ouverture n°89

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DOSSIER DU TRIMESTRE >>> La transmission d’entreprise 89 JUIN 2012 12Le co-commissariat : juste indispensable pour une réforme de progrès p. 14 Le harcèlement sexuel est mort… p. 52 Donations cessions et apports cessions : attention à l’abus de droit p. 46 MAGAZINE Experts-comptables et Commissaires aux comptes de France La transmission d’entreprise : de la valeur ajoutée pour nous et nos clients La transmission d’entreprise : de la valeur ajoutée pour nous et nos clients

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La transmission d’entreprise : de la valeur ajoutée pour nous et nos clients

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DOSSIER DU TRIMESTRE >>> La transmission d’entreprise

89n°JUIN 201212€

Le co-commissariat : juste indispensable pour une réforme de progrès

p. 14

Le harcèlement sexuel est mort…

p. 52

Donations cessions et apports cessions : attention à l’abus de droit

p. 46

M A G A Z I N E

Experts-comptables et Commissaires aux comptes de France

La transmission d’entreprise :de la valeur ajoutée pour nous

et nos clients

La transmission d’entreprise :de la valeur ajoutée pour nous

et nos clients

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Juridique & Financier - Santé - Cadre de Vie & Technique - Grandes Entreprises Libérales

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Sommaire89n°JUIN2012

Editorial du président 5L’actualité syndicale

ECF est en campagne ! 7 En direct de la professionForum CAC ECF du 9 février 2012 : l’événement majeur des commissaires aux comptes libéraux 10 Jean-Luc Flabeau

Audit et projets de textes Européens le co-commissariat : juste indispensable pour une réforme de progrès 14 Jean-Luc Flabeau

Du côté…• de la Commission informatique :La fonction Rappel sur I PAD, un outil appelé à devenir indispensable 18 Marc Weber

• du CJEC/ANECS :Le temps des congrès 21 Boris SauvageLe péril jeune 21 Mathieu Thiersé

Rubriques techniques• PatrimoineAbus de droit : deux nouvelles décisions fondamentales annoncées à Cuba 46 Pierre Fernoux

• AuditA propos du manuel du cabinet d’expertise comptable et de commissariat aux comptes 50 Michel Ribollet

• Droit socialLe harcèlement sexuel est mort, vive le harcèlement sexuel ? 52 Eric MattonAugmentation temporaire de la durée de travail d’un temps partiel : des difficultés irréductibles, des solutions fragiles 56 Eric Matton

Et aussi…

• A ne manquer sous aucun prétexte… Séminaire stratégie et Management de cabinet Bayonne 58Congrès ECF Montpellier 60• J’ai lu pour vous…Au coeur du pessimisme français : la défiance 63Roger Laurent • Annonces CJEC 66

Dossier du trimestre :

La transmission d’entreprise

Annonceurs :INTERFIMO p. 2 • MORNAY p. 4 • SWISS LIFE p. 6 • AG2R LA MONDIALE p. 22

WELCOME OFFICE p. 62 • FIDES p. 67 • GAN p. 68

Dépôt légal n° 3711 – 2ème trimestre 2012Toutes reproductions des textes et documents sont interdites sauf accord de l’éditeur.

Ce numéro comporte 1 encart central de 4 pages (bulletin d’adhésion - inscriptions séminaire Bayonne et congrès Montpellier (placé entre les pages 34 et 35) et un encart jeté de 4 pages Welcome Office.

ECF FORMATIONSSARL au capital de 50 000 €

51, rue d’Amsterdam75008 – PARISTél. : 01 47 42 08 60Fax : 01 47 42 37 43Mail : [email protected] : www.e-c-f.fr

Mise en page/réalisation : www.studio-cpcr.frGravure/impression : Imprimerie Groupe PRESTAPRINT

ISSN 2111-9139

Directeur de la publication : Jean-Luc Mohr

Rédacteur en chef : Gilles Dauriac

Secrétariat de rédactionet coordinatrice : Béatrice Fracasso

Comité de rédaction : Serge AnouchianPhilippe Arraou Roger Laurent Jean-Pierre Roger

Et si nous arrêtions un instant de nous apitoyer sur notre sort, en regrettant l’époque « bénie » où l’on refusait les clients et on tapait les liasses fiscales à la machine à écrire. Notre métier a évolué, notre profession a réalisé de fantastiques gains de productivité grâce à la technologie, qui ont tous bénéficié à nos clients, et le phénomène va s’amplifier. Sommes-nous pour autant en danger de mort économique comme l’affirment certains ?Pas si sûr, la nécessité pour les PME de bénéficier d’un environnement de conseil externe à forte valeur ajoutée technique et d’accompagnement sur

des fonctions administratives sources de rigidité et de coûts fixes importants lorsqu’elles sont internalisées, est une source d’honoraires assez loin de se tarir. Mais encore faut-il pouvoir y puiser.Au service de toute la profession, ECF oriente son congrès annuel de septembre prochain sur la transmission d’entreprises, une source inépuisable de missions chez nos clients, et le dossier spécial de ce numéro donne un aperçu de la matière qui sera proposée lors de ce congrès.Le lecteur trouvera également dans ce numéro un focus sur le délicat sujet du co-commissariat, une excellente contribution de Pierre Fernoux sur l’abus de droit en matière d’apport cession ou de donation cession, et toujours plus de matière intellectuelle pour exercer au quotidien ce fantastique métier qui est le nôtre.

Bonne lecture, et bonnes vacances d’étéGilles Dauriac

Créons de la valeur ajoutée en faisant simplement notre métier

OUVERTURE N° 89 • Juin 2012

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Juridique & Financier - Santé - Cadre de Vie & Technique - Grandes Entreprises Libérales

1 Le mot des rapporteurs 24

2 La transmission d’entreprise familiale : vaincre les obstacles 26

3 Comment optimiser la transmission familiale d’une entreprise 27

4 Vendre et partir à la retraite 30

5 Stratégies d’optimisation lors d’une cession d’entreprise 32

6 Négociation et rédaction de la documentation de cession 34

7 La valeur de l’entreprise : les clés d’une bonne évaluation 36

8 Gérer l’immobilier d’entreprise lors d’une transmission 38

9 Réussir sa sortie : les enjeux psychologiques, humains et familiaux de la transmission 39

10 Experts-comptables et commissaires aux comptes : quelles missions et quelles diligences en matière de transmission ? 42

11 La transmission d’un cabinet d’expertise comptable et de commissariat aux comptes 44

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4 OUVERTURE N° 89 • Juin 2012OUVERTURE N° 84 • mars 2011

Le Groupe Mornay sera présent

au Congrés ECF,

les 13 et 14 septembre à Montpellier

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5OUVERTURE N° 89 • Juin 2012

Voilà l’été !Alors que la campagne fiscale s’est éternisée (c’est à se demander si nous ne passerons pas bientôt le moitié de notre année à produire des bilans et à effectuer des déclarations), que les AG se sont empressées de remplir notre mois de juin, et que nos clients continuent de s’inquiéter pour leur avenir, un fait pourtant majeur, essentiel, fondamental, est passé complètement inaperçu : l’été est arrivé !

Certes, les indices climatiques ne nous ont pas beaucoup aidés cette année. La fête de la musique s’est perdue dans un brouhaha gouvernemental (à moins que ce ne soit l’inverse). Et, notre nez, toujours dans le guidon… tiens, guidon… vélo… tour de France ! Voilà l’indice ! Voilà l’été ! L’été, avec son lot de compétitions sportives, de séminaires professionnels, et sa promesse de détente réparatrice après une année riche en événements, et avant une autre année non moins riche en projets pour notre profession.

ECF a souhaité vous donner un avant-goût de cet été bien mérité : avec son « tour de France », votre « tour de France », des candidats ECF désignés pour mener la campagne des élections à l’Ordre et à la Compagnie. Entamée avec un mois d’avance sur son célèbre homonyme cycliste, cette série de rencontres confraternelles vous a permis de vous exprimer et d’échanger sur le bilan des mandatures écoulées, sur vos attentes professionnelles à l’issue de quatre années qui ont marqué l’histoire de notre profession, et sur le projet d’ECF pour les quatre prochaines années… un projet participatif, donc, qui sera enrichi des retours obtenus à l’occasion de ces échanges.

Depuis 2009, nous avons contribué à faire bouger les lignes, à vous donner de nouvelles perspectives professionnelles ; il est donc important aujourd’hui de consolider ces avancées et de nous les approprier. Voilà pourquoi nous avons choisi, avec Joseph ZORGNIOTTI, Philippe ARRAOU, Jean-Bernard CAPPELIER et Didier-Yves RACAPÉ de mener cette campagne sous le signe de l’unité et de l’attractivité de notre profession pluridisciplinaire d’Experts-comptables et de Commissaires aux comptes.

Qu’il s’agisse de nos périmètres d’activité, de notre éthique professionnelle, de l’équité entre nos différents modes d’exercice, ou d’innovation, toutes ces problématiques sont communes aux deux principaux métiers de notre profession. La défense de cette unité et la promotion de l’attractivité de notre grande profession constituent la pierre angulaire de notre projet et de notre engagement. Nous consolidons nos acquis et construisons ainsi l’avenir de notre profession libérale réglementée.

Fidèles à nos principes fondamentaux, nous tenons bon le cap que nous avons donné à la profession, mais nous restons ouverts aux vents du débat d’idées, susceptibles de nous faire choisir les meilleures routes sur le chemin de notre Eldorado : une grande profession unie, attractive et utile !

L’avenir vous appartient, à vous de vous exprimer !

Bonne lecture et excellentes vacances… ensoleillées !

Jean-Luc MOHRPrésident de la Fédération ECF

OUVERTURE N° 89 • Juin 2012

Le Groupe Mornay sera présent

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les 13 et 14 septembre à Montpellier

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6 OUVERTURE N° 89 • Juin 2012OUVERTURE N° 89 • Juin 2012

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7OUVERTURE N° 89 • Juin 2012OUVERTURE N° 89 • Juin 2012

SyndicaleActualité

ECF est en campagne !

La campagne d’ECF pour les élec-tions à la Compagnie des Commis-saires aux comptes et à l’Ordre des

Experts-comptables, prévues respective-ment les 9 octobre et 27 novembre pro-chains, est bel et bien lancée.

Les leaders nationaux de la Fédération :• Joseph Zorgniotti et Philippe

Arraou pour l’Ordre des Experts-comptables,

• Jean-Bernard Cappelier et Didier-Yves Racapé pour la Com-pagnie des Commissaires aux comptes,

ont entamé fin mai un tour de France, placé sous le signe de l’unité et de l’at-tractivité de la profession et donc des cabinets d’expertise comptable et de commissariat aux comptes, prévu pour durer jusqu’en novembre. L’objectif de cette série de rencontres confraternelles est d’échanger sur :

• le bilan de la mandature écoulée dans les institutions nationales et régionales,

• les attentes professionnelles des consœurs et confrères,

• le projet d’ECF pour les cabinets.

Ce projet participatif, qui est appelé à évoluer en fonction des retours obtenus à l’occasion des rencontres régionales, s’articulera néanmoins autour de 6 axes forts :

> Renforcer l’attractivité du cabinet et de la profession

> S’approprier l’extension des péri-mètres de nos deux activités

> Promouvoir la déontologie et l’in-dépendance du professionnel

> Garantir l’équité entre les diffé-rents modes d’exercice

> Innover pour demeurer incontour-nables

> Affirmer l’unité de la profession.

1) Renforcer l’attractivité du cabinet et de la profession

La profession se doit de développer et de valoriser ses facteurs d’attractivité :• La diversité et la richesse de ses « métiers », en s’appuyant sur ses deux piliers que sont ses activités fondamen-tales (comptable, fiscale, juridique et so-ciale) et le commissariat aux comptes sans lequel il est illusoire d’espérer atti-rer et garder des stagiaires du DEC.• ses parcours professionnels,• ses rémunérations,• son statut social,• son environnement socio-économique.

Or, ceci passe notamment par :> La formation initiale des colla-

borateurs et la reconnaissance de leurs acquis professionnels. C’est pourquoi ECF propose de développer dans toutes les régions la création de licences profession-nelles correspondant aux besoins des cabinets : collaborateur social, audit légal, système d’informa-tion… tout en favorisant le déve-loppement des compétences et leur reconnaissance tout au long de la vie, notamment via la VAE qui est une chance pour l’attractivité de nos cabinets.

> Le Diplôme qui doit rester le pilier et le facteur d’unité de la profession, en gardant un niveau d’exigences élevé.

> La formation initiale des profes-sionnels. S’inspirant de la création de l’ESTP dans le secteur du BTP, ECF a pour ambition de proposer la création d’une « Ecole de la Pro-fession comptable », administrée par des représentants de la profes-sion (institutions et syndicats), des entreprises et de l’enseignement,

qui aura pour vocation de garantir, parmi l’offre classique déjà propo-sée par plusieurs écoles et insti-tuts, un enseignement adapté à la réalité de l’activité du cabinet et de son évolution. La formation dispensée dans cette école profes-sionnelle préparant au DEC mettra notamment l’accent sur les fonc-tions managériales et les métiers de conseil, en plus de la formation technique de base conforme au cursus DCG – DSCG.

> La formation continue des pro-fessionnels et des collabora-teurs. Afin de garantir une for-mation continue de qualité par les professionnels eux-mêmes, et non par des personnes étrangères à la réalité de nos cabinets, nous poursuivrons l’action engagée par le CSOEC sous mandature ECF en matière de formation des for-mateurs de la profession : après la création du « Collège fiscal des Ex-perts-comptables », nous créerons le « Collège social », puis d’autres collèges spécialisés.

> La communication de la profes-sion. Un gros travail a été effectué ces dernières années sur la marque « Expert-comptable », aujourd’hui reconnue par notre environnement professionnel comme par le grand public. Tirons profit de cette com-munication pour en faire bénéficier le commissariat aux comptes, en promouvant la pluridisciplina-rité de nos cabinets d’expertise comptable et de commissariat aux comptes. Cette marque unique pour une profession pluridiscipli-naire doit être valorisée notamment auprès des lycéens et des struc-tures d’orientation.

Cap sur la prévoyance avec SwissLife Prévoyance Indépendants

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SyndicaleActualité

OUVERTURE N° 89 • Juin 2012

ECF est en campagne ! (suite)

2) S’approprier l’extension des péri-mètres de nos deux activités

La réforme historique de l’Ordonnance de 1945, obtenue par la majorité ECF au CSOEC et matérialisée dans la loi du 23 juillet 2010, a considérablement élar-gi le périmètre d’activité de la profession et offert à ses membres de nouvelles opportunités. Il s’agit donc aujourd’hui de se les approprier, sans perdre son identité ni ses valeurs, et en réaffirmant l’importance du cœur de métier qui fonde notre légitimité professionnelle. Cette extension du périmètre contribue également au renforcement de l’attrac-tivité de la profession, car il s’agit d’un vecteur essentiel du développement de nos activités et donc de notre chiffre d’affaires.Dans le même temps, certains à la Compagnie nationale des Commis-saires aux comptes nous promettaient de nouveaux mandats de commissariat aux comptes pour compenser la perte des mandats dans les SAS, suite à la LME du 4 août 2008. Qui parmi nos lecteurs a gagné un mandat d’hôpital, d’université, de syndicat… ?ECF propose donc de :

> Interdire les pratiques de « short lists » et d’agir afin de permettre aux cabinets d’accéder à de nou-veaux mandats de commissariat aux comptes, notamment dans le secteur non marchand.

> Faire inscrire dans les textes l’attribution du mandat social et administratif pour l’Expert-comp-table, dans la logique de ce qui a déjà été obtenu pour le mandat fis-cal.

> Négocier l’interprofessionnalité d’exercice avec les avocats et les notaires, en avançant de façon pragmatique et concrète dans l’in-

térêt de nos clients communs qui nous sollicitent.

> Créer un Club Conseil et Gestion au CSOEC, afin de développer de nouveaux outils, mutualiser et pro-mouvoir les compétences de la profession en la matière.

3) Promouvoir la déontologie et l’in-dépendance du professionnel

La force et la légitimité de notre profes-sion lui sont conférées par son carac-tère réglementé et son fondement libéral s’appuyant sur les piliers suivants :

• Le diplôme et la formation continue = « science »

• La déontologie = « conscience »• L’indépendance.

Nous avons évoqué plus haut le diplôme et la formation initiale et continue. La déontologie constitue, quant à elle, le ci-ment de notre exercice professionnel et la meilleure garantie apportée au client, dans un contexte d’élargissement du périmètre et d’entrée en concurrence sur le marché des nouvelles missions non réglementées. L’institution se doit donc d’être le garant d’une application irréprochable de la déontologie. Même si certains le réclamaient, il n’était pas concevable de laisser un vide suite à la décision de la Cour de Justice de l’Union européenne de dénoncer l’inter-diction totale du démarchage en vigueur dans la profession. Portons au crédit de la majorité ECF au CSOEC la ténacité avec laquelle celle-ci a défendu son en-cadrement très strict dans la réécriture du code de déontologie.L’indépendance, enfin, est consubstan-tielle de l’exercice libéral, celui-ci n’étant pas une question de taille mais d’atta-chement à la liberté de choix du profes-sionnel. Cette liberté se traduit notam-ment dans l’exercice indépendant du

jugement professionnel qui équilibre la relation de proximité (dans la commu-nication et l’échange d’information) que se doit d’entretenir le professionnel libé-ral avec son client.Dans le contexte d’élargissement du périmètre que nous connaissons, ECF poursuivra donc la promotion du re-cours à un professionnel réglementé, et la défense acharnée de sa déontologie et de son indépendance. Ceci passe concrètement par :

> Une « tolérance zéro » sur les pratiques de démarchage contraires au code de déontologie (réécrit en conformité avec le droit communautaire en vigueur).

> Un renfort des moyens affectés à la lutte contre l’exercice illégal, notamment grâce au déploiement général de Signexpert (signature électronique de l’Expert-comp-table).

> La lutte contre le Commissariat aux comptes élargi et l’utilisa-tion abusive des DDL.

> La réussite grandissante de la complémentarité entre l’Expert-comptable et le Commissaire aux comptes.

4) Garantir l’équité entre les diffé-rents modes d’exercice

Unique en Europe, la diversité de la profession française fait sa richesse et constitue une chance pour notre tissu économique qui la plébiscite, notam-ment pour la proximité qu’il y trouve. Cependant, des comportements de concurrence déloyale, parfois accentués par certains phénomènes de concen-tration, se développent en contradiction avec le principe de confraternité qui doit pourtant prévaloir dans notre profes-sion. Il convient dont d’agir pour garantir l’équité entre tous les modes d’exercice

Philippe ArraouJoseph Zorgniotti Jean-Bernard Cappelier Didier-Yves Racapé

Page 9: Ouverture n°89

9

et retrouver confiance et sérénité dans la pratique de nos métiers ; ceci dans l’intérêt même de nos clients, TPE et PME.

ECF, syndicat majoritaire de la profes-sion comptable indépendante, s’engage à garantir l’équité entre les différents modes d’exercice complémentaires de notre profession pluridisciplinaire. Cela passe par la :

> Moralisation des pratiques en matière d’appel d’offres.

> Simplification et rationalisation du contrôle qualité, notamment dans les cabinets disposant de peu de mandats non-EIP, et réta-blissement du principe fondamen-tal de confraternité dans sa mise en œuvre.

> Révision du mode de calcul des cotisations à la Compagnie, à l’image de ce que la majorité ECF a déjà mis en œuvre au CSOEC : réduction des cotisations pour les jeunes, réduction significative de la part fixe et augmentation de la part variable assise sur le chiffre d’affaires du cabinet.

> Réforme du système d’homolo-gation des formations à la Com-pagnie, pour le mettre en adéqua-tion avec les besoins des cabinets qui pratiquent en majorité des mis-sions d’expertise comptable. Faire de la formation un véritable outil stratégique de leur développement et non un moyen de dissuasion et de répression des petits cabinets. Viscéralement attaché à la forma-tion, ECF milite pour le maintien des obligations globales de for-mation (40 h par an) mais pour la limitation de l’obligation des for-mations homologuées à 10 heures par an au lieu de 20 heures actuel-lement.

> Création d’un département Petites Entités (PE) à la CNCC, afin de faire évoluer la technique du CAC dans la petite entité et de défendre l’intérêt du CAC dans ces structures auprès des pouvoirs publics et des autorités de la pro-fession.

> Extension du champ d’applica-tion de la norme PE en fonction de critères qualitatifs et non du sta-tut juridique de l’entité.

> Défense du co-commissariat aux comptes en France et pro-motion en Europe. Comme en atteste sa réponse au Livre vert de la Commission européenne sur l’audit, rédigée en 2010, ECF a toujours défendu le co-commissa-riat aux comptes dans les entités EIP.

> Création d’un service ordinal d’accompagnement des cabi-nets et de mutualisation des nou-veaux outils et bonnes pratiques.

5) Innover pour demeurer incon-tournables

ECF a toujours été le syndicat porteur d’innovations : le portail déclaratif, la signature électronique… autant de projets nés au sein d’ECF puis por-tés par nos élus au CSOEC, d’abord dans l’opposition puis dans la majorité à partir de 2009. Grâce à la réalisation de ces projets innovants, la profession jouit aujourd’hui d’une position unique auprès des entreprises qui l’a rendue incontournable.

Afin de consolider cette position straté-gique acquise à force de conviction et de persuasion, de poursuivre la moder-nisation de notre profession et de pré-parer dès aujourd’hui la profession de demain, ECF propose de :

> Passer d’un portail déclaratif à un portail interactif, en complétant les fonctionnalités déclaratives de jedeclare.com, premier portail fiscal de France, par des fonctionnalités interactives permettant aussi bien au cabinet qu’au client d’exploiter les données transmises, à l’image des flashs d’activité.

> Faire de la signature électro-nique la véritable carte d’identité professionnelle des membres de l’Ordre des Experts-comptables et de la Compagnie des Commis-saires aux comptes.

> Remettre gratuitement Signex-pert à tout nouvel inscrit le jour de sa prestation de serment.

6) Affirmer l’unité de la profession

Pour conclure, tous les points abordés précédemment, déclinables aussi bien en expertise comptable qu’en commis-

sariat aux comptes, nous mènent à la conclusion que l’avenir des cabinets, leur attractivité, leur périmètre d’activité, leurs modes d’exercice… passent par l’unité sans faille de notre profession pluridisciplinaire. Car il serait illusoire espérer défendre l’unité du cabinet indépendant sans se préoccuper de l’unité de notre profession. Or c’est bien cette unité qui a toujours fait notre force aux yeux du client comme des pouvoirs publics.

Cette unité est aujourd’hui plus que jamais menacée par la pression conju-guée d’évolutions réglementaires et de comportements opportunistes. ECF agit donc pour le respect de la com-plémentarité entre Experts-comptables et Commissaires aux comptes dans l’entité, et pour la poursuite du rappro-chement des institutions nationales, déjà réalisé dans toutes les régions où ECF est majoritaire dans les deux insti-tutions. Ces synergies permettent d’en-visager plus sereinement les réponses apportées aux défis identifiés, et de servir un même objectif : la pérennité, la croissance et la sérénité de notre grande profession.

De nombreux champs communs aux deux systèmes institutionnels peuvent tirer profit de ces synergies :

• les locaux• la formation initiale et continue• les normes comptables• le juridique• la communication• l’international• la déontologie.

Voici présenté le projet d’ECF dans ses grandes lignes. Il vous appartient désor-mais de vous en emparer, d’en débattre et de le faire évoluer à l’occasion des rencontres organisées dans votre région.

OUVERTURE N° 89 • Juin 2012

Renseignez-vous sur les prochaines dates programmées dans votre région

sur www.e-c-f.fr ou en appelantUgo LOPEZ, délégué général d’ECF,

au 01 47 42 08 60

Et n’oubliez pas…VOTEZ ET FAITES VOTER ECF !

Page 10: Ouverture n°89

10 OUVERTURE N° 89 • Juin 2012

Un Maître mot : vigilance

Jean-Luc Mohr , le Président national d’ECF, a ouvert ce Forum en souhaitant que tous les sujets d’actualité puissent être abordés sans tabou, tant que nous restons dans le champ de nos règles d’éthique et de déontologie profession-nelles. Le rôle d’un syndicat comme le nôtre est d’explorer toutes les pistes qui puissent améliorer la sécurisation finan-cière de nos entreprises et qui facilite-ront le retour de la croissance par une confiance accrue de l’information finan-cière délivrée.

Philippe Arraou nous a ensuite dressé un panorama sur le contexte de la réforme de l’audit et les deux projets de texte européens, le Règlement pour les enti-tés EIP et le projet de Directive Audit . Il a aussi sensibilisé l’assistance sur le fait que le temps de la consultation était der-

rière nous et qu’une nouvelle ère s’ouvre avec un débat parlementaire au niveau européen.

La première table ronde traitant des conséquences possibles de la réforme de l’audit européen dans notre pratique du commissariat aux comptes réunissait, autour de Didier Yves Racapé, Chris-tine Thin, Présidente du H3C, Claude Cazes, Président de la CNCC, Philippe Castagnac, Président de Mazars France et Jean-Bernard Cappelier, délégué au Conseil National.

Sur la gouvernance des organes de supervision ainsi que sur le contrôle qualité, Christine Thin a expliqué que la représentation de la profession, telle qu’elle est pratiquée en France, consti-tue plutôt un cas isolé dans un envi-ronnement mondial où il est porté une attention forte sur tout risque de conflit d’intérêt. L’adoption des projets des textes européens en l’état réduirait de façon considérable la présence des pro-fessionnels, que ce soit pour le contrôle qualité de tous les mandats ou pour la participation à la gouvernance de l’or-gane de supervision (actuellement, trois auditeurs sont présents au Collège du H3C). L’ensemble des intervenants à cette table ronde regrette cette évolu-tion et défend l’apport précieux de com-pétence et de « connaissance du terrain » assuré par la profession, tout en rap-pelant qu’il n’a jamais été détecté de situation de conflit d’intérêt de ce type en France.

