outsiders fiché par gwenael
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UNIVERSITE DE REIMS CHAMPAGNE-ARDENNE
FACULTE DES SCIENCES ECONOMIQUES, SOCIALES ET DE GESTION
Institut Régional Universitaire de Sciences Sociales Appliquées (IRUSSA)
OUTSIDEREtudes de sociologie de la déviance
Howard Becker – 1985ed. A.M. Métailié
Gwenaël BERRANGER 05 Janvier 2009 CTR : HENRI JORDAS
Licence professionnelle en intervention sociale, Année 2008-09
Option métiers de l’urgence sociale (MUS)
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SOMMAIRE
Howard Becker ....................................................................................................................... 3 Les normes .............................................................................................................................. 4 La déviance ............................................................................................................................ 4 Carrière de la déviance ............................................................................................................ 6 L’auto ségrégation des groupes déviants. ................................................................................ 7 Entrepreneur de morale ........................................................................................................... 7 Conclusion .............................................................................................................................. 8 Pourquoi lire OUTSIDER ? .................................................................................................... 9
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Howard Becker
Howard Becker, né en 1928, est un héritier de l’école de Chicago1 où il fera sa formation
universitaire. Son étude sur la déviance sera une étape importante pour le développement de la
sociologie. A une époque où les « pratiquants de terrain » sont en désaccord avec l’approche
trop intellectuelle des sociologues et où les criminologues cherchent l’origine de la déviance
dans la psychologie individuelle, H. Becker s’attachera à établir une « théorie
interactionniste » de ce phénomène. Il démontrera d’abord, comme Goffman deux ans plus tôt
avec « Asiles2 », la pertinence de « l’observation participante », qui vise à observer des faits
sociaux en s’introduisant dans les groupes ciblés. Il élargira ensuite le concept de déviance à
tout ce qui n’est pas conforme à la norme et non plus seulement au phénomène de
délinquance.
Pour arrondir ses fins de mois, il est pianiste de jazz dans plusieurs groupes de la ville. Cette
position lui donnera l’opportunité de travailler sur deux groupes reconnus comme déviants :
les fumeurs de Marie-Jeanne et les musiciens de danse.
La première version de cet ouvrage (scientifique) a été publiée en 1963. Enrichie de ses
propres observations suite aux critiques qu’a soulevées sa « théorie de étiquetage » en 1973,
une version française, traduite de l’américain par J-P Briand et J-M Chapoulie, sera publiée en
1985.
Biographie :
Outsider. Etudes de sociologie de la déviance. A.M. Mélailié, Paris, 1985 (Ed.
originale 1963)
Le monde de l’art. Flammarion, Paris, 1988 (Ed originale 1982)
Propos sur l’art. L’Harmattan, Paris, 1999
Qu’est-ce qu’une drogue. (sous la direction de.), Atlantica, Biarritz, 2001
Les ficelles du Métier. La découverte, Paris, 2003
Paroles et Musiques. L’Harmattan, 2003
1 Mère de l’Interactionnisme symbolique, cette école à été fondée par Robert Ezra Park (Journaliste puis sociologue, 1864-1944) dans les années 1920-1930 à l’université de Chicago.2 Asiles, Goffman, ed. Fr : Les éditions de Minuit, 1968.
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Les normes
« Les normes, tirées d’un ensemble de valeurs portées par les membres d’un groupe,
définissent une situation et un comportement approprié à celle-ci. Certaines sont prescrites,
ce qui est bien, d’autres interdites, ce qui est mal ». Elles peuvent être récentes ou empruntées
à la tradition. Deux applications des normes sont possibles. Elles sont institutionnalisées et
appliquées par des corps spécialisés ( justice, police) ou informelles et appliquées par tout un
chacun, comme la famille ou le voisinage.
Traduit dans sa version française par étranger, le terme d’ « outsider » peut avoir un double
sens. Quand un individu est supposé avoir transgressé une norme, il peut être rejeté par le
groupe et en devient étranger. Il se peut aussi que l’individu « étiqueté » comme étranger
n’accepte pas la norme et considère donc ceux qui le jugent comme étrangers à son univers.
La déviance
« Les uns, pour leurs propres intérêts, créent des normes et les font appliquer. Les autres,
pour leurs propres intérêts, tombent sous le coup de la norme et deviennent déviants ».
