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Le PARFUM dans l’antiquite exposition organisée par : La Fondation Yves Rocher l’Université de Bretagne Sud Le programme Magi, lauréat de l’ANR En collaboration avec : Laboratoire de Paléogénétique de L’ENS de Lyon Laboratoire Nicolas Garnier Laboratoire AOROC, UMR 8546 du CNRS Consulter : www.bioarchaeo.net

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LePARFUM

dansl’antiquite

exposition organisée par : La Fondation Yves Rocher l’Université de Bretagne Sud Le programme Magi, lauréat de l’ANR

En collaboration avec : Laboratoire de Paléogénétique de L’ENS de Lyon Laboratoire Nicolas Garnier Laboratoire AOROC, UMR 8546 du CNRS

Consulter :www.bioarchaeo.net

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« Ils entrèrent dans la maison, trouvèrent l’enfant avec Marie, sa mère, et, se prosternant, ils l’adorèrent ;puis, ouvrant leurs trésors, ils lui offrirent des présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe. »Evangile selon Matthieu (2, 11).

LES RÉSINES EXOTIQUESET PRÉCIEUSES La myrrhe et l’encens qu’apportent les mages à Jésus, représentent des cadeaux royaux depuis l’âge du Bronze. Il s’agit de gommes-résines tirées d’arbustes appartenant à la famille des Burséracées (Commiphora sp. pour la myrrhe et Boswellia pour l’encens-oliban) qui s’étendent sur l’Afrique orientale, le sud et le centre-ouest de la péninsule arabique et en Inde. Les résines brutes pouvaient être directement soumises à la flamme ou laissées à dissoudre dans du vin ou de l’huile. Mais ces aromates, éminemment précieux, étaient réservés à une élite royale ou aristocratique tandis que les recettes d’un grand nombre de parfums incluaient des ingrédients moins exotiques et plus modestes, comme les résines de Pinacées.

LES RÉSINES COMMUNES Jusqu’après la seconde guerre mondiale, la résine de pin, récoltée par gemmage, repré-sentait une activité économique importante de la forêt des Landes. Le gemmeur pratiquait une incision dans l’arbre avec une hache d’un type particulier. Il enfonçait ensuite en bas de l’entaille une lamelle de zinc et coinçait, entre celle-ci et un clou, un petit pot en terre cuite. La résine coulait de la blessure de l’arbre et, guidée par la lamelle de métal, emplissait len-tement le pot. Si cette technique particulière date du milieu du XIXe s., la pratique tradition-nelle du gemmage remonte à l’antiquité.

Figure 1 : gemmeur

Les Pinacées (pins, sapins, épicéas, cèdres…) mais aussi les Cupressacées (genévriers, cyprès...), sont largement exploités en parfu-merie car il s’agit de grands arbres résineux, à parfum pugnace, boisé, dont toutes les parties sont aromatiques. La résine peut être utilisée

sous forme de blocs solides ou dissoute dans l’huile le vin ou le vinaigre pour les parfums.

Les Pistacia représentent une autre famille d’arbres connus pour leurs oléo et leurs gom-mo-résines : pistachier de l’Atlas, pistachier térébinthe, pistachier lentisque. Une résine particulière, le ladanum, est produite par les feuilles, les tiges et les bourgeons du Ciste ladanifère, un arbrisseau typiquement médi-terranéen.

LES GOUDRONS VÉGÉTAUX La poix : le goudron de conifère est obtenu par traitement thermique de résidus d’arbres (branches, écorces) à l’intérieur d’un four ru-dimentaire constitué de deux grandes cloches en céramique posées l’une sur l’autre. La poix est largement exploitée dans l’antiquité pour la production et le transport du vin (étanchéi-té des amphores) et pour le colmatage des coques de navires. Mais elle est aussi utilisée dans la parfumerie comme conservateur et fixatif à bas prix et pour la fabrication d’huiles médicinales.

Figure 2 : atelier de poix

Le brai de bouleau : différentes essences d’espèces feuillues peuvent être utilisées (hêtre, chêne, noyer, aulne…) pour la production de bitume végétal. La nette préférence que l’on constate durant la Préhistoire et l’Antiquité pour le brai de bouleau est due à la large utilisation qui peut en être faite. On s’en servait pour coller, étanchéifier, décorer mais aussi pour parfumer l’haleine ainsi que comme substance aromatique et médicinale. Des analyses chimiques de résidus archéologiques prouvent que, comme la poix, le brai de bouleau pouvait être utilisé en mélange avec de la cire d’abeille, des matières grasses animales et des résines

1.

