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TRISTES TEMPS par François Lardeau, T risTes temps que ceux d’anniversaire quand il s’agit de se rappeler la disparition d’un ami particulièrement cher comme Jacques Dauer. Un an déjà. Merci à Georges Aimé et à Paul Kloboukoff de marquer celui- là, l’un, d’une lettre adressée au disparu qui dit combien il reste présent parmi nous et dans nos cœurs, l’autre, d’une recension des hommes illustres qu’il se plaisait à évoquer. Son club des dix-huit, en somme ! Comme Paul Kloboukoff, j’ai quelque étonnement à y voir figurer Charles IX (1550-1574) qui ne sut pas empêcher le massacre de la Saint-Barthélémy, monument d’intolérance si contraire aux valeurs dont notre pays aime tant à se réclamer… Cet avant-dernier Valois, Valois-Bourbon en fait, donc Valois de deuxième rang si l’on peut dire, incapable de se soustraire à la domination maternelle, n’eut jamais la dimension et la fermeté nécessaire pour faire face aux antagonismes religieux qui ensanglantèrent la seconde partie de son règne et qui ne trouvèrent un apaisement (relatif) que bien plus tard, avec l’avènement du premier des Bourbons, Henri IV, et l’édit de Nantes. Il me semblait, et ce fut longtemps un sujet d’âpres discussions avec Jacques, que la période antérieure, celle notamment des premiers Valois, de Philippe VI (1328- 1350) à Charles VIII (1483- 1498), le successeur de Louis XI, avait été bien plus fondatrice du royaume dans sa pleine dimension géographique et étatique. Mais cette période recouvrait toute la guerre de Cent ans et, pour Jacques, celle-ci se résumait au calamiteux traité de Troyes (21 mai 1420), initié par la reine Isabeau et signé par Charles VI, le roi fou, et c’est ainsi que ce dernier, en gros cantonné au sud de la Loire, partagea pour un temps la France avec le roi d’Angleterre, Henri VI, héritier « légitime » du domaine des Plantagenêts et maître de Paris, et avec l’État bourguignon, de fait indépendant. Pour ce moment de notre histoire, les historiens parlent des trois France… Cela jusqu’au retournement de la situation militaire et au couronnement de Charles VII à Reims, initiés par Jeanne d’Arc. En fait, Jacques Dauer ne s’intéressait pas à l’histoire événementielle, souvent marquée par des désastres d’ampleur comparable, politiquement, à la défaite de 1940, suivis de réactions libératrices comme celle que sut provoquer en son temps le Général Siège social : 22, rue Brézin, 75014 Paris • Rédaction et courrier : Académie du Gaullisme - B.P. 48 - 94702 Maisons-Alfort Directeur de publication :Alain Rohou.Tous les manuscrits reçus et non publiés ne sont pas retournés à leurs auteurs. Les articles doivent nous parvenir dans la première semaine du mois,ils n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Prix au numéro : 2,30 €, Abonnement 1 an : 23 €, Jeunes et étudiants :12 • N° commission paritaire : 036 G 80438 • Imprimerie spéciale 18 Juin LA LETTRE DU Numéro 120 - novembre 2009 Le combat de l’avenir Président-fondateur Jacques DAUER Pages 1, 2, 4 Luc Beyer de ryke 1, 2 François Lardeau 3, 4 Christine ALfarge 5, 6, 8 Paul KLoBoukoff 7 gilles BacheLier 8 dîner-déBat 9 albert SaLon 10, 11, 12 hélène nouaiLLe 13, 14 cngg Sommaire L e ciel de novembre a pris ses couleurs de deuil. Elles s’accordent à l’actualité. Devant la page blanche qui suscitait les affres de Mallarmé les interrogations m’assaillent. Offerts au choix de l’éditorialiste les thèmes se pressent et se bousculent. Ce qui lui laisse la faculté de les effeuiller et d’en aborder plusieurs. Un de mes amis palestiniens, chaque fois que nous nous voyons me rappelle le mot de l’humoriste Alphonse Allais que je lui avais cité : « Les choses s’arrangent toujours mais mal ! ». C’est ce que peut se dire Barak Obama. De fait le Nobel est pour lui un prix d’encouragement. Il en a besoin. Les obstacles s’accumulent en politique intérieure. Son charisme suffira-t-il à les surmonter ? Poser la question n’est-ce pas y répondre ? PagES gRISES par Luc Beyer de Ryke, Suite page 2 Suite page 2 retrouvez la totalité des articles sur : http://www.academie-gaullisme.fr/ Courriel : [email protected]

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TRISTES TEMPSpar François Lardeau,

TrisTes temps que ceux d’anniversaire quand il s’agit de se rappeler la disparition

d’un ami particulièrement cher comme Jacques Dauer. Un an déjà. Merci à Georges Aimé et à Paul Kloboukoff de marquer celui-là, l’un, d’une lettre adressée au disparu qui dit combien il reste présent parmi nous et dans nos cœurs, l’autre, d’une recension des hommes illustres qu’il se plaisait à évoquer. Son club des dix-huit, en somme !

Comme Paul Kloboukoff, j’ai quelque étonnement à y voir figurer Charles IX (1550-1574) qui ne sut pas empêcher le massacre de la Saint-Barthélémy, monument d’intolérance si contraire aux valeurs dont notre pays aime tant à se réclamer… Cet avant-dernier Valois, Valois-Bourbon en fait, donc Valois de deuxième rang si l’on peut dire, incapable de se soustraire à la domination maternelle, n’eut jamais la dimension et la fermeté nécessaire pour faire face aux antagonismes religieux qui ensanglantèrent la seconde partie de son règne et qui ne trouvèrent un apaisement (relatif) que bien plus tard, avec l’avènement du premier des Bourbons, Henri IV, et l’édit de Nantes.

Il me semblait, et ce fut longtemps

un sujet d’âpres discussions avec Jacques, que la période antérieure, celle notamment des premiers Valois, de Philippe VI (1328-1350) à Charles VIII (1483-1498), le successeur de Louis XI, avait été bien plus fondatrice du royaume dans sa pleine dimension géographique et étatique. Mais cette période recouvrait toute la guerre de Cent ans et, pour Jacques, celle-ci se résumait au calamiteux traité de Troyes (21 mai 1420), initié par la reine Isabeau et signé par Charles VI, le roi fou, et c’est ainsi que ce dernier, en gros cantonné au sud de la Loire, partagea pour un temps la France avec le roi d’Angleterre, Henri VI, héritier « légitime » du domaine des Plantagenêts et maître de Paris, et avec l’État bourguignon, de fait indépendant. Pour ce moment de notre histoire, les historiens parlent des trois France… Cela jusqu’au retournement de la situation militaire et au couronnement de Charles VII à Reims, initiés par Jeanne d’Arc.

En fait, Jacques Dauer ne s’intéressait pas à l’histoire événementielle, souvent marquée par des désastres d’ampleur comparable, politiquement, à la défaite de 1940, suivis de réactions libératrices comme celle que sut provoquer en son temps le Général

Siègesocial:22,rueBrézin,75014Paris•Rédaction et courrier : Académie du Gaullisme - B.P. 48 - 94702 Maisons-Alfort Directeurdepublication:AlainRohou.Touslesmanuscritsreçusetnonpubliésnesontpasretournésàleursauteurs. Lesarticlesdoiventnousparvenirdanslapremièresemainedumois,ilsn’engagentquelaresponsabilitédeleursauteurs. Prixaunuméro:2,30€, Abonnement1an:23€, Jeunesetétudiants:12€ •N°commissionparitaire:036G80438•Imprimeriespéciale18Juin

LA LETTRE DU

Numéro 120 - novembre 2009Le combat de l’avenir

Président-fondateurJacques Dauer

Pages

1, 2, 4 Luc Beyer de ryke

1, 2 François Lardeau

3, 4 Christine ALfarge

5, 6, 8 Paul KLoBoukoff

7 gilles BacheLier

8 dîner-déBat

9 albert SaLon

10, 11, 12 hélène nouaiLLe

13, 14 cngg

Sommaire

Le ciel de novembre a pris ses couleurs de deuil. Elles s’accordent à l’actualité.

Devant la page blanche qui suscitait les affres de Mallarmé les interrogations m’assaillent. Offerts au choix de l’éditorialiste les thèmes se pressent et se bousculent. Ce qui lui laisse la faculté de les effeuiller et d’en aborder plusieurs.

Un de mes amis palestiniens, chaque fois que nous nous voyons me rappelle le mot de l’humoriste Alphonse Allais que je lui avais cité : «  Les  choses  s’arrangent  toujours mais mal ! ».

C’est ce que peut se dire Barak Obama. De fait le Nobel est pour lui un prix d’encouragement. Il en a besoin. Les obstacles s’accumulent en politique intérieure. Son charisme suffira-t-il à les surmonter ? Poser la question n’est-ce pas y répondre ?

