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9 La fiction pour interroger le réel Individu et société : confrontations de valeurs ? p. 12-31 O Comment Maupassant interroge-t-il le réel et la société du xix e siècle dans La Parure ? Les documents proposés sur cette page ont pour but de représenter visuellement la société du xix e siècle. Une courte biographie permet de situer Maupassant dans son époque. Ses liens avec Flaubert et Zola peuvent éclairer son engagement littéraire vers le réalisme. Ses liens avec la presse donnent un sens au genre choisi : les nouvelles sont des écrits brefs, incisifs avec une intrigue simple et peu de personnages afin d’en faciliter l’accès aux lecteurs de la presse de l’époque (voir p. 28 la une d’un journal d’époque, le Gil Blas, annonçant la publication de la nouvelle de Maupassant). La lecture de La Parure nécessitera au préalable des recherches sur la vie parisienne du xix e siècle, que les documents de cette page visent à présen- ter : quelles étaient les différentes classes sociales, qu’est-ce qui les distinguait (loisirs, mode de vie...) ? Il sera également important de se documenter sur la condition des femmes à cette époque pour mieux analyser la trajectoire de Mathilde, personnage central de la nouvelle. Parez-vous de vos plus beaux atours 1. Le mot « parure » – qui donne son titre à la nouvelle – désigne génériquement l’ensemble des vêtements, ornements, bijoux d’une personne en grande toilette. Et, de manière plus spécifique, ce mot désigne une garniture de bijoux assortis et formant un ensemble. 2. C’est, bien sûr, lors de grandes cérémonies, de grandes réceptions qu’une femme portera une parure. On parle notamment de « parures de diamants ». La Parure, du rêve à la réalité 1. La Parure, du rêve à la réalité 1 S é Q U E N C E Objectifs • Étudier une nouvelle réaliste. • Analyser le regard de Maupassant sur la société du xix e  siècle. Présentation de la séquence Cette séquence s’inscrit dans l’entrée « Regarder le monde » du nouveau programme, qui correspond en 4 e à la thématique « La fiction pour interroger le réel ». Dans la nouvelle réaliste, on peut aussi croiser les questionnements et s’interroger sur « Individu et société : confrontation de valeurs ». À travers l’étude intégrale de cette nouvelle réaliste – étude qui s’appuiera sur l’adaptation télévisuelle de Claude Chabrol – les enjeux littéraires sont doubles : – comprendre quelles sont les ambitions du réalisme en matière de représentation de la société ; – s’interroger sur la manière dont les personnages sont décrits et sur leur rôle dans la peinture de la réalité. Bibliographie • Guy de Maupassant, Nouvelles réalistes, Belin-Gallimard, « Classico Collège », 2013. • Guy de Maupassant, Histoire vraie et autres nouvelles, Belin- Gallimard, « Classico Collège », 2008. • Guy de Maupassant, Toine et autres contes, Hachette, « Biblio Collège », 1999. • Gustave Flaubert, « Un cœur simple », Trois Contes [1877], Le Livre de poche, 1972. Réalisme et naturalisme, dir. Éléonore Roy-Reverzy, Flammarion, « Étonnants Classiques », 2009. Sites à consulter Pour avoir accès à tous les textes de Maupassant ainsi que des résumés et des notes de lecture : • http://maupassant.free.fr Pour s’imprégner du Paris du xix e siècle : • http://www.info-histoire.com/156/paris-au-xixe-siecle-en-photo/ • http://www.pariszigzag.fr/histoire-insolite-paris/comment- etait-paris-avant-1900 9 Texte intégral Guy de Maupassant, La Parure (1884) Entrer dans la séquence p. 15 © Éditions Belin, 2016

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La fiction pour interroger le réel

Individu et société : confrontations de valeurs ?p. 12-31

O Comment Maupassant interroge-t-il le réel et la société du xixe siècle dans La Parure ?

Les documents proposés sur cette page ont pour but de représenter visuellement la société du xixe siècle. Une courte biographie permet de situer Maupassant dans son époque. Ses liens avec Flaubert et Zola peuvent éclairer son engagement littéraire vers le réalisme.Ses liens avec la presse donnent un sens au genre choisi : les nouvelles sont des écrits brefs, incisifs avec une intrigue simple et peu de personnages afin d’en faciliter l’accès aux lecteurs de la presse de l’époque (voir p. 28 la une d’un journal d’époque, le Gil Blas, annonçant la publication de la nouvelle de Maupassant).La lecture de La Parure nécessitera au préalable des recherches sur la vie parisienne du xixe siècle, que les documents de cette page visent à présen-ter : quelles étaient les différentes classes sociales, qu’est-ce qui les distinguait (loisirs, mode de vie...) ? Il sera également important de se documenter sur la condition des femmes à cette époque pour mieux analyser la trajectoire de Mathilde, personnage central de la nouvelle.

Parez-vous de vos plus beaux atours1. Le mot « parure » – qui donne son titre à la nouvelle – désigne génériquement l’ensemble des vêtements, ornements, bijoux d’une personne en grande toilette. Et, de manière plus spécifique, ce mot désigne une garniture de bijoux assortis et formant un ensemble.2. C’est, bien sûr, lors de grandes cérémonies, de grandes réceptions qu’une femme portera une parure. On parle notamment de « parures de diamants ».

La Parure, du rêve à la réalité

1. La Parure, du rêve à la réalité

1 s

équence

Objectifs• Étudier une nouvelle réaliste.• Analyser le regard de Maupassant sur la société du xixe siècle.

Présentation de la séquence Cette séquence s’inscrit dans l’entrée « Regarder le monde » du nouveau programme, qui correspond en 4e à la thématique « La fiction pour interroger le réel ». Dans la nouvelle réaliste, on peut aussi croiser les questionnements et s’interroger sur « Individu et société : confrontation de valeurs ».À travers l’étude intégrale de cette nouvelle réaliste – étude qui s’appuiera sur l’adaptation télévisuelle de Claude Chabrol – les enjeux littéraires sont doubles :– comprendre quelles sont les ambitions du réalisme en matière de représentation de la société ;– s’interroger sur la manière dont les personnages sont décrits et sur leur rôle dans la peinture de la réalité.