2.

Bûchettes de bois mort

Sol

Disque percé

Cuvier inférieur

LES RÉSINESET LES GOUDRONS VÉGÉTAUXLes oléo-gommo-résines et les goudrons végétaux sont amplement exploités dans la fabrication des parfums anciens. Ils y font office de fixatifs et de conservateurs mais ils peuvent aussi être choisis pour leurs caractéristiques odoriférantes et pour leurs propriétés médicinales.

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LES HUILESET LES ESSENCES VÉGÉTALESLes parfums antiques sont très différents des parfums actuels, par leurs méthodes de fabrication, leurs textures, mais aussi leurs fragrances. Il s’agit d’huiles grasses aromatisées par des essences végétales naturelles selon des techniques proches de celles de la cuisine.

DES RECETTES DE CUISINE Cette peinture romaine représente une jeune femme qui prépare elle-même son parfum en mélangeant différents ingrédients. La fabrication des huiles parfumées et médicinales pouvait se faire dans les boutiques des apothicaires, pharmaciens, parfumeurs… mais aussi chez soi selon des recettes traditionnelles bien connues des matrones romaines.

Les recettes traditionnelles mettaient en œuvre des matières premières que l’on pouvait se procurer facilement sachant que les huiles parfumées se composaient d’un excipient qui servait de support aux essences, de matières odorantes et aromates, d’un fixatif et d’un conservateur.

Figure 3 : Fresque de la Villa Farnesina de Rome. Ier s. av. J.-C.

DES CRÈMES GRASSES ET PARFUMS HUILEUX L’excipient est nécessairement un corps gras, le plus souvent végétal : huile d’olive, huile de sésame, huile d’amande amère, huile de ricin, huile de ben…

Les matières odorantes peuvent être tirées de feuilles (myrte, oenanthe, laurier…), de fleurs (rose, giroflée, lis, crocus à safran…), de fruits (myrte, coing, laurier…), de racines (iris, nard, marjolaine…) ou de résines. Les aromates peuvent être d’origine locale (anis, coriandre, aneth, romarin, thym…) ou exotique (cannelle, cardamome…).

Les fixatifs et conservateurs les plus communs sont les suivants : résine, poix, sel, roseau odorant, cire d’abeille.

Figure 1 : Peinture des Amours parfumeurs de la Maison des Vettii à Pompéi

LE PARFUM À LA ROSELe parfum à la rose était l’un des plus célèbres de l’Antiquité. Il pouvait être fabriqué à partir d’huile d’olive verte ou d’huile de sésame, appréciée pour sa viscosité. De la fleur de sel, du jonc odorant (roseau aromatique) et du vin faisaient office de fixatif et de conservateur. Le miel apportait une consistance fluide mais légèrement épaisse au mélange mais contribuait aussi à sa conservation. Pour le colorer, on y ajoutait du cinabre (sulfure de mercure) et de la fleur de safran qui ajoutait de plus une fragrance particulière au parfum.

Mais le plus important, ce sont évidemment les roses. En Italie, celles de Capoue et de Préneste étaient les plus réputées par leur odeur qui ressemblait à celle du safran et par le nombre de leurs pétales. L’huile de rose est déjà mentionnée chez Homère au VIIIe s. av. J.-C., et est amplement utilisée durant toute l’Antiquité, comme parfum, comme remède (propriétés astringentes et rafraîchissantes) mais aussi pour l’entretien des statues de culte.

Figure 2 : Détail de la peinture des Amours parfumeurs de la Maison des Vettii. Remarquez les vases dans l’armoire et sur la table

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LES MATIÈRES PREMIÈRES Les fleurs doivent être cueillies tôt le matin alors qu’elles sont fraîches, gorgées de rosée. Elles sont ensuite traitées rapidement avant qu’elles ne se corrompent. La fabrication de parfums à base de fleur et de fruits est donc saisonnière, sachant que certaines roseraies étaient réputées car fleurissant deux fois l’an. La fabrication de parfums à base de feuilles (laurier, myrte…) était moins contraignante, d’autant plus que l’on pouvait faire sécher les végétaux avant de les exploiter pour la parfumerie. Les parfums à base de racines demandaient le plus souvent beaucoup plus de temps de préparation, le rhizome d’iris exigeant par exemple deux ans de conservation et de séchage pour obtenir les réactions qui le rendent odorant.

