue 2, 2002, http://www.tate.org.uk/context-comment/articles/minimalism-human-face-eva-hesse. En
ligne, (Page consultée le 18 avril 2018). 21 Arthur, DANTO, « La transfiguration du banal », une philosophie de l’art, Paris, Seuil.1989, p.32 22 Ibid., p. 32 23 Ibid., p. 32 24 Ibid., p.32 25 Ibid., p.32 26 Ibid., p.16
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Danto y développe également l’hypothèse selon laquelle ce serait seulement l’identification
artistique qui transforme la banalité d’un simple objet (plan matériel et perceptuel) en statut
d’objet d’art (plan intentionnel).27
[…] L’essence de l’art ne réside pas dans des qualités esthétiques et
donc perceptuelles, mais dans sa structure intentionnelle [...]28
.
[…] Lorsqu’on compare des paires d’entités indiscernables dont l’une
est un simple objet et l’autre une œuvre d’art, on constate que leur
différence réside dans le fait que l’œuvre d’art possède une structure
intentionnelle, c’est-à-dire qu’elle est à propos de quelque chose,
contrairement au simple objet réel qui se borne à être ce qu’il est 29
.
Selon Danto, les conditions de possibilité de la signification de l’œuvre d’art lui sont donc
extérieures. Sa dimension perceptible ne détermine pas sa signification. Le contexte et
l’identification de l’œuvre, facteurs extrinsèques, en déterminent le sens. Or, je crois que le
sens d’une œuvre, s’il n’est pas totalement attribuable à ses caractéristiques factuelles, ne se
réduit pas non plus à sa dimension intentionnelle. Le sens d’un objet se construit entre
autres dans des liens dynamiques qu’il entretient avec son environnement, dont l’espace et
la relation avec le regardeur.
Tristan Garcia écrit que « Danto mélange à dessein le sens et la représentation,
l’interprétation et l’art30
». Il explique que ce dernier « [...] aura cherché à relativiser l’art
d’un objet, sa forme de représentation, en le réduisant plus ou moins à son sens [...]31
».
4.2 Signifiance
Je m’intéresse à la manière dont on crée le sens sans le figer. Un sens qui se génère au fur
et à mesure que l’oeuvre prend forme. J’oppose la notion de signifiance à la notion de
signification. C’est un potentiel signifiant que je vise au-delà de la signification.
27 Arthur DANTO, Op. cit., p.14 28 Ibid., p.16 29 Ibid., p.12 30 Tristan GARCIA, Forme et objet, un traité des choses, France, Puf Métaphysiques, 2011, p.282 31 Ibid., p. 282
- 16 -
Dans « Qu’est-ce que la poésie ? », Roman Jakobson explique que le mot n’est pas un sens
univoque qui figerait le langage32
. Il écrit que la poéticité se manifeste :
En ceci, que le mot est ressenti comme mot et non comme simple
substitut de l’objet nommé ni comme explosion d’émotion. En
ceci, que les mots et leur syntaxe, leur signification, leur forme
externe et interne ne sont pas des indices indifférents de la réalité,
mais possèdent leur propre poids et leur propre valeur33
.
La poéticité du langage résiderait dans la distance nécessaire entre la forme et le contenu,
soit entre le signifiant et le signifié34
. En repoussant cette distance à ses limites à en perdre
de vue le signifié, il est possible de faire un lien avec le concept du « troisième sens » de
Roland Barthes qu’il décrit comme « […] un signifiant sans signifié ; d’où la difficulté à le
nommer35
». Je m’intéresse à cette idée qu’une œuvre pourrait générer un sens qui serait
indéfinissable, quelque chose d’indicible qui viendrait s’ajouter à sa lecture et qui ne serait
pas de l’ordre de la signification. Dans ce chapitre de L’obvie et l’obtus, Barthes propose
une analyse sémiotique de photogrammes du cinéaste S.M. Eisenstein dans laquelle il décrit
trois niveaux de lecture à l’œuvre.36
Après avoir fait l’analyse du premier niveau informatif
(celui de la communication) et du deuxième niveau symbolique (celui de la signification), il
constate qu’il subsiste dans l’image quelque chose en suspens qui lui « parait ouvrir le
champ du sens totalement37
», ce qu’il nommera le « troisième sens » ou « sens obtus ».