Bibliographie • Guy de Maupassant, Nouvelles réalistes, Belin-Gallimard, « Classico Collège », 2013.• Guy de Maupassant, Histoire vraie et autres nouvelles, Belin-Gallimard, « Classico Collège », 2008.• Guy de Maupassant, Toine et autres contes, Hachette, « Biblio Collège », 1999.• Gustave Flaubert, « Un cœur simple », Trois Contes [1877], Le Livre de poche, 1972.• Réalisme et naturalisme, dir. Éléonore Roy-Reverzy, Flammarion, « Étonnants Classiques », 2009.

Sites à consulter Pour avoir accès à tous les textes de Maupassant ainsi que des résumés et des notes de lecture :• http://maupassant.free.frPour s’imprégner du Paris du xixe siècle :• http://www.info-histoire.com/156/paris-au-xixe-siecle-en-photo/• http://www.pariszigzag.fr/histoire-insolite-paris/comment-etait-paris-avant-1900

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Texte intégral Guy de Maupassant, La Parure (1884)

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3.

champ lexical de la souffrance

champ lexical du luxe

« malheureuse » (l. 9) – « déclassée » (l. 9) – « pauvreté » (l. 18) – « misère » (l. 18) – « regrets désolés » (l. 24) – « souffrait » (l. 26) – « pleurait » (l. 53) – « chagrin » (l. 54) – « regret » (l. 54) – « désespoir » (l. 54) – « détresse » (l. 55)

« antichambres capitonnées » (l. 25) – « torchères de bronze » (l. 27) – « deux grands valets » (l. 27) – « grands salons vêtus de soie ancienne » (l. 30) – « larges fauteuils » (l. 28-29) – « bibelots inestimables » (l. 31- 32) – « petits salons coquets » (l. 32) – « argenteries reluisantes » (l. 42-43) – « plats exquis » (l. 46) – « vaisselles merveilleuses » (l. 46)

Le contraste marqué par ces deux champs lexicaux est évident et trace une frontière nette entre les conditions de vie de Mme Loisel et celles dont elle rêve. Elle mène une vie médiocre et monotone, et la vie dont elle rêve semble donc d’autant plus inaccessible.

L’insatisfaction de Mme Loisel4. Pour faire le portrait de Mme Loisel, le narrateur emprunte un point de vue interne, choix qui permet au lecteur de pénétrer les pensées intérieures du personnage et d’en saisir la psychologie. Ici, c’est donc à travers le point de vue de Mme Loisel elle-même qu’on découvre sa vie et ce à quoi elle rêve. Ce point de vue explique les phrases longues et énumératives : le narrateur à la 3e personne nous donne à lire les pensées de Mme Loisel.5. Le portrait de M. Loisel n’est pas vraiment tracé. Seule son attitude réjouie face à un bon pot-au-feu (« son mari qui découvrait la soupière en déclarant d’un air enchanté : “Ah ! le bon pot-au-feu ! je ne sais rien de meilleur que cela...” », l. 39-41) laisse deviner qu’il se satisfait de sa situation et de son quotidien et qu’il ne nourrit pas d’ambitions inacces-sibles, contrairement à sa femme.6. a. Mme Loisel mène la vie classique d’une femme appar-tenant à la petite bourgeoisie. Elle est convenablement logée, même si le confort est minimum : « misère des murs », « usure des sièges » (l. 19-20) ; elle dispose d’une femme de ménage et peut se nourrir correctement sans aller à l’ex-cès. C’est un sort qu’envieraient beaucoup d’ouvriers et le comportement de Mme Loisel révèle chez elle une insatisfac-tion permanente, une envie presque irrépressible d’accéder à la classe supérieure.b. Le narrateur condamne clairement cette attitude dans ce commentaire intégré à la narration : « Toutes ces choses, dont une autre femme de sa caste ne se serait même pas aperçue, la torturaient et l’indignaient. » (l. 20-22).

S’exprimer à l’écritImaginer les pensées d’un personnage 7. Il s’agira ici, avant tout, d’émettre un point de vue. M. Loisel semble conscient des désirs de sa femme, semble

3. Ce travail d’écriture nécessitera une documentation rapide (vidéos, magazines) sur les tenues de soirée portées lors d’une grande réception. Ce travail préparera activement à la lecture (on écrit pour mieux lire) en mettant l’élève dans la situation du personnage qu’il rencontrera dans la nouvelle.

Imprégnez-vous du xixe siècle4. Dans cette scène de rue, les différents milieux sociaux apparaissent, des ouvriers aux bourgeois. Au second plan, une femme portant un tablier blanc, un homme légèrement courbé et portant deux sacs verts sont représentatifs de la classe ouvrière. Quelques femmes, dont l’une au premier plan, portant un panier à provisions représentent la classe moyenne. D’autres personnages portant des hauts de forme et des nœuds papillon représentent la bourgeoisie.5. Plusieurs peintres du xixe siècle ont représenté la société de l’époque, dans toute sa diversité, y faisant apparaître d’autres thèmes qui pourront constituer les thèmes de ce diaporama : les gens du peuple, les scènes du quotidien, la nature. On se référera notamment aux œuvres de Gustave Courbet, Jean-François Millet, Julien Dupré, Jean-Baptiste Corot, en plus des nombreux tableaux de Jean Béraud.

Une vie monotone

Objectif• Comprendre le portrait d’un personnage dans une nouvelle.

O Comment le narrateur dépeint-il le personnage et son quotidien ?

Analyser et interpréter le texteUn portrait entre rêve et réalité1. On sait de Mme Loisel est jolie (l. 1), qu’elle est née dans « une famille d’employés » (l. 3) et qu’elle a épousé « un petit commis du ministère de l’Instruction Publique » (l. 6-7). (On pourra signaler que Maupassant lui-même a été employé de ce ministère en 1879 et qu’il connait donc parfaitement le milieu qu’il décrit.) Elle a une femme de ménage, vit modes-tement et appartient donc à la petite bourgeoisie.2. « Elle songeait aux antichambres muettes, capitonnées... » (l. 24-25), « aux grands salons vêtus de soie » (l. 30), « aux dîners fins, aux argenteries » (l. 42) , « aux plats exquis » (l. 46). En fait, Mme Loisel ne rêve que d’une chose : accéder à tous les fastes de la haute bourgeoisie.