Figure 1a et 1b: Parfumerie de l’âge du Bronze (début du IIe millénaire av. J.-C.) à Chypre.

LA FABRICATION Les extraits végétaux peuvent être préalablement mouillés de vin, de lait, de miel, ou d’un mélange de ces trois substances, afin de ne pas absorber trop d’huile. La méthode adoptée pour extraire les principes odorants des végétaux aromatiques dépend de leur nature et de leur résistance. Les coings par exemple, très fragiles, doivent être plongés dans une huile à froid et être retirés avant qu’ils ne noircissent.

L’enfleurage à froid : A Grasse, il se pratiquait avec de la graisse animale sur laquelle on déposait les pétales de fleurs les plus fragiles comme ceux du jasmin. Dans l’Antiquité grecque et romaine, on préférait les huiles végétales dans lesquelles, après avoir incorporé les fixatifs, on plongeait les fleurs, les fruits ou les racines odorantes comme l’iris. Les corps gras captent les odeurs mais il est important de ne pas laisser les matériaux aromatiques macérer trop longtemps. Quand ils commencent à se corrompre, il faut les enlever et les remplacer par des frais. Après avoir rechargé quelques fois (pas plus de 7), il suffit de filtrer l’huile et d’y intégrer les conservateurs.

L’enfleurage à chaud : On fait chauffer l’huile selon la technique du bain-marie afin qu’elle ne soit pas directement en contact avec les flammes. Le plus souvent, il ne doit pas y avoir ébullition afin que les matières végétales ne brûlent pas. L’artisan parfumeur doit contrôler la température, recharger le mélange et intégrer au moment voulu les fixatifs et les conservateurs.

La protodistillation : On sait qu’il existait à Alexandrie un appareil nommé ambix, qui permettait de produire des liquides par condensation de vapeurs. On pouvait ainsi produire de l’essence de fenouil et de l’essence de rose. Ce n’est qu’au VIIe s. ap. J.-C., avec l’occupation d’Alexandrie par les Arabes, que cette technique est améliorée pour donner naissance à de véritables alambics.

Figure 2 : La rue était très appréciée pour ses propriétés antispasmodique, anthelminthique, antiseptique et abortive. On en faisait une huile médicinale très appréciée durant l’âge du Bronze et l’Antiquité

L’ARCHÉOLOGIE EXPÉRIMENTALE Un atelier de parfumerie de l’âge du Bronze (1850 av. J.-C.) a été découvert et fouillé à Chypre. Le matériel découvert permet de reconstituer les différentes étapes de la fabrication des huiles parfumées et de retrouver non seulement leurs odeurs mais aussi leur matérialité. Il est ainsi possible de répondre à différentes questions et confronter les résultats de l’archéologie expérimentale à ceux des analyses chimiques des contenus.

Figures 3 et 4 : Archéologie expérimentale à la Ferme archéologique de Melrand (Morbihan)

LES TECHNIQUES DE FABRICATIONLes sources végétales et les techniques de fabrication des huiles parfumées et médicinales nous sont connues grâce aux sources écrites, épigraphiques, archéologiques mais aussi grâce aux analyses chimiques et paléogénétiques.

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1b.

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Dans l’Antiquité, les huiles végétales représentaient un des produits les plus consommés avec le vin et le miel. Leurs usages très variés concernaient l’alimentation, l’éclairage, le graissage, mais aussi la pharmacopée, la cosmétique et la médecine.

LES HUILES PARFUMÉESET MÉDICINALES

1. 2a. 3.

DES RECETTES ORIGINALES Les ouvrages médicaux grecs et romains attestent que l’huile, le plus souvent d’olive, constitue un ingrédient indispensable de la pharmacopée antique, tant en application locale qu’en emploi interne. Les prescriptions médicales s’apparentent à des recettes de cuisine, longues et complexes. On y rencontre, outre l’huile, l’eau, le vin, le miel, un luxuriant tableau de végétaux (feuilles, fleurs, fruits ou graines), des minéraux comme du soufre et du kaolin et des composés animaliers comme des sécrétions, des poils et des graisses. Parmi les corps gras, on trouve des graisses de bœuf ou de cerf, mais aussi du lait, parfois d’ânesse ou même de « femme qui allaite un garçon ».

