paris, 7 février 2018 - au service des valeurs du soin

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Etats généraux de la bioéthique

Paris, 7 février 2018

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Ouverture des débats à la Mairie du 4ème par le maire, Ariel WEIL, etEmmanuelHIRSCH,directeurdel’EspaceéthiqueIle-de-France

Intervenants:MiguelBENASAYAG,philosopheetpsychanalyste,

HervéCHNEIWEISS,neurologue,présidentducomitéd’éthiqued’Inserm,

Jean-FrançoisDELFRAISSY,présidentduComitéConsultatifNationald’Ethique,

MauriceMIMOUN,chefduservicedeChirurgiePlastiqueetReconstructrice,etduCentredeTraitementdesBrûlésdel’HôpitalSaint-Louis,

ArnoldMUNNICH,pédiatre-généticien,PrésidentdelaFondationImagine

Grandtémoin:

PascalJACOB,Présidentdel’associationHandidactique

I.Interventionsliminaires

II.Discussion

III.Conclussions

I.Interventionsliminaires

Quelssontlespiègesetlesenjeux?

Jean-FrançoisDELFRAISSY

Jesuismédecin,spécialiséenSIDAetvirusémergentsetaiéténomméprésidentduComitéConsultatifNationald’Ethiquedepuisunan.LadernièreloiaconfiéauCCNEl’organisation de la réflexion. Nous avons ouvert les états généraux le 18janvier et

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nousrendronsunrapportdesynthèseassezneutreàl’issuedesdébatsprévueenjuin.Unerestitutiondesétatsgénérauxestensuiteprévue,avecunenouvelleloiprésentéefin2018oudébut2019.Dans l’atmosphèrepolitiqueactuelle, toutdoit aller vite, cequinousobligeànousmobiliser.

Nousdisposonsdequatreoutilspour lesétatsgénéraux.Meretrouveravecvouscesoirmerassurepuisquevousêtesnombreux,unsoird’hiver.Lesdébatsauxquelsj’aiassisté en province étaient également pleins ce qui prouve votre volonté de vousemparerdecessujetscomplets.

Figurentparmilesquatreoutils:

� lesitewebquiouvrevendredi,� les débats organisés par les espaces éthiques régionaux, avec une réellemobilisation observée, avec une organisation en réelle liberté et une restitutionprévuepourchaquedébat,� les auditions de 200associations, sociétés savantes, académies et grandscourantsdepensée,dont lessyndicats (maispas lespolitiques)et leprivé (industriepharmaceutique,start-ups,etc.),� lecomitécitoyenquinousaccompagneetporteun jugementsur l’ensembledu processus: il pourra s’engager, sur un sujet choisi, dans une démarche de jurycitoyenpourleporter.

LeCCNEaparailleursdesliensavectouteslesinstitutionsderecherche.

Lerapportdesynthèseserarédigéetrendupublicfinjuinoudébutjuillet.

Quel est le champ de ces états généraux? La révision de la loi de bioéthique estprévuetous lesseptansenFrance.Plus je rentredans lesétatsgénéraux, jemedisquecesdébatssontimportantspourquelesscientifiques,lespolitiquesetlescitoyensse rencontrent, pendant un temps donné, sur des sujets complexes. De nouveauxsujetsportentsurl’intelligenceartificielleoulebigdata.Deuxsujetssetrouventauxlimitesdelabioéthique:lafindevieetl’ouvertureausuicideassistéd’unepartetlaPMA et la GPA d’autre part. Sur la procréation, la levée de l’anonymat du donconstitueunevraiequestion.

Quelssontlespiègesetlesenjeux?Lespiègesconstitueraientàcequelesmédiasneretiennentque lesdeuxsujets lesplusmédiatiquesquesontd’unepart laGPAet laPMA et d’autre part la fin de vie, alors que d’autres sujets revêtent une grandeimportance.Lesecondconsisteraitàcequedesassociationsdelobbyingprennentlepouvoiretempêchentlescitoyensdes’exprimer.Jeveilleraiànepastomberdanscepiège.Nousdiscuteronsdenombreuxsujets.Unautrepiègeconsisteraitàcequetoutsoit joué d’avance, mais je ne le pense pas: le débat reste ouvert, sur un certainnombredesujets.Plus lesétatsgénérauxsesaisirontdessujetsetexprimerontdesidées, plus nous aurons une influence. La société civile doit exercer son contre-pouvoir.