Selon l’auteur, ce troisième niveau de lecture « […] est celui de la signifiance ; ce mot a
l’avantage de référer au champ du signifiant (et non de la signification) …38
». Il
explique ainsi que contrairement au « sens obvie » (signifié), le « sens obtus » n’a pas de
contenu significatif et ne symbolise rien : Il est « … en dehors du langage (articulé), mais
cependant à l’intérieur de l’interlocution39
». Il s’ajoute et s’autodétermine indépendamment
de la volonté du créateur. Barthes précise cependant que cette fuite de sens n’est pas un
32
Roman JAKOBSON, « Qu’est-ce que la poésie ?» dans Questions de poétique, Paris, Seuil, 1973, p. 44-46 33
Ibid., p.46 34 Ibid., p.44-46 35 Roland BARTHES, « Le troisième sens » dans L’obvie et l’obtus, Paris, Seuil, 1982, p.43 à 58, p.55 36
Ibid., p.43 37 Ibid., p. 45 38 Ibid., p.45; Barthes cite l’auteure Julia Kristeva qui a proposé le terme signifiance 39 Ibid., p. 55
- 17 -
non-sens qui viendrait brouiller la signification de l’œuvre40
. « … Le sens obtus est
discontinu, indifférent à l’histoire et au sens obvie (comme signification de l’histoire) ; cette
dissociation a un effet de … distancement à l’égard du référent …41
. » L’auteur
privilégie donc cette distance pour se concentrer sur le signifiant afin de ne pas figer le sens
et d’en empêcher ainsi la possibilité d’ouverture.
Selon Barthes, cet éloignement envers le référent va à l’encontre du réalisme, procédé qu’il
critique dans L’effet de réel42
. Il déplore cet « effet de réel » propre au réalisme qui, par un
excès de description pour connoter le réel, fige le sens de l’œuvre. À ce sujet, lors d’une
conférence à Bologne (1980), il s’exprime sur cette fuite de sens :
Le sens d’une chose n’est pas sa vérité ; Ce savoir est une sagesse. […]
Tous les artistes, cependant, n’ont pas cette sagesse : certains hypostasient
le sens. Cette opération terroriste s’appelle généralement réalisme43
.
4.3 Résistance
Je n’ai pas le projet de représenter une idée, mais bien de présenter quelque chose. Mes
objets ne représentent pas. Ils existent dans une forme de résistance et non
d’instrumentalisation. L’ouverture de sens qui m’intéresse ne concerne pas le potentiel
polysémique de l’objet, mais bien une volonté d’en prolonger la lecture. Je veux susciter
l’expérience de quelque chose d’inépuisable, qui nous laisse sur le seuil et qui se soustrait
ainsi à l’interprétation. Quelque chose qui résiste à se dévoiler.
Gilles Mihalcean dit de la sculpture qu’elle « vous éloignera toujours des solutions
réconfortantes, elle s’applique à défaire le rôle et l’usage du construit, elle cache tout ce
40 Roland BARTHES, Op. cit., p. 46 41 Ibid., p. 55 42 Roland BARTHES, « L’effet de réel », dans Littérature et réalité, Paris, Éditions Points, 2015, p.81 - 90 43 Roland BARTHES, cité par Nassim DAGHIGHIAN, Théorie de l’image, partie I, Cher Antonioni, tiré de la conférence
à Bologne le 28 janvier 1980, remise prix d’Archiginnedio d’Oro au cinéaste Michelangelo
Antonioni,https://issuu.com/photo-theoria/docs/theorie_image_1/46, p. 50, 15 décembre 2010, En ligne, (Page consultée
le 23 mars 2018)
- 18 -
qu’elle montre. C’est un objet qui s’objecte sans objectif44
. ». Gilles Deleuze voit un lien
entre l’acte de création et l’acte de résistance à quelque chose:
L’œuvre d’art n’a rien à faire avec la communication. L’œuvre d’art
ne contient strictement pas la moindre information. En revanche, il y a
une affinité fondamentale entre l’œuvre d’art et l’acte de résistance.
