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LIBERTES ET DROITS FONDAMENTAUX INTRODUCTION Un des premiers ouvrage qui se réfère à cette matière est le manuel intitulé « libertés publiques » du professeur Jean Rivero en 1973. Elle a été introduite en 1954 dans les universités de droit. Cette matière a évolué à une période où la notion de droits fondamentaux a commencé à avoir une existence juridique en France. On peut y voir le résultat d’un contexte politique particulier. Ex : la protection de la vie privé, article9 du code civil ou encore la décision du conseil constitutionnel du 16juillet 1971 « liberté d’association ». Le vocabulaire utilisé a constamment évolué. Initialement, on appelait cette matière « libertés publiques » puis on l’a appelé « libertés fondamentales » pour finir aujourd’hui à la notion de « libertés et droits fondamentaux ». Il convient également d’en relativiser la portée. Cette évolution a suscité un certain nombre de débats. L’explication de cette évolution thématique est très subtile. Le terme de liberté sous-entend simplement que son bénéficiaire joue un rôle actif. En ce sens qu’il lui est confié le pouvoir de choisir alors que la notion de droit confère à son titulaire une sorte de créance sur la société. Le rôle du bénéficiaire d’un droit est plus passif, les actions relevant plutôt des gouvernants qui doivent garantir les droits conférés. Il est important de noter que la matière a suivi dans le temps un fil conducteur étroitement lié à l’évolution des droits de l’homme qui résultent d’un travail intellectuel et militant d’un certain nombre de penseurs. L’étude de cette notion, de même que la compréhension de son évolution passent nécessairement par une approche historique, plus que par une étude approfondie des notions et des différences qui peuvent naitre entre les droits et les libertés. Une approche historique complète devrait nous conduire à l’Antiquité où la notion de liberté était considérée comme étant la 1

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LIBERTES ET DROITS FONDAMENTAUX

INTRODUCTION

Un des premiers ouvrage qui se réfère à cette matière est le manuel intitulé « libertés publiques » du professeur Jean Rivero en 1973. Elle a été introduite en 1954 dans les universités de droit.

Cette matière a évolué à une période où la notion de droits fondamentaux a commencé à avoir une existence juridique en France. On peut y voir le résultat d’un contexte politique particulier.Ex : la protection de la vie privé, article9 du code civil ou encore la décision du conseil constitutionnel du 16juillet 1971 « liberté d’association ».

Le vocabulaire utilisé a constamment évolué. Initialement, on appelait cette matière « libertés publiques » puis on l’a appelé « libertés fondamentales » pour finir aujourd’hui à la notion de « libertés et droits fondamentaux ». Il convient également d’en relativiser la portée. Cette évolution a suscité un certain nombre de débats. L’explication de cette évolution thématique est très subtile.

Le terme de liberté sous-entend simplement que son bénéficiaire joue un rôle actif. En ce sens qu’il lui est confié le pouvoir de choisir alors que la notion de droit confère à son titulaire une sorte de créance sur la société. Le rôle du bénéficiaire d’un droit est plus passif, les actions relevant plutôt des gouvernants qui doivent garantir les droits conférés.

Il est important de noter que la matière a suivi dans le temps un fil conducteur étroitement lié à l’évolution des droits de l’homme qui résultent d’un travail intellectuel et militant d’un certain nombre de penseurs. L’étude de cette notion, de même que la compréhension de son évolution passent nécessairement par une approche historique, plus que par une étude approfondie des notions et des différences qui peuvent naitre entre les droits et les libertés. Une approche historique complète devrait nous conduire à l’Antiquité où la notion de liberté était considérée comme étant la base de la constitution de toutes cités. Elle est en d’ailleurs le principal fondement.

L’ambition de notre démarche doit être exclusivement juridique. Pour autant, le contexte historique est extrêmement important dans l’étude et la compréhension de la matière. On se contentera de mobiliser notre attention sur un courant bien précis, le courant libéral. On peut considérer que les penseurs et les auteurs ont permis de dessiner les contours de la notion moderne de « libertés et droits fondamentaux ».

Pour autant, l’étude des droits de l’homme part d’un simple postulat qui est tout simplement la reconnaissance préalable pour chaque individu d’un certain nombre de capacités à agir ou à ne pas agir indépendamment et au-dessus de toute institution politique ou privée. Partant de ce postulat, il n’est pas difficile de cibler le contexte de base qui va nourrir notre réflexion. L’étude des droits et libertés fondamentales n’aurait aucun intérêt sans l’étude de l’homme dans la société.

La concrétisation des notions de droits et libertés fondamentales suppose que l’homme soit individualisé càd identifié dans un cadre institutionnel dans lequel le pouvoir civil politique est limité. Cela sous-entend la reconnaissance d’un principe essentiel, celui de la séparation des pouvoirs. Celui-ci permettra à un individu de jouir d’un certain nombre de droits et de libertés reconnus par la

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société d’une part, par le droit d’autre part comme fondamentaux. Cette étude est indissociable de celle de l’individu. L’individu est le bénéficiaire de ces droits, il en est l’acteur.

Cette évidence peut parfois se heurter à la violence des faits, de l’histoire et subir quelques atteintes. Il suffit de se référer à la place de certains individus sous la période nazie ou encore de la condition de certaines minorités au sein de certaines de nos sociétés contemporaines. Ainsi, le caractère abstrait et théorique que peut évoquer l’étude de cette matière ne doit pas relayer au second plan cette dimension pratique et éminemment actuelle.

La plupart des manuels traitant le sujet sont l’œuvre d’auteurs qualifiés d’administrativistes. Ce constat est important car dans un premier temps, il nous permet de déduire que l’étude des libertés et droits fondamentaux va s’inspirer essentiellement des principes et des concepts du droit administratif. Pour autant, c’est difficile à admettre car il ne faut pas perdre de vue que la matière se situe au carrefour de plusieurs branches du droit.Ex : le droit de propriété est présent en droit civil et la liberté individuelle est présente en droit pénal.

Ce paradoxe constitue l’une des caractéristiques les plus importantes de cette matière. D’autre part, cela donne à la matière une transversalité qui va fonder l’originalité et l’autonomie de la matière. Cette récente autonomie est le résultat de l’affirmation et de la protection d’un certain nombre de droits et libertés, non pas seulement sur la scène nationale mais aussi et surtout sur la scène internationale. Cet aspect est d’autant plus important qu’il nous permet de mettre l’accent sur la portée universelle de cette matière qui a contribué à sa véritable institutionnalisation.

Il en résulte que le point de départ de la notion de libertés et droits fondamentaux, de son émancipation coïncide avec l’émerge des droits de l’homme. Cependant, ces droits de l’homme ne furent dans un premier temps qu’une construction philosophique et idéologique d’une notion pour laquelle seule une reconnaissance par des textes fondamentaux lui a conféré une dimension juridique ainsi qu’une protection satisfaisante.

Le seul constat de l’affirmation et de la reconnaissance des droits de l’homme est-il suffisant pour comprendre la notion de libertés et droits fondamentaux ?

Cette problématique trouve sa justification d’une part dans la critique et dans le constat de l’insuffisance même du concept des droits de l’homme mais d’autre part dans l’étude de son évolution et de sa progression.

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CHAPITRE 1De la notion de droit de l’homme …

La notion de libertés et droits fondamentaux émerge dans l’espace sociaux-culturel européen et méditerranéen. En effet, la reconnaissance de l’individu comme sujet de droit et de liberté s’est construite à partir de la notion de citoyen dont le point de départ remonte à la Grèce Antique et à la participation du citoyen à la vie de la cité. Par ailleurs, l’apport du christianisme a permis de sacraliser l’individu en sa qualité d’œuvre divine et de manière plus subtile, de limiter le pouvoir politique sur les individus. Il suffit d’observer la célèbre phrase de l’évangile selon St Mathieu pour comprendre cette idée : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ! ».

La seule mention de ces phénomènes n’a pour but d’ouvrir notre esprit et de nous rappeler combien il est important de déterminer l’origine historique, idéologie ou philosophique de la notion que nous allons étudier. Cette notion s’inspire essentiellement et plus directement d’une réflexion philosophique libérale. Toutefois, la simple reconnaissance, la simple étude de la notion de droits et libertés fondamentales à travers les philosophes des Lumières, ainsi que de manière plus générale de la doctrine libérale, ne suffira pas à comprendre l’émergence et la force de la notion puisque celle-ci ne pourra atteindre son paroxysme qu’à travers une reconnaissance juridique.

Section : Origine de la notion

Il ne faut ni négliger l’influence des cités antiques ni celui du christianisme. Cependant, l’apport le plus significatif, auquel nous porterons une attention particulière reste celui des libéraux. Ainsi, il ne peut être fait référence aux libertés et droits fondamentaux sans que ne soit nommé un certain nombre d’auteur dont l’apport philosophique n’ait été décisif. Par ailleurs, certains phénomènes conjoncturels accentués par des mutations idéologiques voire géopolitiques permettront de constater l’évolution de la notion à travers divers vagues successives.

Para1 : L’apport fondamental des philosophes

L’évocation du courant libéral passe inévitablement par l’étude des philosophes des Lumières dont l’apport fut fondamental. Pour rappel, il s’agit d’un mouvement philosophique qui domina le monde des idées en Europe au XVIIIème siècle. L’utilisation du terme « lumière » s’explique notamment par la volonté de ces philosophes de combattre les ténèbres de l’ignorance en diffusant le savoir constitué comme une véritable lumière. Le symbole le plus important de ce mouvement fut « l’encyclopédie » de Diderot et D’Alembert. L’intensité de ce mouvement a été particulièrement significative en France mais aussi en Allemagne et en Angleterre.

L’émergence des idées présentées dans l’encyclopédie et défendues par ces philosophes, s’est construite dans un contexte technique, économique et social particulièrement favorable à l’émancipation de la société. Ce contexte s’est illustré par l’ascension de la bourgeoisie, le progrès technique et le développement des moyens de communication. L’ensemble de ces progrès a souvent

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bénéficié aux conditions de travail des hommes ce qui permet notamment de comprendre pourquoi les économistes ont joué une place importante dans ce courant.

Il est important de souligner que les philosophes des Lumières nourrissaient une véritable confiance en la capacité de l’homme. En effet, pour ces penseurs seule la raison et les développements de la raison pourront permettre à l’homme et à l’individu de se déterminer et d’évoluer. En se référant à la nature, ils témoignent d’un véritable optimisme qui se fonde sur la croyance dans le progrès de l’individu, de ses droits et de ses libertés.

L’affirmation de ces valeurs a conduit ces penseurs à combattre l’absolutisme politique et l’intolérance religieuse et donc in fine, à participer à l’émancipation des libertés et droits fondamentaux. Même si dans leur ensemble, les philosophes des Lumières ont participé au développement et donc à la défense de ces idées nouvelles, certains d’entre eux ont occupé une place particulière notamment en militant pour l’abolition de la torture et de l’esclavage.

Les idées de ces philosophes furent d’abord diffusées à une élite notamment par le biais des loges maçonniques. Par ailleurs, leurs idées ont été consacrées par les œuvres d’écrivains et de saints. Au regard de la quantité d’auteurs qui ont participé à ce développement de la pensée libérale, il serait présomptueux de penser mener une étude complète au sein d’un seul paragraphe. Ainsi, l’objectif est de faire une synthèse à travers les auteurs qui nous paraissent avoir le plus contribué à la consécration des libertés et droits fondamentaux.

Il convient de mentionner l’anglais John Locke (1623-1704) qui à travers l’un de ses plus célèbres ouvrages, « le traité sur le gouvernement civil » en 1690, considère que la société politique repose sur un contrat conclu entre les différents individus qui fondent cette société. Pour lui, « les obligations de la loi nature ne s’éteignent pas dans la société, puisque les hommes, en acceptant le contrat se sont malgré tout réservés une part inaliénable de liberté ». Par conséquent, le pouvoir politique dans son ensemble n’aurait comme ultime but que de préserver la société. Cette préservation passe par la préservation des droits des individus qui la compose, ce qui interdit au pouvoir politique de desservir ou d’appauvrir ses sujets, puisque dès l’origine l’homme est dans un état de nature. Cet état de nature lui confère un certain nombre de droits individuels et parmi les plus importants, John Locke considère que se trouvent la liberté et la propriété privée.

Le pouvoir politique se fonde sur un équilibre et cet équilibre est certes la nécessité de garantir la jouissance de droits individuels aux membres de la société mais c’est aussi l’obligation de garantir la sécurité commune. Il convient alors de noter que le contrat évoqué par John Locke se caractérise par un transfert partiel et temporaire des droits individuels mais néanmoins réel. La finalité de ce transfert est de protéger l’individu en limitant le pouvoir politique notamment à travers la consécration du principe de la séparation des pouvoirs. En réalité, lorsqu’il sacralise la séparation des pouvoirs, en distinguant le pouvoir législatif - exécutif – fédératif, John Locke reconnait à chaque individu le pouvoir de déterminer lui-même les propres règles qu’il entend s’imposer. Les contraintes de ce contrat sont l’œuvre du pouvoir législatif qui s’exerce par la volonté des représentants de la nation. Il s’agit là d’une conception très classique de la pensée libérale mais à travers ce schéma, il aura participé et contribué de manière décisive à l’affirmation des droits de l’homme.

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La pensée de John Locke fut inspirée par Thomas Hobbes (1588-1679). Il évoqua également l’état de nature dans son célèbre ouvrage « le Léviathan » en 1651. L’analyse de Hobbes diffère de celle de Locke car pour lui, le pouvoir politique aboutissait forcément sur un régime totalitaire.

Par ailleurs, Spinoza (1632-1677), un penseur juif isolé a également œuvré pour la place de l’individu au sein de l’état et de la société, plus précisément en ce qui concerne la liberté de conscience.

La théorie de la séparation des pouvoirs est souvent présentée comme l’œuvre majeure de Montesquieu (1679-1755). Certes son nom est justement associé à cette doctrine mais paradoxalement il n’en est pas le premier auteur. Il est intéressant de se référer à son ouvrage « l’esprit des lois » en 1748 pour constater qu’il en dévoile une formule plus moderne en se fondant notamment sur la constitution d’Angleterre. Il se réfère fréquemment aux institutions anglaises et fait de la séparation des pouvoirs une condition indispensable à la garantie des libertés individuelles. Pour illustrer son apport, il convient simplement de mentionner la célèbre phrase : « il faut que par la disposition des choses le pouvoir arrête le pouvoir ». Pour Montesquieu, la séparation des pouvoirs est le rempart à toutes les dérives permettant au pouvoir étatique de mettre en difficulté les libertés et les droits naturels.

Jean-Jacques Rousseau (1714-1798) dans « le contrat social » en 1762, ne s’est pas éloigné de la théorie de la séparation des pouvoirs. Son principal objectif était la garantie des droits de l’homme. L’originalité de sa pensée était de trouver un équilibre entre l’instauration d’un pouvoir politique et la liberté des individus. Il part d’un simple constat, celui selon lequel l’individu est dans un état égalitaire, dans son état de nature. Par ailleurs l’inégalité dont est victime l’individu n’est le résultat que du progrès et de l’appétit de consommation des individus càd la volonté de s’enrichir. Cette tendance apparait notamment avec le développement des échanges mais aussi par la naissance de la propriété privée. Cette approche de Rousseau est sous certains aspects souvent mis en avant pour expliquer le courant marxiste. Pour remédier à cette situation inégalitaire, il préconise lui aussi un contrat social qui doit être le fondement de la société car il va permettre à chaque citoyen de bénéficier de libertés et de droits sans contrepartie. Ce contrat social efface toute discrimination basée sur la condition sociale et matérielle de l’individu. Cette finalité doit permettre à toute société de garantir que la liberté naturelle de chaque homme passe par la loi.

Il convient également de préciser, pour information, le courant économique des physiocrates. En effet, les penseurs qui appartenaient à ce courant (comme François Piennet) ont nourri une réflexion importante sur la nécessité pour le pouvoir politique de promouvoir et garantir la propriété et la richesse de l’individu, ce qui a conduit à l’émancipation de la propriété privée.

Les personnages que l’on vient d’évoquer ont la particularité d’appartenir à la tradition libérale classique. On peut la situer avant la révolution française et avant l’indépendance des Etats-Unis. Il convient de mentionner une deuxième vague d’auteurs qui a permis d’asseoir les valeurs drainées par leurs ainés. Au-delà de cette concrétisation, il faut admettre que leur contribution constitue un réel intérêt puisqu’au-delà du rôle qu’ils ont joué dans l’affirmation et la reconnaissance des droits de l’homme, ils ont apporté un souffle nouveau par le biais d’une critique intellectuelle et positive de la notion de droit de l’homme. Cela a contribué à faire progresser la matière.

Sur un plan matériel, il faut admettre que les auteurs que nous allons évoquer ont un réel recul sur les idées révolutionnaires développées par leurs ainés, notamment sur les limites qu’il convient

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d’imposer aux différentes libertés dont peuvent jouir les individus et sur la mise en œuvre concrète de ces idées dans un système démocratique. En effet, après l’euphorie des premiers révolutionnaires, ces nouveaux auteurs se sont fixés pour mission de mettre en pratique les idées de leurs prédécesseurs.

Sur un plan idéologique, la doctrine libérale a évolué en faisant émerger 2grands courants. Le premier affirme la souveraineté de l’individu selon la formule consacrée par l’économiste Pierre Lemieux. Il s’agit pour ce courant de mettre en exergue les droits individuels en se méfiant de toute organisation étatique qui pourrait mettre en difficulté la jouissance de ces droits par les individus. Même s’il reste fidèle aux fondements du libéralisme, càd à la primauté de l’individu, ce deuxième courant se veut plus politique en ce sens que le rôle de l’état est d’avantage mis en avant. La critique la plus significative portée par la plupart des auteurs appartenant à ce courant tient au fait que l’individu semble parfois relayé au second plan. Pour autant, il convient de préciser que les droits individuels ne sont nullement écartés de courant, simplement l’état occupe une place plus importante. Cette ambiance qui vient d’être dépeinte permet de prendre la mesure du contexte particulièrement favorable à la critique et à l’évolution des idées philosophiques qui ont participé à l’émergence des droits de l’homme.

Au premier rang de ces auteurs, il convient de nommer Benjamin Constant (1767-1830). Il est né à Lausanne au sein d’une famille de réfugié et il fut un homme politique, juriste et même romancier. C’était un libéral modéré qui marqua l’histoire constitutionnelle de la France en défendant l’idée selon laquelle la constitution, tout en organisant le pouvoir sur la base d’un parlementariste classique, devait surtout garantir les libertés individuelles. Il était un fervent défenseur des libertés, même s’il prônait un système peu démocratique. En effet, selon lui la démocratie devait s’organiser sur la base d’un suffrage censitaire car il considérait que la souveraineté pouvait être dangereuse lorsqu’elle concernait le peuple.

L’un des plus importants auteurs en la matière est Alexis de Tocqueville (1805-1859). Il est connu pour son voyage officiel d’étude aux Etats-Unis en 1830. C’était un magistrat légitimiste favorable au rétablissement de la royauté et il était fidèle à Louis Philippe. Il a sacralisé l’organisation institutionnelle des Etats-Unis en considérant que l’application d’un tel système sur le continent européen devait permettre d’installer durablement la démocratie. On ne peut occulter sa réflexion sur la matière puisqu’elle a fondé sa notoriété. Pourtant, l’originalité de sa réflexion passe par sa réflexion sur les rapports entre liberté, égalité et démocratie. En effet, sa pensée permet de mettre en exergue le fait qu’une démocratie purement individualiste et égalitaire représente un réel danger pour les libertés individuelles. Ainsi pour lui, seule la constitution de plusieurs corps intermédiaires devrait permettre au gouvernement de garantir un équilibre basé sur une limitation des pouvoirs et in fine, de préserver les droits et les libertés individuelles.

Dans un autre registre, on peut évoquer le philosophe anglais Spencer (1820-1903) pour lequel l’importance est mise sur l’individu au détriment de la société. Il doit s’affranchir de tout contrôle. Sa théorie le conduit à repousser la conception française. En effet, toujours selon lui, les penseurs français accordent trop d’importance au domaine de la loi et en faisant cela, ils s’exposent à un danger. Le législateur se substitue aux individus au point de les prives de leurs droits. La conséquence de la pensée de Spencer est qu’il légitimise la désobéissance à partir du moment où les intérêts de

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l’individu divergent de l’action d’une majorité, quand bien même cet individu aurait appartenu à un moment ou un autre à cette majorité.

Friedrich Hayek (1899-1992) est un philosophe et économiste autrichien fervent défenseur du libéralisme. Il présente une originalité car une partie de sa réflexion porte sur le rejet de tout interventionnisme étatique. Il s’est opposé au courant keynésien. Par ailleurs, l’évocation de cet auteur nous permet de constater qu’à l’heure actuelle, l’individu reste au cœur de la société qui doit lui garantir des droits naturels. La portée des travaux de Hayek fut considérable sur un plan purement économique mais il est agréable de constater que son influence sur la promotion et la protection des droits de l’homme reste minime puisqu’il a évolué dans une époque où nul ne conteste de tels droits.

Cette première approche nous aura permis de constater que la notion des libertés et droits fondamentaux telle que nous la percevons aujourd’hui résulte essentiellement de l’œuvre et de la réflexion d’un certain nombre de philosophes et plus largement du courant libéral. Par ailleurs, le fil conducteur qui a guidé l’évolution de la matière repose d’une part sur l’individu au sein de la société dont les droits et libertés doivent être garantis principalement par la séparation des pouvoirs. D’autre part, les philosophes ont reconnus aux individus un certain nombre de droits que l’on pourrait appeler les droits de l’homme. Ce socle et ce cheminement intellectuel s’est heurté à des évènements politiques et à des mutations philosophiques qui ont permis de consolider et de construire progressivement ce que nous appellerons désormais les libertés et droits fondamentaux.

Para2 : Une consécration par vagues successives

A. La Magna Carta

La première déclaration de droits subjectifs est la Magna Carta. Elle servira de modèle dans de nombreux pays. Il faut noter l’importance de ce texte notamment dans une culture juridique de Common Law donc de coutumes qui n’exige pas l’écrit. Il s’agit par le biais de ce texte, de réaffirmer et de mieux protéger des droits subjectifs déjà reconnus dans la coutume. Les droits figurant dans ce texte sont déjà reconnus mais ils sont insuffisamment respectés. Toutefois, il convient de préciser que le recours à l’écrit ne confère pas une valeur juridique au contenu de ce texte.

Ainsi, son objectif est de renforcer le droit coutumier qui est bafoué par l’absolutisme royal. Cette grande charte est accordée par le roi Jean en 1215 sous la pression de la bourgeoisie et de la noblesse pendant que Richard Cœur de Lion est parti en Croisade. Ce texte fondamental reprend les droits nés d’une tradition orale et étroitement lié aux statuts sociaux dont peuvent se prévaloir la bourgeoisie et la noblesse. Ils procurent avantages et protection à ces groupes. Par ailleurs, sur un plan plus démocratique, elle leur permet de désigner des représentants au sein des conseils du roi.

En parallèle, cette charte donne naissance à la monarchie limitée par le biais d’un régime représentatif dont l’évolution et le perfectionnement permettront d’aboutir sur le parlementarisme. La Magna Carte ne proclame donc pas des droits généraux et universels, elle n’est pas source de grands principes abstraits et intemporels. Il s’agit tout simplement d’un texte court et pragmatique dont le seul objectif est la défense d’intérêt concret de ses destinataires anglais. Pour autant, la source de cette charte est clairement humaine. En ce sens qu’elle est issue de rapports de force

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sociaux nés avec le temps et cristallisées par la coutume. Ce constat nous permet d’en déduire que les droits qui en émanent ne sont pas des droits naturels.

Cependant, la Magna Carta défend tout de même l’idée d’une raison humaine et d’une supériorité de certains droits par rapport au pouvoir royal. On peut également parler d’antériorités d’un certain nombre de droits par rapports à ce pouvoir royal. Ainsi, les mécanismes de cette charte font penser à la notion de droits naturels. Ce texte permet également de constater une certaine généralisation pour tous les hommes libres. Un certain nombre de droits considérés par la charte sont élémentaires.

Ces droits élémentaires sont :

- L’intégrité physique- La sûreté : interdiction de l’emprisonnement arbitraire.

Un autre élément important de cette charte consiste à mettre en avant le consentement à l’impôt. En effet, l’idée centrale de ce texte repose sur la notion de propriété (de soi et de ses biens). Cela permet de comprendre pourquoi dans cette charte, la libre circulation et la liberté de commerce occupent une place prépondérante.

Matériellement, la Magna Carte se compose de 70articles. Sur un plan politique, elle prône la liberté des élections et elle interdit la saisie des terres d’un débiteur solvable. Des principes viennent également encadrer les impôts et la procédure pénale. On voit apparaitre le principe de la proportionnalité des punitions qui concernent aussi bien les marchands que les nobles. Elle est porteuse d’égalité entre les différentes couches sociales. L’article48 précise que « on n’arrête, ni n’emprisonne, ni ne dépossède personne de quelque manière que ce soit, que par le jugement de ses pairs selon les lois du pays ». La propriété a la même valeur que la liberté.

B. La pétition des droits

La pétition des droits a vu le jour dans un contexte un peu particulier, puisque dans le début du règne de Charles Ier, les principes de la Magna Carta ont été bafoués. De ce fait, le Parlement a voté une pétition signée par Charles Ier en 1628. Elle rappelle les lois et pose un certain nombre de principes constitutionnels comme le consentement à l’impôt et l’interdiction de prêter au roi contre la volonté du débiteur. Durant cette période, le roi avait besoin de financement pour la guerre contre l’Espagne et vu qu’il ne pouvait pas y avoir accès, il a abusé de ses droits.

La pétition des droits réaffirme la protection des individus contre les arrestations arbitraires et contre la détention d’un individu hors d’un cadre légal. On condamne toutes atteintes au droit de propriété. On réglemente aussi la mise en œuvre de la loi martiale et on interdit le logement imposé des troupes et soldats chez les particuliers.

C. L’Habeas Corpus

C’est un texte qui a été adopté par Charles II en 1679 et il a pour vocation de régler la procédure d’emprisonnement, le paiement des cautions, les compétences des juridictions et les délais de procédure.

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Ce texte est relativement important de par son objectif qui est de garantir une liberté fondamentale : la protection de l’individu contre l’arbitraire. Ce texte ne se disperse pas.

D. Le Bill of Right

C’est une déclaration qui permet d’affirmer les droits et les libertés de l’ensemble des sujets de la couronne d’Angleterre. Il est adopté en 1689 et il caractérise la conception anglaise de la notion de liberté. Le but principal de ce texte est de régler des questions constitutionnelles. C’est un texte suprême qui règle l’organisation au sein de l’Etat entre les différents pouvoirs.

La loi ne peut être suspendue sans l’accord du parlement et le roi ne peut pas aller contre la volonté des représentants de la nation. Par ailleurs, on instaure une hiérarchique puisque la loi est considérée comme supérieure à la volonté du roi. Ce texte donne aussi matériellement un certain nombre de procédures judiciaires qui permettent de garantir le respect des droits des sujets de la couronne. Ce texte interdit également les peines disproportionnées et on en profite pour réaffirmer un certain nombre de droits politiques.

Tout est parti de l’Angleterre. Il a fallu faire émerger la notion de défense des droits fondamentaux mais maintenant il va falloir affirmer ces droits.

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CHAPITRE 2… A la confirmation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux

Etats-Unis.

Section1 : Le développement aux Etats-Unis

Para1 : La déclaration d’indépendance

Le congrès des 13colonies a proclamé l’indépendance américaine le 4juillet 1776 sur la base d’un texte rédigé par Thomas Jefferson (1743-1826). Dans ce texte, les américains se sont inspirés, imprégnés de la culture juridique anglais et des textes qui ont été invoqués. Toutefois, on peut observer une rupture avec l’Angleterre. Celle-ci vient du passé colonisateur et des actions colonisatrices de la Grande-Bretagne. Ce qui est ressort est que les américains partagent avec les anglais le même libéralisme, la même dimension concrète et pratique du libéralisme.

Les américains sortent d’une période de colonisation et une guerre les a opposés à l’Angleterre. Par conséquent, leur déclaration mets l’accent sur le danger que peut représenter le pouvoir. L’Amérique se méfie du pouvoir et notamment du Parlement. Le corps électoral aux Etats-Unis est compris de façon beaucoup plus démocratique qu’en Angleterre. Par ailleurs, la séparation des pouvoirs est abordée de manière beaucoup plus stricte car elle vise à protéger les droits des américains contre d’éventuelles dérives du pouvoir législatif. Indépendamment de cette volonté affichée, l’esclavage n’est pas aboli sous la pression des Etats du Sud.

Cette déclaration n’est pas le seul texte qui permet de constater la confirmation des droits, il y a aussi la déclaration de Virginie et la déclaration de l’Etat fédéral d’Amérique. 7 des 13colonies se sont dotées d’une déclaration des droits qui précèdent leur constitution écrite. La Virginie a été la première à le faire en 1776 c’est pourquoi sa déclaration est devenue emblématique.

Para2 : La déclaration de Virginie

Désormais, les droits ne sont plus concédés par un souverain mais ils émanent d’une autolimitation du peuple que l’on peut qualifier de souverain. Il autolimite son propre pouvoir càd le pouvoir de ses représentants afin de garantir la liberté de chaque individu avant même que la constitution ne délimite et n’attribue des compétences aux différents organes politiques. Ainsi, les différents droits proclamés revêtent un caractère constitutionnel. Ils sont naturels d’inspiration divine.

Les principaux droits de la déclaration sont :

- La liberté de religion- Le consentement à l’impôt- La sûreté : pas d’arrestation arbitraire- Le droit à un jury populaire- L’affirmation de la liberté de presse- La non-rétroactivité des lois pénales.

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Para3 : La constitution fédérale et ses amendements

Les droits reconnus ne sont pas inscrits dans la constitution fédérale lors de son adoption en 1776. Ils sont rédigés puis adoptés dans la constitution fédérale de 1791 sous la forme de 10amendements. Malgré un certain nombre de débats, il a été admis que ces droits limitent le pouvoir des représentants du peuple. Par ailleurs le 9ème amendement, dans la tradition jusnaturalis des droits reconnus, affirme que les droits écrits ne peuvent en aucun cas occulter les autres droits naturels non-écrits conservés par le peuple. Ces amendements construisent l’identité américaine.

Les principaux amendements :

- 1er amendementIl permet de garantir la liberté de conscience ainsi que la liberté d’expression en interdisant notamment les religions d’Etat mais aussi l’interdiction d’une religion. La liberté de communication, de réunion et de de pétition sont également garanties par cet amendement.

- 2ème amendementIl reconnait à chaque citoyen le droit de porter une arme.

D’autres libertés sont garanties et d’autres procédures sont encadrées par la constitution fédérale :

- Les réquisitions militaires- Les perquisitions civiles du domicile et des personnes- L’expropriation publique- Le droit à un jury populaire en ce qui concerne les crimes- Le droit de ne pas être poursuivi 2fois pour le même délit- La garantie de l’impartialité des juges- La rapidité des jugements- Le droit à un procès contradictoire- Les droits de la défense- L’interdiction des châtiments cruels ou inhabituels

Un certain nombre d’autres amendements sont venus élargir ces droits :

- La protection du pouvoir judiciaire en 1804- L’abolition de l’esclavage en 1865- La réglementation de l’impôt sur le revenu en 1913- Le vote des femmes en 1919- La prohibition de l’alcool en 1933

Section2 : La consécration par la révolution française

Pour un certain nombre de juristes, notamment pour le juriste allemand Georg Jelinek (1851-1911), la déclaration de 1789 n’est d’aucune originalité et d’aucun intérêt par rapport au précédent américain dont les textes s’inspirent eux-mêmes des exemples anglais. Ainsi, dans les 2déclarations on retrouve le jusnaturalism, le constitutionnalisme mais également la consécration de l’écrit.

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On note toutefois une différence d’appréciation dans le jusnaturalism. En effet pour les américains, les droits naturels procèdent de Dieu mais aussi de la loi naturelle ce qui confère à ces droits un caractère divin et un fondement religieux. En revanche pour les français, les droits naturels procèdent de la raison et du droit naturel. Par conséquent, l’être suprême n’occupe qu’une place de témoin sans être totalement ignoré. Cette conception est un des fondements de la laïcité puisque l’être suprême et les droits de l’Homme sont séparés. Une certaine neutralité est garantie par rapport aux religions. On peut aussi noter l’influence de la franc-maçonnerie, sans écarter l’être suprême, par le grand horloger. Les droits consacrés ne se superposent pas.

