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Pannier (Léopold), Les lapidaires français du Moyen Âge, des xiie, xiiie, xive siècles, réunis, classés et publiés accompagnés de préf., de tables et d’un glossaire, 1882.http://archive.org/details/bibliothquedel52ecol

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  • LES LAPIDAIRES FRANAIS

  • 2240. ABBEVIT.LE. TYP. ET STR. GUSTAVE RETAUX

  • BIBLIOTHQUEDE L'COLE

    DES HAUTES TUDESPUBLIEE SOUS LES AUSPICES

    DU MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE

    CINQUANTE-DEUXIEME FASCICULE

    LAPIDAIRES FRANAIS DES XII% XI1I ET XIV SICLESPUBLIS PAR L. PANNIER

    PARISF . V I EW E G

    ,L I B II A I R E - E D I T E U R

    C7, RUE DE RICHELIEU, 67

    1882

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  • LES

    LAPIDAIRES FRANAISDU MOYEN AGE

    DES XII", XIII ET XlVe SICLES

    RUNIS, CLASSS ET PUBLIS

    ACCOMPAGNS DE PRFACES, DE TABLES ET o'UN GLOSSAIRE

    l'Ali

    LOPOLD PAiNNIERAncien lve de l'cole des Chartes et de l'cole des Hautes tades

    AVEC UIWE IWOXICE PRL.IMI.'VAIREPAK

    GASTON PARIS

    ^k^.iiS^^^'

  • Digitized by the Internet Archive

    in 2010 with funding fromUniversity of Ottawa

    http://www.archive.org/details/bibliothquedel52ecol

  • NOTICE PRLIMINAIRE

    Voil bientt sept ans que Lopold Pannier, emport presquesubitement, a lgu l'cole des Hautes tudes le soin de pu-blier l'ouvrage dont il avait fait sa thse de sortie; je n'ai pas

    d'excuse bien valable donner sa famille, ses amis et au pu-blic savant pour le long retard qu'a subi cette publication. Il est

    vrai que le manuscrit de Pannier avait besoin de passer par une

    rvision soigneuse avant d'tre envoy l'imprimerie, que lestextes qui y taient copis ont d tre collationns avec lesmanuscrits quand ils se trouvaient Paris, enfin que la confec-tion du glossaire et des tables exigeait un temps assez long.

    Malgr cela, si j'avais travaill avec quelque suite la tche dont

    je m'tais charg, il y a longtemps que le volume qui voit enfin le

    jour aurait pu tre achev. Je n'ai pas expliquer ici quellesobligations d'un autre ordre, quelles interruptions de tout genre

    ont caus ce regrettable retard; je ne puis qu'en demander par-

    don ceux qu'il touche, et je le fais sans restriction.

    Malgr ce long dlai, on ne trouvera pas dans le livre que je

    publie de changements importants ou d'additions au manuscrit

    tel qu'il m'a t remis. Ce manuscrit ne constituait qu'un frag-

    ment d'une uvre beaucoup plus considrable, que Pannier

    avait entreprise, et dont il se proposait d'excuter successive-

    ment les diverses parties. La publication des versions franaises

    du lapidaire de Marbode et du lapidaire Cil qui aiment pierresde pris avec ses diverses drivations ne devait former que deux

  • Il NOTICE PRLIMINAIRE

    chapitres, pour ainsi dire, d'un travail gnral sur ce qu'on peut

    appeler la mythologie des pierres prcieuses. Ces deux chapitres

    devaient avoir une Introduction, que l'auteur n'avait pas crite,

    mais qui dans sa pense tait insparable du prsent volume, et

    qui comprenait les deux parties suivantes:

    I. Relev des ouvrages spciaux traitant des vertus des pierres

    prcieuses depuis Vantiquit jusqu' nos jours.II. Les pierres dans la littrature et dans la vie prive au

    moyen ge.

    L'adjonction de ces deux dissertations aurait considrable-ment augment l'intrt du volume ; mais elles taient seule-ment conues, elles n'avaient reu aucun commencement

    d'existence. J'ai parcouru avec tristesse les monceaux de notes

    prises par Pannier pour les crire ; elles montrent avec quelle

    ardeur il cherchait partout des renseignements sur le sujet quil'intressait, mais elles ne pouvaient tre utilises; elles sont

    amasses sans aucun ordre, sans aucun choix, et sous une forme

    tellement sommaire que l'auteur seul, bien souvent, tait en tatde les comprendre ; c'est un chaos dont il a fallu se rsigner ne rien tirer, quelque fcond qu'il ft sans doute. La premirepartie de l'introduction projete n'tait, dans l'esprit de Pannier,qu'une sorte de programme de ce qu'il comptait faire peu peuavec les dveloppements ncessaires. Il ne craignait pas de seproposer la recherche des origines premires de ces singulirescroyances transmises par l'antiquit au moyen ge, et qu'elle

    avait elle-mme empruntes aux vieilles civilisations de TOrient;

    il voulait ensuite examiner la littrature grecque et latine rela-tive aux pierres prcieuses, sujet vaste et difficile, sur lequel dercents travaux (notamment ceux de M. V. Rose, qui l'avaientbeaucoup frapp) ont commenc jeter quelque lumire; ilvoulait suivre ce filon dans les diverses littratures du moyenge et montrer (comme il l'a indiqu dans le prsent ouvrage,p. 208) les superstitions orientales se fondant avec les allgorieschrtiennes; il avait dj bauch, puis supprim comme ne lesatisfaisant pas, une notice sur Damigron, et il comptait aussi

  • NOTICE PRELlMINAlRIi III

    tudier ces curieux lapidaires de pierres graves, o l'on voit,

    comme il est arriv dans d'autres domaines, attribuer aux pro-

    duits de l'art antique, devenus incomprhensibles pour un ge

    barbare, une origine surnaturelle et une vertu magique.

    Il tait ncessaire de rappeler ici les projets d'tudes que

    Pannier avait forms sur toutes les branches du sujet qu'il avait

    choisi; car, outre qu'ils montrent la largeur du plan qu'il avait

    conu, ils rehaussent l'intrt de la petite portion qu'il en a

    excute, ils expliquent dans cette portion soit l'absence de

    beaucoup d'explications qu'on s'attendait y trouver, soit la

    prsence d'allusions parfois peu claires au premier abord, et qu'en

    gnral j'ai laiss subsister, tant pour l'utilit dont elles peuvent

    tre que pour ne pas enlever l'uvre que je publie le carac-

    tre de fragment qui lui appartient et qu'on ne doit pas perdre

    de vue, si on veut la juger quitablement. Il faut aussi se rappe-ler que ce fragment mme n'a pas reu la dernire main de sonauteur : il aurait t tmraire et indiscret de se substituer

    lui autrement que pour carter et l quelque erreur mani-

    feste qu'il aurait srement fait disparatre ou quelque conjecturequ'il aurait peut-tre appuye par des arguments nouveaux,mais qui ne paraissait pas suffisamment plausible. Il tait impos-sible, en tout cas, de suppler aux lacunes qui n'avaient pasencore t remplies, et dont deux au moins allaient l'tre parl'auteur quand il fut arrach son travail, au moment mmeo il se prparait le soumettre une rvision dfinitive.

    Ce travail est, je l'ai dj dit, la thse que Pannier avait sou-mise l'cole pour obtenir le titre d'lve diplm. Il m'enavait remis le manuscrit au printemps de l'anne 1875 \ et je luiavais fait de nombreuses observations de dtail; il avait l'inten-tion d'en tenir compte avant Timpression, mais il n'avait pasencore commenc retoucher le manuscrit, il se prparait semettre l'uvre quand il mourut, le 9 novembre 1875, aprsquelques jours d'une maladie contracte pour avoir travaill

    ' U est dat de Paris, juillet-aot 1874 ; mais il fut encore retenu quelquetemps par l'auteur.

  • IV NOTICE PRLIMINAIRE

    trop tard, la nuit, la fentre ouverte. D'autre part, MM. Darmes-

    teter et Thurot, chargs comme commissaires de l'examen de sa

    thse, lui avaient aussi communiqu des remarques dont il auraitfait son profit. On lui avait surtout signal deux additions n-cessaires. M. Thurot pensait, avec grande raison, qu'une nouvelle

    dition du pome latin dont Pannier publiait quatre traductionsen vers franais devait tre jointe ces traductions; il jugeaitqu'il tait notamment opportun d'indiquer les leons qu'avaient

    eues sous les yeux les traducteurs; Pannier avait parfaitement

    admis cette opportunit et avait aussitt commenc comparerles manuscrits parisiens du De lapidihus, mais il avait peu avanc

    ce travail. De mon ct, je lui avais signal l'insuiEsance duchapitre consacr Vtude philologiqie du texte du manuscrit k,et je l'avais invit reprendre cette tude sur de nouvelles bases,

    que devaient fournir les rimes du pome et la comparaisond'autres documents ; il avait aussi accept ce travail, mais son

    remaniement n'a pas reu un commencement d'excution, et j'aid imprimer tel quel le chapitre en question : il aurait fallu,autrement, en crire un tout fait nouveau, qui aurait t mon

    uvre et non la sienne *. D'autres lacunes, moins graves, maisencore sensibles, s'expliquent de mme par les circonstancesdans lesquelles l'ouvrage a t abandonn par l'auteur, et je nedoute pas que la critique n'en tienne grand compte pour appr-

    cier cet ouvrage, qui prsente d'ailleurs tant de cts dignes

    d'tre lous sans rserve.

    Tel qu'il est, et malgr son tat d'imperfection, il est le fruitd'un long travail, poursuivi avec un vritable amour. Il a son

    origine dans la confrence de langues romanes de l'cole des

    Hautes tudes, dont Pannier fut un des premiers et des meilleurs

    membres. Il y accourut ds qu'elle fut fonde, au mois de jan-

    vier 1869, et y prit la part la plus active. Dans l't de 1871,

    1 II a paru rcemment une tude sur la langue du lapidaire : Veher dielteste franzsische Version des....Lapidanus.... [von] Paul Neuraann (Neisse,1880); mais ce travail, qui contient d'ailleurs de fort bonnes observations,ne rpond pas compltement aux exigences de la science ; voy. Suchier, dansle Literaturblatt fkr germanische und romanische Philologie, n* de mai 188i.

