parc national de zakouma : 1 2 structure des peuplements 2 … · 2015. 5. 29. · jacob singa2 1...

15
BOIS ET FORÊTS DES TROPIQUES, 2006, N° 290 (4) 45 ÉCOTOURISME ET AIRES PROTÉGÉES TCHAD Pierre Poilecot 1 Édouard Boulanodji 2 Nicolas Taloua 2 Bechir Djimet 2 Takene Ngui 2 Jacob Singa 2 1 Cirad, département Emvt TA 30/F Campus international de Baillarguet 34398 Montpellier Cedex 5 France 2 Projet Curess Parc national de Zakouma, BP 552 N’Djamena Tchad Photo 1. Peuplement arboré d’Acacia seyal, en début de saison des pluies (juillet), dans le nord du parc national de Zakouma. Photo P. Poilecot. Dans le cadre d’une réhabilitation du parc tchadien de Zakouma et d’une forte croissance de la population d’éléphants, des inventaires floristiques sont réalisés dans les savanes à Acacia et celles à Combretaceae pour comprendre le fonctionnement de ces écosystèmes. À l’issue de ces recherches, des inventaires à plus grande échelle sont programmés, pour spatialiser les habitats des éléphants et évaluer les dégâts à la végétation, en tenant compte des ressources en eau. Ainsi, les activités de gestion du parc pourront être orientées vers la préservation de ces écosystèmes. Parc national de Zakouma : structure des peuplements ligneux dans des savanes exploitées par les éléphants

Upload: others

Post on 15-Feb-2021

2 views

Category:

Documents


1 download

TRANSCRIPT

  • B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 6 , N ° 2 9 0 ( 4 ) 45ÉCOTOURISME ET AIRES PROTÉGÉESTCHAD

    Pierre Poilecot1

    Édouard Boulanodji2

    Nicolas Taloua2

    Bechir Djimet2

    Takene Ngui2

    Jacob Singa2

    1 Cirad, département EmvtTA 30/FCampus international de Baillarguet34398 Montpellier Cedex 5France

    2 Projet CuressParc national de Zakouma, BP 552N’DjamenaTchad

    Photo 1. Peuplement arboré d’Acacia seyal, en début de saison des pluies (juillet), dans le nord du parc national de Zakouma. Photo P. Poilecot.

    Dans le cadre d’une réhabilitation du parc tchadien de Zakouma et d’une forte croissance de la population d’éléphants, des inventaires floristiques sontréalisés dans les savanes à Acacia et celles à Combretaceae pour comprendre lefonctionnement de ces écosystèmes. À l’issue de ces recherches, des inventaires à plusgrande échelle sont programmés, pour spatialiser les habitats des éléphants et évaluerles dégâts à la végétation, en tenant compte des ressources en eau. Ainsi, les activitésde gestion du parc pourront être orientées vers la préservation de ces écosystèmes.

    Parc national de Zakouma :structure des peuplementsligneux dans des savanes

    exploitées par les éléphants

  • RÉSUMÉ

    PARC NATIONAL DE ZAKOUMA :STRUCTURE DES PEUPLEMENTSLIGNEUX DANS DES SAVANESEXPLOITÉES PAR LES ÉLÉPHANTS

    Le parc national de Zakouma (sud-estdu Tchad, secteur soudano-sahélien)est soumis à des inondationsannuelles, de juillet à octobre, quiconditionnent le fonctionnement desécosystèmes. Ces inondations obligentles grands mammifères à effectuer desmigrations saisonnières et permettentà la végétation de se régénérer. Malgréune forte densité d’animaux sauvages,en particulier d’éléphants, la végéta-tion de l’aire protégée demeure dansun bon état de conservation. Elle estreprésentée par des savanes à Acaciaseyal, des savanes à Combretaceae etdes savanes herbeuses marécageuses.De récents inventaires, conduits dansune savane à Acacia seyal et unesavane à Combretaceae, montrent quela première est constituée d’un peuple-ment pratiquement monospécifique,avec une contribution spécifique voi-sine de 80 % pour les acacias. Ceux-cisont principalement associés àBalanites aegyptiaca, Combretum acu-leatum et Piliostigma reticulatum. Lasavane à Combretaceae est beaucoupplus diversifiée et formée d’unemosaïque de peuplements plus oumoins denses. Elle est dominée parCombretum aculeatum, C. glutinosum,Stereospermum kunthianum, Balanitesaegyptiaca, Piliostigma reticulatum,Cadaba farinosa et localement parTerminalia avicennioides et Guierasenegalensis. La densité des ligneuxdans la savane à Acacia seyal est relati-vement faible, avec 120 individus/ha,alors qu’elle atteint 305 pieds/ha dansla savane à Combretaceae. Les hau-teurs et diamètres respectifs moyenssont de 4,6 m et 10 cm dans la savaneà Acacia et 3,15 m et 6,7 cm dans laformation à Combretaceae. La régéné-ration des espèces ligneuses est engénéral bonne, bien que plus faibledans la savane à Acacia seyal.

    Mots-clés : savane à Acacia seyal,savane à Combretaceae, structuredes peuplements, éléphant, parcnational de Zakouma, Tchad.

    ABSTRACT

    THE ZAKOUMA NATIONAL PARK:STRUCTURE OF WOODLAND STANDSIN SAVANNAH LANDS USED BY ELEPHANTS

    Ecosystem functions in the ZakoumaNational Park (south-eastern Chad, inthe Sudano-Sahelian sector) are deter-mined by annual flooding of the area,from July to October. These floods forcelarge mammals into seasonal migra-tions and allow the area’s vegetation toregenerate. Despite the high density ofwild fauna, especially elephants, theprotected area’s vegetation has a highconservation status. It is represented byAcacia seyal savannah, Combretaceaesavannah and marshy grassland savan-nah. Recent inventories in Acacia seyaland Combretaceae savannah areashave shown that the former are virtuallysingle-species stands, with around80% of acacias. These are mainly asso-ciated with Balanites aegyptiaca, Com-bretum aculeatum and Piliostigmareticulatum. The Combretaceae savan-nah area is much more diversified andmakes up of a mosaic of more or lessdense stands, dominated overall byCombretum aculeatum, C. glutinosum,Stereospermum kunthianum, Balanitesaegyptiaca, Piliostigma reticulatum andCadaba farinosa, and locally by Termi-nalia avicennioides and Guiera sene-galensis. Woodland density in Acaciaseyal savannah is relatively low, with120 individuals/ha, while density is ashigh as 305 stems/ha in Combretaceaesavannah. Average tree heights anddiameters are of 4.6 m and 10 cmrespectively in Acacia savannah and3.15 m and 6.7 cm respectively in Com-bretaceae stands. Regeneration ratesamong woody species are generallyhigh, although somewhat lower in Aca-cia seyal savannah

    Keywords: Acacia seyal savannah,Combretaceae savannah, standstructure, elephant, ZakoumaNational Park, Chad.