Est-celedébutdelapersonneaugmentée?

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MauriceMIMOUN

Je suis chirurgien des brûlés, chirurgien plasticien, métier à la frontière entrel’intérieur et l’extérieur. Les chirurgiens s’interrogent toujours sur le seuil, quel quesoit lepatient.Monpremierlivres’intituleL’impossiblelimite:faut-ilopérerounon?Est-ce le début de la personne augmentée? Que signifie augmenter? Nous tironstoute notre force dans les augmentations de l’homme diminué: l’homme diminuénousdonnel’énergiedenousaugmenter.Quandvousvoyezunamputé,unhommebrûlé,unhommecomplexé,cettepriseenconsidérationdecettesouffrancenousfaitréfléchir,nousmédecins,àlamanièrederéparer.Guérir,réparer,augmenter.

Que signifie augmenter? Aux frontières, nous sommes à la limite. Pour savoir oùaugmenter, il faut connaître notre seuil à tous. Voulons-nous nous ressembler,ressembler à l’autre, être différents? Devons-nous faire des clones? Une personneavec une malformation doit-elle obligatoirement être opérée? Faut-il absolumentreconstruireunseinàunefemmequin’enaplusqu’un?Oùsetrouvelalimite?Nousstigmatisonstoujoursl’autre:lesgrandsbrûlés,lesdéfigurés–alorsquelesbrûlésontune figureetunvisage.Commentpouvons-nous traiter l’autrededéfiguré: c’est leregarddel’autrequiluiestinsupportableetquil’amèneàsefaireopérer.

Vousconnaissezlablagueduscorpionetdelagrenouille:lescorpionveuttraverserlarivière et convainc la grenouille de monter sur son dos. Au milieu de la rivière, lescorpion pique la grenouille qui lui dit «tu es fou, tu vasmourir» et le scorpion luirépond «c’est ma nature». Si vous tracez une ligne blanche dans une maison endemandantàunenfantdecinqansdenepaslafranchir,vousverrezqu’ilnetiendrapascinqminutes.Transgresserconstituelanaturedel’homme.

Nous essayons toujours de repousser la limite. Nous essayons actuellementd’humaniser les peaux de porc pour les transférer chez l’homme, ce qui sembleincroyable: mettre des cellules humaines dans un animal revient à humaniserl’animal.Celasembleimpossible,mais,sinouspouvonssauverquelqu’un,ilconvientderéfléchirdifféremment.

Jesouhaiterelaterunehistoiredefraternité:unbrûleà95%vamouriretilaunfrèrejumeauhomozygote,maisnousnesavonspassinouspouvonspréleverenurgenceun donneur sain. Le Comité consultatif national éthique se réunit en urgence etaccepte l’opération. Quand nous recouvrons le frère brûlé de la peau de son frère,nousavonsfranchiune limite.Lagrandebeautédenotreviedemédecinconsisteàdépasserlalimiteetdefairequelquechosedefortdel’hommediminué.

Lespromessesnesontpastoujourstenables

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ArnoldMUNNICH

Je préside l’institut Imagine, institut de recherche et de soins. Ce qui s’y passeinterpellelesfrontièresdel’éthique.

L’institut accueille chaque année40000 enfants porteurs de maladiesgénétiquesgraves, non résolues. Cet institut invente la médecine de demain et contribue àdéplacer les frontières de la médecine, et donc de l’éthique. Une prouessetechnologique est le cadre dans lequel se situent nos interventions: nous pouvonsmaintenantséquencerlegénomepourquelquescentainesd’euros.Lagénérationduséquençages’estaccéléréeaucoursdecesdernièresannées.Quefaisons-nousdecesavoir,bienextraordinaireetmenaceconsidérable?

Leséquençageprésenteuneutilité,toutd’abordpournommerlamaladieetsavoircequ’a l’enfant. La majorité des enfants qui sortent de l’institut a maintenant undiagnostic.Undiagnosticpréconceptionnelconsisteen lapossibilitédeprédiresiuncouple sans enfantmaladeprésente un risqued’avoir un enfantmalade.Ce test sepratique déjà dans certains pays, notamment au Canada et en Israël. Les parentsveulent savoir à quoi ils s’exposent. Je suis sûr que le thème du diagnosticpréconceptionnels’inviteradansledébat.Letestdoitenoutreêtrereliéàlathérapiegénétique: il nous arrive très souvent d’assortir un diagnostic d’une ripostethérapeutique. L’essor considérable des diagnostics et des thérapies s’explique parcettegénéralisationduséquençage.