Avant Howard Becker, Il existait plusieurs théories sur les comportements déviants. Mais
aucune de ces conceptions de la déviance ne le satisfaisait :
Statistique. Cette conception est trop éloignée de l’idée de transgression.
Pathologique. Comment définir un comportement sain ? Un comportement ″malade
″ ?
Fonctionnelle. Un comportement déviant déstabiliserait le groupe. Mais la fonction
d’un groupe est non-inscrite dans sa nature. Elle est le résultat des conflits de type
politique entre les différents « sous-groupes3 » qui composent ce groupe. Il est
souvent difficile de déterminer objectivement ce qui est fonctionnel ou
dysfonctionnel.
Défaut d’obéissance. Cette conception sociologique ne prend pas en compte le fait
qu’un individu appartient à plusieurs groupes. Ce qui est la norme pour un groupe ne
l’est pas forcément pour un autre.
Pour H. Becker, la déviance est l’interaction entre le comportement d’un individu dans une
situation donnée, et la réaction des autres membres du groupe ou d’un autre groupe. Elle
résulte de la réaction des gens à un type particulier de comportement et à la désignation de ces
comportements comme déviants. Un acte déviant repose sur trois éléments : le comportement
3 Les traducteurs utilisent le mot « factions ». Mais, ce terme étant daté et connoté, je lui préfère le terme « sous groupe ».
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d’un individu dans une situation données, une norme appropriée à cette situation, et un juge
(individu ou groupe, institutionnel ou traditionnel).
« Les groupes sociaux créent la déviance en instituant des normes dont la transgression
constitue la déviance ». Ces normes sont imposées par des pouvoirs (politiques, économiques)
ou de force (les adultes imposent leur loi aux enfants). Elles sont appliquées en fonction du
statut de la personne et des conséquences qu’elles peuvent entraîner. Quand nous n’avons
transgressé aucune norme, nous pouvons être ou qualifié à tord de déviant, ou reconnu
conforme. Quand, au contraire, nous avons transgressé une norme, nous pouvons être qualifié
de déviant, ce qui fait de nous quelqu’un de pleinement déviant, ou ne pas être reconnu
comme déviant, et être « secrètement déviant ».
La déviance peut être intentionnelle. L’individu est pleinement conscient de la transgression
d’une norme. Elle peut être aussi non-intentionnelle. L’individu n’a pas connaissance de la
transgression car il ne connaît pas la norme ou cette norme s’applique pour lui et-ou dans
cette situation seulement.
Convaincu que la plupart des gens connaissent des tentations déviantes, H. Becker définit
l’engagement auprès de groupes qui requièrent une conduite conventionnelle (la famille ou le
travail) comme un facteur favorisant la maîtrise des tentations déviantes des individus. Une
déviance peut porter atteinte aux différentes activités que l’individu mène par ailleurs.
Pour minimiser le jugement par lequel l’individu ou le groupe sera qualifié de déviant, ils
chercheront à « neutraliser » l’acte. Ils se déchargeront de la responsabilité, ils
dédramatiseront les conséquences de leur acte, ils justifieront leur comportement déviant par
la vengeance ou ils condamneront ceux qui le condamnent.
Un basculement s’opère quand la déviance devient publique. A la caractéristique principale de
l’acte déviant, on y attribue les accessoires (on attend souvent du médecin qu’il soit blanc !).
Aussi, l’acte déviant prend souvent le devant de la scène, comme l’exemple du médecin à la
peau noir, qui sera avant tout de couleur noir. En généralisant par déplacement l’acte déviant à
la personnalité de la personne, il arrive que l’on réalise « la prophétie » et que l’individu ayant
transgressé un fois une norme devienne un déviant complet.
L’interdiction de l’acte par la norme peut entraîner l’individu à transgresser d’autres normes :
la drogue est interdite, elle est rare, elle coûte cher, le drogué vole pour acheter le produit.
Entrer dans un groupe déviant organisé permet un partage de visions communes, de sentir une
appartenance. Les groupes trouvent des justifications à leur existence dans l’histoire, la
philosophie, la politique,…etc. Ceci procure à l’individu des arguments solides pour continuer
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et apprendre à vivre avec sa déviance.
Carrière de la déviance
H. Becker emprunte aux études de profession, le concept de « carrière » pour définir les
étapes qu’un individu doit passer pour se spécialiser dans son rapport à la déviance. Il prend
l’exemple des fumeurs de marie-jeanne pour étayer son propos.