Figure 1 : Statuette étrusque en ivoiredu VIIe s. av. J.C. Musée Archéologique National de Florence

DES PRATIQUES MAGIQUES Une belle statuette étrusque en ivoire représente une jeune femme emplissant un petit vase à parfum de lait maternel. Il s’agit d’une prêtresse qui intègre son lait sacré à une recette tout à la fois médicinale, cosmétique et prophylactique (qui rejette le mauvais sort). Les inscriptions épigraphiques attestent bien qu’il n’existe pas de réelle frontière entre la pharmacologie traditionnelle, la parfumerie, les pratiques et croyances magiques.

Figure 2a et 2b : Coupe et plan de la tombe deSaint-Médard-des-Prés, 1849.Archives départementales de la Vendée

Figure 3 : Mobiler de la tombe deSaint-Médard-des-Prés.Composition de D. Pillet.

LA TOMBE“ DE LA FEMME MÉDECIN ” En 1847, est mise au jour à Saint-Médard-des-Prés (Vendée), une extraordinaire tombe gallo-romaine datant de la première moitié du IIe s. ap. J.-C. Environ 80 vases de verre, dont de nombreux balsamaires, y ont été retrouvés dont certains conservaient encore leurs contenus d’origine. Les analyses chimiques de ces contenus ont révélé qu’il s’agissait de produits médicinaux à base d’huiles, de résines, de cires, d’aromates et de poudres minérales. Cette tombe serait donc celle d’une pharmacienne, apothicaire, femme médecin ou oculiste.

Figure 4 : Pot en verre de la tombe deSaint-Médard-des-Prés.Musée de Fontenay-le-Comte

Figure 5 : Balsamaire en verre de la tombe deSaint-Médard-des-Prés.Musée de Fontenay-le-Comte

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Figure 2b : Détail du plande la tombe de Saint-Médard-des-Prés

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Les flacons à parfum et boîtes à cosmétique égyptiens étaient pourvus d’un système de fermeture ainsi que d’une étiquette (indiquant le contenu) en matières périssables (bois, tissu) dont il ne reste souvent rien. Ils étaient transportés et rangés dans des boîtes en bois qui ont elles mêmes disparu dans la plupart des cas. Hormis quelques exceptions, il ne reste rien non plus du contenu d’origine que l’on peut connaître grâce aux textes hiéroglyphiques, aux inscriptions épigraphiques et aux analyses de chimie organique. Les boîtes conservaient en majorité du kohol, produit cosmétique le plus largement employé en Egypte. Il s’agissait d’une pâte molle fabriquée à partir de matières minérales (galène naturelle, sulfure de plomb, malachite…) mélangées à des graisses et à des gommes résines. Les parfums, pommades et onguents gras étaient autant utilisés pour la beauté que pour le soin du corps.

Figure 7 : Plaque en calcaire avec représentation d’offrande funéraire. Quatre alabastres posés sur une petite table sont munis de leurs bouchons en matière périssable. Vers 1700 av. J.-C. Musée égyptien de Turin.

Figure 8 : Coffret portatif contenant huit balsa-maires en albâtre. Sépulture de la « Fille Royale » Khnoumit, Moyen Empire, Musée du Caire.

7. 8.

5a. 5b.

6a. 6b.

L’art de la parfumerie ne peut exister sans la création des flacons. Différents types de petits récipients naissent au IIIe millénaire, en gypse, chlorite, stéatite, albâtre et cuivre. La matière est importante, non seulement pour ses qualités esthétiques mais aussi pour sa capacité à garantir la conservation des huiles parfumées. La pierre et le métal permettent d’isoler le précieux contenu de la lumière et des changements de température et de prolonger ainsi ses propriétés olfactives. En Egypte, le matériau de prédilection pour la production de vases à parfum et à cosmétiques est l’albâtre calcaire.

La vaisselle de pierre appartient au « mobi-lier de luxe ». Elle fait appel à des variétés de roches semi-précieuses dont le travail demande toujours un savoir-faire spécialisé.