Toutsequise trouvedans l’ADNn’estcependantpasencore intelligible.Devantunsujetmalade, nous savons à quelle question répondre. Le séquençage de gènes nedonnetoutefois jamaisuneréponseunique.Ceuxquivouspromettentunelectureàlivreouvertdugénomevousmentent.Onânonneplusqu’oninterprètelegénomeetilestpossibledediredeschoseserronées.Jeciteraitroisexemples.

AuxEtats-Unis,lamoitiédesfemmesayantsubiunemastectomiebilatéralepouruncancerduseinl’onteusurunebasedevariantesdel’ADNdesignificationinconnues:ellesontdoncétéopéréesaubénéficedudoute.

Lorsqu’on trouve une variation de l’ADN chez une femme enceinte d’un secondenfant,onnesaitpasdiresi levariantobservéchezl’enfantmaladeestcausalets’ilpeut servir de prédiction pour une prochaine grossesse. La question se pose enpostnatal, mais aussi en anténatal, sur l’embryon. Certains variants restentininterprétables.

Enfin,lespromessesnesontpastoujourstenables.Lapossibilitédecorrigerinuteroune mutation avec le CRISPR n’est pas si simple. La correction en laboratoire, enrechercheexpérimentale,diffèreenoutredecelleeffectuéesurduvivantpuisquedesdégâtscollatérauxexistent.Or,onnousvendcettetechniquecommelapanacée,cequiestfaux.

Sicelaesttellementdifficileenanténatal,vousimaginezquetouteslespromessesdeprédiction basées sur le génome ne sont pas fiables. Les variants sont tousd’interprétationtrèsdélicate,valentenpopulationgénérale,etnonchezl’individuetontuneamplitudeextrêmementfaible.Ilestdoncimpossibledeprédirequoiquecesoit du génome d’un sujet bien portant. Les généticiens aiment bien se faire

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séquencer leur propre génome. Un généticienme raconte qu’il a trouvé un variantavecunemutationlétale.

Entantquepraticien, jesuis inquietquantànotredevoird’informer lescitoyensdetout ce que je viens de vous dire. S’il ne faut que cinqminutes pour séquencer ungénome, il faut des heures pour apporter les explications. Or, les séquençages nes’accompagnentjamaisd’aucuneexplication.Seull’arsenalexplicatif,avant,pendantet après, permettra aupatient d’effectuer le bon choix: la prouesse résidedonc enl’accompagnementsingulier.

Enfin,unautreproblèmeconsisteenl’égalaccèsauprogrèsscientifique. Iln’yapasdeprogrèss’iln’estpaspartagé.Sicesprouessestechnologiquessontréservéesàunpetit nombre, nous aurons rompu avec le pacte de solidarité de notre société. Leprogrèsoui,àconditionqu’ilsoithumainetpartagé.

Lamédecinedeviendradeplusenpluscomplexe

HervéCHNEIWEISS

Lesproposd’Arnoldsonttoujoursmerveilleusementéruditsetmedonnenttoujoursenviederéagir.Nousavonspubliéplusieursnotes,dansleprogrammeGénome2025.

Nous avons deux millions de variations, avec beaucoup d’inconnus et quelquesvariations significatives: que voulons-nous savoir et comment voulons-nous lesavoir?Vouspouvezregarderlepointsurlecomitéd’éthiquedel’Inserm.

La question de la complexité et de l’évolution. Nous étions auparavant dans ledéterminisme: un diagnostic était établi et conduisait à un traitement et à uneguérison.Lamédecinepeutmaintenantchercheràstopperlamaladie,àcompenser,à réparer. Demain, nous empêcherons que lamaladie survienne, ce qui posera desquestionséthiques.