Les libertés américaines sont fortement influencées et marquées par la tradition anglaise. En l’occurrence, il s’agit de droits dont le champ est restreint et l’application procéduralisée. Ces droits s’inscrivent dans une culture du Common Law où il revient au juge de prolonger la volonté implicite du peuple. Il suffit d’observer la déclaration américaine qui place en tête « la vie, la liberté, le bonheur et la résistance à l’oppression » et la déclaration française qui commence par « la liberté, l’égalité et la propriété » (sans omettre d’évoquer la résistance à l’oppression).

Ces 2textes permettent de constater leur vocation universelle dans la mesure où les peuples s’adressent à l’ensemble de l’humanité. D’un côté, les américains se justifient de leur droit à l’émancipation qui correspond à son histoire coloniale et de l’autre côté, les français entendent donner des droits à tous les hommes. En revanche, dans la déclaration française on note que seuls 4droits sont naturels, ce qui montre le caractère volontariste par rapport au texte américain qui en reste au respect de la loi naturelle. La différence entre ces 2textes tient à la vision des 2peuples : d’une part les français qui donnent un fondement juridique à une société déjà existante et d’autre part, les américains qui préparent l’avenir d’un peuple en formation.

Comme cela a déjà été précisé, la conception française avec le texte de 1789 est beaucoup plus abstraite que la conception américaine et anglaise. D’ailleurs, les principes qui y sont consacrés sont formulés de manière absolue et ont une dimension philosophique. Ces principes semblent naturellement déduits à partir de la conception de l’Homme. L’une des explications de cette approche provient du fait que le principal objectif des révolutionnaires français est de mettre fin à une société de caste et de privilèges héritée de l’Ancien Régime. Leur objectif est de construire un monde universel. Ce texte résume une révolution bourgeoise contre le monarque et l’aristocratie.

Leur vision est très différente dans la mesure où les anglais cherchent à préserver des coutumes, traditions et des droits particuliers alors que les français cherchent à les effacer. Pour autant, il convient de préciser que les anglais veulent concilier cet héritage avec les libertés et les droits individuels.

Pour ce qui concerne la DDHC adoptée en 1789 par l’assemblée constituante, les différents intervenants ont été fortement influencés par les constituants américains. Ces 17articles seront en effet placés en tête de la constitution de 1791 avant de perdre leur valeur juridique. L’auteur de ce texte est le peuple français qui par le biais de ses représentants se contentent de déclarer des droits. Par conséquent, il s’agit seulement de mettre à jour des droits existants mais qui étaient dans l’ombre et donc ignorés de la population. En ce sens, la DDHC n’apporte aucune originalité en matière de droits et libertés fondamentaux car elle se contente de rappeler, de formaliser et d’expliciter des droits naturels que l’Homme possède même sans cette déclaration.

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Si on suit certains commentateurs, les révolutionnaires ont utilisés le droit naturel comme une justification de leur action et dans le but de renforcer leurs pouvoirs.

Les droits de l’Homme ne sont pas classifiés de façon systématique et ils ne sont pas ordonnés. On peut cependant noter que la DDHC distingue les droits de l’Homme et les droits du citoyen. Ainsi, les titulaires sont différents et les citoyens jouissent de plus de droits que les hommes en général. De même, la DDHC comporte de nombreux principes politiques et constitutionnels. Bien que les révolutionnaires de 1789 ne sont ni des républicains ni des démocrates, ils s’apprêtent à adopter une constitution monarchique dont le parlement sera élu au scrutin censitaire. Indépendamment de ce constat, les principes énoncés dans la DDHC seront compatibles avec la république et la démocratie.

Il convient de mentionner assez rapidement les brefs espoirs de 1848 et 1870. La constitution de 1848 de la IIème République adopte la devise « liberté, égalité, fraternité ». Les importantes avancées ont permis dès le premier mois de ce régime, d’imposer l’inviolabilité du domicile, l’interdiction de la peine de mort en matière politique et l’abolition de l’esclavage. Cependant, malgré la consécration de ces droits importants, la défaite des républicains aux élections législatives et présidentielles va mettre fin à ce nouvel élan en entrainant notamment la suspension de la liberté d’association, l’encadrement et la restriction de la liberté d’expression et de la presse ainsi que le retour au suffrage censitaire.

Le président utilisera cette politique conservatrice et restrictive des libertés instaurée par la majorité des royalistes de l’assemblée nationale pour justifier son coup d’état en 1850 qui mettra fin à la jeune république. A la suite, il présentera une constitution républicaine autoritaire comme « un retour aux principes de 1789 ». Les constitutions de 1851 et 1852 confieront au sénat la charge de protéger les libertés. Toutefois, cette prérogative accordée au sénat ne sera qu’un leurre puisque Napoléon III renouera avec les pratiques de Napoléon Ier. Un pouvoir arbitraire sera mis en place pour servir l’empereur. Il faudra attendre les années 1860 pour que le régime se libéralise partiellement.

L’un des tournants permettant cette libéralisation est la loi du 25mai 1864 qui aboli le délit de coalition. L’abolition de ce délit permet aux ouvriers de se réunir. Toutefois, la liberté de réunion n’est pas totale puisqu’elle reste soumise à un régime d’autorisation préalable. L’adoption d’une nouvelle constitution consacrant un régime parlementaire en 1870 n’aura pas suffi à accélérer le processus de l’approfondissement des libertés en France.

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CHAPITRE 3La juridisation des droits de l’Homme

Section1 : La création des libertés publiques en France

Para : La genèse et le renforcement des libertés publiques depuis 1870.

La IIIème République reste muette sur la question des droits de l’Homme bien que des lois constitutionnelles de 1875 fondent cette république. Elle a été le régime qui a consacré les grandes libertés en France. Cet élan profite bien évidemment de la longévité du régime. En effet, lorsque les monarchistes auront perdu la majorité au parlement, la IIIème République va concrétiser les droits de l’Homme sous la forme de libertés publiques législativement reconnues en France.

A cet effet, la loi du 30juin 1881 a consacré la liberté de réunion qui sera dispensée de déclaration préalable par une seconde loi du 28mars 1907. La loi du 29juillet 1881 reconnait quant-à elle la liberté de presse. La liberté d’association est garantie par la loi du 1er juillet 1901. En matière sociale, la liberté syndicale est garantie par la loi du 21mars 1884. La gratuité de l’enseignement primaire est créée par une loi du 16janvier 1881. Enfin, l’une des lois les plus emblématiques et celle du 9décembre 1905 qui garantit la liberté religieuse par l’obligation de la séparation entre l’Etat et l’Eglise. Cette même loi impose par le biais du principe de neutralité, celui de la laïcité en contraignant les pouvoirs publics à observer une stricte neutralité en matière religieuse tout en respectant la liberté de conscience et le libre exercice des cultes.

La défense de la république va exiger de la part du pouvoir de passer outre un certain nombre de libertés. Les magistrats proches des monarchistes seront ainsi révoqués dès que les républicains sont arrivés au pouvoir. De même, les congrégations religieuses seront interdites d’enseignement par une loi du 7juillet 1904 en raison de leur proximité avec les royalistes. Après une tentative de prise d’assaut de la chambre des députés, des ligues d’extrêmes droites seront dissoutes par la loi du 10janvier 1936. Enfin, une loi du 11juillet 1938 relative à l’organisation de la nation en tant de guerre limitera le droit de propriété en facilitant les réquisitions. Cette même loi réduira la liberté de la presse au nom de la défense nationale.

Pour protéger la république, il a été nécessaire de porter atteinte à un bon nombre de ces droits et libertés. Le CE va appuyer la politique libérale de la IIIème République par une jurisprudence qui tentera de concilier l’ouverture à de nouvelles libertés avec la préservation des prérogatives de l’Etat afin de protéger la république. Sur un plan juridique, le CE va élargir son contrôle, renforcer l’autorité de ses décisions et limiter les pouvoirs de police de l’administration. En parallèle, son action concernera un certain nombre de principes généraux du droit ainsi que certaines libertés. L’un des fondements que le CE utilisera pour opérer une telle conciliation a été l’élaboration de la théorie des circonstances exceptionnelles, qui a permis de justifier un certain nombre de restrictions aux libertés.

Une place prépondérante doit également être donnée au préambule de la constitution de la IVème République en 1946. Cette constitution et plus précisément son préambule, interviennent après les traumatismes des souffrances de la 2ème GM. Ainsi, les peuples occidentaux aspirent à une société respectueuse et protectrice des libertés et droits sociaux. C’est dans cette perspective que la

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constitution de 1946 a vu le jour. Pourtant, le préambule est moins socialisant que le projet d’avril 1946 rejeté par référendum. Ce nouveau préambule réaffirme la déclaration de 1789 tout en la complétant avec des droits économiques et sociaux. La rédaction de ce préambule relève un certain nombre de divergences politiques en l’occurrence entre les radicaux et les gaullistes qui souhaitaient se contenter de la déclaration de 1789.

Il n’est pas étonnant que le préambule de 1946 insiste fortement sur la dignité de la personne humaine notamment face au totalitarisme et à la barbarie. Il permet également de créer une nouvelle catégorie, celle des principes fondamentaux reconnus par les lois de la république. Cela a été accueilli par la jurisprudence du CE sous la IVème République et la jurisprudence du CC sous la Vème République. Le préambule de 1946 fait également apparaitre les principes particulièrement nécessaires à notre temps, il s’agit de droits essentiellement sociaux ou économiques qui ne s’adressent plus à l’homme en général ou aux citoyens abstraits qui bénéficient de droits comme les droits civils et politiques de la DDHC mais à une catégorie ciblée de citoyen en l’occurrence les travailleurs ou les membres de la famille. Cela équivaut à l’individu dans un contexte. Il s’agit le plus souvent de droits de créances de l’Etat envers les personnes qui n’appellent pas à une simple abstention de l’Etat comme la déclaration de 1789 mais plutôt une action volontariste positive des pouvoirs publics (ex : droit de grève, liberté syndicale, …).

Section2 : L’internationalisation des droits de l’Homme

Para1 : Le cadre onusien

Dès 1944 la déclaration de Philadelphie, relative au but de l’organisation internationale du travail, affirme « le droit de tous les êtres humains de poursuivre leur progrès matériel et leur développement spirituel dans la liberté et la dignité quelle que soit leur race, croyance ou sexe ».

La conférence de San Francisco en avril 1945 met à jour le fait de la foi des peuples dans les droits fondamentaux de l’Homme, de la dignité et la valeur de la personne humaine.Ensuite, c’est la déclaration universelle des droits de l’Homme qui a été adoptée le 10décembre 1948 sous l’influence de René Cassin. Elle précise que les droits de l’Homme évoqués dans la charte de l’ONU sont complétés par un nombre important de traités internationaux plus ciblés et spécifiques.

Ces traités internationaux plus spécifiques sont par exemple :

- La convention internationale sur l’élimination sous toutes les formes de la discrimination raciale qui a été adoptée par l’assemblée générale de l’ONU le 21décembre 1965.

- La convention du 18décembre 1979 sur les formes de discrimination envers les femmes.- La convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou

dégradants du 10décembre 1984.- La convention sur les droits de l’enfant du 20novembre 1989.

Parallèlement à ces grandes déclarations et à l’aspect juridique, se développe le droit humanitaire qui permet d’aider les personnes à l’occasion de guerre ou de conflit. La base de ce droit humanitaire est la convention de Genève de 1949. La force d’action de l’ONU peut être sujette à réflexion dans la mesure où l’action souhaite une unanimité.

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Para2 : Les systèmes régionaux de protection des libertés

I. Les systèmes extra-européens

A. Le système interaméricain

En s’inspirant de la DUDH en 1948, une déclaration américaine des droits a été adoptée. Cette déclaration s’inscrit dans un cadre particulier, celui de l’émancipation des pays d’Amérique Latine contre leurs anciennes puissances coloniales, le plus souvent l’Espagne. Cette déclaration insiste sur la portée indivisible des droits qu’elle énonce.

Par ailleurs, l’organisation des Etats américains proclame en 1969 la convention interaméricaine des droits de l’Homme. Elle est entrée en vigueur en 1978 et elle peut être comparée à la convention européenne des droits de l’Homme. Les éléments de comparaison sont notamment l’importance accordée à l’individu en ce sens qu’il lui est reconnu une personnalité juridique, une nationalité et un nom. Dès 1988, d’autres droits viennent compléter cette convention, il s’agit des droits économiques, sociaux et culturels. Comme souvent, les ajouts de ces nouveaux droits sont caractérisés par des protocoles additionnels. Dans la même lignée et suivant la même méthodologie, en 1990 les états signataires se sont engagés à adopter l’abolition de la peine de mort. Ces protocoles additionnels sont peu ratifiés donc les nouveaux droits sont peu appliqués. Ils servent cependant de base de travail à la cour interaméricaine des droits de l’Homme.

En 1959 est créée à Washington une commission interaméricaine des droits de l’Homme. Elle est complétée 10ans après d’une cour interaméricaine des droits de l’Homme. Le rôle de la commission peut être comparé à celui d’une juridiction initiale. Pour autant, son rôle ne se limite pas à cela car elle est aussi un organe d’information qui peut être consulté par les états signataires ou non. Par ailleurs, la cour joue un rôle exclusivement juridictionnel donc naturellement vis-à-vis des états signataires. On peut le comparer à une juridiction d’appel puisqu’elle peut être saisie après l’épuisement des recours devant la commission interaméricaine. Les requêtes devant cette commission peuvent émaner bien évidemment des états signataires mais le plus important est qu’elle accepte les requêtes individuelles.

Pour autant, ce système qui parait assez complet et protecteur suscite un certain nombre de critiques. La principale critique est que le rôle de cette commission se limite à établir des faits et à préconiser une solution. Elle n’a pas de force contraignante. Les solutions sont donc plutôt des recommandations. Si elles n’ont pas été suivies au bout de 3mois, la cour peut émettre une nouvelle recommandation mais cette fois-ci plus précise. La portée est extrêmement limitée d’où le fait que les droits et libertés ne sont pas uniformément appliqués comme on peut le voir avec l’abolition de de la peine de mort. La cour ne peut être saisie que si l’état demandeur l’accepte. Enfin, depuis une vingtaine d’années elle n’a été saisie que 150fois.

B. Le système interafricain

Le point de départ de ce système est la charte africaine des droits de l’Homme et des peuples adoptée le 26juin 1981 à Nairobi. Elle est souvent appelée « la charte de Banjul ». Cette charte tente d’inscrire les droits de l’Homme dans la société africaine. Elle se distingue des conceptions purement

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américaine/européenne par le fait qu’elle place au sommet de ces concepts la notion de solidarité entre les individus et les peuples.

3organes, rassemblant 14Etats, sont chargés de la mettre en place :

- La commission africaine des droits de l’Homme et des peuples : Les fonctions de cette commission consistent à enquêter et organiser des médiations.

La commission a été installée le 2novembre 1987. Son siège est à Banjul en Gambie et elle se compose de 11membres indépendants désignés pour 6ans renouvelable. Cela souligne le caractère supranational de cette commission. Elle va examiner les rapports biannuels établis par chaque état. Elle examine et traite également les plaintes et les courriers des Etats et des particuliers qu’ils soient une personne physique ou morale comme les ONG. A l’issu des plaintes pour lesquelles elle est saisie, elle mène des investigations puis rédige des rapports adressés aux Etats et aux particuliers concernés. Parallèlement, elle a su développer un système d’injonction et elle s’est dotée du pouvoir d’imposer des réparations pécuniaires pour les violences dont elle a été saisie. Depuis 25ans, elle a émis plus de 200décisions. La portée est plus importante qu’aux Etats-Unis car cela a permis de faire reculer des atteintes particulièrement graves aux droits de l’Homme.

- La conférence des chefs d’Etat et de gouvernement : C’est un organe de décision.

- Le secrétaire général : C’est un organe de coordination et d’organisation administrative.

Le 25janvier 2004 un protocole relatif à la cour africaine des droits de l’Homme est entré en vigueur. Ce protocole permet à la cour, à travers des prérogatives élargies, de faire progresser la défense des droits de l’Homme au sein de la société africaine. Cette cour dispose certes de plus de prérogatives que la commission puisqu’elle peut prendre des mesures et mettre fin à toute atteinte à une liberté ou à un droit. En revanche, cette cour ne peut pas être saisie directement par les individus.

II. Les systèmes européens

A. Le conseil de l’Europe

Le conseil de l’Europe siège à Strasbourg, il a été fondé le 5mai 1949 par les 10Etats européens. Ces états avaient vocation à créer un espace démocratique et à protéger les libertés fondamentales afin de maintenir durablement la paix. Le fait d’appartenir au conseil de l’Europe n’est pas un droit d’entrer pour l’UE, comme par exemple le cas de la Turquie. Ce conseil est composé, depuis l’intégration des Pays d’Europe Centrale et Occidentale, de 47pays qui s’engagent à garantir la paix.

L’organe décisionnel du conseil de l’Europe est le conseil des ministres qui est composé des 47ministres des affaires étrangères des Etats membres. Ce conseil pilote l’organisation de l’institution et c’est aussi lui qui est à l’origine des conventions internationales soumises aux Etats membres. Indépendamment de ce conseil des ministres, il y a une assemblée parlementaire qui se compose de 636représentants des parlements nationaux. Elle peut émettre des recommandations à l’égard du conseil des ministres.

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Le conseil de l’Europe se fonde sur la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme qui a été signée le 4novembre 1950 à Rome. C’est un texte à travers lequel les 47pays membres proclament des lois civiles et politiques qu’ils s’engagent à respecter. On compare cette convention à d’autres textes et on remarque un certain nombre de similitudes tant dans les formules que dans les valeurs défendues avec la DUDH de 1948. Ce socle a servi de fondement au développement d’autres droits, en l’occurrence une charte sociale adoptée à Turin en 1961 engage 27Etats signataires à respecter un certain nombre de droits sociaux qui viennent compléter la convention européenne des droits de l’Homme. Lors de sa signature, cette charte était dépourvue de toute force juridique par conséquence il ne s’agissait que d’une simple déclaration d’intention sans caractère obligatoire.

2protocoles ont permis de renforcer le caractère juridique de cette charte sociale :

- Le protocole du 5mai 1988.Il a apporté un certain nombre de précisions pour des droits liés à l’égalité des chances et à l’égalité du traitement.

- Le protocole du 9novembre 1995.Il renforce le mode de protection de ces droits, il donne une méthodologie.

Les réclamations collectives peuvent être adressées par des ONG au comité européen des droits sociaux qui peut faire des recommandations à l’égard des Etats voire même se prononcer ou interpréter la compatibilité du droit national avec la charte. En revanche, cette charte n’a pas d’effets directs en droit interne notamment à l’égard des personnes privées puisqu’elle n’engendre que des obligations entre les Etats. Cette règle a été précisée par un arrêt du CE du 3mai 2002 « association de réinsertion sociale du Limousin et autres ».

Le préambule de la convention européenne des droits de l’Homme affirme sans ambiguïté que l’union de l’Europe passe par la réalisation des droits de l’Homme. Le titre1 de la charte énonce des droits tandis que les titres 2, 3, 4 organisent leur fonctionnement et les procédures. Le titre5 prévoit quant-à lui la manière dont les états signataires participent au fonctionnement administratif des institutions liées à la CEDH.

Le protocole n°1 de 1952 a permis d’ajouter de nouveaux droits : droit de propriété, devoir d’organiser des élections libres et sincères à intervalles réguliers, … Cette liste est prolongée par le protocole n°4 qui interdit d’expulser collectivement des étrangers, des nationaux, …Le protocole n°2 donne le pouvoir et le droit à la CEDH de formuler des avis consultatifs.Les protocoles n°6 et 13 ont aboli la peine de mort.Le protocole n°7 de 1984 concerne et précise les principes de la procédure pénale et en l’occurrence le double degré de juridiction.Le protocole n°12 signé en 2000 et entré en vigueur en 2005, non ratifié par la France, donne une force au principe de non-discrimination.Le protocole n°11 concerne les procédures relatives à la saisine de la CEDH.Le protocole n°14, signé en 2004 et entré en vigueur en 2010, a durci les procédures de saisine.

La convention européenne produit des effets directs. Chaque individu/particulier soumis aux normes nationales d’un état signataire de la convention peut opposer les normes nationales qui lui conviennent à celle de la CEDH. Par ailleurs, la CEDH est d’application directe, elle n’a pas besoin

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d’une transposition en droit interne pour produire des effets juridique ou pour être invocable devant une juridiction nationale. En ce sens, on peut admettre que la convention possède une sorte de primauté sur le droit national. En principe, elle s’impose à toutes les instances d’un Etat signataire y compris devant la juridiction constitutionnelle.

L’énumération d’un certain nombre de protocoles nous permet de constater que par une interprétation dynamique, la CEDH développe et inscrit dans son droit, des nouveaux principes et droits. Par conséquent, elle ne peut être regardée comme un texte fermé et définitif mais plutôt comme un texte enfermant des principes et droits implicites. En ce sens, on peut à certain égard la comparer au rôle du juge en Common Law. En effet, la CEDH adapte les droits aux évolutions de la société voire même à l’apparition de nouvelles menaces. A titre d’exemple, elle a su plus rapidement que les Etats membres s’adapter aux nouvelles technologies, aux progrès de la biologie en développant ce que certains appellent le « bio-droit ». Par ailleurs, la longueur des arrêts de la CEDH (une vingtaine de pages), les rapports et apports individuels des juges ainsi que les références à d’autres jurisprudences communautaires/conventionnelles s’inspirant des institutions américaines, contribuent fortement à ce dynamisme et à cette construction.

On peut dire que la CEDH recherche à travers cette méthodologie, l’effet ultime de chaque droit de l’Homme défendu par la convention. Cela correspond à la portée maximale. Ainsi, elle déduit de la convention des obligations positives et des effets horizontaux càd entre les particuliers eux-mêmes. Elle s’approprie des notions autonomes et des définitions nationales du droit positif afin de maximiser la portée et l’application de la convention européenne. De ce point de vue, elle adopte une méthodologie différente de ce qu’on peut observer dans le droit de l’UE puisqu’elle réduit au maximum les marges nationales d’appréciation souveraine des Etats signataires de la convention.

En matière de protection des droits de l’Homme, le principal apport de la convention réside dans la mise en place d’une protection juridictionnelle supra nationale innovante grâce à l’apport continuel de nouveaux droits par le biais des protocoles additionnels. A titre d’exemple, si l’on prend le recours individuel càd celui qui permet à chaque individu de saisir directement la CEDH, jusqu’à l’ajout du protocole n°11 ce mode de saisine n’était que facultatif pour les états alors qu’aujourd’hui un tel recours joue un rôle essentiel non seulement dans l’effectivité mais aussi dans la protection des droits de l’Homme par la CEDH.

Pour autant, comme cela l’a été rapidement évoqué, la convention ne doit jouer qu’un rôle secondaire/subsidiaire en matière de protection des libertés fondamentales. En effet, les juges nationaux doivent rester les premiers à appliquer la convention et le recours devant la CEDH n’est possible qu’en cas d’épuisement des voies de recours interne. Ainsi, la souveraineté des Etats est conservée. D’ailleurs, les Etats restent libres quant au choix des moyens de mise en œuvre pour exécuter les condamnations de la CEDH.

Sans aborder une étude jurisprudentielle en la matière, il convient de préciser que la jurisprudence de la CEDH tend à restreindre ce droit. La France a mis un certain temps pour ratifier la convention car elle craignait une remise en cause de certains fondements de son système juridique. A titre d’exemple, un certain nombre de dispositions de la constitution française sont incompatibles avec certaines dispositions de la convention comme par exemple l’article16 qui permet au président de s’approprier les pleins pouvoirs afin de faire face à une crise grave. Cet article est soumis à un certain nombre de conditions et parmi celles-ci le président doit informer la nation. L’article16 paraissait

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pour la France incompatible avec l’article15 de la convention qui prévoit qu’en cas de crise grave, le pays doit se soumettre à une intervention internationale.

D’autres droits semblent menacer l’organisation interne en France. A titre d’exemple, le droit des parents à assurer l’instruction de leurs enfants semblait renforcer l’école libre en France. D’autres problèmes liés à la garde-à-vue semblaient aussi en contradiction avec le droit de la convention. Enfin, un évènement politique a retardé la ratification de la convention, c’est la guerre d’Algérie. Pour autant, la France a signé la convention en décembre 1973 en même temps que les protocoles additionnels pris jusqu’alors.

Malgré cette situation, 2réserves principales restent d’actualité :

- Les exceptions au principe du procès équitable dans les forces armées.- Les dérogations à la convention en cas de circonstances exceptionnelles.

B. L’Union Européenne

L’UE n’a pas vocation à protéger les droits de l’homme vu qu’elle a essentiellement un objectif économique. La construction européenne ignore les droits fondamentaux. Par nature, elle ne peut pas violer les libertés individuelles car ce n’est pas son domaine de compétence. En revanche, sous la pression de juridictions nationales et à l’appui de jurisprudence constitutionnelle notamment allemande et italienne, la cour de justice va construire son propre catalogue de droits fondamentaux. Elle va s’inspirer des principes généraux du droit français et de la méthodologie utilisée par le juge.

Pour clarifier ces droits fondamentaux et pour leur donner une consistance et une autorité juridique, les textes vont prendre le relai sur la jurisprudence pour consacrer et approfondir les droits fondamentaux et la dimension démocratique de l’UE. On peut citer l’article6 du traité sur l’UE de Maastricht de 1992 qui précise que l’UE respecte les droits fondamentaux. Par ailleurs, le traité de Nice de 2000 adopte la charte des droits fondamentaux de l’UE. Enfin, les articles2 et 6 du traité de Lisbonne de 2009 confèrent la même force juridique à la charte des droits fondamentaux de l’UE qu’au traité fondateur de l’UE.

Parallèlement à ce développement, la cour de justice des communautés européennes à constater que les traités communautaires ne permettaient pas à l’UE d’adhérer en tant que telle à la convention européenne des droits de l’Homme car elle n’avait aucune compétence pour engager les Etats membres dans cette adhésion. La cour de justice a constaté cela dans un avis du 28mars 1996. Depuis, le protocole n°8 du traité de Lisbonne autorise l’UE à adhérer à la convention européenne en respectant une procédure particulière. L’adhésion est en cours de finalisation.

Indépendamment de ces droits civils et politiques, une charte communautaire des droits sociaux a été signée le 9décembre 1989 à Strasbourg. Elle vise à renforcer la dimension sociale de la construction européenne. Toutefois, sa mise en œuvre dépend de la seule responsabilité des Etats. Cela s’explique par la réticence de la Grande-Bretagne, hostile à toute évolution en matière sociale.

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TITRE 1 : LES NOTIONS DE DROITS FONDAMENTAUX ET DE LIBERTES PUBLIQUES

CHAPITRE 1L’approfondissement des sources philosophiques des droits de l’Homme.

Section1 : Les justifications des droits de l’Homme

Para1 : Une approche historique

I. Les prémices de l’Antiquité au Moyen-Âge

A. La place de l’homme dans le monde antique

Les origines des droits de l’Homme remontent à l’Antiquité et à la théorie de l’univers. Ils n’étaient pas considérés comme une catégorie juridique mais comme un ensemble de courants de pensée. On ne peut pas dire que les droits de l’Homme ont une histoire puisqu’ils procèdent d’une revendication intemporelle de l’individu lorsqu’il est opprimé en tout lieu et à toute époque. Pourtant, la notion de droit de l’Homme correspond pour certains auteurs à la découverte de l’humanité et de sa lutte contre ses tendances mortifères.

On peut affirmer que l’Antiquité n’envisage pas l’homme en tant que catégorie universelle. A titre d’exemple, les grecs et les romains pratiquaient l’esclavage et considéraient l’étranger comme étant un barbare. Dans ces cités antiques, seul le citoyen pouvait revendiquer des droits qu’il possédait naturellement. Toutefois, de tels droits n’étaient pas conçus comme des droits subjectifs détenus par la personne mais il s’agissait seulement de droits objectifs qui pouvaient être concrétisés par une action devant le juge. Bien évidemment, l’un de ces droits les plus significatifs était la participation à la vie de la cité. Dans ces sociétés, le droit était naturel dans le sens qu’il était conforme à l’univers.

Le droit de l’Homme donnait à chacun une place dans la nature. Cet univers ne laissait aucune place à la notion de liberté dans le sens que seul le destin et la nature conféraient à chaque individu sa position sociale et ses pouvoirs. Or cette position sociale et ces devoirs étaient fortement conditionnés par les traditions et la religion qui définissaient à l’avance les modes de vie et les règles qui s’imposaient à chaque individu. Ainsi, il est facile de comprendre que la liberté n’avait pas sa place puisque le choix ou la faculté de changer les choses, en l’occurrence sa condition, n’étaient pas possible. Les concepts d’autonomie individuelle et de libre choix personnel n’existaient pas.

La ligne de conduite était dictée par la morale qui consistait tout simplement à s’accorder avec le cosmos et à vivre en harmonie avec l’univers. Cet ordre naturel des choses ne pouvait être contesté par l’individu qui devait rester conforme à un ordre qui le dépassait et qui le précédait. Le fait de contester cet ordre était préjudiciable pour l’harmonie de la société car de tels comportements insensés bouleversaient l’ordre naturel et l’équilibre d’où la condamnation de l’orgueil et de la démesure par les dieux et par le destin.

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Cette conception originelle a évolué durant l’Antiquité avec une école philosophique, le stoïcisme grec qui est apparu en 301 avant JC. Cette école préconisait la méditation qui conduisait à vivre en accord avec la nature et la raison et qui allait conduire l’Homme à son bonheur. Le stoïcisme permettra de faire évoluer cette conception originelle en distinguant l’Homme qui est universellement doué de raison et le citoyen. En reconnaissant l’égalité et la liberté entre les citoyens, cela permettra de jeter les bases de l’humaniste et de la Renaissance.

B. La subordination à Dieu et à l’Eglise pendant le Moyen-Âge

Dans l’évolution de la notion des droits fondamentaux et des libertés publiques, il convient de noter une certaine convergence entre les religions monothéistes et les philosophies antiques. D’une part, les monothéistes juifs et chrétiens vont apporter la notion de dignité humaine. Le christianisme permettra d’apporter une dimension universelle à cette notion. D’autre part, l’apport des philosophes antiques permettra de développer l’idée selon laquelle chaque chose a une place naturelle. Au-dessus de cet ordre naturel qui surplombe l’Homme, chaque individu doit obéir à son créateur et à ses représentants.

Dans cette évolution, il convient de mentionner l’apport fondamental de l’individualisme de Guillaume d’Occam. C’était un moine franciscain qui s’est opposé au pape en défendant la théorie de la connaissance à la conception de la propriété qui était défendue par son ordre. En effet, les moines franciscains refusaient toute propriété afin de vivre comme le Christ, humblement et conformément à la volonté de Dieu. Or, le pape était contre cette pratique, il voulait interdire ce mode de vie car il avait peur que celui-ci serve de justification à une contestation de la propriété par la masse des croyants, des chrétiens qui étaient dépourvus de propriété.

Le moine franciscain argumente que la propriété n’existe pas en soi, d’ailleurs comme toutes les idées pour la simple et bonne raison que la propriété ne précède pas l’existence et qu’elle ne détermine pas la présence de l’Homme. Les idées pour lui ne sont que des noms, d’où le courant du nominalisme. Les noms ne sont que des conjonctures, des signes, des éléments de langage sur lesquels les hommes s’accordent pour se comprendre. L’univers n’est composé que d’individus. Par conséquent, ni l’ordre ni la propriété n’existent en dehors de la volonté des hommes. Ainsi, le moine franciscain démontre assez facilement que la propriété n’est qu’une idée. La propriété comme toutes les institutions humaines, comme tous les ordres ne peut être considérée que comme un artifice, une fiction. Il découle de cette théorie que toutes les personnes collectives ou les entités englobant des individus ne sont que des illusions et n’existent pas dans l’état de nature ni aux yeux de l’ordre religieux. L’apport de ce moine est de dire que la collectivité n’existe pas, seul l’individu existe. Si l’individu est placé au centre de cet ordre naturel, pour ce moine, il existe une éthique, une morale librement choisie par cet individu. Il peut choisir entre la liberté individuelle ou les contraintes de la collectivité. Il est autonome, maître de son existence.

II. La découverte des droits de l’Homme de la Renaissance au XXème siècle

A. Le rôle catalyseur de la Renaissance

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Il n’est pas étonnant que la Renaissance apporte un souffle nouveau à la découverte et à la consolidation des droits de l’Homme. En effet, de grandes découvertes scientifiques et géographiques vont avoir pour conséquence de remettre en question des certitudes dogmatiques enracinées par la religion et par l’Eglise au Moyen-Âge. Cela va permettre à l’Homme de découvrir les profits qu’il peut tirer de l’usage de sa raison et de sa liberté lorsqu’il conteste les autorités et les traditions en place. Ce phénomène est relativement fertile à l’affirmation du génie humain ce qui explique la place prépondérante de l’art durant cette époque.