  • NOTICE PRLIMINAIRE

    n'ayant que quelques mois pour terminer une anne si cruelle-

    ment interrompue, nous employmes nos confrences des lec-tures de textes. Je choisis pour l'une d'entre elles le lapidaire

    en vers publi par Beaugendre la suite des uvres de Marbode,

    et reproduit par Beckmann et l'abb Bourass. Outre l'intrt

    qu'assurait ce pome sa haute antiquit, il avait l'avantaged'offrir un excellent terrain la critique, l'dition (car il n'y en

    a rellement qu'une) fournissant les exemples les plus varis de

    toutes les fautes qu'on peut commettre en lisant, en interprtant

    et en reproduisant un vieux texte; une bonne partie des vers tait

    devenue compltement inintelligible.Pendantque divers membresde la confrence essayaient de restituer les bonnes leons par

    pure conjecture, Pannier s^tait charg de confrer l'imprimavec le manuscrit. Cette tude l'intressa beaucoup, et ds lors

    il songea donner du Lapidaire une nouvelle dition. Puis, aufur et mesure qu'il s'en occupait, le sujet s'agrandissait ses

    yeux; il se procurait de tous cts des renseignements qu'il vou-

    lait utiliser, et il arrivait concevoir, d'abord le volume queje publie, o on trouve, ct de l'ancienne version de Marbode,trois autres traductions en vers et un lapidaire tout diffrent,

    puis Tensemble de recherches et de publications dont j'ai indi-qu plus haut l'tendue. Le sujet, mme ainsi largi, ne laissait,pas de paratre assez aride, et j'ai plus d'une fois entendu des

    amis de Pannier s'tonner qu'il et l'ide de consacrer tant detemps et de peine la culture d'un domaine aussi peu attrayant,au sol aussi sec et l'horizon aussi born. Mais il avait leur

    opposer des raisons excellentes, qu'il sentait vivement, si tous

    n'en comprenaient pas la force. Il avait donn son esprit, aprsle got des recherches d'rudition pure, Thabitude des vuesgnrales et l'amour des investigations mthodiques. Il com-prenait parfaitement que des faits qui, isols, offrent peu d'in-

    trt et d'importance, en prennent beaucoup quand ils sontrunis et qu'ils s'clairent par leur rapprochement. L'ide d'un

    travail d'ensemble sur n'importe quel groupe de faits donne l'tude du dtail un prix et un charme que ceux-l seuls peuvent

  • VI NOTICE PRLIMINAIRE

    goter qui ont l'habitude de ces travaux, Pannier tait en outre,

    sans avoir aucune prtention, imbu d'excellentes ides philoso-phiques; il savait que toute recherche est utile et intressante

    du moment qu'elle peut servir l'histoire de l'esprit humain,et qu'une psychologie historique de l'humanit est le but levvers lequel doivent tendre, par des routes diverses, toutes les

    tudes relatives au pass. Il est donc naturel que, pouss parhasard vers une province carte et presque inconnue de

    l'histoire des ides et des croyances, il ait t agrablement sur-pris de la trouver plus tendue et plus riche qu'il ne le croyait,

    qu'il en ait tudi les aspects divers et lointains avec un

    intrt toujours croissant, et qu'il en ait projet, pendantquelques annes, la patiente exploration.il ne s'y cantonnait pas

    d'ailleurs; il continuait, tout en prparant ses travaux sur le

    lapidaire, s'occuper de divers autres sujets d'histoire ou delittrature o trouvait se satisfaire sa curiosit varie et songot particulier pour les choses de la vieille France \Indpendamment de ces considrations gnrales, le prsent

    volume, consacr aux lapidaires potiques en ancien franais,

    est digne de toute l'attention du public lettr. Aprs une int-ressante prface, la premire partie du livre l" renferme unpome qui, publi depuis longtemps, mais fort mal, est loind'avoir dans l'histoire de notre littrature et surtout de notre

    langue la place laquelle il a droit. La premire traduction

    du lapidaire de Marbode est peut-tre, en effet, l'uvre litt-raire la plus ancienne, compose en France, qui soit arrive jus-qu' nous. Je dis dessein littraire, car plusieurs chansons de

    geste sont videmment antrieures, mais elles n'ont pas t,suivant toute vraisemblance, crites par leurs auteurs, et nous

    sont parvenues dans des copies, parfois dans des rdactions,

    fort loignes de l'uvre originale. La posie religieuse nous atransmis, parmi les pomes qu'elle a produits aux neuvime,dixime et onzime sicles, la squence de sainte Eulalie, la vie

    1 Voyez la notice de M. Paul Mever en tte du Dbat des hrauts de Franceet d'Angleterre (1877), publication acheve par lui, aprs la mort de Pannier,pour la Socit des Anciens Textes Franais.

  • NOTICE PRELIMINAIRE VU

    de saint Lger, la Passion (semi-provenale), et la vie de saint

    Alexis; le fragment d'un petit pome imit du Cantique desCantiques est sans doute du premier quart du douzime sicle,

    et on en peut conjecturer autant de quelques autres crits reli-

    gieux.Mais part ces rares compositions, nous ne possdons aucun

    pome en langue d'ol du continent avant les uvres de Wace,dont les plus anciennes peuvent tre environ de 1130-1140.

    Auparavant nous ne trouvons que des ouvrages anglo-normands,

    non que la production littraire ait, sans doute, t moins active

    de ce ct du canal, mais parce que l'Angleterre a beaucoup

    mieux conserv ses anciens manuscrits que la France. Le ma-

    nuscrit du Lapidaire lui-mme est anglo-normand, comme le

    montrent, outre l'aspect de l'criture, les formes graphiques ;

    mais rien n'oblige considrer le pome comme composen Angleterre (1) : les particularits linguistiques qu'il prsente

    conviennent aussi bien l'ouest de la France. Il est d'ailleurs,

    sans aucun doute, antrieur l'poque o florissait le cha-noine de Bayeux. Il suffit de le lire pour en tre convaincu;

    mais il me semble en trouver une preuve externe dans un pas-

    sage de Philippe de Than qui n'a pas t remarqu. Cet auteur

    est, comme on sait, le plus ancien pote anglo-normand dont

    nous ayons conserv quelques productions. Son pome sur leComput est, comme M. Mail l'a rendu extrmement vraisem-blable, de l'an 1119; son Bestiaire, ddi la reine Alis de

    Louvain, seconde femme de Henri I", a t ncessairement critentre 1125, date du mariage de cette princesse, et 1135, date deson veuvage. Or dans cet ouvrage, Philippe, parlant des pierres

    et de leurs vertus, s'excuse de passer rapidement sur ce sujet,et ajoute : Si quelqu'un veut en savoir davantage,

    Si ait lire de Lapidaire

    Que est [ja] estrait de gramaire (2).' 11 faudrait, pour lucider cette question, des dveloppements o je ne

    puis entrer ici. M. Neumann, dans la dissertation cite plus haut, dit avecraison que les rimes de i avec peuvent se corriger ; on pourrait sans douterectifier aussi celles o les rgles anciennes de la flexion paraissent violes.D'autre part, la rime grant sanglutement (v. 294) ne prouve rien contre l'ori-gine anglo-normande du pome, car il faut corriger grant eu grantment, aulieu d'ajouter mult pour donner au vers ses huit syllabes, comuie on l'a fait.

    - Ed. Wright, p. 127.

  • VIII NOTICE PRELIMINAIRli

    Or, dans la langue de Philippe, estraire de gramaire signifie

    traduire du latin en franais (l).Il renvoie donc une tra-

    duction franaise du lapidaire antrieure l'poque o il cri-

    vait, c'est--dire, pour prendre une moyenne, 1130, et il est

    bien vraisemblable que cette traduction tait la ntre (2). On

    peut la rapporter sans hsiter au premier quart du douzime

    sicle, et tout porte croire qu'elle a t compose dans une denos provinces occidentales, o le livre de l'Angevin Marbode,vque de Rennes, devait tre le plus rpandu. Il n'y a pas

    d'ailleurs songer, comme on a pu le faire jadis, la lui attri-

    buer lui-mme : elle omet trop de traits, et des meilleurs, de

    l'original, et elle commet trop de visibles contre-sens (3).Les trois autres traductions de Marbode publies ensuite par

    Pannier, dans la deuxime partie du livre I", n'ont pas la mmeimportance, mais ne laissent pas d'avoir leur intrt. Chacune

    d'elles est contenue dans un seul manuscrit, et Pannier n'a eu

    sa disposition pour les publier que des copies de valeur

    ingale, que lui avait procures l'obligeance de correspondants

    ou d'amis ; M. Rajna lui avait abandonn une copie faite pourlui du ms. de Modne, M. Grber avait pris la peine de transcrirelui-mme celui de Berne, et M. Paul Meyer en avait fait autantpour celui de Cambridge. Les caractres et les mrites particu-

    liers de chacune de ces versions sont apprcis dans l'introduc-

    tion qui les prcde. Sur leur valeur relative, je m'loignerais

    peut-tre un peu de l'opinion de Pannier : le plus remarquable

    de ces trois lapidaires me parait tre celui de Berne. Il offre

    d'ailleurs cet intrt particulier de nous donner quelques dtailssur son auteur : il avait un nom qui ressemblait A^ni, Amantou Ameoiir, et il avait crit trois autres ouvrages, l'un sur la

    Roue de Fortune, l'autre sur les Vices et les Vertus, le dernier

    1 Les premiers vers de son bestiaire sont : Philippes de Thaun en franceiseraisun ad estrait Bestiaire, un livre, de gramaire.

    2 On pourrait songer attribuer Philippe la traduction du lapidairecomme celle du bestiaire ; mais la comparaison des deux pomes, et notam-ment des passages oti tous deux traitent le mme sujet, carte absolumentcette hypothse.

    * M. Neurnann, dans sa dissertation, en a donn divers exemples : d'autresont t relevs dans quelques notes de l'dition.

  • NOTICE PRLIMINAIRE IX

    sur la Manire de dompter Amour (c'est--dire sans doute une

    traduction des Remdia amoris d'Ovide). Il est possible que ces

    ouvrages ne soient pas tous dtruits, et qu'on arrive les re-

    trouver, ainsi que le nom de leur auteur, qui ne manquait

    coup sr ni de lecture ni d'habilet. Le lapidaire de Modne est

    d'une forme agrable et correcte. Celui de Cambridge appelle

    l'attention par ses singularits de langage et de versification.

    Des notices sur les lapidaires en prose franaise imits du

    pome de Marbode compltent ces ditions des versions en

    vers.

    La troisime partie du livre I" est consacre au lapidaire en

    prose imprim plusieurs fois au seizime sicle, et qui, dans les

    imprims comme dans plusieurs manuscrits, est donn comme

    tant du clbre voyageur Jehan de Mandeville. Pannier rend

    cette attribution fort invraisemblable, et donne sur les manus-

    crits et les ditions des renseignements abondants et prcis.

    Le livre II traite des lapidaires d'origine chrtienne. Aprs

    une prface o l'auteur nous explique ce qu'il entend par l et

    indique sommairement plusieurs points qu'il ne veut pas expo-

    ser en dtail, il passe au pome important qu'il publie dans lapremire partie. Il en montre la composition hybride, l'aide des

    vieux contes remis en faveur par Marbode, d'une part, et, d'autre

    part, des commentaires mystiques sur les pierres du pectoral

    d'Aaron et des murailles clestes de l'Apocalypse. Pour diter ce

    pometrsgotau moyen ge, Pannier autilis quatre manuscrits

    et une partie d'un cinquime ; il a seulement connu l'existence

    d'un sixime, conserv au British Musum, sur lequel M. Joret,

    se trouvant nagure Londres, a bien voulu rdiger une notice

    sommaire, qu'on trouvera VAppendice n I. V.. Joret a aussi

    trouv dans la bibliothque d'Aix un septime manuscrit, qui

    aurait t utile l'dition s'il avait t connu temps, et dont il

    a, dans une note insre VAppendice n II, relev les variantes

    les plus importantes et marqu la place dans la classificationpropose par Pannier. Du pome drive le lapidaire en prosequi se donne comme rdig pour plaire au roi Philippe de

  • X SOTICK PRELIMINAIRK

    France, et dont l'tude occupe la deuxime partie du livre II.

    J'ai complt l'ouvrage par des tables, un index des noms

    propres et un glossaire, pour la confection duquel M. Gilliron

    m'a donn son concours.

    Si Pannier avait dirig lui-mme l'impression de son uvre,

    il est certain qu'elle y et sensiblement gagn. Plus d'un

    point douteux, sur lequel son attention avait t appele,

    et que j'ai d ou laisser subsister tel quel ou supprimer, aurait

    t certainement clairci par ses recherches. J'ai surtout respect

    le fond et la forme de sa pense dans les diverses introductions

    qui forment la partie la plus personnelle de son travail; j'ai

    apport moins de scrupule conserver les textes absolument

    tels qu'il les avait constitus, et je me suis permis de leur ap-

    pliquer une rvision qu'il leur aurait apporte lui-mme et qui

    ne porte d'ailleurs que sur des dtails ; car ils taient, en gnral,

    tablis dans son manuscrit d'une faon tout fait satisfaisante.

    Le plus important, notamment, la premire version du lapidairede Marbode, se prsente ici aux philologues sous une forme trs

    suprieure celle o ils le connaissaient, et qui leur permettrade l'utiliser dsormais avec sret. C'est Pannier qu'ils en

    auront toute l'obligation *; non-seulement il a restitu la leon

    du manuscrit A, trangement dfigure par Beaugendre, mais ilFa souvent amliore l'aide du manuscrit B, inconnu jusqu'lui, et mme de la rdaction en prose qu'il a galement signalele premier. C'est un vritable service qu'il a rendu la philologie

    franaise.