Contrairement aux psychiatres et représentants de la loi, qui pensent que la consommation de
marie-jeanne provient d’un problème psychologique de l’individu, H. Becker affirme que « ce
ne sont pas les motivations déviantes qui entraînent un comportement déviant mais
l’inverse ».
Après « une enquête analytique » auprès de 50 consommateurs de marie-jeanne, H. Becker
assure qu’il existe plusieurs catégories de fumeurs, et que leur consommation varie avec le
temps. Il défini trois apprentissages que le fumeur doit endurer pour continuer l'absorption de
marie-jeanne. La non-réussite d’un apprentissage peut entraîner l’arrêt de l’activité.
L’apprentissage de la technique. Le fumeur doit maîtriser la technique pour planer et
considérer la drogue comme source de plaisir. Cette découverte de la technique est
souvent initiée par le groupe.
L’apprentissage de la perception des effets. Le fumeur doit reconnaître les symptômes
produits par l’usage de la drogue. Cette formation est faite par le groupe ou
indirectement par mimétisme et-ou par l’observation des autres.
L’apprentissage du goût pour les effets. Les effets doivent être agréables au fumeur
pour continuer la consommation de marie-jeanne.
Puni par la loi et condamné par l’opinion publique, l’usage de la marie-jeanne requiert des
compétences pour contourner les différents contrôles sociaux. Pour mettre à mal les autorités
institutionnelles ou non-institutionnelles, le fumeur devra maîtriser au moins trois types de
« contrôle ». A chaque phase, fumeur débutant, occasionnel ou régulier, on observe des
changements significatifs dans le comportement de l’individu vis-à-vis de son groupe et de la
société.
L’approvisionnement : la marie-jeanne n’étant pas vendue en magasin, son
acquisition est difficile. A chaque phase, son type d’approvisionnement. Le débutant
fumera son premier joint par hasard, le fumeur occasionnel dépendra du groupe et le
fumeur régulier ira directement au revendeur.
Le secret : le fumeur devra apprendre à dissimuler les symptômes. Les débutants ou
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fumeurs occasionnels limiteront leur consommation au groupe, le fumeur régulier
apprendra à contrôler les effets pour paraître « normal ».
Conception morale : l’individu continuera l’usage de la drogue que s’il arrive à se
défaire des conceptions morales qui se font autour de la consommation de marie-
jeanne. Le groupe est essentiel pour cette étape. Il n’est pas rare en effet de voir se
développer dans les groupes identifiés comme déviants, une connaissance historique,
politique, voir philosophique de la déviance dont ils sont porteurs.
L’auto ségrégation des groupes déviants.
Au travers d’un autre groupe, celui des musiciens de danse4, H. Becker décrit comment les
individus opèrent avec des « étrangers » à leur univers et comment ses derniers peuvent ou
non influer sur le comportement des premiers.
La culture d’un groupe est l’ensemble des conventions admises ou le comportement des
individus peut varier sans cesser d’être tenus pour identique. Pour un musicien de danse la
seule musique valable est le Jazz. Mais s’ils veulent réussir, ils sont obligés de prendre en
considération l’opinion du public, les non-musiciens qui les tirent en générale vers une
musique plus commerciale. Le choix de faire de la musique commerciale pour vivre plus
confortablement peut entraîner une perte d’estime par ses pairs, voir de soi même.
Les individus sont convaincu que seulement eux et les membres de leur « univers » peuvent
comprendre l’activité qui les unissent. Pour le cas des musiciens de danse, ceux qui ne font
pas de la musique Jazz, comme le public où les musiciens de variété, sont des « caves ». Les
musiciens ont le sentiments d’être supérieure ces « caves » et supportent mal les critiques de
ces derniers. Pour protéger leurs normes ou par rejet de celles des autres, les groupes s’isolent
en créant leur propre langage, en affirmant leur supériorité et en développant une haine de
l’étranger. Avec les « promoteurs », le compromis entre les normes artistiques et ce que veut
entendre le public peut être l’enjeu d’un contrat. Ce métier se faisant essentiellement la nuit,
la famille ou les épouses feront en générale pression pour un retour à des normes plus
conventionnelle.