La réforme protestante va amplifier et confirme ce mouvement notamment en relativisant l’infaillibilité de l’Eglise et en plaçant sur un même pied d’égalité tous les croyants. Sur le plan politique et juridique vont naitre des espaces publics autorisant la critique et permettant la participation aux décisions du pouvoir. Ainsi, le respect de la liberté d’opinion sera sacralisé surtout dans les pays protestants.

Par ailleurs, le droit naturel va changer les structures. Il ne sera plus considéré comme le droit de la nature extérieure à l’Homme et à laquelle l’Homme doit se conformer mais il sera engendré par elle puisque l’Homme devra se conforter à la nature humaine. Ainsi, l’individu peut être regardé comme un citoyen libre et raisonnable auquel des droits inaliénables doivent être reconnus. Ces droits vont être désolidarisés de la religion, ce qui permettra d’amorcer la notion de laïcité. Bien évidemment, cette tendance sera l’œuvre de philosophes qui vont dans reconnaitre à chaque homme des droits naturels non pas grâce à la nature mais en raison de sa nature. Le génie de cette nature humaine est qu’elle est dotée d’une raison. Certes un souffle nouveau apparait en Europe grâce à la Renaissance mais les idées et les réflexions portées par cette époque ne suffiront pas à empêcher des guerres de religions, le massacre des indiens en Amérique et l’esclavage dans les colonies.

B. Le libéralisme au XVIIIème et XIXème siècle

Le point de départ du libéralisme au XVIIIème siècle va être l’étude du kantisme. Le philosophe allemand Kant a donné au libéralisme son fondement philosophique le plus abouti. Cet approfondissement ne fera pas l’unanimité car de nombreuses écoles libérales n’adhèrent pas à l’ensemble de ses idées. C’est Kant qui est à l’origine de la philosophie des sciences. A travers son approche, il tente de cerner l’étendue et les limites d’une connaissance scientifique qu’il considère comme certaine et valide. L’objectif qu’il poursuit est de redéfinir la philosophie notamment en distinguant la philosophie classique de la métaphysique qui s’occupe et s’intéresse au premier principe, le commencement.

Cette philosophie de Kant repose sur une étude du savoir, une étude transversale, transcendantale. Cette théorie va permettre de définir les différentes branches du savoir. Sa philosophie est la science des sciences et c’est en cela qu’elle est une véritable rupture avec la métaphysique pour qui seule la raison permettrait de découvrir la vérité sur Dieu, le monde et l’Homme.

Il distingue dans notre esprit 2domaines :

- L’entendement est la synthèse des affections sensibles. Ce sont les informations données par les sens. La réponse à cette information permet de structurer et de prédéterminer les connaissances dans différentes catégories. L’entendement produit sur nos connaissances, à

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partir des informations livrées par nos expériences sensibles, le point de vue des choses en soi. Ce sont des expériences universelles aux hommes.

- La raison produit des idées par le biais d’une synthèse des connaissances de la réalité sensible. Kant veut nous faire comprendre que les idées de la raison tentent de trouver une certaine unité au sein de la connaissance.

Il faut différencier les sciences expérimentales des sciences dites humaines qui ne reposent que sur des hypothèses. Or, les certitudes sur lesquelles se fondent l’Homme ne peuvent être considérées comme tel que lorsqu’elles émanent d’expériences physiques ou biologiques. Ces domaines forment ce que Kant appelle la théorie. Ce qui n’appartient pas à cette théorie est appelée la pratique ou l’action qui se matérialise dans une société à travers la morale, la religion et la politique. Ces domaines ne sont pas des sciences au même titre que les sciences expérimentales. Elles ne peuvent être connues avec certitude donc elles ne peuvent être structurées par des règles normatives et primitives comme le serait la physique et la chimie.

Dans « la critique de la raison pratique », Kant apporte une critique sur les limites de la morale. En effet, la morale ne peut se constituer comme une science. Elle en est réduite à s’exprimer à travers la cause de l’absence de toute morale et celle-ci aboutie sur la liberté. La morale selon Kant est la conciliation de la liberté individuelle avec la liberté collective. La morale et la métaphysique sont des mœurs complètes sur la réflexion sur la notion de morale.

Après avoir identifié les limites des mœurs à travers la morale, Kant permet de comprendre la doctrine du droit. Il distingue le jugement déterminant et le jugement constituant. Le jugement déterminant consiste à dépasser le particulier dans un contexte universel. Le jugement constituant permet de créer un universel. Il distingue 2types de jugement constituant : le jugement esthétique et le jugement téléologique. Le jugement téléologique caractérise la politique et la normalisation du droit. Il permet de guider l’évolution de l’histoire. Au final, pour Kant le droit doit être considéré comme étant le prolongement de la morale dont il doit en fixer les limites. Il doit concilier les différentes libertés entre elles. Le droit doit également jouer un rôle pacificateur et civilisateur en permettant aux libertés de cohabiter sans se détruire ni s’exclure. Kant va schématiser sa théorie qui va prendre la forme d’une République.

La république est au sens monarchique du terme, sans arbitraire, qui obéit à la loi. Par conséquent, les hommes ont un intérêt objectif, celui d’évoluer vers un tel système qui permettra de construire une idée universelle dont l’évolution et l’espoir seront nourris par le progrès de la civilisation qui s’exprime à travers la victoire de la liberté sur la tyrannie, l’oppression et l’arbitraire. Au-delà de cette théorie et du contexte de l’Etat, Kant imagine que cette paix sociale entre les individus débouchera sur une paix politique entre les Etats. In fine, cette paix sera perpétuelle seulement lorsque le monde aura pris la forme d’une confédération.

Para2 : Les débats relatifs aux droits de l’Homme au XXème siècle

John Rawles (1921-2002) est un professeur de philosophie morale de Harvard qui publie en 1971 « la théorie de la justice ». Dans son ouvrage, il va rechercher des références des standards qui vont lui permettre d’évaluer les institutions politiques et les normes juridiques dans les démocraties.

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Il dégage la théorie du voile d’ignorance. Son objectif est de simuler une situation proche de l’état de nature pour décider de façon juste la répartition des droits et des devoirs, des situations et des récompenses qui doivent être prévues dans une société qui n’est pas pervertie. Pour que cette situation soit juste, il faut ignorer soi-même la position qu’on occupera dans cette société. L’individu s’efface pour mieux garantir les libertés et droits des autres individus.

Les conséquences de sa théorie sont que seuls des êtres placés dans cette position, qui ont une situation équitable/équivalente aux autres (égalité des droits, jouissance des libertés) devront être dans une situation matérielle et professionnelle équivalente. Ce n’est qu’à ce moment qu’on aura une société juste. Le bien-être de chacun dépend du bien-être et de la situation des autres. Enfin, l’objectif est de créer une solidarité démocratique entre les citoyens pour atteindre la justice sociale.

La critique du capitalisme et de l’Etat comme aliénation a été extrêmement importante notamment dans l’activité normative des décideurs publics. La prise en compte des conditions matérielles et d’existence des individus a suscité un grand intérêt pour les philosophes et les penseurs qui se sont appuyés sur les théories développées par Marx.

Section2 : Les contestations des droits de l’Homme

Para1 : Les antirationalistes

A. L’antirationalisme religieux

Des grandes religions monothéistes, ayant participé à l’émancipation des droits et libertés, ont eu des positions assez ambigües face à l’émancipation du libéralisme et des droits fondamentaux. En effet, elles ont été favorables aux libertés mais seulement lorsque celles-ci coïncidaient avec leur enseignement ou lorsqu’elles profitaient à leur diffusion. Les grandes religions monothéistes ont été relativement défavorables et intolérantes, lorsque ces libertés permettaient aux individus de s’émanciper de leurs préceptes religieux.

B. Les contradictions politiques

1. Les contre-révolutionnaires

Le chef de file des libéraux à la chambre des communes, Burke, certes favorable à l’indépendance américaine critique violemment l’universalisme révolutionnaire français en reprenant notamment un certain nombre de thèses développées par Coke. En effet les libertés, selon ce libéral, doivent être issues des traditions et des coutumes locales et nationales. Ce ne sont pas des droits naturels et universels des hommes. Elles sont ancrées dans l’histoire et elles émanent des particularités propres à chaque nation. Plus précisément, les libertés résultent des rapports de force et des situations historiques particulières, ce qui implique qu’elles sont de manière absolue définie et limitée dans le temps car elles peuvent être remises en cause par des faits historiques propres aux nations.

Cette critique est également partagée par une conception allemande qui critique l’individualisme et la défiance des révolutionnaires français vis-à-vis des corps intermédiaires. Cette conception

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allemande est portée par l’homme politique Fish qui défend la position de ces corps que sont les communes mais sur un plan plus philosophique, les églises ou les temples càd les lieux de cultes.

D’autres penseurs français ont critiqué l’œuvre des révolutionnaires qui n’accordaient pas d’importance suffisante à l’œuvre de la providence qui a fait le succès de la France selon eux.

2. Les anti-libéraux du XXème siècle

Ils se composent d’une part des courants totalitaires et d’autre part des courants autoritaires.

Pour les courants arbitraires, l’importance accordée à la liberté depuis la Renaissance exprime un symptôme inquiétant, celui de la décadence de l’époque moderne. Par conséquent, ces courants autoritaires estiment que le goût de la liberté est tout simplement l’expression de la préférence pour la facilité et le caprice ainsi que la superficialité et le matérialisme. C’est une critique assez virulente du productivisme de la société de consommation qui éloigne l’individu de l’essentiel. L’idéologie dominante de la liberté est la victoire des philosophes qui placent au centre du monde l’individu en tant que sujet de sa liberté.

Le climat de liberté a 2conséquences extrêmement graves :

- L’instrumentalisation de soi et l’aliénation dans le monde : on devient un sujet de liberté.- Le désir de volonté débouche sur des besoins toujours plus importants de satisfaire une

liberté toujours plus exigeante.

Ce désir de volonté est source de malheur pour l’homme qui poursuit une quête démentielle qui le met dans une domination totale. Dans notre époque contemporaine, on voit apparaitre des organisations économiques ou politiques toujours plus contraignantes et toujours plus instrumentalisantes. L’expression de ces organisations pour ces théoriciens c’est le communisme ou le capitalisme. Dans la quête de liberté on aboutit à un système qui conduit à l’instrumentalisation de l’Homme qui aboutit à l’absence totale de liberté. De cette réduction de l’individu, on aboutit à son instrumentalisation comme producteur/consommateur. Il se coupe de plus en plus de ces traditions et de son environnement. Il se coupe et abandonne son identité et son lien avec l’état de nature. Par conséquent, on aboutit sur une crise et sur une perte du sentiment d’appartenance ainsi que la nécessité pour l’individu de trouver des substitutions. In fine, l’homme a détruit son environnement soit par le biais de l’économie soit par le biais de la politique. Cela revient à le détruire lui-même.

Le courant totalitaire est composé de fascistes. Ils réfutent systématiquement et mécaniquement tous les postulats du libéralisme. Ils écartent toute notion de liberté, de droit et fondent la société sur une autre légitimité qui est le renforcement de l’Etat ou de la nation. Pour renforcer ces nouvelles valeurs, il faut effacer toute forme de liberté. En revanche, les courants fascistes ont parfois une dimension révolutionnaire, non-réactionnaire puisqu’elle repose sur un embrigadement factice voire affectif de la population.

Para2 : Les philosophes du soupçon et les théories post modernes du XXème siècle

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Un certain nombre de philosophes dont les principaux sont Freud et Heinrich amorcent une critique des droits de l’Homme en mettant en évidence les forces, les pulsions et les instincts. Dans leur réflexion, la liberté n’est qu’une apparence et elle camoufle les causes réelles de nos actions. La portée de leur courant est que le sujet comme personne autonome et responsable disparait. L’individu ne dispose d’aucune volonté libre.

Indépendamment de ces auteurs, on peut évoquer l’analyse marxiste qui repose sur une distinction entre liberté formelle et liberté réelle. D’après cette théorie, les libertés formelles qui appartiennent à la doctrine libérale, sont théoriques et fausses voire même dangereuses en masquant ou en aggravant les inégalités économiques car bien évidemment les libertés de la doctrine libérale dépendent uniquement des moyens dont disposent les individus. Ces libertés formelles sont également perçues comme étant une arme, un alibi qui permettra d’aboutir sur la domination de la bourgeoisie sur le prolétariat. A côté de ces libertés, le marxisme expose des libertés réelles. Elles permettent à chaque individu d’accéder à un travail, une voie et des conditions matérielles décentes ou in fine, atteindre une véritable indépendance. Ces libertés qui sont ignorées par le libéralisme résultent de plusieurs phénomènes : la révolution, collectivisation et la dictature du prolétariat. Seule cette voie permettra d’établir une société juste, sans classe et ce sans même l’existence d’un pouvoir central, d’un Etat. La révolution socialiste pour le courant marxiste est la seule susceptible d’amener des libertés réelles. C’est le courant qui a donc le plus contesté le libéralisme.

Cette analyse marxiste est séduisante, généreuse mais elle est faussée parce qu’elle ne se base que sur un type de liberté en ignorant les autres. Ce sont les libertés formelles et au nom d’une hypothétique libération, le courant marxiste supprime un certain nombre de libertés comme celle d’expression ou d’opinion. Par conséquent, pour atteindre cet état de grâce, le marxisme se base sur un régime sans droit où le pouvoir est central et totalitaire. Il résulte de cette philosophie que c’est sans doute le parti qui aspire à la plus haute liberté mais qui a débouché sur sa pire négation.

A côté de ces philosophes du soupçon on peut mettre en parallèle les théories post-modernes du XXème siècle. La notion de post-moderne est employée car ces théories dépassent la modernité càd qu’elles dépassent l’idée d’une nature raisonnable de l’Homme qui le définit comme un sujet libre et autonome et donc qui lui confère des droits et des libertés inaliénables.

Un certain nombre de sciences humaines vont confirmer et conforter ces thèses philosophiques dans le sillage du philosophe/sociologue Levis Strauss : la sociologie, la psychanalyse, l’ethnologie, l’histoire, la linguistique, … Elles montrent l’effacement de l’individu qui est retranché derrière des structures. Ces structures rendent l’individu prévisible car elles vont déterminer son action. Par conséquent, les phénomènes humains ne sont plus l’expression d’intentions que l’on pourrait qualifier de libres car elles sont conditionnées par des structures linguistiques, ethnologiques, … Ces structures poussent donc à agir sans que l’on s’en rende compte.

Ces philosophes ne sont pas opposés aux droits de l’Homme ou aux libertés mais ils apportent une critique et une relativisation de l’individu et de sa responsabilité dans ses actions. Ces théories réduisent inévitablement le prestige des droits de l’Homme puisqu’aux yeux de ces sciences humaines, les droits de l’Homme apparaissent désormais comme formels et fictifs.

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CHAPITRE 2La définition des options

Section1 : Les caractéristiques des droits de l’Homme

Para1 : Les différentes classifications

La doctrine a proposé de multiples typologies quant à la classification des droits de l’Homme. Une synthèse de cette typologie facilitera la compréhension de la nature de cette notion.

La typologie repose sur un certain nombre d’éléments :

- L’objet du droit de l’Homme concerné.Ex : les droits civils et politiques (la liberté d’aller et venir, le droit de vote), les droits économiques et sociaux (la liberté syndicale, la liberté d’entreprendre). Dans cette typologie, on peut évoquer également le droit à abstention du libéralisme classique qui exige une non-action de l’Etat pour être protégé. Il y a aussi les droits de créances qui induisent une action positive volontariste de l’Etat (droit à l’instruction).

- Le droit de l’Homme en fonction de ses destinataires.Ex : les libertés individuelles et collectives

- Le droit de l’Homme en fonction de sa portéeEffet horizontal ou vertical ?

- Le droit de l’Homme substantiel.Il reconnait des prérogatives à l’individu (droit de faire ou de ne pas faire) et les droits garantis qui sont des droits procéduraux (droit de pétition, droit à un procès équitable).

- Le droit de l’Homme en fonction de sa génération.On peut parler des droits de 1ère génération (droit d’abstention, libertés civiles) et 2ème génération (droit de grève, liberté syndicale) et de 3ème génération (droit à la paix, à un environnement sain) ceux-ci sont proches des droits sociaux et ont pour source les constitutions ou les engagements internationaux. Ils sont plus difficiles à appréhender ou à identifier par les citoyens. La 4ème génération (droits relatifs aux évolutions technologiques).

Para2 : L’universalisme et l’indivisibilité des droits de l’Homme

Le caractère universel des droits de l’Homme ne signifie pas que leur reconnaissance et leur respect s’impose dans tous les pays. Il est impossible de les imposer à travers le monde surtout avec la contrainte. En revanche, l’universalisme signifie que les droits de l’Homme bénéficient à tous les êtres humains quel que soit leur origine ou leur religion. Chaque personne peut invoquer ces droits pour se défendre contre l’arbitraire.

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L’indivisibilité signifie que les droits de l’Homme forment un tout et qu’il est impossible pour les Etats de choisir dans un catalogue lequel ou lesquels de ces droits ils entendent respecter. C’est un principe défendu par les ONG.

Section2 : La distinction entre droits fondamentaux et libertés publiques

Para1 : L’incohérence du droit positif

Il faut mettre l’accent sur l’incohérence du droit positif et de la part des pouvoirs publics pour utiliser les termes de droits fondamentaux ou libertés publiques.Sur un plan international, la charte des Nations-Unies évoque au sein de son article1 la notion des droits de l’Homme et de libertés fondamentales. Un autre texte, la DUDH dans son alinéa5 parle de droits fondamentaux alors qu’à l’alinéa6 elle invoque les libertés fondamentales. Enfin, la CEDH prévoit de protéger et de sauvegarder des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.Sur un plan interne, la loi utilise parfois le terme de libertés fondamentales.

Cette cacophonie est entretenue par la jurisprudence. Le CC semble qualifier de fondamental tout droit protégé par la constitution. En revanche, le TC dans une décision du 8avril 1935 « action française » utilise le terme de libertés fondamentales. En matière de référé, le CE reconnait des libertés fondamentales. La libre administration des collectivités territoriales est considérée comme étant une liberté fondamentale. Néanmoins, la doctrine a tenté de clarifier la situation.

Para2 : Les tentatives de clarification de la doctrine

On peut invoquer la distinction entre droits et libertés parmi les garanties individuelles ou les prérogatives reconnues aux particuliers, opposables à l’Etat et qu’on qualifie de droit fondamentale, liberté fondamentale ou liberté publique. La doctrine distingue d’une part le droit qui n’offre qu’une possibilité d’agir et d’autre part la liberté qui est considérée comme plus large/libre. Par conséquent, la liberté est un droit mais tout droit n’est pas une liberté. La revendication d’un droit n’implique pas forcément l’idée de liberté mais elle peut aussi requérir une intervention de la part de l’Etat ou de la part d’autrui. Parmi les droits fondamentaux on distingue les droits-libertés et les droits de créances qui se distinguent par une action ou une inaction de l’Etat.

Cette notion de droit fondamental est apparue en Allemagne sous la révolution de 1848 et elle a été matérialisée par la rédaction de la constitution de 1849 par le parlement de l’église Saint-Paul. Elle a été reprise dans une loi fondamentale en 1949 pour concerner un certain nombre de constitutions. On peut avoir 2approches de cette notion :

- FormelleElle permet d’identifier toutes les garanties opposables par les particuliers à l’Etat. Elles sont consacrées à un niveau supra-législatif ainsi que garanties par une juridiction. La reconnaissance internationale et l’effectivité est garantie par une juridiction des droits fondamentaux constitutionnels de la constitution française et les droits fondamentaux européens de la CEDH. En revanche, les garanties de niveau législatif sont des libertés publiques. Cette approche est considérée comme trop extensive.

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- MatérielleElle définit les droits fondamentaux comme les plus importantes garanties opposables à l’Etat par les individus/particuliers. L’importance peut être objective, découler du droit positif mais elle peut aussi découler de la jurisprudence. Dans ce cas, la distinction entre les droits fondamentaux est relativement difficile à opérer. Indépendamment de ce regard objectif, elle peut se baser sur une dimension subjective et découler de l’interprétation de la doctrine.

Il résulte de cette approche une autre difficulté, celle de la distinction de la notion de droits fondamentaux avec la notion de libertés publiques.

Les droits de l’Homme sont des principes politiques ou philosophiques qui marquent une première étape historique importante dans la reconnaissance politique des grandes libertés individuelles et collectives. Les droits de l’Homme consistent à apporter une protection politique par le droit à la résistance des peuples opprimés. C’est la justification de cette liberté de désobéir et de se révolter en cas de violation de ceux-ci. Ils restent dénués de protection juridictionnelle et de valeur juridique.

Les libertés publiques ont permis de consacrer législativement cette notion de droits de l’Homme. Aujourd’hui elle est dépassée, les libertés publiques se fondent sur quelque chose de supérieur qui sont les droits fondamentaux. Elles ne font que les préciser à un niveau inférieur dans la pyramide des normes.

L’arrivée des droits fondamentaux en France s’est faite sous l’influence de pays qui pratiquaient et reconnaissaient ces droits depuis longtemps comme l’Allemagne, Italie, Portugal, Espagne, … Ils ont connu leur apogée grâce à la pression du droit communautaire et de la CEDH. Les droits fondamentaux renouvellent et renforcent la protection des droits de l’Homme notamment par leur consécration supra-législative et par leur protection constitutionnelle européenne. Les droits de l’Homme de la constitution ou de la CEDH sont juridiquement des droits fondamentaux. C’est l’historique des droits fondamentaux et des libertés publiques.

On peut également faire une distinction matérielle entre liberté publique et droit fondamental. Les droits de l’Homme sont des principes historiquement datés et ils ont une force juridique. Les droits fondamentaux sont des droits de l’Homme les plus importants pour la personne, constitutif à la fois de l’être et des actions essentielles de l’Homme d’où la nécessité de consacrer ces droits soit constitutionnellement soit sur un plan supra-législatif.

Les libertés publiques sont aussi des droits de l’Homme de second cercle d’où leur consécration qui n’est que législative et pas constitutionnelle ou supranationale. Certes, elles sont moins importantes que les droits fondamentaux mais elles sont nécessaires pour un exercice complet ou suffisant pour les libertés individuelles et collectives.

Ces définitions ne font pas l’unanimité, elles sont susceptibles d’un certain nombre de remarques. En effet, un certain nombre de problèmes résulte de cette interprétation française car la notion allemande n’est opératoire en France. La France refuse de quitter le système de libertés publiques et cela malgré les évolutions opérées par la CEDH et la CJUE.

Les auteurs qui contestent cette interprétation française des droits et libertés exposent que les textes supra-législatif sont relativement vagues et généraux. Par ailleurs, la composition du CC ne garantit pas une interprétation uniforme et durable de ces différentes notions. Dans le système

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français, le juge administratif qui demeure le principal juge défenseur des droits et libertés risque d’amoindrir l’importance des droits fondamentaux qui émanent de la CEDH.

Enfin, ces définitions traduisent une autre difficulté qui fait l’objet de contestations de la part des mêmes auteurs, c’est le fait que les droits de l’Homme ne doivent pas être considérés comme des notions philosophiques ou politiques, ce que font les auteurs français, mais comme des concepts de droit positif à part entière. Ainsi, les droits de l’Homme en tant que tels devraient avoir une force effective, une valeur constitutionnelle afin d’être protégés par les juridictions nationales comme notamment le CC. Enfin, la CEDH ne parle pas de droits fondamentaux mais de droits de l’Homme. Seules les juridictions de la doctrine française et la jurisprudence continuent d’opérer le terme de droits fondamentaux et de libertés fondamentales.

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TITRE 2 : LES DROITS FONDAMENTAUX

CHAPITRE 1La protection des conditions de l’existence de la personne

Section1 : Le droit de vivre et la liberté de mourir

Para1 : L’interdiction de donner la mort et la liberté de suicide

I. L’interdiction de donner la mort

A. L’abolition de la peine de mort

Si l’on se réfère au chiffre d’Amnesty Internationale, il reste 58pays qui maintiennent la peine de mort. En revanche, la plupart d’entre eux ne l’a mets pas en pratique, seul 15-20 le font comme la Chine, l’Iran, l’Irak, l’Arabie Saoudite, les Etats-Unis, …En ce qui concerne l’Europe, les Etats membres ne pratiquent pas la peine de mort. Sur le continent européen, la Bélarusse procède encore à des exécutions capitales.

En France, la peine de mort a été abolie le 9octobre 1981 sur la base de l’article2 para1 de la CEDH qui interdit la peine de mort sauf exception. Les exceptions sont bien évidemment, la légitime défense, l’arrestation et la répression lors d’émeutes. Le protocole6 de la CEDH prévoit son abolition sauf en temps de guerre. Il n’est plus d’actualité puisque le protocole17 a été ratifié en 1986 par la France. Le protocole13 vient annuler le 6 donc la peine de mort est interdite tout le temps.Une révision constitutionnelle est intervenue en 2007, elle a instauré un article66-1 disposant que nul ne peut être condamné à mort. Cette révision a été nécessaire pour la France puisqu’elle lui a permis de signer le protocole de l’ONU relatif à l’abolition de la peine de mort.

Aux Etats-Unis, la cour suprême considère que la peine de mort ne peut pas être regardée comme un châtiment cruel, inhabituel à partir du moment où il vient réprimer/sanctionner un crime grave. Cette même cour a considéré dans un arrêt du 25juin 2008 « Kennedy contre Louisiane » que le viol d’un enfant ou le vol sans homicide n’était pas considéré comme des crimes graves. En 2005, la cour suprême a également interdit, suite à un revirement de jurisprudence, la peine de mort pour les mineurs. Ce revirement résulte d’un arrêt du 3janvier 2005 « Hopper contre Simmons ». La peine de mort est totalement interdite dans 16Etats.

B. Les autres obligations

1. Les obligations négatives

Elles naissent de la CEDH et contraignent les Etats à prévenir les éventuelles atteintes à la vie.

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a. Le recours à la force doit être encadré

Il est indispensable de recourir à la force pour sauvegarder l’ordre public. Ce recours est strictement encadré mais la CEDH, par le biais de son article2, encadre elle aussi les objectifs du recours à la force. Il est envisageable pour la défense d‘une personne qui subit une violence illégale et pour effectuer une arrestation régulière. C’est aussi possible pour empêcher l’évasion d’un détenu et enfin pour réprimer légalement une insurrection ou une émeute. La portée de ces principes dépendra de l’interprétation des autorités et des juridictions.

Un arrêt du 27septembre 1995 de la CEDH « Mc Can contre Royaume-Uni » précise que l’usage de la force doit être proportionné aux objectifs poursuivis. La cour précise qu’il est interdit d’abattre un délinquant qui n’est ni armé ni menaçant. Elle va plus loin car elle condamne la disproportion mais elle précise aussi que les autorités ont pour obligation de préparer leurs opérations pour éviter d’être dépassés par les évènements.

Cette situation a été réglée en France puisqu’un décret du 30juin 2011 relatif à l’emploi de la force pour le maintien de l’ordre soumet l’usage de la force à l’absolu nécessité. Par ailleurs, ce décret prévoit également que l’usage de la force doit être proportionné aux troubles à faire cesser et qu’il doit cesser dès que le trouble à l’ordre public a lui-même cesser. Il va plus loin car il prévoit des armes à feu utilisables en matière de maintien de l’ordre, en l’occurrence les grenades lacrymogènes. En ce qui concerne les forces militaires, elles ne peuvent être utilisées qu’en cas de troubles graves sur réquisition du préfet.

b. L’interdiction de mettre en danger la vie d’autrui

Les juges européens et les juges constitutionnels refusent des extraditions des étrangers vers les pays où ils risqueraient la peine de mort et cela même si les autorités du pays s’engagent à ne pas y recourir.

Arrêt de la CEDH « Al-Saadoon et Mudfhi contre Royaume-Uni » du 2mars 2010 : cet arrêt concerne la violation de plusieurs articles de la CEDH mais on ne va s’intéresser qu’à la violation de l’article3 qui interdit les traitements inhumains ou dégradants. Cette affaire résulte de la guerre en Irak puisqu’après l’invasion de l’Irak en 2004, les requérants qui sont des ressortissants irakiens ont été incarcérés par les forces britanniques dans un centre de détention car ils étaient soupçonnés d’avoir tué 2soldats britanniques. Ils ont été reconnu coupables et les autorités britanniques ont décidé en 2005 de les renvoyer devant les juridictions pénales irakiennes. Il a été reconnu la compétence du haut-tribunal pénal irakien puisque les individus avaient commis des crimes de guerre. Ce haut tribunal a été créé pour juger des ressortissants irakiens ou des personnes résidantes en Irak et accusées d’avoir commis des génocides, crimes de guerre ou contre l’humanité. Il a demandé aux autorités britanniques de lui confier les 2individus. En juin 2008, les requérants ont contesté la légalité de leur transfert. La justice britannique considéra que le transfert est tout à fait légal. Cette juridiction a précisé que certes les requérants étaient incarcérés dans un centre de détention militaire britannique donc les autorités étaient obligés de respecter les droits de l’Homme. Elle précise également que les règles du droit international public contraignent le RU à remettre ces requérants aux autorités irakiennes. Elle précisa également qu’il n’y avait pas de motif sérieux de croire qu’ils allaient être soumis à des traitements inhumains ou dégradants ou qu’ils n’allaient pas

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pouvoir bénéficier d’un jugement équitable. La juridiction britannique a pris acte du fait que la peine de mort était pratiquée en Irak mais elle a précisé également que la peine de mort n’était pas en elle-même interdite par le droit international. La cour d’appel britannique a rejeté le recours formé par les requérants, tout en admettant qu’ils seraient soumis au risque d’être exécutés. Immédiatement après cette décision, les requérants ont demandé à la cour de prendre une mesure provisoire et de surseoir à exécuter cette sentence. La requête a été rejetée car ils ont été livrés aux autorités irakiennes. Une fois livrés, ils ont saisi la CEDH d’un certain nombre d’irrégularités qui ont entaché la procédure. La cour a jugé la requête recevable et elle a considéré qu’il y a 60ans au moment de la DUDH, la peine de mort n’était pas contraire aux normes internationales. Toutefois depuis la signature de cette convention, la situation politique a évolué et la cour considère que désormais la peine de mort est totalement abolie en fait et en droit dans tous les Etats membres du conseil de l’Europe. La cour va conclure que la peine de mort qui doit être considérée comme l’anéantissement délibéré et prémédité d’un être humain par les autorités de l’Etat provoque des douleurs physiques mais surtout d’immenses souffrances psychologiques. Ces souffrances proviennent du fait que les personnes qui savent qu’elles vont subir la peine de mort, vont subir des souffrances dégradantes et inhumaines. C’est ce phénomène qui passe par un traitement inhumain et dégradant, c’est en cela que la CEDH interdit la peine de mort. Par ailleurs, la cour observe qu’à aucun moment les autorités irakiennes n’ont fourni l’assurance aux autorités britanniques qu’elle ne les exécuterait pas.

C’est une jurisprudence qui interdit très clairement l’extradition d’un étranger dans son pays si celui-ci pratique encore la peine de mort.

2. Les obligations positives

Ce sont tout simplement les obligations qui contraignent les Etats à prendre des mesures nécessaires à la protection de la vie humaine.

a. Les garanties préventives

Il y a une jurisprudence relativement importante de la part de la CEDH en ce qui concerne la prévention des violences policières. La police est un instrument qui sert à l’Etat et qui utilise le plus, la violence légitime encadrée.

La CEDH, dans un arrêt « Demiray contre Turquie » du 21novembre 2000, a condamné la police turque pour avoir utilisée un individu comme bouclier humain. Les fonctionnaires de police ont utilisé dans un contexte particulier, dans le cadre d’une interpellation, un homme en un bouclier humain, il a été tué. Certes les forces de police n’ont pas commis d’homicides puisque ce n’est pas la police qui est à l’origine du meurtre mais les personnes interpellées. L’article2 de la CEDH oblige les Etats à protéger la vie, les autorités compétences ont l’obligation positive de prendre des mesures d’ordre pratique afin de protéger les individus sous leur responsabilité. Ces mesures n’ont pas été prises par les autorités turques. La CEDH aurait aussi pu se baser sur l’article3 car c’est un traitement cruel, inhumain et dégradant. L’Etat est contraint d’utiliser des moyens pratiques positifs pour protéger les individus dont il a la charge.