Alors là, oui. Elle a quelque chose à faire avec l’information et la
communication, oui, à titre d’acte de résistance.
Tout acte de résistance n’est pas une œuvre d’art bien que, d’une
certaine manière elle en soit. Toute œuvre d’art n’est pas un acte de
résistance et pourtant, d’une certaine manière, elle l’est45
.
L’auteur ne précise pas cependant quelle est la nature de cette résistance. Dans Le feu et le
récit, Giorgio Agamben poursuit la réflexion pour comprendre cette relation entre la
création et la résistance évoquée par Deleuze46
. Selon lui, une résistance qui serait comprise
comme une opposition à une force externe n’est pas suffisante pour comprendre l’acte de
création47
. Il écrit :
[…] Dans l’Abécédaire, Deleuze a ressenti le besoin de préciser qu’il
existe un rapport constitutif entre l’acte de création et la libération d’une
puissance. Je pense, cependant, que la puissance que l’acte de création
libère doit être une puissance interne à l’acte lui-même, tout comme
l’acte de résistance doit être lui aussi interne à cet acte. Ce n’est que de
cette manière que la relation entre résistance et création et la relation
entre création et puissance peuvent devenir compréhensibles48
.
Agamben se réfère à la puissance décrite par la thèse d’Aristote selon laquelle elle est
« définie essentiellement par la possibilité de son non-exercice49
» et implique une
44 Gilles MIHALCEAN, cité par Charles GUILBERT, « Gilles Mihalcean. Mettre son monde sur la table »/ Gilles
MIHALCEAN, Galerie Roger Bellemarre, Espace : Art actuel, n° 97, 2011, Montréal, p. 44-46,
https://www.erudit.org/fr/revues/espace/2011-n97-espace1817376/64855ac/ , [En ligne], (Page consultée le 26-04-2018). 45 Gilles DELEUZE, « Qu’est-ce que l’acte de création ? », extrait de la conférence L’acte de création donnée dans le cadre
des Mardis de la fondation Femis, 17 mai 1987, Art & thoughts, 2013, Carmen Lobo,
https://articulosparapensar.wordpress.com/2013/02/17/gilles-deleuze-quest-ce-que-lacte-de-creation/, [En ligne], (Page
consultée le 18 avril 2018) 46
Giorgio AGAMBEN, « Qu’est-ce que l’acte de création ? », Le feu et le récit, 2015, p. 43-67 47 Ibid., p.46 48 Ibid., p.46 49 Ibid., p.47
- 19 -
« co-appartenance constitutive de la puissance et de l’impuissance50
». Puisque la
puissance n’existerait ainsi pas seulement en acte, l’auteur conclut que « l’acte de création
[…] ne peut en aucun cas être compris selon la représentation courante comme une simple
transition de la puissance à l’acte51
». Ainsi, pour expliquer la relation entre création et
résistance énoncée par Deleuze, Agamben écrit :
Il y a, dans tout acte de création quelque chose qui résiste et s’oppose à
l’expression. Résister, du latin sisto, signifie étymologiquement
« arrêter, tenir l’arrêt » ou « s’arrêter ». Ce pouvoir qui suspend et arrête
la puissance dans son mouvement vers l’acte et l’impuissance, la
puissance-de-ne-pas. La puissance est donc un être ambigu, qui veut
non seulement une chose et son contraire, mais contient en elle-même
une résistance intime autant qu’irréductible52
.
Si cela est vrai, nous devons alors considérer l’acte de création comme
un champ de forces tendu entre puissance et impuissance, pouvoir de et
pouvoir de ne pas agir et résister53
.