Tout en dénonçant le caractère totale-ment disproportionné de ces projets de textes européens qui met à mal la sou-veraineté des Etats membres sur diffé-rents sujets, Claude Cazes a déclaré que « les textes entrent sur un terrain de jeu extrêmement large et qu’il faut redoubler de vigilance ». La consultation qui a été lancée et les quelques 700 réponses au Livre vert n’ont pas été réellement prises en compte et nous devons agir pour que les parlementaires européens aient une approche plus mesurée. Pour Phi-lippe Castagnac, « le monde a beaucoup changé et il faut que la profession de l’audit trouve son équilibre en Europe ». Il regrette que la Commission Européenne n’ait pas retenu, dans les projets de texte du 30 novembre 2011, les mesures rela-tives au joint audit obligatoire. Ce type de co-commissariat, tel qu’initialement imaginé par la Commission Européenne, constituait à la fois l’outil privilégié pour une déconcentration du monde de l’audit et une cohérence de l’ensemble du dis-positif de la réforme de l’audit proposée pour les pays de l’Union. La mesure sim-

Forum CAC ECF du 9 février 2012 : l’événement majeur des commissaires aux comptes libérauxLe 9 Février dernier, ce sont près de 350 confrères qui ont assisté à notre Forum CAC dans le magnifique cadre de la Salle Gaveau à Paris. Ce 8ème Forum, parfaitement installé dans le paysage professionnel, a confirmé son statut de principal évènement en matière de commissariat aux comptes après les Assises de la CNCC. Cette manifestation s’est déroulée en deux temps : une matinée dense en débats de politique professionnelle et un après-midi consacré à la technique, autour de deux ateliers, validant au total 7h homologuées pour les participants. Les personnalités de notre environnement professionnel se sont retrouvées autour de 3 tables rondes : audit légal et projets de textes européens, évolution du commissariat aux comptes dans les PME et puis attractivité de la profession.

du forum CACEn direct

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plement incitative d’un co-commissariat, avec un « bonus » sur l’allongement de la durée du mandat pour la firme de 6 à 9 ans, lui paraît très insuffisante pour inciter sa pratique généralisée. Le diri-geant de Mazars France critique tout au-tant le projet de cabinets purs d’audit et craint que ces clivages accélèrent contre toute attente l’effet de concentration : « nous verrons apparaître ceux qui font du commissariat aux comptes et les autres qui bricolent disparaîtront très vite ! ». Jean-Bernard Cappelier a abordé d’autres sujets des projets de textes européens tels que les droits de vote ou encore les appels d’offres. Tandis que Philippe Castagnac considère que les appels d’offres sont un processus normal pour un marché ouvert mais à la condition indispensable qu’ils soient effectués dans des limites raisonnables et ne transforment pas la certification en produits d’appel. Claude Cazes s’in-surge sur les pratiques de « short-list » qui ont capté le marché des universités et des chambres consulaires. « Il faut trouver des moyens de sanction sinon on va vers une catastrophe ! ».L’objectif de tous est d’essayer de réé-quilibrer ces projets de texte, et pour cela, il faut s’activer à coordonner des actions auprès des parlementaires européens au cours des prochains mois. Le H3C et la CNCC ont constitué des groupes de tra-vail ayant pour mission d’écrire des rap-ports à destination de Bruxelles.

Vigilance… et prudence

La deuxième table ronde de la matinée a traité du commissariat aux comptes dans les PME et de son évolution possible par rapport aux projets de réforme de l’audit. Cette table ronde, animée par Jean-Luc Flabeau, a réuni Christian Belhôte, ma-gistrat chargé de mission à la Direction des Affaires civiles et du sceau du Minis-

tère de la Justice, Vincent Baillot , ancien Président de la CNCC, Jean-François Mallen, Président de la commission PE à la CNNC et Frédéric Rogier, membre du Bureau de la CNCC.

En ouverture de cette table ronde, Claude Cazes nous a délivré un mes-sage optimiste sur l’audit légal dans les PME puisque le projet de Directive Au-dit prévoit, pour les Etats membres qui souhaitent opter pour ce dispositif de contrôle, la possibilité d’un audit propor-tionné. C’est notre norme PE, longtemps demandée par ECF et faisant enfin partie intégrante de notre corps normatif, qui a inspiré la Commission Européenne en ce sens et nous pouvons que nous en féliciter.

Notre syndicat a d’ailleurs réitéré, lors de son Forum, ses demandes d’évolution de la NEP 910, dite norme PE. Jean-Fran-çois Mallen milite pour une « réécriture de cette norme » ainsi qu’une extension de seuils, peut-être plus qualitatifs que quantitatifs, pour faire jouer pleinement le jugement professionnel du commissaire aux comptes. Sur cette requête récur-rente de ECF concernant l’extension du périmètre de cette NEP pour une appli-cation beaucoup plus large et fréquente, la Chancelle-rie a appelé à la prudence : « Nous devons attendre que les textes au niveau communautaire soient stabilisés (…). Plus le nombre d’intervenants sur ces projets de textes s’élargissent, plus les ni-veaux de risques s’élargissent ! ». La Chancellerie est d’autant plus vigilante sur ce point que les termes actuels du projet de Directive Comptable semblent imprécis.

La Chancellerie a tenu toutefois à rassu-rer l’assistance et confirmé que le gou-vernement français souhaite maintenir l’audit dans les PME.

Une nécessité : mieux communiquer

Vincent Baillot a tenu à sensibiliser les pro-fessionnels présents à ce Forum en décla-rant que « le commissariat aux comptes dans les PME n’est pas un droit ». Nous devons continuer à montrer aux pouvoirs publics et à nos clients notre utilité et notre rôle primordial en matière de sécurisation financière. Collective-ment, il convient d’asseoir notre identité de créateurs de confiance, nécessaires pour aider nos entreprises à retrouver le chemin de la croissance économique. Les règles d’indépendance et de propor-tionnalité de l’audit, qui marquent forte-ment les projets de réforme, nous aide-ront à maintenir notre efficacité et notre reconnaissance par notre environnement économique et professionnel. Là aussi, la vigilance de nos instances et aussi de chacun d’entre nous est vivement recommandée.

Frédéric Rogier a évoqué dans ce débat la nouvelle NBE (norme de bon exercice) en rappelant la nécessité d’introduire plus de communication et de dialogue entre le commissaire aux comptes et

Jean-Luc FlabeauPrésident de la commissioncommissariat aux comptes

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Forum CAC ECF du 9 février 2012 : l’événement majeur des commissaires aux comptes libéraux (suite)

du forum CACEn direct

son client. Vincent Baillot a appuyé ses propos et les a complétés sur l’amélio-ration que nous devons tous faire dans la communication entre le commissaire aux comptes et l’expert-comptable du mandat. Il y a notamment deux outils de communication sur lesquels des amélio-rations doivent être apportées : l’Annexe des comptes fournie par l’expert-comp-table et la demande de lettre d’affirma-tion du commissaire aux comptes.

Améliorer l’attractivité de la profession d’auditeur : quelques pistes

La troisième table ronde, traitant de l’at-tractivité de notre profession de commis-saire aux comptes, réunissait autour de Didier Yves Racapé, Christiane Foll, res-ponsable du Master CCA à l’Université Paris 1, Mathieu Thiersé, Président de l’ANECS, Boris Sauvage, Président du CJEC, Laurent Echauzier, élu à la CRCC de Paris et Jean-Luc Mohr.

Christiane Foll a fait un exposé à la fois sur le cursus et sur les débouchés offerts aux étudiants. La moitié de ses étudiants en Master CCA (comptabilité-contrôle-

audit) sont recrutés par un des big 4 et environ 80% décident de rejoindre un grand cabinet. Les niveaux de rému-nération proposés à l’embauche et la capacité de travailler en équipes sont des atouts déterminants qui motivent le choix de ces jeunes diplômés. Par ail-leurs, tous les grands réseaux sont très présents sur tous les forums et manifes-tations des grandes écoles et universités et établissent un premier contact avec le monde étudiant, ce que les cabinets de structure libérale ne peuvent pas faire. Mais deux ans après cette première embauche, beaucoup de ces jeunes diplômés choisissent de revenir vers des structures de cabinets plus modestes et ce pour des motivations diverses telles que la quête de plus de responsabilités professionnelles ou un projet d’associa-tion dans le futur.

Mathieu Thiersé, au nom de l’ANECS, estime que le cursus pour devenir ex-pert-comptable mériterait d’être plus connu puisque nous sommes une pro-fession qui recrute. Il insiste sur le fait que les stagiaires ne doivent pas être de simples collaborateurs. Nous avons le devoir, en les accueillant dans nos cabi-

nets, de leur apprendre aussi le métier de chef d’entreprise puisqu’ils aspirent à le devenir. Il rappelle aussi que ces sta-giaires veulent apprendre la pratique de l’audit, d’où la nécessité pour les cabi-nets libéraux de continuer à pratiquer le commissariat aux comptes, même sur un nombre limité de mandats.

Laurent Echauzier rappelle que plus de 50% de la profession des experts-comptables a plus de 50 ans et que nous avons la responsabilité de faire « monter » de jeunes talents dans nos cabinets. Pour cela, nous devons nous efforcer à mettre en place des politiques RH structurées dans nos cabinets, quelle que soit leur typologie ou leur taille et de formaliser de véritables plans de carrière à nos jeunes recrues.Boris Sauvage, Président du CJEC, rap-pelle toutes les difficultés qu’a un jeune diplômé expert-comptable et commis-saire aux comptes pour avoir son pre-mier mandat. Le temps pour obtenir ce premier mandat peut être à la fois long et coûteux (cotisations de la Compa-gnie, financement des actions de for-mation, etc.). Une des solutions mises en place par le CJEC est la bourse de la co-traitance, dispositif qui favorise et développe les échanges inter-généra-tionnels.

Enfin, Jean-Luc Mohr souligne que nous avons besoin de jeunes diplômés dans nos rangs. Les jeunes de la géné-ration Y maîtrisent toutes les NTIC que nous devons utiliser de plus en plus dans nos approches d’audit, quelle que soit la taille des dossiers traités. Dans l’attrait de la profession du chiffre, nous devons mettre en avant l’utilisation de ces outils.

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13OUVERTURE N° 89 • Juin 2012 13OUVERTURE N° 89 • Juin 2012

Le témoignage de nos Prési-dents de CRCC

Ce Forum a souhaité donner la parole aux Présidents de nos CRCC à majorité ECF : Paris, Lyon, Aix, Douai et Chambéry. Des axes de réflexion transversaux ont été initiés et de nombreuses actions sur la gestion des Institutions régionales ont été déployées par certaines de nos CRCC que ce soit sur le contrôle qualité, la mise en place d’une démarche ISO, la mutuali-sation de moyens, etc.Il a aussi été rappelé que les Présidents de nos CRCC sont les porte-parole de notre syndicat au Conseil National, dans le rôle d’une opposition toujours constructive.

Les travaux communs de nos deux Institutions CSO et CNCC

Avant de clôturer cette matinée du Forum, Jean-Luc Mohr a invité sur scène la Prési-dente du CSO. Agnès Bricard a souhaité nous exposer, lors de cette manifestation sur le commissariat aux comptes, toutes les actions communes ou synergies qui étaient développées entre l’Institution qu’elle pilote et la CNCC.

Après la DIPAC, c’est le département Doctrine et Droit Comptable qui va être commun à nos deux Institutions natio-nales. Le rassemblement de ces forces est nécessaire pour apporter les meil-leures réponses aux projets de texte ou évolutions futures de nos règlements. C’est actuellement le cas puisque les pro-jets de 4ème et 7ème Directive sont ana-lysés et discutés.

Le CSO et la CNCC travaillent aussi de concert sur la problématique des appels d’offres. Le secteur public constitue un champ très vaste de développement de nos missions dans les années futures mais notre introduction sur ces nouveaux

marchés passe très souvent par des ap-pels d’offres. Agnès Bricard se bat pour que « le moins disant soit transformé en mieux disant ».

D’autres sujets ont été abordés par Agnès Bricard, tels que l’attractivité de nos pro-fessions, la protection de nos exercices professionnels expert-comptable et com-missaire aux comptes. Tout en rappelant que le co-commissariat était une spécificité française qu’il faut défendre et continuer à promouvoir, la Présidente du CSO a conclu que « c’est ensemble, experts-comptables et commissaires aux comptes, que nous sommes utiles à nos clients et notre envi-ronnement ! ».

ECF est aussi le syndicat des commissaires aux comptes !

Jean-Luc Mohr a clôturé cette matinée en remerciant l’ensemble des intervenants et en se félicitant de la richesse des débats.

Il a noté que le mot vigilance avait été très utilisé au cours de cette matinée, notam-ment en ce qui concerne les projets de réforme de l’audit. Mais la vigilance ne suf-fit pas ; il faut aussi de l’action !

En tant que Président d’ECF, ses préoc-cupations, concernant l’exercice libéral du commissariat aux comptes, sont nom-breuses.

La vigilance est bien sûr de mise sur l’au-dit PME. Nous devons être très attentifs à l’évolution de la Directive en droit interne, notamment au niveau de la définition des seuils.

Le contrôle qualité est un point très pré-occupant puisqu’il devient de moins en moins confraternel et pousse les commis-saires aux comptes à travailler prioritaire-ment pour le futur contrôle alors que toute

notre énergie, nos connaissances et nos ressources doivent être mises au service de nos clients.

La formation professionnelle est bien évidemment très importante pour notre profession mais nous sommes en droit de nous interroger sur la disproportionna-lité des obligations de formation pour les nombreux commissaires aux comptes qui ont moins de 10 mandats.

Les autres sujets sur lesquels nous devons mener des actions sont l’attractivité de la profession, la problématique des appels d’offres et la nouvelle pratique des « short- list », le rapprochement des Institutions et l’accélération des synergies, la recherche de pistes concernant la mutualisation des moyens qui peut aider à pérenniser la pra-tique du commissariat aux comptes dans nos cabinets libéraux, etc.

Après un déjeuner sur place, où les dé-bats de la matinée ont pu se poursuivre entre les convives, l’après-midi fut aussi très studieux. Deux ateliers techniques ont été dévelop-pés. Hubert Tondeur a fait une présenta-tion très appréciée sur l’articulation des conventions réglementées et des parties liées. Jean-François Mallen a clôturé ce 8ème Forum avec un atelier sur la com-munication du commissaire aux comptes et le compte rendu de mission.

Plus que jamais, ECF veut être impliqué dans les nombreuses thématiques du commissariat aux comptes. Notre volonté est que l’exercice du commissariat dans les PME se poursuive, s’améliore et reste libéral ! En tout cas, c’est toute la motiva-tion de nos combats présents et futurs.

A l’année prochaine pour le 9ème Forum CAC ECF .

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Co-commissariat aux comptes et déconcentration du mar-ché de l’audit : des excep-tions françaises bien réelles.

Le législateur français, soucieux de garantir l’indépendance des auditeurs, a introduit dès 1966 trois mesures par-ticulièrement originales : co-commissa-riat obligatoire dans les sociétés cotées, durée légale de mandat fixée à 6 ans et stricte séparation des activités d’audit et de conseil.

Après plus de quarante ans de pra-tique dans notre pays, ces dispositions inscrites dans la loi, et notamment les deux premières qui constituent les fon-dements de notre réglementation profes-sionnelle, font toujours aujourd’hui figure d’exception dans le paysage de l’audit international.

L’article L 823-2 du Code de Com-merce, qui rend obligatoire la présence de co-commissaires aux comptes pour toutes les entités astreintes à publier des comptes consolidés, reste encore main-tenant unique en France. Pendant toutes ces années, il y a bien eu d’autres ini-tiatives d’audit conjoint dans le monde. Certains pays « se sont essayés » à des formes diverses et variées de co-com-missariat aux comptes mais bien sou-vent sans cadre légal et obligatoire ni corps normatif. Beaucoup de ces expé-riences ont été lancées à titre explora-toire, sans beaucoup de persévérance dans le temps. C’est le cas du Danemark

qui décide d’abandonner le joint audit en 2005, et ce quelques années seulement après l’avoir introduit.

Mais, tout comme le co-commissariat, la durée légale de mandat de 6 ans consti-tue elle aussi une disposition unique au monde. Chez nos voisins Outre-Manche, les auditeurs remettent en jeu leur man-dat à chaque Assemblée annuelle.

C’est cette longue pratique du co-com-missariat à la française qui nous a permis de conserver un marché de l’audit bien plus ouvert qu’ailleurs avec un nombre d’acteurs encore relativement élevé et une diversité dans la typologie des cabi-nets. Cette relation de cause à effet est aujourd’hui incontestable.

Si, pour la première fois en 2010, l’audit des sociétés du CAC 40 et de l’EUROS-TOXX 50 est exclusivement assuré par cinq réseaux (« Big 4 » et Mazars), de nombreux cabinets indépendants, dont le nombre est estimé à environ 700, continuent à intervenir sur le marché des sociétés cotées et/ou consolidantes. Ce sont par exemple encore 265 cabinets qui interviennent pour l’audit légal des 511 sociétés cotées autres que celles du CAC 40. A toutes ces sociétés cotées s’ajoutent les banques non cotées, les mutuelles d’assurance et les associa-tions faisant appel à la générosité pu-blique. Tous ces types d’entités font par-tie intégrante des quelques 2800 entités d’intérêt public décomptées en France.Ce marché encore ouvert offre aux diri-

geants et actionnaires des plus belles entreprises françaises la possibilité de choisir leur auditeur parmi un large panel, ce que ne peuvent plus faire beaucoup de leurs homologues européens. Au Royaume Uni, les « Big 4 » auditent à eux seuls les comptes de 95 % des socié-tés du FTSE 350 et en Allemagne, seuls deux de ces réseaux internationaux in-terviennent dans 90 % des sociétés du DAX 30.

C’est donc naturellement que le joint audit, qui constitue une variante de notre commissariat aux comptes à la fran-çaise, s’est trouvé propulsé au centre des débats sur le Livre vert puisqu’il semble synonyme de plus d’indépen-dance et moins de concentration chez les auditeurs.

De l’espoir à la déception…

Pour la première fois, un projet de texte européen introduit la notion d’audit conjoint ! Dans ce projet de Règlement relatif aux exigences spécifiques appli-cables au contrôle légal des comptes des EIP, et notamment dans son article 33-1, est introduite une mesure incita-tive en faveur du co-commissariat : la pratique de l’audit conjoint permettra un allongement de la durée totale du man-dat, avant rotation du cabinet d’audit. L’article 32-9 de ce projet de texte est très important puisqu’il laisse la liberté aux Etats membres d’imposer aux EIP la désignation de plusieurs contrôleurs légaux des comptes ou cabinets d’audit

Audit et projets de textes EuropéensLe co-commissariat : juste indispensablepour une réforme de progrèsLes objectifs principaux du Livre vert sur l’audit, consultation qui a été lancée par la Commission Européenne en Octobre 2010 et qui a débouché sur deux projets de textes un an plus tard, un Règlement et une nouvelle Directive, sont de deux ordres : améliorer l’indépendance de l’auditeur et déconcentrer le marché du contrôle légal des comptes. L’atteinte de ces objectifs devrait contribuer à un accroissement de la qualité de l’audit légal dans l’Union Européenne.

de la CNCCEn direct

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dans certaines circonstances, alors que paradoxalement un Règlement est nor-malement d’application immédiate et pour tous les Etats de l’Union.

Alors, pourquoi ce sentiment de décep-tion alors que l’exception française du co-commissariat, souvent menacée, est enfin reconnue au niveau européen et en quelque sorte « gravée dans le marbre » dans un projet de texte communautaire ? N’est-ce pas déjà une forme de recon-naissance de notre modèle français ? Et surtout l’article 32-9 ne peut-il pas constituer une sauvegarde de la pratique du co-commissariat dans notre pays lorsque le Règlement entrera en applica-tion ?

Nous sommes très nombreux aujourd’hui à éprouver frustration et inquiétude, et ce malgré l’article 32-9. La première version du Règlement retenait encore jusqu’à mi-novembre de l’année dernière un joint audit obligatoire, et donc généralisé à l’ensemble des Etats membres, articulé autour d’un binôme dont l’un des cabi-nets serait choisi parmi un non big. Le lobbying forcené des grands réseaux internationaux a réussi à « renverser la vapeur » puisque le joint audit, dans la version finale du projet de Règlement publié le 30 novembre, n’est plus qu’op-tionnel avec une prime sur les durées de rotation des firmes. Et le binôme, évoqué ci-dessus, est tout simplement « passé à la trappe ». Pour tous ceux qui comme Michel Barnier aspiraient à un audit plus indépendant et moins concentré, le compte n’y est pas !

Pour les Euro-sceptiques en matière de joint audit, est-il nécessaire de rappeler tous les avantages qu’offre la pratique du co-commissariat aux comptes ? Et n’avons-nous pas meilleur ambas-sadeur que le H3C, ardent défenseur

du modèle français du commissa-riat puisqu’il écrit, dans son avis du 9 Février dernier sur la répartition des travaux entre co-commissaires aux comptes, que la pratique française de l’audit conjoint « permet d’accroître la qualité de l’audit en instituant un double regard sur les comptes » ?En tout premier lieu, le co-commissariat obligatoire et encadré par des normes précisément définies nous a permis de garder un marché de l’audit plus ouvert qu’ailleurs, comme nous l’avons rappe-lé ci-dessus. Cet avantage est de taille et rend légitime à lui seul l’intérêt que notre corps professionnel peut porter à l’audit conjoint. Ce seul critère permet de rappeler que le co-commissariat de-vrait être défendu par toutes les forces vives de la profession : l’Institution, nos syndicats, les grands réseaux et en général tous les professionnels, quel que soit le mode d’exercice. Mais des appétits de conquête de marchés ou de position dominante par certains rendent les choses plus complexes.

Le système du co-commissariat permet de promouvoir la qualité de l’audit, en matière d’indépendance et de compé-tence. L’indépendance se trouve natu-rellement renforcée avec la présence de deux auditeurs dans une même entité. Il est notamment plus aisé pour deux au-diteurs de combattre ensemble d’éven-tuelles positions de la Direction ou d’un comité d’audit. Quant à la compétence, celle-ci est assurément renforcée par un croisement d’expertise, souvent utile en matière d’IFRS où le jugement profes-sionnel de l’auditeur est fortement sol-licité. La pratique du co-commissariat favorise naturellement l’échange des professionnels et la confrontation des points de vue, ce qui est juste indispen-sable dans le cadre d’une complexité normative toujours plus forte.

Le co-commissariat permet aussi une plus grande flexibilité dans l’organisation de la rotation des auditeurs, en évitant des situations de fracture de déperdition d’informations (système de tuilage).

Qui peut nier que deux paires d’yeux, c’est mieux en matière de création de valeur et de partage de responsabilité dans l’audit.

Mais tous ces avantages n’ont malheu-reusement pas suffi pour l’instant à ob-tenir la généralisation de l’audit conjoint au sein de la Communauté Européenne, comme nous avons pu en rêver… jusqu’au 30 novembre dernier. A croire que nous sommes dans le refus d’une logique. Mais la logique n’est pas la même pour tous les auditeurs !

Un joint audit finalement in-terprété par Bruxelles comme « source de difficultés en pratique » : un décryptage nécessaire du jeu des cou-lisses de la Commission Euro-péenne.

Le Livre vert proposait un ensemble de mesures destiné à déclencher un pro-cessus de déconcentration du marché de l’audit. Avec la rotation externe des cabinets et la création de firmes pures d’audit, le joint audit obligatoire consti-tuait la pierre angulaire du dispositif.

Pourquoi ce joint audit, tel que défini par la Commission Européenne, n’est-il finalement retenu dans un format sim-plement incitatif ou optionnel et non plus obligatoire, comme annoncé et attendu par beaucoup, dans le projet de Règle-ment publié le 30 novembre 2011 ?

Ce revirement des derniers instants semble avoir plusieurs causes :

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Jean-Luc FlabeauPrésident de la commissioncommissariat aux comptes

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la méconnaissance du joint audit dans beaucoup de pays et les difficultés pré-sumées de sa mise en place, un fort lob-bying des grands réseaux internationaux orienté par un arbitrage joint audit/rota-tion des cabinets et les sempiternelles critiques sur le co-commissariat, qui comme toutes fausses idées reçues, ont la vie dure.

Les principales critiques du joint audit sont récurrentes ; coûts supplémentaires liés notamment à la revue croisée, diffi-cultés dans la coordination des travaux et dans l’harmonisation des méthodes d’investigation, problème de la respon-sabilité solidaire entre co-commissaires aux comptes. Ces arguments avancés le plus souvent par les grands réseaux internationaux, et qui s’appuient sur des études qu’ils ont eux-mêmes comman-dées ou financées, manquent cruelle-ment d’objectivité. Sur le premier point, nous savons que la pratique du co-com-missariat aux comptes, telle que nous la connaissons en France, n’entraîne pas de surcoût pour les entreprises. Mais, encore une fois, de quel joint audit par-lons-nous ?

Le système du co-commissariat en France est très encadré et normé : une obligation légale et un périmètre défini dans l’article L 823-2 du Code de Com-merce, une NEP relative à l’audit des comptes par plusieurs commissaires aux comptes, l’avis du H3C rendu le 9 février dernier sur la répartition des travaux entre co-commissaires aux comptes, etc. D’autres expériences dans le do-maine du joint audit ont été lancées dans le monde, mais trop souvent de façon volontaire ou optionnelle, hétérogène et éphémère et sans réel encadrement (comme le Danemark qui tente la pratique

du joint audit et l’abandonne assez vite dès 2005). Ce champ expérimental n’a certainement pas aidé les membres de la Commission Européenne à défendre la pratique obligatoire du joint audit dans les pays de l’Union. Peut-être aurait-on dû commencer par fournir une définition de ce que doit être le joint audit et définir plus précisément un cadre d’application. Et à ce stade de la réflexion, nos repré-sentants de la CNCC n’ont peut-être pas assez pris en compte cette méconnais-sance du joint audit dans les pays de l’Union Européenne.

Et puis il y a eu l’arbitrage des grands réseaux, confrontés à un dilemme ou un choix cornélien. La Commission les pousse vers une rotation des firmes et un joint audit et aucune de ces mesures ne les ravit. C’est ainsi que, après un lob-bying puissant de ces firmes à Bruxelles, le joint audit a été réduit par l’accroisse-ment de la rotation des cabinets.

Le co-commissariat en France : un concept d’excellence mais une pratique pas toujours à la hauteur

L’analyse conceptuelle du joint audit ou du co-commissariat laisse peu d’espace à la critique. Comment concevoir un sys-tème qui puisse offrir autant de garantie en matière d’indépendance ou de qua-lité de l’audit ? Alors, pourquoi la France reste-t-elle un des seuls pays à le prati-quer ? Pourquoi les autres n’en veulent- ils pas tant que ça ?

De farouches adversaires décrivent le co-commissariat « comme une formalité de façade sans réelle utilité ! ». Il ne s’agit surtout pas de pencher vers ces carica-tures, qui n’engagent que leurs auteurs,

puisque nous sommes persuadés que le co-commissariat aux comptes, tel qu’il est conçu en France, est à défendre et à promouvoir. Mais cela ne doit pas nous aveugler et nous priver d’une approche analytique.

Malgré tout ce que l’on a pu lire ou en-tendre, les dirigeants de notre Compa-gnie Nationale n’ont certainement pas assez défendu le co-commissariat aux comptes auprès de Bruxelles ou ont peut-être trop vanté la pratique du co-commissariat à la française, et ce sans imaginer ou promouvoir d’autres voies de joint audit.

Mais l’origine du problème est peut-être plus ancienne : notre Institution n’a pas su imposer aux professionnels des « garde- fous » qui les auraient contraints à pratiquer un co-commissariat équilibré et indépendant.

Pour exemple, la répartition équilibrée des travaux est sans doute la partie la plus ambigüe de la NEP 100 relative à « l’audit des comptes par plusieurs com-missaires aux comptes ». Notre corps normatif s’est focalisé sur des principes sans oser apporter de précision en subs-tance. Cette carence ou ce manque de gouvernance sur le sujet a fait naître des situations de déséquilibre dans la pratique du co-commissariat. Ces man-quements dénoncés par l’AMF, l’ACP, le H3C, notre syndicat et beaucoup de pro-fessionnels constituent le talon d’Achille de notre co-commissariat.