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Dans un arrêt du 28août 2009 « Giuliani et Gaggio contre Italie », la CEDH a validé l’utilisation de la force qui a entrainé la mort d’un manifestant. Dans cette affaire ce sont des manifestations anti-G8 qui ont eu lieu à Gènes le 20juillet 2001. Une voiture de police a été isolé au milieu des manifestants et l’un des policiers a sorti son arme de poing et a tué M. Giuliani. Par une ordonnance de 2003, l’affaire a été classée par la juridiction italienne qui a considéré que le policier était en état de légitime défense. Suite à ce classement, la famille de la victime a saisi la cour sur la base de la violation de l’article2 de la CEDH par l’Italie. Les juges européens ont d’une part rappeler le sens de l’article qui précise que l’Etat ne peut pas provoquer la mort de manière volontaire et illégale, que toutefois la mort ne peut pas être considérée comme telle lorsqu’elle résulte d’un recours à la force qui a été rendu absolument nécessaire soit pour assurer la défense de toute personne contre une violence illégale soit pour effectuer une arrestation régulière, pour empêcher l’évasion d’une personne soit pour réprimer une émeute ou une insurrection. La cour a également pris le soin de préciser le décalage entre son appréciation qui intervient dans la sérénité des délibérations et la situation dans laquelle l’agent se trouvait et lorsqu’il a utilisé son arme. C’est conforme à l’article2 de la CEDH lorsqu’il se fonde sur des convictions honnêtes, considérées pour de bonnes raisons comme valables à l’époque des évènements mais qui se révèlent par la suite erronées. Affirmer le contraire imposerait à l’agent et à l’Etat, l’application des lois dans un contexte irréaliste qui risquerait de s’exercer au dépend de leur vie et de celle d’autrui. La cour a estimé, sur la base des éléments dont elle disposait, qu’il n’y avait aucune raison de douter de la sincérité de l’agent de police qui croyait que sa vie était en danger. Par ailleurs, dans les circonstances de la cause, le recours à la force meurtrière quoique très regrettable n’a pas outrepasser les limites de ce qui était absolument nécessaire pour éviter ce que l’agent de police avait honnêtement perçu comme un réel danger.La cour a également apporté un élément intéressant en matière de procédure. Le droit à la vie dépend également d’une obligation procédurale qui oblige l’Etat à effectuer une enquête sur le décès en cause, or dans les arguments développés par les requérants, il est regrettable que cette enquête n’ait pas été correctement menée. La cour regrette la légèreté de l’autopsie qui ne permet pas de répondre à toutes les questions techniques liées aux causes du décès. Enfin, la cour reproche à l’Etat d’avoir limité l’enquête au niveau national à l’examen de la responsabilité. Elle regrette que seule la responsabilité des 2policiers aient été prises en compte. En effet, à aucun moment il n’a été question pour les autorités italiennes de se remettre en question et d’examiner le contexte général pour savoir si une meilleure gestion ou planification des opérations de maintien de l’ordre n’aurait pas permis d’éviter le décès. La cour a condamné l’Italie sur ces 2points précis : le manque d’approfondissement de l’enquête et l’absence d’enquêtes liées à l’organisation de l’évènement.

b. Les garanties procédurales

Les Etats doivent mettre en œuvre les cadres procéduraux permettant d’établir les responsabilités en cas d’atteintes à la vie. Des législations et des moyens matériels suffisant doivent permettre d’enquête et de sanctionner les atteintes à la vie. A titre d’exemple, la CEDH punie les procédures trop longues : arrêt du 26février 2010 « Eugena Lazar contre Roumanie ».

La Russie a également fait l’objet d’une condamnation pour l’inefficacité d’une enquête et pour négligence après la libération de plusieurs centaines d’otages dans un théâtre moskovitch en octobre 2012 par une trentaine de terroristes tchétchènes.

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II. La liberté du suicide

On observe une tolérance de l’Etat vis-à-vis du suicide. Le droit à mourir ne doit cependant pas être considéré comme le versant négatif du droit à la vie. A titre d’exemple, l’Etat n’a pas à aider une personne à mourir lorsque celle-ci lui demande de ne pas poursuivre la personne l’ayant aidé à mourir. Cette interprétation résulte de l’arrêt « Pretty contre Royaume-Uni » du 29avril 2002.

Dans cette affaire, la ressortissante britannique est en train de mourir d’une maladie incurable qui entraine une paralysie des muscles. Sa maladie est à un stade avancé, elle est complètement paralysée et il lui reste très peu de temps à vivre. En revanche, cette personne jouie de toutes ses facultés intellectuelles. Elle souhaite pouvoir choisir le moment et les modalités de sa mort afin de ne pas avoir à endurer les épreuves qui l’attendent. Le droit anglais ne considère pas le suicide comme une infraction mais la maladie de la requérante l’empêche de se suicider elle-même. Le droit anglais condamne le fait d’aider quelqu’un à mourir. La malade demande l’aide de son mari pour mettre fin à ses jours mais elle demande également que son mari ne soit pas poursuivi après sa mort. Sa demande est rejetée et la requérante décide de faire appel de cette décision. Elle invoque un certain nombre d’articles de la CEDH et plus précisément l’article2 qui garantit le droit à la vie. La requérante considère qu’il appartient à chaque individu de décider s’il veut vivre. Le corolaire du droit à la vie est le reconnaissance du droit à la mort. Par conséquent, l’Etat est en faute car ce droit à la mort lui est refusé dans la mesure où le droit interne ne lui permet pas d’exercer cette faculté de solliciter l’aide de son mari. Elle revendique l’application de l’article3 et considère que l’Etat doit lui éviter tout traitement dégradant et que c’est ce que lui fait subir sa maladie. Par conséquent, l’Etat britannique doit prendre des mesures positives lui permettant de ne pas subir ces traitements. Il ne doit donc pas poursuivre le mari pour l’aider à se suicider. La requérante soutient que l’interdiction d’être assistée durant son suicide est une discrimination par rapport aux personnes qui ont les facultés physiques de se suicider elles-mêmes. La cour va tout d’abord rappeler que la requérante ne peut pas considérer l’article2 comme un droit à mourir du simple fait qu’il est diamétralement opposé au droit à la vie. Elle considère que le droit britannique respecte le droit européen en la matière. Ensuite, la cour va considérer que certes la souffrance de la requérante est réelle mais qu’elle ne résulte pas de mauvais traitement ou de négligence de la part de l’Etat britannique. La cour conclue également que le droit européen ne fait peser sur l’Etat aucune obligation positive à cet égard.

Le droit français lui, ne pénalise pas le suicide ni même la tentative. En revanche, une loi de décembre 1987 réprime l’incitation au suicide. Le corolaire à la liberté de suicide est aussi la liberté de refuser des soins.

A. La liberté de refuser des soins

Cela correspond au refus de l’acharnement thérapeutique. En effet, le code de la santé publique interdit l’obstination déraisonnable. Cet article a pour objectif de contraindre le médecin à assurer et à garantir la dignité du mourant et la qualité de sa vie par des soins palliatifs contre la douleur même s’il ne peut plus s’exprimer. Il convient également d’invoquer le droit au refus de soin. Dans un arrêt du CE du 26octobre 2001 « témoin de Jéhovah », la haute juridiction avait reconnu qu’un médecin pratiquant transfusion sanguine malgré le refus de son patient n’était pas fautif. Au contraire, le commissaire du gouvernement estimait que le droit d’être soigné ne pouvait se transformer en obligation de recevoir des soins.

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Une loi du 4mars 2002 pose clairement l’obligation de respecter la volonté des personnes. Toutefois, le CE résistera par sa jurisprudence à l’application de cette loi notamment dans un arrêt du 16août 2002 « Feuyatey ». Le CE reconnait le droit pour les médecins de passer outre le refus du malade.

La CEDH a quant-à elle condamné le fait que les médecins puissent administrer de la diamorphine au fin d’une mort paisible d’un enfant handicapé malgré le refus de la mère. Dans un autre cas, un condamné sous-surveillance judiciaire peut être soumis à une injonction de soin comme le prévoit le code pénal or il peut refuser le traitement mais il s’opposera alors à des sanctions.

B. Le refus du droit à l’euthanasie

On distingue d’une part l’euthanasie active et l’euthanasie passive.

L’euthanasie active correspond au médecin qui provoque délibérément la mort de son patient avec son consentement dans le but de mettre fin à ses souffrances. Elle est considérée comme un meurtre prémédité. En revanche, les cours d’assises se montrent extrêmement clémentes.

L’euthanasie passive correspond au fait d’aider à la mort par omission ou par l’arrêt du traitement et des machines. Elle est considérée comme un suicide assisté. C’est seulement celle-ci qui est concernée par les débats liés à la dépénalisation de l’euthanasie. Les juridictions sont très cohérentes lorsque l’acte semble humanitaire. D’ailleurs, le suicide assisté est dépénalisé dans bon nombre de pays comme les Pays-Bas et la Suisse.

L’euthanasie est un phénomène sociétal nouveau qui a accompagné le phénomène du vieillissement de la population. Cela entraine le développement d’un droit à la fin de vie. D’ailleurs, le législateur par une loi du 22avril 2005 sur la fin de vie a précisé les conditions d’arrêt des traitements. Cette loi encadre la décision de laisser-mourir mais sans aller jusqu’à la dépénalisation de l’euthanasie active. En effet, si la personne est consciente, elle peut refuser tout traitement après le respect d’un délai de réflexion et après avoir consulter un collège de médecins. Si la personne ne peut pas s’exprimer, faire état de sa volonté, une procédure collégiale est prévue avec la consultation d’une personne de confiance qui doit être consultée au préalable. Les directives du patient peuvent elles aussi être prises en compte si elles ont moins de 3ans.

Para2 : Le droit à la qualité de la vie

C’est un droit qui a quasiment été formulé dans la jurisprudence de la CEDH. Il comprend d’une part le droit à la santé et d’autre part le droit de vivre dans un environnement sain.

I. Le droit à la santé

A l’origine, ce droit est inconnu dans la convention européenne et il faut donc se référer aux législations nationales. Il est reconnu par le préambule de 1946 notamment à travers les alinéas 10 et 11 qui reconnaissent un tel droit. Le droit à la santé est à la fois un prolongement du droit à la vie mais aussi une exigence de prestations étatiques. Certains le considèrent également comme le prolongement à la dignité humaine notamment à travers la protection de l’état de santé et de

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l’intégrité physique mais aussi comme le droit aux prestations sociales. Dans tous les cas, il implique aussi bien une abstention qu’une action de l’Etat. Pour le conseil constitutionnel, seuls les soins vitaux sont obligatoirement gratuits pour les plus modestes. Bien évidemment, le droit à la santé ne peut pas être considéré comme le droit de vivre en bonne santé.

Le droit à la santé peut aussi être considéré comme un moyen aboutissant à une limitation des libertés dans le cas d’hospitalisation psychiatrique forcée ou encore en cas d’ivresse publique manifeste. Pour autant, ce droit à la santé n’est pas reconnu par le CE comme une liberté fondamentale pouvant ouvrir un référé-sauvegarde : arrêt du CE du 25novembre 2005 « Bunel contre Garde des Sceaux ».

II. Le droit de vivre dans un environnement sain

Bien évidemment, ce droit résulte de l’intégration de la charte constitutionnelle de l’environnement de 2004 qui a été intégré dans la constitution française. Elle consacre de nouveaux droits, en l’occurrence celui du droit à l’environnement sain et équilibré. Elle impose également de nouvelles obligations notamment celle de réparer les dommages causés à la nature. Indépendamment de ces valeurs, il est évident que la charte constitue une véritable convention de l’environnement dans notre droit national. D’ailleurs, le CC et le CE ont reconnu sa valeur pleinement constitutionnelle ainsi que son invocabilité directe à travers la décision du CC de juin 2008 « OGM » et à travers l’arrêt du CE « Commune d’Annecy » du 3octobre 2008.

La CEDH n’est pas insensible à la question environnementale puisqu’elle protège l’environnement par le biais du droit à la vie privée. Elle admet notamment l’applicabilité de l’article8 pour la protection des conditions de vie. Ainsi, à titre d’exemple dans un arrêt « Lopez contre Espagne » du 9décembre 1994, la cour a condamné l’Espagne pour une station d’épuration nuisant à la qualité de la vie de famille.

Section2 : La dignité humaine et ses composantes

La dignité humaine peut avoir pour bénéficiaire l’humanité ou la personne elle-même individualisée. Dans le premier cas, elle a une dimension collective et dans le second, elle se définie de façon autonome. Une acceptation trop large de la notion de dignité peut aboutir à une confusion avec l’égalité. Aujourd’hui, la protection de la dignité humaine permet au juge de lutter contre un certain nombre de discriminations. La dignité est à la fois un droit fondamental parmi les autres mais elle est également la matrice à partir de laquelle découle et s’interprète les autres droits fondamentaux.

Para1 : Le droit général à la dignité humaine

A. Les sources internationales

La charte des Nations-Unies du 26juin 1945 proclame sa foi dans la dignité de la personne humaine. La formule est reprise dans le 5ème considérant de la DUDH. Les 2pactes onusiens du 16décembre 1966 reconnaissent la dignité inhérente à la personne humaine dans leur alinéa2.

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Indépendamment des Nations-Unies, l’Europe participe également à l’émergence d’un droit général à la dignité humaine. La notion de dignité humaine est absente de la convention européenne. En revanche, la CEDH y fait régulièrement référence notamment dans l’interprétation de l’article3. Dans un arrêt du 31juillet 2001 « Refah Partisi contre Turquie », la CEDH déclare que les droits de l’Homme constituent un système intégré visant à protéger la dignité de l’être humain.

Pour ce qui concerne l’UE, la CJUE protège la dignité mais principalement dans le cadre des discriminations à l’emploi et de manière plus précise, en matière de discrimination sexuelle. Dans l’arrêt de principe du 30avril 1996 « Cornwell », la cour condamne le licenciement d’individus suite à une atteinte à la liberté et à la dignité car cela concernait un transsexuel après changement de sexe.

B. Les sources constitutionnelles

De nombreuses constitutions d’Etats membres de l’UE ont découlé de la protection des droits fondamentaux et de la reconnaissance de la dignité humaine. Ainsi, la dignité humaine est souvent le premier des droits fondamentaux dans ces constitutions. A titre d’exemple, en France, le terme de dignité est absent de la constitution mais le préambule de 1946 l’implique en dénonçant l’asservissement et la dégradation de la personne humaine. Le terme de dignité humaine fait son entrée dans la jurisprudence du CC par le biais des lois de bioéthiques du 27juillet 1994. En effet, le CC utilise le préambule de 1946 pour identifier un principe de sauvegarde de la dignité humaine. En revanche, l’utilisation du principe de la dignité est rare. Il est réservé pour défendre les valeurs sensibles comme le droit au logement, l’IVG, la privation des libertés, …

Para2 : Les autres aspects de la dignité humaine

I. L’interdiction des traitements incompatibles avec la dignité humaine

Le cœur de la dignité humaine est la protection de l’individu contre un rabaissement au rang de chose.

A. L’interdiction de la torture ou des traitements inhumains ou dégradants.

De manière générale, cette interdiction résulte de l’application de l’article3 de la CEDH.

1. L’interdiction de la torture

Initialement, elle est définie par la convention de l’ONU de 1984 sur la torture et autres traitements cruels comme la douleur aigue physique ou mentale infligée intentionnellement à une personne afin d’obtenir d’elle ou d’une tierce personne des renseignements ou des aveux. Il s’agit aussi de l’intimidation. Cette torture doit être infligée par un agent dans le cadre de ses fonctions officielles. La définition de la torture est très souple dans la mesure où il n’y a pas de torture lorsqu’il y a des sanctions légitimes. Elle est critiquée car elle permet d’intégrer les violences policières.

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Cette convention interdit également de renvoyer un étranger dans un Etat où il risque d’être soumis à la torture. Cela permet de juger un étranger sur son territoire alors qu’il est à l’origine de torture ayant eu lieu dans un autre pays. On reconnait à la convention une force universelle. Elle a été utilisée dans un arrêt de chambre criminelle du 23octobre 2002. Dans cette affaire, un officier mauritanien été jugé pour avoir participé à des actes de tortures dans son pays mais il a été amnistié dans son pays. L’article689-1 du code pénal donne la compétence universelle, qui a été mis en œuvre grâce à une convention du 10décembre 1984. Il a été condamné pour acte de tortures en France. Il poursuit la France devant la CEDH qui confirme la condamnation prononcée par la France dans son arrêt du 17mars 2009 « Ould Dah contre France ».

L’interdiction de la torture a été consacrée comme une norme impérative du droit pénal notamment par le tribunal pénal international de l’ex-Yougoslavie dans un arrêt du 10décembre 1998 « Furundzija ».

Par ailleurs, la CEDH a elle-aussi reconnu le caractère supra-conventionnel et supra-coutumier de l’interdiction de la torture dans un arrêt « Aldsani contre Royaume-Uni » du 21novembre 2001. Dans cet arrêt, les juridictions nationales du RU ont refusé de juger le Koweït pour des actes de torture que le requérant avait subi et qui portait atteinte aux articles 3 et 13 de la CEDH. Certes dans cet arrêt, la CEDH a reconnu l’interdiction formelle de la torture. En revanche, la cour a précisé que cette interdiction ne permettait de lever l’unanimité que des personnes et non celle des Etats.

2. L’interdiction des traitements inhumains et dégradants

Il convient de préciser que les traitements inhumains et dégradants sont d’une intensité moindre en termes de souffrances que la torture. A titre d’exemple, la CEDH a considéré que la disparition d’un proche constituait un traitement inhumain ainsi que la mutilation d’un cadavre d’un proche par les services de l’Etat. Ces observations résultent de 2arrêt de la CEDH : arrêt « Chypre contre Turquie » du 10mai 2001 et l’arrêt « Akkum contre Turquie » du 24mars 2005.

Il résulte aussi de cette interdiction d’affliger des traitements inhumains et dégradants, l’impossibilité pour la France de renvoyer en Algérie un terroriste à la fin de son emprisonnement en raison du risque de traitements inhumains que celui-ci pourrait subir de la part des services de sécurité algérien. Le CEDH protège également les personnes privées de liberté contre les violences non-nécessaires notamment à l’occasion d’une manifestation : arrêt « Güler contre Turquie » du 10janvier 2006.

Le CE va plus loin dans son interprétation que la CEDH puisqu’il interprète l’article26 de l’ordonnance du 2novembre 1945 comme prohibant la reconduite à la frontière d’un étranger irrégulier à partir du moment où son pays ne peut lui assurer les soins nécessaires à son état de santé et si cela met en danger sa vie : arrêt du CE « Damba » du 17mai 1999.

La CEDH a également encadré la fouille corporelle intégrale en soumettant un tel usage à des conditions assez strictes afin qu’elle ne soit pas employée à des fins d’intimidation. Elle a considéré qu’il y avait un usage assez fréquent de ce procédé en France. Elle a été encadrée à l’occasion d’un arrêt du 12juin 2007 « Frérot contre France ».

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B. L’interdiction de l’esclavage et de la traite humaine

1. L’esclavage et le travail forcé

a. L’esclavage et la servitude

L’esclavage est une situation dans laquelle l’individu est considéré comme un objet dans la mesure où il n’a plus aucune maitrise sur sa vie. Aujourd’hui il se concentre sur des phénomènes particuliers. Ainsi, les cas les plus fréquents concernent les enlèvements en vue de prélèvement d’organes, la prostitution forcée ou les dérives et les pratiques de certaines sectes.

L’esclavage se distingue également de l’individu qui doit exercer un travail forcé notamment parce que le travail forcé se résume uniquement à un acte. L’esclavagisme est réprimé par les juridictions nationales et internationales et plusieurs textes pénaux internationaux considèrent qu’il s’agit d’un crime contre l’humanité, c’est le cas par exemple du tribunal pénal international de l’ex-Yougoslavie. Cette interprétation est reprise par le code pénal français qui à travers son article212-1 le considère également comme un crime contre l’humanité.

La notion d’esclavage doit être distinguée de la notion de servitude. Celle-ci a été précisée par la CEDH le 24juin 1982 dans un arrêt « Van Droogendroeck contre Belgique ». Dans cette affaire, le détenu d’une colonie pénitentiaire qui était astreint au travail n’était pas considéré comme une situation de servitude. Par ailleurs, dans une autre affaire concernant la France, une togolaise de 15ans qui était devenue bonne à tout faire dans une famille française, travaillait 7jours/7, n’avait le droit de sortir que pour aller à la messe, dormait sur un matelas à même le sol, n’était pas payée a été considérée comme étant dans une situation de servitudes. Elle n’était pas considérée comme une esclave. La France a été condamnée parce qu’elle n’a pas puni les auteurs des faits.

b. Le travail forcé

Pour la CEDH, le travail forcé a été défini comme toute activité sous contrainte morale ou physique. Cela résulte d’un arrêt « Van Mussele contre Belgique » du 23novembre 1983.

Il faut également distinguer le travail forcé du travail obligatoire. En effet, le travail obligatoire n’est pas contraire au droit puisqu’il est autorisé sous la menace d’une peine. Il convient également d’écarter de la notion de travail forcé, l’accomplissement du service militaire. Enfin, n’est pas considéré comme un travail forcé, le travail requis des personnes détenues ou en liberté conditionnelle.

2. La traite des êtres humains

Le code pénal français dans son article225-4-1 défini depuis 2003 la traite des êtres humains comme le fait contre rémunération ou avantages autres de mettre une personne à la disposition d’un tiers même si celui-ci est non-identifié afin de l’exploiter à son profit ou au profit de son auteur. Le code

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prévoit 7ans de prison et 150 000€ d’amendes. La peine peut être aggravée si la vulnérabilité de la victime est reconnue.

La traite des êtres humains est également interdite en application de l’article4 de la convention européenne. Cet article a été pour la première fois appliqué dans un arrêt « Rantsey contre Chypre et Russie ». Dans cette affaire, une prostituée russe a été amenée de force à Chypre. Elle s’est enfuie et a été rattrapée par son proxénète qui tente de la faire expulser. Les 2Etats ont été condamnés puisqu’ils n’ont pas protégé la prostituée de cette interdiction de traite des êtres humains.

II. La non-discrimination et le droit à l’indifférence

A. La non-discrimination

La non-discrimination peut être considérée comme un aspect négatif de la dignité et de l’égalité. Il s’agit du degré minimum et formel de l’égalité du refus de la différencier, ce qui caractérise la personne. Ce principe permet de protéger de l’exclusion des personnes qui seraient non-conformes au modèle. La discrimination se définie comme le traitement différent de personnes classées dans une situation semblable et fondées sur un critère prohibé. Par conséquent, la réunion de 2facteurs cumulatifs est nécessaire pour caractériser une telle situation.

Il s’agit d’un droit fondamental dont les effets peuvent être subjectifs et objectifs. La discrimination est directe quand une même situation est traitée différemment. Elle est indirecte lorsque des situations différentes sont traitées de façon identique. La CEDH dans un arrêt du 20juin 2006 « Adami contre Malte » a considéré qu’une législation était sexuellement neutre mais que les jurys d’assises étaient exclusivement composés d’hommes caractérisant ainsi une situation discriminatoire. Ce principe est consacré par la plupart des textes internationaux. Il est notamment présent dans la charte des Nations-Unies, la DUDH et dans la convention européenne qui dans son article14 limite des discriminations fondées sur une caractéristique personnelle.

Ce principe possède des effets horizontaux ce qui obligent les juridictions nationales à interpréter les actes de droit privé de manière à ne pas leur donner des faits discriminatoires. Pour illustrer ce propos, on peut citer un arrêt de la CEDH du 13juillet 2004 « Piuncernau contre Andorre ». La CEDH contraint la juridiction nationale à prendre en compte et à interpréter un testament qui mettait à l’écart un enfant adopté.

Le protocole n°12 de la CEDH qui a été signé en 2000 et entré en vigueur en 2005 vise à renforcer la lutte contre les discriminations en l’étendant au-delà des droits reconnus par la convention européenne. Cependant, la France n’a toujours pas ratifié ce protocole, ce qui illustre la position des Etats et notamment de la France qui sont extrêmement réticents dans l’application de tels principes. La CEDH admet néanmoins certaines discriminations notamment au nom de la paix sociale. Cette interprétation résulte d’un arrêt du 22décembre 2009 « Sejdic contre Bosnie Herzégovine ». Dans cette affaire, les plaignants se plaignaient car ils ne pouvaient pas être candidats lors de l’élection du parlement parce qu’ils n’appartenaient pas au peuple constituant de la BH.

L’article12 du traité de l’UE garantie le principe de non-discrimination et se décline par 4directives thématiques qui pourchassent des discriminations en raison de la nationalité, race, ethnie, sexe,

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religion, convictions politiques, âge ou orientation sexuelle. L’article6 de la DUDH, l’article3 de la constitution ainsi que le préambule de 1946 garantissent également ce principe.

En revanche, le CC et le CC acceptent une modulation de ce principe à partir du moment où les discriminations sont fondées par des critères objectifs mais surtout s’ils visent un but d’intérêt général. La QPC a permis de renouveler la jurisprudence sur la question des discriminations. A titre d’exemple, il résulte d’une QPC du 9juillet 2010 la possibilité de procéder à une différence de traitement lorsque celle-ci repose sur un motif d’intérêt général. En l’espèce, une demi-part supplémentaire peut être intégrée dans le calcul de l’impôt sur le revenu pour les titulaires d’une pension militaire, les victimes de guerre et les veuves.

Il résulte également de l’application du décret du 20août 2008 que des associations, spécialisées dans le combat contre les discriminations fondées sur l’origine nationale, raciale, ethnique, religieuse, sur le sexe, les mœurs, l’état de santé ou le handicap, peuvent engager des poursuites. Toutefois, celles-ci seront soumises à l’accord préalable des victimes.Par ailleurs, la pratique du testing est admise par les juridictions pour prouver des discriminations et pour mettre les coupables en situation de récidive. Enfin, le code du travail lutte également de manière active contre les discriminations. Sur le contenu du principe, le législateur a considérablement et largement étendu la liste des critères prohibés de différenciation.

En revanche, si l’on peut se réjouir de cette avancée considérable en matière de lutte contre les discriminations, il convient de préciser que le législateur français a mis du temps avant de reconnaitre l’égalité professionnelle homme-femme puisqu’elle a été érigée en principe depuis une loi 9mars 2001. Le législateur en a tiré les conséquences pratiques en matière d’égalité salariale seulement en 2006.

Dans la fonction publique, il faut attendre l’arrêt « Demoiselle Bauba » du 3juillet 1966 pour que le CE abandonne la position traditionnelle selon laquelle les femmes étaient exemptées de service national et que par conséquence, elles étaient considérées comme des citoyennes incomplètes. Pour cette raison, c’est à juste titre qu’elles étaient privées de l’égalité d’aptitude pour exercer un emploi public. Le statut de 1946 de la fonction publique interdit toute discrimination homme/femme que ce soit à l’entrée de la fonction publique ou dans le déroulement de la carrière sauf exceptions. Ces exceptions se raréfient sous la pression du droit européen.

Enfin, le régime de Vichy avait pénalisé l’homosexualité. Cette dépénalisation a été prolongée par la répression des discriminations en raison des mœurs. La CEDH a condamné l’Autriche en raison de la fixation d’âges différents pour interdire des relations homosexuelles et hétérosexuelles. Pour la cour de justice des communautés européennes, l’interdiction de la discrimination s’étend aux transsexuels dans un arrêt du 30avril 1996. Toutefois, les juges européens respectent la liberté des Etats pour reconnaitre ou non le mariage homosexuel. Cette liberté résulte d’un arrêt du 24juin 2010 « Schalk et Kopf contre Autriche ».

En France, la reconnaissance du mariage homosexuel et surtout du droit à l’adoption pour les couples homosexuels s’est matérialisée par une loi de 2013.

B. Le droit à l’indifférence

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1. Le principe général d’égalité et le droit à l’égalité

Le principe de non-discrimination représente l’égalité formelle tandis que la prise en compte des situations particulières et la reconnaissance des différences incarnent l’égalité réelle. En effet, le CE accepte de considérer le service public comme un outil de redistribution et de solidarité. Le CE admet la possibilité de moduler les tarifs pour ce qui concerne les services publics sociaux facultatifs. Cette possibilité résulte d’un arrêt du 29décembre 1997 « Commune de Gennevilliers et de Nanterre ». Bien évidemment, cette pratique s’appuie sur des critères objectifs tels que les ressources familiales.

Au niveau constitutionnel, l’égalité en droit revendiquée par la DDHC est devenue le droit à l’égalité. Ce droit se traduit par l’égalité des chances et l’égalité de traitement sans pour autant atteindre l’égalité de fait. Bien évidemment, l’égalité n’empêche pas l’individualisation des peines ni l’assujettissement différencié d’une taxe.

2. La parité et les discriminations positives

L’ordonnance du 21avril 1944 accorde le droit de vote aux femmes alors que ce droit était activement revendiqué par les femmes dès la fin de la 1ère GM. Ce droit de vote était d’autant plus légitime qu’il était accordé depuis longtemps aux femmes turques, anglaises, allemandes ainsi que dans la plupart des pays européens.

Avant la parité électorale, les femmes représentaient 53% de la population mais seulement 6% des parlementaires ce qui nous valait en matière d’égalité homme/femme d’être en avant-dernière place des pays européens.

A 2reprises en 1982 et 1999, le CC a refusé l’instauration de quotas électoraux qui auraient permis de ne pas avoir plus de 75% de candidats du même sexe sur les listes municipales. Une loi constitutionnelle de juillet 1999 a révisé la constitution afin d’autoriser la parité électorale en complétant l’article3 de la constitution. 2lois de juin et juillet 2000 ont concrétisé ce principe pour les élections à scrutin de liste. Une loi de mai 2001 a fait de même pour les instances paritaires professionnelles du privé et du public. Plus récemment, en janvier 2011 la parité a été instaurée dans les conseils d’administration et de surveillance des entreprises. Elle interviendra par paliers en 2014 et 2017 en instaurant un quota de 20% puis de 40%. Enfin, un loi du 12mars 2012 prévoit un renforcement progressif de la présence des femmes dans la haute fonction publique. Ainsi, en 2018 il devrait y avoir 40% de femmes.

Pour répondre aux problématiques de la composition de la société, le législateur a également décidé d’instaurer la discrimination positive. C’est un phénomène qui vient des EU où il est appelé « affirmative action ». L’objectif est de corriger les inégalités entre groupes sociaux en distribuant des avantages afin de réaliser l’égalité réelle plutôt que de se contenter de l’égalité formelle. La discrimination positive s’exprime notamment par l’instauration de quotas au profit de minorités. Elles sont permises par le protocole12 de la convention européenne mais il n’a pas été ratifié. La France est extrêmement prudente en matière de discrimination positive car c’est un sujet assez politique. Par exemple, l’institut d’études politiques de Paris qui pratique la discrimination positive, prévue à l’articleL683 du code de l’éducation. Elle s’applique également depuis une loi du 13juillet 1983 à l’égard des mères de famille de plus de 3enfants.

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CHAPITRE 2La protection des conditions de la socialisation de la personne

Section1 : La liberté personnelle

Grâce au développement des droits et des protections reconnus à la personne, on assiste à une formidable croissance de la sphère privée. Ce phénomène conduit la chose publique à s’apparenter à la satisfaction de revendications catégorielle au dépend de la réalisation d’un projet collectif.

Para1 : La liberté personnelle générale et la liberté corporelle

I. La liberté personnelle

La liberté personnelle désigne la liberté générale des articles2 et 4 de la DDHC. Il s’agit d’une liberté mère càd au sens général et le moins précisé. Elle peut être énoncée comme une porte d’entrée unique pour toutes les manifestations de l’autonomie individuelle (aller et venir, mariage). Elle se fonde sur la constitution mais elle trouve toutefois un certain nombre de concrétisations en droit civil et en droit social.

En comparaison avec le droit international, on peut citer l’article2 de la Loi fédérale allemande où chacun a droit au libre épanouissement de sa personnalité pourvu qu’il ne viole pas les droits d’autrui ni n’enfreigne l’ordre constitutionnel ou la morale. Dans le droit constitutionnel italien, notamment dans l’article3 de la constitution, la liberté personne générale est associée à l’épanouissement de la personne. Tandis qu’en droit constitutionnel espagnol, la liberté personnelle est associée à la dignité humaine.