    Il avait dj bien mrit d'elle par divers petits travaux, parl'dition de VAlexis du quatorzime sicle qu'il a faite avec tantde soin, par la prparation de celle du Dbat des hrauts deFrance et d'Angleterre. Elle lui aurait d bien davantage s'ilavait vcu. Il formait les projets les plus divers et les mieuxconus. Il se proccupait en mme temps de remettre au jour,avec des commentaires historiques et littraires, des uvres

    * Je dois remercier ici M. A. Thomas, qui a bien voulu collationner unedernire fois les preuves avec le manuscrit.

  • NOTICE PRLIMINAIRE XI

    importantes du moyen ge, et de les rajeunir pour le public

    moderne au moyen d'imitations et d'adaptations. Esprit tout

    fait libre, et dgag de tout prjug envers le pass, il aimait lavieille France comme on doit l'aimer, comme une aeule qu'on ne

    songe pas ressusciter, mais dont on se sait l'hritier, dont on

    respecte le souvenir, et dont on se plat contempler l'image,

    retrouver le sourire et la voix. Pre de famille vingt-cinq

    ans, il songeait qu'il lverait son fils dans ces ides si saines,

    dans ces sentiments si larges et si vraiment patriotiques. On ne

    peut lire sans motion les lignes charmantes qu'il adressait

    cet enfant de six ans, en tte du premier volume d'une petite

    collection entreprise pour lui, o il voulait accommoder son

    usage de vieilles histoires qu'on connaissait dj dans notre

    chre France du temps des grands parents de son grand-pre.

    Hlas ! quand il crivait cette tendre ddicace, o respire tant

    de bonheur et d'espoir, il n'avait plus que quatre mois vivre,

    et la Bibliothque de Jacques ne devait compter qu'un vo-

    lume. Des annes ont pass depuis lors, mais le souvenir de

    cette aimable figure, de celte intelligence ouverte, de ce coeur

    chaud et doux, de cet esprit si vif et si dlicat n'a point pli dans

    la mmoire de ceux qui le regrettent, de ceux qui avaient tses amis, de ceux surtout qui l'avaient associ leurs travaux,

    leurs projets, qui comptaient sur son concours pour l'uvre

    commune, et qui sentiront toujours douloureusement sa placevide leurs cts. La France a perdu en Lopold Pannier un deses enfants les plus dvous et les mieux faits son image ;puisse-t-elle, puisse la science en retrouver beaucoup qui

    joignent autant de mrite autant de modestie, autant de grce autant de srieux, autant de zle autant de bont, qui les

    aiment aussi fort l'une et l'autre et auxquels il soit donn deles servir plus longtemps !

    Gaston Paris.

    28 mai 1882.

  • I

  • LIVRE I

    LES TRADUCTIONS FRANAISES DU LAPIDAIRE DEMARBODE.

  • PREFACE

    En dpit du caractre profondment religieux du moyeu ge

    et, particulirement, en dpit de l'influence de saint flildefonse

    et des ides de symbolisme mystique qu'il contribua plus que tout

    autre rpandre dans l'Eglise chrtienne, la littrature franaise

    antrieure la Renaissance, quand elle s'occupe d'histoire natu-

    relle, puise presque exclusivement ses inspirations dans les ou-

    vrages de l'antiquit classique ou orientale. Mais entre tous les

    livres de science lgendaire qui lui venaient de Rome, de la

    Grce ou de l'Orient, il n'en est pas que le moyen ge ait gards

    plus longtemps purs de tout mlange et qu'il se soit plus dfendu

    d'imprgner de son esprit que les traits de minralogie mdi-

    cale qui lui racontaient les merveilleuses proprits des pierres

    prcieuses.

    Alors qu'il en tait tout autrement des autres parties de l'histoire

    naturelle, et que pour la zoologie, par exemple, nous voyons

    le Physiologus, quelle que ft l'autorit de ses fables, forc de se

    modifier sous l'influence du livre par excellence, de cette Bible

    qui devait dsormais servir de contrle et de point de dpart

    toute science humaine ; alors que, ds le dbut du xii^ sicle,

    nous voyons le premier Bestiaire franais qui en soit sorti, celui

    de Philippe de Thaon, joindre la description de toutes les btes,

    plus ou moins imaginaires, qu'il puisait danssa source profane,une

    PARIS, Lapidaire. ^

  • 4 LIVRE I

    morale, une signification toute mystique, toute chrtienne, et

    dans laquelle il invoquait chaque vers l'autorit de la sainte cri-

    ture, au mme moment, on peu prs, et pendant plus decent ans encore, les lapidaires latins, et surtout les lapidaires

    franais conservent intacte la tradition- paenne. II y a l un

    fait curieux observer pour l'histoire du dveloppement moral

    et intellectuel de cette poque. Il faut songer que nous sommes

    au xu^ sicle, que l'enseignement n'est pas encore sorti des

    mains de l'glise, qu'aucun souffle laque ne peut pntrer dans

    les coles monastiques ou piscopales ; et cependant, quand dans

    ces coles on veut enseigner la minralogie, on ne s'adresse pas

    aux Pres de l'Eglise, qui pourtant avaient longuement crit sur

    les pierres de l'Apocalypse ; on ne s'adresse mme pas Isidore :non, on tudie, on recopie profusion des ouvrages que Pline

    lui-mme aurait trouvs trop pleins de superstitions. Et quel fut

    l'auteur de celui de ces ouvrages que nous trouvons de tous

    cts rpandu et cit ? Un des plus savants hommes du temps, etl'un des plus religieux, un vque, Marbode. On ne se con-

    tente pas de multiplier les exemplaires du pome latin de Mar-

    bode : les clercs ne veulent pas garder pour eux seuls un livre

    qui pourtant sentait terriblement l'hrsie, et de divers cts on

    s'empresse de le traduire en vers franais.

    Puis quand, au sicle suivant, par un retour naturel, les clercs

    trouvent qu'ils ont trop contribu rpandre un ouvrage d'inspi-

    ration toute paenne, et qu'ils se mettent composer, en reve-

    nant aux ides des Pres de l'glise, des lapidaires mystiques,

    tant latins que franais, on continue copier, lire, rciter

    le lapidaire de Marbode, ou quelque traduction, quelque imita-

    lion plus ou moins exacte. Il y a ds lors deux sources oii vontpuiser ceux qui, soit pour en enrichir une encyclopdie, soit

    pour complter quelque trait de mdecine, veulent paratre con-natre les pierres prcieuses, deux sources qui continueront decouler paralllement jusqu' la fin du moyen ge.

  • PRFACE 5

    Entre temps, des courants nouveaux viendront mme renfor-cer la tradition antrieure au christianisme. C'est d'abord un

    trait latin en prose qui semble du mme temps et reprsente peu prs les mmes ides que l'original que Marbode a suivi,mais qui parat avoir t peu rpandu, et dont je n'ai pas

    m'occuper ici, car il ne semble pas avoir t traduit en franais.

    Puis ce furent les Croisades et les rapports frquents que, parles

    Juifs et les Arabes, l'Occident entretint avec l'Orient, qui don-

    nrent naissance de nouvelles uvres relatives aux pierres pr-

    cieuses ; ici encore l'esprit de l'glise se fait peine sentir, tan-

    dis que l'on trouve, appropries il est vrai la mode du moyen

    ge, et mises la porte de son esprit, toutes les superstitions

    qui continuaient rgner en Asie et en Egypte, ou celles que

    les Mores d'Espagne allaient rechercher jusque dans les auteurs del'antiquit grecque. Toutefois, je me hte de le dire : si rpandus

    que plusieurs d'entre eux aient t pendant lesxiv", xv' et xvi=

    sicles, aucun de ces lapidaires n'obtint le succs inou de celui de

    Marbode. Mais ce qui montre plus que tout autre chose encore l'in-

    comparable influence de ce dernier ouvrage, ce qui prouve qu'il

    resta durant tout le moyen ge comme le code anonyme de la mi-

    nralogie mdicale et phylactrique, c'est que les lapidaires crits

    d'aprs les prceptes des Pres de l'glise, ceux qui ne cherchent

    dans les images et les symboles qu'ils empruntent aux pierres

    prcieuses qu'un nouveau sujet d'dification et de moralisation,

    ceux que j'appelle les lapidaires mystiques, sont, pour une bonne

    partie au moins, tirs de lui. Toutes les fois qu'ils ne se bornent

    pas donner la signification d'une pierre, et qu'ils y ajoutentla description de ses vertus naturelles et surnaturelles, c'est

    Marbode qu'ils vont demander des renseignements. Quelquefoisaussi, en revanche, surtout dans les derniers sicles, les lapi-

    daires d'origine orientale, pour racheter en quelque sorte leur

    hrsie, afTectent de devoir leur science Jsus-Christ ou ses

    prophtes, et commencent volontiers leurs descriptions par les

  • B LIVHK I

    pierres qui sont nommes dans l'Ancien Testament ou dans

    l'Apocalypse. Mais l se borne la concession, concession toute

    de forme, concession toute superficielle. Lisez ces uvres la plu-

    part du temps insipides, et vous reconnatrez que l'esprit qui les

    anime est tout autre que celui de l'Eglise.

    En prsence de ces deux courants, qui ont pu quelquefois

    mler leurs eaux, mais qui, venus de deux sources bien distinctes,

    descendaient chacun vers un but diffrent, j'ai pens que je devais

    partager mon travail en deux grandes divisions principales. Lais-

    sant de ct, pour le moment, les lapidaires, d'ailleurs d'excu-

    tion plus rcente, dont les auteurs ont surtout cherch, propos de

    pierres prcieuses, dans l'criture sainte et ses commentateurs,

    des exemples de morale et des sujets d'dification, dans le

    premier livre, de beaucoup le plus important, j'tudie et je publie,

    outre les diffrentes traductions en vers et en prose du lapidaire de

    Marbode, tous les autres traits spciaux que j'ai pu recueillir, et

    qui, comme lui, semblaient n'avoir eu qu'un seul objet : runir,

    sous prtexte d'histoire naturelle, quelques observations de faits

    non contrls, les fables les plus absurdes sur les proprits myst-

    rieuses que l'antiquit classique etorientale avait imagin d'attri-

    buer aux pierres prcieuses et une foule de produits mme ani-maux qui semblaient s'en rapprocher. Dans la dure des quatre

    sicles del littrature franaise dont je m'occupe, la forme donne ces traits varia. Nous rencontrons d'abord un pome latin dontl'auteur, un fin lettr pour son poque, ne semble avoir deman-d aux merveilleuses qualits des gemmes qu'il dcrivait qu'unebelle matire des vers qu'il s'efforait de faire classiques. En

    mme temps, c'tait une sorte de manuel rserv l'cole, et quesa forme potique rendait plus propre frapper la mmoire desjeunes clercs auxquels il tait destin. Pendant une grande partiedu xn" sicle, c'est ce simple intrt la fois littraire et scho-

  • PRFACE 7

    lastique que le De Gemmise Marbode me parat avoir d l'hon-neur d'tre si souvent reproduit. Bientt, la rputation mme dece trait le dtourna de sa destination premire. D'une parties

    mdecins, moins frapps de son apparence de bonne latinit que

    du secours que les recettes prodigieuses contenues dans le Lapi-

    daire pouvaient offrir leur art, et y trouvant d'ailleurs plusieurs

    lgendes qu'ils rencontraient aussi dans leurs auteurs spciaux,

    en arrivent assez vite considrer le livre de Marbode comme

    un trait de mdecine, et dans les manuscrits c'est ct d'ou-

    vrages de ce genre qu'on le retrouve alors. D'autre part, ds que

    le pome latin eut t mis en franais, les charlatans s'en empa-

    rrent. Tantt ce sont des joailliers et des orfvres qui trouvent

    commode de persuader, grce au Lapidaire^ l'acheteur qu'ilspossdent dans leur boutique les produits les plus extraordi-

    naires ; tantt ce sont de simples marchands d'orvitan sur la

    place publique, des apothicaires et des barbiers de bas tage, qui

    commencent par attirer la foule en faisant dbiter devant elle un

    boniment versifi la mode du jour, et o on lui apprenaitque des pierres aux noms les plus fantastiques et venant des pays

    les plus inconnus gurissaient de toutes les maladies, prser-

    vaient de tous les malheurs, rendaient beau, brave, fidle, prot-

    geaient les maris de toutes sortes d'infortunes, assuraient aux

    femmes un enfantement facile, moins qu'elles ne leur four-

    nissent un remde pour faire disparatre le fruit d'une liaison cou-

    pable, ou qu'elles n'enseignassent aux larrons un sr moyen de

    pntrer dans les demeures et d'y voler tout leur aise.