Le co-commissariat ne doit pas se tra-duire dans les faits par un double audit effectué séparément par deux profes-sionnels : il doit consister en une colla-boration entre deux commissaires aux

Audit et projets de textes Européens Le co-commissariat : juste indispensable pour une réforme de progrès (suite)

de la CNCCEn direct

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comptes agissant de concert. Pas plus qu’il ne doit présenter une situation de déséquilibre telle que l’un des co-com-missaires aux comptes est dominant et s’octroie la majeure partie des travaux et des honoraires alors que le second se contente d’une présence et d’une influence marginales. Un audit véritable-ment indépendant requiert deux niveaux d’indépendance : entre les auditeurs et l’entité mais aussi entre les auditeurs eux-mêmes.

L’union sacrée de notre corps professionnel

« Heureusement que l’on a l’article 32-9 ! ». Cet argument, cher au Président Cazes, est une arme à double tranchant sur le maintien de notre co-commissariat. En effet, le dispositif du joint audit tel que défini dans le projet de Règlement reste complètement optionnel. Le risque est donc que le co-commissariat devienne aussi optionnel en France. La Chan-cellerie ou encore le H3C défendent la pratique du co-commissariat tout en souhaitant qu’il soit plus vertueux dans certaines situations. Même si cette pro-babilité semble aujourd’hui faible ou peu probable dans un futur proche puisque nous avons le soutien des pouvoirs pu-blics, nous ne devons jamais sous-esti-

mer l’effet d’apesanteur que peut provo-quer l’environnement européen.

L’art de la politique est d’imaginer le futur pour anticiper. Tentons d’analyser le scé-nario du pire, à savoir un co-commissa-riat devenu simplement facultatif.Lors de la présentation de la consulta-tion du Livre vert, Michel Barnier avait prévenu que le statu quo ne serait pas acceptable. Avec ce scénario, le boule-versement du monde de l’audit est as-suré mais pas du tout dans le sens sou-haité par la Commission Européenne : concentration accélérée, baisse de la qualité de l’audit et perte du degré d’in-dépendance des auditeurs. Le joint audit obligatoire constituait la clé de voûte du projet de réforme et nous voyons bien que son retrait in extremis rend bancal l’ensemble du dispositif des Projets de Règlement et de Directive.

Ce sujet du co-commissariat est de la plus grande importance puisqu’il peut avoir des conséquences directes sur notre profession. Aujourd’hui, nous avons la chance d’être plus de 14 000 professionnels à faire ce métier pas-sionnant de commissaire aux comptes. L’éventail des typologies de structures professionnelles est très large puisqu’il va de l’associé d’un grand réseau inter-

national au professionnel travaillant seul dans son cabinet libéral. Chacun y a sa place. Les entités les plus importantes ont besoin de l’expertise et du réseau international des big 4. D’autres entités vont aller plus naturellement vers des cabinets nationaux ou d’exercice libé-ral. Laissons cette liberté de choix tant aux professionnels qu’à nos clients. Ne prenons pas le risque que demain, ce nombre de professionnels soit réduit à 1500 ou 2000. Ne prenons pas le risque que les 700 cabinets qui interviennent dans l’audit légal d’EIP ne soient plus qu’une poignée dans quelques années, en dehors des grands réseaux interna-tionaux !

Les grandes causes ne sont jamais per-dues à l’avance. Même si cela paraît difficile et tardif, il est nécessaire de dire d’une même voix à Bruxelles que c’est bien le sujet du joint audit qui est prio-ritaire pour atteindre les objectifs fixés par le Livre vert. Il faut donc inverser la tendance actuelle qui a placé le sujet de la rotation devant le joint audit. C’est à toute la profession de prendre son destin en main. C’est à l’Institution, aux syndi-cats et à tous les professionnels, petits et grands, de défendre sans voix discor-dante le joint audit. C’est bien là notre responsabilité et notre devoir à tous !

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La fonction Rappels sur I PAD, un outil appelé à devenir indispensable

La fréquentation régulière du tribunal de commerce m’a amené à constater que de nombreux mandataires judi-ciaires et avocats arpentaient les couloirs leur iPad à la

main. J’ai vite compris qu’il ne s’agissait pas d’un effet de mode, car bien que ressemblant à un gros iPhone, l’iPad ne sert pas à remplacer le téléphone, et il devient progressivement un élément indispensable aux personnes qui se déplacent fréquemment.Il suffit de quelques minutes de prise en main pour comprendre que l’iPad a changé le paysage de l’informatique mobile. Un tel concentré d’innovations technologiques et ergonomiques méri-terait un panorama complet de toutes les fonctions innovantes qu’il recèle. Cependant, Ouverture n’étant pas une revue à ca-ractère informatique, je me limiterai ici à la présentation d’une seule fonction bien pratique dans la vie de tous les jours : la fonction « Rappels ».

L’une des nouveautés arrivées avec la dernière version de l’iPad est la fonction « Rappels » qui, bien que de présenta-tion simpliste, s’avère répondre parfaitement aux principales préoccupations de la vie quotidienne tout en étant entièrement gratuite. En effet, cette application est plus complète qu’elle ne paraît, elle peut être à la fois un gestionnaire de tâches, une liste de courses et un pense-bête. Il sera également évoqué l’intégration de ces rappels dans iCloud, que ce soit sur votre Mac ou sur votre PC. Après avoir lu cet article, vous ne pourrez plus dire : « Chéri(e) ! J’ai oublié le pain ».

Il convient dans un premier temps de créer des listes et des tâches pour vous aider à vous rappeler ce que vous avez à faire. Vous pouvez créer autant de listes que vous le souhai-tez et une liste peut contenir plusieurs éléments. À la première ouverture, l’application contient deux listes par défaut : rappels et accompli. S’il est possible de supprimer la première, ce n’est pas le cas de la seconde qui ne peut qu’être vidée.

Au lancement de l’application vous découvrez la liste des rap-pels vierge.

Gérer les catégories de listes :

Pour compléter la liste des catégories, appuyez sur « créer une liste ».

Pour supprimer une catégorie appuyez sur le bouton rouge qui ressemble à un « sens interdit ».

Une fois les catégories complétées, il ne vous restera plus en-suite qu’à cliquer sur «fermer». Vous pouvez créer autant de listes qu’il vous plaira et vous passerez de l’une à l’autre en utilisant le menu situé sur la partie gauche de l’écran.

Créer une tâche :

Il est possible de créer des tâches dans chaque liste. Pour créer une tâche, il suffit d’appuyer sur le bouton + en haut à droite :

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> Commission informatiqueDu côté de la …1

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Chaque tâche créée est indépendante des autres.

Voici une astuce si vous souhaitez gérer une liste de courses : saisissez la liste des articles recherchés. Dans le magasin, lorsque vous placez l’article dans votre chariot, cochez-le dans la liste, vous pouvez alors voir rapidement ce qu’il vous manque. Et pour les prochaines courses, il n’est pas besoin de tout noter de nouveau, décochez simplement les articles souhaités qui se trouvent dans la liste « accompli » et ils retrou-veront automatiquement leur place dans la liste. Difficile de faire plus simple !

Pour d’autres types de listes, quelques rubriques indispen-sables sont à votre disposition. Vous y accéderez simplement en appuyant sur la tâche en question. Pour voir l’ensemble du menu il suffira d’appuyer sur « Plus » :

Quatre options apparaissent alors :• M’avertir : vous permettra d’être prévenu à une date ou

une heure précise ou même de régler la récurrence d’un événement de tous les jours à tous les ans.

Astuce : si vous avez un iPhone, il est possible d’utiliser la géolocalisation pour paramétrer ses alertes. Ainsi, l’application sera capable de vous rappeler d’acheter du pain lorsque vous passez devant votre boulangerie préférée.

Important : si vous avez activé les notifications pour l’applica-tion rappels (dans l’application réglages), vous pourrez recevoir un petit rappel sur l’écran verrouillé et/ou dans le centre de notifications de votre appareil.

• Priorité : il est possible de définir quatre niveaux de priori-tés : aucune, faible, normale et élevée.

• Liste : permettra de ranger la tâche dans la liste de votre choix.

• Notes : si toutefois vous avez quelque chose à ajouter c’est ici que vous pourrez le noter.

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Marc Weber

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20 OUVERTURE N° 89 • Juin 2012OUVERTURE N° 89 • Juin 2012

> la Commission informatique

1 Du côté de…1

Pour terminer sur l’application en elle-même, il est possible de retrouver vos tâches sur un calendrier pour mieux vous organi-ser encore en cliquant sur l’onglet Date :

Une fois vos rappels entrés dans votre iPad, la magie d’iCloud vous permettra de les retrouver quasiment instantanément et sans efforts, sous réserve d’avoir activé le partage des rappels dans tous vos appareils.

Dans le Mac c’est dans le calendrier « iCal » que viendront se placer discrètement vos rappels.

Le site internet « iCloud » dans sa rubrique calendrier vous don-nera également accès à vos rappels où que vous soyez.

Et les possesseurs de PC n’ont pas été oubliés puisqu’il leur suffira de télécharger l’application « iCloud Control Panel » pour qu’ils retrouvent leurs tâches et bien plus sur leur ordinateur favori.

La fonction Rappels sur I PAD, un outil appelé à devenir indispensable (suite)

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Les congrès sont des moments forts de notre vie pro-fessionnelle, mais également des moments riches pour nos cabinets. C’est l’occasion de découvrir un thème,

de se mettre à jour sur les évolutions de notre environnement, de trouver des relais de croissance. Le CJEC a, parmi ses prin-cipaux métiers, un rôle de représentation de la jeune généra-tion de diplômés. C’est dans cet objectif de porter la voix des jeunes que nous participerons avec l’ANECS aux 3 prochains congrès de la profession. Certains d’entre nous animeront des ateliers avec le souhait du partage trans-générationnel de leurs compétences, une valeur que nous mettons en avant au tra-vers de la bourse de co-traitance. Nous pouvons, à ce titre, remercier tous les Présidents de CRCC qui ont ouvert la porte à une discussion pour mettre l’outil du CJEC au centre de la co-traitance en audit dans leur région. Merci pour votre soutien et cette porte ouverte au métier de commissaire aux comptes !

L’été s’annonce et nous vous donnons rendez-vous à la ren-trée avec une série de nouveautés vous permettant de gagner en efficacité avec le guide informatique, de développer vos missions complémentaires avec de nouveaux kits mission en préparation, et le cycle de journées coaching que vous êtes si nombreux à plébisciter !

La profession s’inquiète de la transmission de ses cabinets et s’interroge sur son attractivité. De nombreux articles, réunions ou interventions abordent les comportements de

la génération Y et les stratégies à mettre en place pour attirer et fidéliser les jeunes entrant sur le marché du travail. Des jeunes hyper connectés, refusant l’autorité, souhaitant gravir les éche-lons au pas de course et revendiquant une vie personnelle.

Et si on inversait le regard ? Et si c’était le « jeune » qui examinait les comportements de la génération au pouvoir, celle des baby boomers ? Entrés sur le marché du travail avec des possibilités d’emploi exceptionnelles qui ne se sont jamais reproduites dans l’histoire de l’humanité, nos pairs ont pourtant choisi de faire carrière dans une même entreprise, regardant avec beaucoup d’étonnement celui qui, pour évoluer, changeait de job tous les 5 à 10 ans. Alors qu’en 68, les baby boomers chantaient peace and love sur les barricades et revendiquaient la liberté de choix, ils ont centré leur vie sur le travail, la valorisation sociale liée à leur carrière, le sentiment d’appartenance au cabinet, connaissant sur le bout des doigts la vie de leurs clients, et si peu celle de leurs enfants, incapables de citer le nom d’un seul de leurs profs.Ecolos avant l’heure à 20 ans, les baby boomers, s’ils se nour-rissent bio, roulent pourtant aujourd’hui dans de grosses berlines polluantes, affichent un bilan carbone à rougir et laissent une pla-nète poubelle à la génération Y.

Caricatural, me direz-vous ? Et vous aurez raison ! Qui oserait encore, de nos jours, cataloguer une personne juste en fonction de sa classe d’âge sans avoir fait l’effort de l’écouter et de la comprendre un tant soit peu ?

La réponse est peut-être dans la réplique culte du prof de maths dans le film non moins culte de Cédric Klapich, Le péril jeune. «Il faut intéresser le jeune. Il est plein d’une énergie débordante. Le jeune est tourné vers l’avenir mais aujourd’hui, l’avenir ne se tourne plus vers le jeune ! Doit-il aborder l’avenir en lui tournant le dos, le jeune ? »

Un café… avec 5 pailles, s’il vous plaît !

Le temps des congrès

Le péril jeune

> CJEC/ANECSDu côté du …

Boris SauvagePrésident national CJEC

[email protected]

Mathieu ThierséPrésident national ANECS

[email protected]

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22 OUVERTURE N° 89 • Juin 2012

TEO, TRANSMIS-SION D’EN-TREPRISE OPTIMISÉE

Comment UtILISeR Le patRImoIne SoCIaL poUR aIdeR voS CLIentS à tRanSmettRe LeUR entRepRISe ?

AG2R LA MONDIALE, acteur majeur de l’assurance de la protection sociale et patrimoniale, vous répond dans l’atelier du congrès ECF : « Comment optimiser la transmission familiale d’une entreprise » avec Pascal Julien Saint-Amand, notaire, président du groupe Althémis et Stéphan Bayssiere, chargé de mission AG2R LA MONDIALE. Des outils d’accompagnement interprofessionnel créés en partenariat avec des professionnels du conseil vous seront présentés sur notre stand.

N° central : 0970 808 808 (numéro non surtaxé)E mail : [email protected]

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Sommaire

La transmission d’entreprise

1 Le mot des rapporteurs 24

2 La transmission d’entreprise familiale : vaincre les obstacles 26

3 Comment optimiser la transmission familiale d’une entreprise 27

4 Vendre et partir à la retraite 30

5 Stratégies d’optimisation lors d’une cession d’entreprise 32

6 Négociation et rédaction de la documentation de cession 34

7 La valeur de l’entreprise : les clés d’une bonne évaluation 36

8 Gérer l’immobilier d’entreprise lors d’une transmission 38

9 Réussir sa sortie : les enjeux psychologiques, humains et familiaux de la transmission 39

10 Experts-comptables et commissaires aux comptes : quelles missions et quelles diligences en matière de transmission ? 42

11 La transmission d’un cabinet d’expertise comptable et de commissariat aux comptes 44

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D O S S I E R D U T R I M E S T R E

OUVERTURE N° 89 • Juin 2012

TEO, TRANSMIS-SION D’EN-TREPRISE OPTIMISÉE

Comment UtILISeR Le patRImoIne SoCIaL poUR aIdeR voS CLIentS à tRanSmettRe LeUR entRepRISe ?

AG2R LA MONDIALE, acteur majeur de l’assurance de la protection sociale et patrimoniale, vous répond dans l’atelier du congrès ECF : « Comment optimiser la transmission familiale d’une entreprise » avec Pascal Julien Saint-Amand, notaire, président du groupe Althémis et Stéphan Bayssiere, chargé de mission AG2R LA MONDIALE. Des outils d’accompagnement interprofessionnel créés en partenariat avec des professionnels du conseil vous seront présentés sur notre stand.

N° central : 0970 808 808 (numéro non surtaxé)E mail : [email protected]

PRÉVOYANCESANTÉ

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Nos métiers évoluent et notre environnement traditionnel est menacé. Cette évidence est sans cesse ressassée par un grand nombre d’observateurs de la profession.

Pour pallier à cette situation assez basique d’offre désormais supérieure à la demande, certains nous recommandent de mettre en place des tableaux de bord flash chez des clients qui éprouvent de la réticence à payer le conseil à sa juste valeur et pour qui tout devrait être gratuit simplement parce qu’ils ne dégagent pas la valeur ajoutée leur permettant de rémunérer ces services. D’autres prétendent pouvoir industrialiser la tenue de comptabilité dans nos petits cabinets indépendants, dans un combat peut être perdu d’avance contre les structures à taille « inhumaine », et d’autres enfin déclinent des concepts plus ou moins évolués en spéculant sur un futur dont les contours sont toujours difficiles à cerner, ce qui permet au passage de raconter les pires sornettes en étant à peu près certains de ne jamais être contredits.

Notre syndicat, soucieux de proposer aux confrères des leviers de création de valeur ajoutée à la portée de tous, s’efforce en permanence de mettre à disposition de chacun des outils et des approches intellectuelles immédiatement transposables dans le quotidien des professionnels, et permettant à chacun de nous de créer une valeur ajoutée importante chez nos clients, avec à la clé des honoraires substantiels. C’est tout le sens de ce congrès de Montpellier dont la synthèse du contenu est présentée dans ce dossier spécial.

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r Le mot des rapporteurs généraux

La transmission d’entreprise, c’est à la fois un enjeu socié-tal, une attente de nos clients, un marché pour nos cabi-nets et une mission passionnante !

Un enjeu sociétal car la transmission d’entreprise concerne en définitive bien plus d’entreprises que ce qui était jusqu’à ce jour estimé. Plusieurs études1 ont tenté de compter le nombre de transmissions de PE et de PME chaque année (entreprises comprenant entre 10 et 250 salariés) en chiffrant celui-ci entre 3.000 et 6.000 transmissions annuelles. L’observatoire de la BPCE, dans son dernier rapport de décembre 20112 estime en définitive celui-ci à 12.000 entreprises par an représentant environ 1,5 million d’emplois. Il apparaît donc comme certain qu’une bonne partie de la croissance, de l’investissement et de l’emploi en France repose sur le succès de ces transmissions.

Une attente de nos clients car, là aussi, deux études conver-gentes3 pointent le besoin de conseils et la trop faible présence des experts-comptables dans l’accompagnement de leur pro-jet de cession. En effet, pour un quart des chefs d’entreprises futurs ou récents cédants, la formation des experts-comp-tables à la transmission d’entreprise est une mesure à mettre en place pour favoriser les transmissions. Conclusion naturelle, 37 % des dirigeants éprouvent des difficultés à identifier les bons interlocuteurs et les bons conseils et seulement 1 cédant sur 5 est accompagné par un expert-comptable lors de cette opération cruciale pour son entreprise et son patrimoine.

C’est donc un marché demandeur et particulièrement solvable qui s’offre à nous si nous sommes en mesure de faire l’effort de formation nécessaire à l’accompagnement de nos clients. Si le premier besoin d’accompagnement consiste à trouver un repreneur de confiance (28 %), nos clients attendent de nous une optimisation fiscale de la cession (21 %), des solutions réglementaires et juridiques (15 %), une estimation du prix de la cession (15 %) et une valorisation de leur entreprise (10 %) : toutes missions que l’expert-comptable est en mesure de réa-liser avec la compétence et le sérieux que le marché sait lui reconnaître par ailleurs. Bien évidemment, les ateliers proposés au congrès aborderont chacune de ces attentes.

Enfin, la transmission d’entreprise, c’est une mission riche in-tellectuellement qui fait jouer l’interprofessionnalité et qui porte sur des sujets humains, au cœur des préoccupations des diri-geants : bref, une mission passionnante à plus d’un titre.

ECF, fidèle à ses valeurs d’innovation et soucieux d’accompa-gner la croissance de la profession vers des missions à valeur ajoutée, engage ainsi toute la profession dans cet enjeu socié-tal en organisant le premier Congrès National axé à 100 % sur la transmission d’entreprise.

Les ateliers énumérés ci-après, et dont le contenu est résumé dans ce dossier spécial donneront à tous un aperçu de la ri-chesse intellectuelle de ce congrès auquel nous vous espérons nombreux.

Bon congrès à toutes et tous

1 - OSEO BDPME en juin 2005, APCE en février 2009, Rapport Mellerio octobre 2009, Observatoire CNCFA/Epsilon d’octobre 2010.2 - http://www.observatoire.bpce.fr/-Cession-Transmission-.html

3 - Rapport KPMG de janvier 2008 au Minefi et étude précitée de la BPCE.

Par Nathalie Gorryet Laurent Benoudiz

OUVERTURE N° 89 • Juin 2012

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Dossier : La transmission d’entreprise

Atelier N° 1 : La transmission d’entreprise familiale : vaincre les obstaclesCet atelier aura pour objet d’expliquer les mécanismes qui per-mettent de transmettre une entreprise à l’un de ses enfants en organisant une répartition équitable de la donation (régime matrimonial, réserve héréditaire, technique de financement de la soulte,…) en abordant également les techniques qui peuvent permettre de récupérer du cash pour le donateur.Animateurs : Hubert Fabre (notaire) et Caroline Emerique- Gaucher (diplômée notaire)

Atelier N° 2 : Comment optimiser la transmission familiale d’une entrepriseCet atelier exposera les techniques qui permettent de réduire significativement le coût d’une donation d’entreprise : aména-gement du régime matrimonial, pacte Dutreil, abattement lié à l’âge, paiement différé et fractionné des droits de donation, ainsi que la stratégie permettant d’organiser une cession fami-liale de l’entreprise.Animateurs : Pascal Julien Saint-Amand (notaire) et Stéphan Bayssière (AG2R La Mondiale)

Atelier N° 3 : Vendre et partir à la retraite Cet atelier fera le point sur les conditions d’application des dis-positifs codifiés aux articles 151 septies A et 150-0 D ter du code général des impôts, leurs atouts, pièges et limites.Animateurs : Vital Saint-Marc (expert-comptable) et Gilles Dauriac (expert-comptable)

N° 4 : Stratégies d’optimisation lors d’une cession d’entre-priseCet atelier fera le point sur les différentes stratégies de dona-tion-cession, apport cession, apport-report ou apport-remploi susceptibles d’être mises en œuvre dans le cadre d’une ces-sion d’entreprise.Animateurs : Laurent Benoudiz (expert-comptable) et Fabrice Luzu (notaire)

Atelier N° 5 : Négociation et rédaction de la documentation de cessionDe la lettre d’intention (LOI) au contrat de cession (SPA) en pas-sant par la garantie d’actif et de passif (GAP) et aux clauses d’earn out : quels sont les bons réflexes et les pièges à éviter pour sécuriser la transaction ?Animateurs : Jean-Louis Médus (avocat) et Jean-Luc Amana-tian (conseil en fusion/acquisitions)

Atelier N° 6 : La valeur de l’entreprise : les clés d’une bonne évaluationComment évaluer la valeur d’une entreprise, quelles techniques utiliser, quelles précautions à prendre ? Animateurs : Christophe de Brébisson (expert-comptable) et François Bianco (expert-comptable)

Atelier N°7 : Gérer l’immobilier d’entreprise lors d’une transmissionQu’il soit inscrit à l’actif et ne fasse pas parti du périmètre de la cession ou, au contraire, qu’il soit détenu dans le patrimoine privé et qu’il soit nécessaire de le transmettre aux enfants, la question de l’immobilier d’entreprise se pose lors d’une trans-mission. Quelles techniques d’optimisation et quelles stratégies mettre en place ?Animateurs : Marc Iwanesko (notaire) et Serge Anouchian (expert-comptable)

Atelier N° 8 : Réussir sa sortie : les enjeux psychologiques, humains et familiaux de la transmissionAnticiper et gérer le passage du statut de dirigeant à celui de retraité n’est pas simple. comment s’y préparer ? Comment ac-compagner son client dans cette transition délicate ? Comment se décider à vendre avant qu’il ne soit trop tard pour l’entreprise ? Animateurs : Janin Audas (expert-comptable - président de la CCEF) et Daniel Manon (ancien président de Sociétex)

Atelier N° 9 : Experts-comptables et commissaires aux comptes : quelles missions et quelles diligences en ma-tière de transmission ? Cet atelier mettra en évidence toute la complémentarité des deux missions dans le cadre d’une cession, à travers l’articula-tion des besoins de conseil et de sécurité de nos clientsAnimateurs : Serge Anouchian (expert-comptable) et Jean-Bernard Cappelier (commissaire aux comptes)

Atelier N°10 : La transmission d’un cabinet d’expertise comptable et de commissariat aux comptesComment ne pas évoquer, dans le cadre d’un congrès sur la transmission d’entreprises, notre propre situation d’acquéreurs ou de cédants potentiels des entreprises que sont nos cabinets ? Cet atelier fera le point des particularités de nos métiers en les resituant dans le contexte de la cession, notamment au regard des problématiques de valorisation d’un cabinet, de négocia-tion des clauses spécifiques liées au métier (érosion, travaux en cours et PCA…) et des modalités d’accompagnement entre cédant et repreneur.Animateurs : Nathalie Gorry (expert-comptable) et Boris Sau-vage (expert-comptable, président du CJEC)

OUVERTURE N° 89 • Juin 2012

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OUVERTURE N° 89 • Juin 2012

La transmission d’entreprise familiale : vaincre les obstacles1

Pourquoi un atelier consacré à la transmission des entre-prises familiales?

Des études récentes2 ont démontré que la transmission des en-treprises familiales ne se fait, en France, que dans la proportion d’une entreprise sur dix. Seulement 20 % des chefs d’entre-prises souhaitent transmettre l’entreprise familiale à la généra-tion suivante et, parmi eux, moins de la moitié y parviendront.

Ces faibles résultats résultent d’obstacles à surmonter lors de la transmission d’une entreprise à caractère familial : aux obs-tacles techniques (d’ordre financier, juridique et fiscal) s’ajoutent des enjeux personnels et familiaux pour l’entrepreneur.

Pour autant, la transmission d’une entreprise familiale est un en-jeu majeur pour l’économie. Par comparaison aux pays voisins, la France compte assez peu d’entreprises de taille intermédiaire (environ 4.600) alors que ce sont ces entreprises qui orientent leur développement vers le moyen et long terme, ce qui permet de mieux garantir l’emploi local et le développement des expor-tations.

La transmission de l’entreprise est aussi un enjeu important pour la famille : une entreprise patrimoniale constitue un actif à part, qui a la particularité de pouvoir se développer et se valo-riser à chaque génération, tout en créant du revenu pour les membres de la famille.

Enfin la transmission est un enjeu pour l’entreprise elle-même : la pertinence du choix du ou des nouveaux dirigeants, la stabilité de l’actionnariat sont autant de facteurs-clés pour la pérennité de l’activité et des emplois.

Le souhait fréquent du chef d’entreprise est de transmettre ses biens à ses enfants de manière égalitaire, ce qui conduit inévita-blement à un fractionnement du capital. Or, celui qui a géré seul pendant des années son entreprise sait que le pouvoir ne se partage pas. Par conséquent, la problématique de la transmis-sion d’entreprise sera de rechercher des schémas susceptibles de permettre à un héritier de détenir le pouvoir sans détenir for-cément une majorité de contrôle.

Ainsi, pour que la transmission d’entreprise aboutisse, les conseils devront tenir compte des intérêts divergents de cha-cune des parties en présence :

- Le chef d’entreprise qui transmet souhaite que son sché-ma de transmission soit respecté par chacun de ses héri-tiers ;

- Le repreneur souhaite assurer son pouvoir pour prendre seul les décisions importantes de la société ;

- Enfin, les héritiers non repreneurs souhaiteront, eux, le plus souvent être désintéressés rapidement.

Ajoutons que l’entreprise familiale représente souvent l’élément le plus important du patrimoine ce qui a une double consé-quence pour l’enfant repreneur. Ce dernier pourra être amené à racheter un certain nombre de titres :

- à son père, chef d’entreprise, pour pouvoir financer son train de vie après la transmission,

- à ses frères et sœurs, pour détenir le contrôle de l’entre-prise.