En France, malgré l’alinéa10 du préambule de 1946 qui prévoit que la nation assure à l’individu et à la famille des conditions nécessaires à leur développement, il est regrettable qu’il n’y ait pas d’imbrications entre liberté personnelle et dignité humaine ou épanouissement personnel. Par ailleurs, le CC n’a pas tiré les conséquences de l’alinéa5 de la charte de l’environnement qui précise que la diversité biologique, l’épanouissement de la personne et le progrès des sociétés humaines sont affectés par certains modes de consommation ou de production et par l’exploitation excessive des ressources naturelles pour reconnaitre un véritable droit à l’épanouissement personnel ou au libre développement individuel. D’ailleurs, le CC utilise pour la première fois l’expression liberté personnelle dans une décision du 20juillet 1988 sur la loi d’amnistie qui prévoyait la réintégration de salariés protégés licenciés pour avoir séquestrés leur employeur. Le CC voit dans cette décision une atteinte à la liberté de l’employeur ainsi que des salariés victimes de séquestration dans l’obligation qui leur est faite de fréquenter les auteurs de ces actes sur leur lieu de travail. Dans une autre décision du 25juillet 1989, le CC reconnait la liberté personnelle des salariés mais le juge distingue la vie professionnelle et la vie privée.

De même en matière de licenciement économique, les organisations syndicales ne peuvent pas ester en justice sans justifier d’un mandat express de la part de l’intéressé. Ainsi, au nom de cette liberté personnelle du salarié, celui-ci peut accepter ou refuser le soutien d’un syndicat et peut conduire lui-

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même la défense de ses intérêts. Dans un certain nombre de jurisprudences constitutionnelles, notamment italiennes et portugaises, la liberté personnelle est appréhendée comme un droit à avoir des droits. En revanche, en France, la liberté individuelle semble être une composante de la liberté personnelle générale de l’article4 de la DDHC.

On considère l’usage de ce droit comme une liberté matricienne. La conséquence directe est que l’on assiste à un mouvement d’autonomisation des composantes de la liberté personnelle. Au fur et à mesure, le CC ne rattache plus des libertés individuelles à la constitution mais directement à la liberté personnelle des articles2 et 4 de la DDHC. Par exemple, dans une décision du 23juillet 1999, le CC détache la liberté individuelle de la vie privée. Dans une autre décision concernant la loi relative à la maitrise de l’immigration du 20novembre 2003, le C détache la liberté du mariage de la liberté individuelle.

Le CC exclu que l’autonomie de la personne soit en cause dans le placement d’un individu en cellule de dégrisement depuis une QPC du 8juin 2012. Grâce à la création du référé-sauvegarde ou du référé-liberté, la liberté personnelle apparait dans la jurisprudence administrative pour ce qui concerne le droit des étrangers notamment dans une ordonnance de référé du CE du 27mars 2001 « ministre de l’intérieur contre Djalout ». Dans cette affaire, il s’agit de censurer des entraves à l’autonomie individuelle en dehors de la classique liberté d’aller et venir ou de la liberté du mariage et cette censure concerne par exemple la rétention par le préfet de documents administratifs.

II. La liberté corporelle

A. La définition juridique du corps

La doctrine française civiliste traditionnelle associe le corps et l’esprit notamment en raison de la difficulté pratique à dissocier les atteintes à l’un ou à l’autre. De cette identification découle le principe du consentement de la personne à toute atteinte à son corps ou bien l’exclusion du commerce de la personne et du corps. Actuellement, on assiste à une remise en cause de cette unité et on observe une distinction des 2notions. Ainsi, se dessine une nouvelle approche : la personne juridique possède des droits sur le corps et elle perd ses droits avec son extinction.

Dans le modèle anglo-saxon hérité de l’Habeas Corpus, la personne juridique est considérée comme jouissant d’un droit de propriété sur son corps. En effet, le corps est susceptible de satisfaire à chacune des conditions du droit de propriété. Ainsi, la personne a le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue à condition d’en faire un usage autorisé par les lois et les règlements. La personne juridique a un pouvoir absolu sur son corps hormis la possibilité ou le droit d’en faire un commerce. De ce fait, le corps est assimilé à une chose. Toutefois en raison de cette limite et afin de ne pas assimiler le corps à une chose, le droit positif exclu le droit de propriété classique de la personne sur son corps

B. Les limites à la libre disposition de son corps et le droit de porter atteinte à l’intégrité physique

1. Les limites à la libre disposition du corps

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L’Etat peut limiter l’usage du corps d’une personne pour diverses raisons :

- L’intérêt général- L’ordre public- La santé publique

En revanche, il existe une difficulté pour tracer une frontière juridiquement acceptable entre la volonté et la mission de protection de l’Etat et la préservation d’une liberté corporelle.

a. La prostitution

La définition de la prostitution c’est tout simplement l’exposition au regard d’autrui. Pour la cour de cassation, la prostitution a une autre dimension puisqu’il s’agit de se prêter moyennant une rémunération à des contacts physiques de quelque nature qu’ils soient afin de satisfaire les besoins sexuels d’autrui. Cette définition résulte d’un arrêt de la chambre criminelle du 27mars 1997.

La CEDH ne se prononce pas sur la question de savoir si l’acte de prostitution est dégradant ou inhumain, donc contraire à la convention européenne. Elle juge seulement de l’incompatibilité de la prostitution avec les droits et la dignité de la personne humaine lorsqu’elle est contrainte. Cette interprétation résulte d’un arrêt du 11septembre 2007 « Tremblay contre France ». En l’espèce, la requérante se plaint auprès de la CEDH du fait qu’elle se trouve contrainte à continuer à se prostituer par le fait de l’administration fiscale française qui lui réclame des sommes liées à son activité. Bien évidemment, la France n’a pas été condamnée.

La CJUE a, quant à elle, une vision plus économique de l’activité puisque dans un arrêt du 20novembre 2001 elle a considéré que la prostitution était une activité économique comme une autre. En revanche, la CJUE condamne la prostitution lorsqu’elle résulte d’une traite humaine ou lorsqu’elle met en lumière des activités de proxénétisme. Ces interprétations laissent une marge relativement importante aux Etats membres. D’ailleurs, la plupart des Etats pratique des politiques réglementaristes dans le but de faire coexister protection des prostituées et acceptation des consommateurs. De manière générale, la répression porte sur la prostitution des mineurs et des personnes non consentantes.

Pour illustrer la diversité des mesures mises en place en Europe et notamment au sein de l’UE, on peut citer la réglementation grecque qui permet la prostitution seulement pour les femmes de plus de 21ans et avec une autorisation de la police renouvelable tous les 2ans. La prostitution est également autorisée en Allemagne et aux Pays-Bas. Elle est interdite dans les pays comme le Royaume-Uni qui pratique des politiques abolitionnistes en interdisant notamment le racolage ou les maisons closes. A titre d’exemple, au Royaume-Uni une loi interdit et pénalise « la drague motorisée ». En France, la politique à l’égard de la dépénalisation de la répression de la prostitution a reconnu différentes étapes et jusqu’en 1946, la prostitution était autorisée dans des maisons de tolérance. Sous l’impulsion d’une militante Marthe Richard (prostituée), les maisons de tolérance ont été fermées par une loi du 13avril 1946. En l’état actuel, la prostitution libre et consentie est tolérée. Le législateur français a décidé de réprimer le proxénétisme et la prostitution des mineurs.

Par ailleurs, depuis 2003 on assiste à une politique plus agressive. Le racolage passif est interdit. Cette interdiction s’est construite autour d’un ordre moral mais elle a pour conséquence de pousser

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les prostituées dans la clandestinité et d’entrainer une certaine dégradation de leurs conditions de travail. Pour autant, elle ne fait pas disparaitre l’activité. L’argument qui est souvent mis en avant pour contester cette politique est que l’activité aux yeux de tous permet de protéger à la fois la prostituée et le consommateur.

L’un des moyens par lequel l’Etat tente de lutter contre la prostitution et plus précisément contre le proxénétisme c’est d’instaurer une taxe sur les services effectués.

b. Le droit médical

Le droit médical permet de consacrer l’expérimentation biomédicale. Cette notion d’expérimentation biomédicale traduit une contradiction entre l’indisponibilité du corps humain, proclamé par le code civil, et le code de la santé publique dont la finalité est de défendre les intérêts de la médecine et de la recherche qui ont besoin d’expérimenter de nouvelles thérapies toujours plus complexes.

L’expérience biomédicale a connu des dérives particulièrement monstrueuses et condamnables notamment lors de la période nazie où les médecins ont procédé à des essais sur des cobayes humains. Les attendus du jugement du tribunal de Nuremberg lors du procès de ces médecins sont appelés « code de Nuremberg ».

Il en ressort quelques principes rudimentaires en matière d’expérimentation médicale :

- Le droit qui appartient au patient d’arrêter l’expérimentation à tout moment, dès qu’il le souhaite.

- Les risques encourus par les patients doivent être moins importants que les bénéfices de l’expérimentation.

- Les résultats et les recherches doivent être réellement utiles pour la société.

Aujourd’hui, en France, le code de la santé publique à travers l’articleL1121-1 prévoit 3hypothèses de recherches à dimension médicale sur l’être humain :

- Les recherches biomédicales- Les recherches sans risques- Les recherches observationnelles

Ces expérimentations sont parfaitement encadrées puisqu’elles nécessitent le consentement éclairé du patient. Le patient ne doit pas être rémunéré, il est seulement remboursé de ses frais. Il peut bénéficier d’une indemnité de compensation des désagréments. Les pouvoirs publics devront contrôler l’intérêt scientifique de la recherche, il est nécessaire qu’une expérimentation préclinique suffisante en laboratoire ou sur les animaux ait été effectuée. Les risques doivent être proportionnels aux bénéfices. Les douleurs des patients doivent être réduites au minimum et enfin, les personnes protégées ne peuvent se prêter à ces recherches. Ces personnes sont les mineurs, les femmes enceintes, les détenus, …

c. Le droit de procréer

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Le droit de procréer n’est plus considéré uniquement comme une liberté notamment depuis que le législateur a prévu des mécanismes d’assistance à la procréation d’un couple qui ne parvient pas seul à ses fins. En raison d’un certain nombre d’impératifs notamment démographique et religieux, la conception n’est un choix individuel que depuis peu.

Une loi française de 1920 interdisait la propagande anti conceptuelle. En revanche, le législateur n’avait pas interdit la prescription ou l’usage de contraceptifs. Les contraceptifs sont autorisés clairement par le législateur depuis une loi du 28décembre 1967. En revanche, l’interdiction de la publicité pour les contraceptifs n’a été abrogée pour les préservatifs que depuis la loi du 30décembre 1987. Indépendamment du préservatif, les autres moyens contraceptifs ne peuvent faire l’objet de publicité. L’accès à la contraception a été facilité par une loi du 13décembre 2000. Elle pose une exception à l’obligation de prescription médicale de la pilule dite du lendemain.

Dans un degré plus violent, la stérilisation est considérée comme une mutilation. Du fait de cette caractéristique, elle est interdite en France sauf pour des motifs thérapeutiques. Un avis retentissant de la cour de cassation du 6juillet 1998 estime prohiber par l’article13-3 du code civil une ligature des trompes à l’encontre d’une fille incapable majeure par sa mère. Par ailleurs, la loi du 4juillet 2001 réformant l’IVG permet d’encadrer des stérilisations de confort pour les majeurs sous conditions. La stérilisation contraceptive involontaire est admise dans certains Etats à l’encontre de malades mentaux, il s’agit par exemple du Danemark ou certains Etats des Etats-Unis. En France, elle demeure interdite pour les mineurs mais elle est possible dans certains cas très strict et très encadré par la loi pour les majeurs malades mentaux. Cette possibilité résulte de l’articleL2123-2 du code de la santé publique. Cette possibilité est offerte seulement lorsque les autres modes de contraception sont médicalement contre-indiqués. On tolère une telle atteinte à l’intégrité physique du patient afin de protéger l’enfant à venir. La Slovaquie a été condamnée par la CEDH dans un arrêt du 8novembre 2011 car elle effectuait des stérilisations sans consentement de femmes rom illettrées.

Pour la CEDH le droit de procréer fait partie du droit au respect de la vie privée. Cette reconnaissance permet par le biais de l’article8 de la CEDH de protéger l’assistance médicale à la procréation. Ainsi, chaque membre du couple peut donc revenir sur son consentement. Il n’y a pas d’obligations à poursuivre une assistance médicale à la procréation. Ce droit au respect de la vie privée est extrêmement protégé par la cour puisque à titre d’exemple dans une affaire « Dickson contre Royaume-Uni » du 4décembre 2007, la cour a autorisé un condamné à perpétuité à recourir à l’assistance médicale à la procréation malgré le refus de l’administration britannique. L’interprétation de la France est limitée à des cas pathologiques comme l’infertilité ou la possibilité d’éviter la transmission d’une maladie génétique. Au-delà de ces conditions et indications médicales, la France maintient des conditions sociales. Seuls l’homme et la femme formant un couple (marié ou concubin depuis 2011) en âge de procréer et qui sont consentants peuvent le faire.

L’insémination post mortem est interdite en France. Dans certains pays elle est autorisée.

Les conditions sont plus strictes lors d’un don d’un tiers. Il faut nécessairement le consentement devant un juge ou un notaire. Ce don peut intervenir de façon subsidiaire lorsque l’assistance médicale à la procréation n’est pas possible à l’intérieur du couple. Depuis une loi du 7juillet 2011 ces conditions se sont assouplies puisqu’auparavant il était nécessaire que le donneur ait déjà procréé. Par ailleurs, la congélation ultrarapide des ovocytes est désormais autorisée ce qui permet de

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constituer des banques plus durables. Le recours à une mère porteuse qui donnerait également son ovule en plus de son ovocyte est interdit par le code civil depuis 1994, article16-7.

On distingue la mère porteuse de la gestation pour autrui qui se résume à une location d’utérus puisque la femme n’a aucun lien génétique avec l’enfant. Elle est également interdite par l’article16-7 du code civil qui ne fait pas de distinction. Enfin, la cour de cassation a refusé par 3arrêts du 6avril 2011 l’inscription à l’état civil français de filiation issue de gestation pour autrui, effectuée à l’étranger. Cette position de la cour de cassation ne porte pas atteinte aux intérêts supérieurs de l’enfant en raison de la filiation qui est établie à l’étranger et de la communauté de vie avec les parents commanditaires.

d. Le droit d’avortement

L’interruption volontaire de grossesse était un crime jusqu’en 1923. A partir de cette date, l’IVG est devenue un délit correctionnel. Malgré l’extrême rareté des procès, la correctionnalisation avait pour but de durcir la répression en la matière en la confiant non pas à la compassion des jurys populaires mais à des magistrats. Sous le régime de Vichy, l’IVG était considérée comme un crime contre la nation. Il faudra attendre le 17janvier 1975 avec la loi Veil pour que l’avortement soit dépénalisé. Cette loi a été soumise au contrôle du conseil constitutionnel qui l’a déclaré conforme à la constitution. Elle a été également déclarée conforme aux traités internationaux par le CE dans un arrêt du 21décembre 1990 « confédération nationale des associations familiales catholiques ». La pratique de l’auto-avortement a été dépénalisée par la loi du 27anvier 1993. En revanche, la personne qui aide en matière d’auto-avortement commet toujours un délit. Depuis octobre 2012, la sécurité sociale rembourse l’IVG à hauteur de 100%.

Depuis une loi Aubry-Guigou du 4juillet 2001, l’IVG peut être pratiquée dans les 12premières semaines et le choix appartient exclusivement à la mère et le père ne peut s’y opposer. Depuis 2001, une mineure n’a plus besoin de l’accord d’une des personnes exerçant l’autorité parentale. Elle peut se faire accompagner par la personne de son choix. Une semaine de réflexion est obligatoire dans tous les cas. Un médecin peut refuser de pratiquer un tel acte par le biais d’une clause de conscience. En revanche, un médecin qui a la qualité de chef de service ne peut pas revendiquer une telle clause pour l’ensemble de son service.

La CEDH va jouer un rôle en matière d’avortement puisqu’elle va consacrer un droit à l’information. Dans un arrêt du 29octobre 1992, la CEDH contraint les Etats à informer les patientes. Elle va refuser de reconnaitre un droit à l’avortement : arrêt de décembre 2010. Elle va également préciser que l’interdiction de l’avortement ne doit pas porter atteinte disproportionnée à l’article8 de la convention européenne càd au droit à la vie de la mère.

L’interdiction médicale de grossesse ou l’avortement thérapeutique est autorisé depuis 1852 et a été légalisée en 1939. Cette pratique doit résulter d’un grave péril pour la santé de la mère ou lorsque l’enfant risque d’être atteint d’une infection incurable. Cette pratique est un droit de la mère et non un choix des médecins si l’infection est incurable. La responsabilité des médecins peut être engagée s’il ne réalise pas tous les dépistages permettant de détecter une telle infection.

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2. La liberté de porter atteinte à l’intégrité corporelle

L’indisponibilité du corps n’empêche pas des atteintes à l’intégrité physique pour d’autres motifs que la sauvegarde de sa santé.

a. Le don

Le consentement prend la forme de don de produits ou d’organes du corps pour autrui. Par ailleurs, l’indisponibilité du corps subie de plus en plus d’exceptions qui résultent souvent par des raisons de convenance personnelle ce qui semble indiquer une inversion progressive de la règle.

Pour ce qui concerne les dons d’organes ou d’éléments du corps, de tels actes se divisent en 2régimes selon leur non-régénérabilité (organes) ou leur régénérabilité (cheveux, peau, sang, …). Les principes généraux de protection ne s’appliquent pas aux produits courants. Il convient de préciser que la transfusion sanguine, le lait humain, les dons de sang ou de cordon ombilical obéissent à des régimes spéciaux en terme de prélèvement, conservation et distribution. Ces régimes spéciaux s’expliquent notamment par leur objectif qui n’est pas de protéger le corps puisqu’ils ne mettent pas en danger celui-ci mais d’assurer la qualité sanitaire de ces dons.

Il faut noter que le don de moelle osseuse comporte des exigences renforcées en raison notamment des risques encourus par le donneur. Le législateur est particulièrement vigilant pour les dons d’organe afin d’éviter l’exploitation des plus faibles. C’est un des domaines les plus anciens du bio droit puisque les textes les plus anciens remontent en 1976 avec la loi Cavaillet. Dans le code de la santé publique c’est l’articleL1231-1 qui règlemente une telle activité. Les prélèvements de tissus ou de cellules ainsi que la collecte de produits du corps ne peuvent viser qu’un but thérapeutique ou scientifique. Il est nécessaire que l’intéressé soit consentant et qu’il formule son accord par écrit. Il peut à tout moment revenir sur sa décision.

De tels prélèvements, lorsqu’ils visent un don, ne peuvent être effectués sur une personne mineure ou sur une personne majeure protégée. Quant au don d’organes il est soumis à des principes encore plus strictes en l’occurrence le consentement du donneur, la gratuité et l’anonymat du don, l’obligation pour l’établissement d’être agrémenté et la séparation de l’acte de prélèvement et de l’acte de transplantation qui doivent être gérés par des médecins différents dans des services différents.

Depuis 2004, l’agence de la biomédecine gère les attributions de greffe à partir d’une liste nationale. En raison de la pénurie d’organes, le législateur a peu à peu libéralisé le régime des dons d’organes de personnes vivantes. Afin de garantir l’équilibre des risques entre le donneur et le receveur, ce don doit s’effectuer seulement dans un but thérapeutique. Le consentement révocable du donneur s’exprime devant un magistrat. Le donneur doit être informé par un comité d’experts sur les risques qu’il encoure. Ce type de don doit en principe bénéficier aux proches du donneur. Depuis la loi du 7juillet 2011, il est possible pour un donneur de faire bénéficier de son don toutes personnes ayant un lien affectif étroit et stable avec le donneur depuis 2ans. C’est étroitement contrôlé par le législateur car il faut éviter que se développe un commerce parallèle du don d’organe.

Les prélèvements sont interdits sur les mineurs et sur les majeurs protégés sauf en ce qui concerne les mineurs, il est possible de prélever de la moelle osseuse. Sur les cadavres, une présomption de

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consentement est nécessaire au don d’organes. Celle-ci se matérialise par l’absence de refus de son vivant. Ce principe a été généralisé dans une loi du 6août 2004 à tous les prélèvements post mortem. La loi prévoit que le simple témoignage d’une famille suffit pour renverser la présomption. Tout prélèvement d’organe doit obligatoirement entrainer de la part des médecins une information des proches de la personne décédée. En cas de défaut d’information, la responsabilité du médecin peut être engagée. Pour les personnes incapables, il faut obligatoirement le consentement du tuteur ou des parents.

b. Les modifications de convenance du corps

La chirurgie réparatrice se distingue de la chirurgie esthétique puisque la première fait suite à une indication thérapeutique alors que la seconde ne repose que sur une convenance personnelle. Une victime peut préférer l’indemnisation d’un préjudice esthétique et refuser de l’éliminer par une opération chirurgicale.

La chirurgie esthétique ainsi que les tatouages ne sont pas des droits à proprement parler mais la justice ne leur impose pas l’indisponibilité du corps. Pour la CEDH, l’apparence physique ne peut pas être imposée par un Etat sans violer l’article3 de la convention européenne. A titre d’exemple, il est interdit de raser le crâne d’un détenu contre sa volonté. Cette interprétation résulte d’un arrêt du 11décembre 2003 « Yangkov contre Bulgarie ».

Pendant longtemps, l’acte de chirurgie esthétique n’était pas réglementé. L’article16-3 du code civil ne permet les atteintes à l’intégrité physique que pour motif thérapeutique ce qui a conduit à l’absence de contentieux pour interdire la chirurgie esthétique. D’ailleurs, la tolérance sociale était relayée par les parquets et justifiée en doctrine par le fait que les patients qui n’assumaient pas leur apparence physique pouvaient se retrouver dans des états dépressifs mettant ainsi en péril leur santé. Cette interprétation permet de reconnaitre une dimension thérapeutique dans chaque opération esthétique d’où l’intervention du législateur et l’édiction de l’articleL6322-1 du code de la santé publique qui permet de réglementer la chirurgie esthétique. Par principe, sont exclus les actes médicaux non chirurgicaux à visée esthétique. Cette tolérance du législateur constitue seulement une dérogation et non un droit de créance pour le conseil d’Etat : arrêt du 21mars 2007 « association française des médecins esthéticiens ».

Un certain nombre de pratiques esthétiques qui visent à déformer le corps et l’aspect de l’être humain flirtent avec les limites de l’ordre public parce que la pratique de certaines modifications corporelles sert uniquement à provoquer la morale et la bienséance. La remise en question du corps et de sa perception passe souvent par des atteintes à la chair. Le corps est considéré comme un objet de libre disposition. Ces pratiques sont néanmoins tolérées par la société vis-à-vis des artistes consentants qui font usage de tels procédés, ce qui explique l’absence de contentieux.

Para2 : Le droit à l’identité et à la vie privée

I. Le droit à une identification et à une identité

Il s’agit tout simplement du droit reconnu à chaque individu d’être identifié par un Etat. L’Etat confère certes une identité aux individus mais celle-ci s’accompagne également du droit pour la

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personne concernée d’avoir une certaine maitrise sur cette identité.

A. Le droit à une identification

Chaque individu a besoin d’une identité car c’est à travers celle-ci qu’il va pouvoir s’insérer socialement dans un Etat et se construire psychologiquement. C’est aussi à travers la reconnaissance de cette identification que l’individu va pouvoir exercer un certain nombre de droits et de libertés comme par exemple la libre-circulation. Cette identification passe par un certain nombre de droits.

1. Le droit à un état civil

L’état civil d’une personne comprend en règle générale son sexe, sa filiation, son prénom, son nom, sa date et son lieu de naissance, son domicile et sa profession. Ce droit à un état civil, même s’il dépend de la pratique et de l’interprétation des Etats, découle d’un certain nombre de conventions internationales. Le droit à une filiation découle d’une loi du 8janvier 1993 relative à l’état civil, la famille et au droit de l’enfant. Le droit à une filiation donne une tournure plus subjective à un système d’identification nécessaire à tout Etat moderne.

Il est possible aujourd’hui d’exhumer un cadavre pour faire parler l’ADN d’un éventuel géniteur afin de reconnaitre la filiation d’un autre individu. Cette possibilité est conditionnée par l’accord express de la personne exhumée de son vivant et cette disposition est prévue par l’article16-11 ali5 du code civil. Ce droit posthume à la vie privée a d’abord fait l’objet d’une QPC du 30septembre 2011. Le conseil constitutionnel a reconnu que le droit posthume à la vie privée prime sur le droit d’identité des vivants.

Le code civil français identifie chacun par son nom de naissance mais admet l’usage du nom du conjoint. Depuis une loi du 4mars 2002 concernant le nom de l’enfant, le code civil permet aux parents de choisir le nom de l’enfant parmi les noms des parents : article311-21. Le droit du nom est aujourd’hui de plus en plus complété par un véritable droit au nom ainsi la CEDH juge discriminatoire que le mari ne puisse accoler le nom de son épouse au sien alors que l’épouse peut faire l’inverse. L’Etat ne peut plus imposer à l’épouse de porter le nom de son mari depuis un arrêt du 16novembre 2004 « Telkeli contre Turquie ». Le droit au prénom est également défendu comme ayant un caractère intime et entrant dans la sphère privée du couple. Chaque année, environ 1500personnes demandent à changer de nom. Pour le faire ils doivent démontrer un intérêt moral et aussi pour éviter la disparition d’un nom. Le CE a encadré de manière assez stricte les motifs permettant le changement de nom. La CEDH est beaucoup plus libérale puisqu’elle a des critères beaucoup moins strictes et elle autorise plus facilement le changement de nom.

2. Le droit à une nationalité

L’article15 de la DUDH garanti à chacun le droit à une nationalité. Par conséquent, l’apatride doit être évitée. Nul ne peut être privé arbitrairement de sa nationalité. L’attribution de la nationalité demeure une prérogative souveraine des Etats. Le CE a jugé que le droit à la nationalité n’était ni directement ni indirectement contenu dans la CEDH : arrêt du 18juin 2003 « Omar X ».

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Par ailleurs, la CEDH a condamné la Slovénie pour avoir traité comme des illégaux et non comme des étrangers des personnes vivantes sur son territoire et n’ayant pas demandé dans un certain délai la nationalité Slovène : arrêt du 26juin 2012 « Kuric et autres contre Slovénie ».

Si on compare le droit français aux autres droits, on constate qu’il est traditionnellement plus généreux pour attribuer la nationalité française. Il résulte notamment de l’article21 du code civil que « tout enfant d’un français est français ». En l’absence d’autres rattachements un enfant né en France possède la nationalité française. Le mariage ainsi que la résidence en France permettent également l’obtention de la nationalité française. Il y a un certain nombre de contraintes, à titre d’exemple, le CC a été saisi d’une QPC le 30mars 2012 où il a eu l’occasion de préciser que le fait d’exiger dans le cadre du mariage, 1an de durée de vie commune ne constituait pas une atteinte à la vie privée.

La déclaration de nationalité et la décision prise par l’autorité publique permettent d’acquérir la nationalité française. En outre, le droit français permet également de bénéficier de la double-nationalité. Il convient néanmoins de préciser que toute nationalisation/naturalisation reste conditionnée à un certain nombre de tests prouvant l’assimilation réussie à la communauté nationale. Ces tests, suivant leur degré de difficulté, sont un frein à l’accès de la nationalité française.

Les tests sont par exemple :

- La maitrise de la langue française- La connaissance des principaux droits et devoirs du citoyen français

Par ailleurs, à l’occasion d’un certain nombre de décisions du CE, il a été considéré que la pratique de la polygamie ou encore le port de la burka pouvaient être considérés comme des défauts d’assimilation : arrêt 27juin 2008 « Mme Faiza ».

Le fondement de ces arguments du CE est que l’expression, la pratique de ces modes de vie sont contraires à des principes républicains tel que l’égalité des sexes et donc, en raison de cette caractéristique, l’autorité publique peut refuser l’acte de naturalisation. La déchéance de nationalité ne concerne que les français naturalisés ayant conservés leur nationalité d’origine. En cas de déchéance de la nationalité, les faits reprochés à l’intéressé doivent selon leur gravité avoir eu lieu antérieurement à l’acquisition de la nationalité française ou dans un délai de 10 à 25ans après son acquisition. On voit une rupture du principe d’égalité en fonction du national et de l’étranger. La déchéance de la nationalité prend la forme d’un décret en CE mais elle ne peut avoir pour conséquence de rendre la personne concernée dans une situation d’apatride. Ce décret tire les conséquences soit d’une indignité soit d’un défaut de loyalisme. Ce décret peut résulter d’un crime ou d’un délit portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation (ex : terrorisme, soustraction aux obligations du service national, un acte de collaboration avec un Etat étranger qui pourrait être préjudiciable aux intérêts de la France, …)

L’apatride n’a pas de nationalité donc il a dû être protégé par la convention de New York du 28décembre 1954. Le droit français est obligé de lui accorder une carte de séjour temporaire et au bout de 3ans cette carte se transforme en carte de résident. L’expulsion de l’apatride est impossible et elle ne pourrait se faire que pour des raisons de sécurité nationale.

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B. Le droit à une identité vécue

Le droit à l’identification qui est conféré par l’Etat à l’individu se complète par un droit de l’individu à développer sa propre personnalité en faisant reconnaitre, indépendamment du droit à l’identification, son identité vécue ou réelle par la collectivité. L’individu peut faire reconnaitre à l’Etat certains éléments choisis ou ressentis de son identité. Par conséquent, il est possible de faire passer de la sphère privée à la sphère publique un certain nombre d’éléments de l’identité et de les faire reconnaitre officiellement.

1. Le transsexualisme

En principe, le genre sexuel est une donnée immuable de la personne. Cependant, aujourd’hui la conviction d’appartenir à l’autre sexe n’est plus compris comme une maladie mais simplement comme la manifestation d’une discordance entre le sexe anatomique et le sexe psychologique. Par conséquent, la mise en harmonie de cette situation passe non seulement par un changement physique de sexe mais aussi et surtout par la reconnaissance de ce changement par l’état civil. Cette mise en concordance de l’anatomique avec le psychologique se heurte aux rigidités du droit.

L’opération médicale modificatrice a longtemps été considérée comme une mutilation. L’atteinte à l’apparence physique devait être justifiée par un motif thérapeutique. Les médecins devaient valider cette transformation par l’identification d’un syndrome de transsexualisme càd d’une pathologie. De récentes évolutions tendent à reconnaitre un droit à l’identité vécue en matière de genre sexuel. Par conséquent, la liberté corporelle càd la liberté de modifier son anatomie l’importe sur la protection objective de l’intégrité physique. In fine, le transsexualisme n’est plus considéré comme une maladie. L’autorité administrative exige simplement une opération chirurgicale comme condition de changement de sexe dans les registres de l’état civil.

Cette évolution suscite un autre débat : est-ce que l’Etat peut imposer à un individu une mutilation, une atteinte à l’intégrité physique des individus ? La question est légitime puisque pour bénéficier de cette liberté, l’Etat impose une opération, une mutilation. Puisque le désordre n’est que d’ordre psychologique, pourquoi imposer à tous les individus une opération ?

La CEDH reconnait les transsexuels et leur accorde un certain nombre de droits et notamment le droit au mariage.

2. Le droit à la connaissance de ses origines biologiques

Il y a des situations où des personnes ignorent leur origine biologique.

Ces situations concernent :

- Les enfants naturels sans père- Les enfants accouchés sous X- Les enfants abandonnés- Les enfants issus d’insémination artificielle avec donneur.

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Ces situations suscitent un certain nombre de questions puisque de nombreux psychiatres considèrent que l’ignorance de ses origines biologiques constitue une entrave au plein épanouissement de la personnalité des personnes concernées. Pour éviter cela, le droit français devrait s’engager sur la voie de la reconnaissance à l’accès systématique aux informations relatives aux origines. Cependant, le droit français préfère conserver sa conception traditionnelle d’une identité artificielle.

Si l’on se réfère à l’article7 de la convention de New-York relative aux droits de l’enfant, on reconnait à tout enfant le droit de connaitre ses parents. Toutefois, dans cette conception le donneur de gamètes n’est pas reconnu comme le géniteur. Seuls les médecins connaissent et peuvent accéder à des informations médicales non-identifiants dans l’intérêt de la santé de l’enfant. Ainsi, l’enfant issu d’une procréation médicalement assistée n’est pas un enfant adopté et le donneur ne peut être considéré comme son père naturel.

Si l’on prend l’exemple de l’Allemagne, tout enfant au nom du droit constitutionnel à l’identité peut accéder à ses origines biologiques.