Selon cette idée, l’acte de création serait inclus dans une logique dynamique du
contradictoire. Un lien est possible avec le concept du Tiers inclus qui met en évidence
l’importance des antagonismes à l’intérieur d’un même sujet. En référant à la notion de
contradictoire reposant sur la physique quantique, Stephane Lupasco utilise les notions
d’actualisation et de potentialisation pour expliquer la structure dynamique de deux
événements antagonistes complémentaires d’où émerge un troisième élément, le Tiers
inclus54
. « Cet état T correspond à cette situation particulière où les deux polarités
antagonistes d'un événement sont d'intensité égale et s'annulent réciproquement pour
donner naissance à une troisième puissance en elle-même contradictoire55
. »
Les états A
(actualisation) et P (potentialisation) ne sont jamais absolus car l’état T est toujours présent
entre les antagonistes, c’est-à-dire qu’il subsiste toujours un quantum de contradictoire56
.
50 Giorgio AGAMBEN, Op cit., p. 49 51 Ibid., p. 50 52 Ibid., p 50-51 53 Ibid., p. 51 54Stéphane LUPASCO, Le principe d'antagonisme et la logique de l'énergie - Prolégomènes à une science de la
contradiction, Coll. "Actualités scientifiques et industrielles", n° 1133, Paris, 1951 55 Dominique TEMPLE, « Le principe d’Antagonisme de Stéphane Lupasco », CIRET, Bulletin interactif du Centre
International de Recherches et Études transdisciplinaires, n.13, mai 1998, http://ciret-
transdisciplinarity.org/bulletin/b13c13.php, [En ligne], (Page consultée le 23 avril 2018) 56 Claude PLOUVIET, « Vision transdisciplinaire de la logique dynamique du tiers inclus contradictoire »,
http://plasticites-sciences-arts.org/PLASTIR/Plouviet%20P34.pdf, p.5 [En ligne], (Page consultée le 23 avril 2018)
- 20 -
En proposant une logique tripolaire du réel, ce concept du Tiers inclus permet une logique
de la complexité, contrairement à la logique classique binaire qui est exclusive et
restrictive. Edgar Morin se réfère notamment à ce concept dans l’élaboration de la Pensée
complexe57
. Plusieurs auteurs se sont intéressés à la question des oppositions/contradictions
et ont affirmé que tout sujet comprend son contre-sujet et que ceux-ci sont conjointement
liés et font partie intégrante l’un de l’autre. La thèse se complète par son antithèse.
Dans une perspective élargie, ce « champ de forces tendu » (Agamben) entre deux
oppositions à l’intérieur d’un même sujet peut se déplacer entre deux sujets croisés. Cette
notion d’écart est intéressante en ceci qu’elle « ouvre un espace de réflexivité » dans la
mise en tension de sujets séparés.58
Elle permet de relier des éléments divergents qui
devraient apparemment s’exclure et observer ce qui pourrait émerger de cet écart, de cet
entre-deux. Dans L’écart et l’entre. Ou comment penser l’altérité, François Jullien
explique : « … tandis que la différence est un concept classificatoire … l’écart est un
concept exploratoire, à fonction heuristique. À la différence de l’autre, c’est un concept
aventureux59
». Sa définition de l’écart soulève les questions du risque, de l’aventure et de
l’incertitude :
Ainsi l’écart est-il une figure, non pas de rangement, mais de
dérangement…Faire un écart, c’est faire sortir de la norme, procéder de
façon incongrue, opérer quelques déplacements vis-à-vis de l’attendu et
du convenu ; bref, briser le cadre imparti et se risquer ailleurs, parce que
craignant, ici, de s’enliser60
.
57 Edgar MORIN, Introduction à la pensée complexe, France, Seuil, 2005 58 François, JULLIEN, L’écart et l’entre. Ou comment penser l’altérité. FMSH-WP-2012-03. 2012.
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00677232/document, p.7, En ligne, (Page consultée le 15-03-2016) 59 Ibid., p. 8 60 Ibid., p.7-8
- 21 -
You’re walking in the woods, and it’s fall, and you look down
and see a beautiful yellow leaf that’s just sitting on the ground
there, and you just are knocked out. And then there’s that moment
where you say ‘Oh, that’s a maple leaf.’ And your experience is
over. It’s finished. I want to make a show that’s before you say
it’s a maple leaf 61
.