Dans un premier temps, il est indispensable de réaliser un audit de la situation personnelle et patrimoniale du chef d’entreprise de manière à clarifier ses objectifs, identifier les points de dif-ficulté, en particulier juridiques et fiscaux, et proposer les pre-mières solutions. Egalement c’est à ce stade que se pose la question de la valorisation de l’entreprise, indispensable pour pouvoir organiser la transmission.

A travers des exemples et des cas pratiques, nous étudierons dans cet atelier consacré à la transmission de l’entreprise fami-liale les outils juridiques incontournables que doivent connaître les experts-comptables, lorsqu’ils sont questionnés par le chef d’entreprise :

- La donation-partage qui est le pivot de la transmission, et qui peut être égalitaire ou inégalitaire ;

- Les structures sociétaires permettant au repreneur de dé-tenir le contrôle (holding familiale, nouvelles structures de gouvernance type conseil de surveillance et directoire...) ;

- Les aménagements statutaires pour assurer la stabilité de l’actionnariat familial (actions de préférence, clauses d’agrément, ...) ;

- Les pactes et structures spécifiques à mettre en place pour motiver les actionnaires non repreneurs autour du projet de l’entreprise (conseil de famille, charte de famille,..) ;

- Les moyens de désintéresser les enfants non repreneurs, notamment lorsque l’entreprise familiale constitue l’essen-tiel du patrimoine du chef d’entreprise qui se retire (dona-tion avec soulte, Family Buy Out) ;

- Les contraintes liées à la mise en place de pactes Dutreil dans la structuration de la transmission.

Pour terminer, nous traiterons de la préparation de l’après-transmission pour le chef d’entreprise. Nous aborderons les moyens d’assurer le financement de son train de vie ainsi que la problématique de l’ISF une fois la transmission réalisée.

Par Hubert FabreNotaire

et Caroline Emerique-GaucherDiplômée notaire

1 - Titre emprunté au 86ème Congrès des Notaires de France, Lille 20/23 mai 1990. 2 - Notamment voir le rapport remis à Hervé Novelli, Secrétaire d’État chargé du Commerce, de l’Artisanat, des Petites et Moyennes Entreprises, du Tourisme, des Services et de la Consommation réalisé par Olivier MELLERIO, octobre 2009.

Page 27: Ouverture n°89

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Dossier : La transmission d’entreprise

OUVERTURE N° 89 • Juin 2012

Comment optimiser la transmission familiale d’une entreprise

Partie 1 : Optimisation fondée sur la loi Dutreil

La transmission réussie de l’entreprise est l’un des enjeux ma-jeurs de notre économie. Créatrice de richesses et d’emploi, l’entreprise doit faire l’objet de tous les égards. Le législateur français l’a enfin compris et a mis en place différents régimes de faveur que ce soit dans le cadre des mutations à titre oné-reux ou des mutations à titre gratuit.

C’est l’articulation de ces régimes dans le cadre de la trans-mission familiale qui nous intéressera plus particulièrement. L’ensemble de ces mesures permet, en effet, au chef d’entre-prise d’organiser la reprise avec une grande souplesse. Il lui sera ainsi possible de coupler une transmission à titre gratuit et une transmission à titre onéreux en fonction de ses besoins financiers, des objectifs de ses enfants et de la capacité béné-ficiaire de l’entreprise.

La loi Dutreil permet de réduire de 75 % la valeur imposable pour le calcul des droits de donation ou de succession. Le bénéfice de ce régime de faveur est réservé aux entreprises individuelles (art. 787 C) et aux sociétés (art. 787 B) exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.

La réduction de base imposable est subordonnée à l’engage-ment par les associés de conserver collectivement un pourcen-

tage minimum de titres pendant une durée minimale de 2 ans (34 % pour les sociétés non cotées, 20 % pour les sociétés cotées). Cet engagement doit être en cours au jour de la trans-mission à titre gratuit.

Par ailleurs, les donataires légataires ou héritiers doivent s’en-gager à conserver les titres reçus dans le cadre de la trans-mission à titre gratuit pendant une durée minimale de 4 ans à compter de l’expiration de l’engagement collectif. Les titres transmis peuvent toutefois sous certaines conditions faire l’ob-jet d’un apport à une société holding pendant cette période. Enfin, l’un des signataires de l’engagement collectif doit remplir une fonction de direction pendant toute la durée de l’engage-ment collectif, ainsi que pendant trois années à compter de la donation ou de la succession. A compter de cette transmis-sion, cette fonction peut également être remplie par l’un des donataires, légataires ou héritiers.

Les récentes précisions apportées par l’Instruction fiscale 7G 3 12 de mars 2012 lèvent de nombreuses incertitudes et commentent les avancées législatives apportées au régime Dutreil au cours des dernières années.

Le schéma suivant synthétise les principales conditions d’appli-cation de ce régime fiscal de faveur.

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Comment optimiser la transmission familiale d’une entreprise (suite)

La donation ou la succession peut ainsi être grandement opti-misée, et peut, de surcroît, être couplée avec la transmission d’une fraction de la société à titre onéreux. Deux régimes per-mettent au chef d’entreprise de réduire l’imposition de la plus-value et de la limiter à l’application des prélèvements sociaux. Le premier est limité aux cessions au sein du groupe familial (art. 150 OA 1 3°). Le second n’impose aucune condition à l’égard de l’acquéreur, mais requiert que le chef d’entreprise cédant liquide ses droits à la retraite dans les 24 mois de la cession de ses titres.

L’utilisation combinée de ces différentes opportunités permet aux dirigeants de réussir sa transmission dans une cadre juri-dique et fiscal optimisé. Partie 2 : Le patrimoine social… véritable levier économique pour favoriser la transmis-sion d’entreprise !

Toutes les cessions ne se comptent pas en dizaine de millions d’euros, ainsi l’analyse des différentes situations plus modestes mais plus fréquentes rencontrées en accompagnant les TPE durant plus de 20 années nous a amenés à reconsidérer notre vision du patrimoine. En effet, celui-ci ne doit plus être vu comme un ensemble bicéphale constitué des biens profes-sionnels et de biens privés mais comme un tripode prévoyant la communication entre chacun de ses membres, le tout rythmé par les flux, la fiscalité et les charges et prélèvements sociaux.

On se permettra donc d’affirmer que le patrimoine est consti-tué de 3 « piliers » composés de stocks et de flux, qui incluent le « patrimoine social ». Le stock social du dirigeant est en effet constitué au fil du temps par les charges ou cotisations sociales, obligatoires ou facultatives qui génèrent des droits sociaux, tandis que les flux sont structurés autour des revenus sociaux qu’ils soient issus des régimes publics ou privés. Cette représentation patrimoniale des droits sociaux nous permettra

de raisonner en exploitation et optimisation de patrimoine en intégrant les méthodes d’analyses indispensables.

Comment définir le Patrimoine social ?

C’est un ensemble de droits à prestations sociales, acquis durant notre vie professionnelle mais aussi durant les périodes d’inactivité, qui ont pour particularité de n’être valorisables qu’en fonction de différents sinistres prévisibles ou imprévi-sibles… dont la transmission fait partie.

L’optimisation du gisement non exploité car méconnu que représente le patrimoine social devient ainsi évidente dans le cadre de la transmission d’entreprise. En effet une maîtrise par-faite de ces notions, permettra au conseil d’utiliser ponctuel-lement l’économie de la protection sociale afin de favoriser la transmission d’entreprise.

Encore convient-il d’avoir une méthodologie ad’hoc et les com-pétences pour la mettre en œuvre.

C’est ce que nous avons mis au point en nous appuyant sur les incontournables passages : du choix de la date liquidation du régime de retraite, à ne pas confondre avec la date d’arrêt d’activité, par le calcul de la décote et par l’analyse systéma-tique des carrières des poly-pensionnés, entre autres.

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Mais encore plus globalement en établissant deux feuilles de route dédiées à la transmission, réalisées dans le cadre de l’in-ter-professionnalité par des experts comptables, des avocats et des notaires (« feuilles de route » du cédant et du repreneur disponibles sur notre stand). L’optimisation du patrimoine so-cial ne pouvant se faire que sécurisée par une analyse fiscale et juridique, différente suivant le type de cédant ou de repreneur.

La problématique patrimoniale du dirigeant est, elle, bien iden-tifiable, et tourne assez invariablement autour de quatre axes :

• Revenusnetsfuturs:cequiaétéprévu,cequiestnéces-saire au train de vie en fonction des étapes de la vie (à définir), les écarts pour y arriver et les combler avec le produit de la cession.

• Transmissiondupatrimoine:àquelterme,quoi,àquietcomment il souhaite transmettre.

• Protectiondupatrimoine:commentatteindrelesobjectifsci-dessus, au meilleur coût fiscal et social. Comment pro-téger le patrimoine existant lors d’une reprise.

• Protectionsocialeenactivitéouaprès.Situationsocialedurant les années d’accompagnement à la transmission dans certains cas (transmissions familiales ou à salariés).

L’architecte patrimonial de la transmission d’entreprise s’atta-chera à intégrer tous ces objectifs et à exploiter les outils à sa disposition pour les atteindre au meilleur coût.

Mais il se peut aussi que pour des raisons d’absence de repre-neur, de repreneur salarié sans capital, ou de santé fragile de l’entreprise, la recherche tourne autour de la façon de libérer de la charge de l’entreprise.

L’utilisation de la législation sur des domaines tels que cumul emploi-retraite, liquidation de retraite anticipée pour carrière longue, liquidation partielle des régimes de retraite, retraite pro-gressive, statuts sociaux des dirigeants et de leurs conjoints va

permettre d’exploiter au maximum le patrimoine social afin de favoriser économiquement la transmission d’entreprise.

Dans l’hypothèse d’une vente complexe, on peut même ima-giner satisfaire les deux parties par une diminution du prix de vente ou un aménagement dans la durée par une optimisation des droits sociaux.

En conclusion, nous pouvons affirmer qu’un travail réalisé sur les composants du patrimoine social permet soit de libérer de la charge au profit d’une transmission facilitée, soit de compen-ser la réduction du patrimoine professionnel, soit de valoriser le patrimoine global et ce en fonction des contraintes mais aussi des choix du cédant.

Ce sont ces aspects et bien d’autres qui seront abordés dans le cadre de l’atelier n°2 par Pascal Julien Saint-Amand et Stéphane Bayssière sur l’optimisation de la transmission familiale.

Par Me Pascal Julien Saint-Amand Président du Groupe ALTHÉMIS

Notaire, ancien avocat fiscaliste, Docteur en droit français, Docteur en droit européen

Chargé d’enseignement à l’UniversitéParis-Dauphine et à l’ESCP-EAP

et Stéphane Bayssièrespécialiste de la protection sociale (AG2R La Mondiale)

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Deux régimes distincts traitent du sort des plus-values lors de la cession d’une entreprise pour cause de dé-part à la retraite de son propriétaire dirigeant :

- Celui des activités exercées dans le cadre d’une entre-prise individuelle ou d’une société visée à l’article 8 du CGI, régime codifié à l’article 151 septies A du CGI,

- Celui des activités exercées dans le cadre d’une société soumise à l’IS, dont les titres sont cédés par le dirigeant à l’occasion de son départ à la retraite, visé par l’article 150-0-D ter du CGI.

La concurrence fiscale exercée par certains de nos voisins avait convaincu le législateur, au milieu des années 2000, d’assouplir les mécanismes de taxation des plus-values en instituant aux articles 29 et 35 de la loi de finances rectificative pour 2005 deux mesures favorisant les transmissions d’entreprises :

- une exonération totale des plus-values de cession d’entre-prises individuelles ou de parts de sociétés transparentes hébergeant des activités professionnelles à l’occasion du départ en retraite du dirigeant,

- une exonération progressive de certaines plus-values de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux, qui permettait d’atténuer la rigueur de la loi du 5 juillet 1978 portant imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières.

Concernant ce deuxième dispositif, le texte, souhaité par Chef de l’Etat qui avait demandé au gouvernement de « taxer davantage celui qui achète une action pour la revendre très vite, mais alléger l’impôt pour l’investisseur de long terme1 » et codifié à l’article 150-0 D bis du Code général des impôts, est un exemple de dispositions fiscales que « le vent […] emporta sans qu’aucune trace n’en fut trouvée2 ». Codifié mais jamais appliqué, il sert néanmoins de fondement à l’article 150-0 D ter qui, à l’origine, ne prévoyait qu’un régime particulier et transitoire s’appliquant aux seuls dirigeants de PME européennes partant en retraite.

Ce dispositif prévoit que le montant de la plus-value est diminué d’un abattement d’un tiers par année de détention des titres au-delà de la sixième, ce qui conduit à une exonération totale de la plus-value réalisée sur des titres détenus depuis plus de huit ans. La plus-value peut donc bénéficier d’une exonération progressive qui ne s’applique toutefois qu’en matière d’impôt sur le revenu, les prélèvements sociaux restant toujours dus sur la totalité de la plus-value.

La plus-value reste ainsi dans le champ d’application de l’im-pôt. Elle peut en être exonérée lorsque certaines conditions sont réunies. Cette distinction est d’importance. Un gain hors champ est un gain qui ne remplit pas les conditions d’imposi-tion exigées, lesquelles varient selon la nature et la catégorie fiscale du gain. Un profit exonéré est au contraire un revenu normalement imposable, mais qui échappe à l’impôt en vertu d’un texte législatif exprès ou d’une tolérance administrative illégale. Dès lors, dérogeant au droit commun et contraires à l’égalité devant l’impôt, les exonérations sont des dépenses fiscales qui doivent être strictement interprétées3.

Une exonération est donc nettement conditionnelle et les plus-values visées à l’article 150-0 D ter du CGI n’échappent pas à ce principe. Les modalités d’exonération tiennent autant à la qualité des titres cédés, qu’à la nature de la société ou au comportement du cédant, avant et après la cession.

Régime qui devait s’éteindre le 1er janvier 2014 avec l’applica-tion du dispositif général d’abattement pour durée de détention de titres prévu à l’article 150-0 D bis du CGI, abrogé depuis et remplacé par un mécanisme de report d’imposition sous condition de remploi, il ne s’applique qu’à des titres qui auront

été acquis ou souscrits avant le 1er jan-vier 2006.

Régime particulièrement restrictif, il ne s’applique qu’à des cédants qui auront exercé des fonctions de direction au cours des cinq années précédant la

cession, qui détiendront une participation significative dans le capital de la société dont les titres sont cédés et qui cesseront toute fonction dans les vingt-quatre mois qui suivent ou pré-cèdent la cession pour faire valoir leurs droits à la retraite. La qualité des fonctions exercées, les modalités de détention de la participation et les conditions d’accompagnement du ces-sionnaire sont autant de difficultés à contourner pour espérer bénéficier du régime d’exonération.

En outre, pour l’application de ce régime, la société passible de l’impôt sur les sociétés, de plein droit ou sur option, devra avoir exercé de façon continue, pendant les cinq ans précédant la cession, une activité professionnelle. Aussi, les sociétés à prépondérance immobilière, comme celles qui ont pour seul objet la gestion de leur patrimoine mobilier sont-elles exclues du régime. Au surplus, la société répondra aux conditions d’effectif, de chiffre d’affaires et de total de bilan de la PME

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Vendre et partir à la retraite

1 - In Le Monde du 29 janvier 20062 - Ancien testament3 - Ce principe n’est toutefois pas toujours suivi par l’Administration qui, dans une réponse d’Harcourt (AN du 29 août 1983), a par exemple admis

qu’échappaient à l’impôt plus values immobilières qui ne respectent pas strictement les conditions d’exonération pourvu que le cédant n’ait pas entendu réaliser une opération nettement lucrative.

« taxer davantage celui qui achète une action pour la

revendre très vite, mais alléger l’impôt pour l’investisseur

de long terme »

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européenne et sera implantée dans l’espace économique euro-péen. Si elle est astreinte à l’établissement de comptes conso-lidés, les conditions d’effectif, de chiffre d’affaires ou de total de bilan des PME seront déterminées sur la base de ces comptes consolidés. Enfin, le capital ou les droits de vote de la société dont les titres ou droits sont cédés ne doivent pas être détenus directement, de manière continue au cours du dernier exercice clos précédant la cession, à hauteur de 25 % ou plus, par une ou plusieurs entreprises qui ne répondent pas aux critères des PME européennes.

Cet atelier n° 3 du congrès de Montpellier sera l’occasion de faire le point sur l’ensemble des difficultés qui entourent ces deux mécanismes, d’aborder pratiquement quelques points toujours épineux (application de l’abattement en cas de clauses d’earn out…), de disserter sur l’avenir du dispositif codifié à l’article 150-0-D ter du CGI, et de rappeler enfin qu’à côté du dispositif codifié à l’article 151 septies A du CGI, il existe d’autres outils d’exonération de plus-values à la disposition du chef d’entreprise préparant son départ à la retraite, notamment lorsque l’entreprise est de petite taille.

Par Vital Saint-Marcet Gilles DauriacExperts-comptables

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Le rapport de l’Observatoire de la BPCE dénombre près de 12.300 PME/PMI qui subissent chaque année une opération capitalistique de transmission. La pression

fiscale qui accompagne une cession s’est considérablement alourdie ces dernières années par l’effet conjugué des aug-mentations du taux proportionnel de l’impôt de plus-value, des taux de prélèvements sociaux et par la création de la Contribution « Exceptionnelle » sur les Hauts Revenus (CEHR).

Les stratégies de contournement de cette taxation sont connues. Pour une génération d’entrepreneurs, la cession de l’entreprise s’accompagne de la retraite de son animateur. Un dispositif fiscal existe qui permet d’accompagner le départ à la retraite d’une génération de « baby boomers ». Ce dispo-sitif est toutefois limité dans le temps et dans son domaine d’application : il ne concerne que les dirigeants de certaines entreprises qui font valoir leurs droits à la retraite dans les 2 années qui suivent ou précèdent la cession complète de leur activité. Ce mécanisme n’exonère pas de la taxation aux pré-lèvements sociaux et il a une durée de vie limitée puisqu’il doit en théorie disparaître le 31 décembre 2013.

Les deux autres principales pistes consistent à procéder à une donation avant cession (1) ou à un apport en sursis d’im-position (2).

Le législateur fiscal a récemment complété ce dispositif d’un produit de substitution à la suppression de l’abattement pour durée de détention qui devait commencer à produire ses ef-fets 2012 : « l’apport-report » ou « l’apport-remploi » (3).

I. Donation avant cession

La cession de l’entreprise peut parfois s’accompagner d’une intention libérale, de la volonté de faire bénéficier ses proches, enfants ou conjoint, de cet enrichissement. Deux séquences se présentent alors :

- soit céder puis ensuite, une fois l’actif monétisé, donner. On empile alors des coûts fiscaux lourds : impôt de plus-value puis de transmission. Le « net en poche » familial après ce cumul de taxations peut être ramené, au taux marginal, à … 34 %.

- Soit donner d’abord puis ensuite céder l’actif en ques-tion par les donataires.

L’alourdissement récent mais néanmoins très significatif des coûts de la transmission de patrimoine impose une réflexion nouvelle sur l’opportunité d’une donation avant cession. Tou-

tefois, en pratique, cette augmentation s’est accompagnée conjointement d’une augmentation de la plus-value. La stra-tégie reste alors pertinente même si ses effets sont moins spectaculaires que par le passé. Plusieurs questions méritent toutefois d’être posées auxquelles nous répondrons à l’occa-sion de cet atelier :

- quel gain fiscal immédiat dans une stratégie de donation pré cession ? Quel impact en termes de transmission de patrimoine ?

- Quelle est l’utilité des donations « nouvelles » : résiduelle, graduelle ou transgénérationnelle ?

- Est-il possible de bénéficier dans ces stratégies de la Loi Dutreil ?

- Comment calibrer la donation, en pleine propriété ou en démembrement de propriété ?

- Quel est le sort de la créance d’earn out ?- Qui doit payer les droits de donation, le donateur ou le

donataire ?- Comment financer le coût de cette transmission alors

que la cession n’est pas intervenue ?- Quelles sont les clauses spécifiques à prévoir dans l’acte

de donation ? - Pourquoi cultiver plusieurs variétés d’usufruits ?

Nous constaterons que la réponse à chacune de ces ques-tions, en apparence anodines, peut être source d’optimisation fiscale.

II. Apport en sursis d’imposition

L’apport en sursis est simple à appréhender dans ses fonde-ments : l’apport des titres constitue une opération intercalaire ; leur cession ultérieure ne génère aucune plus-value chez l’ap-porteur car ce dernier n’en perçoit pas le prix.

Le constat mérite d’être formulé différemment : ainsi, s’il n’y a pas de plus-value, c’est que le chef d’entreprise n’appré-hende pas un prix de vente utilisable au plan familial. Le do-maine de l’apport en sursis n’est alors pas celui de la patrimo-nialisation mais celui du réinvestissement, du redéploiement de nouvelles activités professionnelles. Dans ce contexte, il serait à l’évidence totalement contre-productif de céder, d’ac-quitter la plus-value puis dans un second temps de réinvestir. La séquence des opérations est, comme dans le cas de la donation pré-cession, vertueuse. Elle imprime le régime fiscal.

L’actualité de ces schémas réside surtout dans les limites à leur utilisation. Depuis moins d’un an, de nombreuses déci-

Stratégies d’optimisationlors d’une cession d’entreprise

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Dossier : La transmission d’entreprise

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sions sont venues dessiner les contours de ces opérations. Nous tenterons de les synthétiser pour dégager un mode d’emploi pratique. Par cet exercice nous répondrons aux quelques questions suivantes :

- quel calendrier pour ces opérations ?- Combien loger en sursis d’imposition ?- Quels réinvestissements futurs, dans quel type d’activi-

tés et dans quelles proportions ?

III. Apport-report, apport-remploi

La stratégie de l’attentisme et de la patience n’est plus ver-tueuse puisque l’abattement pour durée de détention des titres, qui devait produire ses premiers effets en 2012, a été supprimé. Il a été remplacé par un système qui prône à l’in-verse le mouvement : il faut vendre ses titres et réinvestir au moins 80 % de la plus-value (hors prélèvements sociaux) pour en bénéficier.

Ce mécanisme de substitution, sur lequel nous reviendrons, nous semble cependant voué à un succès d’estime car il aura du mal à soutenir la comparaison avec celui de l’apport en sursis. Même si ses conditions d’accès (qui en rendaient l’utilisation parfaitement théorique) ont été allégées en début d’année, il apparaît réservé à quelques « happy fews bussi-ness angels ».

Sous réserve de respecter des conditions d’application lourdes, ce dispositif ne permet pas de s’exonérer des pré-lèvements sociaux de 15,50 %... qu’il convient d’acquitter l’année suivant la cession.

Conclusion

En ces périodes d’incertitudes économiques et fiscales, la voie de la délocalisation est parfois à tort explorée. Cette piste suppose un choix de vie et de dresser au préalable un bilan multicritères comparé entre la France et le pays d’accueil pro-jeté. Cette voie s’accompagne de nombreuses contraintes mais ne constitue pas une sorte de « martingale ». En Bel-gique, par exemple les droits de succession entre époux sont de 30 % alors qu’ils sont de 0 % en France entre époux ou partenaires Pacsés. Paradoxalement, pour un Belge, la France est donc un paradis fiscal de la transmission.

Les dispositifs existants en France pour minimiser l’impact de la plus-value sont efficaces. En pratique, ils sont rarement uti-lisés de manière alternative mais plutôt en les cumulant ou en les conjuguant : départ à la retraite + donation ou apport en sursis + donation. C’est leur superposition dans une logique patrimoniale bien construite qui permet de répondre aux ob-jectifs de nos clients chefs d’entreprises.

En synthèse, nous présenterons à l’occasion d’un exemple chiffré les effets vertueux d’une stratégie combinée de dona-tion pré-cession mixte (pleine propriété et démembrement de propriété) et sursis d’imposition. Autrement dit, nous tente-rons de répondre à la question centrale : comment calibrer au mieux la stratégie pré cession ?

Mais entre-temps le collectif budgétaire de l’été sera interve-nu, les pistes de la Loi de Finances pour 2013 se dessineront. L’impôt de plus-value aura peut-être été agrégé à l’impôt sur le revenu ; il sera peut-être même soumis à une taxation à 75 %. Notre sujet n’en sera que plus d’actualité.

Par Laurent BenoudizExpert-Comptable

DU Gestion de Patrimoine de Clermont-Ferrand

et Fabrice LuzuNotaire à Paris. Chargé d’enseignement à l’ESCP,

à Paris Dauphine et à Paris II Panthéon Assas

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Propos introductifs : de quoi parle-t-on ?

La transmission d’entreprises est polymorphe.Tantôt l’on est en présence d’une « cession de contrôle », l’en-treprise empruntant le moule sociétale, auquel cas la transmis-sion de l’entreprise renvoie à des questions de droit des socié-tés et de contrôle des assemblées d’associés, de nomination/révocation des organes de direction.Principale conséquence de ce mode de transmission, le ces-sionnaire se voit transférer les actifs mais aussi les passifs et engagements hors bilan de la société transmise, de telle sorte que le cessionnaire entendra se prémunir contre la survenance de passifs non révélés ou insuffisamment comptabilisés ou contre des sur-évaluations d’actifs.

L’on peut alors multiplier à l’infini les variantes à ce schéma de base dans lequel le rachat de 51% des droits de vote suffit à prendre le contrôle de l’entreprise, selon que l’on est en présence d’une transmission avec recours à l’endettement (LBO, MBO, BIMBO, etc…auquel cas en sus des intérêts des cédants et des salariés se pose la question de la documenta-tion et des modalités de financement) ou encore d’une trans-mission d’entreprise en difficulté/retournement (situation très normée en RJ ou LJ / situation innomée si le rachat s’opère en dehors d’une procédure collective).L’on croise encore, dans le paysage de la transmission d’en-treprises, des schémas hybrides et des modes de transmis-sion progressifs telle la location-gérance, sorte de prélude au rachat.

Tantôt l’on sera en présence d’un rachat d’actif, la plupart du temps d’un fonds de commerce ; dans un tel cas aucun pas-sif n’est transféré et se pose principalement la question de la « juste » valorisation des actifs acquis ainsi que celle des dispo-sitions d’ordre public applicables de plein droit et sans possible dérogation (notamment celles issues du droit social et tenant au transfert des salariés).

Autant de schémas de transmission (acquisition financière, ac-quisition par un industriel, Owner Buy Out dans lequel le cédant demeure associé majoritaire de la structure cessionnaire, Lbo ou Bimbo ou Lbi dans lesquels le financement de la transmis-sion est une préoccupation majeure …) autant de configura-tions qui appellent à chaque fois un traitement spécifique.