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avoir des attentions à son égard et est visiblement ravi de la carte d’invitation qu’il tend à sa femme parce qu’elle doit, a priori, répondre à ses désirs de paraître, répondre, pour un moment, à ses rêves de grandeur. C’est, pour l’essentiel, le plaisir qu’il pense donner à sa femme qui constituera le centre de ce monologue intérieur. Sa hâte de lui remettre l’invitation doit être soulignée. On pourra aider l’élève en signalant que le récit doit être raconté du point de vue de M. Loisel, à la première ou la troisième personne du singulier.

Le désir de paraître

Objectif• Étudier le rôle des dialogues dans une nouvelle réaliste.

O Comment le dialogue nous renseigne-t-il sur les personnages ?

Analyser et interpréter le texteDes dialogues révélateurs1. Les dialogues marquent une réelle opposition de caractère entre M. et Mme Loisel : l’un est sage, il essaie de trouver des solutions dans la mesure de leurs moyens, prêt à tout pour satisfaire sa femme, généreux, presque soumis (il renonce à l’achat de son fusil, l. 42-49). Mme Loisel ignore la sagesse, l’humilité, n’assume pas sa condition (« je n’ai pas de toilette et par conséquent je ne peux aller à cette fête », l. 26-27, « il n’y a rien de plus humiliant que d’avoir l’air pauvre », l. 65).2. Mme Loisel passe donc par divers sentiments :– l’irritation car elle n’a pas de toilette (« Elle le regardait d’un œil irrité », l. 11) ;– l’immense déception (« sa femme pleurait », l. 18-19) ;– l’espoir, après la proposition de son mari (l. 39-49) ;– puis à nouveau l’inquiétude, l’anxiété provoquée par l’ab-sence de bijou (l.56 à 58) ;– et, enfin, l’euphorie (« Elle sauta au cou de son amie, l’em-brassa avec emportement, puis s’enfuit avec son trésor », l. 89-90).

La parure3. Mme Forestier appartient à la haute bourgeoisie. On le voit au grand nombre de bijoux qu’elle propose à Mme Loisel et à la rivière de diamants qu’elle lui prête sans retenue. Les deux femmes semblent unies par une réelle amitié (on a vu dans l’extrait précédent qu’elles sont amies de couvent). Mme Forestier cherche visiblement à faire plaisir à Mme Loisel.

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4. Mme Loisel finit par emprunter une rivière de diamants (l. 83), certainement parce que ce bijou est le plus repré-sentatif de la haute bourgeoisie. La longue énumération des bijoux sert à mettre en valeur l’opulence dans laquelle vit Mme Forestier. 5. On ne peut que deviner ce que dit Mme Loisel à son amie. On sait seulement, sous forme d’un discours narrativisé, qu’« elle lui conta sa détresse » (l. 72). Le verbe « conter » nous laisse deviner à lui seul les confidences amères de Mme Loisel sans qu’il soit besoin d’en reprendre les propos.6. La dernière phrase de cet extrait traduit l’euphorie de Mme Loisel, par le rythme ternaire et le vocabulaire employé (« sauta au cou », « avec emportement », « s’enfuit avec son trésor », l. 89). Une rapide analyse de la couverture de la revue La Vie populaire de 1885 (numéro dans lequel a été publié La Parure) proposée en illustration (p. 19) rendra bien compte de ce moment d’extase.

S’exprimer à l’écrit Imaginer un dialogue7. Cet exercice d’écriture vise à exploiter l’analyse des senti-ments de Mme Loisel effectuée dans les deux premières lectures, et à réinvestir les codes du discours direct étudié dans cet extrait. Mme Loisel évoquera les différentes étapes qui l’ont conduite à cette démarche : l’invitation inattendue, la pauvreté de sa garde-robe, son envie de ne pas détoner au milieu d’invités prestigieux. On pourra suggérer une lecture expressive des productions écrites, qui rendra l’exercice plus attrayant et permettra une analyse critique constructive.

Pour bien écrire Le nom « tâche », homophone/homographe du verbe, a le sens de « devoir à accomplir ».

De la gloire à la désillusion

Objectif• Analyser un retournement de situation.

O Quel retournement de situation intervient dans le récit ?

Analyser et interpréter le texteUne scène de bal1. Le narrateur décrit cette scène de bal en adoptant un point de vue omniscient, faisant ainsi partager au lecteur

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à la fois le regard admiratif de tous les invités, leurs inten-tions (« Tous les attachés du cabinet voulaient valser avec elle », l. 5-6) et le bonheur intérieur de Mme Loisel (« Elle dansait avec ivresse, avec emportement, grisée par le plaisir, ne pensant plus à rien », l. 8-9).2. Mme Loisel vit un moment de bonheur intense traduit par les termes de ce champ lexical : « folle de joie », « ivresse », « emportement », « plaisir », « bonheur », « désirs » (l. 8-11). 3. La soirée se déroule conformément aux rêves de Mme Loisel, et peut-être même au-delà. Le premier para-graphe rend bien compte de son incroyable succès, comme le montre la gradation, de « tous les hommes » (l. 3-4), puis « tous les attachés du cabinet » (l. 5-6), au « ministre » (l. 6), point culminant de son triomphe.