    RESUMEN

    PARQUE NACIONAL DE ZAKOUMA:ESTRUCTURA DE LAS MASASLEÑOSAS EN LAS SABANASEXPLOTADAS POR LOS ELEFANTES

    El Parque Nacional de Zakouma (surestede Chad, zona sudano-saheliana) estásometido a inundaciones anuales, dejulio a octubre, que condicionan el fun-cionamiento de los ecosistemas. Estasinundaciones obligan a los grandesmamíferos a realizar migraciones esta-cionales y permiten que la vegetación seregenere. A pesar de la alta densidad deanimales salvajes, especialmente la deelefantes, la vegetación del área prote-gida mantiene un buen estado de con-servación. Dicha vegetación está repre-sentada por sabanas de Acacia seyal,sabanas de combretáceas y sabanasherbáceas pantanosas. Los recientesinventarios, realizados en una sabanade Acacia seyal y una sabana de combre-táceas, ponen de manifiesto que la pri-mera está constituida por un rodal prác-ticamente monoespecífico, con unacontribución específica de las acaciasque ronda el 80%. Éstas se encuentranprincipalmente asociadas a Balanitesaegyptiaca, Combretum aculeatum yPiliostigma reticulatum. La sabana decombretáceas es mucho más diversifi-cada y está formada por un mosaico derodales más o menos densos. Aquídominan Combretum aculeatum, C. glu-tinosum, Stereospermum kunthianum,Balanites aegyptiaca, Piliostigma reticu-latum, Cadaba farinosa y, localmente,Terminalia avicennioides y Guiera sene-galensis. La densidad de las leñosas enla sabana de Acacia seyal es relativa-mente baja, con 120 individuos/ha,mientras que llega a 305 pies/ha en lasabana de combretáceas. El promediode alturas y diámetros es, respectiva-mente, de 4,6 m y 10 cm en la sabanade Acacia y 3,15 m y 6,7 cm en la forma-ción de combretáceas. La regeneraciónde las especies leñosas es general-mente buena, aunque más baja en lasabana de Acacia seyal.

    Palabras clave: sabana de Acaciaseyal, sabana de combretáceas,estructura de los rodales, elefante,Parque Nacional de Zakouma, Chad.

    46 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 6 , N ° 2 9 0 ( 4 )ECOTOURISM AND PROTECTED AREASPierre Poilecot, Edouard Boulanodji, Nicolas Taloua, Bechir Djimet,Takene Ngui, Jacob Singa

    CHAD

  • Introduction

    Si la végétation et la flore decertaines régions du Tchad ont étérelativement bien étudiées, lors d’in-ventaires dans les zones pastorales,la partie sud-est du pays demeureencore mal connue, certainement àcause des inondations qui caractéri-sent la saison des pluies dans le bas-sin du Salamat. Il en résulte uneméconnaissance de la diversité bio-logique, regrettable lorsque l’on saitque le Tchad ne peut être considérécomme appartenant uniquement au« bloc » ouest-africain mais qu’il estsous l’influence des « blocs » orientalet centrafricain (Mnhn, 2000).

    Le parc national de Zakouma,situé entre les parallèles 10° 34’ et11° 03’ de latitude nord et les méri-diens 19° 21’ et 20° 00’ de longitudeest, appartient à cette partie duTchad proche des frontières duSoudan à l’est et de la Républiquecentrafricaine au sud (figure 1).

    Créée en 1963, cette aire proté-gée, qui abritait alors une faune abon-dante, subit les désastres de laguerre, de la peste bovine et des épi-sodes de sécheresse successifs. Lavolonté du gouvernement tchadien,dès 1986, de réhabiliter le site aporté ses fruits puisqu’une succes-sion de projets financés par l’Unioneuropéenne a, de 1989 à l’heureactuelle, permis la mise en œuvre demesures efficaces de protection. Il arésulté de ces actions un accroisse-ment spectaculaire de la plupart despopulations animales et le maintiendes formations végétales en bon état.

    Le Tchad oriental rassemble prèsde 60 % du bétail du pays et l’élevagetranshumant est le principal mode deproduction animale. Plus de 300 000transhumants et environ huit millionsde têtes de bétail sillonnent ainsicette vaste région dont une partie sefixe dans la périphérie du parc natio-nal de Zakouma, venant enrichir lespopulations de sédentaires et lecheptel existant.

    Cette pression sur le milieu vientaccentuer celle qui résulte des activi-tés agricoles, en particulier de la cul-ture du berbéré (sorgho de décrue),conduisant aux défrichements dessavanes à Acacia seyal situées sur les

    vertisols. L’importance des troupeauxdomestiques et les fronts pionnierssur les limites du parc constituent unemenace pour l’aire protégée à moyenou long terme si des mesures ne sontpas prises pour une gestion ration-nelle des habitats. De plus, l’augmen-tation croissante de la populationd’éléphants, qui est passée de 1 000individus en 1989 à près de 4 000 en2005 (Bousquet, 1991 ; Fay et al.,2005), et l’impact du pâturage sur lavégétation ont alerté les gestionnairesdu parc national de Zakouma sur ledevenir des peuplements ligneux.

    C’est dans ce contexte que leprojet Curess (Conservation et utilisa-tion rationnelle des écosystèmessoudano-sahéliens), en collaborationavec la Direction de la conservationde la faune et des aires protégées(Dcfap), a défini, en 2003, de nou-veaux axes de recherche et de suiviprioritaires concernant la végétationet la flore, la mobilité des animauxsauvages et domestiques (migrationset mouvements saisonniers) et lesinteractions faune-bétail-environne-ment, qui contribueront à unemeilleure connaissance du fonction-nement de l’écosystème en général,tant à l’intérieur du parc lui-mêmeque dans sa zone d’influence.

    B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 6 , N ° 2 9 0 ( 4 ) 47ÉCOTOURISME ET AIRES PROTÉGÉESTCHAD

    Figure 1. Situation géographique du parc nationalde Zakouma, dans le sud-est du Tchad.

    Figure 2. Intensité des inondations au cours de la saison des pluiesdans le parc national de Zakouma et sa zone d’influence. Source : Menard, Cornelis et Dolmia, Cirad, 2004.