Les principaux documents contractuels – les principes communs applicables

Si l’on emprunte une approche chronologique, l’on dira que la transmission passe successivement (sans que l’on rencontre systématiquement l’ensemble de ces actes dans chaque opé-ration) par la négociation et la rédaction des documents sui-vants :

• desaccordsdeconfidentialité(ouNon Disclosure Agree-ment), préalable à la divulgation d’éléments d’information sur l’entreprise convoitée ;

• deslettresd’intention,engagementsd’honneur,accordspréparatoires, qui fixent une intention d’acquérir/vendre au moins définie dans son principe, définissent un calen-drier pour la réalisation des audits et le déroulement des négociations ;

• des lettresdemissionet lesmandatsauxconseils (qu’ils’agisse de convention avec les auditeurs chargés d’exa-miner les comptes et les aspects juridiques, fiscaux, commerciaux ou techniques de l’entreprise, de mandat d’assistance avec les conseils en fusions-acquisitions, des mandats d’assistance à la levée des financements) ;

• lesprotocolesd’accordsou (share purchase agreement SPA) qui la plupart du temps matérialisent la rencontre d’une offre de céder et une volonté d’acquérir un objet précis pour un prix déterminé ou déterminable, actes la plupart du temps assortis de conditions suspensives (obtention des financements, réalisation d’audits satisfai-sants, conclusion d’accords annexes ..) qui devront être levées avant la date de cession effective ;

• les garanties d’actif et de passif (qui par essence sontfréquemment sans objet dans les cessions de fonds de commerce et d’actifs) et qui visent à rendre tout ou partie des cédants garants des dommages (directs, indirects ?) survenant à l’entreprise cédée postérieurement à son transfert, dès lors que le fait générateur du dommage est antérieur à la cession et ainsi rattachable à une période durant laquelle les cédants contrôlaient et/ou dirigeaient l’entreprise ;

• lespactesentreactionnairesdestinésàrégirlesrelationsentre associés d’une même société ;

• les engagements de non rétablissement ou de nonconcurrence au terme desquels tout ou partie des cé-dants s’interdisent de se réinstaller pour une durée et un territoire donnés dans les activités de l’entreprise cédée ;

Négociation et rédaction de la documentation de cession(préconisations pratiques)

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• conventionsde rétrocessiondeT.R.I. oudepartagedevaleur entre investisseurs / managers (fréquemment dé-signés du terme accords de « management package »), accords que l’on rencontre essentiellement dans les transmissions d’entreprises avec effet de levier (recours à l’endettement) associant des investisseurs « inactifs » à des associés-dirigeants.

L’on est assurément dans le strict domaine contractuel, dès lors qu’il y a conclusion d’une « convention » qui suppose respecter les principes généraux gouvernant la formation des conventions, et notamment :

- l’article 6 code civil qui prohibe les conventions contraires aux bonnes mœurs ou à l’ordre public (cf. appréciation de la légalité des engagements de non concurrence) ;

- l’article 1108 code civil imposant que le consentement soit exempt de vices, que les parties aient la capa-cité à contracter, que l’objet du contrat soit licite et que le contrat soit pourvu d’une cause (qui consistera en la considération de la contreprestation dans les conventions synallagmatiques) ;

- l’article 1134 du code civil qui dispose que les conven-tions légalement formées tiennent lieu de loi aux parties et qu’elles doivent être exécutées de bonne foi).

L’on peut parfois hésiter (notamment dans les lettres d’intention ou engagements d’honneur) sur le point de savoir si les parties ont véritablement entendu « créer un lien de droit » entre elles, et si l’on se trouve dans une situation véritablement sanction-née par le droit ou dans une zone de non-droit.

C’est l’office du juge de restituer aux actes leur exacte qualifica-tion et portée sans s’en tenir à la simple lettre des conventions.L’hésitation est notamment permise lorsque certains engage-ments ont force obligatoire et sont sanctionnés en droit positif [engagement d’exclusivité, remise de documents, confidentia-lité sur les échanges et documents remis.] tandis que d’autres s’apparentent à des engagements « mous » [lettre de pré-sident].

Il convient alors de recourir aux règles d’interprétation des conventions (articles 1156 à 1162 du code civil) et de se livrer à la recherche de la commune intention des parties :

- article 12 code de procédure civile qui dispose que le juge n’est pas lié par les qualifications des parties et qu’il resti-tue leur réelle portée aux actes sans s’arrêter à la dénomi-nation donnée par les parties ;

- enfin les dispositions de l’article 1165 code civil qui énonce le principe de l’effet relatif des conventions en vertu duquel seuls les signataires d’un acte sont liés … sauf stipulation pour autrui.

De la lettre d’intention à la Garantie d’actif et de passif en pas-sant par les clauses d’earn out, cet atelier traitera donc des différents documents constituant la documentation de cession, et de la meilleure façon de les rédiger.

Par Jean-Louis MédusAvocat - Professeur à l’université Paris Nanterre

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Retrouvez dans les quelques développements qui suivent, la synthèse du contenu de notre atelier sur les clés d’une bonne évaluation :

Comment intervient l’expert-comptable ?

• Conseilàlatransactionpourlecomptedeschefsd’en-treprise dans la continuité de ses missions habituelles. Dans ces hypothèses la mission de l’expert-comptable ne se limite pas très souvent à l’évaluation d’entreprise. Il accompagne le dirigeant dans tous les aspects de la transaction tout en étudiant les implications fiscales, juridiques et comptables qui en découlent.

• Danslecadredemandatdecommissaireauxcomptes/Commissaire aux apports.

• Entantqu’expertindépendantdanslecadredel’évalua-tion des entreprises.

Quelques principes de la démarche d’éva-luation :

Un bon évaluateur assume avant tout la subjectivité de son travail. Celui-ci nécessite de pratiquer abondamment le tri des informations que les anglo-saxons appellent le « garbage in / garbage out » (« je jette / je garde ») : ce qui est attendu de l’évaluateur c’est l’explicitation des conventions utilisées...

La valorisation s’exprime dans un langage compris par l’acheteur et le vendeur. Cette dernière condition légitime par elle-même le recours à plusieurs méthodes.

La valeur de l’entreprise :les clés d’une bonne évaluationConnaître, Comprendre et Dépasser

Les principes généraux de l’évaluation

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Crise et évaluation

Chaque méthode est différemment impactée.• Approche par l’actif net (ANR): les actifs incorporels

sont particulièrement impactés. Le grand nettoyage des goodwill a déjà commencé dans les groupes du CAC 40 puisque leur rentabilité est devenue durablement infé-rieure à leur coût du capital.

• Approchepar lesprévisions financières (DCF ) :mêmesi cela peut paraitre paradoxal, du fait de l’incertitude sur la durée de la crise économique, cette méthode per-met de combiner de façon précise les fondamentaux de l’entreprise avec les éléments d’incertitudes nouveaux pour chaque activité de l’entreprise. Une analyse fine de la trésorerie (BFR, financement court terme) est plus que jamais nécessaire.

• Approchepar lescomparablesboursiers(Multiples): leprincipal écueil de cette méthode est qu’elle suggère d’intégrer des valeurs de marché le jour de l’évaluation ou quelques mois avant, son intérêt étant le lien avec le marché actuel. L’extrême volatilité des valeurs boursières plaide pour une adaptation de cette approche et il serait sensé de regarder les multiples médian sur une période de cotation d’au moins un an.

Conclusion

En somme ce qu’il faut pour être un bon évaluateur c’est une intelligence pratique et du bon sens pour d’abord « connaître », « comprendre » et enfin « dépasser ».

• « Connaître » suppose avant tout une analyse straté-gique préalable à tout calcul.

• «Comprendre» : le(s)métier(s)de l’entreprise, ladiffé-renciation du produit par rapport à la concurrence, la diversité de la clientèle, et plus que jamais en ces temps de crise ; le BFR et la trésorerie.

• « Dépasser » signifie qu’il faut assimiler ce qui rend latransaction singulière.

Qu’est-ce que la bonne valeur ? « Price is what you pay, value is what you get » (W. Buffet)

La valeur pour un investisseur correspond à la valeur de mar-ché de l’entreprise majorée de la valeur que pourra apporter un acquéreur pouvant mettre en œuvre des synergies opéra-tionnelles et financières. Propre à chaque investisseur, elle ne

peut donc pas constituer une base de valeur pour l’ensemble du marché.

Enfin l’évaluation doit autant que possible se fonder sur une analyse au cas par cas des forces et faiblesses de l’entreprise pour éviter d’appliquer forfaitairement des méthodes et des décotes inappropriées. Cela passe par un travail d’interview des équipes opérationnelles et des dirigeants. Les forces spé-cifiques de l’entreprise ne viennent pas uniquement justifier la valeur retenue mais peuvent exprimer une valeur supplé-mentaire : le capital immatériel, comme par exemple le capital humain ou le capital client, est en train de devenir un nouveau pan de l’évaluation d’entreprise. Mais la valorisation concrète de ces actifs est liée à une création de richesse et leur acti-vation devra attendre vraisemblablement l’après crise pour nombre d’entreprises…

Par Christophe de Brébissonet François BiancoExperts-comptables

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OUVERTURE N° 89 • Juin 2012

Q u’il soit inscrit à l’actif et ne fasse pas parti du péri-mètre de la cession ou, au contraire, qu’il soit détenu dans le patrimoine privé et qu’il soit nécessaire de le

transmettre aux enfants, la question de l’immobilier d’entre-prise se pose lors d’une transmission.

Quelles techniques d’optimisation et quelles stratégies mettre en place ?

Tel est le défi qu’il nous est demandé de relever. Sans aucune prétention à l’exhaustivité, nous avons choisi de traiter trois types de questions :

- tout d’abord comment gérer les situations anciennes et notamment la grande mode des années 70-80 consis-tant dans l’acquisition des immeubles dans les sociétés d’exploitation ;

- ensuite, face à la mode des années 2000 consistant à démembrer les immeubles, préciser quelles précautions prendre pour éviter de se faire pièger lorsqu’on a affecté un usufuit au bilan et que la société est dissoute ou fusion-née ;

- enfin, aborder d’une part la question de la donation de parts de sociétés civiles et notamment des spécificités des sociétés endettées et d’autre part l’organisation de la protection des parents donateur.

I. L’immeuble inscrit à l’actif du bilan : peut-on éviter d’aller de Charybde en Scylla ?

La grande mode des années 70-80 consistait à inscrire les immeubles à l’actif du bilan. Le court terme était ainsi privilé-gié. Pas de taxation au titre des revenus fonciers, des amortis-sements qui venaient diminuer les bases taxables. Le paradis fiscal en quelque sorte. Quant à la sortie de l’opération, elle était occultée. On verrait bien ce que serait la fiscalité dans quelques années et on ne se préoccupait pas de l’impact négatif de la présence de l’im-meuble au bilan sur la valorisation du fonds de commerce.Après avoir analysé les désastreuses conséquences qui ré-sultent de cette manière de procéder, on essaiera d’apporter des solutions palliatives permettant d’adoucir la note fiscale, en ayant recours à la cession de la nue-propriété de l’immeuble.L’objectif visé consiste à passer d’une situation subie à une situation gérée.

II. L’usufruit inscrit à l’actif du bilan

Si la grande mode des années 70-80 consistait à inscrire les immeubles à l’actif du bilan, celle des années 2000 consisterait plutôt à n’y affecter que l’usufruit. La banalisation de ce type de montage entraînera des retours de bâton douloureux pour ceux qui n’auront pas perçu toute la dimension juridique de ce type d’opération. Comme souvent, l’aspect fiscal de l’opération occulte malheureusement quelquefois les subtilités juridiques. Mais comme le disent les Allemands : der Teufel steckt im Detail (Le diable se niche dans le détail). La disparition de la person-nalité morale de la société, va automatiquement entraîner l’ex-tinction de l’usufruit que cette dernière détient. La structure de détention de l’usufruit doit donc être mûrement réfléchie. C’est pourquoi nous pensons que ce type d’opération doit être me-née conjointement par l’expert-comptable et un juriste rompu aux subtilités du droit des biens.

III. Donation de parts de SCI endettée dans un but transmissif

Les parents ayant constitué une société civile pour abriter l’im-meuble donné à bail décident de transmettre la nue-propriété des titres aux enfants tout en conservant l’usufruit pour profiter des revenus. Cette manière de procéder peut être pertinente pour autant que l’on ait tiré toutes les conséquences de l’arrêt Cadiou. La tenue d’une comptabilité rigoureuse est alors le gage de la réussite d’une transmission optimisée.

On n’oubliera pas d’assurer la protection des parents. Une rédaction adaptée des statuts permettra d’adapter tous les mécanismes de rétention du pouvoir souhaités par les dona-teurs (aménagement des pouvoirs du gérant, instauration d’une gérance successive, gestion des droits de vote des titres démembrés…).

Gérer l’immobilier d’entreprise lors d’une transmission

et Serge AnouchianD.E.S de Gestion de Patrimoine

Expert-Comptable à Paris

Par Marc IwaneskoDocteur en Droit D.E.S de Gestion

de Patrimoine - Notaire à Toulouse

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Dossier : La transmission d’entreprise

OUVERTURE N° 89 • Juin 2012

On trouve beaucoup de littérature sur la transmission d’entre-prise et des chiffres qui ne sont pas toujours cohérents. Ainsi OSEO estime à 55.500 les TPE transmises en 2010 qui se répartissent en : 50.000 de moins de 10 salariés, 5000 de 10 à 50 salariés et 500 de 50 à 250 salariés alors que la BPCE en retient 11.500 pour la tranche de 10 à 250, soit le double !

Par ailleurs, lorsque l’on interroge les chefs d’entreprise, près de 50 % des dirigeants de PME âgés de plus de 60 ans af-firment vouloir transmettre leur entreprise dans les 2 années à venir. Le nombre de transmissions à opérer est donc très important et la transmission d’entreprise est clairement une des opérations qui fait appel à de nombreuses compétences, là où doit s’exprimer la pluridisciplinarité ou l’interprofession-nalité. C’est d’ailleurs l’objet premier de la CCEF : promouvoir le travail en commun des professionnels du conseil. En préambule, il faut rappeler qu’en matière de transmission, la situation diffère selon la taille de l’entreprise :

- Micro-entreprise (moins de 10 salariés) : peu de conseils ; le chef d’entreprise est souvent seul ;

- TPE (10 à 50 salariés) : le conseil permanent est l’expert-comptable, mais encore faut-il que le dirigeant en parle ;

- PME (plus de 50 salariés) : généralement il y a plusieurs conseils dans l’entreprise : expert-comptable, avocat, consultant… Ces entreprises feront généralement appel à un conseil en transmission.

Dans tous les cas on constate chez le chef d’entreprise proche de la retraite un manque de lucidité inhabituel pour anticiper la cession, en partie dû à la relation affective très forte qu’il a avec son entreprise, surtout s’il en est le créateur, « c’est son bébé », car la décision de céder relève autant voire plus des domaines psychologiques, humains et familiaux que du domaine patrimonial et financier :

- manque d’expérience (la plupart ne vendent qu’une fois),- peur des réactions (de sa famille, de son personnel...),- peur de la perte d’un statut social,- peur du vide de l’après cession…,

ce qui explique souvent le manque de préparation.

Dans le long processus de la cession le chef d’entreprise de TPE est souvent seul. Pour voir comment son conseil per-manent qu’est l’expert-comptable peut l’accompagner, nous parcourons les différentes étapes du processus. Après avoir rappelé qu’il est nécessaire :

1 - d’anticiper l’opération et de se préparer,

nous verrons que le chef d’entreprise doit ensuite :2 - choisir le mode de transmission qui lui plait le plus ou qui s’avère le plus adapté, 3 – puis « toiletter » l’entreprise, 4 - choisir le bon timing, 5 - déterminer le niveau de valorisation,6 - pour enfin pouvoir céder dans les meilleures conditions.

Nous observons plusieurs types de cession :- la transmission familiale,- la vente « opportuniste » : quelqu’un frappe à la porte

(souvent un confrère/concurrent),- la vente « préparée », souvent causée par un futur départ

à la retraite sauf pour les « serial entrepreneurs » qui en ont fait un mode de management,

- la vente « forcée », en cas de difficultés financières, mala-die ou accident.

I. Anticiper et se préparer

Le premier conseil sera de ne pas agir dans la précipitation ; il faut anticiper au minimum deux à trois ans avant la date envisagée de façon à :

- optimiser les chances de succès en pérennisant l’activité de l’entreprise malgré le départ de son dirigeant (souvent l’homme-clé),

- optimiser le prix compte tenu de toutes les incidences patrimoniales,

- optimiser la fiscalité : incidences fiscales de l’opération et post opération (par exemple : l’exonération de la plus-value et la transformation d’un patrimoine professionnel non assujetti à l’ISF en un patrimoine personnel qui le sera).

Pour cette phase, il faut aider le chef d’entreprise à :- définir une stratégie pour son entreprise en y intégrant la

cession,- réaliser un diagnostic patrimonial,- se préparer psychologiquement à sa vie après la cession :

pour qu’il puisse « faire son deuil » de l’entreprise et trou-ver de nouveaux centres d’intérêt,

- pendant tout le processus, bien gérer la déstabilisation créée par le double statut de dirigeant (« je me projette dans l’avenir et j’investis ») et d’actionnaire (« je vais transmettre, donc j’optimise le résultat et je n’investis plus »),

- ne pas décider dans la précipitation.

Réussir sa sortie : les enjeux psychologiques, humains et familiaux de la transmission

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II. Choisir le mode de transmission le plus opportun

Rappelons les différentes possibilités :- Transmission familiale.- Transmission / cession à un ou plusieurs membres du

personnel.- Transmission / cession à ses associés.- Cession à un tiers : confrère, client ou fournisseur, entre-

preneur ou groupe industriel, financier…

III. « Toiletter » l’entreprise

Pour ce faire, il s’agit de réaliser un diagnostic complet de l’entreprise permettant de corriger les points faibles et renfor-cer les points forts.Par exemple :

- réaliser un audit de cession,- diagnostiquer les corrections à opérer,- se poser la question de l’immobilier,- supprimer les frais « non indispensables » à l’exploitation,- analyser la conformité fiscale, sociale et réglementaire,- réorganiser le capital afin de récupérer la majorité, - identifier les opérations patrimoniales préalables (dona-

tions, usufruit…), - faire un inventaire et actualiser les contrats en cours,- inventorier les engagements reçus et donnés, les cau-

tions et garanties, les litiges et procès en cours et les risques de mise en cause,

- identifier et corriger les situations fiscales et sociales à risque,

- restructurer juridiquement : filialisation, cession, intégra-tion d’actifs…, changer de forme sociale (moins pénali-sante au plan fiscal ou pour l’acquéreur),

- si possible et si la taille le permet, commencer à déléguer afin de diminuer l’intuitu personae…

IV. Choisir le bon timing

Vendre quand il est temps ; en fonction des contraintes de l’entreprise : marchés, saisons…

Si l’entreprise a par exemple des marchés importants plu-riannuels, il vaut mieux lancer le processus juste après leur renouvellement…

Mais il faut attendre que le ou les vendeur(s) soient prêts psy-chologiquement.

Il vaut mieux vendre :- quand on n’est pas pressé par le temps,- quand la situation de l’entreprise est stable ou en crois-

sance,- quand la rentabilité est satisfaisante,- avec des documents comptables récents.

Bref, quand il y a quelque chose à vendre … « Il vaut mieux vendre à froid quand on est chaud, qu’à chaud quand on est froid » !

V. Déterminer le niveau de valorisation

On constate que les dirigeants ont tendance à survaloriser leur entreprise parce que c’est le travail de toute leur vie.

Nous nous bornerons à rappeler les 10 erreurs les plus fré-quentes en matière d’évaluation :

- utiliser l’actif net comme une référence absolue,- faire la moyenne entre des méthodes incompatibles,- croire que le PER est un indicateur fiable de la valeur,- confondre la valeur des actions et la valeur de l’entre-

prise,- ne pas réaliser d’analyse stratégique,- faire des prévisions irréalistes,- utiliser des comparables qui ne le sont pas,- se tromper sur le taux d’actualisation,- se tromper sur la valeur résiduelle,- vouloir faire plaisir à son client en majorant la valeur.

VI. La négociation elle-même

Nous présenterons rapidement ci-après un processus qui dure souvent de 9 à 18 mois :

- identification des candidats repreneurs,- envoi d’une note anonyme et succincte,- signature d’un engagement de confidentialité,- envoi du mémorandum,- négociations,- acceptation de la « LOI »,- audits d’acquisition,- signature des actes comprenant généralement une

garantie d’actif et de passif, un engagement de non concurrence et les conditions d’accompagnement.

Réussir sa sortie : les enjeux psychologiques, humains et familiaux de la transmission (suite)

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Dossier : La transmission d’entreprise

OUVERTURE N° 89 • Juin 2012

Rôle de l’expert-comptable

Tout au long du processus de la transmission, nous analyse-rons et présenterons les missions qui peuvent naturellement être réalisées par le cabinet d’expertise comptable, mais nous verrons également les travaux pouvant être effectués par d’autres intervenants (avocat, notaire, conseil en transmis-sion, fusion et acquisition, évaluateur, conseil en gestion de patrimoine, expert immobilier…) dans un cadre pluridiscipli-naire, cher à la CCEF.

Par Janin AudasExpert-comptable, président de la CCEF (*)

et Daniel ManonConseil en transmission d’entreprise, ancien vice

président de la CCEF (*) (*) Compagnie des conseils et experts financiers

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Experts-comptables et commissaires aux comptes :quelles missions et quelles diligences en matière de transmission ?

L a cession de l’entreprise est le plus souvent l’aboutis-sement de l’œuvre de toute une vie pour nos clients.Autant dire qu’il s’agit d’une phase dont l’importance

est capitale à leurs yeux et qu’ils comptent plus que jamais sur les conseils et le soutien de leurs partenaires habituels au rang desquels figurent bien évidemment l’expert-comptable et le commissaire aux comptes.Afin de démontrer la parfaite complémentarité des deux pro-fessions, nous axerons nos interventions sur deux volets tout aussi stratégiques :

I - l’activité « conseil » bien évidemment confiée à l’expert-comptable,II - l’activité « sécurité » relevant de la mission du commissaire aux comptes.

I - Le rôle du conseil à la transmission d’entre-prise.

Plusieurs approches sont possibles pour appréhender l’effi-cience du conseil à apporter au chef d’entreprise dans cette phase de transmission.

On peut privilégier l’approche dite chronologique qui consiste à séparer cette période en trois phases :

- avant la cession ;- pendant la cession ;- après la cession.

On peut aussi favoriser l’approche plus opérationnelle de cette transmission en « séquençant » les différentes phases de pré-paration en vue d’optimiser l’opération.

Les phases traditionnellement utilisées dans l’ordre chronolo-gique sont tout d’abord évidemment la préparation indispen-sable de l’entreprise de son dirigeant (A).Cela concerne tout d’abord la préparation juridique de l’entité en vue de sa cession (A1) qui consistera essentiellement à exa-miner l’intérêt d’un changement de forme juridique, à s’inter-roger sur l’opportunité d’une modification de la détention du capital social et de procéder le cas échéant à un toilettage des statuts.Il convient ensuite de songer à la préparation comptable et fi-nancière de l’entreprise (A2), notamment et sans que cette liste soit exhaustive à examiner les éléments de l’actif de l’entreprise pour en optimiser les modalités de détention, notamment sous l’angle des actifs non valorisés !

Sur le plan financier il ne faudra pas négliger la prise en compte et l’optimisation du besoin en fonds de roulement (BFR) soit pour anticiper une augmentation de la trésorerie de sécurité soit au contraire pour réduire une trésorerie devenue excessive.

Dans cette phase, il conviendra d’apporter un soin tout parti-culier à la préparation de l’ensemble des éléments de passif de l’entreprise au rang desquels figurent en priorité la gestion des relations humaines et l’ensemble du passif y afférent.

Enfin, et bien évidemment ce n’est pas le moins important, il conviendra d’apporter un soin particulier à l’examen de la situa-tion personnelle du dirigeant (A3).De plus il faudra savoir anticiper la période post-cession, au regard des contraintes objectives rappelées ci-dessus afin de prévenir de nombreuses sources d’échec lors de la transmis-sion d’une entreprise.

Tous les conseils le savent, il n’est pas question de faire l’en-semble de ces étapes de préparation dans les 60 jours qui précèdent la cession ! En cette matière encore plus que dans toutes les autres l’anticipation est le maître mot et la clé du succès ! Dans un monde idéal, il faudrait presque commencer cette préparation quatre à cinq ans avant la date de cession souhaitée par le dirigeant.

Cette première étape de préparation achevée, il faut ensuite s’attaquer à la préparation en amont de la phase de cession elle-même et plus exactement de l’acte de cession (B).Il convient tout d’abord de songer à la phase de cession (B1) et convier le dirigeant à réfléchir et à répondre à quelques ques-tions emblématiques de la réflexion préalable et notamment : Quand ? Qui ? Comment ? Combien ?Avant de répondre à la question combien, il faudra au préalable passer par la phase de présentation de l’entreprise à trans-mettre (B2).Tout d’abord en rédigeant une présentation-diagnostic de l’entreprise, afin de répondre par anticipation à l’essentiel des questions que se posera immanquablement tout candidat re-preneur.En procédant ensuite à l’évaluation de l’entreprise ce qui consti-tue à n’en pas douter l’exercice le plus périlleux, notamment lorsqu’il s’agit d’expliquer les fondamentaux de la valeur d’une entreprise et surtout d’en conclure que la valeur n’entraîne pas forcément le prix à percevoir.

Il reste enfin à passer à la concrétisation de ce projet en pro-cédant à la rédaction de l’acte et de ses annexes (B3), phase

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Dossier : La transmission d’entreprise

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Par Jean-Bernard CappelierCommissaire aux comptes

et Serge Anouchian Expert-comptable

« o » combien délicate s’agissant notamment de déterminer les éventuelles clauses de variations de prix, de garantie d’actif, et de mettre en place ce qu’il convient d’appeler la garantie de la garantie.

II – Le rôle du commissaire aux comptes : le filet de sécurité !

Nous avons toujours dit et écrit chez ECF que le rôle du com-missaire aux comptes ne pouvait s’appréhender de la même façon dans une entreprise en présence d’un expert-comptable.

Nous examinerons donc tout d’abord les modalités d’interven-tion du commissaire aux comptes en présence d’un expert-comptable (A) qui interviendra le plus souvent, même si on peut le regretter, post- acquisition.Il s’agira d’examiner l’intégralité des conséquences de l’entrée de l’acquisition de la cible dans le périmètre de son contrôle, de suivre l’ensemble des impacts de présentation dans le respect des normes du groupe et éventuellement sur les conséquences d’un passage aux normes IFRS.Le commissaire aux comptes aura la charge de suivre l’en-semble des engagements contractés par la signature de l’acte de cession (mais aussi en cas d’acquisition) en portant un soin tout particulier aux conséquences des modalités de finance-ment et la pratique très répandue des « covenants » !

Nous aborderons ensuite les interventions possibles du com-missaire aux comptes dans le cadre des normes dites DDL (B) (diligences directement liées) à la mission, en évoquant évidemment les DDL spécifiques liées à la mission d’acquisi-tion et de cession mais en évoquant aussi certaines normes, comme celle des procédures convenues (NEP 9040) permet-tant aux commissaires aux comptes de formuler des constats dont l’utilisateur tire ses propres conclusions, par exemple en matière d’interprétation de clause d’ajustement de prix en cas de désaccord entre acheteurs et vendeurs.

Enfin nous consacrerons un chapitre de notre intervention à aborder la question cruciale des honoraires, de la lettre de mis-sion, de la mise en œuvre opérationnelle de la mission en ten-tant de répondre à des questions récurrentes, notamment sur la faculté de mettre en œuvre des honoraires de résultats.

Pour conclure sur cet atelier, et en paraphrasant Jules FERRY, notre ambition n’est pas de vous délivrer « tout ce qu’il est possible de savoir mais de vous apprendre ce qu’il n’est pas possible d’ignorer ».

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« Les cordonniers sont toujours les plus mal chaussés ! ».