Le retour à la réalité4. Deux grands moments s’opposent dans ce passage : le premier, que l’on pourrait intituler « Au-delà du rêve », raconte la scène de bal en deux paragraphes (l. 1-18) et nous montre une femme comblée ; et le second (l. 19-81), que l’on pourrait appeler « Un cruel retournement », occupe plus de 60 lignes et raconte le retour des Loisel à leur modeste condi-tion ainsi que la perte catastrophique du bijou emprunté. C’est donc ce deuxième moment qui occupe la plus grande place, car il constitue le nœud tragique de la nouvelle.5. Les mots traduisant les sentiments des Loisel lors de leur retour sont nombreux et forts et appartiennent au champ lexical du désespoir : « affolée » (l. 50), « éperdu » (l. 53), « atterrés » (l. 66), « sans force » (l. 70), « abattue » (l. 71), « effarement » (l. 76).6. La scène de la perte du collier se décline en plusieurs étapes :– d’abord la prise de conscience (« J’ai... j’ai... je n’ai plus la rivière de Mme Forestier », l. 51-52) ;– puis une sorte d’incrédulité (« Quoi !... comment !... Ce n’est pas possible ! », l. 54) ;– un maigre espoir de la retrouver en faisant le chemin à l’envers (l. 68-72) ;– le recours à d’ultimes solutions (police, journaux, récom-pense..., l. 73-75) ;– puis, finalement, la résignation (« Il faut, dit-il, écrire à ton amie... », l. 79).« Cet affreux désastre » est le groupe nominal qui semble traduire le mieux la gravité de la situation.

L’histoire des mots « Inespéré », formé du préfixe in- et de la racine latine sperare, signifie « inattendu, que l’on n’espérait plus ».

La fin d’un rêve

Objectif• Étudier la progression dramatique du récit.

O Par quels procédés Maupassant peint-il la misère des Loisel ?

Analyser et interpréter les textesUne situation difficile1. Pour remplacer la parure, les Loisel n’ont pas d’autre choix que d’en trouver une semblable. Ils empruntent donc partout où ils peuvent de petites et de grosses sommes auprès de nombreux prêteurs et à des taux souvent excessifs. Ils prennent des risques en s’endettant (« [M. Loisel] risqua sa signature sans savoir même s’il pourrait y faire honneur », l. 30-31), s’enlisent dans la misère.2. L’ampleur des sommes à rembourser bouleverse tota-lement la vie des Loisel. Du statut de petits bourgeois, ils passent à celui d’ouvriers, de « [gens] du peuple » (l. 60), ils connaissent « la vie horrible des nécessiteux » (l. 46-47), renvoient la bonne, logent sous les toits.3. Mme Loisel fait face courageusement à cette situation désespérée, ce qui peut surprendre le lecteur quand l’on compare avec la personnalité qu’elle affichait au début de la nouvelle (insatisfaite et ayant des rêves de grandeur). Elle rêvait de haute bourgeoisie, mais assume maintenant sa condition misérable, malgré la terrible ironie du sort qui la fait évoluer socialement, mais vers le bas. L’adverbe « héroï-quement » (l. 48) résume ici son attitude dans l’épreuve.

La peinture du réel4. Les nombreuses phrases énumératives amplifient l’aspect dramatique des situations en en énonçant chaque détail. La première énumération (l. 25-35) dresse la liste des multiples emprunts, énonce les risques pris pour l’avenir ; la seconde (l. 52-63) concerne les « basses besognes » et leurs effets sur le quotidien de Mme Loisel. Ces phrases nous mettent au plus près de chacune des composantes du drame (l’endet-tement et la vie misérable).5. Les tâches du quotidien accomplies par Mme Loisel sont énoncées dans le détail, montrant la pénibilité de chacune d’elles. Les nombreux verbes d’action (« lava », « savonna », « descendit à la rue », « monta l’eau », « alla chez le frui-tier », l. 52-63) accentuent le poids du quotidien en donnant l’image d’une incessante et pénible activité.6. Plusieurs indices temporels permettent d’insister sur l’ha-bitude et la répétition des tâches effectuées : les expressions « chaque matin » (l. 58), « chaque mois » (l. 64), ainsi que

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les participes présents (« usant », l. 54, « s’arrêtant », l. 59, « marchandant », l. 62…) ; les verbes à l’imparfait (« qu’elle faisait sécher », l. 57, « il fallait », l. 64, « travaillait », l. 66, « faisait », l. 69) ; la phrase qui clôt l’extrait et explicite la durée de ces actions (« Et cette vie dura dix ans. », l. 71).

S’exprimer à l’oralMener un débat7. La première partie consistera en la préparation indivi-duelle de ce débat, chaque élève devant d’abord réfléchir à des arguments au brouillon. Il conviendra d’inciter les élèves à se méfier d’une condamnation trop hâtive de Mme Loisel, et à tenir compte de tous les aspects de sa personnalité (envieuse, mais aussi courageuse).Le débat pourra être régulé par l’enseignant, et être conçu comme une sorte de procès où défense et partie civile se répondront argument par argument avec des recours précis au texte de Maupassant.

Pour bien écrire Selon que l’on suivra ou non les directives de l’orthographe réno-vée, on écrira ces chiffres ainsi : dix-sept mille quatre cents / dix-sept-mille-quatre-cents ; quatre-vingts ; quatre cent trente-huit / quatre-cent-trente-huit.

L’histoire des motsLe nécessiteux est celui qui est dans la nécessité, qui a besoin du nécessaire. « Pauvre » ou « indigent » seront deux synonymes recevables.

Une cruelle révélation

Objectif• Étudier la fin d’une nouvelle à chute.

O Comment la fin de la nouvelle crée-t-elle un effet de surprise ?

Analyser et interpréter les textesLe temps du bilan1. Les Loisel semblent maintenant appartenir à la classe ouvrière. Ce changement est clairement marqué par les vête-ments et l’aspect physique : maintenant, Mme Loisel semble vieille, elle est « mal peignée avec les jupes de travers et les mains rouges », couleur due au dur labeur (l. 6-7).

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2. Les pensées de Mathilde se tournent parfois vers son passé et, surtout vers cette soirée de rêve « où elle avait été si belle et si fêtée » (l. 11). Le narrateur restitue ces pensées sous forme de discours indirect libre mêlant phrases interrogatives (« Que serait-il arrivé…? », l. 13) et phrases exclamatives (« Comme il faut peu de choses pour vous perdre ou vous sauver! », l. 14-15), qui sont des constats sur la dureté de la vie.