61 Richard, TUTTLE, cité par Dylan KERR, « Richard Tuttle on Why He Finds Solace in the Spirituality of Art—Not
Religion », Art space, magazine, interview, par Dylan Kerr, 2016,
https://www.artspace.com/magazine/interviews_features/qa/richard-tuttle-interview-5373827-04-2016, En ligne, (Page
consultée le 9 avril 2018)
- 22 -
5 PARTICULES ÉLÉMENTAIRES
Ce titre est une métaphore inspirée librement de la physique des particules. En physique
quantique, les particules élémentaires représentent la plus petite unité indivisible de
matière première. Possédant une nature dichotomique onde/corpuscule qui rend la matière
dynamique et instable, elles changent de nature en fonction du contexte. On ne peut en
identifier les composants, créer de nouvelles particules ou révéler la nature des interactions
agissant entre elles qu’en accélérant les particules et en les faisant entrer en collision.62
« La physique des particules explore les briques élémentaires de la matière et leurs
interactions, qui déterminent la structure et les propriétés de la matière dans l'univers,
dans son extrême diversité. Elle vise à expliquer ce qui tient le monde ensemble dans
ses constituants les plus fondamentaux63
. »
Dans ce projet, j’observe le potentiel d’altérité entre les différents éléments, c’est-à-dire
les possibilités d’interactions et de liens dynamiques, ce qui agit entre les choses et entre
des ensembles de choses. Des relations de relations. Des fragments isolés se contaminent et
s’entrechoquent, s’unissent et s’opposent à la fois dans un rapport non hiérarchique.
L’ensemble est fait de composants simples que je prélève dans mon environnement
immédiat pour construire de nouvelles structures, systèmes ou réseaux plus complexes. En
fragmentant et réassemblant des objets faits main et usinés, artefacts et matériaux divers, je
construis des objets insolites dans lesquels réside une tension née de l’incongruité des
connexions. Ce sont ces interactions qui m’intéressent. Celles qui permettent de multiplier
les angles d’approches de l’objet et qui font en sorte qu’il s’active autrement, qu’on le
perçoive différemment.
62 Physique des particules, Le Guichet du savoir.org, Bibliothèque municipale de Lyon, 2005,
http://www.guichetdusavoir.org/viewtopic.php?t=5851, En ligne], (Page consultée le 27 avril 2018)
Réf : Mode d’emploi d’un accélérateur, CERN, Centre d’Étude et de recherche Nucléaire, 2018
https://home.cern/fr/about/how-accelerator-works. En ligne], (Page consultée le 27 avril 2018) 63 Physique des particules, Sciences naturelles suisse SCNAT, https://sciencesnaturelles.ch/topics/particlephysics, [En
ligne], (Page consultée le 26 avril 2018).
- 23 -
CONCLUSION
L’exposition Particules élémentaires II a permis de conclure ce mémoire. Un nouvel
espace d’atelier rendra possible la réalisation d’un nouveau corpus dans lequel se
poursuivront les questions nées de ce projet de maîtrise. La question de l’objet réel, de
l’espace réel et du sens demeure. Ce texte se veut réflexif et ouvert. Il n’a pas la volonté de
définir ni circonscrire les choses, mais plutôt d’indiquer une direction de pensée. Il rend
compte des questions qui soutiennent mes recherches depuis les trois dernières années.
Questions auxquelles les réponses résistent à se dévoiler et demeurent en suspens. Il est
risqué, donc souhaitable, de s’écarter de notre sujet de recherche, de notre pratique et de
nos lieux communs pour tenter de créer un espace « fécond64
» et se laisser surprendre.
Rechercher l’altérité, la marge, la discontinuité. Je me sens sur le seuil, quelque part entre
la fin de quelque chose et le commencement d’une autre. Dans un écart où tout est possible.