  • Un écosystèmerégi par lesinondations

    annuelles

    Couvrant environ 3 000 km2, leparc national de Zakouma est loca-lisé dans la cuvette tchadienne etappartient au secteur soudano-sahé-lien soumis à un climat tropical sec,nettement continental, avec desécarts de température, d’humidité etde précipitations assez importants,tant en termes de valeur que dedurée. La pluviosité moyenneannuelle, d’environ 800 mm, estcaractérisée par une répartition despluies de juin à octobre, les moisd’août et de septembre étant les pluspluvieux. La température moyenneannuelle s’élève à 27 °C avec unminimum absolu de 6,2 °C au cours

    du mois de décembre et un maximumabsolu de 45,2 °C enregistré en avril(Dejace, 2002).

    Deux grandes unités géolo-giques sont représentées dans leparc : les pointements rocheux dusocle, les cuirasses et le sédimentaireancien localisés dans la partie ouestdu parc ; les formations sédimentairesquaternaires qui couvrent la moitiéorientale. Les sols sont principale-ment caractérisés par des vertisols etdes sols à pseudo-gley de surface,alors que des sols ferrugineux tropi-caux (généralement exondés) domi-nent dans la région centre-sud del’aire protégée avec des affleurementsde cuirasse (Pias, Barbery, 1965).

    La topographie très peu mar-quée, avec une altitude moyenne de410 m, contribue au débordementdes principales rivières qui engen-drent de vastes inondations an-

    nuelles recouvrant la moitié orien-tale de l’aire protégée, ce qui larend inaccessible des mois de juilletà octobre (figure 2). Ces inonda-tions jouent un rôle primordial dansle fonctionnement de l’écosystème.En effet, la nappe d’eau quirecouvre ainsi une partie de larégion entraîne une rechargehydrique des dépressions, contri-bue à l’enrichissement des sols pardes dépôts de limons et oblige lesanimaux, en particulier les grandsmammifères du parc, à effectuerdes « migrations » saisonnières àl’intérieur (partie ouest) et à l’exté-rieur des limites de l’aire protégée(Malachie, 2004).

    Ces déplacements, qui condui-sent à la réduction d’une biomasseanimale localement forte, permettentde « soulager » le milieu naturel et àla végétation de se reconstituer.

    Photo 2. Les savanes à Combretaceae, relativement claires, couvrent plus de 70 % de la superficie du parc national de Zakouma. Photo P. Poilecot.

    48 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 6 , N ° 2 9 0 ( 4 )CHAD ECOTOURISM AND PROTECTED AREAS

  • Savanes soudano-sahéliennes

    et zones humides

    Gillet (1969) fut le premier àdécrire la végétation du parc tout enabordant les interactions faune-végé-tation et en insistant sur la qualitédes pâturages fournis par les plainesmarécageuses. Plusieurs études(Bechir, Cesar, 2000 ; Maire,2000 ; Calenge et al., 2002) permet-tent d’affiner la typologie des peuple-ments végétaux et Dejace (2002) futle premier à établir une carte de lavégétation de l’aire protégée danslaquelle il définit les grandes forma-tions végétales (figure 3).

    Malgré cette succession de tra-vaux, la végétation du parc nationalde Zakouma demeure insuffisammentconnue et de récents inventaires ontainsi été conduits, dans le cadre duprojet Curess, pour combler cemanque d’information concernant lacomposition floristique et la structuredes savanes (Poilecot et al., 2004 a).

    Les formations à Acacia1

    Des formations arborées clairesà Acacia sieberiana s’étendent dansles plaines argileuses, temporaire-ment inondées, qui longent souventles principales rivières ou bordent lesvastes plaines marécageuses inon-dables. Les cours d’eau moins impor-tants sont frangés d’un rideaud’Acacia nilotica qui forme une gale-rie forestière pratiquement monospé-cifique en contact direct avec lessavanes environnantes.

    Les savanes à Acacia seyal,d’affinité sahélo-soudanienne etprincipalement localisées dans lamoitié nord du parc, couvrent 25 %de sa superficie et donnent, de parleur étendue, leur structure ou lacouleur rouge des arbres, un carac-tère particulier au paysage (pho-to 1). Elles occupent les vertisolsnoirs tropicaux, riches en argile, cra-quelés et colmatés en saison sèche,sur lesquels se rencontrent quel-ques autres ligneux comme Bala-

    nites aegyptiaca, Acacia sieberiana,Piliostigma reticulatum ou Capparistomentosa. Ces savanes constituentle lieu de pâturage privilégié deséléphants et des girafes, qui exploi-tent les arbres dès le début de la sai-son sèche, lorsque les sols com-mencent à se ressuyer.

    Les savanes à Combretaceae

    Davantage soudaniennes, lessavanes à Combretaceae (photo 2)sont les plus représentatives et occu-pent près de 70 % de l’aire protégée.Elles sont plus ou moins étroitementimbriquées dans les savanes à légu-mineuses situées plus au sud et com-prennent les formations suivantes :

    ▪ des savanes à Combretum glutino-sum, caractérisant les parties sablon-neuses de la zone sahélo-souda-nienne ;▪ des savanes arborées à boisées, àAnogeissus leiocarpa, au sein des-quelles se rencontrent, disséminés,des ligneux comme Combretum gluti-nosum, Piliostigma reticulatum ouBoscia senegalensis ;▪ des savanes arborées à Terminaliaavicennioides, hautes de 8-15 m,principalement localisées dans l’estdu parc, sur des sols sableux ;▪ des savanes arbustives à arboréescaractérisées par Combretum nigri-cans, dans lesquelles la strate arboréeest dominée par Prosopis africana,Lonchocarpus laxiflorus, Tamarindusindica et Anogeissus leiocarpa.

    B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 6 , N ° 2 9 0 ( 4 ) 49ÉCOTOURISME ET AIRES PROTÉGÉESTCHAD

    Figure 3. Carte de la végétation du parc national de Zakouma avec la localisation des deux sites d’étude (entourés de blanc).

