ossier loi travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/mloa502htep.pdf · 1. afep, medef,...

72
Octobre 2016 l n°502 l 14,00 € SPÉCIFICITÉS COMPTABLES Opérations de couverture en principes français Des évolutions dans un cadre stable DROIT FISCAL Fiscalité de la société civile de construction-vente Imposition des associés personnes physiques ou morales COMPTABILITÉ PUBLIQUE Certification des comptes 2015 du régime de la sécurité sociale La maîtrise des risques au cœur des réserves DOSSIER Loi Travail Négociation collective I Représentation du personnel I Durée du travail I Santé au travail I Licenciement économique

Upload: others

Post on 30-Jul-2020

0 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

Octobre 2016 l n°502 l 14,00 €

SPÉCIFICITÉS COMPTABLES

Opérations de couverture en principes français

Des évolutions dans un cadre stable

DROIT FISCAL

Fiscalité de la société civile de construction-vente

Imposition des associés personnes physiques

ou morales

COMPTABILITÉ PUBLIQUE

Certification des comptes 2015 du régime de la

sécurité sociale

La maîtrise des risques au cœur des réserves

DOSSIERLoi TravailNégociation collective I Représentation du personnel I Durée du travail I Santé au travail I Licenciement économique

Page 2: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée
Page 3: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

Revue Française de Comptabilité Octobre 2016 N° 502 1

Octobre 2016 N° 502 Sommaire

Éclairage

COMMISSARIAT AUX COMPTES

• Guide d’application relatif aux services autres que la certification des comptes pour les EIP 3

DROIT FISCAL

• Fiscalité de la société civile de construction-vente (SCCV) 4

DROIT PÉNAL• Les délits comptables du CGI 6

ENTREPRISE EN DIFFICULTÉ• La procédure de conciliation 8

SPÉCIFICITÉS COMPTABLES

• Opérations de couverture en principes français : quels changements en 2017 ? 12

LES COMPTES D’UNE ENTITÉ

• Société des Produits Marnier Lapostolle : une OPA qui révèle d’importantes plus-values latentes 16

MÉCÉNAT

• Ensemble pour le mécénat culturel 18

Dossier spécial

LOI TRAVAIL

• Editorial : loi Travail, une nouvelle mission pour l’expert-comptable 23

• Présentation des principales dispositions de la loi Travail du 8 août 2016 24

• La négociation collective après la loi El Khomri 26

• Impacts de la loi Travail sur les TPE-PME 32

• La représentation du personnel dans la loi El Khomri 36

• Durée du travail : quels changements pour les entreprises ? 40

• Licenciement économique et loi Travail : quels changements ? 44

• L’inaptitude du salarié rénovée par la loi du 8 août 2016 46

• Le bulletin de salaire numérique 49

Réflexion

COMPTABILITÉ PUBLIQUE• La certification des comptes 2015 du régime

général de la sécurité sociale 52

RÉGULATION FINANCIÈRE• Recommandations 2010-2015 de l’AMF,

en vue des arrêtés des comptes en IFRS 56

RECHERCHE• De la légitimité des normes comptables 62

Diplôme d’expertise comptable

MÉMOIRE DU MOIS• La certification ISAE 3402 du cabinet d’expertise

comptable 66

ÉPREUVES ÉCRITES• Préparer les écrits du diplôme d’expertise

comptable 68

Page 4: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

2 Octobre 2016 N° 502 Revue Française de Comptabilité

Octobre 2016 N° 502 Summary

FocusSTATUTORY AUDITOR

• CNCC Guidelines for non-audit services provided to public-interest entity 3

TAX LAW

• The taxation of civil construction-sale companies 4

CRIMINAL LAW

• Accounting frauds in the General Tax Code 6

ENTITY IN DIFFICULTY

• The conciliation proceedings 8

ACCOUNTING REQUIREMENTS

• ANC standard 2015-05 related to derivatives and hedging instruments 12

ENTITY ANNUAL ACCOUNTS

• Takeover bid with substantial unrealized gains in Marnier Lapostolle accounts 16

SPONSORSHIP

• Cultural sponsorship together 18

Special issue El Khomri Act of 8th of august 2016• Editorial: a new assignment for certified public accountant 23

• Presentation of the key provisions of El Khomri Act 24

• Collective bargaining in El Khomri Act 26

• Consequences of El Khomri Act on SME 32

• Employees representative bodies in El Khomri Act 36

• Working time in El Khomri Act: what are changes for entities ? 40

• Redundancy on economic grounds in El Khomri Act 44

• Medical unfitness renewed by El Khomri Act 46

• Digital salary slip 49

CommentsPUBLIC ACCOUNTANCY

• Certification of Social security system 2015 financial statements 52

FINANCIAL REGULATION

• The AMF recommendations for the 2010-2015 year-end under IFRS 56

ACCOUNTING RESEARCH

• About legitimacy of accounting standards 61

Certified public accountant diplomaTHESIS OF THE MONTH

• ISAE 3402 certification in accounting firm 66

WRITTEN TEST

• How to work on the written tests ? 68

REVUE MENSUELLE DES EXPERTS-COMPTABLESÉDITÉE PAR « ASSOCIATION EXPERTS-COMPTABLES SERVICES » Siret : 32474624700075 19, rue Cognacq-Jay 75007 Paris Tél.  : 01 44 15 95 95 - Fax  : 01 44 15 90 76Achats en ligne : http://boutique.experts-comptables.com

GÉRANTOlivier Salamito Secrétaire général du Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables

DIRECTEUR DE LA PUBLICATION Philippe Arraou

RÉDACTEUR EN CHEF Pierre-Alain Millot Président du Comité des publications

RÉDACTRICE EN CHEF-ADJOINTE Dominique Nechelis

COMITÉ DE RÉDACTION F. Berthon, J.C. Boucher, P. Boyer, A. Chandioux, J. Dumont, E. Ferdjallah-Cherel, P. Grafmeyer, R. Keravel, W. Nahum, J.C. Scheid

SECRÉTAIRE DE RÉDACTION Joelle Debonnaire

CHEF DE FABRICATION Catherine Licini

TARIFS DES ABONNEMENTS TTC 2016FRANCE ET ÉTRANGER• Membres de l’Ordre  : - 35 % 78 € Stagiaires et mémorialistes - 60 % 48 €• Non-membres de l’Ordre : France et Étranger 120 € Agences et librairies - 33 % 80,40 € Établissements d’enseignement - 50 % 60 € Adhérents FNECS   78 €Vente au numéro  14 €A retourner avec le règlement (par chèque à l’ordre de ECS) Revue Française de Comptabilité 15 rue de Mery – 60420 Menevillers

PROPOSITION D’ARTICLE À LA RFC Toute proposition d’article est à envoyer à : [email protected] sous fichier Word  ; l’article ne doit pas dépasser 24 000 signes et être accompagné d’une courte bibliographie.

Les articles publiés dans la présente revue sont rédigés sous la seule responsabilité de leurs auteurs et ne peuvent être considérés comme reflétant les positions du Conseil Supérieur de l’Ordre ou de la Compagnie des commissaires aux comptes. Malgré toute l’attention que nous portons à la réalisation de la revue, certaines ano-malies de fabrication peuvent apparaître. Si le cas se présente pour votre exemplaire, retournez-nous le numéro incriminé, nous vous en adresserons un autre par retour.

RÉGIE DE PUBLICITÉ APAR, 75 rue Carnot - 92300 Levallois-Perret Tél.  : 01 41 49 02 90 - Fax  : 01 41 49 02 99

Commission paritaire  : 0119 G 84154 Dépôt légal  : octobre 2016 ISSN 0484-8764Conception & réalisation  : ECS19, rue Cognacq-Jay 75007 Paris Tél.  : 01 44 15 95 95 - Fax  : 01 44 15 90 76

IMPRIMERIEFabrègue / 87500 Saint Yrieix la Perche

COUVERTURE © DROITS RÉSERVÉSGratte-ciel©fotolia

ANNONCEURS• EXACT  : 2e de couverture• MUTUALIA  : 3e de couverture• KLESIA : 4e de couverture• AG2R : p. 31 • SAGE : p. 35 • LEXISNEXIS : p. 39• MUTUELLE GÉNÉRALE : p. 43 • GROUPE REVUE FIDUCIAIRE : p. 55

Page 5: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

Revue Française de Comptabilité Octobre 2016 N° 502 3

éclairage commissariat aux comptes

Guide d’application relatif aux services autres que la certification des comptes pour les EIP

Les textes 2 permettent aux EIP de confier à leurs commissaires aux comptes la réalisation de services

autres que la certification des comptes dès lors que certaines conditions sont remplies. Notamment, ces prestations ne doivent pas appartenir à la liste des services interdits éta-blie en application de l’article 5 du règlement européen, complétée des services interdits affectant l’indépendance du commissaire aux comptes qui seront énoncés dans le code de déontologie 3. Le guide précise que les services de certifica-tion des comptes comprennent « l’ensemble des travaux non détachables de la certifica-tion, c’est-à-dire tous les travaux nécessaires à l’émission des rapports de certification sur les comptes et des rapports ou attestations devant être mis à disposition de l’assem-blée générale ordinaire d’approbation des comptes ». Les services autres que la certifi-cation des comptes comprennent : • les services requis par les textes, tels que les

rapports sur les opérations sur le capital ou des travaux relatifs à une note d’opération ou à un prospectus,

• les autres services (fournis à la demande de l’entité mais non requis par un texte).

Procédure d’approbationLe comité d’audit de l’EIP doit approuver la fourniture de tout service autre que la certifi-cation des comptes rendu par le commissaire aux comptes ou les membres de son réseau à l’EIP, ainsi qu’aux entités contrôlant cette EIP ou contrôlées par cette EIP. La procédure s’applique que les services soient rendus en France ou à l’étranger. Le guide propose un dispositif pour répondre aux exigences relatives à cette procédure d’approbation.

Le guide propose trois schémas d’approba-tion : • une procédure d’approbation globale et

formelle pour les services autres que la cer-tification des comptes requis par les textes. Cette approbation serait donnée par le comité d’audit au début de chaque exercice ou pour la durée du mandat du commissaire aux comptes (approbation requise par les textes alors que le comité d’audit n’a pas la faculté de les désapprouver) ;

• une procédure d’approbation préalable par nature pour les services autres que la certification des comptes habituellement fournis. Le guide présente en annexe une liste indicative de ces services « sans inci-dence sur l’indépendance des commissaires aux comptes ». Il s’agit notamment des ser-vices correspondant aux anciennes normes d’exercice professionnel, entrant dans le cadre de diligences directement liées à la mission de commissaire aux comptes 4 (audit, examen limité, attestations, constats à l’issue des procédures convenues, consultations, prestations rendues lors de l’acquisition ou de la cession d’entités, consultation sur le contrôle interne, pres-tations relatives aux informations sociales et environnementales), ainsi que de ser-vices tels que l’établissement d’une lettre de confort dans le cadre d’opérations de marché ou d’un rapport d’assurance sur des processus de contrôle interne. Le comité d’audit pourrait fixer des seuils ou établir des distinctions par zones géographiques par exemple ;

• une procédure d’approbation préalable individuelle pour les services non habi-tuellement fournis (pour lesquels la CNCC mettra en place un Observatoire de la nature des prestations).

Pour l’approbation par nature, le guide propose que le comité d’audit se prononce au vu d’une confirmation du commissaire aux comptes confirmant que la mission est conforme à l’annexe du guide. Pour l’approba-tion individuelle, la décision du comité d’audit se ferait notamment au vu d’une confirmation du commissaire aux comptes documentant son analyse sur la possibilité de réaliser la mission. Un exemple de formulaire de confirmation du commissaire aux comptes figure dans le guide.

Points d’attentionLe guide fournit des précisions en ce qui concerne les cas où : • le service autre que la certification des

comptes est fourni à une société contrôlante ou contrôlée située hors de France 5 ;

• le service autre que la certification des comptes est fourni dans un groupe compre-nant plusieurs EIP dotées d’un comité d’audit (en l’état actuel des textes, l’approbation doit être donnée par chaque comité d’audit 6).

Le Département des Marchés Financiers de la CNCC et les représentants des entreprises 1 ont publié un guide visant à aider les entités d’intérêt public (EIP) et leurs commissaires aux comptes à appréhender les nouvelles règles relatives à l’approbation des services autres que la certification des comptes.

Notes1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa.

2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée en droit français par l’ordonnance n° 2016-315 du 17 mars 2016.

3. Le guide précise que la publication du code révisé de déontologie de la profession de commissaire aux comptes devrait intervenir à l’automne 2016.

4. Nep 9010 à Nep 9090.

5. un amendement proposé par le gouvernement a été déposé pour supprimer la portée extraterritoriale des interdictions de services autorisés dans d’autres pays.

6. un amendement a été proposé dans le cadre du projet de loi sapin 2 pour permettre de centraliser la procédure d’approbation au niveau d’un seul comité.

Par Isabelle Tracq-Sengeissen,Direction technique EY

et Emilie Poitau,Direction technique EY

Page 6: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

4 Octobre 2016 N° 502 Revue Française de Comptabilité

Éclairage DROIT FISCAL

Fiscalité de la société civile de construction-vente (SCCV)

Principe fiscal 1

La construction en vue de la vente est une activité commerciale : les profits relèvent de l’IR dans la catégorie des BIC 2. En tant que société, la SCCV est en principe assujettie à l’IS 3. Par dérogation, la SCCV suit le régime fiscal de la société en nom collectif précisé à l’article 8 du CGI 4 ; elle est dite “semi-transparente“, ce n’est pas la société qui est imposée, mais l’associé selon son propre régime fiscal (IR ou IS), à proportion de ses bénéfices sociaux et non du capital 5.Le bénéfice du régime fiscal dérogatoire (IR ou lieu d’IS) ne s’applique que si la forme de la société est civile 6.La SCCV ne peut pas opter pour l’IS, mais elle y est assujettie si :• elle exerce une autre activité à caractère

industriel ou commercial 7, sauf exceptions (cf. infra)

• elle fournit des équipements mobiliers n’ayant aucun lien physique avec la construction (moquettes sur parquet, tableaux, tapisseries…) 8 et certains équi-pements mobiliers non incorporés au sens de l’article 525 du code civil, sauf sous certaines conditions restrictives 9.

Par exception, la SCCV peut exercer une activité commerciale tout en étant à l’IR :• si l’activité permet de mener à bien la vente

des immeubles construits 10. • si elle présente un intérêt direct pour la

réalisation de l’objet social 11.

Imposition des associés personnes physiques et moralesChaque associé est imposé selon son régime fiscal, à proportion des bénéfices sociaux.

Dès lors que la SCCV a vocation à vendre au profit d’une multitude d’acquéreurs, le bénéfice revenant à l’associé personne physique relève du régime des BIC et non des plus-values immobilières. Le bénéfice revenant à l’associé soumis à l’IS est imposé à l’IS

Notes1. CGI, art. 239 ter ; conditions d’application : BOI-BIC-CHAMP-70-20-100-10 ; portée du régime : BOI-BIC-CHAMP-70-20-100-20 ; obligations des sociétés : BOI-BIC-CHAMP-70-20-100-30.

2. CGI, art. 35-I-1° bis.

3. CGI, art. 206-2 al. 1er.

4. CGI, art. 239 ter ; BOI-BIC-CHAMP-70-20-100-10.

5. CGI, art. 8 ; BOI-BIC-CHAMP-70-20-100.

6. BOI-BIC-CHAMP-70-20-100-10, n° 340.

7. CGI, art. 34 et 35.

8. CE 27 sept. 1991, n° 110130.

9. BOI-BIC-CHAMP-70-20-100-10, n° 140.

10. CE 27 févr. 1989, n° 57066 : vente de mobilier équipant les parties communes.

11. CE, 28 janv. 1983, n° 28193 : vente d’un terrain en contrepartie de l’abandon d’une servitude de passage.

Par Henry Royal, Formations professionnelles et

ingénierie patrimoniale du chef d’entreprise

Exemple : Taux marginal d’imposition de l’associé personne physique : 45 %.Plus-value : 1 000 K€. Prix d’acquisition : 1 000 K€. Prix de cession : 2 000 K€.

* Imposition = impôt sur les plus-values + prélèvements sociaux + contribution sur les hauts revenus + surtaxe immobilière pour la plus-value des particuliers.

Le régime des plus-values immobilières des particuliers est le plus intéressant, mais il est inapplicable dès lors que les associés principaux de la société sont des professionnels immobiliers ou que la vente par lots est réalisée au profit d’une multitude d’acquéreurs (cf. infra).

On peut s’interroger sur l’intérêt du régime dérogatoire des BIC par rapport à l’IS ; en l’absence de distribution d’un dividende, l’imposition à l’IS permet de retarder la fiscalité.

Si les associés sont des personnes physiques qui choisissent l’IS dès la création de la société, sans retour possible, il convient d’écarter la forme juridique de SCCV :• d’une part, elle ne peut opter pour l’IS, • d’autre part, les associés sont indéfiniment responsables. On choisira donc une société de forme commerciale à l’IS, avec une responsabilité des associés limitée aux apports en capital.

Lorsque les associés sont pour une partie à l’IR et pour l’autre à l’IS, il est possible de choisir entre la proportion imposée à l’IR et celle à l’IS, dès lors que la libre répartition des droits financiers (dividende et boni de liquidation) entre les associés a été prévue dans les statuts.

Plus-value des particuliers1 000 000 €

322 125 €

BIC1 000 000 €

632 500 €

IS1 000 000 €

326 313 €Plus-value

Imposition *

Net 677 875 € 367 500 € 673 687 €

IR dividende 300 764 €

Net 372 923 €

Page 7: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

Revue Française de Comptabilité Octobre 2016 N° 502 5

Ainsi :• l’associé qui relève de l’IS est taxable à l’IS ;• l’associé qui relève de l’IR est passible de

l’IR :- dans la catégorie des BIC, lorsque les opé-

rations présentent un caractère habituel et spéculatif ;

- dans la catégorie des plus-values immobi-lières des particuliers, dans le cas contraire (profit non habituel ou non spéculatif).

Chaque associé est imposé à proportion de sa part dans le résultat. La loi autorise une répartition des bénéfices et des pertes dif-férente de celle du capital 12. Il est important de prévoir cette possibilité dans les statuts ; à défaut, la répartition entre associés doit être décidée à l’unanimité avant la clôture de l’exercice 13.

Associé personne morale à l’ISL’associé à l’IS déclare sa quote-part de résultat IS dans la SCCV 14 :• le bénéfice est imposé selon les règles de

l’IS : 15 %, puis 33 %• si l’associé à l’IS verse un dividende à un

associé personne physique, ce dernier est taxé à l’IR, après l’abattement de 40 % sur les dividendes.