Une chute cruelle3. Le contraste est saisissant entre Mme Forestier et Mme Loisel. La première est « toujours jeune, toujours belle, toujours séduisante » (l. 20-21) et la seconde a à ce point changé que son amie ne la reconnaît pas, la prend pour une femme du peuple. 4. Le long dialogue qui reprend en détail une situation connue du lecteur a pour vocation essentielle de retarder la chute. Leur émotion, leur surprise, leur étonnement, lors de cette rencontre inattendue, sont surtout marqués par les nombreuses phrases exclamatives et points de suspension.5. La dernière réplique (l. 55-56) contient la chute et exprime toute la cruauté de la révélation. Le fait de savoir que les Loisel ont sacrifié dix ans de leur vie pour rien modifie tout le sens que le narrateur avait construit tout au long de la nouvelle. Cette révélation est complètement inattendue, ce qui ne peut que créer l’étonnement et susciter la pitié chez le lecteur.

S’exprimer à l’écritImaginer une fin différente6. L’objectif de cet exercice est de faire prendre conscience aux élèves de l’importance de la fin d’une nouvelle, et pratiquer la réécriture, compétence au cœur du nouveau programme. On pourra suggérer aux élèves le choix du discours indirect ou indirect libre pour traduire le discours intérieur de Mme Forestier. Il s’opposera nécessairement au discours direct qui aura pour mission de travestir la réalité.

BilanIl faut attendre la chute de la nouvelle, la révélation finale pour avoir la clé de l’histoire. Cette chute modifie totalement le sens construit jusqu’alors par le lecteur et qui amène d’ail-leurs à une relecture : pourquoi Mme Forestier aurait-elle si facilement prêté une vraie rivière de diamants ? Pourquoi Mme Loisel n’aurait-elle pas avoué la perte du bijou ? Il s’agit donc à la fois d’une chute cruelle et ouverte.

Pour bien écrire Lorsqu’il n’a pas cette valeur adverbiale, « fort » est habituellement utilisé comme une adjectif qualificatif : « Voilà un homme fort ! ».

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La Parure de Claude Chabrol

Objectif• Comparer une œuvre littéraire et son adaptation télévisuelle.

L’étude de ce téléfilm permettra, par confrontation, une relecture attentive et analytique de la nouvelle. Elle donnera également à voir les cadres spatio-temporels représentatifs du xixe siècle et à peine ébauchés dans la nouvelle. Cela permettra enfin d’aborder des procédés cinématographiques à travers l’œuvre d’un réalisateur, scénariste, acteur et producteur français incontournable.

Comparer la nouvelle et le film1. La première scène du film se passe chez Mme Forestier, l’amie de Mme Loisel alors que Maupassant commence sa nouvelle chez les Loisel. Mme Loisel vient rendre visite à son amie, qui en profite pour lui montrer ses bijoux. Ce choix amène d’emblée le spectateur vers ce qui sera l’enjeu de tout le récit, la parure, et situe les aspirations du person-nage : s’élever vers la haute bourgeoisie. Il est plus facile pour le réalisateur de faire comprendre les aspirations de Mme Loisel par le biais d’une conversation avec son amie plutôt qu’en la montrant dans son quotidien.2. Le photogramme 2 est très représentatif du quotidien de Mme Loisel : il situe les personnages dans un cadre simple, sans luxe ; il montre Mme Loisel assistée d’une femme de ménage dans les travaux du quotidien (ici, la préparation du repas). Le visage de la bonne semble triste, son corps est quelque peu voûté ; Mme Loisel a une attitude neutre, comme subissant l’évènement. Cette image du quotidien saisissant un moment banal donne à la scène un aspect réaliste.3. Le travelling permet de montrer l’ampleur du luxe déployé dans cette scène de bal. Cette scène donne à voir la richesse des toilettes, le luxe du cadre. Un zoom avant nous amène à un plan rapproché de Mme Loisel. Elle est radieuse, la parure est en évidence, les regards convergent vers elle, montrant son évident succès.4. Le nouveau personnage inventé par Claude Chabrol, M. Maronsin, le chef de service de M. Loisel, s’inscrit parfai-tement dans l’esprit de Maupassant. Le réalisateur porte un regard satirique, sans concession sur ce petit chef qui prend plaisir à abuser de son pouvoir. En revanche, il dénonce d’autant plus la faiblesse et la soumission de M. Loisel (à son patron et à sa femme).5. Le photogramme 5 est un insert : un très gros plan sur un détail. Cet insert représente symboliquement les moments forts de l’histoire : la parure au centre de toute la nouvelle, l’imposante somme d’argent que les Loisel ont dû emprunter et qui va détruire dix ans de leur vie.

Cinéma p. 26-276. Pour montrer l’écoulement de dix années, Chabrol multi-plie les travelling d’accompagnement sous forme d’aller et retours dans un même lieu : à chaque passage, les traits de Mme Loisel se creusent, le personnage vieillit, se courbe. Dans la nouvelle, Maupassant se contente d’une ellipse narrative : « Et cette vie dura dix ans » (l. 71, p. 23).7. Quand Mme Loisel se regarde dans le miroir, les images du passé heureux réapparaissent progressivement selon un procédé cinématographique que l’on appelle « fondu enchaîné ». Celui-ci illustre parfaitement ce passage de la nouvelle de Maupassant, ainsi que le passage qui précède : « Mais parfois, lorsque son mari était au bureau, elle s’asseyait auprès de la fenêtre, et elle songeait à cette soirée d’autrefois, à ce bal, où elle avait été si belle et si fêtée » (l. 8-11, p. 24).8. Cette image de fin traduit parfaitement l’esprit de la nouvelle, elle montre un visage vieillit, un regard absent, les marques d’une cruelle désillusion.

BilanL’adaptation de Chabrol traduit plutôt fidèlement l’esprit de la nouvelle, elle apporte en plus des élément visuels que la nouvelle ne peut que suggérer : les décors fastueux, les images du quotidien, l’ambiance d’une époque, les traits vieillissants des personnages. Cependant le réalisateur a pris, par rapport à la nouvelle, quelques libertés : il a ajouté un personnage (voir question 4), il a modifié le caractère de Mme Loisel face à l’adversité (si dans la nouvelle, elle paraît réagir, faire preuve de volonté et de courage, elle apparaît, dans le film, comme faible, fragile, sans réaction véritable face à l’adversité). Claude Chabrol a donc exagéré volontairement certains aspects de la nouvelle, afin de renforcer la cruauté sous-jacente dans le texte.