Je prendrai deux exemples relatifs aux maladies neuro-dégénératives. La maladied’Alzheimertouchedesdizainesdemillionsdepersonnessurlaplanèteetceschiffresdevraient doubler dans les 20prochaines années, avec des problèmes de prise encharge,depertedepersonnalitéetdecoûtdelamaladie.Nousaimerionsquecettemaladienesurviennepas,qu’ellepuisseseguérir.Lesétudesnepermettentpaspourlemomentd’arrêterl’évolutiondelamaladie.Enamont,nousavons85%dechancesde tomber juste 25ans avant la survenance de lamaladie, en combinant différentsfacteurs. Cette annonce, 25ans avant lamaladie, peut être vécue comme terrible,puisqu’il n’existe pas de traitement, ou merveilleuse, si on peut agir. Il existe desmoyensderendrelagénétiquenondramatique.Unvariantestceluidel’apoliprotéineepsilon4. Avec ce gène, si vous avez un haut niveau d’études, que vous faites dusport,vousn’avezpasplusderisquequ’enpopulationgénérale,soit17%.Ilfautdoncquand même essayer de rechercher les populations à risque et procéder à uneéducation à la santé pour diminuer le risque ou retarder l’âge auquel se déclare lamaladie. Faut-il annoncer à une personne de 40ans qu’elle risque de développer la

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maladie d’Alzheimer dans 25ans? Ceci pose la question du regard porté et desmoyensd’intervention.

Le second exemple est celui de la maladie de Parkinson. Les implants cérébrauxpermettent à des millions de patients d’avoir une efficacité du traitement. Lesimplants étaient auparavant on/off et sont maintenant intelligents, avec uneouverture sur des serveurs. Reprendre: capacité pour un tiers d’intervenir surl’implant de la personne. Ces implants sont tellement forts qu’ils peuvent toutefoisdonner lieu à des troubles obsessionnels compulsifs ou des troubles de lapersonnalité.

La médecine deviendra de plus en plus complexe. Nous pouvons espérer laprévention, la précision et la participation, avec l’éducation et l’implication despatients,réelsoufuturs.LesGAFAontdéjàtrèsbiencomprisceci,enformulantdesconseils à partir des informations que nous leur transmettons. Dans un Etat où lasantéestsocialisée,commelenôtre,nousdevonsreprendrelamainsurcesdonnées.

Quellespeuventêtreleslimites?

MiguelBENASAYAG

Commentlecitoyenpeut-ilavoirunpointdevuesurlesquestionstechniques?Vousvousrappelezpeut-êtreungroupedegrandsintellectuels,dontEdgarMorin,quiétaitarrivé à la conclusion que la complexité technique et scientifique de notre mondeempêchaitlescitoyensd’avoirunpointdevue.Laconclusionétaitqu’ilappartenaitauphilosophedeguiderlasociété.Cetteinitiativeconstituedoncunpariengagé.

Je travaille en recherche en interface entre la biologie et l’épistémologie, afin dedéterminer la différence entre les machines et les vivants. Mon dernier ouvrages’intituleCerveauaugmenté,hommediminuéetvisaitàétablirladifférenceentreunemachineetuncerveau?Danslemilieudelarecherche,laseuledifférenceaujourd’huiadmise est quantitative. Je cherche à démontrer qu’il existe des différencesqualitatives,maismonopinionestminoritaire.

Je travaille beaucoup sur l’hybridation aujourd’hui en cours entre la machine et levivant.Nousassistonsactuellementàunecolonisationduvivantpar la logiquedelamachine.Ilmeparaîtindispensablededéterminerlesrythmesetcyclesduvivantquisontqualitativementdifférentsdeceuxdelamachine.

Nous devons être capables d’établir la conflictualité. J’ai beaucoup travaillé sur lamémoire, d’un point de vue neurosociologiqueet il s’avère qu’une mémoire quifonctionnebiensélectionne,modifieetoublie.Onnecessedevouloiraugmenter levivant à l’imagede lamachine. Cette différence qualitative est aujourd’hui oubliée,carlemodèledelamémoirenesélectionnepas,nemodifiepasetn’oubliepas,cequiconduitàmodifierlasingularitéduvivant.

Tout cerveau modifié conduit à une délégation de fonctions. On peut toujoursapprendre,mais on peut également toujours atrophier. La délégation de fonctions

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conduitàuneatrophieducerveau.Laréactiondelamajoritédemescollèguesaétédedire«etalors?».Nepasvoirqu’unemutationestencoursm’interpelle,àtoutlemoins.