Par une décision du 27juillet 1994, le CC a rejeté l’argument de requérant selon lequel l’interdiction de connaitre le donneur de gamètes d’une procréation médicalement assistée avec un tiers donneur contredisait le droit à la connaissance de ses origines lié au droit du libre épanouissement de sa personnalité. Le CC a considéré qu’aucun principe constitutionnel ne prohibait l’interdiction législative d’établir un lien de filiation entre un enfant issu de procréation et le donneur de gamètes. Cette protection de l’anonymat pourrait être remise en cause par la CEDH.

Le droit français connait un certain nombre d’exceptions. En effet, depuis 1993 le secret de l’accouchement sous X peut être levé sous certaines conditions. Pourtant, la levée de ce secret ne fait pas l’unanimité puisque l’accouchement sous X poursuit un double objectif, celui de limiter l’IVG et celui de protéger les nouveau-nés qui n’étaient pas désirés. La mère qui accouche sous X est invitée à laisser des renseignements d’une part sur la santé du père et de la mère et d’autre part sur les origines de l’enfant. Depuis la loi du 22janvier 2002, l’article147-1 du code d’action sociale a mis en place un conseil national pour l’accès aux origines personnelles (CNAOP). Ce conseil est chargé de l’accompagnement des femmes accouchant sous X. Il reçoit les demandes d’accès à l’origine des enfants nés sous X.

Le système français a été sanctionné par la CEDH. En effet, les juges strasbourgeois ont reproché à la France de ne pas avoir tiré les conséquences d’un test ADN positif en modifiant l’état civil de l’intéressé faute du consentement du parent défunt : arrêt 16juin 2011 « Pascaud contre France ».

Dans une autre affaire du 13février 2003 « Odieve contre France », la CEDH a reconnu une marge d’appréciation des Etats afin de concilier les droits de la mère et les droits de l’enfant en permettant aux Etats d’interdire la levée complète des informations de la naissance.

II. Le droit à la vie privée, du secret à l’autonomie

En droit français il s’agit d’un droit qui est rattaché à la liberté personnelle : article2 DDHC. Ce rattachement a été opéré par le CC qui considère que c’est une liberté personnelle. Par ailleurs, la CEDH fait du droit à la vie privée un droit de l’Homme à part entière conformément à l’article8 de la

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convention européenne qui reconnait à chacun le droit à l’intimité et à une vie de famille. Ainsi, la France a une approche étroite du droit à la vie privée puisqu’elle privilégie le droit au secret de la sphère privée : article9 du code civil. La CEDH a une conception beaucoup plus large. La cour englobe toutes les composantes de l’autonomie personnelle (identité, libre disposition de soi, …).

Depuis peu, on observe un rapprochement entre les approches européennes du droit à la vie privée et l’approche américaine. Ce rapprochement s’illustre dans un certain nombre de jurisprudences européennes actuelles. La conception américaine a été conceptualisée dès 1890 par les juges de la cour suprême Samuel Warren et Louis Brandeis. Cette conception qui inspire la jurisprudence européenne conduit à protéger la vie privée de manière différente selon que l’atteinte provient de l’Etat ou selon que l’atteinte provient d’un tiers. Si l’atteinte provient d’un tiers, elle est en concurrence avec la liberté d’expression du premier amendement qui possède une sorte de priorité. En revanche, si l’atteinte provient de l’Etat une distinction doit être faite entre les personnes avec ou sans vie publique. En effet, aux EU un individu peut garder tout secret vis-à-vis de l’Etat tant qu’il ne mène pas une carrière publique. S’il mène une carrière publique, il doit accepter de vivre au grand jour. Cette disposition résulte d’une interprétation de la cour suprême de 1976 « US contre Miller ».

La notion de droit à la vie privée découle du droit de propriété garanti par le 44ème amendement. Elle s’apparente à un prolongement du domicile en droit américain. C’est sur ce fondement que la cour suprême a accepté un certain nombre de droits comme le droit à l’avortement. Sur ce fondement, la cour suprême a accepté la législation permettant la vente de contraceptif.

Le droit au respect de la vie privée, en ce qui concerne la France, figure dans l’article12 de la DUDH et dans l’article8 de la CEDH. La CEDH utilise ce droit fondamental de manière extensible. En effet, dans le droit à la vie privée, la cour inclue le lieu de travail considérant qu’il s’agit d’un lieu de contact avec le monde extérieur et d’une passerelle avec le droit de nouer des liens avec autrui. La CEDH reconnait également à travers ce droit, le droit de vivre dans un environnement sain ou encore le droit à un mode de vie traditionnel. Enfin, elle reconnait le droit au prénom. En réalité, le noyau dur du droit à la vie privée tel qu’il est interprété par la CEDH revient à protéger tout individu d’une intrusion dans sa sphère intime.

A. La protection de l’intimité

L’intimité doit être considérée comme le noyau dur du droit à la vie privée et la protection de l’intimité est garanti par le droit pénal notamment par l’article226-1 du code pénal.

Il convient de définir la notion d’intimité à travers l’intimité du corps et de la santé. La protection de l’intimité est garantie également par le code de la santé publique qui conjointement avec le code pénal organise la protection du secret de l’état de santé. Les fouilles corporelles qui ne portent pas atteinte à la dignité individuelle ou à l’intégrité physique doivent respecter la vie privée. La CEDH a sanctionné des fouilles qui portaient atteinte à la vie privée dans la mesure où elles étaient publiques et donc qui suscitaient embarras et indignation pour les personnes qui en étaient victimes. Le Royaume-Uni a été condamné par un arrêt de la CEDH le 12janvier 2010.

1. La protection du domicile

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Le domicile est assimilé au lieu de résidence, il est considéré comme un lieu privé. De ce fait, il doit être protégé. La conception est assez extensible puisqu’un véhicule peut être dans certains cas considéré comme un domicile. Dans ce cas, il bénéficie des mêmes protections que le lieu de résidence classique, conventionnel.

Le CC réserve sur le fondement de l’article66 de la constitution le contrôle des perquisitions des visites domiciliaires et des saisies de nuit à l’autorité judiciaire. Seule l’autorité judiciaire est compétente pour procéder à une violation de l’intimité, du domicile. Un certain nombre de limites sont imposées à l’autorité judiciaire et la principale limite est l’interdiction d’effectuer de tels actes entre 21h et 6h du matin sauf dérogation en cas de trafic de stups et terrorisme. L’article226-4 du code pénal réprime la violation de domiciles. Le droit de jouir de son domicile implique également la protection de l’individu contre les nuisances sonores. Cette interprétation résulte d’un arrêt de la CEDH du 20mai 2010 « Holvic contre Croatie ».

2. La protection de la correspondance et de la voix.

L’article226-5 réprime le fait de violer la correspondance d’autrui. La loi du 10juillet 1991 qui a été modifiée par celle du 9mars 2004 permet soit au juge d’instruction soit aux officiers de police judiciaire sous contrôle des magistrats de procéder à des écoutes dans le cadre d’une enquête préliminaire ou dans le cadre d’une enquête de flagrant délit. Toutefois, une telle procédure ne peut se faire sans l’autorisation du juge des libertés et de la détention.

Pour ce qui concerne les interceptions de sécurité, c’est plus problématique car ce sont des écoutes administratives qui sont diligentées par l’exécutif, le 1er ministre, à la demande des ministres concernés afin de récolter des informations concernant la sécurité nationale, la sauvegarde d’éléments essentiels de potentiel économique et scientifique du pays, la prévention du terrorisme ou de la criminalité et de la délinquance organisée. Ces écoutes sont prévues par une loi du 10juillet 1991. En revanche, les interceptions de sécurité sont contrôlées par une autorité administrative indépendante qui est la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS).

Elle composée de 3membres :

- 1 nommé par le président de la République sur une liste de 4personnes qui lui sont proposées par le CE et la cour de cassation.

- 2parlementaires désignés par le président de leur assemblée.

Cette autorité administrative indépendante peut être saisie d’une plainte et elle peut recommander l’arrêt des interceptions de sécurité. Bien évidemment, l’exécutif n’est pas lié par elle.

3. Le droit à l’image

L’image fait partie de la vie privée et plus précisément de l’intimité de l’individu. Par conséquent, elle doit être protégée lorsqu’elle a été exploitée sans le consentement de l’intéressé. Une image captée dans un lieu public ne peut être diffusée sans le consentement de la personne identifiable. En revanche, un personnage public ne peut bénéficier d’une telle protection à moins que l’image exploitée ait été prise dans son espace privée.

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Depuis la loi du 21décembre 2010 sur la vidéo-protection, la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure « Oppsi », on prévoit le contrôle des systèmes de vidéo-protection par la CNID.

4. A travers les données personnelles

La protection des données personnelles a gagné en importance jusqu’à devenir un enjeu majeur notamment avec l’émergence des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Cette protection des données personnelles est garantie par la CEDH qui a eu l’occasion de la rappeler dans plusieurs arrêts et par l’article8 du traité de fonctionnement de l’UE. Sur un plan purement interne, dès 1978 la loi du 6janvier relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés révisée par la loi du 29juillet 2004 sert de base à l’ensemble des droits relatifs à la protection des personnes face aux usages de l’informatique et plus précisément aux usages des fichiers.

Le principe est implicitement de reconnaitre la liberté de collecter des informations. En revanche, cette collecte d’informations se fait sous réserve du respect d’un certain nombre de droits de la personne. Sont considérées comme des données à caractère personnel toutes les informations qui permettent une identification (ex : la voix, l’image, le nom, l’empreinte digitale, l’adresse IP, …). La personne fichée a le droit d’être informée de la mise en place du fichier comportant les informations personnelles qui la concerne. La personne concernée doit connaitre le responsable, la finalité, le destinataire du traitement, les éventuels transferts à l’étranger et les droits dont elle dispose pour contester son fichage notamment lorsque celui-ci est effectué dans un but commercial.

5. Les fichiers de police

La loi de 1978 prévoyait la création de fichiers spéciaux qui étaient autorisés par arrêté ministériel. Ces fichiers étaient constitués dans l’intérêt de la sûreté de l’Etat, de la sécurité et de la défense nationale mais aussi du droit pénal dans un but préventif et de recherche d’auteurs d’infractions.Les fichiers biométriques et ceux mettant en œuvre le répertoire d’identification nationale des personnes physiques font l’objet d’un décret en CE après avis de la CNID.

Depuis la loi du 18mars 2003 sur la sécurité intérieure, le gouvernement multiplie les fichiers automatisés, les rend de plus en plus complet et interconnecté. A titre d’exemple, le fichier « Cristina : centralisation du renseignement intérieur pour la sécurité du territoire et les intérêts nationaux » permet de rassembler un certain nombre de données relatives à des personnes suspectées d’appartenir à des réseaux terroristes au profit de la direction centrale du renseignement intérieur. Par ailleurs, depuis 2009 le fichier « Salvac : système d’analyse des liens de la violence associée aux crimes » permet de faciliter la constatation d’infractions en rapprochant les individus, les évènements ou les types d’infractions.

La loi « Oppsi II » instaure le fichier national automatisé des empreintes génétiques qui permet d’identifier les personnes suspectes ou disparues par leurs empreintes génétiques. Les données qui figurent dans ce fichier doivent être effacées dès que la suspicion pourra être écartée ou dès que le prévenu sera retrouvé.

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La CEDH a validé la conventionalité du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes qui avait été créé par la loi du 9mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. C’est un arrêt du 17décembre 2009 « Bouchacourt contre France » qui a permis de valider cette conventionalité. Le droit de la CEDH valide et accepte ce genre de fichiers et donc ce genre d’atteinte à la vie privée, à l’intimité. En revanche, la CEDH est relativement bienveillante puisque dans un arrêt de 2008 « Harper contre Royaume-Uni », la cour interdit la collecte systématique de données personnelles, empreintes digitales et échantillons d’ADN pour toute personne impliquée dans une procédure pénale quel qu’en soit l’issue. La CEDH a pu considérer qu’il s’agissait d’une ingérence dans la vie privée au sein de l’article8 de la convention européenne.

B. L’expression de la vie privée dans la sphère publique

La protection de la vie privée inclue les relations professionnelles càd que tout travailleur doit pouvoir exercer certaines libertés pendant son travail. Il convient de distinguer le salarié du privé de l’agent public.

1. Le salarié du privé

Comme le montre la jurisprudence de la cour de cassation, l’employeur ne peut en aucun cas porter atteinte à la vie privée du salarié ni en violant le secret de ces correspondances même si celles-ci seraient sans lien avec le travail ni en écoutant les conversations téléphoniques sauf si la personne est prévenue : arrêt de la CEDH du 25juin 1997 « Halford contre Royaume-Uni ».

Il ne peut pas espionner les courriels mais en revanche, il peut restreindre certains des accès (ex : il peut filtrer l’accès à certains sites, il peut interdire d’accéder à la boite mail personnelle). Dans tous les cas, les interdictions devront être justifiées. Par ailleurs, les dossiers informatiques qui sont affichés comme personnels ne peuvent être ouverts par l’employeur sans autorisation judiciaire. L’employeur ne peut pas diffuser des informations confidentielles sur son employé, il ne peut pas non plus lui demander d’utiliser son domicile à des fins professionnelles ou l’obliger à travailler chez lui. Bien évidemment, des éléments de la vie privée de l’employé ne peuvent pas constituer une cause de licenciement ou de sanction.

En revanche, le contrat de travail peut prévoir des clauses de moralité où l’employeur peut aussi demander à des salariés, plusieurs mois à l’avance, de venir travailler en dehors des heures habituelles. La règle est bien évidemment le consentement mutuel et le contrat de travail.

2. L’agent public

Dans la fonction publique, les agents publics ont une obligation générale de réserve et de dignité puisqu’ils sont soumis à une certaine moralité, non pas seulement dans le cadre de leurs fonctions mais aussi dans leur vie privée. A titre d’exemple, une faute de service peut résulter d’un comportement portant atteinte à la considération du service et jetant le trouble sur la bonne moralité du fonctionnaire auprès des administrés.

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Par conséquent, des poursuites disciplinaires sont possibles en raison d’actes purement privés qui seraient considérés comme contraires aux bonnes mœurs ou à l’honnêteté. Ces poursuites sont relativement rares car c’est une atteinte à la vie privée. On peut citer à titre d’exemple, un professeur de lycée professionnel qui a été soupçonné pour avoir vendu des photos pornographiques sur internet dans le cadre de sa vie privée. D’autres cas ont permis de sanctionner des agents qui auraient consulté pendant leur service des sites à caractère pornographique.

Pour des corps comme la police ou la justice, les restrictions sont renforcées. A titre d’exemple, un magistrat peut être sanctionné par le conseil supérieur de la magistrature à partir du moment où il fait travailler des personnes « au noir » ou s’il ne paye pas ses impôts.

C. Le droit de nouer des relations personnelles

Dans ce droit, il convient d’analyser successivement la liberté sexuelle, la liberté du mariage et de mener une vie de famille normale.

1. La liberté sexuelle

La juridisation récente permet de confirmer que la volonté individuelle et non une morale objective est le seul déterminant de la licéité des pratiques sexuelles. Le point de départ est l’article21 de la charte des droits fondamentaux de l’UE qui interdit toute discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Par conséquent, le couple homosexuel se voit reconnaitre une stricte égalité avec le couple hétérosexuel. Cette égalité est peu à peu reconnue dans les pays occidentaux.

Cette égalité est développée par la CEDH qui va sanctionner, à titre d’exemple, les Etats qui refusent de transférer un bail à un conjoint homosexuel vivant comme dans l’arrêt « Kosak contre Pologne » du 2mars 2010 où la CEDH a condamné la Pologne.

L’interdiction de toute discrimination fondée sur l’orientation sexuelle conduit aussi à limiter la liberté d’expression puisque la limitation de la liberté d’expression sanctionne les propos homophobes : arrêt du 9février 2012 où la CEDH a sanctionné la Suède.

Depuis 2004, le droit français sanctionne justement pénalement tous les propos à caractère homophobe. Par ailleurs, ce principe de non-discrimination a conduit le législateur français à travers l’article515-8 du code civil de rendre possible le concubinage aux homosexuels. Depuis la loi du 15novembre 1999 ce principe permet également aux homosexuels comme aux autres couples de se pacser. Depuis 2013, ils peuvent se marier avec le mariage pour tous.

Ce principe de non-discrimination entre les couples hétérosexuels et homosexuels nous conduit à aborder une autre problématique qui fait encore débat en France, celle de l’homoparentalité. La CEDH pourtant semble ne plus laisser beaucoup de liberté aux Etats et l’arrêt « E.B contre France » du 22janvier 2008 indique qu’il est implicitement discriminatoire qu’une homosexuelle se voit refuser un agrément d’adoption par l’administration du simple fait que dans son entourage il y a un manque de référents masculins. Pour ce qui concerne l’accès à la procréation médicalement assistée, elle est réservée en France aux couples hétérosexuels contrairement à d’autres pays européens.

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Un arrêt de la CEDH du 19février 1997 admet que les Etats puissent fixer des limites d’ordre public quant aux pratiques sexuelles permettant à la morale sociale de compléter le consentement individuel pour délimiter cette notion de liberté sexuelle. En l’espèce, la cour a condamné des pratiques sadomasochistes qui débouchaient sur des atteintes sérieuses à l’intégrité physique. L’Etat peut donc condamner des auteurs de coups et blessures dans le cadre de l’usage de telles pratiques.

Dans l’arrêt « K.A et A. D contre Belgique » du 17février 2007, la CEDH a adopté une position beaucoup plus libérale en considérant que la seule limite entre les pratiques sexuelles acceptables et sanctionnatrices était tout simplement le consentement entre adultes et qu’il n’était pas possible pour les Etats de sanctionner ces pratiques.

2. La liberté du mariage et le droit de mener une vie de famille normale

Pour le conseil constitutionnel, il s’agit d’une composante de la liberté individuelle et aujourd’hui d’une composante de la liberté personnelle qui reste protégée par les articles 2 et 4 de la DDHC. Pour le CE, il s’agit d’un PGD et si l’on se réfère à l’article12 de la convention européenne, ce droit est défendu. Par ailleurs, la CEDH impose aux Etats de le reconnaitre, elle a une approche très libérale puisqu’elle reconnait ce droit aux transsexuels selon l’arrêt « Goodwin contre Royaume-Uni » du 27mars 1996.

Pour ce qui est de la charte des droits fondamentaux de l’UE, son article9 défini le droit de mener une vie de famille normale sans préciser son caractère hétérosexuel ou non.

Ce droit au mariage n’empêche pas les Etats de s’opposer à certains mariages. En effet, la CEDH reconnait aux Etats la possibilité de s’opposer aux mariages blancs et aux mariages forcés. L’âge légal du mariage des femmes a été aligné sur celui des hommes par la loi du 4avril 2006 qui est de 18ans. Une QPC du 28janvier 2010 n’a pas jugé discriminant que le code civil réserve le mariage aux couples hétérosexuels, ce qui a conduit le législateur à intervenir et à modifier la loi en 2013 dans le cadre de l’adoption du mariage pour tous.

La CEDH prête une attention particulière au droit de mener une vie de famille normale. Le droit français n’ignore pas cette disposition puisque l’alinéa10 du préambule de 1946 garantie ce droit. Pour autant, le droit de mener une vie de famille normale ne signifie pas nécessairement le droit de fonder une famille càd qu’il ne découle pas nécessairement de ce droit le droit à l’adoption dans la conception française. Pourtant, la notion de famille que protège la CEDH tient compte des évolutions sociétales et coïncide avec la famille le fait et non la famille biologique. A ce titre la CEDH impose l’égalité des enfants naturels et légitimes y compris en matière de succession : arrêt « Markx contre Belgique » du 13juin 1979.

Pour ce qui concerne la CJUE, elle applique au conjoint du citoyen européen, qui n’a pas la qualité de citoyen de l’UE, de circuler et de séjourner librement dans l’UE.Pour ce qui est de la législation nationale, le CE étend la qualité de réfugié aux membres de la famille immédiate. De cette façon, il renonce à ce que soit expulsé un étranger condamné à une peine de prison en raison de la présence d’un enfant en France.

Section2 : La liberté d’expression et ses dérives

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Para1 : Les définitions générales de la liberté d’expression et de la liberté d’opinion

I. Les sources de la liberté d’opinion et de la liberté d’expression

La liberté d’opinion et la liberté d’expression occupent une place à part car elles sont protégées par les plus hautes juridictions. Elles constituent également un principe garantissant les autres droits fondamentaux et l’existence même de la démocratie.

En effet, le droit d’exprimer et de recevoir des informations conditionne toute vie sociale et politique dans une société ouverte et pluraliste. D’ailleurs, le conseil constitutionnel en fait une des garanties essentielles du respect des autres droits et libertés mais aussi de la souveraineté nationale. Pour la CEDH, la liberté d’opinion et la liberté d’expression jouent un rôle matriciel et leur importance a été reconnue dans l’arrêt « Handyside contre Royaume-Uni » du 7décembre 1976.

La liberté d’opinion se divise en liberté de penser ou d’opinion, qui contient, selon l’article9 de la convention européenne, la liberté de conscience et la liberté de religion. Il faut toutefois noter qu’une étude jurisprudentielle de la CEDH permet de constater que cette liberté de penser ou d’opinion concerne plus précisément la liberté de religion. On parle également de liberté de communication et on peut se référer à l’article10 de la convention européenne et à l’article11 de la charte des droits fondamentaux de l’UE. Cette dernière ne protège pas le contenu mais le support de ce qui est exprimé. L’article10 de la convention couvre tous les aspects de la communication y compris la publicité et la CEDH lui reconnait des effets horizontaux. Par conséquent, l’Etat doit intervenir pour faire cesser les troubles à la liberté de communication engendrés par des personnes privées. Il revient aux Etats la mission de protéger les journalistes menacés. Enfin, l’Etat doit empêcher et il doit lutter contre la constitution des monopoles dans les médias privés, néanmoins le juge de la CEDH autorise des limites à cette liberté. La première de ces limites peut émaner de la loi. Pour autant, le but de la limitation doit être légitime et par conséquent se trouver dans la liste du para2 de l’article10 de la convention. Par ailleurs, la limitation doit être nécessaire et proportionnelle au but recherché. Il y a donc 3limites.

La CEDH protège la circulation des idées et le débat public, même dans des cas très extrêmes. A titre d’exemple, la CEDH a condamné la France dans un arrêt « Lehideux et Isorni contre France » du 23septembre 1998. Ces 2personnes ont vanté les mérites du maréchal Pétain dans un journal. La France les a condamnés et la CEDH a été saisie. Elle a considéré que l’atteinte était disproportionnée.

Par ailleurs, la CEDH a dégagé des limites aux limites puisque le personnel politique bénéficie d’une impunité plus étendue que les autres citoyens en matière de liberté d’expression notamment pour ce qui concerne les critiques à l’encontre d’autres personnalités politiques. Un journaliste qui répercuterait des propos quand bien même seraient-ils racistes, ne peut être inquiété au nom de cette liberté d’expression et d’opinion.

Les libertés d’expression et de communication sont protégées par l’article11 de la DDHC en France et ils sont considérés comme des principaux fondamentaux reconnus par les lois de la République. Le conseil constitutionnel, sur ce point-là, suit la jurisprudence de la CEDH en protégeant le pluralisme comme étant la condition nécessaire à l’établissement d’une société démocratique. Ainsi, le pluralisme des quotidiens d’information politique générale constitue un objectif à valeur constitutionnel. Cette interprétation résulte d’une décision du conseil constitutionnel du 11octobre

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1984, considérant 38. Cet objectif à valeur constitutionnelle permet au législateur de limiter le contrôle ou la possession de quotidien à des plafonds de diffusion. Enfin, le conseil constitutionnel reconnait comme objectif à valeur constitutionnelle la transparence financière des entreprises de presse. La loi peut rendre obligatoire le fait que les dirigeants réels soient connus du public.

II. Les conceptions de la liberté d’opinion et de la liberté d’expression

A. La liberté de penser ou d’opinion

L’alinéa5 du préambule de 1946 empêche toute personne de léser une autre en raison de ses opinions. Ainsi, le délit d’opinion est interdit et le conseil constitutionnel reconnait la liberté d’opinion aux enseignants chercheurs : décision du 28juillet 1993 considérant7.

L’Etat doit être indifférent aux opinions de ses fonctionnaires et les fonctionnaires de ces Etats doivent être indifférents aux opinions des administrés. Ces opinions ne peuvent pas figurer dans le dossier administratif du fonctionnaire de la même façon que les opinions des salariés ne peuvent pas figurer dans leur dossier administratif. Cependant, le fonctionnaire doit faire preuve de loyauté à l’égard de l’administration et ainsi un devoir de réserve s’impose dans le cadre de leurs fonctions. Bien évidemment, ce devoir de réserve interdit notamment à l’enseignant de faire de la propagande sur son lieu de travail.

La liberté d’expression est en quelque sorte indissociable d’une certaine indifférence de l’Etat par rapport aux idées véhiculées dans la société, ce qui lui permet de ne pas sanctionner les courants contraires. L’Etat doit aller au-delà puisqu’il doit favoriser l’épanouissement des idées sans se préoccuper de son contenu. Cette vision de la CEDH a pour objectif de promouvoir de la manière la plus fluide possible la démocratie. D’ailleurs, la CEDH est extrêmement critique vis-à-vis du législateur français puisqu’elle voit d’un très mauvais œil la démultiplication des lois françaises qui, au nom d’un idéal républicain, limitent la liberté d’expression.

L’intervention du législateur en France est fréquente pour défendre et rétablir une vérité historique :

- La loi Taubira du 21mai 2001 qui reconnait la pratique de l’esclavage comme un crime contre l’humanité.

- La loi du 7mars 2012 qui protège les Harkis contre l’injure et la diffamation.- La loi du 21mai 2001 qui a reconnu le génocide arménien par la Turquie.- La loi du 11mars 1988 qui intervient en matière de financement public pour ce qui concerne

les parties politiques dans le but de garantir le pluralisme démocratique. Les courants de pensée et d’opinion ont un objectif à valeur constitutionnel mais qui ne peut en aucun cas fonder une QPC : décision du 28mai 2010 considérant 8. En revanche, le pluralisme des pensées est considéré par le juge administratif comme une liberté fondamentale puisqu’il est susceptible d’occasionner un référé-sauvegarde.

B. Les conceptions américaines et européennes de la liberté d’expression

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Aux Etats-Unis, les juges ont une approche très libérale de la liberté d’expression et toute limitation est considérée comme suspecte. Cette tendance et cette approche de la liberté d’expression se développe petit à petit au Royaume-Uni et à travers la CEDH.

Aux Etats-Unis en 1919, le juge Holmes de la cour suprême a considéré que la liberté d’expression était tout simplement un libre marché des idées et que par conséquent, un marché ne doit en aucun cas subir la pression d’un encadrement public. Seuls des encadrements corporatistes peuvent être mis en place par les professions elles-mêmes notamment en matière d’industrie et de cinéma. Par conséquent, la conception américaine ne conçoit l’intervention de l’Etat en matière de liberté d’expression que pour assurer la libre-concurrence des idées.

En France, l’approche est différente puisqu’au nom de l’ordre public et des valeurs républicaines, les pouvoirs publics limitent et portent atteinte assez facilement à la liberté d’expression dans le but d’éviter et de prévenir des conflits et des discriminations.La liberté d’expression en Europe est encadrée pour protéger et instituer ce que l’on appelle un espace public. C’est une zone de médiation, de dialogue entre la société et l’Etat. Elle est là pour protéger la société de l’Etat et pour tisser un lien social afin d’éviter les désordres et les troubles.

Le conseil constitutionnel a autorisé, dans une décision du 29juillet 1994 considérants 6-10, une loi qui imposait l’usage du français dans les services publics. Le CC s’est prononcé en faveur de cette loi parce que l’article2 de la constitution limitait la liberté d’expression en faisant du français la langue de la république. Dans la même lignée, le CC a pu limiter la possibilité d’intégrer et de développer des écoles dites « Diwan », où la langue de l’école est la langue régionale, dans le secteur public pour ces mêmes raisons : décision du 27décembre 2001.

Par ailleurs, des régimes préventifs sont tolérés même si leur existence est de plus en plus restreinte. On peut citer la loi du 16juillet 1949 relative aux publications destinées à la jeunesse. Cette loi interdit les illustrations et les récits présentant sous un jour favorable le banditisme, le mensonge, le vol, la paresse, la lâcheté, la haine, la débauche, …

Para2 : L’application sectorielle de la liberté d’expression

I. Les médias et internet

A. La presse écrite et les médias audiovisuels

1. La presse écrite

La loi sur la liberté de la presse a constitué le modèle pour les autres régimes de la liberté d’expression. Cette liberté est toujours régie par la loi du 29juillet 1881 qui réglemente également l’affichage public. Elle a été modifiée par une révision du 23juillet 2008 en ajoutant un alinéa à l’article34 de la constitution qui permet à la loi de fixer les règles concernant la pluralité, la liberté et l’indépendance des médias. Ainsi, tout nouveau titre de presse doit se déclarer au parquet, avec dépôt de quelques exemplaires. Suite à ce dépôt, une commission paritaire des publications et des agences de presse doit donner son accord pour la création de tout nouvel organe de presse. Cette procédure permet à l’Etat d’intervenir et d’aider financièrement les périodiques afin qu’ils puissent

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survivre dans un contexte de concurrence et de multitude de presse. Au nom de cette liberté d’expression, l’Etat peut intervenir dans ce domaine.

La CEDH protège le secret des sources des journalistes. Cette position a été confirmée dans un arrêt du 27mars 1996 « Goodwin contre Royaume-Uni ».

Le code pénal puni dans la presse écrite toute incitation à la discrimination, haine raciale et à l’apologie de la torture et du suicide. Par ailleurs, toute négation ou toute contestation de crimes avérés contre l’humanité sont également punis.L’article9 du code civil permet également de porter atteinte à la liberté d’expression au nom du respect à la vie privée.

La présomption d’innocence limite aussi la liberté de la presse et elle interdit aux organes de presse écrite de présenter un individu comme une personne coupable alors même que celui-ci n’a pas été jugé. De la même façon, l’article9-1 du code civil permet à toute victime de faire cesser l’atteinte en saisissant le juge des référés. Dans un autre domaine, le secret de l’instruction doit être respecté par le journaliste. En contrepartie de cette limite, le procureur peut lever le secret de l’instruction sur une partie d’un dossier à condition qu’il s’agisse de faits objectifs.

La diffamation et l’injure ne sont pas couvertes par la liberté d’expression du journaliste selon la loi de 1881. De la même façon, le journaliste ne peut pas attribuer de façon calomnieuse des faits même si cela est fait finement càd sous forme d’insinuation envers des personnes identifiables. Les expressions outrageantes et les invectives ne sont pas considérées comme des informations. Dans ce cas, elles ne sont pas protégées.

Enfin, en ce qui concerne la presse écrite, les personnes mises en cause possèdent un droit de réponse dans les 3mois, celui-ci peut être réduit à 3jours lorsqu’il s’agit d’une période électorale. Le droit de réponse n’est pas automatique, il est contrôlé par le TGI pour s’assurer qu’il soit nécessaire et compatible avec certaines exigences de la CEDH qui protègent la liberté d’expression des médias de toute ingérence.

2. Les médias audiovisuels

D’après l’articleL32 du code des postes et télécommunications électroniques, les fréquences hertziennes appartiennent au domaine public de l’Etat. Elles sont utilisées sous forme d’autorisation d’occupation du domaine public. C’est au CSA qu’en revient la gestion. Il a été créé par la loi du 17janvier 1989, il est composé de 9membres nommés pour 6ans et renouvelés par tiers tous les 2ans. Ils sont nommés par le président de la république, de l’assemblée nationale et du sénat.

Le CSA attribue les autorisations d’émettre aux radios et aux télévisions. Par ailleurs, il veille au respect de leurs obligations comme le respect de la dignité et de la qualité des programmes. Il veille aussi à maintenir et à favoriser la libre-concurrence et l’indépendance du secteur public de la radiodiffusion et de la télévision. Le CSA peut également prononcer des sanctions sous le contrôle du conseil d’Etat.

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B. Internet

Pour faire face au phénomène d’internet, le législateur est intervenu à travers une loi du 21juin 2004 sur la confiance en l’économie numérique. Cette loi a créé un régime spécifique pour la liberté d’expression sur internet. Certains se sont posés la question de l’utilité d’une telle loi tout simplement parce qu’internet est un simple outil, support sur lequel sont véhiculées les idées et les opinions au même titre que la télé et la radio. Cette loi ne vise que la communication au public en ligne. Cela exclu donc les communications privées comme le courriel qui reste protégé par les règles de la correspondance privée et par le droit au respect de la vie privée.