Associé personne physiqueL’associé personne physique est imposé selon le régime des plus-values des particu-liers ou celui des BIC.n Plus-values des particuliers La plus-value immobilière est imposée au taux de 34,50 % 15, à laquelle s’ajoute une sur-taxe de 2 % à 6 % 16. Le délai entre l’acquisition et la vente étant le plus souvent inférieur à 5 ans, il n’y a pas d’abattement pour durée de détention.

n BICL’associé personne physique est imposé à l’IR. La vente d’immeubles ne bénéficie pas du régime favorable des plus-values profes-sionnelles applicables aux actifs immobilisés, car les immeubles construits en vue de la vente constituent non pas un élément de l’actif immobilisé, mais un stock immobilier.

n Régime fiscal applicableSelon l’article 150 U-I du CGI, les plus-values réalisées lors de la cession d’un terrain divisé en lots destinés à être construits, sont passibles de l’impôt sur les plus-values immobilières des particuliers, sous réserve de l’application de l’article 35 I-3° du CGI. Ce dernier précise que les personnes qui, à titre habituel, achètent des biens immeubles, en vue d’édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre, en bloc ou par locaux, relèvent des BIC pour l’application de l’IR.

Pour relever du régime des BIC, deux condi-tions cumulatives doivent être réunies :

• une intention spéculative appréciée au moment de l’acquisition et non au moment de la cession,

• les opérations sont réalisées de manière habituelle (nombre et fréquence des tran-sactions).

La SCCV ayant pour objet “la construction en vue de la vente“, l’intention spéculative est établie. • La condition d’habitude est remplie et le

régime des BIC est applicable :- quand les associés principaux de la

société exercent de leur côté une activité de vente immobilière 17 ;

- lorsqu’une vente par lots est réalisée au profit d’une multitude d’acquéreurs 18.

• La condition d’habitude n’est pas remplie et le régime des plus-values immobilières des particuliers est applicable lorsque :

- la SCCV réalise une opération unique au profit d’un seul acquéreur 19 ;

- la SCCV réalise une opération unique et que les associés ne se livrent pas eux-mêmes de façon habituelle à des opérations d’achat-revente 20.

Au plan juridique, la SCCV suit les règles applicables aux sociétés civiles, avec quelques dispositions particulières telles que l’obligation de chaque associé de répondre aux appels de fonds, avec pour sanction la vente publique des parts, et l’impossibilité d’attribuer des immeubles aux associés. Les statuts de la SCCV doivent impérative-ment préciser l’objet social de construction-vente, les obligations des associés en cas d’appel de fonds et les modalités de mise en vente des parts sociales en cas de défail-lance 21, ainsi que la responsabilité indéfinie des associés 22.

Notes12. C. civ., art. 1844-1 : « La part de chaque associé dans les bénéfices et sa contribution aux pertes se déterminent à proportion de sa part dans le capital social…, le tout sauf clause contraire ».

13. Cass. com., 18 déc. 2012, n° 11-27745 ; Cass. com., 19 avr. 2005, n° 02-13599 ; Cass. com., 26 mai 2004, n° 03-11471 ; BOI-BIC-CHAMP-70-20-10-20.

14. CGI, art. 238 bis K.

15. CGI, art. 150 U ; BOI-RFPI-TPVIE-20.

16. CGI, art. 1609 nonies G.

17. CE 26 déc. 2008 n° 308039, 308041 et 308049.

18. CE 24 juin 1987, n° 46519 ; CE 27 nov. 1970, n° 78679 ; CE 13 janv. 1965, n° 58064 ; CE, 21 avril 1958.

19. CE 26 décembre 2008, précités.

20. CE 23 juin 1993, n° 69587 : l’intention de revendre découle directement de l’objet de la SCCV, mais la condition d’habitude n’est remplie, dans le cas d’une SCI qui réalise une opération spéculative unique, que si les associés se livrent eux-mêmes de façon habituelle à des opérations d’achat-revente. Le fait que 3 associés détenant 20 % des parts sociales de la SCCV effectuaient à titre habituel des opérations immobilières, ne suffit pas à établir que la condition d’habitude était remplie : CAA Lyon, 3 déc. 1992, n° 90LY00837.

21. CCH, art. R 221-6 ; BOI-BIC-CHAMP-70-20-100-10, n° 350. Il est impossible d’insérer une clause statutaire qui limite la responsabilité d’un des associés.

22. CGI, art. 239 ter I.

DÉMEMBREMENT DE PROPRIÉTÉ : ASPECTS JURIDIQUES ET FISCAUXPrésenté sous forme de fiches, cet ouvrage intègre les connaissances fondamentales actualisées des règles juridiques et fiscales d’un démembrement de propriété, dispositif régi par des règles civiles et devant être utilisé avec précaution.

Chaque fiche correspond à un thème tel que : les modalités d’évaluation de l’usufruit et de la nue-propriété, les revenus fonciers, les droits d’enregistrement, les plus-values, l’ISF, etc.

À commander dès maintenant sur WWW.BOUTIQUE-EXPERTS-COMPTABLES.COM

Page 8: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

6 Octobre 2016 N° 502 Revue Française de Comptabilité

Éclairage DROIT PÉNAL

Les délits comptables du CGI

Délit de passation d’écriture inexacte ou fictiveL’article 1743-1° du CGI punit quiconque a sciemment omis de passer ou de faire passer des écritures ou a passé ou fait passer des écritures inexactes ou fictives au livre-journal et au livre d’inventaire prévus aux articles L 123-12, L 123-13 et L 123-14 du code de commerce, ou dans les documents qui en tiennent lieu, des mêmes peines qu’en cas de fraude fiscale (par renvoi à l’article 1741 du CGI), soit une amende de 500 000 € et un emprisonnement de cinq ans (portées à 2 000 000 € et 7 ans de prison en cas de fraude aggravée). Ce délit constitue, lorsqu’il est poursuivi prin-cipalement et non comme un des éléments ou l’une des circonstances aggravantes du délit de soustraction frauduleuse à l’établis-sement ou au paiement de l’impôt prévu par l’article 1741 du CGI, une infraction autonome, dès lors que se trouvent réunis ses éléments constitutifs et sans qu’il soit nécessaire que son auteur ait poursuivi la réalisation d’une fraude fiscale 1. Ce délit entre dans les prévisions de l’article L 228 du LPF et doit dès lors, faire l’objet d’une saisine préalable de la Commission des infractions fiscales, constituant ainsi une garantie pour le contribuable.Comme tout délit, l’administration doit démontrer, outre l’élément matériel de l’infrac-tion, l’élément intentionnel du délit de la part du contribuable ou du professionnel de la comptabilité.

Élément matérielSont sanctionnées les irrégularités comp-tables imputables aux contribuables soumis à la tenue d’une comptabilité. La Cour de cas-sation sanctionne les manquements suivants :

• absence de livres dont la tenue est obliga-toire : absence de livre-journal, de grand-livre, de livre de paie, de pièces justificatives des achats et des ventes, de registre des procès-verbaux d’assemblées générales, d’inventaire des stocks 2 ;

• inscription dans la comptabilité de factures de commissions injustifiées 3 ;

• comptabilité présentant les anomalies suivantes : défaut d’indication du mode d’encaissement des honoraires, absence de justification de certaines recettes, confusion quant à la nature des sommes transitant par les comptes mixtes du prévenu, crédits présentant la caractéristique de sommes séquestrées 4 ;

• contribuable qui ne respecte pas ses obli-gations comptables puisqu’aucune comp-tabilité probante n’a été présentée au titre d’une année (absence de comptabilité des recettes, double comptabilisation des frais professionnels) 5 ;

• dirigeant de société ayant reconnu enregis-trer en comptabilité de fausses factures 6 ;

• condamnation d’un dirigeant de société dès lors que le délit d’omission de passa-tion d’écritures reproché au prévenu est suffisamment établi par le procès-verbal de défaut de production de documents comptables obligatoires, rédigés par le vérificateur 7 ;

• condamnation d’un dirigeant aux motifs que la comptabilité n’a pas été jugée probante et qu’aucun document informatique répondant aux caractéristiques (réglementaires) n’a été produit, que la commission départementale des impôts directs et de taxes sur le chiffre d’affaires a considéré que la comptabilité de la société était non régulière et non probante et que le prévenu n’apporte aucun élément probatoire contraire aux contestations ci-

dessus et n’a pas poursuivi son action devant le tribunal administratif, s’étant désisté 8 ;

• comptabilisation de fausses factures d’achat caractérisant la passation d’écritures comp-tables inexactes ou fictives 9.

Élément intentionnelL’incrimination délictuelle impose de démon-trer le caractère intentionnel de l’auteur de l’acte. Des anomalies dans la tenue de la comptabilité de la société ne peuvent, en rai-son de leur importance et leur gravité, résulter d’erreurs involontaires, mais établissent suf-fisamment l’intention de fraude 10. L’absence des journaux auxiliaires de caisse, de banque, achat et opérations diverses rend irrégulière la comptabilité reprise au grand livre et au livre journal, et la répétition de ces absences, à chaque fois à cheval sur un exercice, jointe à la non-sincérité du livre d’inventaire, établit l’intention frauduleuse du prévenu 11. Les diri-geants sociaux peuvent être recherchés pour la commission de ce délit, sans pouvoir s’exo-nérer, au motif que la tenue de la comptabilité sociale relèverait de la seule compétence du comptable salarié de l’entreprise 12. A cet égard, la Cour de cassation a considéré que le délit d’omission d’écritures comptables est caractérisé, en tous ses éléments, notamment intentionnel, à l’encontre du prévenu à qui il

A côté du délit général de fraude fiscale, coexistent dans le CGI, deux délits spécifiquement comptables : l’infraction de tenue irrégulière de comptabilité (CGI, art. 1743-1°1°) et celle d’aide à la tenue d’une fausse comptabilité (CGI, art. 1772-1-1°). Ces délits s’appliquent autant aux experts-comptables inscrits qu’aux comptables officieux, c’est-à-dire ceux qui tiennent des comptabilités de manière illégale, souvent elles-mêmes dissimulées et révélées à la suite d’un contrôle.

Notes1. Cass. Crim., 3 décembre 1979, n° 79-90288.

2. Cass. Crim., 11 décembre 2002, n° 02-81655.

3. Cass. Crim., 20 septembre 2000, n° 99-81658.

4. Cass. Crim., 7 novembre 2001, n° 00-87900.

5. Cass. Crim., 21 février 2001, n° 00-82873.

6. Cass. Crim., 2 juin 1999, n° 98-80307.

7. Cass. Crim., 21 février 2001, n° 00-83634.

8. Cass. Crim., 22 septembre 2004, n° 04-81822.

9. Cass. Crim., 20 avril 2005, n° 04-85527.

10. Cass. Crim., 22 octobre 2003, n° 03-80242.

11. Cass. Crim., 10 septembre 2003, n° 02-86510.

12. Cass. Crim., 13 octobre 1986, n° 86-90179.

Par Didier Ury, 1er conseiller TACAA,

ancien élève de l’Ecole Nationale des Impôts

Page 9: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

Revue Française de Comptabilité Octobre 2016 N° 502 7

appartenait de s’assurer que la comptabilité était régulièrement tenue 13.

Tenue d’une fausse comptabilité pour autruiL’article 1772-1-1° du CGI punit d’une amende de 4 500 € et d’un emprisonnement de cinq ans, tout agent d’affaires, expert et toute autre personne qui fait profession, soit pour son compte, soit comme dirigeant ou agent salarié de société, association, groupement ou entreprise quelconque, de tenir les écritures comptables de plusieurs clients et qui est convaincu d’avoir établi ou aidé à établir de faux bilans, inventaires, comptes et documents, de quelque nature qu’ils soient, produits pour la détermination des bases des impôts dus par lesdits clients. Cet article autorise la condamnation d’un professionnel de la comptabilité 14 en qualité d’auteur principal de l’infraction constatée, outre une éventuelle condamnation comme complice d’une fraude fiscale et/ou complice de l’infraction de tenue irrégulière de comp-tabilité. L’article 1772-2 du CGI prévoit que les professionnels de la comptabilité, convaincus des délits visés à l’article 1772-1-1°, peuvent être déclarés solidaires de leurs clients pour réparer, en principal et pénalités, le préjudice causé au Trésor.

Caractérisation de l’infractionLes peines prévues à l’article 1772 sont applicables uniquement aux professionnels comptables tenant les écritures comptables de plusieurs clients. Ainsi, le comptable travail-lant comme salarié pour une seule entreprise n’est pas concerné par ces peines. En l’absence de constatations prouvant la volonté délictuelle du professionnel, seule l’amende fiscale prévue par l’article 1767 du CGI qui sanctionne le fait matériel en lui-même, peut être requise, à l’exclusion de toute sanction pénale, pour réprimer l’inexactitude des écritures comptables 15.Un professionnel comptable est convaincu d’avoir établi, en connaissance de cause, de

faux documents-bilans, comptes d’exploita-tion, comptes de pertes et profits : il avait en effet mis en garde à plusieurs reprises, le PDG de la société dont il tenait les livres, contre les dangers que présentait la fraude pratiquée qui consistait à prendre en compte, sous la dénomination “fournitures et travaux“ des rémunérations occultes, tout en continuant à participer à la mise en œuvre de la fraude 16.La volonté délictuelle d’un expert-comptable condamné en application de l’article 1772-1-1° du CGI pour avoir passé en frais, le montant d’une commission prétendument due à un intermédiaire qui n’existait pas, résulte du fait que postérieurement au dépôt des faux docu-ments, son employé avait tenté de faire croire au paiement effectif de ladite commission 17. L’expert-comptable qui a pris l’initiative de rédiger sciemment une fausse déclaration de destruction de matériel qu’il a fait signer par le dirigeant de la société, et qui a passé l’écriture comptable correspondante qu’il savait fausse, est reconnu coupable 18.En sus des sanctions prévues par le CGI, le professionnel de la comptabilité encourt des sanctions disciplinaires.

RécidiveL’article 1775 du CGI prévoit une sanction particulière en cas de récidive ou de plura-lité de délits constatée par un ou plusieurs jugements. Dans cette situation, la condam-nation prononcée en vertu de l’art. 1772-1-1° entraîne de plein droit l’interdiction d’exercer les professions d’agent d’affaires, de conseil fiscal, d’expert ou de comptable, même à titre de dirigeant ou d’employé et s’il y a lieu, la fermeture de l’établissement. Toute personne qui contrevient à cette interdiction, soit en exerçant la profession qui lui est interdite, soit en employant sciemment les services d’un tiers auquel l’exercice de la profession est interdite en vertu du présent article, est passible d’une amende de 18 000 € et d’un emprisonnement de deux ans au plus.

Le professionnel, affecté d’une mission de “lanceur d’alerte“Dans le cadre de son devoir de conseil, l’expert-comptable doit attirer l’attention de ses clients sur l’illicéité du comportement envisagé. Outre les règles déontologiques de la profession, la mission de mise en garde et de dissuasion est imposée par l’ordon-nance 1009-104 du 30 janvier 2009 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.

Ce texte impose une double obligation en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme :• l’article L 561-19 du code monétaire et

financier issu de cette ordonnance impose aux professionnels du chiffre et du droit de dissuader le client de réaliser une infraction ;

• l’article L 561-19, et l’article L. 561-15 du même code leur impose de porter à la connaissance de Tracfin les sommes ou opérations dont ils ont connaissance lorsque qu’ils soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une fraude fiscale.

La Cour de Cassation déduit la connaissance du caractère illégal des activités exercées par son client, de la compétence du professionnel tiers. Ainsi en a-t-il été d’un avocat, spécia-liste du droit des sociétés et des montages juridiques et fiscaux 19. Les professionnels sont donc investis d’une mission de lanceur d’alerte. Si un professionnel ne satisfait pas à celle-ci et qu’il est reconnu complice d’une fraude fiscale, outre les sanctions discipli-naires que peut lui infliger son ordre, il peut être condamné solidairement au paiement des droits éludés.

***Ce sont les agents de l’administration fiscale qui mettent en œuvre l’action pénale contre la fraude fiscale. L’objectif affiché de la DGFiP est de proposer au moins 1 000 plaintes pour fraude fiscale par an, à la Commission des infractions fiscales (CIF). Dans le cadre de la répression de la fraude fiscale, la recherche de la responsabilité d’un professionnel du chiffre en sa qualité de conseil de son client, contribuable indélicat, est très rare, comme celle d’un professionnel du droit (notaire, avocat…). S’agissant des conseils fiscaux et avocats, dans un contexte de durcissement de la lutte contre la fraude fiscale, la DGFiP marque la volonté d’user, en tant que de besoin, de la possibilité qui lui est offerte de mettre en cause un professionnel qui a appuyé son client dans un schéma d’évasion fiscale. Si cette action est rarissime, il demeure que récemment, à l’initiative du fisc, un tribunal correctionnel a condamné l’avocat de l’héritière de Nina Ricci, elle-même reconnue coupable de fraude fiscale et condamnée à trois ans de prison, dont deux avec sursis et un million d’euros d’amende, en raison de 18,7 millions d’euros cachés au fisc en Suisse, à payer solidairement les rappels d’impôts et les pénalités portés à la charge de sa cliente, et à un an de prison avec sursis et 10 000 euros d’amende.

Notes13. Cass. Crim., 5 août 1998, n° 97-83606.

14. La notion de “professionnel de la comptabilité“ s’entend ici largement et englobe les experts comp-tables comme les comptables exerçant illégalement.

15. Cass. crim, 4 février 1967.

16. Cass. crim, 21 février 1973.

17. Cass. crim, 15 mai 1961.

18. Cass. crim., 14 décembre 1981.

19. Cass. crim., 2 déc. 2009, n° 09-81088.

Page 10: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

8 Octobre 2016 N° 502 Revue Française de Comptabilité

éclairage EntrEprisE En difficulté

La procédure de conciliation

La conciliation est régie par les articles L 611-4 à L 611-16 du code de com-merce.

Cette procédure relève :• du tribunal de commerce : pour les

artisans, commerçants, sociétés commer-ciales, GIE, etc.

• du tribunal de grande instance : pour les professions libérales, et tous les autres cas où le demandeur ne relève pas de la compétence du tribunal de Commerce (associations, syndicats, comité d’entre-prise 1, etc.)

La décision d’ouverture de la conciliation doit être communiquée :• au ministère public,• au commissaire aux comptes (si obligation

d’un CAC),• à l’ordre professionnel dont relève le pro-

fessionnel libéral.

Le dirigeant peut proposer une conciliation, mais le juge reste libre d’accepter ou de refu-ser celle-ci. Lorsque le président fait droit à la requête, il fixe par ordonnance le nom du conciliateur, sa rémunération et la durée de la conciliation.

Mise en place de la conciliation

Dépôt d’une requêteLa requête déposée au Président du tribunal expose la situation économique, financière et sociale de l’entreprise, ses besoins de financement ainsi qu’éventuellement les moyens préparés pour y faire face.