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de Gaulle. Pour lui, au regard du long temps qui couvre l’histoire d’un pays, cela n’était que péripéties. Marqué par son ascendance franc-maçonne à laquelle il se référait constamment, évoquant son père et son grand-père et leurs leçons de vie, seul comptait vraiment pour lui le débat d’idées qui sous-tend cette Histoire, et donc en premier l’apport des philosophes qu’il considérait comme des pères fondateurs. Aussi, n’est-ce pas pour rien que l’on retrouve, dans la recension de Paul Kloboukoff, Platon et Aristote, Cicéron (usque tandem…, la si célèbre apostrophe !) et Marc-Aurèle (le culte de l’amitié), Montaigne et Descartes, Malebranche, Bergson… Manque curieusement en effet (est-ce la faute à Voltaire ?), une référence au

siècle des Lumières dont Jacques Dauer était pourtant un parfait héritier, à la fois paradoxalement d’une intransigeance extrême, pour ne pas dire extrémiste, et d’une tolérance non moins extrême à l’égard de tous. Sa curiosité était toujours en éveil comme le montrent les très nombreuses recensions d’ouvrages qu’il a publiées.

Bref, c’était vraiment une bonne idée que de faire cette recension à l’occasion de ce premier anniversaire. Remercions-en l’auteur. Elle nous a opportunément invité à « revisiter » l’ami disparu et à prendre une mesure plus complète de l’incontestable richesse du personnage et de sa leçon de vie toujours à méditer.

Pour ce qui est de la politique extérieure, qu’il s’agisse de l’Afghanistan ou du conflit israélo-palestinien, l’optimisme, pour ceux qui y croient encore, s’est mis en berne.

Pour les parangons d’une démocratie qu’ils veulent exporter, fut-ce par le fer et par le feu, les États-Unis doivent se satisfaire d’un Hamid Karzaï proclamé élu… par défaut, avec les Talibans aux portes de Kaboul. Hamid Karzaï est président, la corruption est reine, le trafic de drogue fleurit comme les pavots et les soldats de la coalition y perdent leur crédit… et leur vie.

Pour ce qui est du conflit israélo-palestinien, je songe à ce qu’Élie Barnavi disait lors du dîner-débat auquel , à l’académie, il participait avec Hind Khoury : «  Il  faut tordre le bras à Israël, sans quoi il n’y aura pas de paix possible. ».

C’est ce que Barak Obama eut l’intention de faire lorsque sa secrétaire d’État et lui-même intimaient le gel des colonies à Israël. C’était la condition d’une reprise du dialogue avec les Palestiniens.

Côté israélien on s’est raidi. Au point qu’Avigdor Lieberman, ce ministre des Affaires étrangères qui, jadis, parlait de bombarder le barrage d’Assouan, entreprenait cette fois de jeter les bases d’une alliance alternative pour faire pièce aux Etats-Unis.

Du vent ? Peut-être, sans doute. Mais le bluff  a payé. Hilary Clinton s’est ralliée à la promesse proclamée « sans précédent » de Benjamin Netanyahou d’une simple « limitation » de la colonisation.

Aussitôt le vice-ministre des Affaires étrangères, bras droit de Lieberman, a exulté. « La preuve est faite que les Etats-Unis sont nos meilleurs amis et que l’attitude ferme d’Israël    est payante.» En foi de quoi Mahmoud Abbas, pourtant souvent pusillanime, s’insurge. Mais il a beau faire, le Hamas et les islamistes radicaux marquent un point.

Les juges et le Pouvoir

J’évoquais en exergue la page blanche de Mallarmé. Elle se noircit. Dans tous les sens du terme, au propre comme au figuré.

« Je crois au sérieux de la vie » proclame un des personnages de Montherlant dans La relève du matin.

Lorsque j’écris, devant moi, sur mon bureau, je contemple souvent cette photo ou, au seuil de l’église de Colombey, je serre la main du Général de Gaulle. Il serait déraisonnable et abusif de se livrer à l’hagiographie. On peut être gaulliste sans y céder. La raison critique est une des valeurs essentielles de notre civilisation.

Il n’en demeure pas moins qu’en regardant ce portrait, qu’environne le souvenir de ma propre vie, je songe au personnage de Montherlant. Si je le fais c’est pour le comparer – et l’opposer – à tous les hommes politiques de sensibilités diverses qui, ces dernières années et aujourd’hui, ont maille à partir avec la Justice. Eut-on imaginé de Gaulle traduit devant un tribunal pour trafics, frais de bouche ou recours à des emplois fictifs ?

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« Puisque tout recommence toujours,ce que j’ai fait sera tôt ou tard une source d’ardeurs 

nouvelles après que j’aurai disparu. »

CeTTe évocation du Général de Gaulle exprime avec une émotion particulière le fondement même de sa pensée qui nous donne à réfléchir et à comprendre

sur le fonctionnement des sociétés. L’histoire est toujours à recommencer et ne peut se séparer des épreuves et des grands défis auxquels est confrontée la nation.

C’est la volonté de surmonter les difficultés qui influe sur le cours des choses. L’action du Général de Gaulle nous montre combien notre pays s’est enrichi à travers ses décisions, ce qu’il a accompli dans l’histoire et l’exemple qu’il laisse aux générations qui vont suivre afin de perpétuer une histoire jamais finie.

Le rapport du Général de Gaulle à l’histoire.

Le Général de Gaulle mènera une réflexion permanente sur l’histoire, son affirmation la plus forte « une certaine idée de  la France » restera dans toutes les mémoires en hommage à celui qui avec la plus grande dignité sauvera la liberté de la France. Dans une citation du 8 janvier 1959, il s’exprimera ainsi : « Depuis que voici bientôt mille ans, la France a pris son nom et l’État sa fonction, notre pays a  beaucoup  vécu,  tantôt  dans  la  douleur,  tantôt  dans  la gloire. » Au regard de l’histoire, l’idée essentielle qu’il se fait de la France est : « Il n’y a qu’une histoire de France. » La particularité du Général de Gaulle c’est l’importance d’associer la révolution à la république, à l’histoire nationale en même temps que la royauté. La Révolution française porte en elle toute l’histoire de France depuis ses origines, cet événement qui bouleversera la vie d’un peuple et sa conscience prouve que chaque action du passé façonne d’une certaine manière l’avenir. Pour le Général de Gaulle, la réflexion sur le passé sera primordiale pour mieux penser le présent et l’avenir, dans ses Mémoires d’espoir,  il invoquera « la stabilité et la continuité dont l’État est privé depuis cent soixante neuf ans ou le bouleversement incessant de nos institutions depuis cent cinquante années ».

La république incorporée à la Nation.

Ce qui caractérise le Général de Gaulle, c’est sa volonté et sa perception des intérêts de la France qui domine en permanence, la stabilité des institutions, la continuité dans la conduite des affaires politiques, d’autre part le fait d’assumer toute l’histoire de France, de la monarchie

comme de la république. Mais ce qui jalonne avant tout le cheminement de l’homme, c’est l’importance de l’État.

Le 28 février 1960, s’adressant aux membres du Conseil d’État, il s’exprime : « Il n’y a eu de France que grâce à l’État. La France ne peut se maintenir que par  lui. Rien n’est aussi  capital que  la  légitimité,  les  institutions et  le fonctionnement  de  l’État.  C’est  pourquoi  il  faut  que  cet État ait à sa tête un chef qui en manifeste la permanence. »

La vocation de la France à la grandeur.

La France est, à la fois, un produit de son passé et une volonté de vivre dans le présent, mais cet équilibre entre dessein et ambition peut sembler fragile sans un renouvellement profond. Cela implique une immense rénovation : « la question est de l’accomplir sans que la France cesse d’être la France » disait le Général de Gaulle, le 5 février 1962. Pour lui, il n’y a pas de place au fatalisme, seulement au volontarisme et à l’ambition. Mais l’ambition ne doit pas être démesurée car la connaissance des réalités appelle à la prudence.

L’idée d’une mission de la France.

La Révolution française conférera toujours un rôle particulier à la France pour servir la cause de l’homme, la cause de la liberté et la cause de la dignité de l’homme. L’idée d’une mission de la France est très profonde chez le Général de Gaulle, il déclarera dans son discours du 9 septembre 1968 : « C’est  dire  que  la  France,  tout  en se  dotant  des  moyens  voulus  pour  rester  elle-même, continuera  à  travailler  partout,  et  d’abord  sur  notre continent,  d’une  part  pour  l’indépendance  des  peuples et  la  liberté  des  hommes,  d’autre  part  pour  la  détente, l’entente et la coopération, autrement dit pour la paix. »

La Nation aux mains libres.

Tout au long de son histoire, la France assurera sa légitimité, notion profondément ancrée dans l’esprit du Général de Gaulle et dans toutes ses interventions qui consiste dans le service de la Nation et dans la représentation de ses valeurs immuables.

La place du Général de Gaulle dans l’histoire.

C’est d’abord la place d’un homme et d’un projet qui ont profondément marqué notre temps. Non seulement

LE SENS DE L’HISTOIREpar Christine Alfarge

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le Général de Gaulle a sauvegardé la France et son indépendance dans la Résistance en 1940, mais il a préservé l’existence de l’État français en tant qu’État indépendant dans la constitution de l’Europe. Il s’inscrit dans la lignée des hommes d’État qui ont insisté sur l’importance du rôle de l’État et de son intervention dans la vie française, souvenons-nous du rétablissement rapide de l’État républicain en 1944, sa restauration en 1958.