.
64
François JULLIEN, Op. cit., p.7
- 24 -
FIGURES
Figure 1. Marie-Ève Fréchette, Sans-titre, Objets idiopathiques, (2014) Résine époxy, fibre de verre, polyuréthane, polystyrène expansé, tiges de métal
94 x 175 x 61 cm, photo : Ivan Binet
- 25 -
Figure 2. Marie-Ève Fréchette, Objets idiopathiques (2014-2017) Anomalie : 56 x 51 x 81 cm (2017) /Saturation sérotoninergique : 84 x 180 x 65 cm (2014) / Genèse du
chaos : 183 x 55 x 57 cm (2014), polystyrène expansé, résine époxy, polyuréthane, acrylique, tige et plaque de
métal, photo : Guillaume D. Cyr
- 26 -
Figure 3. Marie-Ève Fréchette, Genèse du chaos, Objets idiopathiques (2014) polystyrène expansé, résine époxy, polyuréthane, acrylique, 183 x 55 x 57 cm
photo : Ivan Binet
- 27 -
Figure 4. Marie-Ève Fréchette, ∞, Objets idiopathiques (2014)
polystyrène expansé, résine époxy, polyuréthane, 150 x 71 x 44 cm
photo : Ivan Binet
- 28 -
Figure 5. Marie-Ève Fréchette, Débordement synaptique, Objets idiopathiques, (2014) Résine époxy, fibre de verre, polyuréthane, polystyrène expansé, polyester, tige et plaque de métal,
104 x 41 x 64 cm, photo : Hélène Bouffard
- 29 -
Figure 6. Vue de l’atelier (2017) photo : Marie-Eve Fréchette
Figure 7. Vue de l’Atelier (2016) photo : Marie-Eve Fréchette
- 30 -
Figure 8. Marie-Eve Fréchette, , (2016)
Lampe, coude ABS, bois, acrylique, 147 x 33 x 23 cm (hauteur au sol)
photo : Mériol Lehmann
- 31 -
Figure 9. Marie-Ève Fréchette, Métaphysique des tubes (2017) Ressorts de matelas, tuyaux d’aluminium, roulette de fil à souder, enclume en fonte, acrylique, 178 x 51 x 51 cm/ 34 x 165 x 18 cm/ 165 x 41 x 61 cm/ 30 x 165 x 30 cm/
photo : Nicolas Martel
- 32 -
Figure 10. Marie-Ève Fréchette, Particules élémentaires I, Vue partielle de l’exposition
(2018), Avant plant : Sans-Titre, (2017) Résines, acrylique, ressorts de matelas, entonnoirs à
transmission ; 94 x 130 x 53 cm ; Regart centre d’artiste en art actuel, photo : Guillaume D. Cyr,
- 33 -
Figure 11. Marie-Ève Fréchette, Particules élémentaires I, Vue partielle de l’exposition (2018) Regart centre d’artistes en art actuel, photo : Guillaume D. Cyr,
- 34 -
Figure 12. Marie-Ève Fréchette, Particules élémentaires I, Vue partielle de l’exposition (2018)
Regart centre d’artiste en art actuel, photo : Guillaume D. Cyr,
- 35 -
Figure 13. Marie-Ève Fréchette, Sans-Titre (Particules élémentaires I), Vue partielle de l’exposition,
(2018) Retailles d’emballage de polystyrène profilé, 275 x 275 x 30 cm photo : Guillaume D. Cyr
- 36 -
Figure 14. Marie-Ève Fréchette, Sans-Titre (Particules élémentaires I), Détail,
(2018), Retailles d’emballage de polystyrène profilé, 275 x 275 x 30 cm photo : Martin Lépine
- 37 -
Figure 15. Marie-Ève Fréchette, Particules élémentaires I, Vue partielle de l’exposition (2018) Gauche : S.V.A.T.N. : Résines, polyuréthane, acrylique, polystyrène expansé, tuyau ABS, 114 x 86,5 x 63,5 cm
Centre : Sans-Titre : Retailles d’emballage de polystyrène profilé, 275 x 275 x 30 cm
Droite : O.B.N.I. : Résines, polyuréthane, acrylique, polystyrène expansé, pieds de tabouret en acier photo : Guillaume D. Cyr
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Figure 16. Marie-Ève Fréchette, O.B.N.I. (Particules élémentaires I) (2018) Résines, polyuréthane, acrylique, polystyrène expansé, pieds de tabouret en acier, 104 x 74 x 48 cm