Entrepreneur de morale
L’application des normes nécessite différents acteurs. En plus d’un individu supposé avoir
transgressé une norme, il faut un plaignant. Quelqu’un à qui la transgression a porté préjudice.
Il faut aussi un « entrepreneur de morale », qui crée et-ou applique la loi. Ce dernier a deux
4 Etre musiciens de danse n’est pas proscrit par la loi, mais le comportement de ceux-ci peut paraître bizarre aux yeux des gens « normaux ».
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ambitions : appliquer des normes en cohérence avec ses valeurs et améliorer le sort des
déviants.
Le destin de ce « croisé » dépend du résultat de la campagne qu’il mène pour faire appliquer
la norme. En effet, si la norme est appliquée et respectée par l’ensemble des individus, la
croisade n’a plus lieu d’être. L’entrepreneur de moral perd sa raison d’être. Il est possible dans
ce cas qu’un dispositif de respect de la loi soit mis en place. Si par contre, la croisade est
perdue, soit l’entrepreneur abandonne et les conséquences sont nulles, soit il s’accroche, au
risque de devenir lui même « l’outsider ».
Pour pouvoir exister, l’entrepreneur de morale, vit dans une certaine ambivalence. La
déviance existe toujours : il y a donc nécessité d’avoir une loi et un dispositif pour la faire
respecter. Mais, même si la déviance existe toujours, la loi est efficace. L’entrepreneur est
compétent et doit rester à son poste.
Conclusion
D’après H. Becker, la plupart des études qui traitent de la déviance ne sont pas complètes.
Elles n’abordent pas le comportement déviant dans son ensemble et la liste des déviances
étudiées n’est pas assez étoffée. Ce qui a pour conséquences des théories inadéquates.
L’isolement des individus déviants rend difficile l’observation participante prônée par les
« interactionnistes » de l’école de Chicago. Aussi, le point de vue du chercheur donne sa part
de subjectivité à l’analyse. Quelle stratégie emploie-t-il ? Quelle est son éthique : le déviant
est-il pour lui héros ou scélérat ?
La déviance est le résultat d’une interaction entre des individus qui, pour leurs propres
intérêts, transgressent une norme établie que d’autres, pour leurs propres intérêts, créent ou
font appliquer. Ces derniers cherchent à protéger les valeurs de leur groupe en « normalisant »
des comportements appropriés à des situations données, joués par des acteurs précis.
Si la norme désigne des gens comme déviants, l’étiquetage ne crée pas la déviance mais
stigmatise l’individu étiqueté et peut lui porter préjudice. A l’encontre des théories qui
expliquent la déviance par la psychologie individuelle, H. Becker définit la déviance comme
une interaction. C’est une action collective en ce sens que les gens font ce qu’ils font en ayant
un œil sur ce que les autres ont fait, sur ce qu’ils font, sur ce qu’ils feront.
La définition de la déviance oscille entre le sens commun, emprunt de stéréotype et de
tradition, et des théories controversées. L’individu étudié ne se reconnaît pas toujours dans
l’étude faite par le chercheur, et le chercheur ne démontre pas toujours les théories des ses
livres sur le terrain.
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Pourquoi lire OUTSIDER ?
L’un des piliers d’une école de sociologie qui a vue le jour au beau milieu du siècle dernier,
cette œuvre mérite toute notre attention. Facile à lire et très explicite, ce livre permet de
vulgariser, dans le sens positif du terme, l’idée que les individus vivent en interaction les uns -
les autres et que le jugement de l’un d’eux ne peux se faire en toute objectivité sans
comprendre l’environnement dans lequel il évolue.
Penser la déviance comme l’interaction entre individus dans un environnement donné et non
comme un maladie de la psychologie individuelle, peut porter à conséquences sur les actions
de qui veut bien l’entendre. Pour nous qui nous destinons aux métiers du social auprès d’un
public placé en marge de la société, comprendre un tel concept est un bon début pour mieux
adapter les outils et les objectifs de nos futures actions.
Avec Outsider, Howard Becker vient imposé la méthode dites de « l’observation
participante ». Prôné par Robert Park dans les années 1920-1930, ce procédé consiste à sortir
des bureaux-laboratoires où se faisait l’essentiel de la pensée sociale et à observer les groupes
ciblés de l’intérieur. Cette démarche, sans être la seule qui s’impose, est à mon sens essentiel
dans le catalogue des méthodes des travailleurs sociaux.
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