Elle est accompagnée des documents sui-vants (C. com., art. R 611-22) :• un extrait d’immatriculation aux registres

et répertoires mentionnés à l’article R 621-8 ou, le cas échéant, le numéro unique d’identification ;

• l’état des créances et des dettes accompa-gné d’un échéancier ainsi que la liste des principaux créanciers ;

• l’état actif et passif des sûretés ainsi que celui des engagements hors bilan ;

• les comptes annuels, le tableau de finan-cement ainsi que la situation de l’actif réalisable et disponible, valeurs d’exploi-tation exclues, et du passif exigible des trois derniers exercices, si ces documents ont été établis ;

• une attestation sur l’honneur certifiant l’absence de procédure de conciliation dans les trois mois précédents la date de la demande ;

• une déclaration indiquant, le cas échéant, la prise en charge par un tiers des frais de la procédure demandée.

Le cas échéant, la requête doit préciser la date de cessation de paiement.

Choix du conciliateur Le débiteur peut choisir son conciliateur. Comme pour le mandat ad hoc, le président ne peut désigner un conciliateur dont la désignation ne lui a pas été proposée par le débiteur, qu’après avoir obtenu l’accord de

celui-ci sur les conditions de sa rémunération (C. com., art. R 611-47-1al 2).

Rémunération du conciliateurLa rémunération du conciliateur est désor-mais très encadrée par les dispositions de l’ordonnance du 12 mars 2014.

Les propositions d’honoraires faites par le conciliateur sur les conditions de sa rému-nération doivent être jointes à la demande de conciliation et transmises au ministère public. À défaut d’avis du ministère public, le président ne peut ouvrir la procédure de conciliation qu’après un délai de 48 heures après la transmission (C. com., art. R 611-47).

Après avoir recueilli l’accord du débiteur et l’avis du ministère public, le président du tribunal fixe, au moment de sa désigna-tion, les conditions de la rémunération du conciliateur, par ordonnance communiquée au ministère public. La rémunération ne peut être liée au montant des abandons de créances obtenus, ni faire l’objet d’un forfait pour ouverture du dossier (C. com., art. L 611-14).

La procédure de conciliation offre la possibilité à une entreprise qui ne se trouve pas en cessation de paiement depuis plus de 45 jours, de bénéficier d’un accord avec ses créanciers, afin de régler ou d’anticiper des difficultés juridiques, économiques ou financières. L’entreprise est assistée d’un mandataire ad hoc conciliateur.

Notes1. les agriculteurs ne peuvent bénéficier de la conciliation car ils sont soumis au régime particulier du règlement amiable agricole prévu aux articles l 351-1 et suivants du code rural (sauf s’ils exercent sous la forme commerciale).

Remarque :L’ouverture de la procédure de concilia-tion est accordée aux entreprises qui se trouvent dans un état de cessation de paie-ment relativement récent, depuis moins de 45 jours. Au-delà de 45 jours l’entreprise en cessation de paiement doit obligatoire-ment demander le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire. L’ouverture d’une procédure de sauvegarde n’est pas possible, lorsque l’entreprise est en cessa-tion de paiement.

Par Michel Di Martino, Expert-comptable,

Président du tribunal de commerce de Lons le Saunier,

membre du comité prévention du CSOEC

Remarque :Les conditions de rémunération de la mis-sion ayant pour objet l’organisation d’une cession partielle ou totale de l’entreprise sont fixées après avis du ministère public. Le président du tribunal arrête cette rémunération à l’issue de cette mission. Sa décision doit être communiquée au ministère public.

Page 11: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

Revue Française de Comptabilité Octobre 2016 N° 502 9

La décision qui prévoit le bénéfice de provi-sions au mandataire à l’exécution de l’accord peut préciser qu’elles seront allouées au terme de chacune des années de l’exécution de l’accord. Le montant annuel de la provi-sion est fixé par ordonnance communiquée par le greffier au ministère public. (C. com., art. art R. 611-52)

Confidentialité La confidentialité de la procédure de conci-liation est confirmée par l’article L 611-15 (comme pour le mandat ad hoc). Toute personne qui est appelée à la procédure de conciliation ou à un mandat ad hoc, ou qui par ses fonctions en a connaissance est tenue à la confidentialité. La confidentialité du mandat ad hoc et de la conciliation

s’impose également aux tiers qui doivent la respecter, sous réserve, qu’elle ne contribue à la nécessité d’informer le public, sur une question d’intérêt général 2.

Fixation de la date de cessation de paiementConformément à l’article L 631-8 du code de commerce, la date de cessation de paiement ne peut être reportée à une date antérieure à la décision définitive qui a homologué un accord amiable, sauf fraude. En clair, si la procédure de conciliation aboutit et qu’un accord amiable est conclu, la décision définitive du tribunal homologuant l’accord bénéficie d’une autorité de la chose jugée : le tribunal ne peut décider de reporter la date de cessation des paiements avant cette décision, s’il devait ouvrir ultérieurement une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

En revanche, la décision qui a ouvert la procédure de conciliation n’a pas, en cas d’échec, autorité de la chose jugée quant à la date de cessation des paiements 3. Ainsi, l’ouverture de la procédure de conciliation n’empêche pas le report de la date de ces-sation des paiements.

Durée de la conciliation La durée de la conciliation ne peut dépasser 5 mois.• Toutefois, si une demande de constatation

ou d’homologation a été formée avant l’expiration de cette période, la mission du conciliateur et la procédure sont pro-longées jusqu’à la décision du président du tribunal (accord constaté) ou du tribunal (accord homologué) (art L. 611-6).

• De plus, une nouvelle procédure ne peut être ouverte dans les 3 mois suivant la fin de la mission du conciliateur, ceci afin d’évi-ter que celle-ci ne se prolonge à l’excès, alors qu’une procédure collective serait peut-être plus adaptée.

Ce délai de 5 mois étant parfois trop court, il peut être judicieux de débuter une procédure de mandat ad hoc pour se donner le temps de négocier un accord avec ses créanciers et de terminer ensuite par une procédure de conciliation (souvent homologuée).

Il n’est pas interdit de faire suivre une conci-liation d’un mandat ad hoc, afin de finaliser celle-ci, lors d’une deuxième conciliation ou de demander l’ouverture d’une sauvegarde après un mandat ad hoc ou une conciliation, à la condition toutefois de ne pas être en cessation de paiement.

Droit d’information du président du tribunalAprès ouverture de la procédure de conciliation, le président du tribunal peut, nonobstant toute disposition législative ou réglementaire contraire, obtenir communi-cation de tout renseignement lui permettant d’apprécier la situation économique, finan-cière, sociale et patrimoniale du débiteur et ses perspectives de règlement, notam-ment par les commissaires aux comptes, les experts comptables, les notaires, les membres et représentants du personnel, les administrations et les organismes publics, les organisme de sécurité et de prévoyance sociales, les établissement de crédit, les sociétés de financement, les établissements de monnaie électronique, les établissements de paiement, ainsi que les services chargés de centraliser les risques bancaires et les incidents de paiement. En outre, il peut charger un expert de son choix d’établir un rapport sur la situation économique, finan-cière, sociale et patrimoniale du débiteur.

Missions du conciliateur Le conciliateur peut être chargé, à la demande du débiteur et après avis des créanciers participants, d’une mission ayant pour objet (ord. 2014-326 du 12 mars 2014 portant réforme de la prévention des dif-ficultés des entreprises et des procédures collectives) l’organisation d’une cession partielle ou totale de l’entreprise, qui pour-rait être mis en œuvre lors d’une procédure de sauvegarde, de RJ ou de LJ ultérieure (C. com., art. L 611-7-al 1).

Accord de conciliation

Créanciers Les fournisseurs, administrations finan-cières, URSSAF, etc… peuvent accorder des remises de dettes, d’intérêts et de pénalités. Ils peuvent également abandonner tout privilège, hypothèque ou autre garantie. Le débiteur ou le conciliateur peut saisir la Commission départementale des chefs des services financiers (CCSF), afin d’obtenir des délais et remise de dettes. La demande doit avoir lieu, sous peine de forclusion, dans le délai de 2 mois, à compter de la date d’ouverture de la procédure (C. com., art. D 626-12).

Les créanciers qui ne participent pas à l’accord de conciliation n’ont aucune obli-gation et contrairement à la procédure de

Notes2. cass. com. 15 décembre 2015, n° 14-11500.

3. cass. com. 22 mai 2013, n° 12-18509 ; cet arrêt permet de contrer l’utilisation de la conciliation par un débiteur, dans le but de bloquer la date de cessation de paiement.

Remarque : limitation de la prise en charge des honoraires du conseil du créancier par le débiteur Lors d’une procédure de conciliation, est réputée non écrite toute clause mettant à la charge du débiteur les honoraires du conseil auquel le créancier a fait appel dans le cadre de la procédure.L’arrêté du 25 juillet 2014 a limité aux trois quarts le montant des honoraires du conseil du créancier, pris en charge par le débiteur. La convention de prise en charge des honoraires doit être portée à la connaissance du juge par le débiteur. Les honoraires mis à la charge du débiteur doivent préalablement être visées par le créancier (C. com., art L. 611-16 al 2).

Lorsque la cession préparée dans le cadre de la conciliation est mise en œuvre après l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judicaire par la même personne en exécution du mandat de justice qui lui a été confié par la juridiction qui a ouvert cette procédure collective, la rémunération n’est due qu’au titre de ce dernier mandat.

Page 12: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

10 Octobre 2016 N° 502 Revue Française de Comptabilité

éclairage EntrEprisE En difficulté

sauvegarde ou de redressement judiciaire, il n’y a pas d’arrêt des poursuites individuelles et des voies d’exécution pendant la procé-dure de conciliation. Toutefois, pendant la durée de son exécution, l’accord constaté ou homologué interrompt ou interdit toute action en justice et arrête ou interdit toute poursuite individuelle sur les meubles ou immeubles du débiteur, dans le but d’obtenir le paiement de créances qui font partie de l’accord de conciliation (C. com., art. L 611-10-1).Les intérêts échus de ces créances ne peuvent plus produire d’intérêts et ce, nonobstant les dispositions de l’article 1343-2 nouveau du code civil (C. com., art L 611-10-1).De plus certains créanciers pourront être soumis aux délais de l’article 1343-5 du code civil 4, dans certains cas :• poursuite par un créancier en cours de

procédure de conciliation : au cours de la procédure, le débiteur mis en demeure ou poursuivi par un créancier peut deman-der au juge qui a ouvert la conciliation de bénéficier de l’article 1343-5 du code civil (C. com., art. L 611-7 al. 4) ;

• poursuite par un créancier durant l’exé-cution de l’accord de la conciliation : si durant l’accord de conciliation, le débiteur est mis en demeure ou poursuivi par l’un des créanciers appelés à la conciliation afin d’obtenir le règlement d’une créance qui ne fait pas partie de l’accord, le juge de la conciliation peut également, sur demande du débiteur, appliquer les dis-positions de l’article 1343-5 du code civil. Ces dispositions ne sont pas applicables au Trésor Public, Urssaf et Assedic (C. com., art. L 611-10-1 al. 2).

Est réputée non écrite toute clause qui modifie les conditions de poursuite d’un contrat en cours, en diminuant les droits ou en aggravant les obligations du débiteur, du seul fait de la désignation d’un mandataire ad hoc ou de l’ouverture d’une procédure de conciliation ou d’une demande formée à cette fin (C. com., art. L 611-16 issu de l’ordon-nance du 12 mars 2012 5). Cette disposition interdit par exemple le déclenchement de la clause de déchéance du terme d’un emprunt, lors du recours à une procédure de prévention.

Conciliation et code des assurances L’article L 132-23-al 4 du code des assu-rances prévoit la faculté de rachat de cer-

tains contrats dans la limite de 20% de leur valeur, dans les cas suivants :• liquidation judiciaire d’un travailleur non

salarié,• toute situation justifiant ce rachat, selon le

présidant du tribunal de commerce auprès duquel il a été accordé une procédure de conciliation, conformément à l’article L 611-4 du code de commerce.

Le président en effectue la demande avec l’accord de l’assuré-débiteur et le contrat doit prévoir la faculté de rachat.

Accord constatéLorsque l’accord est conclu, le président constate celui-ci par ordonnance et lui donne force exécutoire. L’accord et ses annexes qui restent confidentiels sont déposés au greffe. Seules les parties signa-taires de l’accord peuvent en demander copie. La décision de constatation de l’accord par le président met fin à la pro-cédure de conciliation. Cette décision ne fait l’objet d’aucune publicité ni d’aucun recours.

Accord homologué À la demande exclusive de l’entreprise, l’accord peut être homologué par juge-ment du tribunal. Le premier handicap de l’homologation est sa publicité. L’accord homologué peut être transmis au commis-saire aux comptes s’il en existe un. Le comité d’entreprise ou à défaut les délégués du personnel sont informés par le débiteur du contenu de l’accord lorsque l’homologation est demandée.

L’homologation est subordonnée à trois conditions :• le débiteur ne doit pas être en cessation de

paiement ou l’accord conclu doit y mettre fin ;

• les termes de l’accord doivent être de nature à assurer la pérénité de l’activité de l’entreprise ;

• l’accord ne doit pas porter atteinte aux

intérêts des créanciers qui n’ont pas par-ticipé à l’accord (C. com., art L 611-8-11).

L’homologation est souvent exigée par les banques et établissements de crédit, en contrepartie de nouveaux apports financiers effectués, et afin de pouvoir bénéficier du privilège de “new money“.L’accord homologué entraîne de plein droit la levée de toute interdiction bancaire.

La résolution judiciaire de l’accord constaté ou homologué a pour conséquence l’annu-lation des remises et des délais accordés. Les dettes redeviennent exigibles en tota-lité et la caution sera de nouveau tenue au cautionnement initial, sans remise.

Privilège de “new money“La loi accorde un régime de faveur à deux catégories de créanciers qui acceptent d’aider une entreprise en difficulté, dans le cadre d’un accord de conciliation, homolo-gué par le tribunal :• les apporteurs d’argent (les banques

principalement),• les personnes qui fournissent un nouveau

bien ou service.

Dans le but de contribuer à la poursuite de l’activité de l’entreprise, ses créanciers bénéficieront d’un privilège de paiement sur toutes les autres créances, nées avant

Notes4. le nouvel article 1343-5 du code civil remplace les anciens articles 1244-1 à 1244-3 et donnent pouvoir au juge de reporter ou d’échelonner les sommes dues sur une durée de 24 mois (délai de grâce).

5. le texte de l’ordonnance a repris mot pour mot la jurisprudence de la cour de cassation, dans le cas d’un contrat en cours dans un rJ : cass. com. 14 janvier 2014.

Exemple : Un travailleur indépendant titulaire d’un contrat de 250 000€ pourra bénéficier, avec l’aide du président du TC, d’un rachat d’une valeur de 250 000 x 20% = 50 000 €.À noter que certains assureurs, dans leur contrat, permettent le rachat de la totalité du contrat. Le débiteur doit consulter son contrat.

Remarque : le sort des cautionsLes coobligés, les cautions, les personnes qui ont consenti une sureté personnelle ou une garantie autonome, ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie, peuvent se pré-valoir des dispositions de l’accord constaté ou homologué (C. com., art. L 611-10-2). Les cautions peuvent également, comme le débiteur, se prévaloir du délai de 24 mois de l’article 1343-5 du code civil (C. com., art. L-611-10-2).Le dirigeant-caution se voit donc accorder par la loi les mêmes avantages (remises et délais) que ceux consentis à l’entreprise qu’il a cautionnée.

Page 13: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

Revue Française de Comptabilité Octobre 2016 N° 502 11

l’ouverture de la conciliation. Ce privilège viendra dans tous les cas, après le super privilège des salaires et les frais de justice. Il s’appliquera en cas d’ouverture d’une procédure collective de l’entreprise sous accord de conciliation.

Pour bénéficier de ce privilège, l’accord de conciliation doit être homologué par le tribunal et le créancier “privilégié“ doit déclarer sa créance en mentionnant son privilège lors de l’ouverture de la procédure collective.

Les banquiers qui ont consentis de nou-veaux concours ne peuvent « sauf immixtion dans la gestion, fraude, ou prise de garan-ties disproportionnées » être poursuivis en responsabilité ou soutien abusif… (C. com., art. L 650-1 al 1er).

Un apport d’argent frais effectué à n’importe quel stade de la conciliation et non plus seulement dans l’accord homologué, pourra bénéficier du privilège d’argent frais (C. com., art. L 611-11 modifié). De plus, il est précisé que les créances bénéficiant du privilège « d’argent frais » ne peuvent être soumises aux délais du plan, mais traitées hors plan (C. com., art. L 626-20-3). Les créanciers bénéficiant du privilège de new-money ne peuvent faire l’objet de remises ou délais dans le plan, sauf acceptation (C. com., art. L 626-20).

Fin de la conciliationLe Président du tribunal dont la décision n’est pas susceptible de recours, met fin à la conciliation dans les cas suivants : • refus du dirigeant de suivre les recomman-

dations du conciliateur ;• demande du dirigeant de cesser la pro-

cédure ;• échec d’un accord avec les créanciers dans

le délai de 5 mois : le conciliateur présente sans délai un rapport au président du tribunal qui communique sa décision au ministère public (C. com., art. L 611-7 al. 6).

Le débiteur peut, après un délai de 3 mois, solliciter une nouvelle conciliation mais éga-lement demander, s’il n’est pas en cessation de paiement, l’ouverture d’une sauvegarde.• Si le débiteur était en cessation de paie-

ment depuis moins de 45 jours lors de la demande d’ouverture de la conciliation, celui-ci peut, au terme de la conciliation et après avoir préparé et négocié son plan avec ses créanciers, demander l’ouverture d’une sauvegarde accélérée ou d’une sauvegarde financière accélérée (C. com., art. L 628-1). Si lors de l’ouverture de la procédure de sauvegarde accélérée, il est établi que la date de cessation de paiement est antérieure à 45 jours, le ministère public saisit le tribunal, à l’effet de mettre fin à la procédure de sauvegarde accélérée (C. com., art. L 628-5).

• Si le débiteur est en cessation de paiement avéré depuis plus de 45 jours, il doit obli-gatoirement demander l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire. À défaut, le pré-sident du tribunal informera le ministère public sur la situation critique du débiteur. Au vu des informations communiquées, le ministère public pourra saisir le tribunal et demander l’ouverture d’un redressement judiciaire ou d’une liquidation judiciaire, le tribunal ne pouvant plus se saisir d’office (C. com., art L 631-3-1 et L 640-3-1). Notons également qu’une procédure collective peut être ouverte durant l’accord de conciliation. Elle met fin de plein droit à l’accord constaté ou homologué (C. com., art. L 611-12).

***Les délais attachés à la conciliation peuvent permettre à une entreprise d’éviter une procédure collective jusqu’à l’accord de conciliation et ce, pour une durée de 6 mois et demi après la cessation de paiement, à savoir :

date de cessation de paiement+ 45 jours (délai autorisé après la cessation de paiement)+ 5 mois (durée de la conciliation)

6 mois et 15 jours

Dans le cas d’une sauvegarde accélérée ou d’une sauvegarde financière accélérée enclenchée à l’issue de la conciliation, ce délai est augmenté de la période d’observa-tion applicable à chacune de ces procédures (respectivement 3 mois et 1 mois renouve-lable une fois).Soit un délai maximum de : • 9 mois et demi pour une sauvegarde

accélérée ;• 8 mois et demi pour une sauvegarde

financière accélérée.