    Mais le pome de Marbode et les lapidaires de mme origineeurent, avec le temps, une destine encore plus vile. On ne se

    donne plus mme la peine de les traduire en vers, et, aux xivet XV* sicles, il est tel de ces traits, comme celui qui est consa-

    cr aux

  • g LIVRE 1

    donna, en les imprimant sous le patronage du grand Albert et

    de Mandeville, un regain d'influence qui dura encore deux sicles.

    Alors, comme la chose tait arrive autrefois aux peuples de

    l'Orient, de qui ils avaient reu toutes ces superstitions, nos pres

    en taient venus ne plus rechercher, ne plus connatre les

    pierres et les cames comme les merveilles les plus clatantes de

    la nature, ou comme les produits les plus dlicats de l'art hu-

    main : ils ne les considraient que comme de vulgaires amu-

    lettes. La plupart de ceux qui lisaient ou entendaient ces contes

    n'avaient jamais possd ni mme vu les pierres dont on leurrapportait tant de prodiges ; mais ils n'y croyaient pas moins

    pour cela, par l'effet de ce mlange d'amour du merveilleux et

    de basses proccupations matrielles qui, dans tous les temps

    et dans tous les pays, et en dpit des religions et des civilisations

    diffrentes, se retrouve au fond de l'esprit de l'homme. C'est sur-

    tout sous ce rapport que l'histoire des croyances relatives aux

    pierres prcieuses est intressante tudier : elle montre com-

    ment, dix ou vingt sicles d'intervalle, les mmes superstitions,qui avaient leur principe une excuse dans certaines ides reli-

    gieuses, et n'avaient ensuite conserv leur crdit que grce aux

    magiciens et aux astrologues, se perptuent dans les contres

    et aux poques o elles n'ont plus de raison d'tre, et o elles de-

    vraient tomber si naturellement par la simple observation des faits.

    Voici maintenant l'ordre que je compte suivre dans ce pre-

    mier livre. La. premire partie en sera toute entire consacre

    l'tude de l'ouvrage que nous savons dj avoir t la fois le

    plus ancien et le plus rpandu des lapidaires. Je discuterai d'a-

    bord la question depuis longtemps controverse de savoir si l'au-

    teur en est ce Marbode auquel il est aujourd'hui gnralementattribu. Puis, passant rapidement sur le texte original latin, dont

    on a une dition suffisamment bonne, je publierai avec le soin

    qu'elle mrite et l'aide de manuscrits prcdemment inconnus

  • PHEFACE \i

    la traduction eD vers tant de fois signale et presque contempo-

    raine de la rdaction latine;j'tudierai le contingent qu'elle peut

    apporter l'histoire de la langue franaise, dont elle se trouve

    tre un des documents les plus anciens;puis je la montrerai

    bientt mise son tour en prose.

    En second lieu, je publierai et j'annoterai de la mme faontrois traductions en vers du mme trait, qui peuvent dater durgne de Philippe Auguste, qui, bien qu' peu prs contempo-

    raines, sont indpendantes l'une de l'autre, et qui ne nous ont

    t conserves, ma connaissance, chacune que dans un seul ma-

    nuscrit.

    A la suite de cette deuxime partie, j'ai plac plusieurs autres

    traductions franaises du De Gemmis de Marbode, cette fois en

    prose, plus rcentes et bien moins exactes, et o dj, soit dans

    certaines ides, soit dans l'ordre des pierres, on reconnat,

    ct de l'influence de l'glise, un mobile moins littraire et,

    pour ainsi dire, plus pratique. Avec ces ouvrages finit la liste des

    lapidaires traduits du pome da Marbode, mais non de ceux qui

    s'en sont inspirs. Nous aurons encore, en effet, parler de son

    influence non-seulement dans ce livre et dans le second, pro-

    pos des lapidaires mystiques^ mais quand nous tudierons les

    pierres prcieuses dans les encyclopdies et les uvres purement

    littraires.

    J'aurais rattach cette partie, si, au lieu de me borner aux

    versions franaises, j'avais voulu crire une histoire des lapi-

    daires orientaux dans la tradition scolastique et littraire du

    moyen-ge, un ouvrage dont on s'est peu occup jusqu' pr-

    sent. Il s'agit de l'uvre d'un auteur probablement contem-

    porain de celui que Marbode a mis en vers, je veux dire qui

    date, autant qu'on en peut juger, du nf ou iv^ sicle de l'rechrtienne. Il parait avoir puis aux mmes sources que l'o-riginal de Marbode. Son uvre est aussi un de ces traits de ma-

  • 10 LIVRE I

    gie mdicale venus de l'Egypte, de l'Asie Mineure et de la Jude,

    qui semblent avoir t fort recherchs Rome ds les premiers

    temps de l'Empire. Du reste, ces ouvrages et les ides qu'ils ren-

    fermaient subissaient bien des transformations avant d'arriver

    en Occident et de s'y rpandre. Ainsi, plus encore que l'autre,

    ce nouveau trait, crit en prose latine et attribu par le ma-

    nuscrit un certain Damigeron, porte, dans les noms des pierres

    qu'il contient, la preuve qu'il n'est lui-mme que la reproduc-

    tion d'un original grec qu'ont pu connatre Pline et Isidore.

    Ce lapidaire a t mis trs-anciennement en vers latins, comme

    l'original de Marbode ; mais il ne parat pas avoir pass direc-

    tement en franais. J'ai cru cependant devoir le mentionner,

    parce qu'il a laiss des traces dans des ouvrages franais, et que,

    si on le passait sous silence, notre connaissance des sources de la

    littrature lapidaire en langue vulgaire resterait incomplte.

    On peut en effet, je pense, reconnatre l'influence de Da-

    migeron, unie celle de Marbode et des naturalistes anciens,

    dans plusieurs compilations en prose franaise, la plupart sans

    doute traduites de quelque uvre latine, et que j'ai ana-

    lyses. Elles sont conserves dans des manuscrits du siv* et

    du xv sicle, et offrent plus d'un rapport avec les chapitres

    consacrs aux pierres prcieuses dans les encyclopdies de

    l'poque. Ces compilations, o on a quelquefois suivi l'ordrealphabtique, et o, plus souvent, nulle mthode n'apparat,se trouvent frquemment confondues avec des crits de mmeprovenance sur la vertu des herbes. Ce sont en gnral de

    petits traits de mdecine populaire, dtachs d'oeuvres plus im-

    portantes, l'usage des gens lettrs du temps, et tels qu'on en

    voit souvent figurer alors dans les catalogues de livres. C'est

    ce caractre, outre leur communaut d'inspiration avec Mar-bode et Damigeron, qui m'a fait en parler ici.

    Le lapidaire dont je traiterai dans ma troisime partie, s'il

  • rREFAOt; 11

    est puis aux mmes sources, n'a certainement pas t crit

    dans la mme intention. Sans doute, il y est encore souvent

    question des vertus mdicales des pierres prcieuses, car un

    lapidaire ne pouvait se dispenser d'en dire au moins un mot,

    mais ce n'est videmment l qu'un dtail accessoire, qu'un dve-

    loppemeut banal, qu'une concession aux ides reues; cela

    vient par dessus le march. Ce n'est certainement pas un recueil

    de recettes que l'auteur a voulu crire, mais une collection de

    talismans. Il se soucie peu de gurir le corps, il veut surtout

    frapper l'imagination. Je me figure que l'ouvrage lui avait t

    command par quelque riche orfvre juif ou lombard, qui lui avait

    dit de ne pas oublier que telle ou telle pierre gurissait d'une

    foule de maladies, mais lui avait ordonn d'insister particu-

    lirement sur la richesse, la beaut, l'clat des gemmes qu'il

    avait dans son magasin, sur les merveilleuses et lointaines con-

    tres d'o il les avait fait venir, et surtout de rappeler quels

    pouvoirs magiques elles ne manqueraient pas de donner l'homme

    ou la femme qui seraient assez heureux pour les suspendre

    leur cou ou les porter leur doigt. C'est ainsi qu'on voit suc-

    cessivement le rubis par exemple procurer dominations et

    seigneuries , rtablir la paix et la concorde, rendre l'homme

    dvot, et protger de la tempte les maisons, les arbres et les

    vignes. crit vraisemblablement au xiv* sicle, alors que les

    prcdents commenaient tre dlaisss, notre lapidaire jouit de

    la plus grande renomme jusqu' la fin du xvi^ sicle, en concur-

    rence avec celui dont je vais parler. Nous verrons si, comme

    quelques manuscrits et surtout la majorit des imprims le pr-

    tendent, l'auteur peut en avoir t le voyageur Jean de Mande-

    ville. Nous verrons aussi comment, compos en prose, et por-

    tant si manifestement le caractre d'une compilation que cer-

    taines pierres y sont dcrites plusieurs fois, il ne fut pas autant

    l'abri des interpolations, des coupures, des additions que les

    lapidaires versifis dont j'ai parl, et nous nous expliquerons

  • 12 LIVRE I

    ainsi que l'on ait pu, selon les besoins du moment, le transfor-

    mer et l'allonger au point de le rendre presque mconnaissable,

    ou bien, l'aide d'une nouvelle prface, en faire honneur plu-

    sieurs personnes diffrentes.

    Une dernire srie de lapidaires d'origine orientale dont

    j'aurais voulu parler ne se rencontre presque jamais isole dansles manuscrits ou dans les imprims. Ds le milieu du xni' sicle,

    poque oi apparaissent les traits latins originaux des lapidaires

    franais qui nous occupent, on les trouve toujours mls des

    ouvrages de minralogie, de mdecine ou de science herm-

    tique ; de mme, les lapidaires franais, qui ne se montrent

    gure qu'avec la fin du mme sicle, sont toujours transcritsou imprims la suite d'un des traits que j'ai dj signals

    ou de ceux qui font la matire du deuxime livre. Il semble

    que dans ces deux cas, original latin ou traduction franaise,

    ces productions se soient prsentes comme le complment indis-

    pensable de tout lapidaire, quels que fussent son origine ou

    son objet. C'est qu'il s'agissait, en efTet, d'une espce de pierres

    que ne dcrivaient pas les autres lapidaires. Dans ceux-ci,

    quelques vertus qu'on leur attribut, on n'estimait les pierres

    que pour leur valeur propre, intrinsque, indpendamment deleur forme ou des figures qui pouvaient y tre reproduites.

    Les lapidaires que j'ai en vue, au contraire, ne tiennent pas

    compte, ou presque pas, del couleurni de la matire des pierres

    dont ils parlent : ils n'attribuent les vertus dont elles jouissentqu'aux tres ou aux objets qu'elles reprsentent. En un mot, ils

    traitent seulement des vertus des pierres graves, cames, scara-

    bes ou intailles.