Son ardente volonté de renforcer les institutions en revalorisant notamment le pouvoir du chef démocratiquement élu, fera de lui un des restaurateurs de l’État. Mais la pièce maîtresse qui tiendra une place considérable pour le fondateur de la cinquième république, c’est la politique étrangère de la France où il se placera dans la lignée des grands réalistes privilégiant le sentiment national, l’intérêt national. Il y a bien eu une « politique

étrangère gaullienne » par la volonté d’un homme, sa principale préoccupation des intérêts de la France et sa vision du monde donnant à la France une diplomatie à l’échelle de la planète parmi les grandes puissances, l’Europe et le Tiers Monde.

Enfin, l’apport le plus émouvant du Général de Gaulle dans l’histoire, est sans aucun doute son rôle de combattant, de restaurateur et de défenseur de la liberté. Il conduira une politique contraire à la résignation et veillera à l’équilibre entre l’ambition qu’il faut avoir et la réalité que l’on ne peut ignorer.

Tout au long de sa vie, le Général de Gaulle, attaché à l’idée d’une continuité de l’histoire française, a voulu à travers son humanisme partagé entre méditation sur l’histoire et foi en l’homme, mettre en lumière un destin permanent de la France.  

Avant d’être sacrilège le seul fait de l’évoquer est avant tout dérisoire tellement il eut relevé d’une fiction malséante.

Aujourd’hui la chose est fréquente. L’actualité judiciaire se confond à bien des égards avec l’actualité politique mais l’on m’autorisera à une réflexion dont j’admets parfaitement qu’on puisse la discuter et la contester.

Le premier responsable d’un acte est de toute évidence celui qui l’a commis. Mais, dans le cas de Jacques Chirac qui s’en défend, le juge ne se livre-t-elle pas à un acharnement judiciaire ? N’existe-t-il pas une prescription de fait à défaut de prescription de droit ? Les temps ont changé. Et les pratiques. Les législations ont évolué. L’affaire, avec le recul, apparaît lointaine et subalterne.

La France a-t-elle à gagner de voir un ancien Président de la République jugé, voire condamné pour avoir quelque

peu trafiqué sur l’intendance ? Vingt ans après, la cause me semble davantage relever du Cabaret des Deux-Ânes que de la correctionnelle. Ce qui n’est pas, de ma part, une approbation du délit mais, dans cette affaire, le temps ma paraît faire office de juge de paix.

Quant à l’affaire Clearstream  bien malin celui qui prétendrait saisir le fil d’Ariane de la vérité. Mais après les débats, les arguments et contre-arguments exposés, développés, le sentiment d’assister à un procès politique s’impose.

Peut-être la réflexion est-elle un peu courte mais l’Histoire enseigne que le roi de France a tout à gagner à oublier les injures faites au duc d’Orléans.

Le roi de France ? La France tout simplement.

le sens de l'histoire...(suite)

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UE : ÉTENDUE, MONDIALISME, HARMONISATION, INTÉGRATION,

DES QUESTIONS CLEFS À DÉVERROUILLERpar Paul Kloboukoff,

Jusqu’où veut-on que l’Union européenne (UE) s’étende ? Cette question, qui appelait une réponse « officielle » ou explicite constituant un choix déterminant

pour l’ensemble de la « construction européenne », semble toujours devoir attendre l’aboutissement d’une démarche cahotante emmenant les peuples consternés, entravés, bâillonnés et les yeux bandés vers un avenir qu’ils n’ont pas à connaître et à choisir.

Il n’y a pas si longtemps, plusieurs écoles ou visions de l’UE future coexistaient, rivalisaient, s’opposaient, différenciées sur le fond par une ouverture des frontières mesurée ou mondialiste, par l’étendue de l’Union, par les degrés d’harmonisation et d’intégration ainsi que par la soumission plus ou moins prononcée des États à l’Union.

1. – L’Europe de la première heure, née après la guerre de 1940, du temps de la « menace » soviétique, protectionniste et sur la défensive, voulait rapprocher et faire coopérer des États de l’Europe de l’Ouest partageant des intérêts, des points de vue et des intentions communes ou ressemblantes. L’Europe des Six paraissait attentive aux personnalités de ses Nations membres, à leurs passés et à leurs cultures.

2. – Plus tard, dans les années 1970 et 1980, la Communauté européenne a accueilli des États attachés au libre échangisme, d’une part, et des États aux économies plus faibles ou fragiles que celles des fondateurs, d’autre part, allant ainsi jusqu’à compter quinze membres… d’Europe de l’Ouest. Dès le début, dans un espace pourtant restreint, les thèmes de « l’intégration » et de « l’harmonisation » ont été des sujets de vives discussions et de divisions. En particulier entre les fédéralistes, partisans d’une suprématie de l’Union (ou Communauté) sur les États membres, et les défenseurs d’une Europe de Nations souveraines et solidaires pour réaliser des projets et des dessins communs. Certains souhaitaient une Union limitée à peu d’États, capables de constituer un ensemble relativement homogène et d’avancer pas à pas sur les voies de l’harmonisation et, éventuellement, de l’intégration. D’autres ont préféré davantage d’adhérents, aux situations, aux potentiels et aux positions plus hétérogènes. Puis, la vision d’une Union restant à l’intérieur de l’Europe de l’Ouest a été bouleversée par les évènements.

3. – L’élargissement à l’Europe de l’Est a été en partie imposé, après la chute du mur de Berlin, à une Communauté qui piétinait et tournait en rond. Mais sa fuite en avant, la précipitation des adhésions et leur insuffisante préparation n’étaient pas obligatoires. Visiblement, pour les principaux « décideurs », il fallait aller vite et l’Union devait rester la même pour 25 à 30 membres, présentant de nombreuses et profondes différences à tous égards, que pour les 15 ou les 6 initiaux. Le contesté projet de traité constitutionnel et son clone, le traité de Lisbonne, inadaptés pour le présent et pour

l’avenir, en témoignent. Aujourd’hui, l’UE compte, avec Chypre et Malte, 27 membres. Au nord-est, en Estonie, sa frontière est à moins de 200 km de Saint-Pétersbourg. Plus bas, elle côtoie la Biélorussie, l’Ukraine, la Moldavie, la mer Noire et la Turquie. Mais l’élargissement à l’Europe de l’Ouest n’est pas terminé. « Logiquement », restent à ingérer la Croatie, la Serbie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro, la Macédoine, l’Albanie… et le Kosovo, situés à l’intérieur de ses frontières extérieures actuelles. Le digérer sera une autre affaire. C’est pourquoi les « décideurs » seront peut-être enfin enclins à mettre la pédale douce, comme le réclament de nombreuses voix européennes, avant de compter 34 États dans l’UE.

4. – Des maximalistes ne veulent pas s’arrêter là. Ils lorgnent et grenouillent dans deux directions qu’ils ne considèrent pas comme exclusives l’une de l’autre.

4.1. – Faire entrer la Turquie dans l’UE est un espoir, un rêve que caressent certains (dont une minorité des Français). Chaque nouveau « chapitre » de négociations ouvert avec Bruxelles est vu et fêté comme un pas de plus vers la réalisation… qu’on ne manque surtout pas de dire « lointaine, dans tous les cas ». Pour rassurer… et se rassurer ? Cette perspective n’est pas illusoire. Des gouvernants et des influents de plusieurs pays de l’UE y sont favorables. « L’Union a pris des engagements dans ce sens » insistent certains. L’Administration américaine y pousse avec une insistance qui relève de l’ingérence. Et, périodiquement, des arguments frappants sont assénés pour justifier cette entrée. Base stratégique pour contrôler le détroit des Dardanelles (contre qui, grand Dieu, contre les migrants clandestins et les trafiquants de tous poils pénétrant en Europe par la grande porte ?), la Turquie serait aussi un territoire stratégique (sillonné d’oléoducs et de gazoducs) pour l’approvisionnement de l’Europe en manque d’hydrocarbures. Des pays du Caucase sont également stratégiques, si on veut aller plus loin.

Des extensionnistes ne voient pas pourquoi la Turquie entrerait dans l’UE et pas l’Algérie, la Tunisie et le Maroc, avec lesquels nous avons un passé commun, ou la Libye (maintenant que son président est un grand ami de l’Occident), ou encore l’Égypte, Israël, le Liban, la Syrie… Bref, les pays riverains de la Méditerranée. Ce serait une version avancée « Eurabia » de l’UE (cf. site Internet de Wikipédia). L’Iran et l’Irak à ses frontières turques, elle hébergerait aussi d’autres poudrières de la région, et serait de la sorte mieux à même de mettre fin aux conflits endémiques internationaux locaux. Avec le bon vaccin, les risques de contamination sont minimes, on s’en doute.

4.2. – Depuis peu, c’est aussi vers des États de l’ex URSS que portent des regards. Vers l’Ukraine d’abord. Dont une partie des dirigeants (et peut-être des populations de l’ouest du pays)

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aimeraient adhérer à l’UE… presque autant qu’à l’OTAN. Cela permettrait d’enrichir notre arsenal nucléaire militaire et d’hériter de la centrale de Tchernobyl, notamment. Des extensionnistes plus hardis admettraient volontiers dans notre hôpital la Biélorussie souffrante. Devant le pouvoir russe ému, touché par une telle sollicitude. Mais qu’importent ces détails pour la brillante diplomatie européenne ! Les pays du Caucase (Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan) ne semblent pas à l’abri de visées d’absorption par l’UE. Celle-ci a d’ailleurs montré son intérêt pour cette région « stratégique » productrice et porteuse d’hydrocarbures, particulièrement durant l’été 2008, lors de l’affrontement armé entre la Géorgie et la Russie consécutif à l’intervention sanglante géorgienne en Ossétie du Sud.