Nous ne sommes pas loin de la durée de la période d’observation du redressement judiciaire et de la sauvegarde (12 mois), d’où un recours parfois abusif ou dilatoire à cette procédure amiable dont le ministère public est informé.

« L’ouverture d’une conciliation hors cadre légal est une perte de temps pour le sau-vetage de l’entreprise et peut causer un préjudice à l’entreprise, aux salariés et aux créanciers. En effet, le problème n’est pas traité dans sa globalité, mais reporté dans le temps par un artifice juridique tempo-raire » 6. Notes

6. christophe delattre, vice-procureur au tGi de Valenciennes..

Remarque :Sont exclus du privilège :• les apports de trésorerie par augmenta-

tion de capital ; • la consolidation d’un découvert ou la

restructuration d’une dette.Seuls y ouvrent droit les prêts, concours bancaires, découverts nouveaux etc. Les nouvelles avances en compte courant effectuées par les associés ouvrent égale-ment droit au privilège.

Remarque : Une assignation en redressement judiciaire durant une conciliation est irrecevable.

Page 14: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

12 Octobre 2016 N° 502 Revue Française de Comptabilité

Éclairage SPÉCIFICITÉS COMPTABLES

Opérations de couverture en principes français :quels changements en 2017 ?

Le champ d’application du texte de l’ANC porte sur la comptabilisation des instruments financiers à terme

(instruments dérivés) et des opérations de couverture dans les comptes annuels des entreprises soumises au PCG.

Pourquoi un nouveau règlement ?Le PCG actuel traite des instruments dérivés et de la comptabilité de couverture de manière succincte. Il n’a pas été mis à jour depuis sa publication en 1982. Les dispositions sont regroupées dans quatre articles (PCG, 224-1 à 224-4) qui abordent de manière explicite uni-quement certains dérivés de taux. En pratique, les opérations sur le change et les matières premières sont aujourd’hui comptabilisées par analogie avec le risque de taux. Les opérations sur les instruments financiers à terme sont devenues courantes et parfois significatives pour certaines entreprises. Il convenait de sécuriser leur traitement comptable (couver-ture de matières premières, arrêt et reprise de couverture, etc.). Enfin, le nouveau règlement répond à la nécessité d’adapter le PCG aux nouveaux dérivés apparus depuis son éla-boration et apporte des réponses concrètes aux entreprises qui les utilisent en explicitant le traitement d’opérations devenues de plus en plus complexes.

Des évolutions dans un cadre stableL’objectif du nouveau règlement n’est pas de révolutionner la comptabilisation

des instruments financiers à terme et des opérations de couverture, ni de modifier la comptabilisation des opérations simples. C’est avant tout de définir des principes clairs et compréhensibles, adaptés aux problématiques actuelles et proportionnés à la complexité des opérations. C’est aussi de réaffirmer les principes fondamentaux du PCG :• principe de prudence ;• reconnaissance symétrique dans le compte

de résultat du risque couvert et des effets de la couverture ;

• juste valeur des dérivés non comptabilisée au bilan, sauf lorsque cela s’avère nécessaire pour assurer la symétrie des opérations ou traduire un risque pris par l’entreprise.

Cependant, le règlement de l’ANC apporte des précisions qui peuvent conduire à modi-fier certaines pratiques actuelles. Par ailleurs, le texte s’attache à mieux traduire les risques liés à certains dérivés ou opéra-tions de couverture complexes et à améliorer la pertinence de l’information fournie en annexe sur les stratégies de couverture.

Réaffirmation du lien entre comptabilité et gestionEn application du nouveau règlement, une opération de couverture consiste à mettre en relation un élément couvert et un instrument de couverture avec pour objectif de réduire le risque d’impact défavorable de l’exposition couverte sur le résultat, les flux ou les capi-taux propres de l’entreprise.

Une opération de couverture est : • une opération qualifiée de couverture en

gestion ;• pour laquelle l’instrument de couverture et

l’élément couvert sont éligibles ; • l’instrument de couverture permet de

réduire le risque pour l’entreprise.

Ainsi, toute opération identifiée comme une opération de couverture en gestion doit être traitée comptablement comme telle, sauf si l’une des autres conditions n’est pas respectée. Dès lors, cela permet d’assurer la cohérence entre la comptabilité et la gestion financière de l’entreprise.

La notion de risque s’évalue en termes d’im-pact défavorable de l’exposition couverte sur le résultat, les flux ou les capitaux propres de l’entreprise, même si le risque n’est pas traduit comptablement en tant que tel (par exemple : couverture du risque de change sur les titres de participation).

Le critère de réduction du risque est présumé respecté lorsque les caractéristiques de l’ins-trument de couverture sont adossées à celles de l’élément couvert. Le critère de réduction du risque est également respecté si une com-pensation suffisante est démontrée entre les gains et pertes de l’instrument de couverture

Le règlement 2015-05 relatif aux instruments financiers à terme et aux opérations de couverture a été publié par l’Autorité des Normes Comptables (ANC) le 30 juillet 2015 1. Il est d’application obligatoire pour les exercices ouverts à partir du 1er janvier 2017, avec une application anticipée possible.

Notes1. Homologué par arrêté du 28 décembre 2015 et publié au JO le 30 décembre 2015.

Par Vincent Guillard, associé Mazars,

Doctrine Instruments financiers

et Mathieu Vincent, senior manager Mazars,

Treasury & Cash Management

Page 15: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

Revue Française de Comptabilité Octobre 2016 N° 502 13

et ceux liés au risque couvert (par exemple couverture sur la base d’un proxy).

Instruments de couverture éligiblesConstituent des instruments de couverture les instruments dérivés et les autres actifs et passifs dans les conditions suivantes :• Instruments financiers à terme (dérivés)

- instruments à terme fermes ou optionnels ;- combinaison d’instruments à terme fermes

ou optionnels ;- proportion d’instruments à terme fermes

ou optionnels (pourcentage du notionnel).• Autres actifs et passifs

- pour le risque de change ;- pour d’autres risques lorsque leur exposi-

tion compense celle de l’élément couvert (emprunt indexé sur l’or couvrant un stock d’or).

• Autres contrats- garanties contractées avec la Coface ou

tout autre organisme équivalent.

Les transactions matérialisant une garantie interne de taux, de matière première ou de change entre une centrale de trésorerie et une autre entité d’un même groupe, sont des instruments de couverture.

Une vente d’option crée un risque pour une entreprise dans la mesure où le bénéfice d’une évolution favorable du sous-jacent est donné à la contrepartie de l’option. En conséquence, les ventes d’options ne peuvent être qualifiées de couverture que dans des cas exceptionnels.

Le règlement prévoit également que la ges-tion des risques par une entreprise puisse évoluer dans le temps. Il est ainsi possible :• d’utiliser, pour couvrir un risque, un instru-

ment déjà existant ;• de mettre fin à une relation de couverture

de façon prospective, avant la maturité de l’instrument, si l’entreprise modifie sa stra-tégie financière relative à cet instrument.

Eléments couverts éligiblesLe règlement clarifie les éléments couverts éligibles :

• Elément existant - actif, passif ou engagement ferme

• Transaction future non encore matérialisée par un engagement si la transaction est définie avec précision et possède une probabilité suffisante de réalisation- la documentation de couverture doit pré-

ciser les flux couverts et la probabilité suf-fisante de réalisation doit être démontrée

- la probabilité suffisante de réalisation peut être appréciée de manière statistique en

cas de couverture d’opérations exposées à un même risque

- la couverture d’un appel d’offre par un contrat Coface est éligible (l’instrument de couverture reproduit exactement la contingence de l’exposition)

• Dérivé- un instrument financier à terme (actif ou

passif) peut être un élément couvert- par exemple, une centrale de trésorerie

peut documenter un dérivé avec une filiale en couverture d’un dérivé de sens inverse avec une contrepartie bancaire externe

Le texte introduit également les notions de groupe d’éléments couverts et de couver-tures partielles.

Comptabilité de couverture : mode de comptabilisation fondé sur le principe de symétrieLes principes généraux de comptabilisation sont les suivants :• les résultats latents et réalisés liés aux ins-

truments de couverture sont comptabilisés en résultat sur la durée de vie résiduelle de l’élément couvert, de manière symétrique au mode de comptabilisation de produits et charges, sur cet élément ;

• les variations de valeur des instruments de couverture ne sont pas reconnues au bilan, sauf si la reconnaissance en partie ou en totalité de ces variations permet d’assurer un traitement symétrique avec l’élément couvert ;

• le résultat de la couverture est présenté dans le même poste ou au minimum dans la même rubrique du compte de résultat (exploitation, financier, exceptionnel) que celui de l’élément couvert ;

• pour les éléments couverts pour lesquels les règles d’évaluation imposent de calculer une dépréciation (stocks par exemple), il

est tenu compte des effets de la couverture dans le calcul du montant des éventuelles dépréciations.

En cas d’arrêt de la relation de couverture, le principe de symétrie continue à s’appliquer :• La comptabilisation en résultat de la

performance accumulée de l’instrument de couverture est guidée par le rythme de comptabilisation des produits et des charges sur l’élément couvert.

• En conséquence, le dénouement d’un dérivé de couverture avec un impact cash est potentiellement sans impact sur le résultat de l’exercice en cas de maintien de l’élément couvert.

Contenu de la documentation de couvertureLe degré de précision de la documentation de couverture dépendra de la complexité de l’opération de couverture. Dans tous les cas, la documentation doit être le reflet de la gestion de l’entreprise et s’appuyer au maximum sur les documents de gestion interne.

Comptabilisation des instruments dérivés hors relation de couvertureLes instruments dérivés qui n’entrent pas dans une relation de couverture sont qualifiés de position ouverte isolée. Leur traitement comptable est identique pour l’ensemble des sous-jacents (taux, change, matières premières, etc.) et quel que soit le marché (marché organisé ou marché de gré à gré) :• les pertes latentes font systématiquement

l’objet d’une provision pour risque, alors que les gains latents ne sont pas pris en compte en résultat ;

• la valeur de marché de tous les dérivés en position ouverte isolée est comptabilisée au bilan afin de présenter l’exposition de l’entreprise.

Marché organisé ou de gré à gré

Résultat

Gain latent Non pris en compte

Perte latente Provisions pour risques par résultat

Résultat réalisé (gain ou perte)

Comptabilisation en résultat

Bilan

Primes ou soultes initiales

Comptabilisation au bilan par contrepartie cash

Variations de valeurComptabilisation au bilan par contrepartie

d’un compte transitoire au bilan

Page 16: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

14 Octobre 2016 N° 502 Revue Française de Comptabilité

Éclairage SPÉCIFICITÉS COMPTABLES

Ce traitement comptable est différent du traitement actuel. Aujourd’hui :• les plus-values latentes sur les instruments

négociés sur les marchés organisés sont enregistrées en résultat ;

• les instruments dérivés en position ouverte isolée ne sont pas systématiquement comptabilisés au bilan.

Comptabilisation des primes d’optionsDeux approches sont possibles pour analyser la prime d’une option, conduisant à deux traitements comptables différents :• la prime est constitutive d’un coût de por-

tage représentatif du temps qui s’écoule entre la souscription de l’option et sa maturité : elle est alors étalée en résultat sur la durée de la couverture ;

• la prime est constitutive du coût de la couverture : elle peut être constatée en résultat ou dans la valeur d’entrée au bilan de l’élément couvert, uniquement à la fin de la couverture.

La comptabilisation des primes d’options est un choix de méthode comptable réalisé par type de sous-jacent et de stratégie. L’entreprise doit indiquer clairement dans ses principes comptables en annexe son choix de méthode et s’y conformer pour toutes les transactions similaires. Cette option peut être différenciée par type de stratégie de couverture et par nature de risque couvert.

Meilleure traduction des risques liés aux opérations de couverturePour améliorer la traduction des risques liés aux opérations de couverture, la principale nouveauté apportée par le règlement est l’introduction de deux nouvelles catégories de relation de couverture : opérations de couverture avec optimisation sans prise de risque supplémentaire et opérations de couverture avec prise de risque.

Opérations de couverture avec optimisation sans prise de risque supplémentaireUne opération de couverture avec optimi-sation sans prise de risque supplémentaire est l’association :• d’une composante de couverture simple

permettant de réduire le risque ; et• d’une composante d’optimisation du

coût de la couverture, généralement en contrepartie d’une couverture imparfaite, mais qui n’entraîne pas une prise de risque supplémentaire pour l’entreprise.

L’absence de prise de risque supplémentaire pour l’entreprise s’apprécie à la date de mise en place de la relation de couverture. Elle est démontrée notamment s’il n’existe pas de scénario dans lequel l’entreprise paierait un montant sensiblement supérieur à celui qu’elle aurait payé avec un instrument de couverture standard parfaitement adossé ou à celui qu’elle aurait payé pour l’instrument couvert en l’absence de toute couverture.

Ces opérations sont comptabilisées comme des opérations de couverture simple, mais doivent faire l’objet d’une information dédiée en annexe.

Opérations de couverture avec prise de risqueUne opération de couverture avec prise de risque est l’association :• d’une composante de couverture simple

permettant de réduire le risque ; et• d’une composante de prise de risque sup-

plémentaire pour l’entreprise. Dans le cas où une entreprise émet un emprunt à taux variable indexé sur l’Euribor 3M, un exemple d’opération de couverture avec prise de risque serait un swap qui échange un taux fixe contre le taux variable Euribor 3M, avec un effet de levier si l’Euribor 3M dépasse 5 % (le taux de la jambe fixe du swap est multiplié par 3).

Deux traitements comptables sont pos-sibles pour ces opérations :

Le choix entre ces deux options est réalisé opération par opération, lors de la mise en place de l’opération de couverture avec prise de risque. L’option a été introduite pour tenir compte des contraintes opérationnelles liées à la décomposition du dérivé complexe (valorisation séparée des deux composantes notamment).La comptabilisation des instruments dérivés et des opérations de couverture est résumée dans le shéma page suivante.

Dispositions spécifiques pour la comptabilisation des couvertures de change

Comptabilisation des couvertures de changeEn matière de couverture de change, ce sont les principes généraux du nouveau règlement qui s’appliquent. Ainsi, le prin-cipe de reconnaissance symétrique dans le compte de résultat du risque couvert et des effets de la couverture est le principe fonda-mental de comptabilisation des opérations de couverture. Ce principe s’applique non seulement pour la reconnaissance des effets des couvertures dans le compte de résultat mais aussi dans la présentation des comptes :• les effets des couvertures doivent être clas-

sés en résultat, en fonction de la nature du sous-jacent. Le résultat de la couverture est présenté dans le même poste ou au mini-mum dans la même rubrique du compte de résultat (exploitation, financier, exception-nel) que celui de l’élément couvert. Ainsi, les impacts d’une couverture de change sur des flux opérationnels devront être comptabilisés en résultat d’exploitation, tandis que les impacts d’une couverture de change sur des éléments financiers devront être comptabilisés en résultat financier.

• Le principe de symétrie s’applique au bilan, lorsqu’un dérivé de change couvre une créance ou une dette : le dérivé est revalorisé en contrepartie des écarts de

conversion actif/passif venant ainsi équi-librer au bilan les écarts de conversion générés sur la créance/dette couverte.

Ces traitements comptables représentent un changement par rapport à la pratique actuelle des entreprises. De même, en réaffirmant de manière explicite que la comptabilisation au cours spot demeure la règle, le nouveau règlement remet en cause la pratique des entreprises qui valorisent en compte de résultat l’ensemble des opéra-

Comptabilisation de manière distincte des 2 composantes

(Option 1)

Absence de décomposition

(Option 2)

Principes généraux de la comptabilité de couverture

Comptabilisation de l’opération à l’origine et pendant toute sa durée en position ouverte isolée en totalité

L’entreprise doit indiquer dans l’annexe les raisons du choix de cette option

Principes généraux de comptabilisation des positions ouvertes isolées

Composante de prise de risque supplémentaire pour l’entreprise

Composante de couverture

Page 17: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

Revue Française de Comptabilité Octobre 2016 N° 502 15

tions en devises à un cours garanti. La valori-sation à un cours garanti n’est possible que si ce cours garanti correspond au cours effectif des dérivés mis en place ou au cours de la garantie de change effectivement accor-dée par l’entité du groupe qui centralise les opérations de couverture. A défaut, l’écart entre le cours garanti et le cours effectif des dérivés (ou garanties de change) a une incidence indue sur le résultat de change de l’entreprise à l’origine des demandes de couverture.

Traitement du report/déportTout comme pour les primes d’options, le nouveau règlement distingue deux approches pour analyser le report/déport sur le plan économique :• le report/déport est constitutif d’un coût

d’acquisition ou de transaction. Dans ce cas, pour les transactions futures, le report/déport est comptabilisé de manière symé-trique à l’élément couvert (pas d’étalement en résultat, présentation au sein de la même rubrique que l’élément couvert) ;

• le report/déport est une composante de taux d’intérêt constitutive d’un coût de por-tage, par nature financier. Dans ce cas, le report/déport est étalé en résultat financier sur la durée de la couverture.

La méthode comptable retenue sur le report/déport doit être cohérente avec celle relative aux primes d’option de change. En effet, l’option s‘appréhende par type d’élément couvert (par exemple, couverture de la valeur d’une immobilisation ou celle du chiffre d’affaires futur) et non pas par type d’instrument de couverture.

Position globale de changeDes précisions ont été apportées sur la position globale de change. Il s’agit d’une disposition comptable qui permet de limiter les provisions pour pertes latentes au risque net global découlant de la position de l’entre-prise, comme par exemple, sur un ensemble de dettes et créances libellées dans une même devise. La position globale de change n’est ainsi pas un substitut à la comptabilité de couverture, mais une base d’estimation de la provision pour risque de change.Le règlement apporte des précisions sur la position globale de change :• la position doit être élaborée devise par

devise ;• les opérations de couverture et éléments

couverts sont exclus de cette position ;• l’échéance des éléments inclus dans la

position doit être comprise dans le même exercice comptable ;

• seuls les “éléments réalisables“ sont inclus dans la position ;

• la position est utilisée uniquement pour la détermination de la provision ;

• une documentation appropriée doit être établie.

Dispositions spécifiques pour la comptabilisation des couvertures liées aux matières premières

Comptabilisation des primes et de l’écart entre le cours comptant et le cours à termeL’option ouverte pour le traitement des primes d’options est également ouverte pour la couverture des matières premières. En

revanche, en ce qui concerne les instruments dérivés à terme ferme sur matières premières, l’écart entre le cours comptant et le cours à terme n’étant pas composé exclusivement d’un écart de taux d’intérêt, il ne peut pas être étalé, contrairement à l’option offerte pour le report/déport des opérations de change à terme. L’écart entre le cours comptant et le cours à terme est donc intégré dans le coût des matières couvertes.