Il est très difficile de contrôler le respect des limites de la liberté de communication lorsqu’on sait qu’il existe plusieurs millions de blogs en France qui échappent à tout contrôle préalable et qui résultent d’initiatives privées. Par ailleurs, on peut noter que la dimension internationale des communications publiques en ligne réduit considérablement la portée et les instruments développés par le droit national.

Le droit de l’UE oblige les Etats au nom de la liberté d’expression à procurer à chaque individu une connexion. Le droit de l’UE a, dès une directive de 1995, réglementé le problème des cookies qui portent atteinte à notre vie privée puisqu’ils peuvent relayer l’ensemble de nos activités sur internet. Une directive de 2002 a limité le spamming, cela été transposé dans par la loi de confiance en l’économie numérique. Ces spams, avant d’être envoyés doivent obtenir notre accord. Par ailleurs, les clients utilisant internet doivent nécessairement et obligatoirement avoir accès aux informations que disposent les opérateurs internet sur eux.

De nombreux sites sociaux vivent de recettes publicitaires directes qu’ils publient sur le site, mais aussi et surtout de la vente des informations personnelles que leurs clients déposent volontairement sur le site. Le cas le plus flagrant est Facebook qui conserve les données personnelles des utilisateurs même après désabonnement. Les règles générales et les infractions de presse sont applicables à internet. Elles sont d’ailleurs reprises par la loi de confiance en l’économie numérique. Les hébergeurs et les fournisseurs d’accès ne sont pas responsables du site mais en revanche, le créateur du site est responsable des informations diffusées ou stockées. Par ailleurs, ils sont tenus à une obligation de traçabilité et de retrait des contenus illicites à la demande et sous le contrôle du juge judiciaire.

Dans le cadre de la convention de lutte contre la cybercriminalité, les opérateurs de communication électronique doivent conserver les informations permettant d’identifier l’utilisateur, les ordinateurs, la date et la durée de chaque communication ainsi que les destinataires de ces communications. Cela constitue une atteinte relativement importante à la vie privée donc cette obligation est limitée puisque les données conservées ne peuvent porter que sur le contenu des correspondances et les informations échangées ou consultées.

Avec le développement d’internet, on a pris conscience de certaines criminalités, de certains délits mais on a aussi assisté au développement et la progression de criminalités nouvelles comme la pédopornographie. En effet, le développement d’internet a accompagné un trafic illicite d’échanges et de consultations d’images ou de vidéos à caractère pédopornographique. Cela a donné lieu à un trafic important non-seulement de photos et de vidéos mais aussi d’enfants.

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Sous un autre angle, internet a permis un développement de la violation de la propriété intellectuelle des auteurs et des artistes. D’ailleurs, la loi HADOPI du 28octobre 2009 permet de sanctionner l’utilisateur d’internet fautif d’échanges illégaux de fichiers. Elle permet également d’envoyer préalablement à cette sanction, 1 ou 2courriels d’avertissements. La sanction peut bien souvent conduire à la suspension de l’accès à internet. On ne peut pas imaginer une interdiction d’accès à internet car la CEDH garantie et impose aux Etats de fournir à chacun des individus des moyens d’accès à Internet.

II. Les libertés scientifiques et artistiques

A. La liberté de la recherche

C’est un démembrement de la liberté d’expression. C’est une liberté qui a été consacrée par une décision du conseil constitutionnel du 20janvier 1984. Elle est protégée par l’article13 de la charte des droits fondamentaux de l’UE. Il y a des restrictions spécifiques en plus des restrictions communes à la liberté générale des expressions notamment en ce qui concerne la bioéthique.

B. La liberté des arts, spectacles, fêtes et animations sportives

Il s’agit d’une modalité particulière de la liberté d’expression. Là aussi, c’est l’article13 de la charte des droits fondamentaux de l’UE qui permet de consacrer et de protéger de telles libertés.

1. Les expositions artistiques

Une exposition artistique est une exposition sans interprète, il s’agit en l’occurrence d’une peinture, d’une sculpture ou d’une photographie. Dans le cadre de ces expositions artistiques, un arrêt de la CEDH du 27janvier 2007 a permis de protéger le droit qu’ont les artistes à des outrances et à des caricatures à l’encontre de personnalités publiques. Cet arrêt protège ce droit même si l’on constate des atteintes à la notion de moralité publique.

La question qui se pose est celle de la protection du modèle qui n’aurait pas donné son consentement à l’exposition de photos ou d’images permettant de le représenter et de l’identifier. Est-ce que cela constitue une atteinte à la vie privée ? La CEDH considère que face à la liberté artistique, seule la dignité du modèle doit être protégée.

2. Les spectacles vivants

a. Le théâtre

Le théâtre a longtemps été suspecté par le pouvoir et donc, extrêmement contrôlé. En effet, il a été reproché au théâtre, par une partie de la doctrine, d’exalter l’imagination et d’habituer les esprits à une vie factice et fictive. Ce reproche est aussi dangereux que le jeu. Cette expression est protégée par l’article10 de la CEDH.

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En France, le théâtre est régi par une police administrative générale càd qui permet de censurer ou d’interdire toute représentation de théâtre à partir du moment où celle-ci constitue un trouble à l’ordre suffisamment important à l’ordre public. Le théâtre est également contrôlé par l’Etat puisqu’il est subventionné par les pouvoirs publics. Les pouvoirs de l’Etat en matière de censures sont extrêmement limités.

b. Le cinéma

Il est fortement encadré et étatisé notamment par le biais des aides publiques à la production des œuvres cinématographiques prévues par le code de l’industrie cinématographique. La diffusion des films peut elle aussi être subventionnée par des aides publiques. Par ailleurs, la censure d’une œuvre cinématographique peut tomber sous le coup d’une infraction de presse càd qu’on peut censurer une œuvre cinématographique à partir du moment où elle est diffamatoire et où elle porterait atteinte à la vie privée.

En matière de censure, le juge des référés peut également exiger la coupure de scènes considérées comme illicites. En revanche, même si ce pouvoir existe, la jurisprudence est très libérale càd qu’elle censure peu. A titre d’exemple, le juge ne censure pas des affiches alors que celles-ci sont exposées aux yeux de tous et non pas seulement des spectateurs consentants.

Le cinéma est également soumis à une police administrative spéciale. D’ailleurs un régime d’autorisation est encore en vigueur puisqu’un visa d’exploitation est le préalable nécessaire à toute diffusion en salle. Si la censure totale n’est plus pratiquée, un régime spécifique de classement par âge est imposé. C’est dépassé puisque le développement d’internet rend très difficile le contrôle.

Le maire peut également utiliser ses pouvoirs de police administrative générale pour interdire la diffusion d’un film en raison du risque de troubles matériels ou de circonstances particulières dû au caractère immoral.

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TITRE 2 : LES LIBERTES PUBLIQUES

CHAPITRE 1Les libertés civiles et politiques

Section1 : La liberté individuelle

Para1 : La sûreté

La liberté individuelle doit être regardée comme une liberté publique càd un droit de l’Homme aménagé plus précisément et plus spécifiquement par la loi qu’un droit fondamental. Il y a plus de limitations car la sûreté n’est pas relative à l’existence de la personne mais à son activité au sein de la société. L’article66 de la constitution parle encore, selon une tradition ancienne française, de liberté individuelle. En revanche, à l’étranger et dans la plupart des textes internationaux, on préfère la notion de sûreté.

Cependant quelle que soit l’appellation, dans les 2cas, il s’agit d’une liberté renvoyée à l’Habeas Corpus et au pouvoir d’être propriétaire de soi. Cette notion protège de l’arbitraire étatique, garantie à chaque individu la maitrise de ses mouvements et le libère de toute emprise ou arrestation injustifiée. Il s’agit d’une garantie d’un droit de ne pas être inquiété sans raison, sans fondement par les pouvoirs publics. On retrouve cette idée dans les articles 1 à 4 de la DDHC qui définit entre autres, la liberté par la sûreté. On peut voir également la garantie liée à la présomption d’innocence et la légalité des peines et des délits étroitement liées à la notion de sûreté.

Depuis les IIIème et IVème Républiques, l’autorité judiciaire est la protectrice de la liberté individuelle ou de la sûreté. On peut se référer aux lois du 7février 1933 et du 31décembre 1957. Cette compétence de l’autorité judiciaire est justifiée par certains, par la plus grande indépendance de l’autorité judiciaire par rapport au juge administratif. Par conséquent, la protection de la sûreté par l’autorité judiciaire présente plus de garanties contre les enfermements abusifs.

Si l’on se réfère aux travaux préparatoires du constituant de 1958, il est confirmé que l’article66 de la constitution vise la sûreté à travers la liberté individuelle. On peut préciser que la sûreté ou la liberté individuelle se distingue de la liberté personnelle qui est plus large. La liberté individuelle se distingue également de la liberté d’aller et de venir qui est une liberté relative à la restriction de mouvements mais qui n’est pas relative à la privation de mouvements donc elle ne concerne pas l’enfermement et les mesures privatives de liberté du droit pénal.

En distinguant les peines d’autres mesures privatives de liberté, on peut distinguer et différencier la sûreté et la liberté d’aller et de venir. La sûreté glisse d’une protection de l’individu vers une protection de la société. Pour être plus précis, on peut se référer à l’article5 de la CEDH qui définit la sûreté ainsi que ces limitations possibles. Ainsi, l’Etat doit assurer la sécurité des personnes privées de liberté et créer ainsi des voies de recours adaptées pour contrôler toutes les privations ou les restrictions de liberté. Toute détention irrégulière doit ouvrir un droit à la réparation.

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Si on se réfère et qu’on étudie la jurisprudence du conseil constitutionnel relative à l’article66, on se rend compte que la position du conseil constitutionnel est complexe et évolutive. De ce fait, il n’y a pas de conception claire et certaine de la notion de sûreté ou de liberté individuelle. Dans un premier temps, le juge constitutionnel a développé une conception englobant la liberté individuelle de l’article66 de la constitution notamment en lui rattachant la liberté d’aller et de venir, l’inviolabilité du domicile, la liberté du mariage et le droit à la vie privée. Le risque de conflit avec la CEDH était trop important puisque cette dernière distingue plus précisément chaque droit et lui confère un régime juridique qui lui est propre. Le risque est aussi d’élargir la compétence du juge judiciaire en contradiction avec la jurisprudence du conseil constitutionnel qui confère au juge administratif une réserve de compétences.

La décision du conseil constitutionnel du 13mars 2003 sur la sécurité intérieure expose qu’aujourd’hui la liberté d’aller et venir et le droit de la vie privée ainsi que ses composantes sont rattachées à la liberté personnelle de la DDHC dans la jurisprudence du conseil constitutionnel. Ainsi, si la liberté personnelle relève à la fois du juge administratif et du juge judiciaire, la liberté individuelle est seulement protégée par le juge judiciaire. Ce partage de compétence relève des questions et des incertitudes sur l’évolution de la jurisprudence.

La liberté individuelle est uniquement protégée par le juge judiciaire sauf en ce qui concerne la protection et le droit des étrangers puisque certaines mesures telles que l’obligation de quitter le territoire français ou l’expulsion relèvent de la juridiction administrative. Dans la tradition française, la protection de la liberté individuelle par le juge judiciaire signifie soit par le juge soit par le procureur. Toutefois la CEDH a obligé la France à modifier sa conception dans la mesure où le procureur dépendant d’une hiérarchie, plus précisément du Garde des Sceaux, a une indépendance qui n’est pas garantie. Seul un magistrat du siège peut légitimement prononcer une mesure privative de liberté.

I. La police judiciaire et la procédure pénale

A. La police judiciaire

1. Les étrangers en situation irrégulière

La police administrative et la police judiciaire se confondent le plus souvent sur le plan matériel et sur le plan personnel mais elles doivent se distinguer sur le plan fonctionnel afin de mieux protéger les personnes dans le cadre de la police administrative qui n’intervient qu’à titre préventif et qui vise par conséquent des personnes qui n’ont pas commis d’infraction. La police judiciaire revendique un caractère répressif.

Longtemps, le droit français a considéré qu’un étranger en situation irrégulière était à la fois coupable d’une infraction pénalement sanctionnable et faisait l’objet d’une police administrative spéciale du préfet qui débouchait, non pas sur une sanction mais tout simplement sur une reconduite à la frontière ou une expulsion. La rétention d’un étranger, en attente d’expulsion, n’est qu’une mesure de police administrative. Cette mesure pouvait se superposer à une garde-à-vue pour séjour irrégulier. Toutefois, la cour de justice de l’UE a considéré que cette mesure de garde à vue

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était contraire au droit de l’UE et plus précisément à la directive « Retour » qui ne prévoyait pas de mesure de police judiciaire à l’égard d’un étranger. La France a dû revoir sa mesure en reconduite frontière.

2. Les vérifications d’identité

Contrairement au simple contrôle d’identité, la vérification implique de retenir dans les locaux de police un individu contre son grés pour vérifier son identité. Cette mesure est nécessaire lorsque l’individu ne peut pas ou ne veut pas prouver son identité. C’est une mesure floue qui est source de nombreux contentieux. Depuis sa décision du 5août 1993, le conseil constitutionnel surveille que ces contrôles ne se généralisent pas. Le contrôle judiciaire d’identité n’est envisageable que lorsqu’il existe une raison plausible de croire qu’une personne a commis, tend à commettre ou se prépare à commettre une infraction et seulement s’il est susceptible de fournir des éléments d’informations pour une enquête. Cela se fait sur réquisition du procureur de la République.

Il y a aussi une justification circonstancielle qui doit être fournie lors d’un contrôle administratif d’identité. Le contrôle administratif d’identité est un contrôle qui vise à prévenir les troubles de l’ordre public. Par ailleurs, certaines dispositions permettent au service de police de contrôler les titres de séjour dans les lieux dit d’arrivée internationale. Ces contrôles permettent d’aboutir à la vérification d’identité qui est privative de liberté dans la mesure où les services de police peuvent retenir une personne pendant 4H.

B. La procédure pénale

1. Les principes généraux

a. La présomption d’innocence

Elle est protégée par l’article9 de la DDHC. Dans une décision du 29août 2002, le conseil constitutionnel a considéré qu’imposer un bracelet électronique à un individu ne constitue pas une atteinte à la présomption d’innocence. Ce principe permettait d’éviter la détention provisoire. Par ailleurs, le conseil constitutionnel dans une décision du 22juillet 2005 a validé la pratique du plaider coupable car en effet si l’article9 de la DDHC empêche d’obliger un individu à s’accuser, rien ne lui interdit de reconnaitre sa culpabilité sous réserve que le juge du siège n’y soit pas lié.

b. La non-rétroactivité des lois répressives plus sévères

Cette non-rétroactivité est consacrée par l’article8 de la DDHC. Elle est applicable aux sanctions pénales mais elle concerne également les sanctions fiscales et les sanctions administratives. Le conseil constitutionnel n’a pas censuré l’application de la loi sur le bracelet électronique à des personnes condamnées pour des faits commis avant l’entrée en vigueur de la loi sur le bracelet électronique puisqu’il a estimé qu’il ne s’agissait pas d’une peine plus sévère mais simplement d’une modalité d’exécution de la peine.

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c. La rétroactivité de la loi pénale plus douce

La CEDH a déduit ce principe de l’article7 para1 de la convention européenne dans l’affaire dite « Scoppola contre Italie » du 17décembre 2009. Dans cette affaire, la CEDH a conclu à l’application de la version la plus douce du texte applicable au meurtre entre la commission des faits et le jugement définitif.

d. La proportionnalité des peines

La proportionnalité des peines vise à interdire l’application de peines manifestement disproportionnées. Par ailleurs, cela implique également l’interdiction des peines automatiques. Enfin, chaque individu bénéficie du droit de ne pas être jugé et puni 2fois pour un même fait. Ce droit découle de l’article4 du protocole7 de la convention européenne mais également de la charte des droits fondamentaux de l’UE. Cette disposition est importante notamment en matière d’acquittement qui possède de la force de la chose jugée.

e. L’individualisation de la peine

Le conseil constitutionnel, dans une décision du 22juillet 2005, a reconnue l’individualisation de la peine en application de l’article8 de la DDHC. Cela implique d’une part l’atténuation des peines pour les mineurs et d’autre part, la création de tribunaux correctionnels à l’égard des mineurs.

2. La garde à vue et la détention provisoire

a. La garde à vue et la retenue douanière

Pour ce qui concerne la garde à vue, c’est un acte qui permet à un officier de police judiciaire de garder sous son contrôle une personne soupçonnée d’avoir commis ou tenter de commettre un délit ou un crime puni d’une peine d’emprisonnement. Elle est également possible dans des cas moins compromettants car un officier judiciaire peut aussi placer en garde à vue une personne qui est témoin d’un délit ou d’un crime. La garde à vue est extrêmement contraignante à la différence de la simple convocation. Elle implique aussi un certain nombre de mesures de sécurité donc le gardé à vue va subir un certain nombre de contrôles et notamment une fouille pour voir s’il n’est pas porteur d’objet pouvant porter atteinte à son intégrité physique.

La loi du 14avril 2011 a permis de mettre fin à un régime antérieur non-conforme aux exigences de la CEDH. Cette loi résulte notamment de la condamnation de la CEDH de l’affaire du 14octobre 2010 « Brusco contre France ». La France a été condamnée car l’individu classé en garde à vue, a vu un avocat au bout de 20H et il n’a pas été informé de son droit à garder le silence. Dans une QPC du 30juillet 2010, le conseil constitutionnel a considéré que les procureurs sont aussi des magistrats. Cela permet de justifier leur place importante dans la procédure judiciaire. Il y a notamment la possibilité de renouveler une garde à vue qui peut être prolongée une fois par écrit par le procureur de la République pour les crimes et délits punis de plus d’un an d’emprisonnement.

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Depuis 2001, les auditions des mineurs doivent être filmées et depuis 2007, les auditions pour les crimes doivent être filmées.

La retenue douanière s’apparente à une garde à vue mais elle concerne uniquement le domaine de compétence du service des douanes. Le délai est de 24H et il peut être renouvelé une fois sur autorisation du procureur de la République.

b. La détention provisoire et la rétention de sûreté

La détention provisoire est une mesure plus contraignante que la garde à vue dans la mesure où il s’agit d’une incarcération dans une maison d’arrêt. Cette mesure doit rester exceptionnelle, elle ne doit concerner que les personnes mises en examen et elle est considérée comme subsidiaire par rapport aux autres possibilités de contrôle judiciaire. La France a été condamnée dans une décision du 10juillet 2008 par la CEDH pour une durée excessive en détention provisoire. En l’espèce, le prévenu était resté 4ans et demi.

La rétention de sûreté est une mesure qui permet de lutter contre la récidive et elle a été mise en place par la loi du 25février 2008. Elle permet de maintenir en détention des personnes considérées comme dangereuses pour la société à la fin de leur peine. Ce sont les personnes qui présentent un risque important de récidive lié aux troubles de leur personnalité. Le risque de récidive doit être important et lié à la personnalité du condamné. Cela concerne les infractions très graves et le plus souvent c’est lié aux infractions qui ont un caractère sexuel. La mise en rétention de la sûreté doit avoir été prévue. La question doit avoir été examinée et doit avoir été prévue à l’origine par la cour d’assises. Cela concerne les personnes placées dans des centres sociaux-judiciaires.

Le conseil constitutionnel a censuré le caractère rétroactif de la loi. La CEDH est extrêmement vigilante puisqu’elle a déjà condamnée l’Allemagne à 2reprises pour des détentions de sûreté au-delà de la condamnation initialement prévue et cela malgré le caractère dangereux des personnes simplement parce que la détention n’avait pas prévue initialement la mesure.

II. Les hospitalisations psychiatriques et la mise en cellule de dégrisement

A. Les hospitalisations psychiatriques

Le plus souvent, le patient est consentant mais parfois les soins sont accompagnés d’une privation de liberté lorsque le traitement n’est pas volontaire. La santé mentale fait exception au principe de consentement au soin. La société protège l’individu contre lui-même ou en raison de sa dangerosité et de son manque de discernement. Le régime actuel provient de la loi « Esquirol » du 30juin 1838. Une QPC du 26novembre 2010 a obligé la loi à protéger les droits du patient en faisant intervenir un juge dans les 15jours suivants l’hospitalisation. Cela a été matérialisé par la loi du 5juillet 2011.

B. La mise en cellule de dégrisement

Elle résulte de l’application de l’articleL3341-1 de code de la santé publique. Ce code permet aux forces de police de conduire un individu qui se trouve en état d’ivresse publique et manifeste sur la

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voie publique. Les polices peuvent conduire les personnes dans un local à leur frais jusqu’à ce qu’elles aient retrouvé leur raison. C’est une mesure de police administrative qui a été créée par la loi du 23janvier 1873 et elle a été validée par une QPC du 8juin 2012.

Para2 : La liberté d’aller et venir

I. Les nationaux

A. Les principes

La liberté de déplacement et d’établissement a rarement été aussi développée et réglementée qu’aujourd’hui. Cette liberté d’aller et venir se distingue de la liberté individuelle. Elle est seulement protégée par le juge judiciaire alors que la liberté de circuler est protégée par les 2ordres de juridiction. Il y a une continuité entre ces 2ordres puisque la restriction de mouvement peut aboutir au bout d’une certaine durée sur une privation de libertés et relever par conséquent de la compétence du juge judiciaire.

Cette liberté est certes reconnue par le conseil constitutionnel mais elle a été clairement identifiée et protégée par les articles 2 et 3 du protocole4 de la convention européenne. Le droit d’entrer et de sortir du territoire dont on a la nationalité est inclus dans la liberté de circulation. La liberté de circulation a obligé le législateur français à prendre en compte le nomadisme pour les gens du voyage. La loi « Vesson » du 1991 impose aux communes de plus de 5000habs de prévoir des emplacements de stationnement.

B. Les restrictions

Les restrictions si elles sont tolérées doivent respecter le principe de proportionnalité avec les risques de trouble à l’ordre public toujours exigés lors d’une restriction de la liberté de circulation. Il ne suffit pas de justifier un trouble, il faut également que la mesure soit proportionnée aux troubles occasionnés. Ces restrictions s’expriment à travers le code de la route, l’interdiction de stationnement, les circonstances exceptionnelles ainsi que par le refus de délivrance ou de retrait des papiers administratifs utiles pour circuler. L’administration peut refuser la délivrance d’un passeport. Ces atteintes sont étroitement contrôlées puisque le fait de retirer le passeport à un fraudeur fiscal peut être considéré comme disproportionné. On peut également envisager le placement sous surveillance électronique.

Dans un autre domaine qui a été suffisamment et intensément médiatisé, les arrêtés anti-mendicités sont certes tolérés mais ils ne peuvent pas être trop généraux et doivent être justifiés par des circonstances particulières comme l’afflux de touristes en période estivale. Ces arrêtés sont limités dans le temps. De la même façon, les arrêtés de couvre-feu sont tolérés pour les mineurs de moins de 13ans. Ils doivent être justifiés par les circonstances locales et adaptés à la protection de la population visée.

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II. Les étrangers

A. Le cadre général

Le conseil constitutionnel a rappelé dans une décision du 13août 1993 qu’aucun principe n’assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d’accès et de séjour sur le territoire national. Par ailleurs leur entrée et leur séjour sont réglés par une police administrative spéciale. La compétence revient au pouvoir réglementaire.

Le visa touristique dure 3mois. La carte de séjour temporaire dure 1an, elle concerne les étudiants, les personnes voulant travailler et les séjours à caractère familial. La carte de résident dure 10ans et elle est illimitée après son renouvellement. Cette reconduction est soumise à la signature d’un contrat d’accueil et d’insertion qui consiste à dispenser à l’étranger une formation civique et à s’assurer de la connaissance de la langue française. La carte de résident concerne les étrangers qui viennent sur le territoire français dans le cadre d’un regroupement familial. Elle peut également résulter d’une politique d’immigration choisie càd par l’identification d’un critère bien précis qui permet à l’autorité de délivrer des cartes.

B. Le droit d’asile

C’est un élément extrêmement important dans la mesure où il s’agit d’une concession de souveraineté étatique. C’est devenu un droit fondamental. Il est reconnu par les textes nationaux. Il faut distinguer le droit d’asile constitutionnel qui résulte de l’application du 4ème alinéa du préambule de 1946, il s’agit de celui qui résulte de la persécution de l’action d’un étranger en faveur d’une liberté. A côté, il y a l’asile conventionnel qui résulte de l’application de la convention de Genève de 28juillet 1951 complétée par le protocole de New-York du 31juillet 1967, il convient de donner l’asile à un individu qui se réfugie aux risques de persécution en raison de sa race, appartenance religieuse, nationalité mais aussi de l’orientation sexuelle. Cet asile politique est en principe refusé pour les auteurs de crimes graves ou d’actes contraires aux principes de l’ONU. Ainsi on a pu refuser l’asile aux personnes qui appartenaient à des milices congolaises.

On tend de plus en plus à harmoniser le droit d’asile. Le traitement des demandes d’asile est largement réglementé par le droit de l’UE. L’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides détient des preuves matérielles probantes. La plupart des demandes d’asile sont rejetées car elles ne sont pas suffisamment fondées. Si L’OPRA refuse la demande d’asile, l’étranger peut saisir une juridiction administrative spéciale, la Cour Nationale du Droit d’Asile. Cette juridiction va réexaminer la demande de l’étranger, elle n’est pas liée par la décision de l’OPRA. Si l’étranger n’a toujours pas vu sa demande acceptée, il peut saisir le conseil d’Etat.

Un pays peut sans être condamné, fondé son refus sur le refus d’un autre Etat signataire. Bien évidemment, l’Etat n’est pas lié aux décisions précédentes.

Section2 : Les libertés collectives

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Les libertés collectives sont des garanties subjectives dans la mesure où elles ont besoin d’autrui pour se réaliser. Elles ne peuvent pas comme d’autres droits fondamentaux ou libertés publiques se réaliser isolément. Elles se distinguent par leur usage collectif entrainant des problèmes communs et des risques semblables pour l’ordre public. Par conséquent, les libertés collectives nécessitent des réglementations convergentes.

Para1 : La garantie de l’épanouissement individuel

I. La liberté religieuse

La liberté de religion possède à la fois une dimension collective et une dimension individuelle puisqu’elle désigne simultanément :

- Une composante de la liberté de culte dans son exercice collectif qui se prête à des réglementations particulières permettant de protéger l’ordre public. Néanmoins, le principe reste la liberté et la restriction, l’exception.

- Une composante de la liberté de conscience puisque celle-ci correspond à l’exercice individuel qui ne se sépare pas de la liberté de conscience.

Par ailleurs, elle possède comme les autres libertés à la fois un volet positif, la liberté de croire, et un volet négatif, la liberté de ne pas croire. La liberté de religion recouvre également la liberté de s’exprimer et d’exprimer ses convictions. Par conséquent, elle contient la liberté de se regrouper en privé ou en public et in fine, de construire des lieux de culte ou de publier ses opinions.

Un certain nombre d’auteurs se demandent si elle possède un contenu propre puisque la liberté de religion se manifeste le plus souvent sous la forme d’une autre liberté : la liberté d’expression ou la liberté d’enseignement.

La laïcité signifie que l’Etat ne privilégie aucune religion et donc, elle laisse les citoyens libres de pratiquer ou pas la religion. L’Etat n’a pas de religion officielle. Néanmoins, il doit permettre l’exercice individuel et collectif des religions d’où certaines difficultés pour définir ce qui est religieux et ce qui n’est pas religieux pour l’Etat. L’Etat ne peut pas s’en remettre aux religions dans la mesure où on risquerait de considérer que tous les aspects de la vie sociale aient une dimension religieuse. En s’en remettant à l’administration, le risque serait d’accentuer ou de faire naitre une discrimination entre les religions établies et les autres.

A. La liberté des cultes

1. Une reconnaissance indirecte et négative

La liberté des cultes est reconnue par la déclaration de 1789 notamment par l’article10. Elle est également reconnue par le préambule de 1946 et par l’article 1er de la constitution de 1958. Par ailleurs, elle a été explicitement mentionnée par le conseil constitutionnel lors d’une décision sur la burka du 7octobre 2010.

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Au niveau international, on se réfère aux articles 18 de la DUDH, 9 de la CEDH et 10 de la charte des droits fondamentaux de l’UE. L’article9 de la CEDH est compris par la cour comme la condition d’une société pluraliste et démocratique. Elle protège la liberté religieuse contre les discriminations mais elle protège également les personnes contre le prosélytisme abusif.

L’article 1er de la loi de 1905 dispose que la République assure la liberté de conscience. Le libre exercice des cultes ne peut être restreint que dans un seul intérêt, celui de la protection de l’ordre public. Cette indifférence de l’Etat face à la religion se manifeste notamment à l’article2 de la loi de 1905 puisque cet article interdit le financement public de tout culte. Cependant, une aide indirecte s’observe à travers la propriété publique des édifices cultuels qui existaient en 1905. En effet, la loi de 1905 prévoyait leur attribution à des associations cultuelles que l’Eglise a refusé de constituer.

L’Etat finance indirectement le culte car la rénovation des biens de 1905 est effectuée et garantie par des personnes publiques, donc avec l’argent des contribuables. Pour certains auteurs, cela pose un problème car il y a une atteinte au principe de neutralité. Les édifices cultuels construits après 1905 sont des biens purement privés. En cette qualité, aucun financement public n’est envisageable. Afin de limiter cette inégalité, le CE a rapproché les activités culturelles et les activités cultuelles pour permettre le financement de certains édifices. Les collectivités locales peuvent accorder des concours pour des travaux de réparation des édifices, financer des équipements pour l’abattage rituel et ils peuvent également louer des locaux ou des terrains pour permettre l’exercice du culte. Aucune aide directe au culte ne peut être acceptée. Cette interprétation résulte d’un arrêt du 19juillet 2011 « communauté urbaine du Mans ».

Les ministres du culte n’ont pas de statut particulier vis-à-vis de l’Etat sauf en Alsace-Moselle où s’applique le régime concordataire et où les ministres du culte sont considérés comme des agents du service public. Ils sont toutefois protégés d’une manière spécifique. Ils sont protégés dans la mesure où une loi sur la liberté de la presse de 1881 sanctionne les injures à raison de l’appartenance religieuse. La loi de 1905 sanctionne également les entraves à la liberté des cultes et les menaces à l’encontre des familles et des biens des ministres des cultes.

2. La conciliation avec la laïcité

La CEDH reconnait à travers l’article9 la possibilité de restreindre cette liberté de culte pour des raisons de sécurité. A titre d’exemple, dans un arrêt du 11janvier 2005, la CEDH a reconnu la possibilité de faire retirer le turban à un sic à l’occasion d’un contrôle dans un aéroport. Le CE dans un arrêt du 27juillet 2001 a également admis une telle restriction pour des raisons de sécurité. La loi du 11octobre 2010 sur l’interdiction de la dissimulation du visage dans les lieux publics a été validée par le conseil constitutionnel.

Les agents publics et les élèves du primaire et du secondaire ne peuvent pas porter de signes religieux ostensibles. La jurisprudence a dû s’adapter à certaines situations et notamment à celle des parents accompagnant les sorties scolaires. Une personne qui accompagne des enfants lors d’une sortie scolaire doit être considérée comme un collaborateur occasionnel du service public qui doit se soumettre au principe de neutralité. Cette interprétation a été acceptée par la CEDH dans un arrêt du 17juillet 2009 « Actas contre France ».

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B. L’institution des cultes

Sous la IIIème République, une loi du 4décembre 1902 visait l’interdiction des congrégations religieuses et aujourd’hui, seuls des laïques peuvent enseigner dans l’enseignement public. La loi de 1905 autorise le financement public d’aumônerie dans les collèges, lycées, hospices, prisons et casernes. Cela a été confirmé par un décret du 30décembre 2008. Seuls les cultes protestants et israélites ont acceptés le statut d’association cultuelle de la loi de 1905. L’Etat a négocié avec l’Eglise catholique, le statut d’association diocésaine dirigée par l’évêque mais qui interdit l’Etat de se mêler des affaires du clergé. L’Eglise catholique ne se limite qu’à des activités cultuelles.

L’Etat recherche des partenariats publics avec les autres religions afin d’avoir des interlocuteurs dans un but d’intégration. On peut citer par exemple le partenariat avec le conseil représentatif des musulmans de France et le partenariat de l’Etat avec les associations bouddhistes.

La lutte contre les dérives sectaires résulte d’une loi du 12juin 2001. Dedans, le législateur évite de distinguer la religion de la secte. Il s’intéresse aux conséquences et aux phénomènes sectaires qui sont l’isolation, la manipulation, l’escroquerie, le dépouillement, le harcèlement et l’embrigadement.