Les différentes étapes de fabrication sont le façonnement grossier du vase, son évidement qui se fait par forage et la finition qui passe par le polissage de la surface externe. Les flacons à parfum et les boîtes à cosmétique sont de petite taille avec une embouchure resserrée et une panse étroite et allongée pour les pre-miers et une embouchure plus large et une panse plus arrondie pour les seconds.

Figure 5a et 5b : boîte à cosmétique de la collection Jacquemart-André (abbaye de Chaalis)

Figure 6a et 6b : boîte à cosmétique de la collection Jacquemart-André (abbaye de Chaalis)

2. 3 .1. 4a. 4b.

Figure 1, 2 et 3 :Petits alabastres de la collectionJacquemart-André (abbaye de Chaalis)

Figure 4a et 4b :Grand alabastre de la collectionJacquemart-André (abbaye de Chaalis)

LES VASES ÉGYPTIENS Le grand commerce du parfum remonte à la plus haute antiquité. A partir du IVe millénaire, en Mésopotamie et en Egypte, sont inventées et perfectionnées les techniques de la parfumerie et sont créés les premiers flacons qui se révèlent remarquables par leur belle simplicité et leur goût impeccable.

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Figure 1a et 1b : Amphore à étrier de la collection Jacquemart-André (abbaye de Chaalis). Fin du XIIIe s.

1a.

Dès l’âge du Bronze, les palais grecs de la civi-lisation mycénienne produisent et exportent des huiles parfumées. Un petit conteneur en céra-mique peinte, l’amphore à étrier, est spécifique-ment conçu pour ce commerce. On en retrouve en grand nombre en Méditerranée orientale, dans les tombes, les habitats, les sanctuaires, mais aussi les épaves.

Figure 2 : Petit vase à parfum (aryballe) du VIIe s. av. J.-C

Mais c’est surtout à partir du VIIIe s. av. J.-C. peu après l’époque d’Homère, que l’on assiste à la production massive, à Corinthe et dans d’autres cités grecques, de flacons en céramique peinte. De petite taille, de forme allongée ou arrondie, ils ne contiennent que quelques centilitres de liquide ou de crème. Faits pour tenir dans le creux de la main, ils peuvent ainsi être utilisés pour s’enduire le corps ou faire des offrandes aux divinités et aux défunts. Attachés au poignet à l’aide d’un suspen-soir, ils accompagnent la vie quotidienne des ci-toyens grecs qui se rendent au gymnase, à l’agora, au cimetière, au sanctuaire, où partent en voyage.

Figure 3 : Reconstitution d’un système d’attache en cuir d’un aryballe.

Les potiers grecs et étrusques réalisent de ma-gnifiques petits vases à parfum aux formes et aux décors d’une grande inventivité. Des formes de hérissons, de têtes de guerriers casqués, de pieds chaussés d’une sandale, de bustes de prêtresses,

de singes, de chevaux ailés… font référence à la vie quotidienne, aux mythes et aux croyances des anciens Grecs et Etrusques. Ainsi, le vase à la co-quille de l’abbaye de Chaalis symbolise Aphrodite, déesse des amours parfumées, née de l’écume de la mer. Beaucoup d’autres vases sont façonnés dans d’autres matières que la céramique, comme le verre sur noyau d’argile, la faïence, l’albâtre, le métal (bronze, or, plomb…).

Figure 4a et b : Lécythe attiquede la collection Jacquemart-André,abbaye de Chaalis.Deuxième moitié du Ve s. av. J.-C.

Figure 5 : Vase en albâtre de la citégrecque d’Apollonia de CyrénaïquePremière moitié du IVe s. av. J.-C.

Au Ier s. av. J.-C. une invention révolutionne la production des flacons à parfum. Il s’agit du verre soufflé qui permet de fabriquer très rapidement de magnifiques petits vases que l’on appelle des unguentaria ou des balsamaires. C’est l’époque de l’empire romain qui permet une très large dif-fusion des parfums méditerranéens et orientaux jusque dans les terres barbares.

Figure 6 : Vase en verre découvert dans une tombe gallo-romaine de Lyon. Ier s. ap. J.-C.

2. 3.

6.

5. 4a.

4b.

La Méditerranée grecque puis l’empire romain donnent naissance à un vaste réseau d’échanges où le parfum, comme l’huile et le vin, joue un rôle économique important.