    1 La nomenclature botanique fait appel à Lebrunet Stork (1991, 1992, 1995 et 1997).

  • Les savanes à légumineuses

    Plus denses que les précé-dentes, ces savanes occupent la par-tie la plus méridionale du parc etsont en fait des formations mixtes oùs’associent légumineuses etCombretaceae. D’affinité souda-nienne, les peuplements ligneux sontmieux structurés en strates :▪ une strate haute caractérisée parKhaya senegalensis, Afzelia africana,Daniellia oliveri, Lannea schimperi,Pterocarpus lucens, Albizia amarasubsp. sericocephala, Lonchocarpuslaxiflorus, Prosopis africana, Cassiasieberiana, Balanites aegyptiaca,Sterculia setigera, Stereospermumkunthianum et Terminalia laxiflora ;▪ une strate moyenne avec Entadaafricana, Combretum glutinosum,Pericopsis laxiflora, Crossopteryxfebrifuga, Hexalobus monopetalus ;▪ une strate arbustive renfermantprincipalement Grewia venusta,Detarium microcarpum, Bridelia scle-roneura, Securidaca longipeduncu-

    lata, Gardenia erubescens, Maytenussenegalensis, Ximenia americana,Dombeya quinqueseta et Hymeno-cardia acida.

    Le couvert herbacé est principa-lement constitué par de grandesAndropogoneae (Andropogon etHyparrhenia spp.). Dès les premièrespluies, alors que le tapis graminéenn’a pas encore reverdi, fleurissent defaçon spectaculaire des géophytescomme Ammocharis tinneana (pho-to 3) et Drimia altissima.

    D’autres formations arbustivesà arborées, de faible étendue, sontliées à des conditions édaphiquesparticulières :▪ les savanes à îlots ou « léopar-dées » (Gillet, 1969), qui se caracté-risent par des bosquets occupant lestertres d’anciennes termitières etconstitués principalement parCombretum aculeatum, C. panicula-tum, Acacia ataxacantha, Feretia apo-danthera, Boscia senegalensis,Capparis sepiaria et Asparagus fla-gellaris ;

    Photo 3. Ammocharis tinneana (Amaryllidaceae) est l’un des premiers géophytes à fleurir dès l’arrivée des pluies. Photo E. Boulandji et B. Djimet.

    Photo 4. Savane herbeuse marécageuse de Tororo dans le nord-est du parc, en contact avec une savane à Acacia seyal.Photo P. Poilecot.

    50 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 6 , N ° 2 9 0 ( 4 )CHAD ECOTOURISM AND PROTECTED AREAS

  • ▪ les petits peuplements de Lanneahumilis, situés sur les sols limoneux,souvent en bordure des savanes àTerminalia avicennioides ;▪ les formations à Borassus aethio-pium (palmier rônier) installées lelong des méandres du Bahr Salamat,dans le sud-est du parc.

    Les savanes herbeusesmarécageuses

    Près de 250 km2 de plaines maré-cageuses ont été cartographiés pour leparc (photo 4). Variable selon les plansd’eau, le tapis herbacé est composé deceintures de végétation concentriquescomprenant de l’extérieur vers le centreune frange plus ou moins large de Veti-veria nigritana et Panicum fluviicola,puis une bordure de Setaria sphace-lata, Hyparrhenia rufa, Brachiariamutica, Oryza longistaminata encontact avec un peuplement d’Echino-chloa stagnina qui occupe ensuite lamajeure partie des plaines. Les zonesd’eau libre sont parsemées de fleurs deNymphaea lotus et N. micrantha. Cesvastes dépressions herbeuses consti-tuent le « poumon » du parc, assurantressources en eau et en fourrage, tantpour les mammifères que pour les mil-liers d’oiseaux qui les fréquentent toutau long de la saison sèche.

    Les forêts-galer ies

    Bien individualisées le longdes principaux cours d’eau, ellessont relativement peu denses etformées par des ligneux ripicolescomme Acacia nilotica, Celtis toka,Mitragyna inermis, Kigelia africana,Crateva adansonii ou Allophylusafr icanus . De grosses l ianesligneuses telles Capparis tomen-tosa, C. sepiaria ou Loeseneriellaafricana forment des faisceaux detiges au pied des arbres et confon-dent leurs cimes feuillées aveccelles des houppiers qui les sup-portent.

    Végétation des inselbergs

    Un alignement d’inselbergs, quiconstitue le seul relief de l’aire proté-gée dans sa partie sud-ouest, romptla monotonie du paysage (photo 5).La végétation, composée en grandepartie d’espèces banales dessavanes environnantes, s’enrichitd’orophytes des régions sèchescomme Boswellia papyrifera (pho-to 6) et Terminalia brownii qui contri-buent à accroître la diversité biolo-gique du parc.

    Des peuplementsvégétaux soumis

    à la pression de pâturage

    des éléphants

    L’étude de la composition flo-ristique et de la structure des peu-plements ligneux, au sein des deuxformations principales du parc, àsavoir les savanes à Acacia seyal etles savanes à Combretaceae, a étéréalisée au cours de la saison sèche2004. Des inventaires concernantles dégâts d’éléphants furent menésen parallèle des inventaires floris-tiques.

    Le protocole a conduit à lamise en place d’un échantillonnagesystématique dans une savane àAcacia seyal (site 1) et une savaneà Combretaceae (site 2), s’éten-dant respectivement sur 5 km2 et7,2 km2 dans la partie est du parc(figure 3).

    Un total de 138 placettes cir-culaires dont 58 dans le site 1, sur9 transects orientés est-ouest, et80 dans le site 2, sur 11 transectsorientés nord-sud, espacées de250 m sur les transects furentinventoriées et géoréférencées.

    Photo 5. Alignement d’inselbergs, dominant le terroir agricole de Bone, dans le sud-ouest du parc. Photo P. Poilecot.

    B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 6 , N ° 2 9 0 ( 4 ) 51ÉCOTOURISME ET AIRES PROTÉGÉESTCHAD

  • Chaque parcelle couvrant803 m2, l’échantillon dans la savaneà Acacia s’élève à 4,65 ha et celui dela savane à Combretaceae à 6,42 ha.

    Pour tous les ligneux d’une hau-teur N 1 m furent mesurés la hauteur,

    le diamètre du tronc et le diamètre duhouppier. La régénération fut esti-mée par le comptage de tous les indi-vidus M 1 m de hauteur, appartenantà des plants ou des rejets.

    La savane à Acacia seyal

    Les savanes à Acacia seyal ontsouvent l’aspect de formations prati-quement monospécifiques, en appa-rence homogènes et plus ou moinséquiennes (figure 4), dominant untapis herbacé généralement dense àbase de Sorghum arundinaceum etEchinochloa obtusiflora mais danslequel plus de 30 espèces furentidentifiées.