Et pourquoi pas, un jour, la Russie, avec ses immenses étendues et ses énormes ressources sibériennes ? Où s’arrêteront de tels rêves d’extension de l’Union européenne, et quelles en sont les motivations ?

La promotion commerciale (auprès des européens et des adhérents potentiels) de l’UE montre la prégnance de la peur d’être trop petit, trop faible à côté des grandes puissances qui vont dominer le monde, de ne pas être assez visible, de peser et de compter pour trop peu. Alors, il faut grossir, à tout prix. Cette « logique » de la grenouille qui veut être aussi grosse que le bœuf, s’appuie sur les constats défaitistes d’une décroissance relative démographique et économique de l’UE par rapport au reste du monde. Elle s’apparente, d’ailleurs, à la fièvre boulimique qui sévit dans les milieux industriels et financiers, avec les succès que nous connaissons. On trouve toujours de grands « avantages » à absorber et à s’étendre. On se régale d’indicateurs glorifiant les dimensions de l’UE. À commencer par la population et la superficie de l’ensemble des pays membres, ainsi que la somme de leurs PIB. Ainsi, l’UE à 27 peut-elle s’enorgueillir de couvrir 4,2 millions de km² en 2007, derrière la Russie (17,1 Mk), la Chine et les États-Unis (9,6 Mk), et devant l’Inde (3,3 Mk). Sa population (495 millions d’habitants) la place au troisième rang démographique mondial, derrière la Chine (1 322 Mh) et l’Inde (1 230 Mh), devant les USA (301 Mh). En termes de PIB, les élargissements et le recul du dollar ont porté l’UE à la première place mondiale, avec un PIB de 12 276 milliards d’euros contre 10 094 milliards € pour les USA, 3 198 pour le Japon, 1 787 pour la Chine et 610 pour la Russie (cf. site Internet Europa). Voilà de quoi jouer dans la cour des grands ! Il ne faut cependant pas se cacher que si chacun des quatre géants cités possède une seule monnaie et une politique économique et financière dominante, il n’en est pas de même de l’UE. 11 pays sur les 27 ne sont pas dans la zone euro et ont leurs propres monnaies. Ils refusent l’euro, tels le Royaume-Uni, la Suède et le Danemark, ou ils ne remplissent pas les critères de convergence requis. Cumulés, les PIB de ces pays hors zone se montent à 3 360 milliards € en 2007 (plus que la Chine et la Russie prises ensemble), et ceux de la zone monétaire euro à 8 916 milliards €.

Pour calmer cette « folie des grandeurs », ralentir la fuite en avant et canaliser le cours désordonné de l’UE, à quels pare-feux peut-on penser ? Le projet d’Union pour la Méditerranée

(UPM), imaginé en France, est devenu un ectoplasme, malgré le voyant sommet fondateur parisien du 13 juillet 2008 auquel 43 États totalisant près de 800 millions d’habitants ont été représentés. Le paisible « processus de Barcelone », projet de coopération entre les rives de la Méditerranée né en 1995 et tombé dans les bras de Morphée depuis, a pris l’UPM sous son aile. Finalement, on a superposé à l’UE, une entité qui recouvre son territoire, absorbe ses membres … et englobe les pays méditerranéens de l’Est et du Sud, sans donner un véritable statut à cette nouvelle association, sans préciser concrètement ses projets, ses objectifs opérationnels, ses moyens (financiers, en particulier), les contributions de chacun et ses liens, ses articulations avec l’UE. Il n’est donc pas étonnant que cette entité reste inerte, comme une coquille vide, et que ses membres puissent la considérer comme un sas de transit, une antichambre de l’UE. La probabilité de voir se concrétiser un scénario de type 42 ne peut qu’en être accrue.

Les ratifications « parlementaires » du traité de Lisbonne ont aussi montré que la plupart des dirigeants des États membres de l’UE ainsi que des parlementaires de ces États étaient hostiles aux ratifications par voie référendaire, de crainte de voir les populations choisir (à leur place) et éventuellement voter « NON ». Du côté français, nous n’oublierons pas que le président a fait modifier notre Constitution en 2008 afin de ne plus rendre obligatoire le recours au référendum pour entériner (ratifier) les futures adhésions à l’UE. Les portes sont ainsi plus largement ouvertes aux scénarios de type 4 (41 et 42).

Les oppositions potentielles étant entravées, pourquoi les « décideurs » actuels et futurs (Commission de Bruxelles, parlements européen et nationaux, chefs d’État…) changeraient-ils de cap ? Le jeu continuera d’être conduit par la toute puissante Commission, aiguillonnée par d’influents lobbys financiers et patronaux prônant la libéralisation, la mondialisation et le gigantisme… que la crise mondiale s’éternise, s’aggrave ou s’estompe.

Il est clair que dans ce scénario « tendanciel », la France ne peut que se diluer, se fondre, se faire engloutir, sans même conserver une « minorité de blocage », et voir se réduire encore son influence, déjà mise à mal par l’Allemagne (cf. épisode de l’upm) et d’autres grands et/ou petits de l’UE (cf. divergences à propos de l’Irak et de l’Afghanistan, attitudes critiques ou réservées à l’égard de la laïcité à la française). Imaginons comment seront préparées et prises les décisions (à la majorité qualifiée ou non) dans une UE de plus de 40 membres, comptant les États des Balkans, la Turquie… et l’Ukraine. Nos diplomates multiplieront les « tournées des grands ducs » pour vendre leurs propositions. De somptueuses et ruineuses réunions permettront à de nombreux chefs et sous-chefs de constater d’immanquables différences d’intérêts et de rechercher des « compromis », maître mot très à la mode des animateurs de l’UE et profession de foi des politiciens. Des alliances seront nouées à l’intérieur de l’Union, pour soutenir des plans ou pour contrer des projets antagonistes. Ainsi, de compromis en compromis, sans « trancher » de façon claire, nette et précise sur les questions posées, continuera probablement de voguer la galère.

Il n’est pas moins prévisible que dans une telle

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HOMMAGE A LA RÉSISTANCEdîner-débat avec Daniel Cordier

par Gilles Bachelier,

Le 16 octobre 2009, l’Association des Amis de la Fondation Charles-de-Gaulle, présidée par Michel Anfrol, organisait un dîner-débat

d’un intérêt exceptionnel avec Daniel Cordier, compagnon de la Libération et ancien secrétaire de Jean Moulin.

Le livre que vient de publier Daniel Cordier (Alias Caracalla, éditions Gallimard) et qui est consacré a ses mémoires pour les années 1940-1943 constitue l’un des témoignages les plus bouleversants et les plus authentiques jamais écrits sur la période de la Résistance, le Général de Gaulle et Jean Moulin dont l’auteur fut le plus proche collaborateur d’août 1942 au 21 juin 1943, jusqu’à son arrestation a Caluire et sa tragique disparition.

C’est devant une affluence record et une salle pleine à craquer que Daniel Cordier a répondu avec beaucoup de simplicité et de pertinence aux nombreuses questions d’un auditoire particulièrement attentif.

En premier lieu, Daniel Cordier a tenu à réfuter les insinuations malveillantes et sans le moindre fondement dont Jean Moulin fut victime après sa mort héroïque. On se souvient qu’Henri Frenay, suivi aveuglement par le journaliste Thierry Wolton s obstina contre toute évidence à voir en Jean Moulin un agent soviétique. À l’inverse, Jacques Baynac le soupçonnait fortement, sans la moindre preuve, d’être un agent américain ayant trahi de Gaulle. En réalité, les travaux des historiens, à commencer par ceux de Daniel Cordier, ont fait justice de ces allégations et démontrent sans la moindre contestation possible que Jean Moulin, homme d une droiture et d’une loyauté sans faille, fut bien un patriote exemplaire, profondément attache a son pays pour lequel il fit le sacrifice de sa vie.

Daniel Cordier a mis en évidence le rôle historique capital joue par Jean Moulin dans la coordination et l’unification des différents réseaux de résistance sous l’autorité unique du Général de Gaulle puis dans la création du Conseil national de la Résistance dont de Gaulle devait dire plus tard à Alain Peyrefitte : « Sans  le CNR,  il  n’y  aurait  pas  eu une Résistance mais  des  résistances.  À  la  Libération,  il  n  y  aurait pas eu un peuple rassemblé mais un peuple éclaté. » En assurant dans la clandestinité et au milieu

d’énormes difficultés la jonction entre la France libre, dirigée depuis Londres par de Gaulle et la Résistance intérieure dont les différents mouvements s’étaient crées spontanément sur le territoire national, puis en plaçant cette Résistance intérieure sous l’autorité politique et militaire du Général de Gaulle dont il était le délégué général, spécialement mandaté pour cette mission, Jean Moulin apporta au Général de Gaulle la légitimité qui lui était indispensable pour s’imposer face aux alliés, notamment Churchill et Roosevelt, lequel lui était irrémédiablement hostile au point de rechercher longtemps un accord avec le sinistre régime de Vichy.