Notion de position globale pour les matières premièresLe règlement précise la notion de position globale sur matières premières. Il ne s’agit pas d’un mode de comptabilisation, mais d’une modalité de calcul de la provision pour perte latente sur certains contrats ou dérivés sur matières premières.

Les stocks sont évalués unité par unité (ou catégorie par catégorie) et l’éventuelle pro-vision peut être estimée sur la base d’une position globale documentée, afin de limiter les pertes à hauteur des gains latents. Cette provision sera comptabilisée sous forme de dépréciation des éléments d’actifs en perte latente et en provision pour risque pour le solde. Une information en annexe sera à apporter dans les principes comptables, au titre des modalités de dépréciation des stocks basées sur une position globale.

La position globale ne doit regrouper que des éléments “homogènes“ reflétant une même exposition économique et correspon-dant à la politique de gestion de la société. La position globale sur matière première doit respecter les contraintes suivantes :• elle est déterminée par catégorie de stock ;• elle inclut le stock et un ensemble de tran-

sactions dans les deux sens (engagements fermes futurs, dérivés en position ouverte isolée) ;

• elle ne comprend pas les transactions futures non matérialisées par un engage-ment ferme. Dès lors, les commandes sont intégrées ou non dans la position globale en fonction de leur caractère ferme ou conditionnel (si elles ne sont pas couvertes par ailleurs) ;

• les termes des éléments inclus dans la position globale doivent être compris dans le même exercice ;

• les opérations de couverture et les éléments couverts sont exclus de la position globale.

La valeur de la position doit être déter-minée contrat par contrat, par référence au prix qui serait obtenu à la date d’arrêté pour un contrat avec des caractéristiques identiques.

S’agit-il d’une opération de couverture avec prise

de risque ?

Si l’opération contient une composante d’optimisation : Catégorie optimisation

sans prise de risque (informations complémentaires en annexe)

ComptabilisationCouverture

ComptabilisationPosition ouverte isolée

L’entité souhaite-t-elle comp-tabiliser de manière séparée la composante prise de risque ?

Composantecouverture

Composanteprise de risque

Oui

Non

Non

Oui

Oui

Non

Le dérivé a-t-il été souscrit à des fins de couvertures ?

Page 18: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

16 Octobre 2016 N° 502 Revue Française de Comptabilité

Éclairage LES COMPTES D’UNE ENTITÉ

Société des Produits Marnier Lapostolle :une OPA qui révèle d’importantes plus-values latentes

Le bénéfice consolidé (11 M€ en 2015) est distribué aux trois quarts 3 et la société, totalement désendettée, dispose d’une

trésorerie nette de 32 M€. La masse salariale de la société mère s’est élevée à 15 M€ pour 285 salariés. Elle fait l’objet depuis mars 2016, d’une OPA amicale de la part de la société familiale italienne Campari-Milano SpA., 6e acteur mondial du secteur 4, au prix de 8 050 euros par action 5, payable exclusive-ment en numéraire, soit une valorisation de 684 M€ pour des capitaux propres de 142 M€.Les deux co-commissaires aux comptes ne font pas partie d’un réseau international. Il est proposé lors de l’arrivée à expiration d’un des deux mandats à l’issue de l’assem-blée générale 2016, de nommer en rempla-cement PricewaterhouseCoopers Audit 6, sous réserve de la réalisation de la condition suspensive du succès de l’offre publique d’achat initiée par Gruppo Campari, le 30 novembre 2016 au plus tard.

Principales données financières

Comptes consolidésLe groupe a choisi de présenter le compte de résultat par nature, le résultat global sous forme de deux états séparés et le tableau des flux de trésorerie consolidé, selon la méthode indirecte.Les produits des activités courantes de 151 M€ incluent 19 M€ de contributions 7 versées par Moët Hennessy USA Inc., distri-buteur exclusif des produits Grand Marnier aux Etats-Unis (jusqu’en 2015), enregistrés

en autres produits. Le chiffre d’affaires s’élève par différence à 132 M€, réalisé à seulement 7,6 % en France, et 72 % sur le continent Américain. Le résultat est donc particulièrement sensible à la variation du dollar : alors que les achats consommés ne représentent qu’un quart des produits et sont libellés en euros, le résultat opération-nel courant progresse de 9,3 % (malgré la baisse de 2 % du chiffre d’affaires en devises constantes), grâce à la hausse de 20 % du taux moyen de l’eurodollar.Le résultat financier est négatif de 3,4 M€, dont 2,9 imputables aux pertes de change constatées au Chili, lors de la conversion des emprunts en dollars US de la filiale 8, à la suite de la dévaluation de la devise de 17 % au cours de l’exercice 2015. Le résultat net est de 11,1 M€, après consta-tation d’une charge opérationnelle de dépréciation des actifs des vins Lapostolle au Chili, à hauteur de 2,6 M€, sur la base d’une évaluation effectuée par un expert indépendant, en accord avec la norme IAS 36 Dépréciation d’actifs.Les stocks (62 M€), les immobilisations corporelles (53 M€) et les créances clients (34 M€) représentent en cumulé, 63 % de l’actif. Le groupe a une trésorerie positive mobilisable, dans les 3 mois, de 56,5 M€.Au passif, les capitaux propres (142 M€) représentent aussi 63 % du bilan et les dettes financières (24,2 M€) sont constituées en majeure partie d’emprunts bancaires en dollars, au niveau de la filiale chilienne.L’activité a généré un flux de trésorerie de 18 M€ (alors qu’en 2014, la hausse du BFR

avait totalement absorbé la CAF) et au final, le groupe a augmenté sa trésorerie de 4 M€ (- 12 M€ en 2014).

Société mèreLa société mère réalise 83 % du chiffre d’affaires du groupe et 72 % du résultat net consolidé, distribué à plus de 100 % (dividende stable à 100 € par action depuis quatre ans, soit 8,5 M€).

Le résultat financier enregistre une dépré-ciation de 6,8 M€ sur les titres de sa filiale suisse Marnier Investissement, qui détient elle-même les titres des activités du groupe au Chili, à la suite d’une évaluation du vignoble Lapostolle par un expert indépen-dant.

Le résultat exceptionnel est une perte de 0,4 M€, résultant des dotations aux pro-visions réglementées, et notamment à la provision pour hausse des prix.

Les capitaux propres de la société mère (161 M€) sont supérieurs à ceux du groupe (142 M€), probablement en raison notam-ment des actions propres détenues qui s’élèvent à 14 M€.

En 2013, la discrète et familiale 1 Société des Produits Marnier-Lapostolle (SPML) a réalisé 93 % de son chiffre d’affaires de 132 M€ 2 à l’export, dont 60 % aux Etats-Unis, dans le domaine des spiritueux haut de gamme.

Notes1. Le public détenait 49,48 % du capital, mais seulement 36 % des droits de vote en AGO et 34 % en AGE

2. En hausse de 8 %, mais en diminution de 2 % à taux de change constants, en 2015.

3. Soit 100 % du résultat de la société mère.

4. Capitalisation boursière proche de 5 Mds€.

5. Pour un cours de 4 950 € au 31/12/2015, elle devient ainsi l’action la plus chère de la Bourse de Paris.

6. Par ailleurs “réviseur“ du groupe Campari depuis 2010, pour un montant d’honoraires de 2 420 K€ en 2015.

7. Cette contribution est fonction de la marge brute réalisée par Moët Hennessy USA.

8. Qui y exploite 358 ha de vignes.

Par Thierry Roy, IAE de Franche-Comté

Page 19: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

Revue Française de Comptabilité Octobre 2016 N° 502 17

Les engagements de retraite hors bilan, estimés par les actuaires à 24,7 M€, repré-sentent 15,3 % des capitaux propres.

Particularités comptables et juridiques

Contrat de travail des mandataires sociauxFeu le président du directoire 9 exerçait éga-lement les fonctions salariées de directeur commercial pour lesquelles il a perçu une rémunération de 423 K€ qui vient s’ajouter à celle, au titre de son mandat social, de 235 K€. Bien que le MEDEF et l’AFEP aient recom-mandé 10, concernant les sociétés cotées, de mettre un terme au contrat de travail des dirigeants qui cumulent contrat de travail et mandat social, le Comité des rémunérations, après avoir étudié la situation de la société et des mandataires sociaux, a conclu, en raison notamment de la grande ancienneté de l’exer-cice de leurs fonctions salariales dans l’entre-prise (1951 pour le président du directoire) qu’il ne lui semblait pas juste de supprimer les contrats de travail des dirigeants sociaux.

Opérations en devises et couvertures de changeLa variation de valeur de marché des instru-ments dérivés affectés à la couverture d’opé-rations commerciales (pour un montant de 78 M€) réalisées dans une devise autre que la monnaie fonctionnelle, est enregistrée :• en chiffre d’affaires pour la part efficace

de la couverture des créances inscrites au bilan, à la date de clôture ;

• en capitaux propres, en écarts de réévalua-tion, pour la part efficace de la couverture des flux de trésorerie futurs, ce montant étant transféré en chiffre d’affaires lors de la comptabilisation des créances et dettes objet de la couverture ;

• en résultat financier pour la part inefficace de la couverture.

En l’absence de relation de couverture, les variations de valeur de marché des instru-ments dérivés sont enregistrées en résultat financier.

Charge d’impôts La charge d’impôts comptabilisés (8,8 M€) correspond à 44,5 % du résultat comptable avant impôts (19,9 M€), pour un taux légal de 34,43 %. L’écart correspond principalement à l’incidence des résultats déficitaires et des différences permanentes.

Engagements de retraiteSPML a un passif de 24 M€, correspondant principalement à un régime de retraite à prestations définies (art. 39), géré en interne pour 281 bénéficiaires, et dont les droits ont été gelés au 31 mars 2005. Dans les comptes consolidés, la provision est donc chaque année, augmentée de la désactualisation (charge financière de 391 K€ en 2015) et diminuée du montant des presta-tions réelles versées (1 171 K€ en 2015), sous réserve des écarts actuariels 11 comptabilisés en autres éléments du résultat global. Ainsi, la remontée du taux d’actualisation, passé de 1,49 % à 1,98 % au 31/12/2015 (taux des obligations senior corporate de rating AA et de maturité >10 ans ; Source : IBOXX) s’est traduite par une diminution de 1 500 K€ du montant de la dette. A l’inverse, la forte baisse du taux sur l’année 2014 (passé de 3,17 % en 2013 à 1,49 % au 31/12/2014) avait provoqué une hausse des engagements de 5 247 K€.

Charges constatées d’avance La société mère détient un stock d’articles publicitaires non distribués à la clôture de l’exercice, constaté en charges constatées d’avance pour 363 K€.

Conséquences de l’OPA

Evénements postérieurs à la clôtureLe changement de contrôle va se traduire par des orientations de gestion différentes qui devraient être comptabilisées dans les comptes du 1er semestre 2016. En particulier, le groupe devra provisionner la retraite sup-

plémentaire afférente à la fonction salariée du président du Directoire qui, dans le cadre d’une gestion familiale avait manifesté son intention de rester aux commandes aussi longtemps que possible. Le passif corres-pondant, évalué au 31 décembre 2015, est de 3 300 K€ avant impôts.

Complément de prixLe prix de 8 050 12 euros par action Marnier Lapostolle (soit globalement 680 M€ pour des capitaux propres de 143 M€, soit 1 732 € par action) est assorti d’un éventuel complément de prix dans l’hypothèse de la conclusion de la vente de la villa Les Cèdres 13, située à Saint Jean Cap Ferrat, dont la valeur nette comptable s’élève à 5 M€, au plus tard le 30 juin 2021 14, ce qui peut expliquer que le cours actuel de la société (8 700 €) soit supérieur au prix de l’OPA.Le complément de prix sera égal à la diffé-rence entre (A) le prix de vente net et (B) 80 M€ (la valeur plancher 15), divisée par le nombre total d’actions composant le capital de SPML à la date du dépôt du projet d’OPA (soit 85 000 actions).Dans l’hypothèse d’un prix de vente de 300 M€, de frais d’intermédiaires de 5 % et d’un impôt sur le prix de vente (VNC négli-geable de 5 M€) de 34,43 %, le complément de prix sera d’environ 1 250 € par action.

Méthodes d’appréciation du prix de l’offre retenues Dans le cadre de l’approche multicritères de valorisation, les méthodes suivantes 16 ont été retenues par Bank of America Merrill Lynch : • transaction de référence sur le capital de

SPML ;• méthode des comparables boursiers,

notamment Rémy Cointreau et Pernod Ricard en France. Les multiples utilisés sont les ratios de Valeur d’entreprise (“VE“) sur Revenus (“VE/Revenus“) et sur EBITDA (“VE/EBITDA“), soit respectivement 3,73x et 14,1x ;

• méthode des transactions comparables, avec les mêmes multiples, soit respective-ment 3,3x et 17,7x ;

• approche par actualisation des flux de trésorerie futurs disponibles (“DCF“).

La valeur terminale de SPML a été estimée en se basant sur la méthode de Gordon-Shapiro avec un taux de croissance perpétuelle de 2,0 %, et un CMPC de 7,0 %.

A l’inverse, les méthodes suivantes n’ont pas été retenues, car jugées non pertinentes : actif net comptable 17, actif net réévalué et actualisation des dividendes futurs.

Notes9. Décédé le 20/10/2015 à 82 ans. C’est l’ancien “directeur général du directoire“ qui lui a succédé.

10. Recommandations Afep/Medef sur la rémunération des dirigeants mandataires sociaux de sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, octobre 2008.

11. Une variation de 0,25 % du taux d’actualisation impacte l’engagement de 700 K€.

12. Il prend en considération la valeur plancher de 80 M€ attribuée à la Villa Les Cèdres, soit 975 € par action.

13. Autrefois propriété du roi des Belges Léopold II, avant d’être rachetée en 1924 par Alexandre Marnier-Lapostolle, fondateur de Grand Marnier, elle est estimée à plusieurs centaines de millions d’euros.

14. Un comité de pilotage s’est vu confier la mission de conduire l’opération de cession, avec pour objectif de le vendre au prix le plus élevé et dans un délai le plus court possible.

15. Cette valeur ne fait pas l’objet de justification.

16. Voir notamment A. Schatt et T. Roy “Faut-il faire évoluer les méthodes d’évaluation des entreprises ?“, Revue Française de Comptabilité, n° 442, mars 2002, p. 28.

17. Car la valeur comptable des capitaux propres rend compte des apports en nature et en numéraire des actionnaires, ainsi que de l’accumulation historique des résultats de la société, et non de ses perspectives futures.

Page 20: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

18 Octobre 2016 N° 502 Revue Française de Comptabilité

éclairage mécénat

Ensemble pour le mécénat culturel

Les correspondants mécénat avocats à la rencontre de leurs homologuesEn juin 2016, le CNB a élaboré et adressé aux différents bâtonniers des 164 barreaux de France, un Vademecum du correspon-dant mécénat, destiné, dans le cadre de la mise en œuvre du Protocole, à guider les Ordres et les correspondants mécénat dans la conduite des actions des avocats, en faveur du mécénat culturel. Ce vade-mecum témoigne de l’investissement de la profession d’avocat pour la connaissance, la promotion et l’essor du mécénat culturel et précise le rôle du CNB, des barreaux et des correspondants Mécénat, dans leurs relations avec le Ministère, les DRAC et l’ensemble des acteurs territoriaux du mécénat, dont les correspondants mécénat désignés par le CSOEC.

Les correspondants mécénat avocats pour-ront œuvrer, en collaboration notamment avec les Correspondants mécénat experts comptables, à la diffusion d’informations et à la promotion du mécénat culturel auprès des entreprises et des particuliers. Les correspondants mécénat avocats identifieront les acteurs régionaux en matière de mécénat et prendront contact avec les structures existantes impliquées en ce domaine. Les avocats désignés correspondants mécénat seront donc amenés à rencontrer leurs homologues experts comptables et à œuvrer avec eux, dans l’intérêt général de notre patrimoine culturel national.

La place croissante du droit dans le marché de l’art

Cet engagement des avocats témoigne aussi du développement du droit dans le monde culturel, longtemps rétif au “juridique“, et dans lequel, jusqu’à récem-ment, seule comptait la parole donnée. La mondialisation du marché de l’art et sa financiarisation ont bouleversé les pratiques et amené le législateur et les professionnels du droit à s’intéresser à ce secteur. Comme le souligne Artprice dans son rapport annuel pour 2015 1, « le Marché de l’Art s’affirme depuis 16 ans comme une valeur refuge, face aux crises économiques et financières, avec des rendements conséquents et récurrents ». Une donnée significative : si le nombre de “consommateurs“ d’art était, après-guerre, d’environ 500 000, il est aujourd’hui évalué à 70 millions. Cette croissance concerne également l’industrie muséale qui s’enrichit de 700 nouveaux musées par an. Il s’est construit plus de musées entre 2000 et 2014 que durant tous les XIXe et XXe siècles.

Effet cumulé de ce développement et de la baisse des budgets publics dédiés à la culture, la France enregistre une multiplica-tion des appels au mécénat privé. Grâce au mécénat, et notamment aux souscriptions lancées, certains musées peuvent acheter des œuvres qu’ils n’auraient pas pu acquérir sans cet apport. C’est le cas, par exemple, de l’acquisition par le Musée du Louvre en 2015 de “l’Amour essayant une de ses flèches“, statue en marbre de Jacques

Saly, commandée en 1752 par la marquise de Pompadour, favorite de Louis XV, et présentée au Roi, le 11 août 1753. C’est aussi grâce à une opération de mécénat réussie auprès d’entreprises mécènes et de 4 500 donateurs individuels que la table de Breteuil, dite table de Teschen a pu, pour 12,5 millions d’euros, rejoindre l’aile Sully du musée du Louvre.

Notes1. http://imgpublic.artprice.com/pdf/rama2016_fr.pdf

Le Conseil National des Barreaux (CNB), instance représentative des avocats au niveau national, a signé le 19 novembre 2015 avec le Ministère de la culture et de la communication, un Protocole d’accord pour le développement du mécénat culturel. Similaire aux accords conclus depuis 2005 par le Ministère, avec le Conseil Supérieur de l’Ordre des experts-comptables, le Conseil Supérieur du notariat et les Chambres de commerce et d’industrie, ce Protocole vient combler un retard d’une dizaine d’années et permet aux avocats d’apporter leur contribution et leur savoir-faire à la promotion du mécénat culturel.