II. Le droit à l’éducation

Il s’agit pour l’Etat de trouver un consensus entre le droit de chaque enfant à recevoir une éducation et l’éducation qui doit être comprise comme l’enseignement et la transmission de savoir, de savoir-faire et de valeurs. Lorsqu’on parle d’éducation, il y a une concurrence entre les parents et l’institution de l’Etat pour définir les modalités et les contenus de cette éducation.

Il y a un mouvement international qui tend à renforcer l’autonomie des parents pour éduquer leur enfant. Toutefois en France, cette tendance se heurte à une tradition républicaine qui confère aux enseignants la mission de transmettre un socle de valeurs communes. Socle qui permet de constituer une nation autour de l’Etat.

Le droit à l’éducation est reconnu à l’enfant et à l’adulte par l’alinéa13 du préambule de 1946. Ce droit à l’éducation est également reconnu par la charte des droits fondamentaux de l’UE et par l’article2 protocole 1 de la CEDH. Le code de l’éducation rend l’école obligatoire de 6 à 16ans. Le droit des parents à l’éducation des enfants protège le droit des enfants à l’éducation. Les parents peuvent se prévaloir du droit d’éduquer leurs enfants.

L’article371-1 du code civil reconnait ce droit. Ce droit est un prolongement de l’autorité parentale. L’intérêt de ce droit est de légitimer l’Etat dans son action de contrôle vis-à-vis de cette liberté qui oblige les parents à exercer dans l’intérêt de leurs enfants, ce droit à l’éducation seulement en cas de risque majeur pour l’enfant.

Les parents ont également le droit que cette instruction obligatoire des enfants soit prise en charge par l’Etat. Les parents peuvent aussi faire suivre un enseignement à domicile en dehors de toute scolarisation. Ce droit permet aussi de faire suivre aux enfants une scolarité au sein d’un établissement privé. Toutefois, les établissements privés ne sont pas tenus d’accepter toutes les

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inscriptions des élèves. Il y a des limites à ce droit. Un refus d’inscription ne peut pas être motivé par une distinction d’origine ou de croyance.

La liberté d’enseignement a été reconnue le 23novembre 1977 par le conseil constitutionnel comme un principe fondamental des lois de la République. Les liens qui peuvent unir un établissement d’enseignement privé à l’Etat peuvent prendre 2formes :

- Un contrat simple. Pour le 1er degré, les instituteurs sont payés par l’Etat et sont recrutés par l’établissement après agrément de l’académie. Les collectivités territoriales peuvent contribuer au financement des dépenses de fonctionnement de ses établissements. L’enseignement des matières est quadrillé sur celui des enseignements publics.

- Un contrat d’association.Pour le 1er et 2ème degré après 5ans d’existence, les exigences sont renforcées pour le recrutement des enseignants et pour l’adoption des programmes de l’enseignement public.

Ces types de contrat rapprochent ces établissements privés des établissements du service public. En revanche, ces établissements peuvent se prévaloir d’un certain nombre de libertés. Ils peuvent accepter ou interdire la manifestation des signes religieux. Les enseignants doivent au sein de l’enseignement privé respecter le caractère propre de l’établissement. Ils ne peuvent en aucun cas faire de la propagande afin de protéger la liberté des élèves.

Dans l’enseignement supérieur, les enseignants-chercheurs sont libres et indépendants.

Para2 : Les libertés participatives

I. La vie sociale

A. La liberté de réunion et la liberté de manifestation

Faute d’une consécration explicite par les sources constitutionnelles ou internationales, ces libertés ont été rattachées par le juge constitutionnel à la liberté d’expression qu’elle prolonge et concrétise. Toutefois il convient de noter qu’elles sont distinctes notamment du fait de sa dimension collective et pas seulement individuelle et du fait qu’elle puisse soit s’exprimer dans un lieu clôt, une réunion soit dans un espace public, une manifestation.

1. La liberté de réunion

Normalement le fait de se réunir pour un motif personnellement choisi dans un lieu privé devrait relever de la liberté personnelle et de la protection de la vie privée. Toutefois, le caractère politique de la plupart de ces réunions a impliqué un encadrement spécifique. La loi ne régit que les réunions dites publiques càd les réunions ouvertes à tous. Les réunions privées constituent à relever de la vie privée. La réglementation des réunions publiques date de la IIIème République, ce qui explique son caractère désuet notamment à l’heure d’internet.

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Constitutionnellement consacrée par les constitutions de 1791, 1793 et de 1848 mais pas par les Républiques ultérieures, la liberté de réunion est régie par la loi du 30juin 1881 qui a mis fin au régime d’autorisation préalable qui a été remplacé par une simple déclaration préalable. Elle est aussi régie par la loi du 27mars 2007 qui a permis d’évoluer vers un régime de liberté absolue. Les contours de la liberté de réunion ont été précisés par l’arrêt Benjamin du CE du 13mai 1933. L’interdiction est seulement possible lorsque des mesures moins contraignantes pour les libertés s’avèrent inefficaces pour garantir l’ordre public.

La liberté de réunion a été reconnue comme une liberté fondamentale et elle peut par conséquent susciter un référé sauvegarde. L’article12 de la charte des droits fondamentaux de l’UE et l’article11 para1 de la CEDH autorisent des restrictions notamment dans l’armée et dans les administrations. Indépendamment de ces cas, certaines infractions pénales limitent la liberté de réunion. Ce sont par exemple les menaces proférées ou contenues dans des écrits montrés lors d’une réunion publique (loi du 29juillet 1981) et la punition du port d’armes lors d’une réunion publique.

Depuis la loi du 27février 2002 sur la démocratie de proximité, la liberté de réunion est précisée et encadrée dans le code général des collectivités territoriales. Enfin, des circonstances exceptionnelles et l’état d’urgence peuvent limiter la liberté de réunion car l’Etat bénéficie d’un certain nombre de pouvoirs lui permettant de porter atteinte à des libertés fondamentales.

2. La liberté de manifestation

En dehors de l’exercice de la liberté d’aller et venir, la liberté de manifestation peut risquer de troubler l’ordre public lors de l’utilisation de la voie publique pour exprimer une opinion. Ce risque justifie que l’Etat même libéral exige une déclaration préalable. Pour garantir cet ordre public, l’Etat peut également agir de manière répressive lors d’un attroupement constituant un trouble à l’ordre public. La liberté de manifestation, même si elle est encadrée, est néanmoins protégée par l’article11 de la convention européenne et par la jurisprudence de la CEDH. Dans un arrêt « Alekseyev contre Russie » du 21octobre 2010, la CEDH a condamné la Russie car le maire de Moscou avait interdit pendant 3ans de suite la gaypride.

En France, l’article441-1 du code pénal puni depuis 2000 l’entrave à la liberté de manifestation par une peine de 3ans d’emprisonnement. Depuis un décret-loi du 30octobre 1935 une procédure de déclaration a vu le jour afin de prévenir les troubles à l’ordre public. Cette déclaration doit être faite au maire qui doit en informer le préfet. Bien évidemment, toutes les manifestations ne doivent pas faire l’objet d’une déclaration préalable au maire. En sont dispensées les manifestations conformes aux usages locaux comme par exemple les processions religieuses. La déclaration, sur le plan matériel, permet une négociation et un encadrement de la manifestation entre les autorités et les organisateurs.

Les attroupements se distinguent des manifestations. L’attroupement peut être dispersé par la force publique. Bien évidemment, cela se fait dans le respect de certaines garanties. L’usage de la force doit être proportionné aux troubles causés par l’ordre public. Si un attroupement ne cause aucun trouble, la force publique ne doit pas être utilisée. Il doit être encadré pour la simple et bonne raison que l’Etat reste civilement responsable des dommages provoqués par les attroupements.

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Les rave-party qui sont des fêtes musicales spontanées organisées ne bénéficient pas d’autorisation ni des propriétaires des lieux ni des autorités. Il s’agit d’un véritable phénomène de société qui doit être entouré par les pouvoirs publics. D’ailleurs, le législateur dans la loi du 15novembre 2001 a créé un régime spécifique pour ce genre de fête. Il résulte pour les utilisateurs l’obligation de déclarer l’évènement notamment pour des mesures de sécurité et d’hygiène. Cette obligation a été approuvée par le CE dans un arrêt du 30avril 2004 « association Technopole ».

B. La liberté syndicale et la liberté d’association

1. La liberté syndicale

Elle s’apparente à la liberté d’association et elle présente une dimension individuelle et collective. Cette liberté syndicale est protégée par la charte sociale européenne pour les salariés et les employeurs. Elle a pour but de défendre les intérêts économiques et sociaux des salariés et des employeurs. Cette liberté est aussi garantie par la charte des droits fondamentaux de l’UE et par la CEDH ainsi qu’à l’alinéa6 du préambule de 1946.

La liberté de créer un syndicat est effective depuis la loi du 21mars 1884 qui a annoncé la suppression du délit de coalition. Pour créer un syndicat, il suffit simplement de se déclarer par un dépôt en mairie. L’article2136-1 du code de travail permet au procureur de la République de dissoudre un syndicat en raison de ses buts illégaux. Toute tierce personne peut aussi demander sa dissolution en raison de son caractère illégal.

La CEDH oblige l’Etat à protéger positivement la liberté syndicale. Pour se faire, il faut protéger les représentants syndicaux et les personnes syndiquées de toute discrimination. Cette liberté bénéficie également aux fonctionnaires en France sauf pour quelques corps : l’armée, les préfets, …

Le syndicat se démarque aussi de par sa principale prérogative, la négociation et la signature de conventions collectives, qui constitue un monopole. La représentativité des syndicats choisis par l’administration, pour négocier des conventions collectives et pour être autorisés à déclencher des grèves, peuvent aussi présenter des candidats aux élections professionnelles. Cette représentativité choisie par l’administration a fait l’objet de contestation par le biais de la QPC. Le conseil constitutionnel a maintenu ce régime.

2. La liberté d’association

Elle possède également un versant positif et un versant négatif. Cette liberté a été posée par la loi du 1er juillet 1901. Elle rejoint à certains égards la liberté contractuelle et le droit des obligations.

La liberté d’association a d’abord été admise par la révolution française, décrets du 13 et 14novembre 1790 avant que la loi « Le chapelier » vienne interdire les groupements professionnels. Elle a ensuite totalement été interdite sans autorisation et sans contrôle du gouvernement à partir de Napoléon et la loi de 1901 est venue supprimer l’autorisation préalable nécessaire à l’exercice de cette liberté d’association.

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Une loi du 10janvier 1936 a interdit l’association des groupes de combat et de milices armées. En 1939, les associations d’étrangers retournent au régime de l’autorisation préalable. C’est une liberté qui a été constitutionnalisée par le conseil constitutionnel en 1971 en tant que principe fondamental reconnu par les lois de la République. Dans la décision du conseil constitutionnel, même les autorisations préalables déguisées ont été interdites.

L’Alsace-Moselle bénéficie d’un statut particulier, en ce sens que les associations doivent se prévaloir d’une autorisation préalable. En revanche, elles ont une capacité d’action plus importante. Quel que soit le statut d’une association, elle ne peut en aucun cas poursuivre un objet illicite et le juge peut à tout moment dissoudre une association dont l’objet serait illicite. Pour bénéficier d’une liberté de fonctionnement de l’association, la personnalité juridique lui est accordée.

II. Les libertés politiques

A. La citoyenneté

La reconnaissance du statut de citoyen attribue la capacité de penser et de dépasser ses intérêts personnels pour universaliser ces choix et agir dans un intérêt collectif. La DDHC de 1789 réserve au citoyen le droit de consentir à l’impôt et celui de concourir à la formation de la loi. Par conséquent, la citoyenneté n’est pas un droit universel puisque les bénéficiaires de cette citoyenneté ne peuvent être que des nationaux.

La citoyenneté confère également un certain nombre de droits en matière électorale. En l’occurrence, l’article3 protocole1 de la CEDH garantie aux citoyens le droit à des élections libres. Cet aspect a une dimension passive et active. Pour autant, la CEDH tolère un certain nombre de restrictions au droit de vote notamment pour les expatriés ou les détenus à partir du moment où l’Etat présente des justifications crédibles à la cour.

La citoyenneté en France est consacrée et précisée par les articles 3 et 34 de la constitution. L’éligibilité peut être restreinte pour des motifs légitimes et non-discriminatoires. En revanche, une inéligibilité à vie est généralement considérée comme disproportionnée. Enfin, l’inégibilité ne peut résulter que d’un encadrement du législateur, article134 du code électoral.

La perte du droit de vote peut résulter d’une condamnation principale dont elle est la sanction complémentaire pour une durée maximale de 10ans pour ce qui est des crimes et de 5ans pour les délits. Depuis la loi du 5juillet 1974, la majorité électorale est passée de 21ans à 18ans.

B. L’action politique

La liberté d’action des parties politiques s’appuie sur d’autres libertés. En revanche, le droit encadre spécifiquement le financement des partis politiques. Ce financement a pour objectif de maintenir une concurrence entre les différents courants politiques pour éviter une liberté totale débouchant sur un contrôle des forces économiques. L’interdiction des partis politiques est sévèrement punie et protégée par la CEDH. La CEDH admet plus facilement l’interdiction d’un parti politique qui serait dépendant de financement émanant d’une puissance ou d’une personne étrangère.

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CHAPITRE 2Les libertés économiques et les droits sociaux

Section1 : Les libertés économiques

Les libertés économiques ont une certaine proximité avec le droit de la propriété et les libertés contractuelles notamment à travers leur double usage qui est à la fois patrimonial et économique.

Para1 : Le droit de propriété

Le droit de la propriété tel qu’on l’envisage aujourd’hui résulte de l’effondrement de l’ordre féodal lors de la révolution française. La propriété notamment celle de la terre est depuis cette période conçue comme un prolongement de la personne. En effet, cette liberté est la conséquence de son travail. Par conséquent, le lien du travail établi une relation entre la propriété sur soi et la propriété sur les choses. Ainsi de la même façon que l’homme est son propre propriétaire, il est aussi le propriétaire de ce qu’il fait, de ce qu’il produit et donc du résultat de son action. Cette conception est très largement inspirée et influencée par John Locke. Elle permet de mieux comprendre le régime actuel du droit de propriété comme une liberté.

La notion de propriété se définie aujourd’hui sur un plan juridique moins par ses attributs que par ses principes càd son appropriation et son utilisation. Par conséquent, il convient d’envisager la propriété, non pas comme une chose, mais comme un pouvoir. Le droit de propriété a été consacré par un certain nombre de textes.

I. Sa consécration comme droit de l’Homme

Les droits sur une chose que confère la propriété d’un bien constitue comme le précise l’article544 du code civil, les prérogatives individuelles d’une personne sur cette chose. Pour la convention européenne, la propriété est indirectement définie comme le droit à la protection des biens, article1 du protocole1. Pour ce qui est de la constitution française, le droit de propriété constitue, au regard de l’article17 de la DDHC un droit inviolable et sacré.

Les pouvoirs publics peuvent recourir à l’usage de la force pour protéger la propriété. D’ailleurs, en cas de refus de concours de la force publique, la responsabilité de l’Etat peut être engagée.

II. Les limites du droit de propriété

Depuis 1789, la notion de propriété a doublement évoluée. On a constaté une extension de son champ d’application dans des domaines nouveaux comme la propriété privée d’une marque de fabrique. Indépendamment de cette extension, on a assisté à une démultiplication des limitations exigées par l’intérêt général à tel point qu’aujourd’hui certains parlent d’un droit malmené.

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La jurisprudence des cours nationales et internationales le redéfinissent comme un droit orienté vers un usage social. Ainsi, l’intérêt général et l’ordre public peuvent limiter le droit de propriété mais seulement dans un cadre précis. A titre d’exemple, la sauvegarde de la diversité commerciale des quartiers ne permet pas de soumettre à une telle autorisation administrative, tout changement de destination d’un local commercial ou artisanal sans représenter une atteinte disproportionnée au droit de propriété.

Par ailleurs, l’alinéa9 du préambule de 1946 dispose que tout bien ou toute entreprise acquérant les caractères d’un service public national ou d’un monopole de faits doit être nationalisée. Toutefois, le conseil constitutionnel veille à ce que le législateur ne prive pas de son contenu l’article17 de la DDHC de 1789 et plus précisément, la juste indemnisation lors de nationalisation. Cela s’est manifesté dans un arrêt du conseil constitutionnel du 16janvier 1982 à propos de la loi de nationalisation. Le conseil veille à ce qu’il n’y ait pas d’atteintes disproportionnées.

Enfin, la CEDH admet également des ingérences de l’Etat dans le droit de propriété. Elle admet entre autres un encadrement du droit de résiliation des baux d’habitation. Cela résulte d’un arrêt du 21novembre 1995 « Barreto contre Portugal ». La CEDH admet également que l’Etat puisse accorder des avantages aux locataires en vue d’accéder à la propriété de leur logement. Cela résulte d’un arrêt du 21février 1986 « James contre Royaume-Uni ».

Par exemple, en France si on est locataire d’un logement et que le propriétaire veut le vendre, on l’oblige à proposer prioritairement l’achat au locataire.

Enfin, la CEDH admet en matière d’ingérence, le fait d’encourager le rachat de logement en encadrant les loyers. Cela résulte d’un arrêt du 19décembre 1989 « Mellacher contre Autriche ».

La démarche de la CEDH en droit de la propriété a une dimension sociale car d’une part elle protège le locataire et d’autre part, elle encourage l’accès à la propriété. Cela est parfaitement relayé par les jurisprudences nationales.

Para2 : La liberté d’entreprendre et la liberté contractuelle.

I. La liberté d’entreprendre

A. La notion

La liberté d’entreprendre est peu détaillée dans les normes juridiques elles-mêmes. Cependant, elle est confortée dans la jurisprudence en raison d’une réalité économique, la mondialisation et la liberté des échanges.

La liberté d’entreprendre englobe plusieurs libertés à savoir :

- La liberté du commerce et de l’industrie. C’est la possibilité de pouvoir créer une entreprise, d’en choisir la forme, d’en organiser la gouvernance mais aussi de manière plus pragmatique, de recruter, licencier ou sanctionner les salariés dans le respect du droit social.

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- La liberté professionnelle. C’est pour chaque individu la liberté d’accès à une profession, la possibilité de changer d’employeur et le libre exercice des professions libérales.

- La liberté d’établissement.On parle plus précisément de la libre concurrence et du libre accès à la commande publique.

Cette liberté est apparue en France en 1791 avec les lois du 2 et 17mars dites « décret d’Allarde » et la loi « Lechapelier » du 14 et 17juin qui permettent de libéraliser les activités économiques en détruisant notamment le contrôle des corporations sur l’accès aux professions.

B. Les limites

Les juridictions constitutionnelles et européennes reconnaissent très facilement la légitimité des limitations à la liberté d’entreprendre si celles-ci sont fondées sur un motif d’intérêt général. Bien évidemment, ces limitations ne doivent pas dénaturer la liberté d’entreprendre en ayant des effets disproportionnés par rapport à l’objectif poursuivi.

La liberté d’entreprendre peut être défendue par le juge administratif dans le cadre d’un référé sauvegarde. A titre d’exemple, le conseil d’Etat a pu admettre que le territoire de la Polynésie limite la profession de taxi à une seule ville en raison des particularités du territoire. En revanche, le CE a considéré comme disproportionné le fait de limiter la délivrance de licence de taxis aux seuls propriétaires de taxis à raison d’une licence par personne. En effet, le CE a considéré que cette dernière mesure portait une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre. Cette interprétation résulte d’un arrêt du 13mai 1994.

Pour le juge judiciaire, la liberté contractuelle ne peut nuire à la liberté d’entreprendre que de manière limitée dans le temps et l’espace. Il y a par exemple la clause de non-concurrence. Cette atteinte à la liberté d’entreprendre est tolérée sur un plan contractuel, en revanche le juge judiciaire s’assurera qu’elle ne soit pas disproportionnée, il faut qu’elle soit limitée dans le temps et l’espace.

II. La liberté contractuelle

A. La notion

Le contrat permet de se lier à autrui en créant des obligations qui sont habituellement réciproques. Ces contrats englobent 3aspects :

- La liberté de choisir de contracter- La liberté de choisir le contenu du contrat, de définir les obligations.- La possibilité d’obtenir la protection du contrat contre autrui ou contre la puissance publique

Il faut toutefois préciser que la liberté contractuelle est absente des sources internationales des droits fondamentaux. On observe notamment un silence de la convention européenne. Ce silence suscite un certain nombre d’interrogations en conduisant notamment certains auteurs à se poser la question de la réelle utilité de cette notion. Pour certains, le silence de la CEDH en matière de liberté

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contractuelle, ne résulte pas uniquement de son absence dans la convention européenne. En effet, pour ces auteurs la liberté contractuelle fait double emploi avec d’autres droits fondamentaux qui protègent l’objet du contrat (ex : la propriété ou l’association). Pour ces auteurs, l’intangibilité des conventions càd leur protection dans le temps n’est qu’une reformulation du principe de sécurité juridique et de confiance légitime. Par conséquent, la liberté contractuelle est une liberté transversale qui s’appuie sur d’autres libertés.

On observe également le silence du code civil qui entraine le faible usage de cette liberté. L’article34 de la constitution réserve à la loi la réglementation de la liberté contractuelle. La notion de liberté contractuelle ne se rencontre que dans la jurisprudence du conseil constitutionnel. En effet, après avoir refusé une protection constitutionnelle à la liberté contractuelle, le conseil constitutionnel reconnait désormais qu’elle découle de l’article4 de la DDHC de 1789, lui accordant ainsi une protection constitutionnelle depuis 1998. Par ailleurs, le conseil constitutionnel dans une décision du 13janvier 2000 relative au RTT s’est appuyé sur l’article4 de la DDHC et sur l’alinéa8 du préambule de 1946 pour reconnaitre le principe d’intangibilité des conventions.

B. Les limites

Les limitations sont peu nombreuses puisque le conseil constitutionnel tout en donnant une protection constitutionnelle à la liberté contractuelle accepte qu’un objectif à valeur constitutionnelle en l’occurrence le droit d’avoir un logement décent pour chaque individu permet au législateur de porter atteinte au contrat en cours. Cela résulte d’une décision du 18mars 2009.

Enfin, de manière plus classique, la liberté contractuelle peut être limitée pour des raisons d’intérêt général ou de libre concurrence. Par ailleurs, le conseil constitutionnel accepte des limitations législatives d’ordre public ou destinées à protéger les contractants contre eux-mêmes.

Section2 : Les droits sociaux

Para1 : Les droits relatifs au travail

I. Les libertés du travailleur

La liberté du travail signifie qu’en l’absence de toute contrainte légale ou extérieure à la volonté de l’individu, il est possible de négocier sa force de travail de manière libre. Cette liberté implique la liberté de contracter et de choisir son activité professionnelle. Des motifs d’intérêt général ou des sanctions pénales secondaires peuvent justifier des interdictions professionnelles. Pour les motifs d’intérêt général on peut citer l’interdiction de cumuler un emploi public et un emploi privé. Cette interdiction était très stricte mais cela s’assouplie avec le temps. Certaines organisations professionnelles interdisent également pour des raisons morales leur accès. Des sanctions pénales secondaires peuvent justifier des interdictions professionnelles mais c’est de moins en moins strict.

La liberté de travailler n’est pas expressément proclamée par des normes juridiques. Pour autant, de nombreux textes internationaux consacrent le droit du travail. On peut citer à titre d’exemple l’article23 de la DUHC, l’article1 de la charte sociale européenne et l’article15 de la charte des droits fondamentaux de l’UE. L’émergence de ces textes internationaux en matière de droit du travail s’est

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fortement développée sous l’influence de certains pays notamment des ex-pays du bloc communiste et des pays émergents. Rien ne se trouve dans la convention européenne en matière de droit du travail. Toutefois, le droit au travail s’est fortement développé par le biais de la jurisprudence de la CEDH. Elle s’appuie sur la protection des biens pour protéger les sources de revenu du travail.

Le droit de travail implique également le droit à l’emploi mais se limite surtout à une absence d’entraves de la part de l’Etat et des tiers. Il pèse sur les Etats un certain nombre d’obligations positives. En tout cas, malgré l’intervention du législateur, il s’agit d’un droit fondamental sans effet direct et malgré le texte du préambule de 1946 qui est censé garantir ce droit. Ainsi, pour de nombreux auteurs, il s’agit seulement d’un objectif à valeur constitutionnelle notamment en raison de l’impossibilité de concrétiser ce droit pour des millions de chômeurs.

Le droit au travail justifie un certain nombre d’obligations en matière de formation continue des employés par les employeurs, afin de pérenniser l’emploi en adaptant les salariés à l’évolution technologique ou scientifique. Par ailleurs, ce droit au travail contraint également l’employeur à procéder à un reclassement de ses employés en cas de cessation des activités.

Le droit au travail permet également de limiter l’entrepreneur en matière de licenciement. La liberté de licenciement est fortement atténuée par ce droit au travail. Par ailleurs, le droit au travail justifie l’exonération de charges sociales pour favoriser l’emploi mais bien évidemment, il n’interdit pas le licenciement pour raison économique. Ce droit au travail fonde également le régime juridique de l’assurance chômage. L’artile29 de la charte des droits fondamentaux de l’UE crée un droit d’accès à un service gratuit de placement.

Cette liberté du travailleur permet également d’interdire le travail forcé càd qu’il entraine pour le travailleur le droit de refuser un travail. Ces libertés du travailleur permettent de mettre en place ou de soumettre la perception d’une allocation de retour à l’emploi à une recherche réelle d’un emploi d’où la possibilité pour l’Etat de sanctionner un allocataire. La liberté de travailler permet aussi sur le terrain du droit civil d’obtenir un dédommagement pour un salarié qui a été empêché de travail suite à une grève. Elle se conjugue également avec la liberté d’entreprendre de l’employeur. En effet, cette liberté d’entreprendre de l’employeur empêche les pouvoirs publics ou le juge de le forcer à réintégrer un salarié après l’annulation par le juge d’un licenciement abusif.

La liberté du travail entraine également le droit à une rémunération minimale. La rémunération minimale est protégée par l’article5 alinéa2 de la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs et l’article4 de la charte sociale européenne. Ces textes sont fréquemment utilisés par le conseil d’Etat. Dans l’entreprise, le salarié a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa dignité et sa sécurité.

II. Le droit de grève

Avant de devenir un problème pour l’organisation du service public, le droit de grève répondait à une autre problématique, celle de l’absence de culture du dialogue social en France. Le droit de grève doit être considéré comme une solution à cette absence de dialogue qui se matérialise par un conflit institutionnalisé qui consiste à cesser le travail pour provoquer une négociation. L’assise juridique du droit de grève n’apparait qu’avec le préambule de 1946.

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L’article11 de la convention européenne permet aux syndicats d’effectuer leur mission de protection auprès des salariés en leur accordant une certaine protection, une certaine immunité. La jurisprudence de la CEDH a confirmé ce rôle. La CEDH reconnait néanmoins un certain nombre de restrictions notamment pour les agents publics mais pas au point d’en priver ces derniers. Cela oblige les Etats à aménager le droit de grève. La CEDH dans sa jurisprudence développe une conception objective de la grève dont le titulaire serait plus le syndicat que le salarié.

Quant au juge communautaire, il a intégré ce droit de grève parmi les principes généraux du droit de l’UE tout en admettant de larges exceptions pour protéger la liberté d’établissement et la liberté de prestation de services. L’article28 de la charte des droits fondamentaux de l’UE reconnait le droit de négociation et le droit à des actions collectives comme par exemple la grève pour la défense des intérêts des travailleurs.

Quant au préambule de 1946, à l’alinéa7, le droit de grève est consacré constitutionnellement. Toutefois, des limitations sont possibles notamment par un autre principe à valeur constitutionnelle, celui de la continuité des services publics. La constitution française permet d’interdire totalement le droit de grève à certaines catégories d’agents indispensables aux besoins essentiels du pays.

L’interdiction au droit de grève peut s’appliquer à l’armée et à certains services de l’Intérieur. L’Etat bénéficie toutefois de la possibilité de réquisition des personnels. Le droit de grève en France contraint les salariés à déclarer préalablement leur intention de faire grève. Cette déclaration préalable a été considérée par le conseil constitutionnel non pas comme une mesure faisant obstacle au droit de grève mais comme une mesure préventive des conflits.

Ainsi, la loi du 21août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs contraint les organisateurs de grève à une telle déclaration d’une part mais consacre également un service minimum dans les transports publics. De même, il existe un service d’accueil lors des grèves dans les écoles primaires. Ces mesures nous permettent de constater que l’exercice du droit de grève dans les services publics est certes admis mais beaucoup plus encadré que dans le secteur privé. En effet, dans le secteur privé, le préavis n’est pas obligatoire.

Chaque journée de grève fait l’objet d’une retenue sur salaire, en revanche celle-ci ne peut être la conséquence d’une pénalité sinon une telle mesure serait considérée comme une entrave au droit de grève. Enfin, il est impossible pour un employeur de motiver un licenciement pour raison de grève. De même, un employeur ne pourra pas fermer une entreprise pendant une période de grève sauf bien évidemment si cette mesure a pour objectif d’assurer la sécurité du site.

Para2 : Les autres droits sociaux

I. Le droit au logement

Une loi du 5mars 2007 créé un droit au logement opposable, ce droit est également présent à l’article31 de la charte sociale européenne mais sous une forme extrêmement vague qui rend très difficile son application. En revanche, la charte des droits fondamentaux de l’UE à travers son article34-3 garantie un droit à l’aide au logement.

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Ce droit au logement a une dimension verticale au départ puisqu’à travers celui-ci chaque individu peut demander à l’Etat un logement en urgence. Il y a aussi une dimension horizontale à ce droit qui conduit les pouvoirs publics à encadrer les relations entre les bailleurs et les locataires. En 1995, avant l’intervention de la loi du 5mars 2007, le droit au logement avait été reconnu par le conseil constitutionnel comme un objectif à valeur constitutionnelle.

Cependant, ce droit au logement n’est pas autonome puisqu’il se fondait sur la dignité de la personne humaine. Par ailleurs, il était inopposable à l’administration dans le cadre du référé liberté ou contre le refus de réquisitionner des logements vides. Néanmoins, en tant qu’objectif à valeur constitutionnelle, on a pu justifier la création d’une taxe sur les logements vacants depuis plus de 18mois dans les communes où existent un déséquilibre entre l’offre et la demande de logement.

Aujourd’hui, le droit au logement est un droit opposable qui est organisé par le biais d’un mécanisme d’attribution en urgence de logements pour des personnes sélectionnées par une commission de médiation. Ce mécanisme est sous la direction du préfet. Le préfet dispose de pouvoirs puisqu’il peut enjoindre le bailleur à loger le demandeur. En cas d’échec, le juge administratif peut être saisi 4mois après l’expiration du délai imparti au préfet pour trouver un logement. L’Etat peut être condamné sous astreinte à fournir un accueil provisoire. Le juge administratif statut à juge unique dans les 2mois. Ce recours ne nécessite pas l’assistance d’un avocat.

La loi du17janvier 2002 interdit la discrimination dans l’accès au logement. Lors de l’expulsion d’un locataire, le juge doit prendre en compte la difficulté du locataire à se reloger. Si le locataire rencontre des difficultés, cela peut faire obstacle à une expulsion. D’ailleurs, la jurisprudence de la CEDH s’oriente vers une lecture plus sociale de la dignité humaine en découvrant de nombreuses indications dans le domaine du logement. Ainsi, la CEDH refuse d’abandonner un bien primordial comme le logement au hasard du marché. Par ailleurs, la CEDH autorise les gouvernements à surseoir à l’exécution des expulsions dans un contexte de crise du logement. A tel point que la CEDH place la dignité sociale devant la propriété.

II. Les prestations sociales

Le droit à des conditions d’existence digne est consacré par l’alinéa10 du préambule de 1946, complété par l’alinéa11. Ce droit fonde diverses prestations sociales comme l’aide sociale à l’enfance, l’allocation de solidarité spécifique voire le mécanisme du quotient familial. Ce droit a été appliqué et validé par le conseil d’Etat notamment pour l’instauration du RMI et la combinaison de ce droit à des conditions d’existence digne avec la dignité humaine permet de renforcer son invocabilité et donc par conséquent sa protection devant le juge. Ce phénomène contribue à la subjectivisation des droits sociaux qui étaient jusque-là peu effectif puisque ces droits sociaux n’étaient concrétisés et protégés que par des politiques sociales.

Le droit à la solidarité nationale devant les calamités nationales est indirect. En effet, ce droit passe par l’application législative, de ce fait il n’a pas d’effet direct.

Le droit aux prestations familiales se fonde sur l’alinéa11 du préambule de 1946 mais cela n’empêche pas au législateur de fixer l’attribution de telles prestations à des conditions de ressources.

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