Cette légitimité permit à de Gaulle de triompher des tentatives d’élimination politiques qui furent menées contre lui par ces mêmes alliés (affaires Darlan et Giraud) puis, grâce au soutien unanime du CNR, création de Jean Moulin, de présider le gouvernement de la France libérée avec des ministres représentant toutes les forces de la Résistance, communistes inclus.Cette alliance indéfectible de deux hommes exceptionnels, unis pour sauver leur pays de l’occupation nazie et du régime collaborationniste et réactionnaire du maréchal Pétain mérite une place de choix dans la mémoire collective des Français. Daniel Cordier devait rappeler à cet égard l’entente parfaite qui exista d’emblée malgré leurs différences entre le chef de la France Libre, militaire de carrière atypique et visionnaire et le préfet de gauche aux fortes convictions républicaines et antifascistes, devenu le chef de l’armée des ombres.

L’arrestation de Jean Moulin par Klaus Barbie, due manifestement à une trahison non encore élucidée faute d’archives, puis sa mort sous la torture sans qu’il ait parlé ont fait de cet homme un héros national dont les cendres ont été transférées à juste titre par le Général de Gaulle au Panthéon lors d une cérémonie mémorable, marquée par l’admirable discours d’André Malraux.

Remercions Daniel Cordier, témoin de premier plan, historiographe inspiré et véritable disciple de Jean moulin, son ancien patron, d’en perpétuer le souvenir et d’en faire vivre le symbole historique, un symbole dont on peut souhaiter qu’il inspire les jeunes générations, actuellement en manque de repères.

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Je souhaite participer au dîner-débat du 10 décembre

Nom et prénom : ........................................................................................................................ @ : .................................................................................

Adresse :.............................................................................................................................................................................................................................

Nombre de couverts : __________ couverts x 36 € = ________________ €Bulletin à retourner au Club de la France Libre, 59 rue Vergniaud, 75013 Paris - Chèque à l'ordre de F.F.L.

animé par Michel Anfrol et présidé par Jean-Christophe Notin,thème :

Le GénéraL Saint-HiLLier, de Bir Hakeim au putScH d'aLGer

Le CLUB DE LA FRANCE LIBRE et la FONDATION CHARLES-DE-GAULLE vous invitent le jeudi 10 décembre à participer au dîner-débat

Union les personnalités et les cultures nationales perdront encore plus de terrain qu’aujourd’hui, poussées et écartées par les tendances internationalistes et anglo-saxonnes, d’une part, et bousculées par les us et coutumes des populations démographiquement les plus pressantes et présentes, ainsi que par les avancées non endiguées des communautarismes, d’autres parts, sous les yeux impuissants ou le contrôle orienté de Bruxelles. Puisqu’une vaste réflexion va être engagée en France sur l’identité nationale, pour « définir ce qu’est être Français aujourd’hui », il paraît plus que recommandable de placer au cœur de cette réflexion l’avenir de la France (laquelle ?) dans l’Europe (laquelle ?) et dans le monde.

Élargir à tire-larigot conduit à rendre plus ardues, sinon impossibles, ce que les uns appellent « intégration », en pensant à une Europe fédérale, et ce que d’autres dénomment « harmonisation », en pensant que c’est peut-être une étape, proche ou lointaine, préalable à l’instauration de la souveraineté de l’Union sur les États membres, à la constitution d’un État supranational européen. S’agissant des scénarios 41 et 42, il convient de regarder vers l’horizon du XXIIe siècle si le mot harmonisation signifie bien : rapprochement significatif des us et coutumes ainsi que des potentiels économiques nationaux, des niveaux et des conditions de vie des populations. Il s’agit d’aider les plus faibles à s’élever, à se développer et non de niveler en redistribuant et en rognant les ressources des mieux ou des moins mal lotis. Notre expérience française le prouve assez. Il ne s’agit pas, non plus, de favoriser la mainmise et l’exploitation des patrimoines, des ressources et des potentialités des pays les plus « pauvres » par les plus riches et les plus puissants. L’harmonisation aura progressé lorsque l’UE aura réussi à combler les fossés les plus profonds et à juguler un mal trop répandu et partagé, le chômage. Il sera alors plus sensé et efficace de « normaliser », « d’uniformiser » les lois, les fiscalités… puisque c’est ainsi que l’harmonisation est aujourd’hui présentée et pratiquée.

Il est stérile, voire nuisible, d’imposer systématiquement des normes « communes » identiques pour tous dans les domaines économiques et sociaux. Les exemples suivants l’illustrent.

En termes de PIB par habitant, le niveau en France (26 300 €) est 1,5 fois plus élevé qu’au Portugal, 2,1 fois plus qu’en Pologne, 2,9 fois plus qu’en Roumanie et 3 fois plus qu’en Bulgarie (Europa, données 2007 en parité de pouvoir d’achat). Les disparités sont nettement plus criantes (et plus significatives, à mon avis) si l’on regarde les dépenses de protection sociale par habitant. En France, elles sont 2 fois plus élevées qu’au Portugal, 3,6 fois plus qu’en Pologne, 6,3 fois plus qu’en Roumanie et 7,3 fois plus qu’en Bulgarie (Europa, données de 2005 en PPA). La pauvreté accentue fortement les disparités des dépenses de protection sociale, notamment parce qu’elle limite les possibilités de mobiliser des ressources (impôts, cotisations…) en faveur de la protection. Pousser ces pays « défavorisés » à relever leurs fiscalités, pour ne pas faire de concurrence déloyale à nos entreprises et pour augmenter leurs prestations sociales jusqu’au niveau moyen européen, freinera leur croissance et ne réduira pas véritablement les disparités. Est-ce efficace et légitime ? Poser la question, c’est y répondre. C’est aussi souligner que ces tentatives de nivellements technocratiques, conduites avec une certaine « prudence », il faut dire, car les boucliers nationaux se lèvent vite, ne peuvent être les outils majeurs de l’Harmonisation. Des rattrapages économiques et sociaux, à l’est et au sud de l’UE, surtout, doivent la précéder. Et plus on élargira, plus les disparités de toute nature abonderont. Pour changer le cours des choses, qui peut paraître inéluctable aujourd’hui, il serait bon de commencer par mettre en harmonie, en cohérence, les intentions concernant l’étendue de l’Union, le mondialisme et la porosité des frontières, la recherche d’une meilleure harmonisation en son sein, le cheminement éventuel vers une intégration réfléchie. Il serait également judicieux de trouver comment, de quelle(s) façon(s), par quelles actions, le cours actuel peut être réorienté. Ceux qui ont pensé et professé que refuser de prendre ses responsabilités, d’affronter et de surmonter les difficultés, ainsi que se réfugier au sein d’un vaste (et de plus en plus disparate) ensemble « géopolitique », n’était pas une capitulation et « allait dans le sens de l’histoire », pourraient faire œuvre utile en ouvrant les yeux et en participant à la nécessaire reprise en mains de leur destin, de notre destin.

ue : Étendue, mondialisme, harmonisation, intÉgration,...(suite)

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Depuis quelques années, Avenir  de  la  langue française (ALF), appuyée par plusieurs autres associations de défense et de promotion du français

et de la Francophonie et mouvements proches jugeait nécessaire que les Français pussent enfin amplement débattre au niveau national de ces deux questions liées, vitales pour la France, pour les pays qui ont sa langue en partage, et pour le maintien et l’affirmation de la diversité linguistique et culturelle du monde face aux tendances lourdement hégémoniques d’une langue et d’une culture étrangères.

Les colloques et séminaires que nos associations ont pu organiser, ou auxquels elles ont pu s’associer à divers titres et degrés, ces dernières années ont certes tous eu leur utilité. Mais ils ont été très insuffisamment médiatisés. Ils n’ont pu instaurer le grand débat national souhaité.

Or, l’urgence s’en est accrue récemment par la participation d’acteurs publics – notamment de plusieurs ministères – français à ce qui prend l’allure d’une offensive de grande envergure pour la bilinguisation de la France, l’abandon du rôle international – voire, à terme : national – de sa langue, et pour le dépérissement de la Francophonie organisée.

Nos associations relèvent que cette offensive se déploie au mépris des actions méritoires du secrétaire d’État chargé de la Coopération et de la Francophonie, et - plus encore - contre les orientations apparemment très favorables données par le Président de la République dans ses discours du 9 mars 2007 à Caen lors de sa campagne électorale, puis le 20 mars lors de la journée mondiale 2008 de la Francophonie à la Cité universitaire internationale, en présence du président Abdou Diouf, secrétaire sénéral de l’OIF.

Nos associations insistent donc avec force pour que l’État tranche à son niveau et organise les états généraux demandés, qui devraient permettre de mieux assurer les orientations de la France et, partant, les chances de succès de l’OIF, de la Communauté francophone, et de l’affirmation de la diversité culturelle et linguistique du monde pour laquelle la France et ses amis avaient œuvré avec un grand succès en vue de la convention UNESCO pertinente, votée à la quasi unanimité en octobre 2005, et entrée en vigueur en mars 2007 après avoir été très largement ratifiée, malgré les manœuvres hostiles des États-Unis d’Amérique du Nord.