Par Anne-Sophie Nardon, Avocate,

Présidente de la Commission Droit de l’Art de l’ACE et experte

“Mécénat“ pour le CNB

Marie-Hélène Vignes, Avocate,

Membre de la commission Droit de l’Art de l’ACE

et Claire Maurice-Benhaim, Avocate,

Membre de la commission Droit de l’Art de l’ACE

Page 21: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

Revue Française de Comptabilité Octobre 2016 N° 502 19

Le dernier baromètre publié par l’Admical 2 a révélé le formidable développement et la professionnalisation du mécénat dans les entreprises françaises : la moitié des sociétés de plus de 250 salariés et un quart des PME sont aujourd’hui concernées, sans oublier les TPE qui, à elles seules, repré-sentent 72 % des mécènes. Quant au budget annuel consacré au mécénat d’entreprise, il est passé de 2,8 à 3,5 milliards d’euros, entre 2013 et 2015. Entre culture, patrimoine, sport, santé, urgence humanitaire, éduca-tion, recherche, environnement, biodiversité, etc., la liste des enjeux n’a cessé de s’étoffer et il est courant que l’action des entreprises mécènes conjugue plusieurs objectifs, en croisant par exemple les dimensions cultu-relle et solidaire.

Les entreprises ont bien compris qu’en dépit de la crise - à moins que ce ne soit précisément en raison de celle-ci - leur inves-tissement sur le terrain de l’intérêt général et de la solidarité constituait une opportunité à saisir. Loin de se cantonner aux simples dons financiers, les entreprises mobilisent dorénavant leurs ressources humaines, matérielles, logistiques et intellectuelles afin d’inscrire leur empreinte dans les multiples champs de la philanthropie. Elles n’hésitent plus à unir leurs forces dans des opérations de co-mécénat 3, voire à recourir au finan-cement participatif ou crowdfunding 4, lui aussi appelé à se développer dans le cadre du mécénat d’entreprise. Cette évolution a des conséquences en termes juridiques.

C’est la raison pour laquelle, dès la signa-ture du Protocole pour le développement du mécénat culturel, il a paru important de créer, au sein de la Commission Droit de l’art de l’ACE (Avocats Conseils d’Entreprises),

un groupe de travail chargé d’identifier les différentes questions juridiques et conten-tieuses suscitées par le mécénat culturel et auxquelles les avocats pourront répondre 5.

Les premiers travaux du groupe montrent que les contentieux sont divers et touchent à de multiples domaines du droit, fiscal, civil, et pénal, sans oublier le droit de la propriété intellectuel et le droit du patrimoine.

La diversité des variables juridiques et fiscalesPour que la démarche de mécénat soit créatrice de valeur en faveur de l’intérêt général comme de l’entreprise mécène, cette dernière doit être en mesure d’identifier l’ensemble des variables juridiques et fiscales de son projet, qu’il s’agisse de mécénat financier, en nature ou de compétence. La diversité et la singularité des partenariats constatés impose le recours à des montages contractuels variés (prêt, donation, acqui-sition, souscription, prestation de service, commande, production, mise à disposition de personnel…), dans le respect des règles propres à l’activité du mécène et du béné-ficiaire. Avant tout engagement, l’entreprise désireuse d’optimiser son action prendra conseil sur la qualification et la portée des obligations réciproques : sont-elles de moyen ou de résultat ? Quelles en sont la valeur et la nature ? Quelles sont les contreparties convenues ?

L’expérience montre aussi que les litiges surgissent régulièrement entre mécènes et bénéficiaires, lorsqu’il est mis fin au soutien de l’entreprise. Il importe donc d’anticiper également la durée, les responsabilités et modalités de rupture de l’engagement, ce qui implique que ce dernier fasse l’objet d’une convention rédigée avec soin.

La mise en valeur de l’opération qui est au cœur de la stratégie du mécène commande d’être vigilant sur les contreparties maté-rielles ou immatérielles escomptées, tant la frontière entre mécénat, parrainage et publicité s’avère ténue, et les possibilités de contrôle administratif réelles.

Par ailleurs, la propriété intellectuelle est souvent à l’œuvre dans le mécénat, puisque l’entreprise est amenée à communiquer, avec discrétion néanmoins, sur sa marque ou son logo, ainsi que sur les retombées de

l’opération qu’elle soutient. Or, il faut garder à l’esprit que le financement d’un événement ou d’une œuvre ne saurait à lui seul tenir lieu d’autorisation d’exploitation sur le site ou sur tout autre support de communication du mécène. Une convention devra donc être négociée pour fixer l’étendue et les modalités des droits du mécène, sur les réalisations protégées par la propriété intellectuelle, de même que pour utiliser l’image des personnes impliquées dans le projet et ce, quelle que soit leur qualité (artistes, sportifs, collaborateurs de l’entreprise, etc.).

Face à la diversité de ces questions juridiques et des contentieux potentiels, la présence de l’avocat, aux côtés des autres partenaires de l’entreprise et du particulier que sont les experts-comptables et les notaires, est donc décisive pour le succès du mécénat culturel en France.

La place du contentieux pénalLe développement spectaculaire du marché de l’art n’a pas échappé aux escrocs et la presse s’est fait récemment l’écho de plu-sieurs affaires de faussaires en matière artis-tique. La criminalité dans le monde de l’art, incluant les faux mais également le vol ou le trafic illicite, peut avoir des conséquences graves sur le mécénat culturel.

Imaginons ainsi une œuvre d’art acquise par un musée grâce à une opération de mécénat. Quelques années après, l’œuvre s’avère être un faux. Les questions qui se posent alors sont multiples et parfois inédites : quelles sont les possibilités d’action de l’institution muséale qui se retrouve avec une œuvre qu’elle ne peut plus exposer ? Risque-t-elle de voir sa responsabilité engagée par les mécènes qui pourraient lui demander de justifier des vérifications de provenance accomplies par le Musée, lors de l’acquisi-tion ? Les mécènes pourraient-ils voir les déductions fiscales qu’ils avaient obtenues à l’acquisition, remises en cause ? Pourraient-ils être remboursés, et si oui, par qui ?.

***C’est en réfléchissant en commun à l’ensemble de ces questions que les professionnels par-tenaires du Ministère de la culture et de la communication peuvent concourir au déve-loppement du mécénat culturel en France.

Notes2. Baromètre du mécénat d’entreprise en France admical/cSa, mai 2016.

3. Voir l’étude La philanthropie, de l’individuel au collectif, Observatoire de la Fondation de France, 13 juin 1016.

4. Le financement participatif est aujourd’hui encadré par l’ordonnance du 30 mai 2014.

5. Les membres du groupe de travail mécénat à l’acE sont Elyane armijon-Ribet (Lyon), Ophélie Dantil (clermont-Ferrand), Karine d’Oria (Paris), Pierre Henaff (Lyon), marine le Bihan (Paris), Dominique Lugand (Paris), claire maurice-Benhaim (Paris), anne-Sophie nardon (Paris), marie-Hélène Vignes (Paris).

Page 22: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée
Page 23: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

DOSSIERLoi TravailNégociation collective I Représentation du personnel I Durée du travail I Santé au travail I Licenciement économique

• Editorial 23

• Présentation des principales dispositions de la loi Travail du 8 août 2016 24

• La négociation collective après la loi El Khomri 26

• Impacts de la loi Travail sur les TPE-PME 32

• La représentation du personnel dans la loi El Khomri 36

• Durée du travail : quels changements pour les entreprises ? 40

• Licenciement économique et loi Travail : quels changements ? 44

• L’inaptitude du salarié rénovée par la loi du 8 août 2016 46

• Le bulletin de salaire numérique 49

Page 24: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée
Page 25: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

Revue Française de Comptabilité Octobre 2016 N° 502 23

Dossier Loi Travail EDITORIAL

Loi Travail : une nouvelle mission pour l’expert-comptable

La loi relative au travail, à la moder-nisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours profession-

nels du 8 août 2016 comporte de très nom-breuses dispositions, ayant pour objectif la refondation du modèle social français pour permettre aux acteurs économiques de s’adapter aux changements. La démarche de refondation est triple :

• une réécriture du code selon une nouvelle architecture en trois parties ;

• une réforme importante de la négociation collective ;

• la création du compte personnel d’activité pour protéger les actifs.

Elle contient de très nombreuses disposi-tions ayant des incidences pratiques pour les entreprises : durée du travail, congés, licenciement économique, négociation collective, compte personnel d’activité, bulletin de paie dématérialisé, visites médi-cales, inaptitude… autant de sujets que vous découvrirez dans ce numéro spécial de la RFC, sous la plume de spécialistes.

La loi Travail prévoit une nouvelle mission pour les experts-comptables, dans le cadre des dispositions relatives aux accords de préservation et de développement de l’em-ploi qui permettent d’adapter l’organisation de l’entreprise à ses variations d’activité, ce qui se substituera de plein droit aux clauses du contrat de travail, notamment en matière de durée du travail. Notre profession est ainsi investie d’une nouvelle mission légale pour assister les délégués syndicaux ou à défaut, les représentants élus ou les sala-riés mandatés, dans la négociation de cet accord d’entreprise.

C’est un grand honneur pour notre profes-sion d’être reconnue dans sa compétence en matière sociale et je me réjouis que l’action engagée depuis plus d’un an auprès des pouvoirs publics ait porté ses fruits. Les cabinets se doivent d’être à la hauteur de cette confiance, sans oublier l’intérêt majeur de nos clients. C’est pourquoi nous devons tous être parfaitement opérationnels, le plus rapidement possible.

L’Ordre accompagnera les cabinets sur ce sujet, comme il le fait à chaque évolution réglementaire importante. Une nouvelle édition du « Guide des missions de l’expert-comptable auprès des comités d’entre-prise », est disponible en téléchargement sur Bibliordre et le service de conseil en ligne de Conseil Sup’ Services sera étendu à la loi Travail dès le mois d’octobre 2016, ce qui vous permettra d’obtenir gratuitement des réponses à vos questions.

L’accompagnement des cabinets est la priorité des axes donnés à la mandature en cours du Conseil supérieur. Vos élus ont à cœur de vous être utiles afin que la profes-sion renforce, chaque fois que possible, sa position de conseil privilégié des entreprises

Notre périmètre évolue, notre profession change ... l’Ordre vous accompagne !

Par Philippe Arraou,Président du conseil supérieur de

l’Ordre des experts-comptables

Page 26: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

24 Octobre 2016 N° 502 Revue Française de Comptabilité

Dossier Loi Travail

Présentation des principales dispositions de la loi Travail du 8 août 2016

Dans sa méthode, la loi reprend les préco-nisations du Rapport Combrexelle, paru en septembre 2015, pour distinguer sur

chaque question, les mesures d’ordre public, les questions qui relèvent de la négociation collec-tive et enfin les mesures supplétives (sauf en matière de licenciement économique) 1. Elle se caractérise d’emblée par la création d’une com-mission composée d’experts et de praticiens des relations sociales, chargée de proposer aux pouvoirs publics des pistes de refondation du code du travail, dans un délai de deux ans, en respectant la distinction tripartite en question. Après la recodification à droit constant opérée il y a 10 ans et entrée en vigueur en 2008, l’ouvrage est remis sur le métier.

Sur le fond, la loi entérine souvent des solutions acquises en jurisprudence depuis parfois plus de 20 ans (en matière de licenciement pour motif économique, par exemple) ou adoptée par la Cour de cassa-tion ces dernières années, notamment en matière de durée du travail. Elle innove aussi sur d’autres points, en poursuivant des pistes déjà ouvertes.

Le présent dossier met l’accent sur les mesures essentielles de la loi qu’il est pos-sible de décliner ainsi.

Durée et temps de travail et congésAprès la loi Fillon de 2004 et la loi du 20 août 2008, la loi El Khomri accorde, en matière

de durée du travail, une primauté accrue à l’accord d’entreprise et offre davantage de souplesses en matière d’aménagement du temps de travail, sur une durée supérieure à la semaine. Sur la question des forfaits-jours, sérieusement encadrés par la Cour de cassation, elle renforce le contrôle de la charge de travail des salariés concernés tout en sécurisant les accords existants et en créant un droit à la déconnexion 2.

Les congés sont l’objet d’un certain nombre d’aménagements : outre la faculté de prendre les congés dès l’embauche et la suppression de la privation de l’indemnité de congés payés en cas de licenciement pour faute lourde, la loi augmente la période de protection dont bénéficie la salariée à l’issue du congé maternité et offre par ailleurs, la possibilité de négocier les jours fériés chômés.

Négociation collectiveLa loi Travail met en place des règles de négociation plus souples et renforce la loyauté de la négociation, tout en repen-sant les conditions de validité de l’accord collectif en posant le principe de l’accord majoritaire (avec une période transitoire et un champ d’application peu à peu élargi). Elle élargit quelque peu les possibilités de recourir au référendum.

Elle met en place un système de publicité des accords, en repense les modalités de révision, afin de mettre un terme aux incohérences

entre la loi et la jurisprudence, supprime les avantages individuels acquis, pour y substituer un maintien de la rémunération en cas de dénonciation des accords. Enfin, elle revoit l’articulation des accords entre le groupe et l’entreprise, ainsi qu’entre l’entre-prise et l’établissement 3.

Licenciement économiqueLa loi réécrit la définition du licenciement économique, (en puisant fortement dans les acquis jurisprudentiels), mais introduit des critères caractéristiques de difficultés économiques et revient sur l’obligation de revitalisation 4.

Santé au travailDiverses modifications ont été apportées aux modalités de constatation de l’inaptitude, à la procédure de contestation de l’avis médical, à l’obligation de reclassement et au licen-ciement du salarié inapte, tandis que le suivi médical des salariés est revu 5.

Sur les questions plus générales relatives à l’hygiène et à la sécurité, singulièrement le CHSCT, la loi contredit la solution jurispruden-tielle en matière d’expertise (indirectement censurée par le Conseil constitutionnel 6) et met fin à l’obligation pour l’employeur de financer une expertise CHSCT annulée par le juge.

Après un passage devant le Conseil constitutionnel qui l’a très légèrement censurée, la loi 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (dite loi El Khomri) attend un certain nombre de dispositions réglementaires d’application qui, selon le gouvernement, sont promises pour la fin de l’année.

Notes1. Voir A. Fages, “Rapport Combrexelle : quelles propositions pour les TPE-PME ?“, RFC n° 491, octobre 2015, p. 6.

2. Voir A. Fages, “Durée du travail : quels changements pour les entreprises ?“, dans ce dossier p. 40.

3. Voir B. Gauriau, “La négociation collective après la loi El Khomri“, dans ce dossier, p. 26.

4. Voir L. Beljean, “Licenciement économique et loi Travail“, dans ce dossier, p. 44.

5. Voir E. Jeansen, “L’inaptitude du salarié rénovée par la loi du 8 août 2016“, dans ce dossier, p. 46.

6. Cons. Const., déc. 2015-500, QPC du 27 novembre 2015 (Société Foot Locker France SAS).

Par Bernard Gauriau, Agrégé des facultés de droit,

Professeur à l’université d’Angers, Avocat au barreau de Paris

Page 27: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

Revue Française de Comptabilité Octobre 2016 N° 502 25

On constate par ailleurs une harmonisation du régime de la preuve du harcèlement moral et sexuel par rapport au régime applicable en cas de discrimination, tandis que la préven-tion des agissements sexistes est davantage prise en compte.

Enfin, le texte maintient la possibilité pour les employeurs de recourir à une décision unilatérale, faute d’accord de branche, pour imposer le versement d’un chèque santé à certaines catégories de salariés.

Compte personnel d’activitéLa loi crée le compte personnel d’activité (CPA), composé du CPF (compte personnel de formation), du C3P (compte personnel de prévention de la pénibilité) et du CEC (compte d’engagement citoyen). Elle en définit le régime quant aux bénéficiaires et quant à l’utilisation des droits.

Représentation du personnelDiverses mesures sont adoptées en faveur des représentants syndicaux et représentants du personnel. Notons une augmentation du nombre d’heures de délégation syndicale, la formation des intéressés et aussi la mise à disposition de locaux par les collectivités, entre autres mesures 7.

Mesures TPE/PMELa loi nouvelle ouvre la possibilité de négocier des accords types de branche directement applicable dans les PME, prenant ainsi en compte les difficultés à négocier que rencontrent les TPE et PME, faute de négociateurs et de représentation du personnel 8.

Bulletin de paye dématérialiséLe bulletin de paye électronique, introduit dans le droit français en 2009, était soumis jusque-là, à l’accord préalable du salarié. A partir du 1er janvier 2017, il pourra être remis sous forme électronique, par défaut. Un tel dispositif impose bien entendu que l’on s’entoure de diverses garanties. Il ne sera pas question que le bulletin de paie soit conservé, ni reçu sur une boîte mail et ce, pour des raisons de sécurité. Le bulletin de paie sera hébergé dans un espace sécurisé personnel auquel le salarié aura accès. Autrement dit, le document pourra être disponible sur cette plateforme numérique, voulue par le gouvernement, qui regrou-pera le compte personnel de formation et le compte pénibilité. Sa gestion en a été confiée à la Caisse des dépôts et consigna-tions. Ce dispositif s’avèrera probablement moins couteux pour les entreprises 9.

Droit à la déconnexionDéjà pratiqué par de grands groupes, le droit à la déconnexion est consacré dans la loi Travail et entrera en vigueur en 2017. Ce droit à la déconnexion vise à assurer le respect

des temps de repos et de congé, ainsi que de la vie personnelle et familiale du salarié.

DiversSoulignons enfin d’autres dispositions, pêle-mêle, d’importance variable : • l’introduction, après les accords de maintien

dans l’emploi, des accords « offensifs » pour la préservation et le développement de l’emploi ;

• la poursuite de la restructuration des branches professionnelles ;

• une redéfinition du critère d’audience fon-dant la représentativité des organisations patronales ;

• la création de l’Aide à la recherche du premier emploi pour les jeunes diplômés et apprentis (ARPE) ;

• des dispositions intéressant la formation professionnelle : compte personnel de for-mation, conseil en évolution professionnelle (CEP), apprentissage (nouveau transfert de taxe d’apprentissage à certaines régions) etc.

***Cette loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels constitue une loi de plus dans le millefeuille législatif. Au-delà des postures politiques et de l’instrumen-talisation dont elle a été l’objet, l’avenir dira comment cette loi sera appréciée : nourrira-t-elle les critiques contre un Code du travail volumineux ou favorisera-t-elle réellement le dialogue social ?

Notes 7. Voir C. Verdier et B. Denkiewicz, “La représentation du personnel dans la loi El Khomri“, dans ce dossier, p. 36.

8. Voir O. Cambray, “Impacts de la loi Travail sur les TPE-PME“, dans ce dossier, p. 32.

9. Voir B. Derangère, “Le bulletin de salaire numérique“, dans ce dossier p. 49.

LE CALCUL DES EFFECTIFS EN DROIT SOCIALLorsqu’une entreprise atteint certains seuils d’effectifs, il s’ensuit diverses obligations : élections professionnelles, règlement intérieur, versement mensuel des cotisations, formation professionnelle, versement transport, etc. La liste est longue…

La problématique est que, pour ces obligations, la méthode de calcul de l’effectif peut varier ; il faut répondre aux questions suivantes :• Comment décompter les salariés et notamment les CDD, salariés mis à disposition, VRP, mandataires

sociaux, salariés travaillant à l’étranger, etc. ?• Quel est le cadre d’appréciation de l’effectif à retenir (établissement, entreprise, UES ou groupe) ?• Sur quelle période faut-il compter l’effectif (six derniers mois, un an, en moyenne sur l’année ou à date

fixe) ?