Quelles peuvent être les limites? Il faut bien réfléchir entre une médecine de laréparation et une machine de l’augmentation. Les adeptes du transhumanismeévoquentsouventleslunettesquiconstituentuneaugmentation.Or,l’augmentationignore les invariantspropres à l’organisme.L’augmentationest réaliséeen fonctiond’un principe extraorganique.Or, l’être humain ne peut êtremesuré à l’aune d’unemachineutile.Unpenseurdisaitqu’unorganismesainpréférera toujoursmettreendanger saviepour suivre sondestinousanature.Dans l’augmentation, ce sensestoublié alors qu’il caractérise le propre du vivant et de l’humain en particulier. Avecl’augmentation,l’essencevadisparaître.

Ilconvientenoutrededistinguerlesconceptsd’innovationetdeprogrès.Leprogrèsapparaissait auparavant comme fortement utile. Nous devons pouvoir discuterdémocratiquement des innovations puisque toute innovation ne constitue pasforcémentunprogrès.Lepropreduvivantestdesecomporterdetellefaçonquelesrèglesdujeusontmodifiéesaufildujeu.

Laquestioncentraledel’éthiqueestcelledusens,àpartirdunon-sens.

Nousavonsbesoindel’éducationetdel’implicationdesmalades

PascalJACOB

Jesuisunsimpleparentd’enfantshandicapés.J’aiététrèsadmiratifdevousécoutertous les quatre, ainsi que le président. J’espère que votre objectif d’intéresser lecitoyen permettra de le responsabiliser, en dépassant l’intéressement. Nouscommencerons à nous guérir, nous réparer et nous augmenter en nousresponsabilisant.

J’ai retenu un certain nombre de phrases. Vous nous avez dit, Monsieur Mimoun,sortirnotreforcedel’hommedémuni.Entantqueparentsd’enfantshandicapés,noussommestrèssouventdémunisfaceàlasituation.

ArnoldMunnich,vousavezditqu’iln’yavaitpasdeprogrèsquinesoitpaspartagé.Cespropossontessentiels. J’aimoi-mêmedeuxenfantshandicapésetune fillenonhandicapéequiveutavoirdesenfants.

Lacoconstructionquenouspourrionsavoiravecceluiquiposelaquestionetl’expertqu’estlemédecinpermettraderassureretdevoirl’aveniravecunautrechamp.

Nousavonsbesoindel’éducationetdel’implicationdesmalades.Jecroisquec’estlepoint leplusessentielpourmoi.Si lapersonnemaladen’estpas impliquéedanssonsoinetdans lebesoind’avoirdesenvies,commetout lemonde,nousn’yarriveronspas. Cette implication est plus qu’importante puisque si vous n’êtes pas acteurs devotresantéetquelesdécisionssontprisesàvotreplace,vouscraquerez.

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Vous avez parlé du cerveau vivant. Je n’ai jamais vu mes enfants à travers unemachine,maisàtraverseux-mêmespourm’apercevoirqu’ilsétaientbeaucoupmoinshandicapésqu’ilsnelesemblaient.

Qu’est-ce que vieillir et réparer? Pourquoi guérir, pourquoi réparer, pourquoiaugmenter? Une seule réponseme semble possible: pour créer de l’autonomie etêtredanslavraievie.Jedoisapprendreàêtreaccompagnéparunnonprofessionnel.Lavraieviepasseparlacapacitéàêtreaveclesautres.Jepensequecequevousêtes,vousexperts,abesoind’uncomplément.Cettemachinequ’estlamédecinedoitêtrehumaine. Etayée par un expert social, par une capacité d’accompagnement, elledeviendra une force extraordinaire pour guérir, réparer et augmenter la capacité àpouvoirvivresimplementaveclesautres.

II.Discussion

Uneintervenante

Je suis juriste en bioéthique, avocate, et ai récemment découvert que j’avais étéconçueavecuntiersdonneuretsuismaintenantmilitantedel’associationProcréationmédicalementanonyme.