Prolongements possiblesOn pourra visionner les téléfilms de la série de France 2 « Chez Maupassant », réalisée entre 2007 et 2010, adapta-tions de l’essentiel des nouvelles de Maupassant, à l’adresse Internet suivante : http://www.imineo.com/series/chez-maupassant/video-chez-maupassant.htm

Lire La Parure de Guy de MaupassantDe 1875 à 1890, Maupassant n’a cessé d’écrire des nouvelles réalistes – nouvelles censées décrire le monde et les hommes tels qu’ils sont (sortes de témoignages sur l’époque). Ses sujets de prédilection sont le monde paysan,

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le monde parisien, la petite et grande bourgeoisie dont La Parure est l’illustration type.

1. La structure narrative du récit1. Les principales étapes du récit sont, dans l’ordre chro-nologique :– portrait de Mme Loisel : une femme de la petite bourgeoi-sie souffrant de sa modeste condition ;– l’invitation au bal ;– l’emprunt de la parure ;– la scène de bal ;– la perte de la parure ;– dix années de vie misérable (ellipse narrative) ;– un sacrifice inutile.2. C’est, au cœur de la nouvelle, la perte de la parure qui fait basculer la vie des personnages. Cet épisode constitue le nœud tragique de la nouvelle, et prendra un éclairage nouveau à la toute fin.3. La situation initiale montre un couple qui mène une vie modeste, bien réglée, qui dispose du nécessaire. La situation finale montre un couple usé physiquement et moralement, vivant de peu, dans des conditions difficiles. Par ailleurs, au début de la nouvelle, Mme Loisel semble mélancolique, rêvant à une vie de luxe, tandis qu’à la fin, après dix années de durs labeurs, elle n’a plus aucun désir. Son seul regret porte sur cette soirée de bal « où elle avait été si belle et si fêtée ».

2. Des personnages représentatifs de leur siècle4. Au début de la nouvelle, l’appartenance des Loisel à la petite bourgeoisie est évidente : le mari est employé dans un ministère, la femme est au foyer et s’assure les services d’une domestique. On vit sans excès, on se nourrit d’une nourriture simple mais suffisante.5. Mme Forestier est, elle, représentative de la haute bour-geoisie, la classe enviée par Mme Loisel. La quantité de bijoux qu’elle propose à son amie en est une preuve.6. La petite bourgeoisie envie la haute bourgeoisie, la haute bourgeoisie ignore la petite bourgeoisie ou, au mieux, lui porte, comme dans la nouvelle, un regard condescendant.7. Mme Loisel n’a pourtant pas de véritables raisons de se plaindre au début de l’histoire. Même si elle ne vit pas dans le luxe, elle dispose au moins du nécessaire, se nour-rit correctement, vit dans un logement sans confort mais décent, peut s’assurer les services d’une bonne et dispose même de quelques économies.

3. La dramatisation de l’histoire8. Pour marquer la descente aux enfers des Loisel, Maupas-sant décline abondamment les champs lexicaux du désespoir et du malheur. Il recourt à de longues énumérations (les emprunts, les durs travaux du quotidien). Il joue sur les oppositions : dix ans après, Mme Forestier apparaît « toujours jeune, toujours belle, toujours séduisante » (l. 20-21, p. 24) alors que l’on a de Mme Loisel l’image d’une femme « vieille », « mal peignée », aux « mains rouges » (l. 6-7, p. 24).

Les adjectifs hyperboliques (« la vie horrible », l. 46, p. 22, « odieuses besognes », l. 53, p. 22…) contribuent également à la dramatisation de la scène. Maupassant varie enfin le rythme du récit : des lignes 48 à 69 (p. 22), une succession de phrases courtes contribue à souligner l’affolement des personnages ; à l’inverse, le dialogue final qui marque la rencontre avec Mme Forestier retarde la chute fatidique.9. La cause de tous ces malheurs est uniquement due au caractère capricieux, envieux, insatisfait de Mme Loisel. Elle n’accepte pas la vie à laquelle sa classe sociale la prédesti-nait. Elle cherche à paraître et sera elle-même victime des apparences en choisissant cette fausse parure.10. Au début de la nouvelle, Mme Loisel n’attire pas vraiment la sympathie du lecteur : elle est capricieuse et constamment insatisfaite, emportée par son désir de paraître. Et même si après la perte du collier sa manière de faire face coura-geusement à l’adversité nous rapproche du personnage, on retrouve à la fin son orgueil du début (« Et elle souriait d’une joie orgueilleuse... », l. 53, p. 25) : elle a préféré taire la réalité plutôt que d’avouer sa faute dix ans plus tôt.11. Pour mettre en relief la vie difficile des Loisel, Maupas-sant recourt à de longues énumérations qui donnent également un éclairage réaliste sur les dures conditions de vie des classes ouvrières : « elle lava la vaisselle » (l. 53, p. 22), « savonna le linge sale » (l. 55, p. 22) « défendant sous à sous son misérable argent » (l. 62-63, p. 22). Il épouse également le point de vue de Mme Loisel qui cette fois connaît « la vie horrible des nécessiteux » (l. 46-47, p. 22), « les odieuses besognes » (l. 53, p. 22).12. « Et elle souriait d’une joie orgueilleuse et naïve » : si la nouvelle se terminait ici avant la terrible révélation, le regard du lecteur sur l’histoire aurait été tout autre. Il aurait certainement porté un regard plutôt admiratif sur les Loisel et sur leur courage oubliant presque la vanité première de Mme Loisel, admiration doublée du soulagement de voir le couple enfin débarrassé du poids de dix années de galère.13. La chute est terrible et apparaît comme une cruelle leçon de vie, comme une véritable sentence : il faut se conten-ter de ce que l’on a, on risque sinon de le payer très cher. Cette sorte de leçon de vie totalement inattendue augmente encore la portée dramatique de la nouvelle et amène à reve-nir sur la lecture. Et, notamment, sur l’épisode de la première rencontre avec Mme Forestier. Apparences et dissimulation sont des deux côtés : Mme Loisel se fie aux apparences du bijou, Mme Forestier n’en dit rien. Par orgueil, Mme Loisel n’avoue pas la perte du bijou et, curieusement, Mme Fores-tier ne vérifie pas le contenu de l’écrin lorsqu’il lui est rendu. Un autre indice a aussi été négligé : le bijoutier se souvient de l’étui, mais n’a pas vendu le bijou.