    Ces lapidaires semblent, dans le principe, avoir eu chacun une

    origine quelque peu distincte. Ainsi le premier, o il est surtout

    question des pierres portant un signe du zodiaque ou quelque

  • PRFACE 13

    figure astronomique, et o se retrouvent des formules em-

    ployes dans l'Egypte ancienne,

    peut rappeler une tradition

    venue des bords du Nil, tandis que l'autre, qui parle plusieurs

    reprises de Jsus-Gtirist et du Dieu des chrtiens, parat avoir

    d'abord t crit en armnien. Toutefois, comme ces lapidaires

    sont trs-souvent runis dans les manuscrits, comme les for-

    mules en sont presque identiques, comme, enfin, les traduc-

    tions franaises, qui furent encore plus rpandues que le texte

    latin, puisent indiffremment dans l'un et dans l'autre, et changent

    volontiers l'ordre et le nombre de pierres dcrites, on devra tu-

    dier en mme temps ces deux productions. On y reconnatra faci-lement l'uvre de Juifs du xn' sicle, habiles appliquer des

    traditions orientales aux innombrables pierres graves que l'an-

    tiquit grecque et latine avait lgues au moyen ge, ainsi qu'

    d'anciennes amulettes trusques, quelques scarabes rapports

    d'Egypte, ou mme aux abraxas provenant des gnostiques. L'igno-rance du temps, et l'oubli presque complet dans lequel tait

    tomb en Occident l'art de la gravure en pierres fines, aurait

    pu faire mpriser par les gens du xin* sicle ces petits chefs-

    d'oeuvre souvent si dlicats, et qu'ils ne considraient du reste la

    plupart du temps que comme des produits spontans de la nature.

    Heureusement, en cette occasion, l'esprit de ngoce sut tirer

    un heureux rsultat de la crdulit de la foule. Les rabbins ou

    les marchands juifs, pour faciliter le dbit et dcupler la valeur

    des pierres graves qu'ils rapportaient d'Orient ou qu'ils recueil-

    laient dans l'Europe latine mme, imaginrent de donner auxfigures du zodiaque qu'ils y reconnaissaient, ou aux sujets et

    inscriptions mythologiques qu'ils ne comprenaient pas, une

    autorit cabalistique et une puissance surnaturelle. Ils les prsen-

    trent comme des amulettes aussi efficaces contre les maladies et

    le mauvais il que les simples pierres si complaisamment nu-

    mres par les autres lapidaires. Le grand succs de ces traits

    contribua puissamment sauver de la perte ou de la destruction

  • 14 LIVRE 1

    les merveilleux cames de la Grce, de Home et de Byzance, qui

    n'avaient t jusque-l recherchs que par les princes ou par

    quelques dlicats cause de leur raret ; et partir du xiv" sicle,

    il n'est pas de rehquaire qui n'en soit garni, pas de collections

    de ces princes si artistes de la maison de Valois o on ne voie

    figurer en grand nombre les pices d'orfvrerie et les anneaux

    orns de camahieux

    .

    Pour ne pas grossir outre mesure ce travail, je me rserve

    d'tudier et de publier les lapidaires de pierres graves dans un

    ouvrage spcial.

  • PREMIERE PARTIE

    LA PREMIRE TRADUCTION FRANAISE DU LAPIDAIRE DE MARHODE.

    CHAPITRE PREMIER

    LE LAPIDAIRE LATIN DE MARBODE.

    Mon intention n'est pas de donner dans cet ouvrage une nou-velle dition du lapidaire en vers hexamtres latins qui fut lasource certaine et directe d'au moins quatre lapidaires en versfranais, et auquel vinrent en outre, du xu^ au xv* sicle, puiserla majeure partie des compilations qui firent une place aux pierresprcieuses. Ce lapidaire a, en effet, t depuis la Renaissance

    frquemment imprim \ et l'une des dernires ditions, cellequi a t donne en 1799 par Beckmann ^, peut encore tred'un trs-utile secours aujourd'hui. Certes, on pourrait tablirun texte plus critique si au lieu de ne consulter, comme Beck-

    mann et son imitateur moderne, M. l'abb Bourass, que les di-

    tions prcdentes et un seul manuscrit, on entreprenait le classe-

    1 On peut voir la liste de ces ditions dans Brunet, Manuel du Libr., t. m,au mot Marbodus, ainsi que dans le livre dont je \ais parler. Cf. Hist. lltt.de la France, t. x, p. 386, ou sont mentionnes deux ditions, de Lubeck, 1573,et de Leipzig, 1583. Le mme ouvrage a t aussi rimprim de nos jours parl'abb Bourass. dansie ^oiumede la collection Migne qui contient les uvresd'Hildebert et ae Marbode {Patrol. lat., t. 171, col. 1723).

    ^ Marhndi liber lapidinn fteii de fiem7mx. etc. (lOttingsp. 1799. in-8". de xxvHi-l(j4 II.

  • 16 LIVRE I, PART. I, CH. I

    ment des soixante ^ manuscrits environ qui nous restent. Mais

    pour le travail auquel je me livre, et qui a particulirement

    pour objet l'tude et la publication de textes en ancien franais,

    le texte dit par Beckmann et surtout annot par lui avec beau-coup de soin, et, pour le temps, une grande connaissance de la

    littrature du sujet, m'offre une base d'tude suffisante.Mais je ne puis me tenir sur la mme rserve vis--vis

    de l'auteur de notre pome. Il y a l, en effet, une question depuis

    longtemps souleve, et toujours pendante, sur laquelle il ne m'estpas permis den'avoir pas une opinion. Longtemps, je l'avoue, j'ai

    regard comme fort admissible l'opinion mise par Dom Rivetdans l'article de YHistoire littraire - o il a runi les raisansqui, suivant lui, devraient faire attribuer ce pome d'une factureremarquable, et surtout encore tout rempli des superstitions duplus pur paganisme, un auteur anonyme du v' sicle de notrere, qui n'aurait fait qu'abrger un ouvrage grec. Un argumentqu'aurait pu invoquer D. Rivet, c'est que ce pome, dans lagrande majorit des manuscrits, se prsente sans nom d'auteur, moins que, comme dans celui de Tours, n" 1040, et dans celuide Montpellier, n 121, il ne soit attribu Hildebert. Il aurait

    pu ajouter que le nom de l'auteur n'est pas une seule fois citdans les traductions littrales, les imitations et les encyclopdies

    qui se sont inspires de ce lapidaire, et qu'enfin Vincent deBeauvais lui-mme en reproduit trois cents vers ' sans songer se demander qui il doit en faire honneur.Mais toutes ces prtendues preuves, voil plus d'un sicle

    1 Voici la liste des manuscrits, soit vus par moi, soit suffisamment dcritsdans les catalogues que j'ai pu consulter, qui contiennent le lapidaire dontil est ici question. Ils sont conservs dans les bibliothques de : Lord Ash-burnham, ms. Libri, n" 15-20, xiv" s.Berne, n" 416, xii" s. Boulogne-sur-Mer, n" 198, xiv' s. Bruxelles, n"' 8890, xn'' s. et 11941, xiv* s. fragment. Cambridge, n' 2040, xiii' s., et 768, xv"" s. Douai, xni' s. Genve,lat. 80, xnr' s. Laon, 4 mss. (vov. Cata.1. des mss. des dp., t. i.) Levde,n' 16, Yossius, 48, Vulcain, xni'' s"^. Lige, xiii' s. Londres. Brit. Mus.Arundel, 293, xiV-' s. Harleien, n* 80, 321, 3353 et 3969, ce dernier du xii' s.Parish library, xiii' s.Le Mans, n" 84, xv'= s. Middlehill, n"' 831, xiv' s.,1356 et 2274, xni' s. Montpellier, 503, xiv' s. et 33, 121 et 294. Munich,lat. 267, xiV-' s. et 2626, dat de 1263. Paris, lat. 2887, dbut du xn' s., 3764,5009, 6514, xni' s., 8421, xv" s., 8454, 8817. xiii" s., 11210, xv' s., 14470, xii" s.,16079, 16702, 16699, 18081, xiii-^ s., nouv. cq. lat.. 162 xv'' s. Reims, 7430. Saint-Omer, 142, xni' s. Tours, 1040, xn'' s., un autre du xii'= (vov. Bibl.del'Ec. des Ch., 6, v, 323). Turin. 397, 704, 1170. xiv' s. Vienne (Autr.),lat. 143, xiu' s., 321, xiv'' s., 336, xv" s.

    2 T. II, p. 335.3 Hist. lut., t. xviii, p. 488. Seul, ma connaissance, P. Bersuire, dans le

    li\. XV de son Reductorium morale, cite Marbodus parmi ses autorits.

  • LR LAPIDAIRE LATIN DB MABBODE 17

    qu'on a oppos de srieuses objections. D'abord c'est D. Rivetlui-mme qui, dans le tome VII, (p. 109-110), ne tenant pluscompte de ce qu'il a dit prcdemment, accepte sans observationl'opinion gnrale qui attribuait notre lapidaire l'vque de

    Rennes, Marbode. Puis c'est son continuateur qui, donnant dans

    le tome X (p. 343-392) un substantiel article biographique et lit-traire sur le clbre crivain du xii^ sicle, rpond d'abordque, pour ce qui est du style de notre pome, il n'est pasd'une latinit si parfaite qu'on ne puisse le laisser figurer

    auprs des autres posies que personne n'a jamais contestes Marbode. Il remarque ensuite que, sans priser aussi haut que

    les contemporains de Marbode son talent potique, sans lemettre ct des plus grands auteurs classiques, sans pr-

    tendre par exemple avec Ulger, vque d'Angers, qu'il surpasseCicron, Homre et Virgile \ sans l'appeler avec Baudri deBourgueil poetarum optimus ^ on peut dire que les vers de sonLapidaire, s'ih sontcettefois exempts des jeux de mots et des toursde force qui caractrisent trop souvent les uvres potiques desxie et XII* sicles, celles de Marbode comprises, ne sont pascependant si dpourvus de gallicismes qu'on n'y puisse reconnatreun esprit franais du moyen ge. Quant ce qui touche les idespaennes rpandues dans tout l'ouvrage et la difficult qu'il yaurait admettre qu'un vque chrtien ait pu crire un livresi plein de fables impies et si contraire l'esprit de l'glise,surtout quand il avait compos une prose latine sur les pierresde l'Apocalypse, l'Histoire littraire fait une observation fortplausible : Marbode n'avait-il pas pu tre sduit par le merveil-leux dont brillait l'original latin qu'il a certainement eu sous lesyeux, qu'il a sans doute sensiblement abrg et dans lequel ilavait pu ne voir d'abord qu'un prtexte vers lgants? Et le con-tinuateur deD. Rivet termine en remarquant qu'aprs tout il peutarriver tout le monde de faire mauvais usage de sa plume,et en supposant que cet ouvrage tait un pch de jeunesse, an-

    * In toto munrlo non invenietnr eundoUllus compar ei nominis atque rei.

    Oranes faciindos sibi vidimus esse secimdos ;NuUus in ingenio par nec in eloquio.

    Cessit ei Cicero, cessit Maro jimcliis Uoinero.Hist. litt., t. X, p. 391 ; Cl'. Biogr. Didot, \. xxxnr.

    - Voy. \\\\ article de M. L. Delislo, dans la Romania. I. i, p. 35.

  • 18 LIVUE (, PART, I, CiJ. I

    trieur l'lvation de Marbode l'piscopat (1096) ; enfin il

    ajoute ^ : u On peut croire avec fondement que ces vers sontdu nombre de ceux dont il a tmoign du regret dans sa vieil-lesse, et qu'il aurait souhait n'avoir jamais composs ^ Etpourtant, il conclut de toutes ces preuves rassembles qu'il est im-

    possible de dcider absolument la question, et qu'il y a de

    part et d'autre beaucoup de probabilits.

    Je comprends qu'on soil tout d'abord tent de partager cette h-

    sitation, si l'on rflchit la facilit avec laquelle on attribuait

    durant tout le moyen ge aux auteurs clbres une foule d'ou-vrages dont ils ne pouvaient rclamer la lgitime proprit.