Jepréfèreletermed’accèsauxoriginesqueceluidelevéedel’anonymat.Pourl’accèsauxorigines, ils’agitsimplementdereconnaîtreundroitexistant,celuideconnaîtrel’identitédesesgéniteurs,reconnuparlaCoureuropéennedesdroitsdel’homme,etd’encadrerunfaitpuisquel’accèsauxoriginess’effectuegrâceauxtestsgénétiques.Commeils’agitsimplementd’encadrerunfaitetreconnaîtreundroit,tantpourlafindeviequepourl’accèsauxorigines,cesdeuxthèmesnedevraient-ilspasfairel’objetd’uneloidédiée,indépendammentdelaloidebioéthique?

Unintervenant

Jetravailleauseinduserviced’ORLàTenon.Jemefaisleporte-paroledespersonnesquitravaillentdansmonservice,professionnelsdelasantéquis’occupentdepatientsavec des pathologies rares et souvent fragiles, laissés pour compte. Lesproblématiques de coûts sont majeures dans les hôpitaux et marquentprofondément lapratiquehospitalière.Lacraintedesprofessionnelsrésidedanslefaitquecesproblématiquesdecoûtsaientunimpactsurlesréflexionsbioéthiques.

Pour conclure, les discussions de ces derniers jours montrent l’émergence d’unediscussionbioéthiquedelalimite,pourcespopulationsfragiles,etunebioéthiquedupossible.

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Unintervenant

Je suis philosophe.Un demes amis biologistes disait il y a quelques années que lepropre du scientifique était de distinguer. Nos amis de 1968 disaient avec justesse«d’où parles-tu camarade?». J’ai entendu des gens prendre des postures sans lesafficher,peut-êtremêmesanssavoirqu’ilsavaientdespréjugés.

Il faudrait d’abord semettre d’accord sur d’oùonparle.Lavisiondelamédecineprésentéeestcartésienne,mécanique.Oùsontlesreligieux?Ilyaunpointdevueetilenmanquepeut-êtred’autres.

Unintervenant

Jesuispèrede famille trèsnombreuseavecdesenfantsconçusnaturellement. Unequestionme semble fondamentale: celle de lamarchandisation, illustrée par lemarchédesesclavesenLibye,lacongélationdesovulesouledéveloppementd’unbraceletvibrantpourcontrôlerlessalariésd’Amazon.

Lamédecineaugmentéepeutentraînerdesdérivesépouvantables.Cettequestionestfondamentale.Congelerdesovulesde femmes revientaussiàexploiter les femmespendant les 20années où elles sont les plus productives. Augmenter la capacitéd’actiondecertainshumains,aujourd’huiavecunbraceletvibrantetdemainavecdespuces intégrées dans le corps revient à créer un marché des esclaves, par cettemédecineaugmentée.

Au travers des débats de la GPA et de la PMA se pose la question de lamarchandisationdeshommes,desfemmesetdesenfants.

Un autre problème peut se poser au travers du génome: quid de la prédiction desmaladiesetdescompagniesd’assurancequiexigerontdemaindesgénomes,enplusdesvisiteschezlecardiologue?Ledébatestfondamental.

Uneintervenante

Jem’intéresseàcettequestionentantquemilitanted’uneassociationquivisitedespersonnesmalades,notammentàSaint-Louis.Vousavezsoulignéunemenace,dansle séquençage du génome, mais d’autres existent. Pourrions-nous aboutir à unesociété sélective? Quelle place pour les personnes handicapées dans cettesociété?Quellesseraientlespotentiellesdériveséconomiques?

Uneintervenante

Jesuistitulaired’unDUetsuispatienteexperte,vivantavecunemaladiechronique.Jesouhaiteporter lavoixdespersonnesobèses,victimesd’unpréjugéet jugéescomme coupables de leur état.Or,depuis2010, leschercheursontdémontréquel’obésité constituait une maladie chronique inguérissable, en l’état actuel de lamédecine et de la chirurgie, ce qui constitue toutefois un secret, mais la sociétécommelamédecinemaltraitentcespersonnes.Pourmoi,l’éthiqueestunmotd’unelangueétrangèrepuisqu’ilnes’appliquejamaisànous.Cespersonnessontsoumisesàtouteslesdiscriminationsetilconviendraitdechangerleregard.

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Uneintervenante

J’airetenulemotdecomplexitéetdetechnicité,mais je souhaite qu’apparaissentlesmotsdemédiationetsanté,unnouveaudroitdel’homme.Jesouhaiteraisquelemot«médiation»entredanslafutureloidelabioéthique.