    L’inventaire réalisé dans le site1 a permis de recenser 14 espècesligneuses, représentées par 734 indi-vidus appartenant principalementaux familles des Mimosaceae,Combretaceae et Capparidaceae(tableau I). Acacia seyal, avec unecontribution spécifique de 77 %,domine largement alors que lesautres espèces, pouvant être consi-dérées comme « secondaires », com-prennent surtout Combretum aculea-tum, Capparis tomentosa (arbustessarmenteux et/ou lianescents),Piliostigma reticulatum, Ziziphusmauritiana et Cadaba farinosa.L’ensemble de ces six espèces a unecontribution de 97 % et les autresligneux sont donc négligeables ausein du peuplement.

    52 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 6 , N ° 2 9 0 ( 4 )CHAD ECOTOURISM AND PROTECTED AREAS

    Tableau I. Contribution des espèces ligneuses (Cs) recensées dans la savane à Acacia seyal.

    Nom scientifique Famille Nombre Cs (%)d’individus

    Acacia seyal Mimosaceae 564 76,84

    Combretum aculeatum Combretaceae 61 8,31

    Capparis tomentosa Capparidaceae 49 6,68

    Piliostigma reticulatum Caesalpiniaceae 13 1,77

    Ziziphus mauritiana Rhamnaceae 13 1,77

    Cadaba farinosa Capparidaceae 11 1,50

    Boscia senegalensis Capparidaceae 6 0,82

    Acacia polyacantha Mimosaceae 4 0,54

    Acacia sieberiana Mimosaceae 4 0,54

    Tamarindus indica Caesalpiniaceae 4 0,54

    Combretum glutinosum Combretaceae 2 0,27

    Acacia ataxacantha Mimosaceae 1 0,14

    Balanites aegyptiaca Balanitaceae 1 0,14

    Bauhinia rufescens Caesalpiniaceae 1 0,14

    Total 734 100,00

    Figure 4. Représentation schématique de la savane à Acacia seyal (site 1) et des formations végétales adjacentesselon un transect est-ouest de 1,8 km.

  • Structure du peuplement ligneuxToutes espèces confondues, la

    densité des ligneux atteint 158 indi-vidus/ha, correspondant à une sur-face terrière de 1,86 m2/ha.

    La hauteur moyenne du peuple-ment, égale à 4,61 ± 0,19 m (n =734 ; p = 0,05), est relativementfaible et il en est de même du dia-mètre moyen égal à 10,03 ± 0,51 cm(n = 734 ; p = 0,05).

    Le couvert moyen par arbre, de22,71 ± 1,65 m2 (n = 734 ; p = 0,05),se traduit par un couvert arboré d’en-viron 35 %.

    Pour les seuls Acacia seyal, quicomptent 564 individus, la densités’élève à 121 pieds/ha avec une sur-face terrière de 1,68 m2/ha.

    Acacia seyal est généralementun petit arbre, ou un arbuste branchudès la base, qui dépasse rarement12 m de hauteur et 35 cm en dia-mètre. La hauteur moyenne des indi-vidus inventoriés s’élève à 4,95 ±0,22 m (n = 564 ; p = 0,05) et leurdiamètre moyen est de 11,4 ±0,57 cm (n = 564 ; p = 0,05).

    Le peuplement est déséquilibrépar l’effectif réduit des individus depetite taille et donc de jeunes. Eneffet, près de 68 % des individusappartiennent respectivement auxclasses de hauteur comprises entre 2et 6 m (figure 5 a) et plus de 81 %des arbres et arbustes observés ontun diamètre ne dépassant pas15 cm, les classes 5-10 cm et 10-15 cm étant les mieux représentées(figure 5 b).

    La hauteur moyenne, relative-ment faible, est en partie dépen-dante de la pression d’herbivorie deséléphants qui façonnent les peuple-ments en cassant les branches princi-pales et « rabattant » les cimes.

    Une forte corrélation positive(r2 = 0,67 ; p = 0,01) existe entre lelog de la hauteur2 et le log de la cir-conférence des Acacia seyal.

    Le couvert produit par les Acaciaest voisin de 31 % avec une moyennepar individu de 25,11 ± 2 m2 (n =564 ; p = 0,05). La distribution desarbres dans le peuplement n’est pashomogène, la partie nord-ouest du

    site étant plus dense, et des clairièresentraînent des variations dans la den-sité des arbres et donc du couvert.

    L’étude de la régénération desligneux a permis de dénombrer474 plants et rejets appartenant à11 espèces. Pour une densité de102 individus/ha, toutes espècesconfondues, Acacia seyal comptepour près de 83 % (tableau II), avecun fort pourcentage de rejets (75 %).

    La régénération des ligneux,tant pour Acacia seyal que pour lesespèces « secondaires », est relative-ment faible, et peut s’expliquer prin-cipalement par :▪ la période (décembre-janvier) àlaquelle les inventaires ont été réali-sés ; une étude de la régénérationdans ces savanes serait préférableplus tardivement au cours de la sai-son sèche, lorsque les plantules etrejets de la régénération acquise ainsique ceux de l’année (dernière saisondes pluies) sont bien développés ; ▪ le pâturage des animaux, ayant unrégime de « brouteur » ou mixte, qui

    apprécient généralement lespousses des Légumineuses et sur-tout des Acacia ;▪ le passage des feux, même pré-coces aux mois d’octobre-novembre,dans un tapis herbacé localementtrès fourni ;▪ les sujets omis par les observateurslors de l’inventaire.

    Indice de diversitéL’indice de diversité de

    Shannon (Ish = – pi log2 pi où pi cor-respond à la fréquence absolue desespèces) est souvent compris entre1,5 et 3,5 (Magurran, 1988). Dansles savanes à Acacia seyal, et unique-ment calculé à partir des ligneux, ilprend la valeur de Ish = 1,388 met-tant en évidence la faible diversité dupeuplement.

    Les vertisols constituent dessubstrats particuliers, périodique-ment inondés, limitant l’installationdes ligneux, et seules les espèces lesmieux adaptées, comme Acaciaseyal, peuvent les occuper.