photo : Guillaume D. Cyr
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Figure 17. Marie-Ève Fréchette, Particules élémentaires I, Vue partielle de l’exposition (2018) Gauche : Sans-titre : Plinthe électrique, matelas en mousse, tuyau d’aluminium, anneau d’acier,
acrylique, 90 x 175x90 cm
Centre : Sans-titre : Tabourets, solin, tuyau d’aluminium, apprêt, acrylique, 183 x 60x 55 cm,
Droite : ∞ : Entonnoirs à transmission, tuyau de plomberie, acrylique, 165 x 50 x 55 cm photo : Guillaume D. Cyr,
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Figure 18. Marie-Ève Fréchette, Sans-titre, (Particules élémentaires I),Vue partielle de l’exposition
(2018), Plinthe électrique, matelas en mousse, tuyau d’aluminium, anneau d’acier, acrylique photo : Guillaume D. Cyr
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Figure 19. Marie-Ève Fréchette, Sans-titre (Particules élémentaires I), Vue partielle de l’exposition,
(2018), Tabourets, solin, tuyau d’aluminium, apprêt, acrylique, 183 x 60x 55 cm, photo : Guillaume D. Cyr
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Figure 20. Marie-Ève Fréchette, Particules élémentaires I, Vue partielle de l’exposition (2018) Regart centre d’artiste en art actuel, photo : Gentiane La France
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Figure 21. Marie-Ève Fréchette, (Particules élémentaires I), Vue partielle de
l’exposition, (2018), lampe, coude ABS, bois, acrylique, bobine de fil à souder, muret,
122 x 28 x 35 cm, photo : Guillaume D. Cyr
- 44 -
Figure 22. Marie-Ève Fréchette, Sans-titre (Particules élémentaires I), Vue partielle de
l’exposition (2018) Ressorts de matelas, tuyau d’aluminium, acrylique, 127 x 54 x 163 cm, photo : Guillaume D. Cyr
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Figure 23. Marie-Ève Fréchette, ( + ), (Particules élémentaires I), Vue partielle de
l’exposition, (2018), Ressorts de matelas taillés, acrylique, tube en aluminium peint,
182 x 132 x 20 cm ; 178 x 51 x 51 cm photo : Guillaume D. Cyr
- 46 -
Figure 24. Marie-Ève Fréchette, ( + ) (Particules élémentaires I), Détail, (2018) Ressorts de matelas taillés, acrylique, 182 x 132 x 20 cm,
photo : Guillaume D. Cyr
- 47 -
Figure 25.
Figure 26. (et 25). Marie-Ève Fréchette, ( + ), (Particules élémentaires I), Détails, (2018) Ressorts de matelas, acrylique, tube en aluminium peint, 178 x 51 x 51 cm
photo : Marie-Eve Fréchette
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Figure 27. Marie-Ève Fréchette, Particules élémentaires I, Vue partielle de l’exposition (2018) Regart centre d’artiste en art actuel, photo : Guillaume D. Cyr
- 49 -
Figure 28. Marie-Ève Fréchette, Particules élémentaires II, Vue partielle de l’exposition (2018),
Criterium, photo : Marie-Eve Fréchette
- 50 -
Figure 29. Marie-Ève Fréchette, Particules élémentaires II, Vue partielle de l’exposition,
(2018), Criterium, photo : Marie-Eve Fréchette
- 51 -
Figure 30. Marie-Ève Fréchette, Particules élémentaires II, Vue partielle de l’exposition (2018),
Criterium, photo : Marie-Eve Fréchette
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