Unintervenant

Dans cedébat, il conviendrait que les questionsde coût soientbienmises enplaceaveccelledesremboursements.Vousavezutilisélanotiond’hommediminué,ensuitemiseenlienaveccelledel’autonomie.Jefaispartied’uneassociationquiconsidèreque vivre avec les autres, montre que nous ne sommes pas autonomes parprincipe,maisquenoustrouvonssensdanslarelationlesunsaveclesautres.

Unintervenant

Je suis un ingénieur à la retraite, passionné par les interventions. J’ai retenu del’interventiondeHervéChneiweissqu’ilnousfallaitreprendrelamainparrapportauGAFA.J’aipeurdel’influenceprépondérantedetoutescesGAFA,grandsgroupesfinanciers.Jesouhaitequelesétatsgénérauxdelabioéthiquepermettentuneprisede conscience de la reprise en main. Les hommes politiques ne doivent pas êtrefascinéspar la fuiteenavant: il existeeffectivementun risquedemarchandisation.J’espèrequelespolitiquesaurontbienconsciencequelaFranceestencoreunpharepourl’humanité,ennepermettantpaslafuiteenavant.

Unintervenant

J’interviensentantquepèredefamille. Ilm’estarrivéderencontrer,aucœurd’uneforêtvierge,uncoupledePygmées.Cette rencontredéconcertantes’est faiteentretroispersonnes.Letermedepersonnesmeparaîtdoncprimordial.Ilfautapprendreànosenfantsàêtrecequ’ilsontàêtre,sansprendreleprétextedelacomplexitépouréviterlesquestions.

L’équipedéveloppantlaméthodeCRISPRCas9estconfrontéeàunvertige.Quandl’hommeutilisecettetechnique,auboutde14générations,100%duvivantpossèdelemêmetype.Aveccettetechnique,nousouvronslaporteàlapossibilitédecasserlemécanismeduvivantetladiversité,conditiondelaqualitéd’êtrequinouspermetdetendreverslaperfectiondel’être,danstoutelaligneduvivant.

Sur la distinction entre la machine et l’homme, Descartes se penchait déjà sur laquestiondansLediscoursdelaméthode.

Jenesouhaitepasl’autonomie,jesouhaitelarelation.

HervéCHNEIWEISS

Nous n’avons pas parlé de la complexité pour vous embrouiller, mais parce que lepointconstitueuneréalité.

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Lepointquimefroisseconcerneladéfianceoul’hyper-inquiétude.J’aienviedevousinciteràretrouverconfianceetdelapositivité.

La loi de 1994 interdit aux assurances d’accéder aux données médicales. Il fautengagerledébat,avecl’idéequ’ilestpossibled’ensortirparlehaut.Ilfautessayerdeconstruireetdecréerquelquechose.

Unintervenant

On a entendu parler de transgression. La raison enrichit et permet d’encadrer deslimites.Cesloisdebioéthiqueméritentd’existerpourposerdeslimites.

Denombreuxdiagnosticssontréalisésàpartirdesstatistiquesquirévèlentlepasséetnoncequivaseproduire.Enfin,unequestiondedroitsepose,àtraverstouslessujetsbioéthiquesquenousenvisageonsdanslecadredecesétatsgénéraux.

Danslarelationentreleprocréateuretl’enfant,lesdroitsdechacundoiventêtreprisencompte.

Enfin,la techniqueest prodigieuse et ouvredegrandesperspectives. Il convienttoutefoisdes’interrogersurlebutavantdedévelopperlatechnique.

Ilmeparaîtprimordiald’éclaireretd’impliquerlepatient.Cessujetsdoiventêtreprisencomptedanslecadredesétatsgénérauxdelabioéthique.

Uneintervenante

Jesuisinfirmièrescolaire.Nousvivonsdansunecomplexité,partagéeentrel’humainetlamachine,avecunrisqued’eugénisme.Notre sociétédoit se construireautourduhandicapetdel’accueildelafragilité,etnonlarejeter.Ilestessentieldesavoirvivrelesunsaveclesautres.

III.Conclussions

Jean-FrançoisDELFRAISSY

Cesdébatssontpassionnantspuisquenosconcitoyensréagissenttoujoursbienmieuxquelespolitiquesl’imaginent.