    Je pense cependant qu'aprs ce qu'il me reste dire le doute

    ne sera plus permis. Certes, il est surprenant qu'un pome com-pos par un des plus fameux crivains du moyen ge se pr-sente la plupart du temps dans les manuscrits sans le nom deon vritable auteur, et, si rpandu qu'il ait t, et quelque il-lustre que ft Marbode, semble avoir t bien plus souvent citsoit sous le nom d'Evax, soit simplement sous le titre du Lapi-daire, comme si pendant trois cents ans on l'avait considr

    comme le Lapidaire par excellence '. C'est pourtant ce qui

    est arriv.

    Mais il n'en avait pas toujours t ainsi : sans parler de plu-sieurs manuscrits plus rcents qui conservent l'attribution du La-

    pidaire Marbode, il en existe deux la Bibliothque Nationale

    qui mritent la plus srieuse attention et qui n'ont pas t

    tudis jusqu'ici ce point de vue. Le premier est pourtant bien

    connu depuis longtemps, puisque c'est d'aprs Inique Beaugendre,

    au commencement du sicle dernier, a publi pour la premire

    P. 383.2 Quce juvenis scripsi, senior dum plnra retracfo,

    Pnilet.et qusedam \e\ scripla vel dita nollem.Et dans un autre endroit, Marbode regrette de s'tre occup autrefois d'as-

    trologie. Or le lapidaire n'est gure autre cliose :Ha'C apud astrologos quondam milii lecta recordor...Sicut in hoc studio versans aliquando probavi.

    Les traductions franaises aussi taient designes sans spcification parce nom de Lapidaire. C'est une d'elles plutt qu'au texte latin que Cor-bichon, dans sa traduction du Propritaire des Choses de Barthlmy de Glen-ville, a l'air de renvoyer aux mots Cornicuble, Chalcdoine, Yve, Calcofane.Lipare, etc. V. Bibl. nat. ms. fr. 1.36, foi. 73 et suiv. Quand Mandeville,dans son livre sur les merveilles de l'Orient, parle du diamant, il s'arrte anmilieu de sa description pour dire : Si vous voulez sa^ oir la vertu dudyamant. combien que aucuns le sachent par le lapidaire de ces parties.iiantmoiiis je le de\iseray ici. HihI. liat. ms. fr. 2120. fol. 1^9.

  • LE LAPIDAIRE LATIN DE MARBODE 19

    fois l'ancienne traduction franaise dont chaque article latin dulapidaire se trouve suivi dans cet exemplaire ^ Or ce manus-

    crit, cot aujourd'hui lat. 14470, et qui portait auparavant len'^ 310 Saint-Victor, est, du moins pour la partie qui nous occupe,de la u du xii sicle au plus tard. Le caractre de l'criture,l'aspect et la blancheur du parchemin, la forme des capitales, les

    lignes traces l'encre rouge la fin de chaque vers, tout, jus-qu'aux dessins la plume qui se trouvent quelquefois en marge,

    concourt pour lui assigner cette date. Eh bien ! au folio 35 verso,immdiatement la suite du dernier article du lapidaire franais,et avant la prose sur les pierres de l'Apocalypse qui commence

    de la mme criture, avec le folio 36, on lit les mots sui-vants, crits videmment par la mme main que ce qui prcde etce qui suit: Explicit liber Morbodi {sic) episcopi de lapidibus ha-bens versus septingentos xxx. Gomment admettre que, cinquanteans peine aprs la mort de Marbode, on ait pu lui attribuerainsi un pome dont il n'aurait pas t l'auteur ?Que si on objectait que c'est justement cause de sa rputation

    que le fait a pu se produire, alors qu'il ne pouvait plus rclamer,

    je rpondrais l'aide du second manuscrit. Ce manuscrit, petitin-4'' sur parchemin, une seule colonne, porte le n2887 de l'an-cien fonds latin. Il dbute par diverses uvres d'Yves de Chartres,qui occupent les cent cinquante-cinq premiers feuillets. Puis,

    aprs trois feuillets blancs, commence, la page qui devrait porter

    le n" 159, le lapidaire latin dont il est question en ce moment.

    J'ai fait voir l'criture de ce lapidaire aux meilleurs palographesqui soient, entre autres MM. Quicherat et Lopold Delisle. Tousont t d'accord pour dire qu'elle datait des premires annes duXII* sicle, c'est--dire, qu'on le remarque bien, du vivant mmede Marbode. Mais voil qu'en outre mon confrre et collgue

    M. Mabille, que j'avais aussi consult, a t frapp de la ressem-

    blance de cette criture avec celle d'un fragment de brouillon de

    chronique conserv dans la collection Housseau -, et qu'il a des

    raisons de croire crit, cette mme poque, sur les bords de laLoire, vers Tours ou Angers. Nous sommes donc en prsence

    1 Hildeherti et Marbodi opra... dita ah Anton. Beaugendre. Paris, 1708, in-fo 1., p. 1633-1690.

    ^ T. XIII, 1.

    Paris, Lapida ire. 2

  • 20 LIVRE I, PART, I, Cit. II

    d'un manuscrit qui a t copi dans le temps o Marbode vivaitencore, dans le pays o il revint mourir, puisqu'on sait qu'aprsavoir abandonn l'vch de Rennes, il vint passer ses derniresannes dans sa ville natale, Angers, au monastre de Saint-Aubin. C'est l qu'il resta jusqu' sa mort, arrive en 1123. Ordans ce manuscrit, uvre d'un contemporain, d'un compatriote

    de Marbode, le lapidaire est prcd de cette rubrique : MarbodiUhedonensis eptscopi poema de lapidibus pretiosis.Sans attendre de poursuivre un semblable travail sur les autres

    exemplaires du lapidaire, crits au xu" sicle, qui se trouvent enFrance et l'Lianger, je pense que je suis autoris ds prsent

    considrer le pome latin qui commence par ce vers :

    Evax rex Arabum legitur scripsisse Neroni,

    et contient la description de soixante pierres prcieuses, comme

    l'uvre de l'vque de Rennes Marbode, qui dut le composer dans

    les dernires annes du xi' sicle.

    CHAPITRE n

    LA PREMIRE TRADUCTION FRANAISE DU LAPIDAIRE DE MARBODE.EXAMEN DES MANUSCRITS.

    Le lapidaire de l'vque Marbode n'eut pas seulement un im-mense succs dans sa rdaction originale latine, il ne resta passeulement sous cette forme le grand pome pdagogique dumoyen ge sur les pierres prcieuses, et, jusqu' la un du xvi^sicle,le manuel classique des coles de pharmacie : on le traduisit trs-anciennement dans presque toutes les langues de l'Europe occi-dentale. Je ne connais pas, il est vrai, de version allemande ni

    espagnole. Mais M. Paul Meyer a publi des extraits d'une tra-duction en prose provenale \ que ds la fin du sicle dernierLa Porte du Theil avait signale l'attention du monde savant -.Cette traduction, qui parat de la fin du xiii sicle, est littrale et

    1 Jahrbuch fur Rom. litemtur, t. iv, 1862, p. 78-84.- Notices et extraits des Manuscrits, t. v, p. 689-708.

  • LES MANUSCRITS DU LAPIDAIRE FRANAIS 21

    a t faite sur un manuscrit o les pierres n'taient pas rangesdans le mme ordre que prsentent la plupart des exemplaires. Ilest malheureux que nous n'en possdions que des fragments, qui

    nous ont t conservs, ainsi que quelques parties d'un lapidaire

    de pierres graves et d'un recueil de recettes mdico-astrolo-

    giques, par quatre feuillets de parchemin dpareills ayant

    servi autrefois de garde au manuscrit latin 3934 A ^Un auteur du xiv sicle, qui a mis en italien beaucoup de

    traits de mdecine latins, a aussi traduit le livre de Marbode. Unmanuscrit de son travail se trouve dans la bibliothque Lauren-

    tienne, Florence ^.

    Il y en a eu aussi, vers le mme temps, des traductions en an-glais ^, en irlandais ^, en danois ".

    Cependant c'est dans le pays o il avait t crit que le lapidairelatin de Marbode a t le plus souvent traduit. Outre la traductiontrs-ancienne dont je vais parler, on sait dj qu'il en a t faitd'autres la fin du xn= sicle et qu' partir de cette poque lesversions en prose et les imitations ne se comptent plus. Et en-

    core je laisse naturellement de ct deux traductions inditesque Brunet " et Graesse ' prtendent se trouver dans le cata-

    logue La Vallire, et je me contente de faire remarquer en passant

    que ces deux auteurs se trompent aprs Sinner quand ils attri-buent Brunetto Latini la premire version en vers franais, qui

    1 Ces quatre feuillets ont t depuis dtachs et relis part. Ils portentaujourd'hui le n" 14974 d'i fonds franais.

    2 Voici la notice que je trouve dans Bandini (Calai, ms. Cod. Bibl. Med.Laur., t. V, col. 283) ; Libellus Marbodi de lapidibus pretiosis, ZiiccheroBencivennii filio interprte, cum hoc titulo : Libro dlie \irtudi dlie pie- tre pretiose^ il quale compuose uno re da Rab'a, e mandollo a Nerone im- peradore di Roma ; nel quale libro si contenea le qualiladi dlie pitre pretiose, e le nomora, e i colori, e le regioni, e le virtudi loro, ma era grande libro; ma poscia Alarkodo [sic) vescovo vide ke questo libro era troppo grande, fillo abbreviare; e di tucte le pieire pretiosissime trasse fuori ed elessene LX le milliori, dlie quaii qui apresso si descrive e diter- mina le loro nomora. Cette traduction semble assez libre.

    3 Voy. un ms. du British Musum, Cott. Tib. A. 3. (cf. D. Pitra, Spicileg.Solesmnse, III, p. lxxi, note.)*Voy. galement un ms. du British Musum,des xni-xv* sicles, contenant des

    traits de mdecine. C'est le n Arundel 333, 8 vlin. Le 33" et dernier mor-ceau (fol. 124 bis) est ainsi dsign : De lapidibus pretiosis, ex versibus Mar-bodaei. Incipit : Evax rex. arabum, etc. Et immdiatement an-dessouscommence la traduction irlandaise {Cal. of the mss. in the Brit. Mus. Newsries, t. I, p. 99).

    s Henrik Harpestrengs Danske Lqchog. utgivet af Christian Molbeck. Kj-benhavn, 1826, 8'. p. 133-133.

    6 Manuel du Libr.. t. ni, col. 1392.Trsor, etc., t. iv. n. 380.

  • 22 LIVRE I, PART. 1, CH. II

    lui est bien antrieure. Il n'y a pas jusqu' notre sicle qui, aprstrois cents annes durant lesquelles on n'avait plus fait que repro-

    duire le texte latin, ne se soit imagin de le rendre en alexandrins

    modernes'. L'excuse de M. Ropartz, l'auteur de ce travail, est

    d'tre de Rennes, et d'avoir contribu ramener l'attention sur

    l'uvre un peu oublie de son vieux compatriote.

    Quant la premire traduction franaise, dont le moment estvenu de nous occuper, il y a longtemps qu'elle est connue ;du jour o l'attention des rudits a t chez nous tourne du ctde l'ancienne langue et de l'ancienne littrature franaises, on

    n'a cess de la signaler comme contemporaine, ou peu s'en faut,

    de la rdaction originale, car on y retrouve tous les caraclres

    du franais de la premire moiti du xiie sicle, et on l'a regar-

    de, avec raison, comme une des premires traductions qui aient

    t tentes dans notre langue. Dj au xvu' sicle Mnage l'avaitremarque dans le manuscrit de l'abbaye de Saint-Victor avantqu'elle ft publie -^

    ;puis l'abb Lebeuf l'ayant mentionne

    comme d'une antiquit trs-recule ^ , dom Rivet la pro-clama aussi ancienne que le texte original, c'est--dire ant-

    rieure 1096*, tandis que Levesque de La Ravalire ne la fai-

    sait pas remonter plus haut que la fin du xii" sicle^. Dans notresicle elle a t cite trs-frquemment, comme un prcieux mo-nument de notre vieille langue, par Raynouard ^, Fallot ',

    Joly ^^5 et une foule d'autres;

    plusieurs regrettaient en mmetemps, par exemple MM. Hippeau ^ et Douet-D'Arcq ''\ que l'onn'et pas entrepris de nos jours d'en donner une dition plus cor-recte.