LES VASES GRECS, ÉTRUSQUES ET ROMAINS

1b.

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ÉMERGENCE ET ESSORD’UNE DISCIPLINE À FORT POTENTIELLa paléogénétique (l’étude de l’ADN ancien) s’est développée dans les an-nées 1980 à partir principalement de l’analyse d’ossements et de dents mis au jour dans des contextes archéologiques. Les thématiques abor-dées concernent surtout la connaissance des espèces éteintes, l’origine des espèces actuelles, les processus de domestication, la caractérisa-tion de différentes espèces humaines préhistoriques (Neandertal/Homo sapiens), les mouvements et croisements de populations humaines.

Il est aujourd’hui également possible de mener des études paléogé-nétiques à partir de résidus organiques contenus dans des objets tels que des amphores ou autres contenants archéologiques, permettant d’accéder à la diversité génétique (animale, végétale, bactérienne) des échantillons et ainsi déterminer très précisément la nature du contenu et parfois même son origine.

MÉTHODOLOGIE DES ANALYSESDE PALÉOGÉNÉTIQUEPour réaliser ce type d’analyse, on prélève tout d’abord les résidus organiques en prenant de grandes précautions. En effet, les molécules anciennes d’ADN vieillissent mal car elles se fragmentent et connaissent au cours du temps une inéluctable modification chimique. Heureusement, ll n’est plus nécessaire comme autrefois de disposer de quantités importantes d’ADN, puisque les molécules prélevées, extraites et purifiées, servent de matrice pour réaliser une amplification à l’aide d’une méthode désormais classique dans le monde de la biologie moléculaire : la PCR (Polymerase Chain reaction). Cette technique consiste à multiplier (ou amplifier) de façon exponentielle des fragments d’ADN spécifiques présents dans l’extrait de départ, de façon à en obtenir suffisamment pour les analyser ensuite. Toutefois, la moindre contamination d’un extrait ancien par de l’ADN moderne polluerait le produit et aboutirait ainsi à des conclusions fausses. Toutes ces étapes expérimentales doivent donc être conduites au sein de locaux confinés spécifiques comme ceux de la plate-forme nationale de Paléogénétique PALGENE du CNRS à l’Ecole Normale Supérieure de Lyon.

ACCÈS À UNE VASTE DIVERSITÉ GÉNÉTIQUEAinsi, pour déterminer quelles plantes étaient présentes dans un échantillon prélevé dans un vase à parfum, on recherche des fragments d’ADN caractérisques de tous les végétaux (gènes chloroplastiques par exemple) mais dont la séquence génétique est spécifique pour chaque espèce végétale, et ainsi permettre son identification. La gamme des espèces végétales et animales sur laquelle ce type d’analyse peut être réalisée est immense : ainsi, par exemple, nous avons mené des études sur des restes organiques présents dans des amphores romaines retrouvées dans les fouilles du parking St-Georges à Lyon, qui ont permis de mettre en évidence des restes de sardines et d’anchois. Pour certaines espèces, il est même possible de distinguer génétiquement leur origine géographique, d’où l’obtention de renseignements sur les voies commerciales par exemple…

DES APPROCHES GLOBALESCe qui est réalisable pour les contenus d’amphores l’est également pour ceux des petits vases à parfum. Des analyses paléogénétiques ont eu lieu notamment sur le balsamaire en verre de la tombe lyonnaise de la Favorite. Ont été mis en œuvre les derniers développements méthodologiques offerts par la génomique (discipline consistant en l’étude de l’ensemble du matériel génétique porté par les êtres vivants). Ce n’est plus une seule séquence d’ADN qui est ciblée, mais un séquençage massif permettant de révéler directement l’ensemble des ADN des espèces présentes. On dispose alors d’une richesse inouïe d’informations permettant de dresser la liste précise de tous les constituants d’un reste organique, tel un parfum ancien. La révolution paléogénomique ne fait que commencer.

POUR EN SAVOIR PLUShttp://igfl.ens-lyon.fr/plateforms/plateforme-palgene

LA RÉVOLUTIONDES ANALYSES PALÉOGÉNÉTIQUESGrâce à l’analyse de l’ADN des restes organiques retrouvés dans les vases à parfum anciens, il est possible d’identifier de façon précise les espèces animales et surtout végétales qui sont à la base des préparations anciennes. Cependant, ces analyses demandent une grande prudence pour livrer des résultats authentiques.