En tant que président du CCNE, j’entre, comme tout le CCNE, dans une périoded’écouteetdeneutralité.

Nous n’avons pas le droit de rater les états généraux. Une question portait sur lepérimètre. Je ne sais pas si la procréation et la fin de vie font partie de la loi debioéthique,mêmesicesthèmesfontpartiedesétatsgénéraux.Uneloisur lafindevieestparueen2016etleséquipesnes’ensontpasencoretotalementemparées.Devraies interrogations existent sur le suicide assisté,mais elles ne sont pas liées à labioéthiquepuisqu’ellesnesontpasliéesàdesinnovationstechnologiques.

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De l’innovation technologique permet d’aboutir à la levée de l’anonymat, enprocréation. Ilestnormalquenousnous interrogionsdoncsur lapossibilitéde levercetanonymatquiconstitueundogmeenFrance.

L’éthiquepeutêtreconsidéréecommetotalementindépendanteduterrain,avecdesquestions sur le bien-être de l’homme, questions très transversales, mais l’éthiquepeutaussiêtreabordéedemanièreconcrètepuisquelesmesuresontuncoût.

Jepensequ’ilconvientdetrouverunéquilibreetconsidèrequelesaspectsfinanciersse trouvent au cœur du débat. Nous ne pouvons pas discuter d’une ouverture del’EMP ou de technologies sans connaître le coût de cettemesure. Ce n’est pas auCCNEdeseprononcersurlesujet,maisauxpolitiquesetàlasociété:allons-nousversdel’innovationàtoutprix,laissons-nousdecôtédespopulationsfragilisées?

Lesgrands courantsdepenséene sontpasoubliéset ledébat se tiendrabienavectousleursreprésentants.

ArnoldMUNNICH

J’ai été extrêmement touché par cemonsieur qui nous a dit «vous nem’avez pasdemandécequejesouhaitais...».L’environnementduplangénomeconsisteàêtreàl’écoutedecequedemandentlesconcitoyens.Lesquestionsdecesoirnepeuventserésoudre à de seules considérations technologiques. Avec des enfantsmalades, lesparentsattendentdenousunenominationetuntraitement.

Unintervenant

Latransgressionestunevraiequestionpourlesparents.

ArnoldMUNNICH

Jevousremerciepourcetespacedeparoleetd’écoute.

Lefil rougeest ladéfianceparrapportàtoutes lesconnaissances.J’aiété interpelléparlespropossurlastigmatisationdudiagnostic.Iln’existepasdegénomeparfaitetderacederéférence:nousavonstousungénomeporteurdevariations.Ilconvientdefaireunbonusagedecesavoir.

Nousnepourronsjamaiséradiquerlesmaladiesgénétiquespuisquenousensommestousporteurs,sanslesavoir.

MauriceMIMOUN

Nousdevonsaccepternosdifférencesetnosdifférends.Lesdéfautssontdesqualitésetlessoi-disanthandicapsapportentparfoisbeaucoup.J’aibeaucoupétéaidéparcequedisaientlespersonnes.

Surleproblèmedel’accèsauxorigines,ceproblèmeestrécurrentdansmonmétier.Lenombredecomplexesetlecorps-écranoulespersonnesquisetrouventlaideset

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recourent à la chirurgie esthétique: je suis absolument convaincu qu’il faut donneraccèsàl’informationsurl’origine.

Lacomplexitén’estpasquetechnique:elleestaussipsychique.J’aiunepatientede33ansquiaunenfantetprésentedesnécrosesquirequièrentdeluicouperlesbras,lesjambesetunepartiedeslèvres.Toutlemondemeditdelalaissermourir,saufsonmari. A son réveil, je lui dis qu’elle marchera de nouveau, avec des prothèses.Quelquesmoisaprèssonopération,sonconjointmeremercie,carsafemmeesttrèsheureuse de vivre. La phrase que j’ai prononcée est importante. Cette femme estpresqueautonomeaujourd’hui.

La technologie et la transgression: l’homme s’habitue. Il faut trouver les systèmespoursepréserveretpouryarriver.Tantqu’ontravaillesurl’individu,celanemetpasenquestionl’avenirdel’humanité,maisl’avenirdel’homme.

paris, 7 février 2018 - au service des valeurs du soin

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