Cet ouvrage récapitule de façon pratique, grâce à de nombreux tableaux, toutes ces règles, et vous permettra de répondre facilement à vos interrogations.

À commander dès maintenant sur WWW.BOUTIQUE-EXPERTS-COMPTABLES.COM

Page 28: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

26 Octobre 2016 N° 502 Revue Française de Comptabilité

Dossier Loi Travail

La négociation collective après la loi El Khomri

Assouplissement des règles de négociation et de révision et renforcement de la loyauté de la négociation

Méthode et calendrierLa loi 2016-1088 du 8 août 2016 modifie les dispositions générales applicables aux conventions et accords collectifs de travail, en s’appuyant sur les apports déjà réalisés par la loi Rebsamen 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi. Ainsi par exemple, doivent-ils déterminer les thèmes, la périodicité et la méthode de négociation à suivre. Est généralisée la possibilité de définir le calendrier des négociations, y compris en adaptant les périodicités des négociations obligatoires pour tout ou partie des thèmes, dans la limite de :• trois ans pour les négociations annuelles, • cinq ans pour les négociations triennales,• sept ans pour les négociations quinquen-

nales.

Cette possibilité de modifier la périodicité de la négociation annuelle sur l’égalité pro-fessionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail mentionnée à l’article L 2242-8 du code du travail n’est ouverte qu’aux entreprises déjà couvertes par un accord ou un plan d’action sur l’égalité professionnelle. Toutefois, une organisation signataire peut, pendant la durée de l’accord, formuler la demande que la négociation sur les salaires soit engagée. Le thème est alors sans délai mis à l’ordre du jour.

Par référence au principe de loyauté contrac-tuelle, une convention ou un accord collectif

peut définir la méthode permettant à la négociation de s’accomplir dans des condi-tions de loyauté et de confiance mutuelle entre les parties. Ainsi doit-on y préciser la nature des informations partagées entre les négociateurs, notamment au niveau de l’entreprise, en s’appuyant sur la BDES. La convention ou l’accord définit les principales étapes du déroulement des négociations et peut prévoir des moyens supplémentaires ou spécifiques, notamment s’agissant du volume de crédits d’heures des représentants syndicaux ou des modalités de recours à l’expertise, afin d’assurer le bon déroulement de l’une ou de plusieurs des négociations prévues. Toutefois, sauf si la convention ou l’accord en dispose autrement, la méconnais-sance de ses stipulations n’est pas de nature à entraîner la nullité des accords conclus, dès lors qu’est respecté le principe de loyauté entre les parties.

Un accord conclu au niveau de la branche doit définir la méthode applicable à la négociation au niveau de l’entreprise. Cet accord s’imposera aux entreprises n’ayant pas conclu de convention ou d’accord en ce sens, mais si un accord de ce type est conclu, ses stipulations se substitueront à celles contenues dans cet accord de branche. Préambule et durée des conventions et accordsNon sans paradoxe, la loi Travail dispose qu’une convention ou un accord doit conte-nir un préambule présentant de manière succincte ses objectifs et son contenu, mais que son absence ne sera pas de nature à entraîner la nullité de la convention ou de

l’accord. Sans doute veut-on inciter les négociateurs à généraliser une pratique déjà respectée par certaines organisations professionnelles et syndicales. S’agissant de la durée des accords, fixée par défaut à 5 ans, elle est déterminée librement par les parties, étant entendu que lorsque la convention ou l’accord arrive à expiration, il cesse de produire ses effets. Exit la règle qui transformait l’accord en un accord à durée indéterminée, si les parties n’avaient pas pris la précaution d’indiquer que la durée était indépassable. L’idée qu’un accord ait une durée donnée s’accompagne d’une exigence de suivi et imposera désormais des clauses de rendez-vous, mais là encore, sans que la prescription ne soit posée à peine de nullité. PublicitéRègle particulièrement innovante que celle qui impose désormais que conventions et accords de branche, de groupe, interentre-prises, d’entreprise et d’établissement soient rendus publics et versés dans une base de données nationale, dont le contenu sera publié en ligne dans un standard ouvert, aisément réutilisable. Toutefois, les parties pourront décider (« acter » dit le texte) qu’une partie de la convention ou de l’accord ne fasse pas l’objet de la publication en question. Cette nouvelle disposition s’applique aux accords conclus après la publication de la

Pour l’essentiel, les changements en matière de négociation collective figurent dans le Titre II destiné à « favoriser une culture du dialogue et de la négociation », singulièrement dans un chapitre I consacré à « des règles de négociation plus souples et au renforcement de la loyauté de la négociation » 1, et dans un chapitre II qui appelle de ses vœux un « Renforcement de la légitimité des accords collectifs » 2.

Notes1. L 2016-1088, art. 15 à 20.

2. L 2016-1088, art. 21 à 26.

Par Bernard Gauriau, Agrégé des facultés de droit,

Professeur à l’université d’Angers, Avocat au barreau de Paris

Page 29: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

Revue Française de Comptabilité Octobre 2016 N° 502 27

loi, à l’exception de ses dispositions relatives aux conditions de publicité mentionnées à l’article L 2231-5-1 du code du travail qui s’appliquent aux accords conclus à compter du 1er septembre 2017.

RévisionJusqu’à présent, les règles de révision des accords obéissaient à des normes légales et jurisprudentielles manquant singulièrement de cohérence. D’un côté, la loi n’offrait la faculté de signer un avenant de révision qu’aux seuls signataires originaires de l’accord ou à ceux qui avaient pu y adhérer entre temps. De l’autre, la jurisprudence n’imposait de convoquer à la négociation que les organisations syndicales représenta-tives du moment. Il était donc parfaitement envisageable qu’un employeur convoque une organisation non signataire, parce que devenue entretemps représentative dans l’entreprise, mais dans l’incapacité de signer un avenant de révision. Inversement, tel signataire originaire qui avait perdu sa repré-sentativité ne pouvait plus être convoqué à la négociation de la révision. Face à cet imbroglio, la loi a le mérite de poser une solution claire, fortement inspirée du rapport de Jean-François Césaro 3.

Le nouveau dispositif peut se résumer de la façon suivante, sachant qu’il faut avoir présent à l’esprit l’importance qui s’attache désormais au cycle électoral (de 4 ans en principe) : il importe en effet, avant toute chose, de savoir si l’accord en voie de révision a été conclu dans le cycle électoral actuel ou dans un cycle antérieur, dans la mesure où la Cour de cassation assure le maintien de la représentativité des organisations syndicales durant un même cycle électoral, quels que soient les évènements intervenus (restructuration, cession, achat etc..) :• si la révision a lieu dans le cycle électoral

au cours duquel la convention ou l’accord est conclu, sont habilités à engager la pro-cédure de révision d’un accord interprofes-sionnel, d’une convention ou d’un accord de branche, une ou plusieurs organisations syn-dicales de salariés représentatives dans le champ d’application de la convention ou de l’accord et signataires ou adhérentes de la convention ou de l’accord d’une part et une

ou plusieurs organisations professionnelles d’employeurs signataires ou adhérentes. Si la convention ou l’accord est étendu, ces organisations doivent être en outre, repré-sentatives dans le champ d’application de la convention ou de l’accord ;

• à l’issue de ce cycle, seront habilités à négocier l’avenant d’une part, une ou plu-sieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans le champ d’applica-tion de la convention ou de l’accord, peu importe qu’elles l’aient ou non signé, et une ou plusieurs organisations professionnelles d’employeurs de la branche. Si la conven-tion ou l’accord est étendu, ces organisa-tions doivent être représentatives dans le champ d’application de la convention ou de l’accord.

Dénonciation d’un accord et avantages individuels acquisVoilà une mesure qui aurait dû passer pour une provocation auprès des organisations syndicales mais qui a été adoptée sans heurts. Nul n’ignore en effet qu’en cas de dénon-ciation d’un accord collectif, il y a maintien des avantages individuels acquis si aucun accord de substitution n’a été conclu durant la période de survie de l’accord de 15 mois (3 + 12). La notion d’avantage individuel acquis, certes définie par la Cour de cassation, a toujours plongé les juristes et les acteurs économiques dans des abîmes de perplexité. La loi ne procède toutefois pas à un nettoyage par le vide. Si les avantages individuels acquis disparaissent, la loi substitue à ce dispositif le droit pour les salariés des entreprises concernées, à conserver, en application de la convention ou de l’accord dénoncé, une rémunération dont le montant annuel, pour une durée de travail équivalente à celle prévue par leur contrat de travail, ne peut être infé-rieur à la rémunération versée lors des douze derniers mois. Cette rémunération s’entend au sens de l’article L 242-1 du code de la sécurité sociale qui définit l’assiette des cotisations de sécurité sociale. Ce dispositif vaut également en cas de mise en cause d’une convention ou d’un accord collectif. Dans cette dernière hypothèse, la loi a également innové sur un autre plan. Mise en cause et accord de substitutionLorsque l’extinction d’une convention ou d’un accord collectif est probable (en par-ticulier dans l’hypothèse de restructurations d’entreprises), la possibilité d’engager le plus tôt possible une négociation est une solution pertinente.

Par le passé, la Cour de cassation a été saisie de litiges dans lesquels des négocia-tions avaient eu lieu avant l’opération de restructuration. Elle a alors décidé qu’un accord de substitution pouvait être négocié antérieurement à la restructuration, dès lors qu’il : « avait été signé par l’ensemble des organisations syndicales représentatives de la société [absorbante] et […] qu’il n’était pas soutenu qu’existaient au sein de la société [absorbée] des organisations syndicales représentatives qui n’auraient pas été appe-lées à la négociation » 4.

Dans la continuité de ces premières prises de position, la loi nouvelle distingue deux cas de figure que l’on peut présenter en reprenant la terminologie employée dans le rapport Césaro : les accords anticipés de transition et les accords anticipés d’adaptation. Ce sont tous des accords de substitution de l’accord mis en cause, mais ils se distinguent par leur contenu et les parties signataires :• les accords anticipés de transition sont

conclus par les employeurs des entreprises concernées (par exemple : cédant, cession-naire) et les organisations syndicales de salariés représentatives dans l’entreprise cédée qui emploie les salariés dont les contrats de travail sont susceptibles d’être transférés. La durée de cette convention ou de cet accord ne peut excéder trois ans. La convention ou l’accord entre en vigueur à la date de réalisation de l’évé-nement ayant entraîné la mise en cause et s’applique, à l’exclusion des stipulations portant sur le même objet des conventions et accords applicables dans l’entreprise ou l’établissement dans lequel les contrats de travail sont transférés. A l’expiration de cette convention ou de cet accord, les conventions et accords applicables dans l’entreprise ou dans l’établissement dans lequel les contrats de travail des salariés ont été transférés s’appliquent à ces salariés. Il y aura donc cumul momentané des accords applicables puis application unique de l’accord de l’entreprise d’accueil ;

• les accords anticipés d’adaptation sont conclus par les employeurs des deux entre-prises et les organisations syndicales de salariés représentatives dans ces mêmes entreprises. Ils se substitueront aux conven-tions et accords mis en cause et réviseront en même temps les conventions et accords applicables dans l’entreprise cessionnaire. Cette convention ou cet accord entre en vigueur à la date de réalisation de l’événe-ment ayant entraîné la mise en cause.

Notes3. Jean-François Césaro, “Rapport de sur la dynamisation de la négociation collective“, 22 janvier 2016, consultable sur http://travail-emploi.gouv.fr/ministere/documentation-et-publications-officielles/rapports/article/rapport-de-jean-francois-cesaro-sur-la-dynamisation-de-la-negociation

4. Cass., soc, 28 octobre 2015, n° 14-16.043.

Page 30: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

28 Octobre 2016 N° 502 Revue Française de Comptabilité

Dossier Loi Travail Renforcement de la légitimité des accords collectifs L’essentiel de la loi du 8 août porte sur les nouvelles conditions de validité des accords collectifs. Conditions générales de validité des accordsJusqu’à présent, la validité d’un accord d’en-treprise ou d’établissement était subordon-née à sa signature par d’une part, l’employeur ou son représentant et d’autre part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés et qui n’avait pas été frappée d’opposition par un ou plusieurs syndicats majoritaires dans l’entreprise.Depuis la loi Travail, cette validité est subor-donnée à la signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés repré-sentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants. Toutefois, si cette condition n’est pas remplie et si l’accord a été signé à la fois par l’employeur et par des orga-nisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des élections susmentionnées, quel que soit le nombre de votants, une ou plusieurs de ces organisations ayant recueilli plus de 30 % des suffrages disposent d’un délai d’un mois à compter de la signature de l’accord pour indiquer qu’elles souhaitent une consultation des salariés visant à valider l’accord, plus communément dénommé référendum.Si, à l’issue d’un délai de huit jours à compter de cette demande, les éventuelles signatures d’autres organisations syndicales représenta-tives n’ont pas permis d’atteindre le taux de 50 % et si les conditions mentionnées ci-dessus sont toujours remplies, cette consultation est organisée dans un délai de deux mois.

La consultation des salariés, qui peut être organisée par voie électronique, se déroule dans le respect des principes généraux du droit électoral et selon les modalités prévues par un protocole spécifique conclu entre l’employeur et les organisations signataires. Participent à la consultation les salariés des établissements couverts par l’accord et électeurs, au sens des articles L 2314-15 et L 2314-17 à L 2314-18-1 du code du travail.

L’accord est valide s’il est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés. Faute d’approbation, l’accord est réputé non écrit. Un décret définira les conditions de la consultation des salariés. Conformément à l’article 21 IX de la loi Travail, ces dispositions s’appliquent à compter du 1er janvier 2017 aux accords collectifs qui portent sur la durée du travail, les repos et les congés et dès la publication de la loi, aux accords mentionnés à l’article L 2254-2 du code du travail. Elles s’appliqueront à comp-ter du 1er septembre 2019 aux autres accords collectifs, à l’exception de ceux mentionnés à l’article L 5125-1 du code du travail.

Principe majoritaireDepuis le passage aux 35 heures en 1998 et 2000 et la loi du 4 mai 2004, le principe majoritaire s’est manifesté pour mesurer la force d’un droit d’opposition à un accord signé par des syndicats minoritaires en entreprise. Il a pris une place plus importante suite à la loi 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail et la mise en place d’une représentativité qui vient d’en bas, en fonction de l’audience obtenue par les organisations syndicales aux élections professionnelles. Avec ce texte, l’article L 2232-12 du Code du travail subordonnait donc la validité d’un accord d’entreprise ou d’établissement à une double condition de majorité de 30 % des suffrages et l’absence d’opposition majoritaire. La référence à une majorité de 50 % et non plus de 30% est apparue lorsque l’ANI du 11 janvier 2013 et la loi du 14 juin 2013 ont établi les nouvelles règles relatives au grand licenciement économique et les nouvelles conditions de validité d’un plan de sauve-garde pour l’emploi établi par un accord collectif de ce type. De la même manière, les accords de maintien dans l’emploi issus de la loi 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi (et revus par la loi Macron) furent subordonnés à la même condition de majorité absolue. Toutefois, le taux de 50 % s’applique aux suffrages exprimés en faveur d’organisations représen-tatives au premier tour des élections et non pas à la totalité des suffrages du premier tour, qui comprendraient alors ceux qui se sont portés vers des syndicats finalement non représentatifs : la nuance a son importance.

Depuis la loi El Khomri, l’article L 2232-12 du Code du travail dispose que « la validité d’un accord d’entreprise ou d’établissement est subordonnée à sa signature par d’une

part, l’employeur ou son représentant et, d’autre part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des dernières élections des titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants. » Le droit d’opposition n’a donc plus de raison d’être. Mais que se passe-t-il si cette majorité absolue n’est pas obtenue ? C’est alors que le référendum intervient.

RéférendumLa loi Travail fait appel au référendum si la condition de majorité de 50 % n’est pas véri-fiée dans les conditions indiquées plus haut. L’originalité du dispositif résulte du processus instauré en deux étapes : • un temps pendant lequel les organisations

signataires manifestent leur volonté de voir organiser un referendum ;

• un temps pendant lequel la porte est tou-jours ouverte aux organisations hésitantes qui pourraient en définitive parafer l’accord et à l’issue duquel, si la barre des 50 % n’est pas franchie, le référendum s’imposera.

Le référendum suscite diverses critiques positives (démocratie directe ; opinion manifestée par le personnel de l’entreprise ; légitimité accrue du dispositif) et négatives (pourquoi ne pas faire confiance aux seuls syndicats ? pourquoi adopter un système binaire OUI/NON ? le personnel a-t-il toutes les clés pour comprendre l’accord ?) Toujours est-il que l’accord sera valide s’il est approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés. Faute d’approbation, l’accord sera réputé non écrit. Dispositions spécifiques

Accords de préservation ou du développement de l’emploi dits « accords offensifs »Si les accords de maintien dans l’emploi, ins-taurés en 2013, peuvent être conclus en cas de graves difficultés économiques conjonc-turelles dans l’entreprise dont le diagnostic est analysé avec les organisations syndicales de salariés représentatives, les accords offen-sifs semblent concerner, implicitement, la situation contraire. Enigmatique est à cet égard, la référence à la préservation de l’emploi (ce que cherchent aussi à faire les accords de maintien dans l’emploi : des efforts peuvent être demandés aux salariés, ce que le texte laisse entendre

Page 31: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

Revue Française de Comptabilité Octobre 2016 N° 502 29

par la suite) à côté d’un objectif plus par-lant de développement de l’emploi (des embauches programmées ?)Si la finalité est inverse ou du moins différente de celle poursuivie par les accords de main-tien dans l’emploi, le régime juridique s’en rapproche très sensiblement. Jugeons-en : lorsqu’un accord offensif est conclu, ses stipulations se substituent de plein droit aux clauses contraires et incompatibles du contrat de travail, y compris en matière de rémunération et de durée du travail. Chose singulière, l’accord en question doit com-porter un préambule indiquant notamment les objectifs de l’accord en matière de pré-servation ou de développement de l’emploi. Par dérogation à l’article L 2222-3-3 al. 2, l’absence de préambule entraîne la nullité de l’accord ! Pour autant, l’accord ne peut avoir pour effet de diminuer la rémunération mensuelle du salarié. Point sensible du dispositif, le salarié peut refuser la modification de son contrat de travail résultant de l’application de l’accord en question, ce refus doit être écrit. Si l’employeur engage une procédure de licenciement à l’encontre du salarié ayant refusé l’application de l’accord, ce licenciement repose sur un motif spécifique qui constitue une cause réelle et sérieuse et est soumis au régime du licen-ciement individuel pour motif économique (la lettre de licenciement comporte l’énoncé du motif spécifique sur lequel repose le licen-ciement). Logiquement, l’employeur est alors tenu de proposer, lors de l’entretien préalable, le bénéfice d’un dispositif d’accompagnement mentionné à l’article L 2254-3, à chaque sala-rié dont il envisage le licenciement. L’adhésion du salarié au parcours d’accompagnement personnalisé mentionné à l’article L 2254-3 emportera rupture du contrat de travail. Cette rupture qui ne comporte ni préavis, ni indemnité compensatrice de préavis, ouvre droit à l’indemnité de licenciement et à toute indemnité conventionnelle qui aurait été due en cas de licenciement au terme du préavis notamment.Enfin, le Code du travail indique de façon détaillé le contenu de l’accord en question : • modalités selon lesquelles est prise en

compte la situation des salariés invoquant

une atteinte disproportionnée à leur vie personnelle ou familiale ;

• modalités d’information des salariés sur son application et son suivi pendant toute sa durée ;

• facultativement, conditions dans lesquelles les dirigeants salariés exerçant dans le périmètre de l’accord et les mandataires sociaux et les actionnaires, fournissent des efforts proportionnés à ceux demandés aux autres salariés ;

• facultativement, conditions dans lesquelles les salariés bénéficient d’une amélioration de la situation économique de l’entreprise à l’issue de l’accord.