L’AFAL, « Association francophone d’amitié et de liaison », présidée par M. Jacques Godfrain, ancien ministre et ancien député, qui regroupe cent trente associations françaises, franco-étrangères et étrangères qui

toutes s’affirment aussi au service de la langue française et de la coopération entre pays ayant le français en partage, s’est alors saisie de cette importante question. Lors de son assemblée générale tenue le 11juin 2009 au palais Bourbon, elle a décidé à l’unanimité d’adresser au Gouvernement français la demande pressante suivante :

« L’AFAL constate une désaffection croissante des pouvoirs publics français, notamment de plusieurs ministères, à l’égard de l’emploi public de la langue française au bénéfice quasi exclusif de la langue anglo-américaine. L’accélération de ce processus d’aliénation la conduit à juger urgente l’instauration d’un débat national de grande ampleur sur ce sujet vital pour la France. L’assemblée générale demande donc au Gouvernement français de bien vouloir organiser* au plus haut niveau de véritables états-généraux de la langue française et de la Francophonie. »

PS  -  Je  crois  qu’il  est temps de retourner manifester tous ensemble au château de Villers-Cotterêts, haut  lieu  de  la langue  française  par  l’édiction  de  l’ordonnance  d’août  1539 par François 1er.Oui : retourner.Car, déjà, il y a huit ans, Denis Griesmar en avait eu l’idée. Et, à l’appel de notre FFI (Forum francophone international) et d’ « Avenir de la langue française », le 7 octobre 2001, cinquante-deux  de  nos  associations  françaises,  belges,  québécoises  et autres, s’étaient rassemblées dans la cour du vaste château des grandes chasses dans la forêt de Retz, devant le beau balcon en fer forgé de la salle des États où flottaient des drapeaux, pour lancer un appel aux chefs d’État et de gouvernement en faveur du  respect de  la  langue  française, de  la diversité  culturelle  et linguistique du monde, et un appel à la solidarité organisée des sociétés civiles francophones des divers continents. Car,  le  9  octobre  2005,  des  centaines  de  personnes  s’étaient retrouvées exactement au même endroit, à la fin de leur grande marche  de  nos  associations  pour manifester  leur  soutien  à  la convention UNESCO sur la diversité cultuelle du monde, qui fut heureusement votée quelques semaines plus tard à une écrasante majorité, deux seul Pays ayant voté contre, dont les États-Unis d’Amérique du Nord.Nous  proposons  donc  d’y  retourner  bientôt,  après  une  solide préparation  collective,  pour  y  marquer  avec  force  notre exigence de ces états généraux de la langue française et de la Francophonie.Merci à tous de donner leurs réactions à ce message.  

*Il a été entendu le 11 juin, dans la présentation et la discussion en séance, que les organisateurs de ces états généraux devraient naturellement faire appel au concours de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), des parlementaires demandeurs d’un tel débat, et des associations membres les plus directement concernées.

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VERS DES ÉTATS GÉNÉRAUX DE LA LANGUE FRANÇAISE ET DE LA FRANCOPHONIE ?L’AFAL en demande l’organisation au Gouvernement français

par Albert Salon, président d’ALF (« Avenir de la langue française »), docteur d’État ès lettres, ancien ambassadeur.

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AIDE AGRICOLE À L’AFRIQUE : FAUX-NEZ ET VRAI BUSINESS

par Hélène Nouaille en collaboration Jean-Paul Vignal,La Lettre de Léosthène ([email protected])

menée par des Africains, l’Alliance pour une révolution verte en Afrique  (AGRA) est un partenariat dynamique œuvrant à travers le 

continent pour aider des millions de petits exploitants et  leurs  familles  à  s’affranchir  de  la pauvreté  et  de la faim. Les programmes de l’Alliance proposent des solutions pratiques pour augmenter la productivité et les revenus des petites exploitations tout en protégeant l’environnement et  la biodiversité. Pour réaliser cet objectif,  les  partenariats  de  l’Alliance  s’intéressent aux  aspects  importants  de  l’agriculture  africaine  : les semences, la fertilité des sols, l’eau, ainsi qu’aux marchés, à l’enseignement et à la politique agricoles (1) » Tiens, se dit-on, qui se tient derrière cette initiative, à priori intéressante et dont l’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, est président depuis juin 2007 ? Comment est-elle coordonnée aux travaux menés au niveau mondial sous la houlette de l’ONU ? De ce côté en effet, les rapports d’experts « ne représentant pas des intérêts d’actionnaires » sur les problèmes alimentaires dans le monde (2) s’accordent à souligner l’importance de techniques agricoles adaptées au terrain, au climat et à la formation des hommes qui la pratiquent sur la durée, tout en privilégiant, comme il est naturel, l’importance de la recherche pour améliorer dans ce cadre le rendement agricole, ce qui se comprend très bien. Traduit en langue technocratique, cela se dit : « Le  concept d’une  évaluation  internationale  des  connaissances, des  sciences  et  des  technologies  agricoles pour le développement (IAASTD) est approuvé comme une démarche intergouvernementale multi thématique, multi spatiale, multi temporelle (coordonnée par) un Bureau composé d’intervenants multiples, démarche co-sponsorisée  par  la  FAO,  le  Global  Environment Facility (GEF, Fonds pour l’environnement mondial), les programmes de Développement des Nations-Unies (UNDP), de l’Environnement (UNEP), l’UNESCO, la Banque mondiale et l’OMS ». Le rapport de l’IAASTD d’avril 2008 avance un certain nombre de constats et de préconisations, vingt-

deux au total, qu’on peut trouver dans un Résumé général à l’intention des décideurs (2), pages 6 à 10. Ils couvrent à peu près tous les domaines qu’implique le développement d’une agriculture susceptible de répondre aux besoins d’une population qui croît sans mettre en danger à terme les terres qui la reçoivent et les hommes qui la pratiquent. À propos de productivité, nous lisons, au point 3 : « L’accent mis sur l’augmentation des rendements et de la productivité a, dans certains cas, eu des conséquences négatives sur la durabilité de l’environnement ». C’est-à-dire ? Entre autres choses que les plants proposés pour un meilleur rendement (hybrides) sont nécessairement associés à un certain nombre de produits apportés à la terre (intrants), tels que « éléments nutritifs (engrais azotés,  phosphatés,  potassiques  et  éventuellement oligoéléments) nécessaires à la croissance maximale de  la  plante,  produits  phytosanitaires  (fongicides, insecticides) » (Wikipedia). Ou encore que « il n’est pas intéressant de ressemer les  graines  récoltées.  En  effet,  les  plantes  qui  en résulteraient  seraient  différentes  de  la  variété homogène  F1,  car  il  se  produit  à  la  deuxième génération  une  disjonction  des  caractères  (en  vertu de la troisième loi de Mendel). Il est donc nécessaire de  racheter  des  semences  chaque  année  car  la production de semences F1 n’est pas à  la portée de l’agriculteur  moyen » (même source, contrôlée). Comprenons bien, ce type de semences est adapté à des agricultures « high tech », pratiquées par exemple en France ? Oui, nous répond un expert consulté, « On en utilise beaucoup : toutes les semences dites hybrides,  telles  que  le  maïs,  doivent  être  rachetées tous les ans. De plus, même quand les semences sont réutilisables, comme c’est le cas pour la plupart des céréales à paille, la majorité des agriculteurs achètent de nouvelles semences tous les ans comme le montre ce tableau des ventes » (3). Allons donc regarder de plus près les programmes de l’Alliance (AGRA) qui distribue généreusement des subsides aux centres de recherche agricole de l’Afrique. Et d’où viennent les fonds ? La consultation attentive du conseil d’administration (4) nous éclaire.

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aide agriCole À l’aFriQue : FauX-neZ et Vrai Business… (suite)

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Une partie des dirigeants travaille ou a travaillé pour la fondation de Bill Gates (The Bill & Melinda Gates Foundation) (5) ou pour la Rockefeller Foundation (6). Et le programme, tel qu’exposé par le vice-président d’AGRA, Akin Adesina, dans Africa.com (7) le 27 octobre dernier, est très clair : « Notre politique est d’encourager les gouvernements à mettre en  place  de  meilleures  politiques  pour  encourager des  sociétés privées productrices de  semences à  les produire  et  à  les  commercialiser  auprès  des  petits fermiers ». Quelles sociétés privées ? L’histoire ne le dit pas, et c’est notre confrère le Temps qui précise qui « s’intéresse au marché mondial de cent quatre-vingt millions de petits paysans africains » (8). On trouve « tous les grands noms de l’agrobusiness tels  que  Syngenta,  DuPont  Pioneer  Hi-Bred  ou Monsanto,  dont  plusieurs  anciens  collaborateurs figurent  au  sein  du  conseil  d’administration  de l’AGRA. C’est dire si à  terme », continue Catherine Morand, « l’introduction de semences transgéniques brevetées  va  fatalement  figurer  à  l’agenda  de  cette nouvelle Révolution verte ». Joli nom pour désigner une politique de transformation de l’agriculture des pays en développement dont les prémices datent de 1943 au Mexique, déjà avec l’appui de la Fondation Rockefeller et dont les résultats sont controversés. « Appliquer au contexte africain  les mêmes recettes qu’en  Asie  il  y  a  quelques  décennies  en  faisant l’impasse sur  le coût environnemental et  social  très lourd  qu’elles  ont  engendré  –  nappes  phréatiques contaminées,  perte  de  fertilité  des  sols,  disparition de  nombreuses  variétés  et  millions  de  paysans chassés de leurs terres – apparaît comme totalement irresponsable sur un continent où plus de 70 % de la population vit de l’agriculture » (8). Le rapport de l’IAASTD recommande tout autre chose : que « le renforcement des partenariats en matière de recherche et de vulgarisation, la gouvernance locale axée  sur  le  développement  et  des  institutions  telles que  les  coopératives,  les  organisations  paysannes et  les  associations  professionnelles,  les  institutions scientifiques  et  les  syndicats,  aident  les  petits producteurs  et  entrepreneurs  à  saisir  et  améliorer les opportunités existant au niveau des exploitations agricoles, après  les  récoltes, et dans  les entreprises rurales non agricoles ». En clair, il s’agit de mettre ce que la recherche scientifique peut apporter au service et à la portée des paysans sur la durée, sachant que « dans certains cas, ce sont  les petites exploitations 