BilanRédiger un résuméCe travail pourra prendre appui sur le schéma narratif de la nouvelle analysé dans la question 1 de cette page. Après une rapide présentation du cadre et des personnages, se

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succèderont les évocations de l’invitation au bal, de la parure empruntée, du bal, de la perte du collier, des dix années de misère et de la révélation finale. On invitera les élèves à choisir un temps pour la narration et à s’y tenir tout au long du résumé (présent de narration, ou imparfait et passé simple). Les connecteurs temporels marqueront la succes-sion rapprochée des premières péripéties : « ce soir-là », « elle se rendit alors », « le soir du bal », « au retour », « après plusieurs semaines », « dix ans plus tard »...

Prolongements possibles La vision de Maupassant sur la société bourgeoise pari-sienne peut trouver un écho intéressant dans la lecture cursive d’une autre nouvelle, Un lâche, portrait satirique du Vicomte Gontran-Joseph de Signoles. Cette nouvelle avait donné lieu à une adaptation théâtrale en 1974 par Gilles Ange mais ne fut jamais jouée. On pour-rait donc proposer aux élèves de refaire cette adaptation et, pourquoi pas, de la jouer.

Entre bonheur et désespoir

Objectif• explorer deux champs lexicaux contraires.

Rêver sa vie1. a. Les mots du texte qui expriment le luxe sont : « dîners fins », « argenteries reluisantes », « tapisseries », « féerie », « exquis », « vaisselle merveilleuse ».b. L’élève pourra trouver dans un dictionnaire des syno-nymes d’autres adjectifs exprimant la beauté : « splendide », « pittoresque », « magnifique », « enchanteur », « éblouis-sant », « sublime », « éclatant », « ravissant ».2. L’élève pourra s’aider d’un dictionnaire pour saisir les nuances entre ces mots :1. Elle bondit joyeuse, pleine d’allégresse.2. Elle était en extase devant cette toile magnifique.3. La qualité de la robe n’a pas provoqué l’euphorie attendue.4. Rendre visite à son amie était toujours un plaisir.5. Ce spectacle des danseurs valsant au son des violons : quel ravissement !

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Faire face à l’infortune3.

mots exprimant un coup du sort

mots exprimant un sentiment

Misère, nécessiteux, privation, revers, catastrophe, adversité, infortune, déconvenue, désastre, déveine

Chagrin, frustration, douleur, affliction, regret, désespoir, détresse

4. 1. Les Loisel, qui ont dû renoncer à leur confort, ont sans doute éprouvé une vive frustration.2. Ce sont les privations qui l’ont rendue si décharnée.3. Dans ce quartier pauvre traînaient un grand nombre de nécessiteux.4. Les malheurs ont succédé aux malheurs, toute sa vie elle a dû faire face à la privation.

Dire le désespoir5. Dé- est un préfixe dans les mots « désespéré » (qui n’a plus d’espoir), « démoralisation » (qui n’a plus le moral), « décou-ragement » (qui n’a plus de courage). Il s’agit à chaque fois d’un préfixe privatif, qui signifie « privé de ».6.

Adjectif nom Verbeaffolé affolement affoler

désespéré désespoir désespérer

atterré atterrement atterrer

abattu abattement abattre

angoissé angoisse angoisser

triste tristesse

accablé accablement accabler

déçu déception décevoir

démoralisé démoralisation démoraliser

découragé découragement décourager

désolé désolation désoler

torturé torture torturer

à vous d’écrire ! 7. Il s’agit d’un exercice d’écriture bref. L’évaluation portera donc :– sur la concision : il ne s’agit que d’une annonce ; – sur l’effet produit : donner envie de lire, ou non (donner les premiers éléments de l’intrigue, jusqu’à la perte du collier) ;– sur l’engagement de l’auteur de l’article : émettre une opinion personnelle, un jugement positif ou négatif sur l’ensemble.8. L’élève devra donc respecter la forme d’un article de presse : titre (insister sur le sensationnel), chapeau intro-ducteur (annonce de l’évènement) puis cœur de l’article. Il faudra penser à inclure dans les propos rapportés le voca-bulaire du bonheur étudié plus haut. L’élève pourra aussi penser aux variations typographiques (pour distinguer les différentes parties).

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à l’oral Réaliser un débatCe débat a d’abord pour vocation de reparcourir une lecture avec un nouvel angle d’analyse, de revenir sur une adap-tation en interrogeant la relecture faite par le réalisateur.Les compétences visées par ce travail sont, pour chaque élève :– d’interagir avec les autres de façon constructive en respec-tant la parole de chacun ;– d’exprimer une opinion argumentée ;– d’émettre un point de vue sur une œuvre cinématogra-phique et une œuvre littéraire.Ce travail demandera une préparation efficace qui pourra notamment s’appuyer sur des relevés significatifs et illus-tratifs de passages du texte, sur un relevé des arguments à défendre. Une préparation qui demandera, de la même façon, un relevé d’images ou de courtes scènes du film. Il ne faudra pas oublier de faire un bref retour sur le langage cinématographique (nom des plans, des mouvements de caméra…). On pourra proposer aux élèves en difficulté de s’appuyer sur le schéma narratif de chacune des histoires. Il sera plus simple d’en faire émerger les ressemblances et différences entre film et nouvelle.