    Figure 5. Dans la savane à Acacia seyal, distribution des A. seyal (n = 564) : a, par classe de hauteur ; b, par classe de diamètre.

    a

    b

    B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 6 , N ° 2 9 0 ( 4 ) 53ÉCOTOURISME ET AIRES PROTÉGÉESTCHAD

    2 Les données pour la hauteur et la circonférencene suivant pas une distribution normale ont ététransformées en log.

  • La savane à Combretaceae

    Dans la savane à Combretaceae,la strate herbacée, de densité trèsvariable suivant les sols, est floristi-quement riche et plus de 80 espècesfurent recensées au cours des inven-taires. Les sols les mieux drainés sup-portent un couvert graminéen plus ou

    moins dense composé principalementpar Andropogon gayanus associée àA. fastigiatus, Hyparrhenia bagirmica,Pennisetum pedicellatum, P. polysta-chion, Loudetia togoensis, Eragrostistremula et diverses dicotylédones donten particulier Hibiscus asper et Cha-maecrista mimosoides (localementabondantes) ou Tephrosia bracteolata.Le peuplement ligneux est composé

    de 39 espèces, totalisant 2 175 indivi-dus, dont la contribution est présentéedans le tableau III. Les familles les plusreprésentatives de cette formation, ennombre d’individus, sont les Combre-taceae (53 %), Capparidaceae (11 %),Bignoniaceae (9,6 %), Caesalpinia-ceae et Balanitaceae (8,8 %) et Rubia-ceae (4,3 %), qui comptent au totalpour près de 87 %.

    Figure 6. Représentation schématique de la savane à Combretaceae (site 2) et des différents faciès de végétation selon un transect nord-sud de 2 km.

    54 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 6 , N ° 2 9 0 ( 4 )CHAD ECOTOURISM AND PROTECTED AREAS

    Tableau II. Distribution de la régénération par espèce et par transect dans la savane à Acacia seyal.

    Espèce Transect1 2 3 4 5 6 7 8 9 Total Densité

    (n/ha)

    Acacia seyal 57 77 31 50 11 25 31 50 52 384 82,58

    Acacia sieberiana 0 0 0 0 0 7 5 1 6 19 4,09

    Capparis tomentosa 4 1 0 0 3 2 3 3 0 16 3,44

    Combretum aculeatum 1 0 0 0 3 1 5 5 1 16 3,44

    Boscia senegalensis 0 2 2 0 1 2 1 3 1 12 2,58

    Cadaba farinosa 0 0 0 0 1 3 2 5 1 12 2,58

    Balanites aegyptiaca 0 1 1 1 0 2 2 0 0 7 1,51

    Ziziphus mauritiana 1 0 0 0 1 0 0 2 0 4 0,86

    Piliostigma reticulatum 0 0 0 0 0 0 0 2 0 2 0,43

    Combretum glutinosum 1 0 0 0 0 0 0 0 0 1 0,22

    Tamarindus indica 0 0 0 0 1 0 0 0 0 1 0,22

    Total 64 81 34 51 21 42 49 71 61 474

  • Huit espèces – Combretum acu-leatum, Stereospermum kunthianum,Balanites aegyptiaca, Piliostigma reti-culatum, Combretum glutinosum,Guiera senegalensis, Cadaba farinosaet Terminalia avicennioides – ont unecontribution voisine de 82 %. Combre-tum aculeatum, le plus septentrionaldes Combretum de l’Afrique tropicale,est davantage distribué sur les solsargileux où il est fréquemment associéà Balanites aegyptiaca. Des ligneuxcomme Combretum glutinosum etStereospermum kunthianum se retrou-vent sur des sols généralement biendrainés alors que Terminalia avicen-nioides et Guiera senegalensis sontinféodés aux terres les plus sableuses(figure 6).

    Structure du peuplement ligneuxLa densité des ligneux, de

    304,62 individus/ha, est beaucoupplus importante que dans la savane àAcacia seyal et la surface terrière rap-portée à l’hectare atteint 3,26 m2.

    Le couvert est proche de 41 %,avec une moyenne par individu de12,02 ± 0,93 m2 (n = 2 175 ; p =0,05). Cette savane à Combretaceaeapparaît donc comme un peuplementmoyennement dense et correspond àune savane arborée.

    La hauteur moyenne, de3,13 ± 0,1 m (n = 2 175 ; p = 0,05),est relativement faible et près de82 % des individus appartiennentaux classes comprises entre 1 et 4 m(figure 7 a). Cette formation est mieux

    équilibrée que celle à Acacia seyalavec, cependant, un déficit pour laclasse 1-2 m.

    Le diamètre moyen est de6,7 ± 0,37 cm (n = 2175 ; p = 0,05),avec un peuplement relativementéquilibré bien qu’une forte propor-tion (67,1 %) soit représentée pardes individus de diamètres M 5 cm(figure 7 b).

    La hauteur et le diamètremoyens des ligneux sont influencéspar la forte contribution spécifiqued’arbustes ou de jeunes arbrescomme Combretum aculeatum(35 %), qui est un arbuste sarmen-teux, ou Stereospermum kunthianum(10 %), qui est une espèce hélio-phile, colonisatrice et souvent ren-

    B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 6 , N ° 2 9 0 ( 4 ) 55ÉCOTOURISME ET AIRES PROTÉGÉESTCHAD

    Tableau III. Contribution des espèces ligneuses (Cs) recensées dans la savane à Combretaceae.

    Nom scientifique Famille Nombre Cs (%) Nom scientifique Famille Nombre Cs (%)d’individus d’individus

    Combretum aculeatum Combretaceae 754 34,67 Catunaregam nilotica Rubiaceae 10 0,46

    Stereospermum kunthianum Bignoniaceae 208 9,56 Commiphora pedunculata Burseraceae 7 0,32

    Balanites aegyptiaca Balanitaceae 184 8,46 Leptadenia hastata** Asclepiadaceae 6 0,28

    Piliostigma reticulatum Caesalpiniaceae 166 7,63 Acacia seyal Mimosaceae 5 0,23

    Combretum glutinosum Combretaceae 148 6,80 Dregea rubicunda** Asclepiadaceae 5 0,23

    Guiera senegalensis Combretaceae 115 5,29 Trikalysia okelensis Rubiaceae 5 0,23

    Cadaba farinosa Capparidaceae 99 4,55 Dalbergia melanoxylon Fabaceae 3 0,14

    Terminalia avicennioides Combretaceae 96 4,41 Diospyros mespiliformis Ebenaceae 3 0,14

    Crateva adansonii Capparidaceae 56 2,57 Grewia flavescens Tiliaceae 3 0,14

    Feretia apodanthera Rubiaceae 46 2,11 Combretum paniculatum Combretaceae 2 0,09

    Capparis spp.* Capparidaceae 44 2,02 Dichrostachys cinerea Mimosaceae 2 0,09

    Lannea humilis Anacardiaceae 40 1,84 Gardenia aqualla Rubiaceae 2 0,09

    Boscia senegalensis Capparidaceae 38 1,75 Acacia nilotica Mimosaceae 1 0,05

    Mitragyna inermis Rubiaceae 29 1,33 Albizia amara Mimosaceae 1 0,05

    Anogeissus leiocarpa Combretaceae 24 1,10 Combretum nigricans Combretaceae 1 0,05

    Ziziphus mauritiana Rhamnaceae 17 0,78 Grewia bicolor Tiliaceae 1 0,05

    Acacia sieberiana Mimosaceae 14 0,64 Kigelia africana Bignoniaceae 1 0,05

    Tamarindus indica Caesalpiniaceae 14 0,64 Lonchocarpus laxiflorus Fabaceae 1 0,05

    Combretum collinum Combretaceae 12 0,55 Sarcocephalus latifolius Rubiaceae 1 0,05

    Bauhinia rufescens Caesalpiniaceae 11 0,51

    Total 2 175 100,00

    * Capparis tomentosa et C. fascicularis.** Liane.