1. Échantillonnagepour l’étude paléogénétique du résidu organique d’un balsamaire en verre gallo-romain

2. Résidu organique grascontenu dans un balsamaire en verre gallo-romain

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L’ANALYSECHIMIQUEDESPARFUMS ANCIENSL’archéologie biomoléculaire est une discipline nouvelle apparue à la fin des années 1970. Fondée sur l’analyse chimique organique, elle vise à extraire l’information chimique de résidus de taille infime et souvent invisibles à l’oeil nu. Comme les analyses génétiques, il s’agit d’une technique de pointe employée actuellement par la police scientifique pour résoudre des enquêtes complexes.

La recherche des parfums anciens s’apparente en effet à une véritable enquête policière si ce n’est qu’à la place d’une scène de crime contemporaine, nous avons une tombe, une épave, un sanctuaire ou une pièce d’habitat qui remontent à plusieurs centaines voire plu-sieurs milliers d’années. La difficulté pour les chimistes consiste donc à retrouver les mar-queurs des matériaux qui composaient les parfums mais aussi de les identifier alors qu’ils ont subi une très longue période de dégradation et de transformation. Imaginez ce que sera un pot de miel ou une bouteille d’huile d’olive dans 2500 ans...

Figure 1a et b : masse résineuse à l’intérieurd’un vase phénicien du musée de Cabras (Sardaigne)

Très différents des parfums actuels, les parfums antiques étaient en effet composés de matériaux naturels tels que cire d’abeille, miel, résines, vinaigre, huiles végétales, graisses animales et essences tirées de nombreuses plantes aromatiques. Les produits naturels sont constitués de différentes classes moléculaires : lipides, glucides, protéines, polyphénols principalement. Certaines, comme les glucides, se conservent très mal dans le milieu ar-chéologique alors que d’autres, comme les protéines, n’ont pas encore été identifiées dans les parfums anciens. Les protocoles analytiques utilisés ne permettent généralement pas leur détection, car seule une méthode spécifique d’extraction, de purification et de carac-térisation permet l’accès à ces marqueurs : c’est le domaine prometteur de la protéomique (science qui étudie l’ensemble des protéines d’une cellule, tissu, organe ou organisme). La recherche actuelle se concentre plus particulièrement sur les lipides et les polyphénols. Aux premiers qui constituent l’essentiel des huiles et des graisses, se rattachent les stérols d’origine animale (cholestérol) ou végétal (phytostérols) ainsi que les terpènes spécifiques du règne végétal. Parmi les lipides, on trouve encore les cires qui sont d’origine animale (abeille) mais aussi végétale (cires épicuticulaires qui recouvrent les feuilles et les fruits pour les protéger). Enfin, les polyphénols incluent les tannins responsables de la couleur et de l’astringence des fruits et des fleurs.

Figure 2 : contenu d’un vase à parfum étrusque du musée de Dinan.Radiographie du vase et macrophotographies des résidus

Rechercher un parfum ancien nécessite de mettre en place une méthodologie analytique permettant de détecter et d’identifier les différents marqueurs, caractéristiques d’un maté-riau brut, qui ont pu résister au temps. Les techniques actuelles, très sensibles, permettent de ne faire que des prélèvements réduits : un peu de poudre grattée à l’intérieur d’un vase en céramique ou le rinçage au solvant d’un balsamaire en verre suffisent à extraire quelques milligrammes de matière organique.

Ce microprélèvement possède toutes les informations sur le mélange complexe formé par le parfum antique que l’on veut retrouver. La chromatographie en phase gazeuse (CPG) per-met d’en séparer les molécules qui peuvent ensuite être identifiées une à une par couplage à la spectrométrie de masse (CPG-SM) grâce à leur spectre de masse, carte d’identité unique pour chaque molécule organique. Enfin, pour une meilleure caractérisation des composés les moins volatils, on fait appel à la spectrométrie de masse en mode electrospray (ESI-MI) où l’extrait organique dissous dans un solvant est directement injecté dans le spectromètre.

Figure 3a et b : chromatogramme du contenud’un petit vase en pâte de verre du Ve s. av . J.-C. (musée de Cagliari)

1a.

1b.

2.

3a.

3b.