Afin de faire mentir ce proverbe, un atelier spécifique sur la transmission de cabinets d’expertise comptable et de com-missariat aux comptes est prévu dans le cadre de ce congrès portant sur la transmission d’entreprises.

Les cabinets sont certes des entreprises, et les experts-comptables et commissaires aux comptes des chefs d’en-treprise, mais un certain nombre de spécificités propres aux professions libérales, en général, et à la nôtre, en particulier, sont à prendre en considération.

Etat des lieux

Préalablement à l’engagement du processus de transmission proprement dit, il est toujours intéressant de réaliser un rapide état des lieux des dernières transactions. Pour ce faire, les réseaux (notamment syndicaux) sont utiles, voire indispen-sables, car au-delà de l’aspect visible d’un marché complète-ment déséquilibré entre une demande pléthorique et une offre restreinte, la réalité est celle d’un « marché gris » dans lequel les offres trouvent généralement preneur sans publicité.

On constate généralement que : • les vendeurs sont souvent âgés et souhaitent vendre

pour prendre leur retraite ;• lesacquéreurssontsouventjeunesetcherchentàs’ins-

taller ;• lavalorisationdelaclientèlelorsdescessionsdefonds

libéraux s’établit, en moyenne, à 85 % du chiffre d’af-faires hors taxe.

En ce qui concerne la typologie des transactions réalisées, on constate que :

> 68 % sont des acquisitions de fonds,> 48 % font suite à un départ en retraite,> 39 % sont des opérations de croissance externe,> 35 % sont des premières installations.

Etape préalable à toute opération de trans-mission

La dimension psychologique revêt une importance toute par-ticulière dans le long processus qui conduit à la signature du transfert de propriété d’un cabinet. En d’autres termes : le vendeur est-il vraiment prêt à vendre ?

La question se pose de la même façon pour les acquéreurs : l’acquéreur est-il vraiment prêt à acheter ? En effet, l’envie et les capacités financières sont une chose mais la volonté et la capacité à changer de vie et à s’adapter (dans un premier temps) à une nouvelle organisation en sont une autre.

Processus de la transmission

La cible à acquérir ayant été repérée et le vendeur étant prêt à vendre, il est possible d’enclencher le processus de transmis-sion en respectant les étapes suivantes :

1. Les diagnostics à réaliser• Laqualitédelaclientèle;• Laqualitédeséquipementsetdesaménagements;• Laqualitédupersonnelàreprendre;• Laqualitédel’organisation;• Laqualitédel’environnementjuridiqueausenslarge.

2. La mesure de la rentabilité d’un cabinetPour mesurer rapidement la rentabilité d’un cabinet, le calcul du ratio « rémunérations totales chargées sur chiffre d’affaires » donne un premier aperçu assez révélateur. Si ce ratio est compris entre 55 % et 65 %, le cabinet est immédiatement rentable. L’intérêt de cette mesure est qu’elle est facilement déterminable en récupérant les comptes sur Internet.

3. L’évaluation du cabinet d’expertise comptableLes méthodes habituelles, valeur patrimoniale et valeur de rendement, sont tout à fait pertinentes et complémentaires pour évaluer un cabinet d’expertise comptable.Il convient, néanmoins, de pondérer la valorisation du cabinet par le résultat des différents diagnostics décrits ci-dessus et les critères (non limitatifs) suivants :

• levolumed’honorairesdeladernièreannée,aveccoeffi-cient d’abattement ou de revalorisation ;

• lesrisquesdevulnérabilitésurcertainsdossiers;• leretarddanslesuividesdossiers;• lemanquedeformationdescollaborateurs;• lamesuredu liendefidélitécollaborateur/client/cabinet

4. Quelques spécificités et clauses contractuellesCompte tenu de la spécificité de notre profession, il convient d’étudier et de préciser les éléments suivants :

• ledécalagedes travaux :planificationde la facturationpar rapport à l’évolution des travaux ;

• l’érosion:traitementdudépart-clientaprèsacquisition;

La transmission d’un cabinet d’expertise comptable et de commissariat aux comptes

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Dossier : La transmission d’entreprise

OUVERTURE N° 89 • Juin 2012

• lanonconcurrence:aussibiendelapartducédantquedes collaborateurs quittant le cabinet après la transmis-sion ;

• l’accompagnementducédant….

Finalisation de la cession

Tout commence, en réalité, lorsque l’ensemble des étapes du processus de transmission ont été traitées. Quatre étapes fondamentales ne doivent pas être négligées :

1. La négociation financièreDans cette partie, doivent être abordées :

• Lanégociationaveclecédantsurlesaspectssuivants:- l’évaluation des en-cours,- la garantie,- la reprise des engagements sociaux, le bail, …- le montant du paiement initial,- la rémunération du cédant s’il continue de travailler.

• Lanégociationavec lebanquierqu’il fautconvaincreàl’aide d’un dossier aussi complet que possible.

Les préoccupations d’un banquier ne sont pas nécessaire-ment les nôtres. Attention dès lors à préparer les réponses aux questions qu’il ne manquera pas de se / nous poser :

A qui est-ce que je prête ? > Risque dirigeantQu’est-ce que je finance ? > Risque professionnelComment suis-je remboursé ? > Risque financierQuelles sont mes garanties en cas de coup dur ?

2. La rédaction des actes (dont les clauses et conventions diverses)Il est vivement recommandé de recourir aux services d’un avocat spécialisé pour la rédaction des actes de la transmis-sion. A ce titre, l’atelier n° 5 « Négociation et rédaction de la documentation de cession » apportera sans doute un éclai-rage important.

3. La communicationSouvent négligées dans une transmission, la dimension psy-chologique et la communication doivent être maîtrisées et travaillées conjointement par le cédant et le successeur, par-ticulièrement envers :

• lescollaborateurs,• lesclients,• lesprescripteurs.

4. Le suivi post-cessionBien que le suivi post-cession fasse, normalement, l’objet d’une clause particulière, il convient d’y apporter une atten-tion toute particulière. Par exemple, il peut être envisagé un rapport annuel sur l’évolution du portefeuille clients et ses inci-dences financières.

Par Nathalie GorryExpert-comptable

et Boris SauvagePrésident du CJEC

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Abus de droit : deux nouvelles décisions fondamentales annoncées à Cuba

Début décembre à Cuba, entre deux mojitos, on disait : prépa-rez-vous, l’arrêt est imminent. Et

bien c’était vrai. Le croirez-vous ? On par-lait évidemment de la décision relative à la donation de titres préalable à la cession du 30 décembre 20111. On annonçait égale-ment un avis du comité de l’abus de droit concernant l’opération d’apport-cession en présence du sursis d’imposition. Là encore, la boule de cristal ne mentait pas. Le comité s’est bel et bien prononcé sur la question lors d’une séance tenue le 2 février 20122.

I. La donation-cession

Rappelons d’abord la problématique. Sans encourir l’abus de droit, peut-on faire donation de titres avant que les donataires ne procèdent à leur cession, l’objectif étant évidemment au passage de gommer la plus-value latente à la date de l’apport ? La réponse à cette question est clairement positive. Nul ne peut don-ner que ce qu’il possède. Le chef d’entre-prise est propriétaire de titres, il a le droit d’en faire donation à qui bon lui semble. L’ancêtre du Comité de l’abus de droit actuel, le Comité consultatif de répression des abus de droit a depuis longtemps validé cette analyse dans deux avis 94-173 et 97-184. En présence d’un acte de donation dûment enregistré, l’administra-tion n’apporte pas la preuve de l’absence d’intention libérale du donateur. Voilà le principe.

On s’en doute, tout ceci suppose cepen-dant que les éléments caractéristiques de la donation exprimés dans l’article 894 du Code civil soient réunis. Cet article dis-pose en effet que :« La donation entre vifs est un acte par le-quel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte ».

Le donateur doit manifester une véritable intention libérale en se dépouillant immé-diatement et irrévocablement du bien ou du droit. Le bénéficiaire doit accepter cette libéralité. Tout ceci est bel et bon, mais encore faut-il que le donateur se dessaisisse véritablement du bien donné. Et il faut bien le dire, la tentation est grande pour lui de reprendre ce qu’il a donné par des moyens divers et variés. C’est parti-culièrement le cas lorsque la cession des titres est réalisée par les enfants du chef d’entreprise.

Et évidemment, nombre d’avis du comité nous font partager l’ingéniosité des do-nateurs… lorsqu’il s’agit de masquer la reprise des fonds, et dieu sait si elle est grande ! C’était le cas dans un avis 2006-15. Ainsi, après avoir réalisé la cession des titres donnés aux enfants, les parents por-taient directement le produit de la cession sur des comptes ouverts à leur nom. Vous ne le croirez peut-être pas, mais la dona-tion fut considérée comme fictive et l’abus de droit validé… Dans le même genre, on a vu des parents plein d’astuces porter sur leurs comptes personnels une somme globale de 2 141 865 €. Où était l’astuce ? Et bien, pour égarer l’administration, ils avaient quand même placé… 50 000 € sur deux plans d’épargne logement ou-verts au nom de chacun des deux enfants mineurs. Très perspicace, l’administration s’en aperçut et inutile de dire que l’abus de droit fut confirmé.

Pour autant, il est souvent légitime que les parents assortissent la donation de diverses conditions. Ils veulent protéger leurs enfants contre des tentations cou-pables une fois la vente des titres donnés réalisée. Mais jusqu’où peuvent-ils aller ? Les charges et conditions ne remettent-elles pas en cause la réalité même du droit de propriété des donataires ? L’article 544 du Code civil dispose en effet :

« La propriété est le droit de jouir et dis-poser des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règle-ments. »

Au surplus, n’oublions pas que les condi-tions en cause ne doivent pas heurter le principe posé par l’article 944 du Code civil. Ainsi :« Toute donation entre vifs sous des conditions dont l’exécution dépend de la seule volonté du donateur, est nulle. »

Pour autant, insérer des conditions dans une donation n’est pas contraire aux prin-cipes. Une clause d’interdiction d’aliéner, céder, nantir ou disposer des biens est tout à fait légale lorsqu’elle respecte le principe posé par l’article 900-1 du Code civil. Elle doit cependant être, d’une part, temporaire et, d’autre part, justifiée par un intérêt sérieux et légitime.

Pour le juge civil, l’interdiction reste tem-poraire si ses effets sont limités dans le temps, jusqu’à ce que le gratifié atteigne un certain âge par exemple. Si elle repose sur la vie du donataire, son caractère perpétuel lui fait encourir la nullité (Cass. civ. 24 janvier 1899 : D.P. 00. I. 432). Par contre, le donateur peut en prévoir le maintien sa propre vie durant (Cass. 1ère civ. 8 janvier 1975, «Millox» : Bull., I, n° 8).

La clause répond maintenant à un intérêt légitime lorsque celui-ci repose sur l’utilité morale qu’il peut y avoir à conserver le bien dans la famille du donateur (Cass. Civ. 1ère ch., 15 juin 1994, Bull. I, n° 211). En l’occurrence, la donation était faite avec réserve d’usufruit. Les parents en-tendaient ainsi protéger leurs très jeunes enfants. Elle restait conforme aux dispo-sitions légales et ne pouvait par consé-quent conduire à la contestation de la validité de la donation.

PatrimoinePierre Fernoux

Maître de Conférences à l’Université d’Auvergne. Chargé d’enseignement à l’Université de Paris IX-Dauphine.

Membre du Centre d’études et de recherches en gestion de patrimoine.

1 - CE , 8e et 3e s.-s., 30 décembre 2011 n° 330940 «Motte Sauvaige» : RJF 2/12, n° 278. Conclusions N. Escaut : BDCF 3/12, n° 37.2 - Instr. 14 avril 2012 : B.O.I. 13 L-2-12.3 - Rapport 1994 : B.O.I. 13 L-3-95.

4 - Rapport 1997 : Droit fiscal 1998, n° 14, p. 466.5 - Rapport pour l’année 2006 : B.O.I. 13 L-1-07 ; Droit fiscal 2007, n° 19, comm. 486.

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47OUVERTURE N° 89 • Juin 2012

En fait, les dispositions de l’article 990-1 précité n’interdisent pas le donateur de poursuivre également un intérêt person-nel ou moral. I. NIJJAR le rappelait en la forme suivante6 :« Lorsque le donateur recherche un inté-rêt personnel ou moral, ou tente, en don-nant d’obtenir de l’autre partie un avan-tage qu’il n’aurait pas reçu autrement, ou de profiter lui-même du service qu’il crée, cela ne suffit pas à disqualifier la donation en acte à titre onéreux, car l’intention libé-rale n’est pas exclusive de recherche d’une satisfaction personnelle, d’un intérêt moral ou de l’exécution d’un devoir de conscience. »

Voici pour les principes juridiques au plan civil. Voyons maintenant comment le Conseil d’Etat en a fait application au plan fiscal dans une affaire où les faits à juger étaient les suivants. La donation réalisée par les parents était assortie des condi-tions suivantes :

- chacun des enfants donataires se voyait interdire de céder, nantir ou disposer des actions du vivant des donateurs ou du survivant d’entre eux. Seule une donation au profit de leurs propres enfants leur était per-mise.

- dans l’hypothèse d’une cession autorisée par les parents donateurs, les fonds retirés de cette cession devaient être laissés en dépôt dans un établissement financier jusqu’à ce que les enfants aient atteint l’âge de 25 ans. Les donateurs se réservaient cependant le choix de l’établissement, les donataires dis-posant néanmoins des revenus jusqu’au même âge.

- les donataires avaient la disposition des revenus jusqu’à l’âge de vingt- cinq ans ;

- à la première demande des dona-teurs, chacun des donataires était contraint d’apporter les actions à toute société civile familiale consti-tuée avec les donateurs.

S’agissant de se prononcer sur la réalité du droit de propriété des enfants dona-taires aux sens des dispositions du Code civil, le Conseil d’Etat rejeta toute appli-cation de l’abus de droit. Il constata en effet :« (…) que la circonstance qu’un acte de

disposition soit assorti d’une clause d’in-aliénabilité la vie durant du donateur ne lui ôte pas son caractère de donation au sens des articles 894 et 900-1 du Code civil. »

Il n’oublia pas cependant d’examiner si les parents ne s’étaient réappropriés le produit de la cession. Il considéra à cet égard :(…) que, d’autre part, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les donateurs ne se sont pas réappro-priés les sommes issues de la vente par les donataires des actions à la société Java, ces sommes ayant été effective-ment versées dans leur intégralité sur les comptes bancaires ouverts au nom de chacun des enfants, sans que la clause de remploi les obligeant à verser ces sommes sur des comptes bancaires bloqués en capital jusqu’au décès des donateurs affecte le droit de propriété des donataires sur ces dernières.

En rester là serait oublier de se pencher sur les motivations profondes qui avaient conduit les parents à insérer des condi-tions aussi lourdes dans l’acte de dona-tion, ce que ne manqua pas de faire le Conseil d’Etat. C’est encore une fois la substance du schéma qui est ici en cause et l’on sait que celle-ci est indispensable si l’on entend faire obstacle à l’abus de droit. Le Conseil d’Etat remarque alors :« qu’enfin aucune des autres clauses de l’acte de donation mentionnées par la cour, autorisées en leur principe par le Code civil et justifiées par l’intérêt légitime qui s’attachait à la volonté des requérants d’organiser leur succession au profit de leurs enfants encore jeunes tout en préservant l’unité et la pérennité du patrimoine familial, n’était de nature à remettre en cause le constat d’un dépouillement immédiat et irrévocable des donateurs dès la signature de cet acte ; qu’en particulier, la clause faisant obligation aux donataires à la première demande des donateurs d’apporter les actions à toute société civile familiale constituée entre les donateurs et leurs enfants, n’avait pas pour effet de remettre en cause ce constat dans la mesure où elle était en l’espèce justifiée par la volonté des donateurs de préserver la participation de la famille dans la société Cartonnerie de la Lys Ondulys

et d’éviter la cession des titres à des tiers, notamment à l’autre actionnaire de cette société, vente qui aurait engendré une perte de contrôle par la famille. »

Une explication ici s’impose. Les faits se sont en effet révélés déterminants dans l’approche du juge. Détenteurs de titres d’une société conjointement avec des associés extérieurs à la famille, les parents avaient fait apport de ceux-ci à une société familiale. Et la donation faite aux enfants portait sur ces titres reçus en échange. En l’absence de toute condition assortissant la donation, les enfants au-raient eu la possibilité de céder les titres à qui bon leur semble, et, par exemple, au groupe d’associés étranger à la fa-mille. Une telle cession aurait en effet fait perdre le contrôle de la société opération-nelle par le groupe familial, d’où la volonté des parents de contraindre les enfants à apporter les titres à une société créée avec les donateurs, toute cession de ceux-ci étant interdite de leur vivant. Il n’y avait dans ces motivations rien de fiscal. Il s’agissait bien de protéger les intérêts du groupe familial. L’intention libérale des parents ne pouvait dans ces conditions être remise en cause.

Rien ne dit maintenant que la solution eut été la même sans ces circonstances particulières. Les entraves au droit de propriété des donataires étaient quand même très conséquentes et il n’est pas certain que l’intention libérale des parents aurait été aussi manifeste dans des cir-constances de fait plus ordinaires.

II. L’apport cession

Très souvent, lorsque le chef d’entreprise souhaite céder les titres de sa société, il entend se réserver la possibilité d’investir tout ou partie du produit de cette cession sans avoir à acquitter l’impôt sur le reve-nu à raison de la plus-value acquise par ceux-ci. Le schéma est alors bien connu. Il fait apport des titres à une société sou-mise à l’impôt sur les sociétés qu’il crée à cet effet. Celle-ci cède ensuite les titres à la valeur d’apport et réinvestit le pro-duit de la cession. Lors du séminaire de Cuba, on avait longuement abordé le sujet tel qu’il se présentait lorsque l’apport cession bénéficiait d’un report d’imposition sur option du contribuable,

6 - V. Dalloz Droit civil, V° Donation, p. 7, I. Nijjar.

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48 OUVERTURE N° 89 • Juin 2012

Abus de droit : deux nouvelles décisions fondamentales annoncées à Cuba (suite)

c’est-à-dire avant l’entrée en vigueur au 1er janvier 2000 du nouveau régime des plus-values de cession de titres7. Dans ce régime, la plus-value devait être cal-culée, déclarée et rappelée tous les ans lors du dépôt de la déclaration des re-venus de l’apporteur. Seule l’imposition était décalée dans le temps pour n’inter-venir qu’à l’occasion de la cession des titres reçus en échange.

Depuis le 1er janvier 2000, l’apport est maintenant réalisé au bénéfice du sursis d’imposition de l’article 150 UB du C.G.I. L’opération d’apport à une société sou-mise à l’impôt sur les sociétés est consi-dérée comme intercalaire et l’imposition de la plus-value potentielle n’intervient que lors de la cession des titres reçus en échange.

Aussi bien le Comité consultatif de ré-pression des abus de droit, ancienne formule, que le Conseil d’Etat ont eu à se prononcer sur l’opération d’apport cession dans le cadre du report d’impo-sition. Pour l’ancien comité, il suffisait que la société bénéficiaire de l’apport réinvestisse le produit de la cession des titres dans une activité économique pour qu’il n’y ait pas matière à abus de droit8. Dans le cas contraire, l’abus de droit était avéré9.

Les décisions Conseil d’Etat «Bauchart»10

et «Bazire»11 longuement commentées lors du séminaire constituent le véritable socle de cette jurisprudence12. Et aux termes de ces arrêts, seul un réinvestis-sement de nature économique permet-tait au schéma d’échapper à l’abus de droit.Les arrêts postérieurs «Conseil»13, «Picoux»14, «Moreau»15 et «Ciavatta»16 confirmèrent cette approche jurispru-

dentielle. Ainsi, dans l’affaire «Moreau», un réinvestissement de nature purement patrimoniale consistant en l’acquisition d’immeubles et de parts de S.C.I. mena tout droit les auteurs du schéma à l’abus de droit.

Cette approche devait-elle être confirmée lorsque l’apport bénéficie, non du report d’imposition, mais du sursis d’imposition de l’article 150 0 B du C.G.I. En vérité, par le passé, l’ancien Comité consultatif de répression des abus de droit avait eu à se prononcer sur cette problématique17. Pour lui, l’automaticité du sursis et l’ab-sence de liquidation de l’impôt au mo-ment de l’apport faisaient définitivement obstacle à l’abus de droit. L’accent était de la sorte mis sur une différence impor-tante entre sursis d’imposition et report d’imposition. Ainsi, l’application du report d’imposition supposait l’exercice d’un choix par le contribuable et la plus-value était bel et bien calculée et déclarée. Avec le sursis d’imposition, aucun choix n’est exercé et seule l’imposition est décalée dans le temps.

Cependant, cet avis avait été rendu sous l’empire de l’ancienne définition de l’abus de droit. Dès 2010, au regard de la nouvelle définition, on avait estimé le raisonnement du comité assez sommaire. La question est en effet de savoir si, en l’absence de tout réinvestissement éco-nomique, l’auteur du schéma fait une uti-lisation du sursis d’imposition conforme à l’intention du législateur qui a mis en place ce mécanisme. Si ce n’est pas le cas, il ne peut en fait s’en prévaloir et l’imposi-tion de la plus-value est due au titre de l’année de l’apport. Le schéma manque alors de substance et ne poursuit qu’un seul objectif : éluder l’impôt. Certes l’opé-ration d’apport présente un caractère in-

tercalaire, mais l’impôt n’en est pas moins éludé parce que le texte propre au sur-sis est utilisé dans un sens contraire aux intentions du législateur.

Et si l’on évoque l’intention du législateur, c’est bien parce que son examen devient absolument indispensable. Dans la nou-velle définition de l’abus de droit en effet, deux éléments doivent en effet être réunis pour que celui-ci puisse être avéré. Les auteurs du schéma doivent avoir :

- fait une utilisation littérale des textes contraire aux intentions de leurs au-teurs ;

- été animés par la volonté exclusive d’éluder l’impôt. Si l’un de ces élé-ments fait défaut, l’abus de droit ne peut prospérer. Tel est en tout cas ce qui ressort d’une première analyse, même si celle-ci mérite, dans cer-taines circonstances, d’être nuan-cée18.

Or dans l’affaire du sursis d’imposition, on a pu lire que l’intention du législateur n’avait pas été vraiment exprimée19. On n’en croit rien. Ainsi, on lit dans l’exposé des motifs de la loi :« Afin de ne pas pénaliser les opérations de restructuration d’entreprises, l’impo-sition de la plus-value serait reportée au moment de la transmission ou du rachat des titres.»

La commission des Finances de l’Assem-blée nationale va dans le même sens. Le rapport Migaud fait au nom de cette com-mission20 () énonce en effet :« La neutralisation fiscale des plus-values comptabilisées en vue de fixer la parité d’échange à l’occasion des restructura-tions d’entreprises tend à faciliter ces opérations en raison de leur intérêt même pour l’économie ».

Patrimoine

7 - loi de finances pour 2000 n° 99-1272 du 30 décembre 1999.8 - Voir par exemple : avis n° 2004-35: Rapport pour l’année 2005 : B.O.I. 13 L-3-06.9 - voir par exemple : avis n° 2004-52 et 2004- 61, même rapport.- Avis n° 2003-35 : Rapport pour l’année 2004 : B.O.I. 13 L-2-05.10 - CE, 8e et 3e s.-s., 8 octobre 2010, req. n° 313139 : RJF 12/10, n° 1205 et 11 - CE, 8e et 3e s.-s., 8 octobre 2010, req. n° 301934, Concl. L. Olléon, BDCF

12/10, n° 132, obs. O. Fouquet FR F. Lefebvre 44/10, p. 21.12 - Voir sur cette question : P. Fernoux, Abus de droit : revisitons le passé à l’aune de la nouvelle définition. Droit fiscal 2010, n° 49, p. 7 s.13 - CE, 3 février , req. n° 329389, RJF 4/11, n° 471, concl. L. Olléon BDCF 4/11, n° 50.14 - CE 3ème et 8ème s-sect.,11 février 2011, req. n° 314950.15 - CE, 24 août 2011, req. n° 314 579.

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49OUVERTURE N° 89 • Juin 2012

Dans ces conditions, la nature du réinves-tissement reste prépondérante. L’abus de droit est constitué en présence d’un réinvestissement purement patrimonial. Toute autre approche conduirait à penser que l’automaticité du mécanisme du sur-sis d’imposition autorise toutes les fan-taisies. Et l’on imagine mal précisément que le législateur ait eu pour intention de permettre la création d’une sorte de tire-lire qui thésauriserait les fonds recueillis, quitte à ne jamais les employer.

Fort opportunément, le nouveau Comité de l’abus de droit a été saisi de cette question dans le contexte actuel de l’abus de droit21. Il avait à se prononcer au regard des faits suivants :

- les auteurs du schéma avaient créé une S.C.I. Z soumise à l’impôt sur les sociétés par apport de parts d’une société opérationnelle, la S.A.R.L V ;

- cet apport avait bénéficié du sursis d’imposition de l’article 150 0 B du C.G.I. ;

- une SA A avait acquis l’ensemble des titres de la S.A.R.L. y compris donc ceux détenus par la S.A.R.L.V ;

- comme la cession des titres V par la S.C.I. Z était réalisée à la valeur d’apport, aucune plus-value n’est constatée par la S.C.I.

L’abus de droit auquel prétendait l’admi-nistration est validé par le comité qui, pour étayer sa position, commence par poser un principe fondamental : « le législateur a entendu réserver le béné-fice du sursis d’imposition aux apports de titres à une société soumise à l’impôt sur les sociétés lorsque cet apport a été suivi d’un réinvestissement par cette société du produit de la cession des titres appor-tés dans des activités économiques. »

Il reprend au fond l’analyse développée par le Conseil d’Etat dans les affaires rela-tives à l’application du report d’imposition. Pour lui, le bénéfice du sursis d’imposition « a nécessairement pour effet de minorer l’assiette de l’année au cours de laquelle l’imposition est due à raison de la situation et des activités réelles du contribuable si celui-ci n’avait pas fait le choix, à seule fin de bénéficier du sursis d’imposition, de

faire apport de ses titres à une société qu’il contrôle avant qu’elle ne les cède. »Et, en l’absence de tout réinvestissement dans des activités économiques, cette minoration ouvre la porte à l’abus de droit. Le comité estime ainsi que :« le placement en sursis d’imposition d’une plus-value réalisée par un contri-buable lors de l’apport de titres à une telle société qu’il contrôle et qui a été suivi de la cession par cette société, est constitu-tif d’un abus de droit s’il s’agit d’un mon-tage ayant pour seule finalité de mettre en mesure le contribuable de disposer des liquidités obtenues lors de la cession des titres tout en restant détenteur des titres de la société reçus en échange lors de l’apport. »

A vrai dire, la formulation retenue ne manque pas d’interpeller. On se demande en effet comment l’auteur du schéma peut disposer des liquidités obtenues lors de la cession des titres. Ceux-ci figurent en effet dans les comptes d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés. A dé-faut de distribution par l’assemblée des associés, ceux-ci restent ainsi bloqués au sein de la société cédante.