agricoles  qui  économisent  l’eau,  les  nutriments  et l’énergie  et  préservent  les  ressources  naturelles  et la  biodiversité  sans  sacrifier  les  rendements  (...)  » (2). Et ceci sans négliger les savoirs traditionnels, ni privilégier « des  considérations  à  court  plutôt  qu’à long terme ». De leurs travaux, les experts de l’IAASTD concluent que, dans les conditions qu’ils décrivent, la terre est capable de nourrir à terme la population à venir – toujours dans la durée. La « révolution verte », elle, est née sous les auspices d’une pensée néo malthusienne défendue aussi bien par la fondation Rockefeller que par des agronomes prestigieux, tel le prix Nobel de la paix 1970 Norman Borlaug (« Si  la  population continue  à  augmenter  à  ce  rythme,  nous  allons détruire l’espèce »), cité par le New York Times (9) qui s’interroge, lors de son décès en septembre dernier, sur les limites des méthodes qu’il a initiées. Et si nous en croyons le site en ligne du Times britannique, cette « pensée » a le vent en poupe du côté de Bill Gates, co-fondateur de Microsoft faut-il le rappeler, aujourd’hui. En mai dernier, rapporte le Times  on  line (10), un certain nombre de richissimes philanthropes se sont discrètement réunis à Manhattan, à l’initiative de Bill Gates, « au domicile de sir Paul Nurse, un prix Nobel britannique  biochimiste et  président  de  l’université privée Rockefeller ». Parmi eux, « David Rockfeller Jr, le patriarche de la plus riche dynastie américaine, les financiers Warren Buffet et George Soros, Michael Bloomberg, le maire de New York et les magnats de la  presse  Ted  Turner  et Oprah Winfrey ». L’un des participants, sous couvert d’anonymat, a confirmé qu’un « consensus s’était trouvé : ils appuieraient une stratégie par laquelle la croissance de la population serait  combattue  parce  qu’elle  représentait  une menace  potentielle  désastreuse  en  matière  sociale, industrielle et d’environnement ». Si la réunion avait été tenue secrète, c’est parce qu’ils « avaient besoin d’être  indépendants  des  agences  gouvernementales, qui sont incapables de faire face au désastre que nous voyons arriver ». L’Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA) travaille donc dans une perspective différente de celle de l’Organisation des Nations Unies et, nous dit le Temps, suscite la défiance en Afrique même : « En 2007, la nomination de l’ex-secrétaire général des  Nations  unies  Kofi  Annan  à  la  présidence  de 

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l’AGRA  a  représenté  un  grand  «coup»  pour  ses promoteurs. Mais  a  toutefois  déçu  voire  révolté  les représentants  des  organisations  paysannes.  ‘’La stratégie de l’Alliance est de faire croire qu’il s’agit d’une  initiative  émanant  des  Africains  eux-même‘’, déplore Mamadou Goïta, membre de la COPAGEN, la Coalition pour la protection du patrimoine génétique africain.  Cette  coalition  dénonce  régulièrement la  mainmise  d’AGRA  sur  les  centres  de  recherche agricoles  sur  le  continent,  les  salaires  mirobolants proposés  aux  chercheurs  africains,  régulièrement invités par les compagnies agro-génétiques aux États-Unis.  ‘’Les  gens  d’AGRA  essaient  en  permanence de  nous  piéger,  en  tentant  de  passer  par  des  ONG américaines sur le terrain pour conclure des accords avec des associations paysannes, dénonce Bernadette Ouattara, responsable d’Inades au Burkina Faso’’ ». Dans moins de quelques semaines, du 16 au 18 novembre 2009, les chefs d’État et de gouvernements, responsables politiques qui ont légitimement en charge la sécurité alimentaire de la planète et ne travaillent pas dans une perspective malthusienne, vont à nouveau se réunir au siège de la FAO, Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture, à Rome, pour un sommet mondial sur la sécurité alimentaire. Les échos des préparatifs de cette réunion sont plutôt positifs : à la lumière de l’expérience de la Révolution verte passée et de ses limites (11) et parce qu’il faut prévenir les émeutes de la faim, les travaux et avertissements des experts mandatés par l’ONU commencent à être entendus, pris en compte – y compris l’idée que les terres arables doivent être protégées des appétits privés, que le développement d’une agriculture vivrière raisonnée et maîtrisée par les populations locales (techniques, matériel agricoles et semences comprises) participe à cette sécurité alimentaire. Effet positif de la crise ? Peut-être. Acceptons-en l’augure, pour l’Afrique et le reste du monde. Un milliard d’hommes ne mangent pas à leur faim quand la terre peut les nourrir. Laisser les rênes aux intérêts privés n’a pas été une si grande réussite en matière financière, faut-il laisser aux intérêts privés, au vrai business, fussent-ils déguisés en organisations charitables, la même latitude ? 1 Jean-Paul  Vignal,  est  partenaire  de  JP2 Consultants,  une  société de  conseil  implantée  dans  la  région  de  Dallas,  au  Texas,  États-Unis.  Il  s’est  spécialisé  depuis  plus  de  trente  ans  dans  la  prévision technologique  et  l’évaluation  des  technologies  de  valorisation thérapeutique,  alimentaire,  industrielle  et  énergétique  de  la  biomasse.

En accès libre :Valeurs libérales et développement durable, le 23 avril 2007, Jean-Paul Vignal,

http://www.leosthene.com/spip.php?article615&var_recherche=Vignal. Cartes :Indice de développement humain, 2005 (Philippe Rekacewicz avril 2008), http://www.monde-diplomatique.fr/cartes/idh2005.Une planète qui perd ses sols (Philippe Rekacewicz janvier 1992),http://www.monde-diplomatique.fr/cartes/mondesol. Notes :(1) AGRA, Alliance for a green revolution in Africa, présentation en français, http://www.agra-alliance.org/section/fr. (2) IAASTD / Évaluation internationale des connaissances, des sciences et des technologies agricoles pour le développement (IAASTD) Résumé analytique du rapport de synthèse d’avril 2008 (en français) : http://www.agassessment.org/docs/SR_Exec_Sum_280508_French.htm.Résumé général à l’attention des décideurs (en français) : http://www.agassessment.org/docs/Global_SDM_050508_French.pdf. (3) GNIS (Groupement national interprofessionnel des semences et plants), Les ventes de semences et plants en France - Campagne 2007/08, http://www.gnis.fr/index/action/page/id/57/title/Les-ventes-de-semences-et-plants-en-France---Campagne-2007-08. (4) AGRA, Board and Staff,http://www.agra-alliance.org/section/about/board_staff. (5) The Bill & Melinda Gates Foundation,http://www.gatesfoundation.org/Pages/home.aspx. (6) The Rockefeller Foundation, http://www.rockfound.org/. (7) Africa.com, le 27 octobre 2009, Akin Adesina, vice-président d’AGRA, Green Revolution Requires Supporting Farmers, Says Agriculture Exper,t  http://allafrica.com/stories/200910270001.html. (8) Le Temps, le 28 octobre 2009, Catherine Morand, Les fondations philanthropiques américaines à l’assaut de l’Afrique agricole, http://www.letemps.ch/Facet/print/Uuid/540bc28a-c341-11de-ba11-1698733cfcc4/Les_fondations_philanthropiques_am%C3%A9ricaines_%C3%A0_lassaut_de_lAfrique_agricole. (9) The New York Times, le 13 septembre 2009, Justin Gillis, Norman Borlaug, Plant Scientist Who Fought Famine, Dies at 95, http://www.nytimes.com/2009/09/14/business/energy-environment/14borlaug.html?_r=2&hp. (10) The Times on line, le 24 mai 2009, John Harlow, Billionaire club in bid to curb overpopulation,http://www.timesonline.co.uk/tol/news/world/us_and_americas/article6350303.ece. (11) Révolution verte (1944-1970), historique et limites sur Wikipedia (français) : http://fr.wikipedia.org/wiki/Révolution_verte.