  • contrée à l’état de jeunes individus,dont les hauteurs moyennes respec-tives sont de 2,88 ± 0,12 m (n = 754 ;p = 0,05) et 2,37 ± 0,15 m (n = 208 ;p = 0,05).

    Il existe une corrélation positiveentre le log de la hauteur et le log dela circonférence des arbres mesurésavec un coefficient r2 égal à 47 %.

    L’abondance de Guiera senega-lensis, arbuste héliophile et indica-teur de sol appauvri, confirme quecette savane fut localement mise enculture auparavant (pour la produc-tion du mil). D’autres arbustescomme Feretia apodanthera, Bosciasenegalensis ou Cadaba farinosa,situés sur les termitières ou se déve-loppant sous le couvert des arbres etbosquets, interviennent peu dans lastructure du peuplement.

    L’impact du pâturage des élé-phants influe également sur la struc-ture du peuplement dans cettesavane à Combretaceae. Des espècescomme Combretum aculeatum,Balanites aegyptiaca, Combretumglutinosum, Piliostigma reticulatum,Stereospermum kunthianum etTerminalia avicennioides sont parti-culièrement bien appétées par lespachydermes qui reviennent souventsur les mêmes individus au fur et àmesure de la repousse des rameaux.

    Un total de 4 060 individus, répar-tis en 892 plants (21,98 %) et 3 168rejets (78,02 %), a été inventorié pourla régénération représentant 35 espè-ces dont 14 englobent les espèces lesplus fréquentes du peuplement, à l’ex-ception de Dichrostachys cinerea(tableau IV). La densité de la régénéra-

    tion, toutes espèces confondues,s’élève à 632 individus/ha.

    Dichrostachys cinerea, un arbusteépineux qui affectionne les terrainsplutôt lourds, constitue un cas particu-lier. Il n’intervient que pour 0,09 %dans le peuplement ligneux alors qu’ilreprésente presque 10 % de la régéné-ration tout en étant très localisé. Bienque cette espèce soit particulièrementrobuste et souvent envahissante, lepâturage par la faune et l’impact desfeux de brousse pourraient expliquersa faible participation au sein de lastrate arbustive de la savane.

    Quelques autres arbustes dontBoscia senegalensis, Cadaba farinosaet Capparis spp. ont une place impor-tante dans la régénération (22,2 %),alors qu’ils influent peu sur la struc-ture du peuplement. Localisés à l’abri

    Figure 7. Dans la savane à Combretaceae, distribution des individus (n = 2 175) : a, par classe de hauteur ; b, par classe de diamètre.

    a

    b

    56 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 6 , N ° 2 9 0 ( 4 )CHAD ECOTOURISM AND PROTECTED AREAS

  • du couvert ligneux des fourrés ou destermitières, les plants et rejets bénéfi-cient d’une protection naturelle contreles feux de brousse. Il en est de mêmepour Tamarindus indica, Diospyrosmespiliformis, Feretia apodanthera ouTricalysia okelensis. Deux espèces,Gardenia erubescens et Sclerocaryabirrea, non recensées lors de l’inven-taire, ont été observées uniquementsous forme de régénération.

    Le brûlage hétérogène ou par-tiel lors des feux précoces d’octobre,dans un tapis herbacé localementencore humide, permet le maintiende la régénération en place desespèces ligneuses. Les zones lesplus pauvres concernent les sols argi-leux et compacts, caractérisés parBalanites aegyptiaca, sur lesquels larégénération s’installe mal.

    Indice de diversitéL’indice de diversité de

    Shannon, égal à Ish = 3,536, est beau-coup plus élevé que dans la savane àAcacia seyal. D’après Daget (2003),quel que soit le biochore concerné, laflore d’une station (richesse floris-tique ou diversité α) est considéréecomme « assez riche » lorsqu’elle ren-ferme de 31 à 40 espèces. C’est doncle cas pour cette savane qui, si l’onprend en compte quelques autresespèces (Ficus thonningii, F. platy-phylla, Celtis toka, Tapinanthus globi-ferus et Maerua oblongifolia) obser-vées hors des placettes, renfermeraitune flore « riche ».

    Conclusion

    Les inventaires floristiquesconduits dans le parc national deZakouma, au sein des savanes à Aca-cia seyal et des savanes à Combre-taceae, ont contribué à une meilleureconnaissance de la composition et dela structure des peuplements ligneux.

    Si les premières se révèlent flo-ristiquement pauvres, par une fortecontribution des Acacia, les secon-des montrent au contraire une assezforte diversité.

    La densité des ligneux dans lasavane à Acacia seyal est relative-ment faible, avec 120 individus/ha,alors qu’elle atteint 305 pieds/hadans la savane à Combretaceae. Lastrate arborée est relativement clairedans les savanes à Acacia seyal, bienque certains peuplements situés sur

    B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 6 , N ° 2 9 0 ( 4 ) 57ÉCOTOURISME ET AIRES PROTÉGÉESTCHAD

    Tableau IV. Contribution des principales espèces dans le peuplement ligneux et la régénération de la savane à Combretaceae.

    Espèce FréquencePeuplement ligneux Régénération

    Nombre Pourcentage Nombre Pourcentaged’individus d’individus

    Combretum aculeatum 754 34,7 988 24,30

    Stereospermum kunthianum 208 9,5 320 7,90

    Balanites aegyptiaca 184 8,5 180 4,50

    Piliostigma reticulatum 166 7,6 197 4,85

    Combretum glutinosum 148 6,8 119 2,90

    Guiera senegalensis 115 5,3 186 4,60

    Cadaba farinosa 99 4,5 279 6,90

    Terminalia avicennioides 96 4,4 112 2,70

    Crateva adansonii 56 2,6 113 2,80

    Capparis spp. 44 2,0 218 5,40

    Lannea humilis 40 1,8 107 2,60

    Boscia senegalensis 38 1,7 401 9,90

    Acacia sieberiana 14 0,6 209 5,10

    Dichrostachys cinerea 2 0,1 392 9,70

    Total 1 964 90,1 2 717 94,15

  • les limites nord du parc soient parti-culièrement denses et peu fréquen-tés par les éléphants.