En fait, pour le Conseil d’Etat22 ou le co-mité, la notion de disposition ne doit pas être entendue au sens matériel du terme. Pour l’un comme pour l’autre, il suffit que les apporteurs initiaux aient la possibilité d’appréhender les fonds issus de la ces-sion parce qu’ils contrôlent totalement la société et que le produit de la cession ne soit pas réinvesti dans une activité éco-nomique pour que l’abus de droit soit consommé.

Aux termes de ces décisions, une ques-tion demeure cependant : quel est le pourcentage du produit de la cession à réinvestir obligatoirement dans le secteur économique ? Dans l’avis que l’on vient d’examiner, le réinvestissement n’était intervenu que trois ans après la cession et il ne portait que sur 3 % du produit de la cession. On comprend que l’abus de droit ait été validé. Le réinvestissement était manifestement insuffisant.

Mais l’examen des décisions, y compris celles relatives au report d’imposition,

montre que, pour estimer le pourcentage réinvesti dans une activité économique, la somme investie en capital n’est pas la seule à prendre en compte. Une par-tie du produit de la cession peut en effet être portée en compte-courant dans les comptes de l’entreprise nouvellement acquise. Seule la destination effective des sommes ainsi mises à la disposition de la société peut attester d’un réinves-tissement économique. Dès lors que la société les affecte à l’acquisition d’un stock ou au financement de l’acquisition d’éléments d’actif nécessaires à l’activité de cette société, elles doivent être rete-nues pour l’appréciation du pourcentage. Dans l’affaire 2011-16, le comité constate que ce n’était pas le cas, d’où la valida-tion de l’abus de droit.

En revanche, dans un autre avis 2011-17 rendu le même jour, pour apprécier le pourcentage, le comité retient le total formé par l’investissement en capital, d’une part, et les sommes apportées en compte-courant par la société cé-dante, d’autre part. Il constate en effet que celles-ci avaient été affectées par la société nouvelle à l’acquisition d’élé-ments figurant à l’actif de l’entreprise. L’ensemble représentant en l’occurrence 39 %, l’abus de droit fut cette fois écarté.

On entend déjà la question : mais alors, quel est le pourcentage minimum à réin-vestir dans de l’économique ? Apparem-ment, le Conseil d’Etat pourrait admettre de fixer la barre au tiers du produit de la cession. A défaut, le montage n’aurait pas de substance.

L’abus de droit est la sanction du sur-doué de la fiscalité disait Maurice Cozian. En l’occurrence, en descendant en des-sous de ce pourcentage, le surdoué de la fiscalité commettrait le péché ultime.

D’où l’adage à graver au frontispice du cabinet de tout bon expert-comptable : « Très doué toujours, surdoué jamais ! »

16 - CE, 24 août 2011, req. n° 319928 : RJF 11/11, n° 1186, concl. J. Boucher BDCF 11/11, n° 129.17 - Avis 2004-63 : Rapport pour l’année 2005 précité.18 - P. Fernoux, Abus de droit : revisitons le passé à l’aune de la nouvelle définition précité.

19 - R. Mortier, L’apport-cession à la loupe : droit fiscal 2011, n° 42-43, p. 17.20 - Rapp. AN, § IV B, D. Migaud.21 - Affaire n° 2011-16 : instruction du 14 avril 2012 ; B.O.I. 13 L-2-12.22 - Voir les affaires Moreau et Ciavatta citées plus haut.

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50 OUVERTURE N° 89 • Juin 2012

A propos du manuel du cabinet d’expertise comptable et de commissariat aux comptes

Saluons l’initiative très intéressante qui vient d’être prise conjointe-ment par les instances régionales

de Paris (conseil régional de l’ordre et compagnie régionale) pour mettre à la disposition des professionnels un outil pratique de réalisation d’un manuel avec www.monmanuelcabinet.fr.

Cet outil permet en effet à chaque pro-fessionnel de réaliser ainsi son propre manuel, que ce soit pour l’expertise comptable, pour le commissariat aux comptes, ou pour les deux à la fois. L’outil est convivial et facile d’utilisation.

De son côté, le conseil supérieur a mis en ligne un exemple méthodologique de mise en place d’un manuel de maîtrise de la qualité ainsi que des exemples de rédaction pour les professionnels de l’ex-pertise comptable.

La CRCC de Lyon a pour sa part mis à disposition, depuis plusieurs années, un canevas de rédaction (www.crcclyon.fr/manuel.doc), ainsi qu’un mémoire sur ce sujet : (http://www.crcclyon.fr/ME-MOIRE-GUIDE.pdf ).

Toutes ces instances, gérées par les représentants de l’Union des Libéraux, mettent donc à la disposition de tous les outils pratiques, outils dont nous avons besoin pour travailler efficacement et dans le respect des obligations qui sont les nôtres.

Le manuel, au-delà des obligations nor-matives et déontologiques, constitue un outil précieux pour l’ensemble des intervenants du cabinet pour que cha-cun sache ce qu’il a à faire et pourquoi : c’est à la fois un outil d’information et de formation, notamment pour les nou-velles personnes entrant dans le cabinet.

Les descriptions qui sont faites doivent correspondre au mode de fonctionne-ment réel du cabinet, les collaborateurs doivent se reconnaître dans les termes employés.

Le manuel doit être conçu comme un recueil des éléments de description de l’organisation réelle du cabinet, la plus proche possible de celle que les collabo-rateurs doivent percevoir : il appartient à chacun de les adapter à sa propre orga-nisation et de les présenter à l’ensemble des acteurs du cabinet afin d’en valider le contenu, dans le respect des textes qui nous régissent.

La constitution du manuel est une occa-sion unique pour évoluer davantage vers un management gagnant : pour conti-nuer à gagner, le cabinet doit évoluer sans cesse, les cabinets performants sont toujours dirigés par un encadrement passionné par son métier et son produit ; un véritable professionnel est celui qui fait ce qu’il faut faire et non uniquement ce qu’il sait faire (loi du Bushido), les per-formances les plus élevées sont réus-sies par des équipes pour lesquelles le plaisir est si fort qu’il en occulte l’inquié-tude de l’enjeu ; chaque travail est un investissement personnel qu’il faut savoir reconnaître ; un individu, un groupe ou un cabinet réussit parfaitement dans les domaines qui leur apportent dix fois plus de messages positifs (attention, valo-risation, reconnaissance) que de mes-sages négatifs (reproches, remarques, critiques) ; la crédibilité du manager est déterminée par sa capacité à définir et faire respecter les valeurs et règles du jeu de son entreprise.

L’élaboration d’un manuel d’organisa-tion du cabinet va ainsi être l’occasion de poser clairement les valeurs du cabi-

net pour être en phase avec le projet de cabinet et son éthique : à ce titre il ne faut pas hésiter à reprendre les mêmes termes, en les développant et en les ex-plicitant, que ceux sur le site web et sur la plaquette du cabinet.

Le manuel est ainsi l’occasion de poser en préambule les valeurs phares du cabi-net, celles-ci sont définies par la direction du cabinet et sous-tendent l’ensemble des processus.

Retenons par exemple celles d’ECF :• prioritéàl’hommesurlastructure,• prioritéauclientsurlamission,• prioritéàlaqualitésurlarecherche

du profit.

Rappelons au passage la devise de l’ordre des experts-comptables « science – conscience – indépendance », et rete-nons que pour les commissaires aux comptes les règles d’Ethique reposent sur les principes fondamentaux définis aux articles 3 à 9 du code de déonto-logie :

• Intégrité• Impartialité• Indépendance• Conflitd’intérêts• Compétence• Confraternité• Discrétion.

Et ainsi apparaissent clairement les points de convergences de l’exercice des deux activités qui reposent sur le même fond éthique et sur les mêmes valeurs : ce n’est pas par hasard que les deux institutions sont membres de l’IFAC !

La norme professionnelle de maîtrise de la qualité pour les professionnels de l’expertise comptable (NPMQ) est ainsi la transposition de la norme ISQC1 élabo-

Audit

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51OUVERTURE N° 89 • Juin 2012

Michel RibolletMembre du conseil national de la CNCC

Vice-président de la commission des normes du CSOEC

rée par l’IFAC, tandis que l’article 15 du code de déontologie des commissaires aux comptes en a repris la substantifique moëlle !

Aux termes de ces textes, on peut conclure que le système de maîtrise de la qualité du cabinet doit être conçu et organisé de façon à lui permettre d’obte-nir l’assurance raisonnable que :

• le cabinet et son personnelconservent leur indépendance dans toutes les situations exigées par la loi et les règlements.

• Le cabinet est informé des man-quements aux exigences en ma-tière d’indépendance.

• Lecabinet identifie et apprécie lessources potentielles de risques liés à une relation client ou à une mis-sion ponctuelle.

• Le cabinet dispose de suffisam-ment de personnel ayant les com-pétences et la volonté de se confor-mer aux principes déontologiques qui sont nécessaires pour assurer l’exécution de ses missions.

• L’équipe affectée à une missionpossède collectivement les compé-tences nécessaires pour mener la mission à son terme.

• Des consultations appropriées ontlieu au sujet des questions difficiles ou litigieuses, des ressources suf-fisantes sont disponibles pour ce faire et les divergences d’opinions sont traitées et résolues.

• Lesystèmedemaîtrisede laqua-lité est pertinent, fonctionne effi-cacement et est respecté dans la pratique (surveillance), et les défi-ciences relevées dans le cadre du processus de surveillance sont éva-luées adéquatement.

• Le cabinet traite adéquatementles plaintes et allégations selon lesquelles le travail exécuté par le cabinet ne satisfait pas aux normes professionnelles et aux dispositions réglementaires et légales.

La documentation qualité est composée1 :

• Dumanuelqualitéqui:- atteste de l’engagement de la

direction dans la mise en œuvre d’une démarche qualité,

- décrit les grandes caractéris-tiques de l’organisation du cabi-net et du système qualité,

- expose la structure de la docu-mentation du système qualité, la liste des procédures avec la norme.

• Des procédures d’assurance qua-lité qui exposent le « qui fait quoi et quand ».

• Des instructions (modes opéra-toires) qui précisent le « comment » .

L’architecture des éléments constitutifs du système qualité peut être représentée de la façon suivante :

Bien évidemment le manuel du cabinet va reprendre l’intégralité de tous ces élé-ments, éventuellement scindés en fonc-tion de ces trois niveaux et des activités du cabinet.

Enfin si la réalisation d’un manuel est facilitée par les outils proposés par nos institutions, nous avons mis en place des formations ECF pour permettre à chacun de s’imprégner des fondamen-taux culturels qui sous-tendent la réalisa-tion du manuel et de faire ses choix en connaissance de cause.

Manuelqualité

Procédures

Modes opératoires

1 - Extrait inspiré du guide de lecture des normes ISO 9000 à l’usage de la profession comptable libérale

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52 OUVERTURE N° 89 • Juin 2012

Le harcèlement sexuel est mort, vive le harcèlement sexuel ?

1. La Révolution de 2012 : l’abrogation du délit de har-cèlement sexuel« Le mieux est l’ennemi du bien »Voltaire.

Sous l’ancien régime, le harcèlement sexuel était réprimé par l’article 222-33 du Code pénal. Le délit avait été créé à l’occasion de la recodification du Code pénal par la loi du 22 juillet 1992, Pierre Bérégovoy étant Premier ministre, Michel Vauzelle, Garde des sceaux. Parmi les nouveaux délits contre les personnes entrés en vigueur le 1er mars 1994, le har-cèlement sexuel était défini comme :

« Le fait de harceler autrui en usant d’ordres, de menaces ou de contraintes, dans le but d’obtenir des faveurs de na-ture sexuelle, par une personne abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonc-tions, est puni d’un an d’emprisonnement et de 100.000 F d’amende. »

Sous la pression d’associations défen-dant les droits des femmes, la loi dite « Guigou » du 17 juin 1998 avait élargi le délit pour réprimer le fait de harceler au-trui par le simple exercice « de pressions graves ». Extension insuffisante pour les victimes déplorant le nombre toujours important de relaxes et de non-lieux.

Deuxième acte, la loi de « modernisation sociale » du 17 janvier 2002 adoptée sous le gouvernement de Lionel Jospin supprime toute référence aux conditions d’abus d’autorité, toute précision quant à la forme des pressions. La définition du délit est alors volontairement large et

entendue extensivement pour sanction-ner : « le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle ».

Dix ans plus tard, un ancien député condamné en appel pour harcèlement sexuel forme un pourvoi en cassation. Habilement conseillé et jouant son va-tout, il soulève l’inconstitutionnalité de l’article 222-33 du Code pénal par le biais de la procédure de question prioritaire de constitutionnalité (QPC). La Cour de cas-sation saisit alors le Conseil constitution-nel qui, dans une décision n° 2012-240 QPC du 4 mai 2012, considère que les éléments constitutifs de l’infraction sont insuffisamment définis, en méconnais-sance du principe de légalité des délits et des peines.

L’article 222-33 est immédiatement abro-gé. Faute d’élément légal à l’infraction, toutes les procédures en cours se solde-ront par une mise hors de cause des per-sonnes soupçonnées : impossibilité de déposer une nouvelle plainte, enquêtes préliminaires classées sans suite, instruc-tions terminées par un classement sans suite, décisions de relaxe… sauf à ce que les faits puissent être requalifiés en harcè-lement moral, en agression sexuelle, en appels téléphoniques malveillants, voire en violences psychologiques et/ou phy-siques.

L’enfer est toujours pavé de bonnes in-tentions. En cédant aux pressions et en voulant protéger le plus possible les vic-times de harcèlement sexuel, le législa-teur a élargi la sphère du délit au mépris des règles fondamentales du droit pénal :

le principe de légalité des délits et des peines, les principes de clarté et de préci-sion de la loi, de prévisibilité juridique et de sécurité juridique. Le délit de harcèlement sexuel est logiquement abrogé deux mois avant de fêter ses vingt ans.Les victimes ou les personnes se consi-dérant comme telles ne sont pas pour autant laissées sans armes légales.

2. La Restauration : la survie du délit dans le Code du travail« La restauration est la pire des révolu-tions »Charles James Fox

Le délit de harcèlement sexuel version 2012 actuellement en préparation pré-voit une première forme de harcèlement, qui consiste à « imposer à une personne, de façon répétée, des gestes, propos ou tous autres actes à connotation sexuelle soit portant atteinte à sa dignité, en raison de leur caractère dégradant ou humiliant soit créant pour elle un environnement intimidant, hostile ou offensant ». Ce délit sera puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. La seconde forme de harcèlement définie par le pro-jet de loi est le même fait qui « même en l’absence de répétition, s’accompagne d’ordres, de menaces, de contraintes ou de toute autre forme de pression grave accomplis dans le but réel ou apparent d’obtenir une relation sexuelle ». Sanction renforcée : deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.

Sans attendre ce souhaitable correctif, les victimes de harcèlement sexuel de-meurent protégées par le Code du travail

Par-delà la provocation, la décision du Conseil constitutionnel de déclarer contraire à la Constitution le délit de harcèlement sexuel mérite d’être pondérée. L’indignation compréhensible des associations féministes ne doit pas faire oublier que les agissements néfastes restent répréhensibles sur le fondement de l’agression sexuelle, du harcèlement moral ou encore de la responsabilité civile pour faute du harceleur. En outre, si le délit figurant dans le Code pénal a été abrogé, les faits de harcèlement sexuel sont toujours réprimés par le Code du travail. Au-delà des idées reçues, un bilan et une prospective s’imposent.

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si l’auteur des faits est l’employeur, un collègue ou un tiers exerçant une autorité dans le cadre professionnel. En effet, le Conseil constitutionnel saisi d’une QPC relative à l’article 222-33 du Code pénal n’a abrogé que ce délit. Aucun projet de loi n’a été déposé pour le réécrire. Le délit de harcèlement sexuel est donc toujours réprimé par l’article L.1153-1 du Code du travail. Problème, adopté quelques mois après son pendant du Code pénal, il est défini de manière comparable à l’article abrogé : « les agissements de harcèle-ment de toute personne dans le but d’ob-tenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers sont interdits ».

Faut-il en conclure à la probable pro-chaine abrogation du harcèlement sexuel tel que défini par le Code du travail ? La réponse doit être plutôt négative. D’une part, le Conseil constitutionnel admet que la jurisprudence puisse apporter des éclaircissements permettant de pallier les lacunes du texte contesté. L’abondante jurisprudence de la chambre sociale rela-tive au harcèlement sexuel au travail serait donc de nature à compenser l’impréci-sion de l’infraction. D’autre part, cette infraction s’inscrivant dans un contexte de salariat de droit privé, elle comporte un élément relatif « aux circonstances des agissements réprimés ». Cette précision quant au contexte professionnel devrait être jugée suffisante par les sages pour rendre le délit conforme à la Constitution.

Rappelons également que le Code pénal sanctionne plus que jamais les agres-sions sexuelles et que le Code civil per-met de rechercher en responsabilité les personnes qui, par leur faute, causent un préjudice à autrui. Autre refuge pour les victimes, le délit de harcèlement moral demeure sanctionné. On peut toutefois déplorer que contrairement à l’instruc-tion reçue de la chancellerie, le ministère public n’examine pas systématiquement si les faits initialement qualifiés de harcèle-ment sexuel peuvent être poursuivis sous d’autres qualifications.

L’abrogation du délit de harcèlement sexuel ne constitue donc pas un blanc-seing pour les harceleurs de tout poil. Les employeurs doivent être au premier chef irréprochables et vigilants dans leurs propres agissements comme dans la sur-veillance de ceux de leurs subordonnés.

3. Le Second Empire : l’expan-sion du harcèlement moral« Sous prétexte de tolérance, on devient complaisant »Marie-France Hirigoyen

Le délit de harcèlement moral est quant à lui précisément défini et réprimé tant par le Code pénal (article 222-33-2) que par le Code du travail (article L. 1152-1) : « aucun salarié ne doit subir les agisse-ments répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégra-dation de ses conditions de travail sus-ceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

La jurisprudence en matière de harcèle-ment moral est foisonnante. La circons-tance n’est pas étonnante lorsque 50 % des actions prud’homales comportent une demande d’indemnisation à ce titre. S’il est impossible de faire état de toutes les décisions récentes, des tendances peuvent être dégagées dans la politique jurisprudentielle de la chambre sociale de la cour de cassation : extension du périmètre de l’infraction, consécration du harcèlement en l’absence de tout lien hiérarchique voire même par la seule mise en place d’une organisation managériale, non prise en compte des intentions de l’auteur, mise en place d’un régime proba-toire favorable au salarié, alourdissement des exigences pesant sur l’employeur.

3.1. L’employeur harceleur

A l’origine, le harcèlement moral visait à protéger les salariés contre leurs employeurs ou leurs supérieurs hiérar-

chiques (harcèlement vertical). Désor-mais, le harcèlement horizontal est recon-nu. Le lien hiérarchique n’importe plus, un subordonné peut harceler son supérieur hiérarchique. Toute personne en mesure d’exercer une autorité sur le salarié peut être coupable de harcèlement et au pre-mier chef, le conjoint du gérant dans les entreprises familiales.

L’employeur peut être coupable de har-cèlement sans en avoir même l’intention, parfois par la mise en place d’une organi-sation managériale, parfois par l’absence de mise en place de procédures de contrôle.Pour les juges (Cass. soc. 15 novembre 2011, n° 10-30463) l’article L.1152-1 du Code du travail qui définit le harcèlement moral, ne conditionne pas la reconnais-sance de celui-ci à l’intention de son au-teur : « le harcèlement moral est constitué indépendamment de l’intention de son auteur ».

Dans un arrêt récent (Cass. Soc. 7 février 2012, n° 10-18686), un salarié a obtenu la résiliation judiciaire de son contrat après que l’employeur lui a tenu lors d’un en-tretien des propos indélicats aux termes desquels il lui était reproché de dégager des odeurs nauséabondes en évoquant « une gangrène, une incontinence ». Der-rière l’anecdote, les employeurs doivent garder à l’esprit que toute atteinte à la dignité du salarié constitue un manque-ment grave à leurs obligations vis-à-vis de leurs salariés.

Le régime probatoire est particulièrement favorable au salarié qui doit établir la ma-térialité de « faits précis et concordants » (Cass. Soc. 25 juin 2011, n°09-42766). Il n’a pas à prouver que ces faits sont constitutifs de harcèlement mais seule-ment à convaincre les juges que ces faits dans leur ensemble « laissent présumer » un harcèlement moral. Si les juges recon-naissent la présomption, l’employeur doit alors prouver que ces faits peuvent s’ex-pliquer par des éléments objectifs étran-

Eric [email protected]

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gers à tout harcèlement. L’employeur est donc amené à devoir démontrer des faits négatifs. Preuve négative, probatio diabo-lica.

A la frontière entre culpabilité de l’em-ployeur et complicité, l’organisation mise en place par l’employeur est susceptible de constituer le harcèlement moral. Les méthodes de gestion mises en œuvre par un supérieur hiérarchique peuvent caractériser un harcèlement moral (Cass. Soc. 10 novembre 2009, n° 07-45321). La pression continuelle, les reproches in-cessants, les ordres et les contre-ordres, la suppression de tâches, l’affectation à des tâches subalternes, la placardisation constituent le harcèlement moral. A fortio-ri, un mode de management global fondé sur la pression peut être responsable du stress ambiant et cause de harcèlement. L’employeur est alors responsable indé-pendamment des agissements de son responsable d’équipe se bornant à appli-quer les consignes et qui ne peut à ce titre être sanctionné (Cass. Soc. 8 novembre 2011, n°10-12120).Dans le même mouvement de pénalisa-tion des choix de management de l’em-ployeur, la Cour de cassation (Cass. Soc. 29 septembre 2011 n°10-12722) admet qu’un salarié puisse produire devant le juge la lettre de licenciement d’une supé-rieure hiérarchique pour établir des faits de harcèlement moral. Les termes de la lettre de licenciement de sa supérieure hiérarchique ont permis de présumer que cette dernière était coupable de faits de harcèlement moral. Dès lors, le salarié concerné ayant établi des faits qui per-mettent de présumer l’existence d’un harcèlement, il incombait à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement.

La mission semble aussi impossible que celle d’assurer la santé physique et men-tale de tous les collaborateurs en toutes circonstances. La jurisprudence s’oriente vers une responsabilité sans faute de l’employeur. L’adoption de mesures pour faire cesser le harcèlement ne

suffit plus, il faut en empêcher la sur-venance.

3.2. L’employeur protecteur des sala-riés harcelés

L’employeur est débiteur d’une obligation de sécurité de résultat vis-à-vis de ses sa-lariés. Il est le garant de leur « santé men-tale ». Le Code du travail (L. 4121-1) lui impose en effet de prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ».

A ce titre, il doit prendre toutes les me-sures nécessaires pour prévenir le harcè-lement moral sous peine de manquer à son obligation de sécurité de résultat. A fortiori, s’il a connaissance de faits consti-tutifs de harcèlement, il doit agir sans délai pour les faire cesser. L’absence de faute de sa part n’exonère pas l’employeur de sa responsabilité.

L’employeur doit répondre des agisse-ments des personnes qui exercent, de fait ou de droit, une autorité sur les sala-riés. Récemment (Cass. Soc. 19 octobre 2011 n°09-68272) l’employeur, un syndic de copropriété a été condamné pour des faits subis par son salarié et causés par le président du conseil syndical puisque ce tiers exerçait une autorité de fait ou de droit sur le concierge salarié.

En conséquence, si un salarié voit sa santé se dégrader en raison d’actes de harcèlement, l’entreprise est responsable (Cass. soc. 21 juin 2006, n° 05-43914). Faute d’avoir pris les dispositions néces-saires pour protéger la salariée d’actes de harcèlement moral (baisse de notation et des sanctions disciplinaires injustifiées) qui avaient dégradé son état de santé, l’employeur a été condamné à verser à l’intéressée près de 110 000 € de dom-mages et intérêts (Cass. soc. 6 janvier 2011, n° 09-66704).La tâche de l’employeur n’est pas facilitée par le droit disciplinaire. Pour sanctionner les salariés coupables de faits de harcè-

lement, il doit agir vite. Dès lors qu’il a connaissance de l’existence éventuelle de faits de harcèlement moral et sexuel re-prochés au salarié, il doit mettre en œuvre les mesures d’investigations nécessaires pour s’assurer de la réalité des faits (Cass. Soc. 29 juin 2011, n° 09-70902).Seule consolation, les salariés sont éga-lement tenus d’une obligation de résultat. Indépendamment des sanctions discipli-naires, les salariés coupables de harcèle-ment intentionnel à l’égard de collègues peuvent être sanctionnés personnelle-ment pour des fautes détachables de la mission confiée par l’employeur com-mettant (Cass. Soc. 10 novembre 2010, n°08-44623).

Autre difficulté dans la gestion des res-sources humaines, l’employeur qui constate une attitude injurieuse et agres-sive à son égard ne peut pas licencier le salarié concerné si son comportement constitue une réaction au harcèlement moral dont il se prétend victime (Cass. soc. 29 juin 2011 n° 09-69444). Le com-portement du salarié doit être replacé dans le contexte de harcèlement dont il fait l’objet. Le licenciement n’est donc pas seulement sans cause réelle et sérieuse, il est nul. Le salarié a alors droit non seule-ment aux diverses indemnités de rupture mais également aux rappels de salaires afférents à la période s’étendant entre le licenciement et le prononcé du jugement.

Une contradiction apparaît entre cette obligation de sécurité de résultat, l’inter-diction faite aux employeurs de s’immis-cer dans la vie privée de leurs collabora-teurs et l’impossibilité de sanctionner des salariés pour des faits relevant de leur vie personnelle. Dans une décision du 19 oc-tobre 2011, la Cour de cassation valide le licenciement pour faute grave d’un salarié prononcé pour des propos à caractère sexuel à l’encontre de deux de ses col-lègues féminines lors de l’envoi de mes-sages électroniques sur MSN ou lors de soirées organisées après le travail. Par cet arrêt, la sanction des faits de harcèlement moral semble devoir primer.

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3.3. L’employeur expert-comptable

Un expert-comptable salarié a pu éta-blir des faits laissant présumer l’exis-tence d’un harcèlement (Cass. Soc. 22 juin 2011, n°08-40455). La direction du cabinet avait, de manière répétée, porté atteinte à l’exercice normal et serein par le salarié de sa profession en le déclarant à plusieurs reprises démissionnaire, en lui signifiant le retrait de sa plaque profes-sionnelle, de la signature bancaire sur les comptes de la société et de la place de parking louée par celle-ci, et en le qua-lifiant de simple collaborateur du cabinet à la suite de l’abandon de ses responsa-bilités ordinales qu’il avait lui-même pro-voqué. Les dirigeants avaient également eu à son égard des propos injurieux dou-blés d’appréciations pénales erronées. Le salarié ayant apporté des éléments, il incombait dès lors à l’employeur de les combattre en établissant que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. L’arrêt de Cour d’appel ayant considéré que le sala-rié ne justifiait d’aucun acte répété de har-cèlement moral est logiquement cassé.

Dans une autre affaire (Cass. Soc. 25 jan-vier 2011, n°09-70992), un chef de mis-sion devenu expert-comptable établit suf-fisamment l’existence d’un harcèlement en alléguant avoir été mis à l’écart de la gestion du cabinet et en invoquant une modification unilatérale du contrat de tra-vail par laquelle l’employeur avait suppri-mé une prime et un avantage en nature. Peu importe à la Cour de cassation que la rupture du contrat s’explique par une mésentente entre associés.