    Cette traduction a pourtant dj t publie trois fois, toujours

    1 Le Lapidaire de Marbode, traduit en vers franais, par S. Ropartz, dansBulletin et mmoires de la Socit arcli''ologique du dpartement d' 1 1 le -el- Vilainet. VII, 1870. Yoy. un intressant cGinpte-rendu de M. Douet d'Arcq, dans laReue des Socits savantes, 5 srie, t. ii, 1870, p. 336-342.

    - Les origines de la langue franaise, d. de Paris, A. Courb, 1630, in-4".p. 20, au mot Aimant.

    * Dissertations sur l'histoire ecclsiastique et civile de Paris, t. ii, p. 38.* Hist. un., t. VII, p. i09.^ Les posies du Roy de Navarre, Paris, 1742, t. i, p. 117.^ Lexique roman.' Recherches sur les formes grammaticales de la langue franaise an xiii'' s..

    p. 92."

    '

    * Benot de Sainte-More et le Roman de Troie, t. i. p. 405. Le Bestiaire divin de Guillaume, p. 24.'" Loc. cit.. p. 338.

  • LI':S MANUSCRITS DU LAPIDAIRE FRANAIS 23

    la suite du pome latin ^ : mais outre que les deux derniers di-teurs n'ont fait que copier le texte donn par le premier, D. Beau-gendre, avec toutes ses mauvaises lectures et tous ses contre-sens,

    ce dernier n'avait lui-mme connu qu'un manuscrit.C'est l ce qui m'avait engag, sur les conseils de mon matre,

    M. Gaston Paris, tcher d'eu donner une nouvelle dition. Rienqu' l'aide du seul manuscrit o l'on croyait jusqu'ici qu'elletait conserve, il tait facile, grce une lecture plus attentive

    et la connaissance que l'on a de nos jours de l'ancien langagefranais, de fournir un texte suffisamment pur et clair. J'ai t

    assez heureux, dans le cours de mes recherches, pour retrouver

    deux autres manuscrits, avec le secours desquels on peut esprerapprocher un peu plus de la perfection. Voici la description de ces

    exemplaires ainsi que de celui qui est dj connu.i\ls. A. C'est le n lat. 14470, ancien Saint-Victor 310, dont j'ai

    parl. Il dbute par un sermon de saint Jean, vque de Cons-tantinople; au folio 4 verso commence le lapidaire latin de Mar-

    bode, dont, comme on sait, chaque chapitre est immdiatem^entsuivi de sa traduction en vers franais. A la suite viennent di-verses pices, dont une en franais sur les pierres de l'Apo-calypse. Le tout occupe trente-neuf feuillets et est d'une belle

    criture, trs-lisible. Je dirai au chapitre suivant ce qui carac-

    trise cette prcieuse copie du lapidaire franais sous le rapportde la langue. Le reste du volume est compos d'un grandnombre d'ouvrages de droit canon, de diverses mains et dediverses poques, mais en gnral du xni*" sicle. Quant auxtrente-neuf premiers feuillets, je le rpte, ils sont de la dernirepartie du xn'.

    Ms. B. Cet exemplaire provient de l'ancienne bibliothque dela Sorbonne, et porte aujourd'hui la Bibliothque Nationalele n franc. 24870 ". Il est de petit format, ei] parchemin et con-tient les pices suivantes :

    1" Un trait sur les sacrements de l'ordre, du mariage, etc.,incomplet fol. 1

    2 De la misre humaine, par le pape Innocent 111. fol. 10

    ' La preiiiire l'ois en 1708 par D. Beaugendri', la ^eco)ide en 1799 parBeckniaim, la troisime en 1854 par l'abb Bourasse, dans les ouvrages quenous avons dj cits.

    ^ Il a\ail auparavant la cote Sorbonne 1682.

  • 24 LIVEE 1, l'AET. I, CH. Il

    3" Explication de l'Oraison dominicale (cf. Les uvres de saint

    ^emarc^, n,p. 317) fol. 43

    4" Vie de saint Thibaut en vers franais fol. 46

    Or antandez, trs douce gent,

    Un dit qui est et bel et gent,Et ftes feste et joie tuit

    De seint Thibaut, et grant dduit.

    Seinz Thibauz de trs bone anfance

    Fuit engendrez de gent de France

    El terrouel de Troiesins ;Mes il fui norri a Provins,

    Et Arnoul avoit non ses pres,

    Et Giveline fu sa mre,Et paranz es quens de GhampaigneEt a l'avesque de VianneQui Thibaut estoit apelez.Avant que seinz Thibaut fut nez, etc.

    5" Crmnte ou catchisme fol. 646" (d'une criture un peu postrieure) Vie de saint Etienne en

    vers franais fol. 65

    Ce sont les strophes bien connues :

    Entendez tuit en cest sermon, etc.

    7" Vie de saint Thibaut, confesseur fol. 68Les seignors auciains qui ont batailleor

    ai en arriers est et de genz venqueor,Et les nous des potes qui furent jangleorOons tan qu'as estoiles eslever hui tt jor.

    Et cil qui orandroit sont en prsente vie, etc.

    8 Puis vient cette souscription, fol. 102 : Guillermus de Oye,dictus Blions, tune temporis vicarius bate Marie de Tremblins,scripsit et divino dictante flaraine de latino in romanum trans-tulit, ob honorem et reverenciam beati Theobaldi, anno gratieM" CG" LX" septimo mense julio.

    9" Au-dessous l'criture change encore une fois, mais estencore du XII i'' sicle, et aprs une prire la Vierge en latin,on lit:

  • LES MANUSCRITS DU LAPIDAIRE FRANAIS 25

    Ci comance li livres dou lapidaire : Emax fu uns mot riches rois,Le rgne tint des Arabois, etc.

    Le lapidaire, qui n'est pas complet, s'arrte au milieu de la

    pierre medus par ces mots :

    Qui un aignel maie avraDe poacre home sanera.

    Nous avons donc ici un spcond exemplaire de la traduction duDe Gemmis de Marbode, crit vers la fin du deuxime tiers duXIII" sicle, et offrant le mme texte que A. On remarque cepen-dant quelques diffrences qu'il importe de signaler. D'abordl'ordre des pierres n'est pas exactement le mme, et il y a desarticles passs, tels sont ceux de l'alectoire, de ['onyx, du jaspe etde la sade * ; en second lieu, le ms. B est incomplet, et ne com-prend que sept cents vers environ. Enfin l'orthographe n'est pluscelle du xii" sicle, et semble d'ailleurs appartenir la Champagneou la Brie. La plupart des mots anciens sont conservs, mais lesformes grammaticales sont rajeunies.

    Ms. C- Avec ce manuscrit nous allons assister une premiretransformation du lapidaire franais de Marbod^i. Il s'agit enefetici d'une traduction eu prose, mais qui offre cette particularitqu'elle est videmment faite non sur le texte latin, mais sur unmanuscrit contenant la traduction en vers franais dont nousvenons de voir deux exemplaires. Elle est importante en cequ'elle prouve d'abord le succs de cette traduction potique duxii sicle, succs dont on aurait pu douter, puisqu'il en reste

    peu de manuscrits; mais elle montre aussi que si l'autorit decette traduction s'tait maintenue jusqu'au xiv" sicle, poqueprsume de cette remise en prose, le texte, mme rajeuni tel quel'offre le manuscrit B, commenait n'tre plus la mode, et que,tout en gardant tous les traits principaux de la premire versionet mme jusqu' des vers entiers, on prouvait le besoin del'accommoder au got du temps, c'esL--direde le mettre en prose.On ne peut nier, du reste, que la version de C ne soit faite sur

    le opme franais, quand on voit qu'elle passe, abrge ou altre tout

    ' Il est probable que tout en copiant un manuscrit driv du mme ori-ginal que A, ]p scribe de B avait, sons les veux un exemplaire latin qui chan-geait l'ordre des articles.

  • 26 LIVRE I, PART. 1, CH. II

    ce qui dans ce dernier est pass, abrg et altr, par consquent

    diffrent du texte latin (voir, par exemple, au mot Calcdoine).

    On peut mme prciser davantage : d'un examen attentif des deuxtextes, je crois pouvoir conclure que G a t remani d'aprs un

    ms. de la mme famille que A. Il n'a pas connu les mss. de laclasse de B, car il dcrit comme A l'article de V7iyx, que passe B ;il a (vers 370) engroutement comme A et non engignement comme B, etc. Cette sorte de refonte est d'ailleurs l'uvre d'un

    homme intelligent, qui comprenait bien son modle et qui mmele corrigeait parfois ^ l'aide du latin ; il se permet aussi de

    l'allonger et de l'abrger, et, partir du vers 500 environ, ne donne

    plus les pierres dans l'ordre de Marbode, et ajoute un peu de sonfonds. Quoi qu'il en soit, il m'a, diverses reprises, aid cor-riger le texte de A.

    Le manuscrit qui contient ce remaniement est un petit in-4 ducommencement du xiv^ sicle, rempli d'une foule de pices reli-

    gieuses et morales en vers et en prose; il porte le n" 24229 parmiles mss. franais de la Bibliothque nationale. Notre lapidaire se

    trouve au folio 25, recto, aprs celte rubrique :

    tt Cy commence H livres des pierres prcieuses que on appellapidaire.

    Je donne quelques lignes du dbut pour permettre de compareravec la version en vers, qui justement s'loigne en cet endroitdu prologue de Marbode :

    Evaus fu un riches roys d'une contre qui est appele Arabe,

    et moult fu sages et engigneus de plusors sens, et moult sotde langages divers. Il fu mestres des sept ars, et mot fu richesde trsors et larges. Et, parle grand sens qui en lui estoit et par lagrant largesse, il fu conneuz et renommez et amez en maintesterres -. A celui tens que cist roys Evaus regnoit en Arabe, sicom je vous ai dit, estoit Noirons emperres de Rome. Il li mandapar sa merci qu'il lui envoiast aucune chose de sa science parquoi il poist de lui amander en tant comme en bont de sens : celui requiert et non mie autre avoir, etc. ... Or vous dirai pre-mirement de l'une qui est apele Dyamans. Le Dyamans est

    1 Voir, pour les noms propres, au mot Topaze.- Ici C passe les vers 13 16 de A.

  • LES MANUSCRITS DU LAPIDAIRE FRANAIS 27

    unepire clre et entreluisans et a coleur ausi comme fers bruniz;l'on la treuve en Ynde la Maior, etc.

    Suit la description de trente-quatre pierres, d'abord dans l'ordre

    de Marbode, puis un peu l'aventure partir de la Cornaline.

    Aprs \Ambre, qui clt la srie, on le voit, incomplte, on lit(folio 28 recto) cet avertissement l'adresse des incrdules qui

    reproduit assez fidlement la conclusion du texte en vers :w Maintes gens sont qui mie ne croient que si grant vertu sont enpierre comme eles sont. Assez en i a qui ja ne faudront a leurvertuz se ce n'est par les pchiez des portanz, et qui les a, si les

    garde honesteraent, il ne puet faillir que de miex ne l'en soit.Si repuet on estre lgrement deceu par les contrefaites quel'on vent : icelles n'ont nulles valeurs. Evaus, qui fu rois d'Arabe,

    sot bien leurs forces, leurs valeurs et leurs mdecines, quant ilen fist livre premirement pour envoler a tel prince comme aNoyron l'empereour de Romme. Et nonporquant tel les portentqui ne svent que c'est, fors qu'ils en sont asne du porter.