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CeTTe question est de nature à provoquer des sourires de compassion comme on en adresse à quelqu’un qui vient de dire une grosse bêtise ou

des sarcasmes plus ou moins virulents. L’ironie viendra, pour l’essentiel de la gauche officielle qui tiendra ce débat pour absurde tant elle tient le Général pour un homme de droite, honorable sans doute mais au fond conservateur. Les sarcasmes les plus aigus viendront de ceux qui se disent aujourd’hui gaullistes et surtout de ceux qui pensent vraiment l’être et qui assènent à chaque occasion que le Général était « au-dessus des partis ». Les Gaullistes professent aujourd’hui que la droite et la gauche sont des notions dépassées et que les évoquer est bien la preuve que l’on n’a rien compris au gaullisme.

Pourtant, la question se pose vraiment, il suffit pour s’en convaincre d’examiner les faits.

∴LES FAITS. LE BILAN

De Gaulle est d’abord l’homme du 18 Juin et le fondateur de la France Libre. La résistance française n’est ni de droite ni de gauche, ou plutôt elle est le fait des meilleurs de la droite et des meilleurs de la gauche. Il est donc exclu d’intégrer la France Libre dans notre réflexion. Pourtant, dès la Libération, plusieurs décisions de De Gaulle devenu chef de l’État méritent attention :- le discours de Brazzaville ( 1944) qui annonce la décolonisation ;- les ordonnances de 1945 qui organisent la Sécurité Sociale ;- les nationalisations de 1945 par application du programme du CNR ;- le rétablissement des libertés syndicales ;- la création des comités d’entreprise.

Après son retour au pouvoir en 1958 et jusqu’en 1969, De Gaulle prendra des orientations qui apparaissent indiscutablement inspirée par des idées de gauche :- les accords d’Évian ;- la promesse tenue de la décolonisation ;- l’ardente obligation de la planification ;- l’opposition à la guerre au Viet-Nam ;- la reconnaissance de la Chine ;- le retrait de la France du commandement intégré de l’Otan ;- l’extension des pouvoirs des comités d’entreprise (1966) ;

- l’autorisation de la pilule anticonceptionnelle (1967).Au regard de ces positions et des ces décisions, il serait très difficile à quiconque d’établir une liste d’actes politiques inspirés par des idées de droite et qui aient une importance équivalente. À titre complémentaire nous rappellerons l’attachement du Général de Gaulle aux services publics en dépit d’une idéologie libérale déjà puissante à l’époque aux États-Unis et en Europe, son refus des hégémonies tant soviétiques qu’américaines, son respect de la volonté des peuples nouvellement décolonisés.

∴LE MALENTENDU

Pourquoi, alors que l’essentiel de sa politique s’avère avoir été une politique de gauche, De Gaulle est-il aujourd’hui très largement tenu pour un homme de droite, notamment par les gaullistes eux-mêmes ? Trois éléments peuvent expliquer ce malentendu.

De Gaulle lui-même ne s’est jamais affirmé de gauche. Qu’il ait eu tort selon nous de ne pas le faire ne changera rien à ce qui est un fait. De Gaulle, avant d’être un politique, était militaire. Les militaires s’interdisent et s’interdisaient plus encore à l’époque de formuler une préférence politique quelconque en termes de parti ou d’orientation. Tout laisse à penser de surcroît que de Gaulle, un homme de génie mais pas un Dieu infaillible comme trop de gaullistes le pensent, a voulu trop longtemps s’appuyer sur le souvenir de la France Libre et sa force d’attraction donc sur une sorte d’apolitisme. La force de l’idée ne pouvait aller qu’en diminuant du point de vue politique au fur et à mesure qu’elle s’affirmait historique. En 1945 de Gaulle pouvait et devait faire l’économie d’un choix quant à son orientation, en 1958 encore, il 1965, il aurait dû faire ce choix et le révéler.

C’est aussi parce qu’il avait trop compté sur la force politique du souvenir le la France Libre que de Gaulle a imprudemment laissé le parti gaulliste l’enfermer progressivement. Si de Gaulle est un homme de gauche, le parti gaulliste, lui, que ce soit le RPF ou l’UNR est sans discussion possible dominé par la droite. Au fur et à mesure que l’image de Charles de Gaulle s’éloignera, le parti se réclamant du gaullisme, UDR, RPR, UMP s’orientera d’ailleurs de plus en plus à droite, jusqu’à flirter avec l’extrême droite sous prétexte de l’absorber.

DE GAULLE ÉTAIT-IL UN HOMME DE GAUCHE ?

par Gilles Bachelier, Étienne Tarride et Paul Violet - CNGG

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de gaulle Était-il un homme de gauChe ?… (suite)

Il est évident que les positions très à droite du parti gaulliste rendaient plus difficile toute entente entre de Gaulle et la gauche et favorisaient les vues de ceux qui, à gauche, exploitaient la position antigaulliste.La gauche, en effet, a sa part de responsabilité dans ce malentendu. Nombre d’hommes politiques à gauche, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, peu importe, s’opposaient sans nuances à de Gaulle. Ils lui reprochaient notamment les conditions de son retour au pouvoir en 1958, lui imputant un coup d’État, en oubliant au passage que le secrétaire général de la SFIO, Guy Mollet, ainsi que nombre de notables de la IVe République avaient fait partie du gouvernement du Général après ce prétendu coup d’État. Nombre d’hommes de gauche invoquaient à propos de De Gaulle le second Empire, repoussoir désormais habituel de la gauche française. Ils rejoignaient ainsi le PC, qui, pour des raisons symétriques combattait de Gaulle comme le combattait le parti américain à droite.

Du fait de cet ensemble de données, et au-delà de querelles juridiques relatives aux institutions et qui auraient pu trouver une solution sans trop de difficultés, nous avons été privés de ce qui était le rêve de beaucoup de français, l’entente et l’action commune dans l’intérêt de la France de Charles de Gaulle et de Pierre Mendès-France. On peut, encore aujourd’hui, penser qu’une telle coopération aurait pu changer heureusement bien des choses tant au regard de la situation économique et sociale de la France qu’au regard de la position de notre pays dans le monde et de la question toujours pendante aujourd’hui de l’organisation de l’Europe. Il est regrettable que l’entente mythique entre de Gaulle et Jean Moulin pendant la résistance n’ait pu être pris pour exemple.

∴LE RETOURNEMENT

L’aggravation de l’hostilité entre la gauche et le gaullisme résulte des évènements de Mai 1968, mais pour les raisons contraires à celles qui sont habituellement développées.

La date essentielle de Mai 1968 est le 30 mai et la grande manifestation des Champs Élysées. Ce jour là, le parti gaulliste prend définitivement l’avantage sur de Gaulle. Toute possibilité de gouvernement à gauche est désormais impossible pour le Général. C’est bien la raison pour laquelle de Gaulle organise un an plus tard un référendum qu’il sait très probablement perdu. Le sujet essentiel de ce referendum est l’entrée des forces économiques et notamment des syndicats au Sénat.

C’est un projet très avancé et très à gauche. Pour que le oui l’emporte il faudrait que la gauche se rallie. Elle ne le fera pas. L’essentiel reste que de Gaulle n’entend pas gouverner la France avec une majorité à l’image de la manifestation du 30 mai 1968. Il est évidemment conscient que les événements du mois de mai, et notamment le relai des étudiants pris par les ouvriers est le signe d’un échec grave, il est surtout persuadé qu’il ne pourra jamais remédier aux causes de Mai 68 avec une majorité réactionnaire et vindicative telle que le 30 mai l’a préparée. Disons, en sautant quelques idées intermédiaires, que Charles de Gaulle n’entend pas être Nicolas Sarkozy. Certes, il n’entend pas être non plus Georges Pompidou ou Jacques Chirac. Ces deux derniers, quels que soient les reproches qu’on puisse leur faire par ailleurs avaient des caractères modérés qui leur ont permis des résister tant bien que mal aux pressions de leur propre électorat en politique extérieure et en matière sociale. Avec Nicolas Sarkozy nous nous trouvons en face d’une rencontre entre une situation et un tempérament allant dans le même sens.Ce sont d’ailleurs les gens qui reprochaient à Chirac une politique trop à gauche qui ont assuré sa candidature puis son élection. C’est bien lui, d’ailleurs, qui a durant la campagne de 2007 remis Mai 1968 au goût du jour. Les revendications du 30 mai 1968 sont enfin satisfaites, quarante ans après.

∴LES CONCLUSIONS À TIRER

Soutenir la gauche n’est pas trahir de Gaulle mais suivre son enseignement. C’est à gauche, le bilan de De Gaulle le prouve que se trouvent les ardeurs qui se manifesteront après qu’il ait disparu. C’est à gauche que se trouvent les chances de survie de cette patrie si originale qu’est la France dans sa tradition républicaine, humaniste et émancipatrice . Depuis deux ans et demi, nous voyons ce dont la droite est capable. Qu’on ne nous oppose pas la crise, elle n’est pour rien dans le renvoi de réfugiés vers un pays en guerre, le bouclier fiscal au profit des plus riches, le retour au sein du commandement intégré de l’OTAN, l’acharnement à vouloir reconstruire l’économie française autour de capitaux flottants multinationaux.

Soutenir la gauche c’est se souvenir de ce que de Gaulle a fait et voulu faire. Son ennemi principal, il l’a toujours dit a été l’argent. Aujourd’hui, l’argent est au pouvoir.

NDLR – nous attendons vos réactions : [email protected] ou télécopie 01.43.53.09.66.