Plus récemment encore, un cabinet comptable a été sanctionné pour harcè-lement moral à l’égard d’un cadre. Les faits reconnus comme constitutifs du délit tenaient à l’absence de mission conforme aux fonctions de manager, à l’absence d’objectif fixé, à une mise à l’écart de la sa-lariée, au non reversement des IJSS et à la dégradation de son état de santé. Licen-ciée pour inaptitude physique après plu-sieurs arrêts maladie prescrits pour un état dépressif, la salariée rémunérée 5000 € brut par mois et titulaire de 9 ans d’ancien-neté a obtenu le paiement de 30.000 € de dommages-intérêts pour harcèlement moral et de 35.000 € de dommages-in-térêts pour licenciement nul (CA de Ver-

sailles 17ème ch., 18 novembre 2011, n° 09/03287).

Les salariés n’ont cependant pas tou-jours gain de cause. En témoigne un arrêt (Cass. Soc. 9 février 2010, n°08-44608) par lequel les juges ont retenu qu’une par-tie des faits invoqués par l’expert-comp-table stagiaire n’était pas établie et ont fait ressortir, en relevant que les mesures prises par l’employeur étaient destinées à apaiser les relations entre la salariée et d’autres membres de l’entreprise, que les autres faits étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcè-lement. La stagiaire DEC avait fait l’objet d’une sanction disciplinaire suivie d’une réorganisation de son service par une réaffectation partielle des dossiers et des collaborateurs.

Pas de harcèlement non plus lorsque les injures et les insultes entre collègues, que la salariée invoquait comme faisant présu-mer un harcèlement moral, résultaient de son seul comportement, désagréable et agressif envers de nombreux collègues, et qu’ils étaient à l’origine du climat de tension dans l’entreprise (Cass. Soc. 24 novembre 2009, n°08-43481).

10 conseils pratiques relatifs au harcèlement moral

Guide à destination de l’expert-comp-table et de ses clients1) Ne sous-estimer ni le risque de condamnation pour harcèlement moral ni la souffrance des victimes. 2) Veiller à respecter la bonne foi contrac-tuelle en adoptant des comportements proportionnés et légitimes par rapport à la nature de la tâche à accomplir et eu égard au but recherché. Toute restriction aux libertés individuelles et collectives des salariés doit être justifiée. Le contrat doit être respecté, le salarié doit se voir confier les tâches pour lesquelles il a été recruté.3) Mettre en place des méthodes de gestion et de direction exclusives de toute pression excessive, d’objectifs inatteignables, de propos insultants, de dénigrement, de sanctions disciplinaires injustifiées et répétées, de brimades ou encore de discrimination. Assurer une égalité de traitement parfaite pour tous les salariés ou se préparer à justifier les disparités constatées par des raisons

objectives et par la nécessité du bon fonctionnement de l’entreprise.4) Protéger tous les salariés qui ont subi, refusé de subir ou témoigné d’agisse-ments de harcèlement moral, quels que soient l’activité, la taille de l’entreprise, son ancienneté, son statut, son type de contrat y compris pendant la période d’essai, dans toutes les situations notam-ment lors de l’embauche, lors de l’exer-cice du pouvoir disciplinaire, lors de la rupture du contrat et plus largement en évitant tout traitement discriminatoire.5) Savoir que le harcèlement peut résulter de toute dégradation des conditions de travail se caractérisant par une atteinte aux droits, à la dignité, à la liberté du tra-vail, à l’image, à la fonction, à l’autorité, ou la santé physique et mentale du salarié. Si un acte isolé ne suffit pas à caractériser un harcèlement, celui-ci peut être consti-tué par plusieurs agissements au cours d’un délai très bref.6) Comprendre que le harcèlement peut être le fait de l’employeur ou de son repré-sentant, d’un collègue même subordon-né, du conjoint de l’employeur voire d’un tiers tel qu’un client ou un franchiseur.7) Prendre au sérieux toutes les dénon-ciations et mener immédiatement une enquête pour obtenir des éléments précis et objectifs quant à la réalité du harcèle-ment. Un médiateur peut être nommé par les parties pour faciliter la cessation des agissements et permettre une concilia-tion. La HALDE peut également formuler des recommandations.8 ) Ne pas fermer les yeux en laissant impunis des agissements connus de harcèlement. Sanctionner les coupables dans les deux mois qui suivent la prise de connaissance des faits pour éviter le délai de prescription. Si les faits sont avérés, le licenciement pour faute grave paraît justifié.9 ) Faire cesser les agissements ne suf-fit pas, il faut prévenir les situations de harcèlement pour en empêcher la sur-venance. L’employeur est débiteur d’une obligation de sécurité de résultat et peut être condamné même sans faute inten-tionnelle de sa part s’il n’a pas mis en place des mesures conservatrices et pro-tectrices.10) Vérifier le règlement intérieur affiché dans l’entreprise qui doit rappeler expres-sément l’interdiction du harcèlement mo-ral. Respecter le droit d’alerte des délé-gués du personnel, le droit de retrait des salariés et la compétence du CHSCT.

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Augmentation temporaire de la durée de travail d’un temps partiel : des difficultés irréductibles, des solutions fragiles

1. Le risque : requalification du contrat à temps partiel en contrat à temps plein assortie d’un rappel de salaires

« En toute affaire, les bénéfices sont en proportion avec les risques »Honoré de Balzac

Dans un souci de protection du salarié, le contrat à temps partiel est très encadré. Outre les mentions obligatoires propres à tout contrat dérogatoire, la possibi-lité d’avoir recours à des heures com-plémentaires doit être prévue dans le contrat. A défaut, le salarié n’est pas tenu d’accepter la demande de l’employeur.

Même si la possibilité est prévue, les heures complémentaires sont plafon-nées : soit à 10 % de la durée hebdo-madaire ou mensuelle prévue au contrat (sans majoration) ; soit à un tiers de cette durée lorsqu’un accord collectif le permet (majoration à 25 % minimum des heures complémentaires comprises entre 10 % et 33 % de la durée contrac-tuelle de travail).

En tout état de cause, le salarié à temps partiel ne peut jamais travailler 35 heures par semaine ou plus sans que le contrat ne soit requalifié en contrat à temps plein.

Au-delà d’un dépassement de 2 heures par semaine (ou 8 heures par mois) en moyenne sur une période de 12 se-maines consécutives (ou de 12 semaines non consécutives sur une période de 15

semaines) de la durée de travail stipulée au contrat, le contrat est automatique-ment modifié, sauf à ce que le salarié s’y oppose expressément. A défaut de proposer un avenant contractualisant l’horaire moyen réellement effectué, le salarié peut demander la modification de son contrat de travail par l’intégra-tion des heures complémentaires dans l’horaire contractuel, jusqu’à cinq années plus tard, avec le rappel des salaires affé-rents aux heures non intégrées.

Pour éviter ce risque d’augmentation latente de la durée du travail, les em-ployeurs confrontés à un besoin tempo-raire de main d’œuvre ont proposé des avenants augmentant le temps de travail pendant une période déterminée d’un commun accord. L’exemple topique est celui d’un expert-comptable employant deux collaborateurs à mi-temps qui pen-dant la maladie d’un collaborateur pro-pose à l’autre de passer à temps plein. Voie sans issue pour la Cour de cassa-tion qui autorise dans ce cas le salarié à refuser de repasser à temps partiel ou à réclamer la majoration de 25 % de toutes les heures complémentaires effectuées au-delà de la limite d’un dixième de la durée prévue au contrat.

Paradoxalement, le Code du travail im-pose d’accorder aux salariés à temps partiel une priorité pour occuper un emploi plus long même si cet emploi est temporaire. La jurisprudence veille à ce que l’employeur respecte cette priorité d’emploi. Pris entre l’enclume législative

et le marteau jurisprudentiel, la marge de l’employeur est faible.

2. La solution : un formalisme contractuel accru lors du passage à « temps renforcé », une majoration des heures complémentaires et beau-coup de prudence

« Travailler dur n’a jamais tué personne. Mais pourquoi prendre le risque ? »Edgar Bergen

Faute de solution miracle, les salariés qui augmentent la durée du travail des salariés à temps partiel peuvent faire plus que de conclure un simple avenant à durée déterminée pour limiter le risque de requalification en temps plein et les rappels de salaires.

1ère étape : prévoir dès la conclusion du contrat de travail à temps partiel la possibilité d’accroissement tem-poraire de la durée de travail.

Sans faire du contrat à temps partiel ini-tialement conclu un « contrat cadre », le préambule de ce contrat peut permettre de guider l’interprétation du juge. En sti-pulant que dès la conclusion du contrat le salarié était volontaire pour travailler plus et gagner plus, le préambule sécu-rise la relation contractuelle. Il convient donc de mentionner dans le préambule du contrat de travail à temps partiel : 1) l’acceptation de principe d’une augmen-tation temporaire du volume horaire sur

Comme dans de nombreuses branches, le temps partiel dans les cabinets comptables n’est pas subi mais le plus souvent choisi. Que faire cependant lorsque l’employeur souhaite en accord avec le salarié augmenter temporairement la durée de travail ? Aucun des outils fournis par le Code du travail ne permet de sécuriser ce passage ponctuel à un temps partiel plus important pour compenser l’absence d’un salarié, faire face à un pic d’activité ou pour toute autre raison. Tout au plus est-il possible de limiter le risque par un formalisme accru.

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la base du volontariat, 2) le droit du sala-rié de refuser les avenants qui lui seront ponctuellement proposés.

2ème étape : conclure un avenant avant ET après chaque période d’augmentation de la durée du tra-vail.

Une proposition d’avenant en vue d’un passage à un temps partiel supérieur doit être faite. L’employeur propose, le salarié dispose. Le formalisme doit être respec-té pour chaque période concernée et un délai de réflexion raisonnable doit être accordé au salarié. L’avenant doit conte-nir : 1) un renvoi au préambule du contrat initial, 2) un rappel de la demande du sa-larié d’augmenter son temps de travail, 3) le motif et la période de l’augmenta-tion, 4) la nouvelle durée de travail, 5) la rémunération correspondant aux heures de travail complémentaires.Au terme de chaque période d’augmen-tation, le salarié ne repasse pas auto-matiquement au temps partiel d’origine. Aucune modification du contrat de travail ne pouvant être imposée sans l’accord du salarié, un second avenant doit être conclu pour revenir à la durée initiale. La tentation de conclure les deux avenants

le même jour peut être forte pour les em-ployeurs, elle ne saurait être encouragée.

3ème étape : rémunérer les heures complémentaires

Les heures complémentaires ne sont pas majorées lorsqu’elles n’excèdent pas 10 % de l’horaire contractuel. Lorsqu’elles sont comprises entre 10 % et 33,33 % en application d’un accord collectif le permettant (notamment la CCN des cabinets d’experts-comptables et CAC), elles sont majorées de 25 %. Exemple : un collaborateur à 21 heures par semaine peut réaliser 7 heures complémentaires, les deux premières sans majoration, les cinq autres avec une majoration de 25 %.

En augmentant même provisoirement la durée contractuelle, l’employeur prive le salarié de cette majoration. Aussi, en présence d’un accord collectif autorisant le recours à un tiers d’heures complé-mentaires, il est prudent de prévoir dans l’avenant que la nouvelle rémunération intègre cette majoration sous la forme d’une prime ou d’une indemnisation quelconque qui figurera sur le bulletin de paie.

En respectant ces trois étapes, l’em-ployeur limite son risque par un forma-lisme garantissant le respect des droits des salariés et du principe de liberté contractuelle... en attendant qu’une sou-haitable mais improbable évolution légis-lative vienne assouplir le régime du travail à temps partiel.

Eric [email protected]

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Thèmes

L’environnement et le potentiel de notre profession : comment en profiter pour se développer ?

L’accès au marché a été bouleversé : publicité, démarchage, • ouverture du capital…Les modalités d’exercice nouvellement normées : norme • qualité…Le périmètre d’intervention élargi : apparition de nouveaux • marchés, de nouveaux métiersNouvelles valeurs apportées aux clients, nouvelles offres de • servicesComment y voir clair et profiter au mieux des opportunités !•

Nos cabinets sont-ils prêts à affronter ce nouveau marché ?

Quels sont les fondamentaux de la réussite passée et actuelle de • notre cabinet ?Dispose-t-on des compétences nécessaires ?• Comment attirer les meilleurs ?• A-t-on réalisé tous les gains de productivité sur le cœur de métier ?• Le cabinet dispose-t-il d’une offre de service, d’une politique de • communication ?

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Construire son projet de cabinetBayonne du 25 au 27 juillet 2012

Conférences

L’ambition et le projet de son cabinet dans un contexte d’évolutions profondes ?A quoi ressemblera notre cabinet dans 3 ou 5 ans ?Conférence à ne pas manquer !Ralph Hababou, co-auteur de « Service compris » et auteur de « Service gagnant » et « Génération W », analysera le monde d’aujourd’hui et explorera celui de demain afin d’évaluer ce qui a changé dans le domaine de la satisfaction client et d’étudier la manière dont les entreprises se sont adaptées à un client aux exigences en perpétuelle évolution.

Points-clés de l’intervention « Le client n’a plus faim, il faut lui donner de l’appétit »« Les 5 clés du service au client : communiquer, simplifier, écouter, innover et personnaliser »« Les secrets des entreprises qui créent la différence »

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Thèmes

L’environnement et le potentiel de notre profession : comment en profiter pour se développer ?

L’accès au marché a été bouleversé : publicité, démarchage, • ouverture du capital…Les modalités d’exercice nouvellement normées : norme • qualité…Le périmètre d’intervention élargi : apparition de nouveaux • marchés, de nouveaux métiersNouvelles valeurs apportées aux clients, nouvelles offres de • servicesComment y voir clair et profiter au mieux des opportunités !•

Nos cabinets sont-ils prêts à affronter ce nouveau marché ?

Quels sont les fondamentaux de la réussite passée et actuelle de • notre cabinet ?Dispose-t-on des compétences nécessaires ?• Comment attirer les meilleurs ?• A-t-on réalisé tous les gains de productivité sur le cœur de métier ?• Le cabinet dispose-t-il d’une offre de service, d’une politique de • communication ?

Déterminer les choix stratégiques et les axes de développement de son cabinet !

Réaliser un diagnostic objectif de son cabinet !• Mettre en valeur les opportunités et le potentiel du cabinet !• Mobiliser les ressources nécessaires à la réussite du projet !• La feuille de route court terme et long terme•

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Un constat s’impose : le malaise français, aujourd’hui, est bien réel. La tentation est grande

d’en nier la réalité. Les Français seraient des râleurs patentés, culturellement querelleurs, prompts à se retrouver pour festoyer. Ou, dans une version plus mé-prisante : la souffrance des Français ne serait qu’un problème « psychologique ». Nous ferions simplement une erreur de jugement sur l’état « réel » de notre pays. N’avons-nous pas un niveau de vie élevé, un modèle social que tout le monde nous envie, des infrastructures de grande qualité, une douceur de vie inégalée ? La France ne manque effec-tivement pas d’atouts, mais ne nous trompons pas de jugement. Le mal-être des Français est réel, et il grandit.

La défiance est au cœur de notre mal. Elle détruit inexorablement notre lien social. Nous souffrons d’un manque de coopération et de réciprocité. Notre défiance n’est pas un héritage culturel immuable. Elle résulte d’un cercle vicieux qui nous distingue des autres pays. Le déclin n’est pas inscrit dans nos gènes. Au contraire. La confiance se fabrique. Et la France s’est engagée sur une bien mauvaise pente au cours des dernières années. Il est donc urgent de repérer tout ce qui mine le lien social, mais aussi tout ce qui peut le renforcer pour nous redonner le goût de vivre ensemble. Si nos dirigeants n’en font pas une prio-rité, toutes les tentatives de réformes auront le même effet qu’arroser un tas de sable en espérant y voir pousser des fleurs.

Inégalités et mal-être

Dans les pays « riches », comme la France, nous savons que c’est moins le niveau absolu du revenu que sa valeur relative qui explique le bien-être pour la grande majorité de la population. Nous accordons une importance parti-culière au statut relatif, à notre position sur l’échelle sociale, et notre bien-être se détériore lorsque notre « place » se dégrade. Dans nos sociétés modernes et riches, ce sont plus les inégalités que le niveau des revenus qui influencent le moral de l’ensemble de la population. Les inégalités sapent la cohésion sociale et l’efficacité économique d’autant plus qu’elles sont perçues comme injustes.

Les différences de revenus ne sont qu’une facette, chez nous, de la distance sociale. En fait, les Français considèrent les inégalités comme inacceptables, car ils ont de bonnes raisons de penser qu’elles sont illégitimes : elles provien-draient de passe-droits, de collusions d’intérêts entre les puissants, d’une reproduction sociale particulièrement forte à l’école. Ils ont le sentiment que la richesse est associée au statut plus qu’au fruit du travail.

Apprendre en silence

Nous savons maintenant que le déve-loppement de l’empathie et de la coopé-ration commence dès le plus jeune âge chez les humains, comme chez certaines espèces animales. L’attachement des parents et l’éducation familiale ne sont

pas les seuls vecteurs de l’apprentissage de la socialisation. L’enseignement et les méthodes pédagogiques jouent éga-lement un rôle fondamental. Mais plus d’un siècle après Jules Ferry, la France n’a toujours pas adopté des pratiques pédagogiques tournées vers la socialisa-tion des élèves, et reste arc-boutée sur sa conception d’une école obsédée par la seule transmission du savoir.

L’école française est l’archétype de l’en-seignement « vertical » qui délivre des cours magistraux, tandis que les élèves prennent des notes, lisent des manuels en silence et répondent aux questions. A l’in-verse, d’autres pays mettent surtout l’ac-cent sur un enseignement « horizontal », où les élèves travaillent en groupe, réa-lisent des projets communs et où ce sont plutôt eux qui posent les questions aux professeurs. Dans les pays nordiques et d’Europe centrale, les premières années de l’école primaire déclinent une vision « holistique » de l’enfant et de son dé-veloppement. L’éducation est conçue comme un ensemble, indissociable de la vie en commun, à l’image d’une commu-nauté où l’expression individuelle et les activités collectives sont privilégiées. Le rôle de l’enseignant se définit plus par sa pédagogie, sa capacité à transmettre des valeurs et son écoute des problèmes des élèves. Habitués à travailler en groupe, ils ont tendance à se sentir mieux à l’école et à avoir une confiance plus élevée non seulement envers les autres élèves, mais aussi envers les enseignants, l’école et les institutions en général.

Au cœur du pessimisme français : la défiance Toutes les études le montrent, le bien-être dépend essentiellement de la qualité des relations sociales. Depuis l’après-guerre, la hausse considérable des niveaux de vie dans les pays industrialisés ne s’est, curieusement, pas accompagnée d’une hausse significative du bien-être

Et aussi…

J’ai lu pour vous… J’ai lu pour vous… J’ai lu pour vous…

Roger Laurent

OUVERTURE N° 89 • Juin 2012

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« Fondée sur un enseigne-ment essentiellement verti-cal, notre école n’arrive pas à créer suffisamment de lien

social. »

Mais après tout, la frustration de nos élèves n’est-elle pas le juste prix à payer pour avoir de bons résultats ? Il n’y a aucune raison d’opposer performance scolaire et bien-être psychologique. Le bien-être à l’école est au contraire un garant du développement des capacités intellectuelles. Un enseignement fondé sur des méthodes verticales réussit à une minorité de très bons éléments, mais il est inefficace pour l’ensemble des élèves. Notre système scolaire conduit à la fois à des résultats médiocres et à d’importantes inégalités.

Nos élèves ont surtout des scores médiocres dans les épreuves où il faut savoir s’adapter, faire preuve d’esprit cri-tique et d’esprit d’innovation, bref sortir du cadre scolaire. Ils obtiennent à l’in-verse de meilleurs scores dès qu’il s’agit de restituer des connaissances. Fondée sur un enseignement essentiellement vertical, notre école n’arrive pas à créer suffisamment de lien social.

L’obsession hiérarchique

L’univers professionnel des Français, hié-rarchisé à l’extrême, nourrit la défiance et handicape notre économie. Eduqués dans une école où nous apprenons surtout à obéir aux ordres et très peu à coopérer, nous avons besoin d’une structure envahissante pour réaliser des tâches collectives. C’est notre déficit de confiance, produit par le système sco-laire, qui nous condamne à travailler dans des entreprises où nous nous sentons opprimés par des chefs omniprésents.

L’organisation hiérarchique et les frus-trations qu’elle engendre ont des coûts humains considérables. Elles s’accom-pagnent d’une forte conflictualité. La

France est le pays où les relations sont les plus conflictuelles parmi l’ensemble des pays de l’OCDE. Et cette situation constitue un handicap économique considérable. La défiance agit comme une véritable taxe et entrave le dévelop-pement des échanges. L’analyse des relations entre les performances écono-miques et les attitudes sociales dans une trentaine de pays, des années 50 à nos jours, suggère que les Français pour-raient accroître leur revenu de 5 % s’ils se faisaient autant confiance entre eux que les Suédois. La confiance favorise l’efficacité des entreprises. Les pays où la confiance est élevée et où les relations de travail sont peu hiérarchisées se spécialisent dans les secteurs où l’innovation et la recherche et développement sont pré-pondérantes. Et dans ces domaines, le handicap de la France grandit.

« Un syndicalisme de masse favorise la coopération.

Un syndicalisme de profes-sionnels de la représenta-

tion, favorise la culturedu conflit. »

L’introuvable dialogue social.

La syndicalisation serait-elle responsable de l’exceptionnelle conflictualité de nos relations sociales ? Sûrement pas : ce n’est pas le nombre des syndiqués qui engendre des situations conflictuelles, ce serait même exactement l’inverse. Nous affichons le taux de syndicalisation le plus faible de tous les pays de l’OCDE ! En Suède, au Japon, au Danemark, aux Pays-Bas ou encore en Allemagne les relations sociales sont de meilleure qualité. Or tous ces pays ont des taux de syndicalisation très élevés. La conflic-tualité provient de la nature du syndica-lisme. Un syndicalisme de masse favo-rise la coopération. Un syndicalisme de professionnels de la représentation avec peu d’adhérents, comme c’est le cas en

France, favorise la culture du conflit.

Ce ne sont pas les pratiques de mana-gement en elles-mêmes qui expliquent la productivité des employés. En revanche, la façon dont les méthodes de mana-gement sont mises en place est essen-tielle. Elles améliorent la productivité des employés si ces derniers participent à leur élaboration et à leur mise en œuvre. D’autre part, les entreprises dotées de syndicats représentant les employés ont une meilleure capacité d’adaptation aux nouvelles méthodes de management.

En France, la vie syndicale française est en train de s’éteindre. L’intervention directe de l’Etat pour réguler le marché du travail écrase le dialogue social, mais l’absence de celui-ci nourrit l’intervention de l’Etat qui doit se substituer à une né-gociation défaillante.

Le culte des meilleurs

Conformément au reste de notre socié-té, notre marché du travail fonctionne selon une logique statutaire : d’un côté les titulaires d’un CDI, protégé par des règles nombreuses et contraignantes, et de l’autre, les titulaires d’une des mul-tiples formes de CDD. Or, aujourd’hui, les CDD représentent plus de 90 % des embauches ! Des emplois souvent de très courte durée qui ont tendance à dis-paraître très rapidement. C’est pourquoi le CDI reste très fortement majoritaire. Il concerne environ 85 % des emplois. La « flexibilité » du marché du travail repose donc sur les épaules de 15 % de travail-leurs parmi lesquels les jeunes les moins qualifiés occupent une large place.

Les raisons pour lesquelles les sys-tèmes fondés sur une séparation stricte entre emplois stables et emplois à durée déterminée engendrent autant de chô-mage sont aujourd’hui bien identifiées : en substance, les emplois stables s’y avèrent « trop » stables et les emplois instables « trop » instables ! Passons sur

Et aussi…

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la « rupture conventionnelle », la démis-sion aux frais de la collectivité, introduite en France en 2008. On pouvait difficile-ment faire mieux en termes de dérespon-sabilisation financière des entreprises et des employés !Pour diminuer la défiance qui traverse l’ensemble du corps social, il faut en finir avec le millefeuille des statuts sur le marché du travail. Un contrat unique de travail permettrait d’atteindre cet objectif.

L’Etat-providence, les niches fiscales et l’impunité

Les différentes formes d’organisation des Etats-providence entretiennent des liens étroits avec la confiance entre citoyens. A l’opposé du corporatisme, du clientélisme et d’une autre exception française -- le cumul des mandats --, l’universalisme repose sur des services et des transferts publics ouverts à tous, indépendamment du statut de chacun. L’universalisme n’est jamais parfait, mais les pays modèles ont aussi des presta-tions sociales plus égalitaires. C’est le cas des pays de l’Europe du Nord et du Canada. L’universalisme explique en grande partie la confiance des citoyens dans l’Etat-providence. L’état de santé de notre démocratie a de quoi nous inquiéter. Plus de deux Fran-çais sur trois estiment que la classe poli-tique est corrompue et gangrenée par les milieux d’affaires. Selon la principale ONG internationale de lutte contre la cor-ruption en 2010, nous sommes classés au 25e rang sur l’échelle de la transpa-rence des pouvoirs publics. Et notre si-tuation se dégrade (la France se trouvait au 19e rang en 2007). Une des premières causes de cette dégradation est notre absence de ges-tion des conflits d’intérêts. Les conflits d’intérêts ne concernent pas que les hommes politiques, mais bien tous ceux qui peuvent tirer un avantage personnel de la gestion des biens d’autrui : fonc-tionnaires, élus, journalistes, chefs d’en-treprise, experts… Or, le droit français

ignore le « conflit d’intérêts », il ne connaît que la « prise illégale d’intérêts ». Cela signifie que le droit français ne dit rien sur les situations qui pourraient conduire à des malversations ; il ne condamne éventuellement que le passage à l’acte, si, bien sûr, les faits sont prouvés.

Besoin d’exemplarité

Les Français ont le sentiment de vivre dans une société où la coopération est l’exception plus que la règle. Cette situa-tion provient d’un système fondé sur la hiérarchie et le statut.

Mais selon les auteurs, cette situation n’est pas irréversible. La confiance peut se construire dès le plus jeune âge, à l’école, par un enseignement adapté ;

elle peut se développer dans l’entreprise grâce aux méthodes de travail et au dia-logue social. La transparence et l’exem-plarité des pouvoirs publics, l’égalité face à l’Etat-providence, face à l’impôt, et la vitalité de la démocratie participative constituent aussi des éléments décisifs. Rétablir la confiance, c’est améliorer à la fois le bien-être et les performances éco-nomiques.

Yann ALGAN, est professeur à Sciences-Po.Pierre CAHUC et André ZYLBERBERG sont économistes.La Fabrique de la défiance …et com-ment s’en sortir. Albin Michel

J’ai lu pour vous… J’ai lu pour vous… J’ai lu pour vous…

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Petites annoncesLes annonces publiées ci-après ont été collectées par le Club des Jeunes Experts-Comptables auprès de ses membres et leur publication dans notre revue a vocation à permettre l’expression de jeunes confrères souhaitant développer leur activité libérale.Malgré le soin apporté à leur relecture par le CJEC, nous invitons nos lecteurs à s’entourer des précautions d’usage habituelles en cas de réponse à ces annonces.

Et aussi…

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