à l’écrit Réécrire la fin d’une nouvelleIl s’agit là d’une écriture d’invention qui mettra en œuvre les compétences suivantes :– connaître les caractéristiques d’un genre littéraire (la nouvelle réaliste) ;– composer un écrit créatif intégrant un cadre spatio-tempo-rel déterminé et des personnages connus.La difficulté sera certainement de bien tenir compte de la personnalité des personnages : l’humilité de M. Loisel, le désir de paraître de Mme Loisel.Un exercice préparatoire sur la focalisation pourra s’avé-rer utile : on pourra, par exemple, demander aux élèves de réécrire le tout début de la nouvelle en choisissant le point de vue de M. Loisel. Ou encore d’ajouter une scène afin d’affiner la psychologie des personnages et travailler la manière de traduire des pensées intérieures : Mme Forestier émet son avis sur Mme Loisel après qu’elle lui a emprunté la parure.

CompétencesD1, 2, 3 • Participer de façon constructive à des échanges.• Adopter des stratégies et des procédures d’écriture efficaces.

S’exprimer p. 30 Évaluation complémentaireOn pourra proposer l’évaluation complémentaire aux pages suivantes afin de prolonger l’analyser d’extraits de nouvelles de Maupassant.

1. Analyser la description de personnages dans une nouvelle 1. Les éléments retenus pour décrire les passagers diffèrent à chaque fois : le cocher attire l’attention par son « gros ventre » et sa « face rougie » alors que Maît’ Caniveau est stigmatisé par son poids excessif qui fait « plier les ressorts ». C’est aussi la manière de monter dans la diligence qui carac-térise chaque personnage : l’un grimpe, l’autre s’engouffre…2. « Courbé », « petite », « maigre »… peu d’éléments objectifs caractérisent ces descriptions. La plupart des termes sont dépréciatifs et se concentrent sur les défauts physiques des personnages qui les rendent proches du ridicule (« violacé », « tordu », « pareille à une bique fatiguée »…). L’un est rougi par l’alcool, l’autre a « la peau séchée par l’oubli des lavages ». Ces descriptions relèvent de la caricature.3. Les adjectifs qualificatifs employés par Maupassant sont, pour le cocher : « petit », « gros », « souple » ; pour le prêtre, « grand », « puissant, large, gros, violacé », « aimable » ; pour Maît’Poiret et sa femme, « haut et tordu », « courbé », « maigri » et « petite et maigre », « fatiguée » ; pour Maît’ Caniveau, « gros, lourd ». Ces adjectifs contribuent à renfor-cer l’image caricaturale des personnages, qui sont décrits presque comme des objets, des formes (tordues, petites, souples, lourdes…).4. Pour exercer son regard satirique, Maupassant a recours à la comparaison : « il retroussa sa soutane comme les femmes retroussent leurs jupes », « sa femme le suivait pareille à une bique fatiguée », « plus lourd qu’un bœuf ». Il utilise égale-ment des adjectifs péjoratifs « violacé », « tordu ».5. Cette nouvelle est réaliste par plusieurs aspects : elle se situe dans des lieux réels (le « Havre », « Criquetot », « la cour de l’hôtel du Commerce »), les personnages sont décrits avec une relative précision et en fonction de leur statut ou métier (« cocher », « curé », « paysan »…). Ce début de nouvelle porte un regard satirique sur le monde paysan du xixe siècle.

2. Écrire une suite6. On vérifiera que les élèves varient les éléments décrits et les procédés (choix des adjectifs, termes péjoratifs, comparaisons) pour chaque nouveau personnage, et qu’ils respectent le schéma narratif : chaque passager monte à l’appel de son nom, sa manière de monter dans la diligence est un élément à retenir. Les portraits seront satiriques.

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1. Analyser la description de personnages dans une nouvelle

1. Tous les occupants sont décrits, du cocher aux passagers. Ces descriptions sont-elles établies selon un modèle précis ou diffèrent-elles à chaque fois ?

La Bête à Maît’ Belhomme

Voici le début de la nouvelle.

La diligence du Havre allait quitter Criquetot ; et tous les voyageurs attendaient l’appel de leur nom dans la cour de l’hôtel du Commerce […] Le cocher Césaire Horlaville, un petit homme à gros ventre, souple cependant, par suite de l’habitude constante de grimper sur ses roues et d’escalader l’impériale, la face rougie par le grand air des champs, les pluies, les bourrasques et les petits verres […] ouvrit la porte de derrière et, tirant une liste de sa poche, il lut en appelant :

« Monsieur le Curé de Gorgeville. »Le prêtre s’avança, un grand homme puissant, large, gros, violacé

et d’air aimable. Il retroussa sa soutane pour lever le pied, comme les femmes retroussent leurs jupes, et grimpa dans la guimbarde. […]

« Maît’Poiret, deux places. »Poiret s’en vint, haut et tordu, courbé par la charrue, maigri par l’abs-

tinence, osseux, la peau séchée par l’oubli des lavages. Sa femme le suivait, petite et maigre, pareille à une bique fatiguée, portant à deux mains un parapluie vert. […]

« Maît’ Caniveau. »Un gros paysan, plus lourd qu’un bœuf, fit plier les ressorts et s’en-

gouffra à son tour dans l’intérieur du coffre jaune. Guy de Maupassant, La Bête à Maît’Belhomme, 1886.

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1. La Parure, du rêve à la réalité

2. Ces descriptions vous semblent-elles objectives ou subjectives ? mélioratives ou dépréciatives ? Justifiez vos réponses en citant le texte.

3. Relevez les adjectifs qualificatifs. Que révèlent-ils de l’allure des personnages ?

4. Quels procédés stylistiques Maupassant utilise-t-il pour décrire les personnages ? Donnez quelques exemples précis.

5. Qu’est-ce qui permet de dire que cette nouvelle, comme La Parure, est une nouvelle réaliste ? Quelle image donne-t-elle du monde paysan de l’époque ?

2. Écrire une suite

6. À la manière de Maupassant, poursuivez cette nouvelle en faisant monter dans la diligence deux à trois autres couples de paysans. Vous utiliserez les procédés d’écriture mis en lumière dans cette étude.