    Il existe la bibliothque de l'universit de Turin un manus-crit franais cot 138 (autrefois L. "VI, 41, et t. I. 32) et quePasini avait dj signal ^ M. Stengel a bien voulu, au moisd'aot 1873, me communiquer la notice tendue qu'il en avaitprise et qu'il a depuis insre dans son travail sur les manus-crits franais de la bibliothque de Turin -. Je n'ai donc pasbesoin de rpter cette description. Il suffit de dire ici que ce

    manuscrit sur papier, crit au xy" sicle, semble contenir une tra-duction en prose franaise, assez exacte et complte, du lapi-daire latin de Marbode, et non plus de la version franaise. Bienque je ne connaisse de ce manuscrit que ce qu'en a copiM. Stengel, et que d'ailleurs il ne puisse m'tre d'aucune uti-lit pour l'tablissement du texte de A, j'ai cru devoir le men-tionner ici. Il mritait d'tre plac avec les uvres srieuses

    1 CocUces mss. Bibl. Taurinensis, t. n, p. 494.2 MittheiluYKjen mis franzsischen Handschrlften der Tiiriner UnlversUts-

    Blbliotliek, par le D'' Edm. Stengel, Marburg, 1873, gr. in-4", p. 43-44. Depuis({ue j'ai remis M. Stengel une note qu'il a textuellement insre dans sesMiUheUumjen (p. 44), il m'a t donn de reconnatre deux lgres erreursque renferme cette note. D'abord la traduction en prose du ms. 24429 (G)n'est pas la mme que celle du ms. de Turin, faite directement sur le la-tin. En second lieu, le lapidaire en vers contenu dans le ms. de Cbarlresn 51 n'est pas un troisime exemplaire de la version en vers de Marbode.mais bien le lapidaire mystique qui commence ainsi : Cil qui aimentpierres de pris.

  • 28 LIVRE I, PART. I, CH. III

    dont Marbode a fourni le texte et non avec les imitations dont il

    sera question par la suite. Voici, d'ailleurs, quelques lignes du

    prologue (rubr.) : Ci commence le lapidaire, parlant des pierres

    prcieuses, translat de latin en franais. Gomment on trouveou livre appelle le lapidaire, aultreffoiz le roy de Arabie escript

    Nron empereur des Romains qnantes pierres prcieuses estoient,quels noms elles avoient et quelles couleurs, de quelle rgion nais-

    soient, quelle puissance elles avoient. Et luy escript si secrte-

    ment que homme ne le sceut que luy et deux aultres, etc.

    CHAPITRE III

    TUDE PHILOLOGIQUE DU TEXTE DU MANUSCRIT A.

    i. Quand mme la trs-grande anciennet du lapidairefranais contenu dans les mss. A et B ne serait pas tablie djpar la date mme et l'aspect du ms. A, lequel est certaine-ment du xii sicle et ne peut en aucune faon tre le manus-

    crit original, tout concourrait pour aider reconnatre dans

    ce lapidaire franais un monument de la langue parle dans lespremires annes du rgne de Louis le Gros (1108-1137).

    Je sais bien que les traits phontiques, par exemple, qui ca-ractrisent cette priode de notre langue sont en gnral assez

    peu apparents dans le manuscrit 14470. Si la synrse ne s'estnaturellement pas encore opre dans les mots comme pour(v. 186, 301), mireilr (243), aimant (48 et 68), eschaldere (492),sclI (191), coneil (192), les dentales latines, isoles entre deuxvoyelles, ont compltement disparu; le maintien de la gutturaledans segurement (3G9, &i9), k coi de screment {3S, 156), n'estpas une marque d'antiquit, mais plutt un dialectal ^

    1 Un autre signe d'anciennet qu'on peut recherclier est le t latin laiss lafin des troisimes personnes du singulier qui l'ont plus tard perdu. On nele trouve pas une l'ois : c'tait une ortliograplie abandonne la fin duxn" s.; mais, comme on le verra dans le texte, il tait marqu dans le ms.original et en tous cas l'auteur de la traduction le prononait et, parconsquent, en tenait compte dans ses vers. Si l'on n'admet pas cette conjec-ture, plusieurs vers l'esteront faux : tel serait le v. 76 {|ue A crit:

    Force li dune poir,

  • TUDE PHILOLOGIQUK DU MS. A 29

    Mais le manuscrit A n'en a pas moins conserv des preuvesvidentes, et qui lui sont propres, qu'il n'est que la reproduc-

    tion d'un manuscrit sensiblement plus ancien. J'ai indiqu ennote le parti qu'on peut tirer de la versification de notre

    pome en faveur de la thse que je soutiens ; mais je veuxsurtout parler de deux particularits orthographiques, qui, enmme temps qu'elles assignent une date recule la composi-tion du lapidaire franais, apportent une contribution impor-tante l'histoire de la prononciation de notre langue. Ces parti-

    cularits sont : l'une, les accents qui dans le manuscrit A sontencore figurs sur un certain nombre de syllabes ; l'autre, lanotation particulire qu'il emploie pour marquer la pronon-

    ciation du ch et du c devant a, o, u. 2. Des accents. On avait dj remarqu dans certains

    manuscri ts du commencement du xn sicle, contenant d'anciennestraductions franaises, comme le Livre des Rois et les Machabes,la prsence d'accents assez rgulirement marqus sur les diph-thongues ou les voyelles toniques. Mais on n'avait que peud'exemples de ce fait, quand une dcouverte de M. A. Brachetvint faire faire un pas dcisif la question. Ayant eu l'occa-sion de voir Oxford le manuscrit Douce 320 de la biblio-thque Bodlienne, qui renferme la traduction des Psaumes pu-blie en 1860 par M. Francisque Michel \ et connue depuis sousle nom de Psautier cTOxford , le jeune philologue observaavec grand intrt , ce qu'avait nglig de dire l'diteur

    ,

    que, dans ce manuscrit, l'accent tonique tait rgulirementmarqu, surtout pour les polysyllabes ^ Occup d'un travaild'ensemble sur la Prononciation de l'ancien franais tabliepar des preuves palographiques

    ,M. Brachet releva une partie

    des mots ainsi accentus, et publia dans la Revue critique unecurieuse a varit sur ce sujet. Je suis heureux de lui signaler

    de nouveaux matriaux pour l'ouvrage qu'il a entrepris.

    ce inii ne fait que sept syllabes. Mais si l'on suppose un t primitil, on a :Force li dunet poeir,

    qui est juste. Voyez aussi vers 338 ;Redune ele garison,

    qui devient correct ds qu'on admet que l'auteur faisait sonner le t:Redunetelej^arison, etc.

    ' Libri psalmorum versio antiqua Gallica, etc. Oxonii, 1860, in-S".^ Voyez Hevue critique d'Iiistoire et de littrature, 5" anne, T semestre, 187U.

    p. 254;

  • 30 LIVRE I, PART. 1, CH. 111

    Gomme les manuscrits ses contemporains, l'original de latraduction potique de Marbode portait certainement ce systme

    de notation, qui semble avoir t employ par les scribes de 1050 1120 environ pour marquer au lecteur la manire dont on

    devait articuler certains sons spciaux. Sous ce rapport la perle

    de ce manuscrit est particulirement regrettable. Heureusement

    que nous avons en mme temps la preuve de son existence etun assez grand nombre de traces de ses procds graphiquesdans notre manuscrit A. Cet exemplaire nous montre encore en

    effet une certaine quantit de mots franais dont une ou plu-

    sieurs syllabes sont marques d'un signe ayant la forme d'unlong accent aigu ('). Or, comme d'un ct les accents sont bien

    plus frquents au commencement du pome qu' la fin, comme,de l'autre, ils sont plusieurs reprises mis d'une faon videm-ment fautive, il n'y a pas de doute pour moi que le scribe du ms.14470 a reproduit des signes qui n'avaient presque plus de sens

    pour lui et qui devaient tre marqus en bien plus grand nombreet bien plus exactement sur son modle. Toutefois, telle que lachose nous est parvenue, elle mrite d'tre examine de prs, etje vais tcher d'en donner une ide, en cherchant retrouver lesystme qui semble avoir guid l'auteur primitif.Le principe qu'on peut poser, c'est que, part certains mots

    qui ont deux accents mais sont l'exception, l'original du manus-crit A figurait un seul accent sur la syllabe qui, en latin, avaitl'accent tonique. Ainsi il crit parler {pa7^aboiare) {\'S), message[missaticum) (Ifi), mortels (mortales) (79), ame {amata) (209),etc., etc. Dans ce cas gnral, il voulait sans doute maquer qu'ilfallait appuyer davantage sur la syllabe qu'il dsignait ainsi '.

    En second lieu j'observerai que, bien que la ncessit de cettediffrence de tonalit se fasse surtout sentir dans les polysyl-labes, et que ce soient surtout ces mots qui sont accentus dans lemanuscrit d'Oxford, A pose l'accent trs - frquemment sur desimples monosyllabes, exemple : or (230), 6t (7, 13), filt , sn

    (9, 2i), H (27), wi (120), (76), etc., etc. -. 11 est probable que

    dans cette occurence l'original avait voulu marquer qu'il fallait

    1 Aussi trouve-t-on ces accents plus frquemment la rime qu'ailleurs.Je relve une fois l'accent mal plac : cuuerts (.31).

    - Olservons par contre qu'il y a au moins autant de cas oii l'accentmanque.

  • TUDt; PUILOLOGIQUE DU MS. A 31

    prononcer sparment ces petits mots et ne pas les confondre

    avec les prcdents ou les suivants, d'autant plus que l'accent se

    voit surtout quand il y a deux monosyllabes de suite, et que ces

    mots ne sont eux-mmes composs que d'une seule voyelle '.

    Ainsi je relve : e (93),i (102) et i ci (107), e li (27), etc.

    Du reste, c'est prcisment dans les mots qui offrent plusieursvoyelles de suite que le ms. A, l'exemple de son original, sans

    doute, fait encore le plus grand usage de l'accent. J'ai constat

    quatre circonstances diffrentes, dans lesquelles, selon qu'il

    s'agit de marquer une dirse, ou de noter si la diphthongue est

    forte ou faible, l'accent porte sur telle ou telle lettre du groupe.

    a. Commenons par les cas de dirse. Le scribe de A metl'accent sur la voyelle o nous mettrions aussi aujourd'hui un ac-cent ou un trma : oi (13, 14), nent (276), aguttes (4 syll.) (58),pruce (9), preciiise (132), aie (158), podr (186), cone (192).

    b. Quand une voyelle est suivie d'un e fminin, pour marquerjustement que cet e est fminin, la voyelle prcdente est accen-tue: nues (166), renume (210), mie (380), m5Me(836), 6/e(594),et dans les innombrables participes passs fminins de la pre-

    mire conjugaison: preise (210), cele (532), truue (216),ueie (215) ; mais dans ce dernier cas, A emploie aussi un autresystme qui consiste mettre un accent sur la syllabe accentue

    et un autre sur l'e muet : reno m {22o), enuei (228), aport{31b)^preis (227), tempr (54).

    c. Pour les diphthongues ai, ei, oi, ui, elles sont toujours ac-centues fortes: contraire (103), dire [^H], faire (104); ris

    auir (75), refride (194); uil (146), alleciire (127), tilt (200);

    niz (61), destrU (201), wi/e(266).

    d. L'accentuation des autres diphthongues ne prsente pas au-

    tant de rgularit. Ainsi ie est presque toujours faible: gris [11)^^ere(893), chir (200) ; mais on a aussi pierres'^ (25). Ow est

    plutt fort : milu (299), fu (300), a (85), mais aussi fo (53).Enfin je relve chialt [[^k) ^ et ialne {201), notations certaine-

    ment fautives.

    3. Du ch et du c. Lorsque la prononciation chuintante du

    ' En ce cas, un seul des deux mots est accentu.^ Rimant avec maneiros.''' Rimant A\crewlt.

  • 32 LIVliE I, PART. I, CIL III

    c latin devant a, o, u, s'est in