    Les hauteurs et diamètresmoyens atteignent respectivement4,60 m et 10 cm dans la formation àAcacia et 3,10 m et 6,7 cm dans celleà Combretaceae, mettant en évidencedes peuplements relativement bas.

    La régénération des espècesligneuses est bonne dans la savane àCombretaceae mais apparaît faiblesous les Acacia. Les fortes souches,desquelles émanent les repoussesannuelles, confirment les trauma-tismes que subissent les rejets sousla dent des animaux sauvages et lorsdu passage des feux.

    Les travaux de Maire (2000),Calenge et al. (2002) et Poilecot et al.(2004 b) ont montré que les éléphantsexploitent généralement les ligneuxentre 0-6 m de hauteur et dans lesclasses de diamètre 5-25 cm. La pres-

    sion d’herbivorie (broutage) dueessentiellement aux pachydermes,localement importante et saisonnièredans la partie est du parc qui procuredes ressources en eau à la faune aucours de la saison sèche, et l’impactdes feux de brousse ont une incidencecertaine sur la physionomie ainsi quesur la régénération des savanes.

    Un suivi périodique, à intervallede 3-5 ans, des placettes matériali-sées sur le terrain permettra de com-parer l’évolution de la physionomiedes peuplements ligneux. Malgrécela, les résultats obtenus se rappor-tent à des échantillons de faiblesuperficie et demeurent encore insuf-fisants pour avoir une image précisede la structure des différentes forma-tions végétales à l’échelle du parc.

    À la suite de ces travaux, le pro-jet Curess a décidé de programmerdes inventaires à plus grandeéchelle, qui couvriront l’ensemble de

    l’aire protégée et grâce auxquels ilsera possible de spatialiser l’utilisa-tion des différents habitats par leséléphants et d’évaluer l’intensité desdégâts causés à la végétation entenant compte de la distribution desressources en eau.

    Ces données contribueront àmieux cerner la stratégie mise enœuvre par les animaux dans l’exploi-tation des ressources et constituerontun outil indispensable pour la pro-grammation ou la réorientation desactivités de gestion du parc dans unobjectif de maintien des écosystèmesdans un bon état de conservation.

    58 B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 6 , N ° 2 9 0 ( 4 )CHAD ECOTOURISM AND PROTECTED AREAS

    Photo 6. Boswellia papyrifera sur les pentes d’un inselberg, dans le sud-ouest du parc. Photo N. Taloua et T. Ngui.

  • Référencesbibliographiques

    BECHIR A. B., CESAR J., 2000. Compterendu de mission au parc national deZakouma. Lrvz, Tchad, 25 p.

    BOUSQUET B., 1991. Parc nationalde Zakouma : résultats et inventairesde la faune. Projet Réhabilitation etconservation du parc national deZakouma, n° 6.800.37.51.031,Seca/ministère de l’Environnementet du Tourisme, 27 p. et annexes.

    CALENGE C., MAILLARD D., GAILLARDJ.-M., MERLOT L., PELTIER R., 2002.Elephant damage to trees of woodedsavannas in Zakouma National Park,Chad. Journal of Tropical Ecology, 18 :599-614.

    DAGET P., 2003. Biodiversités végé-tales : retour sur les concepts et lesmesures. Colloque de l’Afcev-Brg surla biodiversité végétale, novembre2003, Troyes, France, 15 p.

    DEJACE P., 2002. Zakouma. Ministèrede l’Environnement et de l’Eau/Com-mission européenne, 248 p.

    FAY M., MALACHIE D. N., BOULANODJIE., NDONINGA A., GUGGEMOS C.,POILECOT P., 2005. Comptage aérientotal de la grande faune du parcnational de Zakouma. Ministère del’Environnement et de l’Eau/Curess,Tchad, 35 p.

    GILLET H., 1969. Aspects biogéogra-phiques du parc national deZakouma (Tchad). Extr. de ComptesRendus de la Société de Biogéogra-phie, 398 : 111-123.

    LEBRUN J.-P., STORK A. L., 1991-1997. Énumération des plantes àfleurs d’Afrique tropicale : volume I(1991), volume II (1992), volume III(1995) et volume IV (1997). Conser-vatoire et Jardin botaniques de laVille de Genève, Suisse, 249 p.

    MALACHIE D. N., 2004. Élémentsd’écologie de la population d’élé-phants du parc national de Zakouma.Montpellier, France, Engref, 335 p.

    MAGURRAN A. E., 1988. Ecologicaldiversity and its measurement. Lond-res, Royaume-Uni, Chapman andHall, 179 p.

    MAIRE M., 2000. Impact actuel deséléphants sur la savane à Acaciaseyal : parc national de Zakouma,Tchad. Fif/Engref/Commission euro-péenne, 48 p.

    MNHN, 2000. Diversité des petitsmammifères de Zakouma : rapport dela mission au parc national deZakouma. Paris, France, Muséumnational d’histoire naturelle, 10 p.

    PIAS J., BARBERY J., 1965. Cartespédologiques de reconnaissance au250 000e. Feuilles du Lac Iro-Djouna.Notice explicative. Bondy, France,Orstom.

    POILECOT P., BOULANODJI E., TALOUAN., NGUI T., DJIMET B., SINGA J., 2004a. Composition floristique et struc-ture des peuplements ligneux :savane à Acacia seyal et savane àCombretaceae, parc national deZakouma (sud-est du Tchad). N’Dja-mena, Tchad, projet Curess, 33 p. etannexes.

    POILECOT P., BOULANODJI E., TALOUAN., NGUI T., DJIMET B., SINGA J., 2004b. Impact des éléphants sur les peu-plements ligneux : savane à Acaciaseyal et savane à Combretaceae, parcnational de Zakouma (sud-est duTchad). N’Djamena, Tchad, projetCuress, 38 p. et annexes.

    B O I S E T F O R Ê T S D E S T R O P I Q U E S , 2 0 0 6 , N ° 2 9 0 ( 4 ) 59ÉCOTOURISME ET AIRES PROTÉGÉESTCHAD