Rapports entre les accords de groupe, les accords interentreprises, les accords d’entreprise et les accords d’établissement Voilà un dispositif très audacieux dont tous les effets n’ont peut-être pas encore été appréhendés.Lorsqu’un accord conclu dans tout ou partie d’un groupe le prévoit expressément, ses stipulations se substituent aux stipulations ayant le même objet des conventions ou accords conclus antérieurement ou pos-térieurement dans les entreprises ou les établissements compris dans le périmètre de cet accord. Voilà qui fera taire les critiques adressées à la loi El Khomri, à laquelle on reproche de faire la part trop belle à l’accord d’entreprise.De la même manière, mais un échelon en dessous, lorsqu’un accord conclu au niveau de l’entreprise le prévoit expressément, ses stipulations se substituent aux stipulations ayant le même objet des conventions ou accords conclus antérieurement ou posté-rieurement dans les établissements compris dans le périmètre de cet accord. Enfin, lorsqu’un accord conclu au niveau de plusieurs entreprises le prévoit expres-sément, ses stipulations se substituent aux stipulations ayant le même objet des conven-tions ou accords conclus antérieurement ou postérieurement dans les entreprises ou les établissements compris dans le périmètre de cet accord.

L’articulation des normes conventionnelles redonne toute sa vigueur au principe hiérar-chique, quitte à paralyser le niveau inférieur puisque, par exemple, la révision d’un accord de groupe pourra s’imposer d’autorité aux accords d’entreprise ou d’établissement inclus dans le groupe !

Quant au niveau de la branche, la loi El Khomri consacre un véritable ordre public

conventionnel, réclamé par le Rapport Combrexelle 5.

Ordre public conventionnelLes nouveaux articles L 2232-5-1 et L 2232-5-2 du code du travail donnent en effet trois missions à la branche :• définir, par la négociation, les garanties

applicables aux salariés employés par les entreprises relevant de son champ d’appli-cation, notamment en matière de salaires minima, de classifications, de garanties collectives complémentaires mentionnées à l’article L 912-1 du code de la sécurité sociale, de mutualisation des fonds de la for-mation professionnelle, de prévention de la pénibilité et d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes mentionnée à l’article L 2241-3. On reconnaît les domaines insusceptibles de dérogation par accord d’entreprise, institués par la loi Fillon du 4 mai 2004 (C. trav., art. L 2253-3) ;

• définir, par la négociation, les thèmes sur lesquels les conventions et accords d’entre-prise ne peuvent être moins favorables que les conventions et accords conclus au niveau de la branche, à l’exclusion des thèmes pour lesquels la loi prévoit la primauté de la convention ou de l’accord d’entreprise. La loi Fillon permettait déjà à l’accord de branche d’interdire toute déro-gation par accord d’entreprise sur tel ou tel thème, s’il le stipulait expressément. La Loi El Khomri donne davantage d’ampleur à cette faculté. Toutefois, elle exclut les thèmes pour lesquels l’entreprise l’emporte sur la branche (on songe à diverses ques-tions intéressant la durée du travail , dans le droit fil des textes précédents) ;

• réguler la concurrence entre les entreprises relevant de son champ d’application. C’est là une des raisons historiques de l’accord de branche, mise en avant dès 1936.

Mais surtout, les organisations syndicales et professionnelles représentatives dans les branches professionnelles engageront, dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi du 8 août 2016, une négociation portant sur la définition de l’ordre public conventionnel applicable dans leur branche. Cette négociation visera notamment à déterminer, pour chaque branche, les thèmes sur lesquels les accords d’entreprise ne pourront être moins favo-rables que les accords conclus au niveau de la branche. Ce qui pouvait passer pour une simple faculté (au regard des missions de la branche) deviendra un impératif caté-gorique. La sanction est forte : l’absence

Notes5. Rapport de JD Combrexelle, “La négociation collective, le travail et l’emploi“, septembre 2015, p. 88, consultable sur http://www.gouvernement.fr/partage/5179-rapport-la-negociation-collective-le-travail-et-l-emploi-de-jean-denis-combrexelle ; voir également A. Fages, “Rapport Combrexelle : quelles propositions pour les TPE-PME ?“, RFC n° 491, octobre 2015, p. 6.

Page 32: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

30 Octobre 2016 N° 502 Revue Française de Comptabilité

Dossier Loi Travail d’engagement des négociations dans le délai en question est au nombre des critères que le ministre chargé du travail prendra en compte pour décider d’engager la procé-dure de fusion prévue à l’article L 2261-32 du code du travail. Toutefois, négocier n’est pas conclure et l’on présume, là comme ail-leurs, que la bonne foi des négociateurs sera prise en compte. Il n’en demeure pas moins que certaines branches pourraient échouer à définir leur ordre public conventionnel, au vu des tensions propres à chacune d’elles.

Avant le 30 décembre 2018, chaque branche établira un rapport sur l’état des négociations en question et le  transmettra à la commis-sion de refondation du Code du travail , à la Commission nationale de la négociation collective et au Haut Conseil du dialogue social.

Réduction du nombre de branchesLe rapport Combrexelle l’appelait de ses vœux. Le ministre du travail dispose de

plusieurs possibilités pour y parvenir : • eu égard à l’intérêt général attaché à la res-

tructuration des branches professionnelles et en respectant diverses étapes décrites dans la loi, il peut engager une procédure de fusion du champ d’application des conventions collectives d’une branche avec celui d’une branche de rattache-ment présentant des conditions sociales et économiques analogues, notamment lorsque la branche est caractérisée par la faiblesse des effectifs salariés ou lorsque la branche a une activité conventionnelle caractérisée par la faiblesse du nombre des accords ou avenants signés et du nombre des thèmes de négociations couverts, ou encore lorsque son champ d’application géographique est uniquement régional ou local, voire lorsque moins de 5 % des entreprises de la branche adhèrent à une organisation professionnelle représentative des employeurs, ou enfin en l’absence de mise en place ou de réunion de la commis-sion désormais prévue à l’article L 2232-9

(commission paritaire permanente de négociation et d’interprétation) ;

• autre solution : le ministre peut, après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective, prononcer l’élargissement du champ d’application géographique ou professionnel d’une convention collective, afin qu’il intègre un secteur territorial ou professionnel non couvert par une convention collective.

Pour les branches décrites dans le premier cas, le ministre peut, eu égard à l’intérêt géné-ral attaché à la restructuration des branches professionnelles, refuser d’étendre la conven-tion collective, ses avenants ou ses annexes, après avis de la Commission nationale de la négociation collective. Il peut aussi décider de ne pas arrêter la liste des organisations professionnelles, ni la liste des organisations syndicales reconnues représentatives pour une branche professionnelle, ce qui revient à bloquer toute possibilité de négociation future.

Comm’digitale et e-réputationLa Comm’ digitale est devenue omniprésente. Mais de quoi parle-t-on et en quoi est-elle si importante pour le cabinet ? Sans tomber dans le simplisme, ce focus vulgarise la Comm’ digitale afin de la rendre accessible à tout cabinet, quels que soient sa taille, son âge, ses ressources. Une mise en œuvre réussie nécessitera de combattre quelques idées reçues, puis de mettre en œuvre, à son rythme. Ce focus suggère un esprit d’ouverture d’un phénomène grandissant qui touche toutes les sphères de l’environnement du cabinet, notamment ses clients et ses collaborateurs.

le Contrôle urssaf : guide pratiqueLa complexité et l’évolution rapide des règles en matière de cotisations sociales génèrent un risque important pour les PME/TPE.

Comment s’assurer que la prise de position de l’entreprise sur un point particulier sera acceptée par l’Urssaf ? Comment se préparer au mieux à la réalisation d’un contrôle ? Comment répondre aux observations formulées à la suite du contrôle ? Quels sont les recours possibles pendant et après le contrôle ? Autant de questions auxquelles cet ouvrage apporte des réponses concrètes.

Cet ouvrage est présenté sous forme de fiches pratiques analysant chacune des étapes du contrôle, la procédure qui suit le contrôle et les recours dont dispose le cotisant.

Des tableaux récapitulatifs détaillent les différentes phases de la procédure de contrôle et les délais.

Ce guide pratique présente également la procédure de rescrit social, qui permet d’interroger l’Urssaf pour obtenir une prise de position sur un cas particulier, et ce afin d’éviter un redressement. Enfin, à partir des statistiques nationales de l’Acoss, les principaux motifs de redressement sont mis en avant.

À commander dès maintenant sur www.boutique-experts-comptables.com

Page 33: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée
Page 34: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

32 Octobre 2016 N° 502 Revue Française de Comptabilité

Dossier Loi Travail

Impacts de la loi Travail sur les TPE-PME

Ainsi adoptée, elle a aussitôt fait l’objet d’un recours devant le Conseil Constitutionnel qui a censuré cinq

mesures secondaires : deux sur le fond, consacrées au dialogue social dans les entre-prises franchisées et aux locaux syndicaux, et trois sur la forme. Les membres du Conseil ont précisé ne pas avoir examiné les autres articles du texte qui pourront « faire l’objet de questions prioritaires de constitutionnalité ». Ils n’ont par ailleurs pas donné raison au recours déposé par 61 députés de gauche, qui considéraient l’usage du 49-3 comme un non-respect du débat parlementaire. La loi a été définitivement promulguée le 8 août 2016. Ce texte se veut ambitieux et vise à instituer « de nouvelles libertés et de nouvelles protec-tions pour les entreprises et les actifs ». Les mesures adoptées sont nombreuses mais au final, en quoi cette loi va-t-elle changer concrètement la vie des entreprises et des salariés des TPE-PME ? Cette loi qui vise notamment à donner de la souplesse pour renforcer la compétitivité des entreprises atteindra-t-elle son objectif dans les plus petites d’entre elles, les plus nombreuses et les plus créatrices d’emplois ? On peut en douter à la lecture des mesures adop-tées. Comme souvent en matière sociale, le gouvernement et les partenaires sociaux sont à l’origine de textes et d’accords, avant tout conçus pour les grandes entreprises et dont la complexité rejaillit sur les plus petites, souvent désarmés pour les appliquer au quotidien (ce qui renforce leur insécurité juridique). La loi Travail n’échappe malheu-reusement pas à ce constat global, bien que l’on puisse y trouver ça et là, des mesures spécifiquement dédiées aux TPE-PME.

Il est vrai que les volontés gouvernementales récentes de mettre en place des mesures fondées sur des critères de taille d’entre-prise sont souvent remises en cause par

les juridictions suprêmes. C’est ainsi que le Conseil Constitutionnel a censuré le barème d’indemnisation du licenciement que la loi Macron d’août 2015 avait tenté d’instituer, au motif qu’un barème différencié selon la taille de l’entreprise méconnaît le principe d’égalité devant la loi, faute de présenter un lien avec le préjudice subi par le salarié 2. Dans le prolongement de cette décision, la Cour de Cassation a décidé de soumettre au Conseil Constitutionnel le 13 juillet 2016, une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) portant sur l’examen des modalités de calcul de l’indemnité allouée par le juge en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse dont le montant varie en fonction de l’effectif de l’entreprise. L’indemnité octroyée par le juge est en effet, au moins égale à 6 mois de salaire pour tout salarié licencié sans cause réelle et sérieuse comptant plus de 2 ans d’ancienneté, dans une entreprise de plus de 11 salariés. Pour les entreprises de moins de 11 salariés, il n’y a pas de seuil plancher et c’est au juge de fixer le montant des dommages et intérêts.Si l’on suit cette logique, le critère de taille de l’entreprise fondé sur l’effectif ne serait donc plus pertinent pour différencier la législation applicable. On peut craindre le pire pour les petites et moyennes entreprises qui souffrent déjà aujourd’hui, d’un carcan législatif et réglementaire trop lourd et instable.

Primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche et négociation des accords d’entrepriseLa loi Travail a pour objectif de marquer le point de départ de la refondation de la partie législative du Code du Travail. Elle vise également à donner plus de poids à la négociation collective et en particulier, aux accords collectifs négociés au niveau de l’entreprise.

Refondation du Code du travailC’est en matière de durée du travail et de congés que le Code du Travail a été réécrit et recodifié, sur la base de la nouvelle architec-ture préconisée par les rapports Combrexelle et Badinter 3, à savoir :• mesures d’ordre public ;• champ ouvert à la négociation collective ;• mesures supplétives applicables, à défaut

d’accord collectif.

Cette nouvelle présentation du Code du Travail a vocation à se généraliser dans le futur, pour toutes les autres parties du Code.

Négociation des accords d’entrepriseLe fameux article 2 du projet de loi, tant débattu et décrié par certains, devenu l’article 8 de la loi, permet de négocier au niveau de l’entreprise toutes les mesures ayant trait à la durée et à l’organisation du travail, en faisant prévaloir sur la quasi- totalité des sujets ayant trait à la durée du travail, les accords d’entreprise sur les accords de branche (“renversement“ de la hiérarchie des normes).Il convient toutefois de mettre deux bémols à ce renversement de la hiérarchie des normes (et ne pas croire qu’il s’agit d’un renverse-ment généralisé) :• Le premier est lié à la nécessité que l’ac-cord soit majoritaire (c’est-à-dire signé par des organisations syndicales ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés au

Après plusieurs mois de mobilisation syndicale et de débats (avortés selon certains, en raison du recours à l’article 49-3 de la Constitution), la loi El Khomri, dite loi Travail 1, a été définitivement adoptée.

Notes1. L. 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (JO du 9/08/2016).

2. Cons. Const. DC 5/08/2015, n° 2015-715.

3. Voir A. Fages, “Rapport Combrexelle : quelles propositions pour les TPE-PME ?“, RFC n° 491, octobre 2015, p. 6.

Par Olivier Cambray, Expert-Comptable,

Trigone Conseil

Page 35: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

Revue Française de Comptabilité Octobre 2016 N° 502 33

premier tour des élections des institutions représentatives du personnel). Exit donc la règles des 30 % et l’absence d’opposition (avec toutefois la possibilité de recourir au référendum, à défaut d’adhésion majoritaire, à la demande de syndicats minoritaires ayant au moins 30 % de représentativité).• Le second est lié à ce que les branches doivent, dans les deux ans suivant l’adoption de la loi Travail, engager une négociation visant à définir l’ordre public convention-nel applicable à leur branche, ce qui a pour objectif notamment, de déterminer pour chaque branche, les thèmes sur lesquels les accords d’entreprise ne pourront pas être moins favorables que les accords conclus au niveau de la branche (à l’exclusion toutefois des thèmes pour lesquels la loi prévoit la primauté de l’accord d’entreprise, ce qui est souvent le cas en matière d’organisation du temps de travail).

Cas des petites et moyennes entreprises dépourvues de délégués syndicaux Les TPE/PME sans délégation syndicale peuvent négocier des accords d’entreprise dans le cadre des dispositions de la loi Rebsamen 4. Cette négociation peut être engagée prioritairement avec des salariés élus, mandatés ou non par une organisation syndicale. En l’absence d’élus (entreprises de moins de 11 salariés ou carence) ou d’élus acceptant de négocier, il est également pos-sible de recourir au mandatement syndical.

Alors que le champ de la négociation pos-sible différait selon qu’elle était réalisée avec des élus mandatés (champ de négociation large), des élus non mandatés ou des salariés non élus mandatés (champ de négociation réduit aux mesures dont la mise en œuvre est subordonnée par la loi à un accord collectif), la loi Travail prévoit que les accords négociés avec un salarié mandaté peuvent désormais porter sur tous les thèmes ouverts à la négociation en entreprise.

Rappelons qu’en cas de recours à un manda-tement syndical, les accords négociés doivent être approuvés par les salariés à la majorité

des suffrages exprimés. Les accords négo-ciés avec des élus non mandatés devaient, quant à eux, être soumis avant application, à la validation de la commission paritaire de branche. Désormais, depuis la loi Travail, ces accords ne seront plus que transmis à la commission paritaire de branche pour information et l’accomplissement de cette formalité ne constitue plus un préalable à leur dépôt et à leur entrée en vigueur.

Nouvelle définition du licenciement économique avec des dispositions propres aux TPE-PMEL’article 30 du projet de loi dont on a éga-lement beaucoup entendu parler, devenu l’article 67 de la loi, réécrit la définition du licenciement pour motif économique 5. Les motifs acceptés par la jurisprudence (réorganisation de l’entreprise décidée pour sauvegarder sa compétitivité, cessation d’activité de l’entreprise) ont été incorporés dans la définition légale. Quant aux deux autres motifs (difficultés économiques et mutations technologiques), ils ont été maintenus, mais le motif lié aux difficultés économiques a été précisé : il se caractérise, soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique (baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, pertes d’exploitation ou dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation), soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. S’agissant de la baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, la loi dispose qu’une baisse significative est constituée si la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :• un trimestre pour une entreprise de moins

de 11 salariés ;• deux trimestres pour une entreprise dont

l’effectif est compris entre 11 et 50 salariés ;• trois trimestres pour une entreprise dont

l’effectif est compris entre 50 et 300 salariés ;

• quatre trimestres pour une entreprise dont l’effectif est supérieur à 300 salariés.

Organisation du temps de travail dans les TPE-PMELa durée légale du temps de travail n’a pas été modifiée, ni le cadre temporel de calcul. La durée hebdomadaire légale reste à 35 heures, mais l’organisation du temps de travail est assouplie en raison de la possibilité offerte aux entreprises de négocier par voie d’accord collectif, des dispositions d’amé-nagement du temps de travail adaptées à leurs besoins (champ de la négociation collective) 6.

Pour les entreprises de moins de 50 salariés qui ne souhaitent pas et/ou n’éprouvent pas le besoin de passer par la voie de la négo-ciation d’un accord collectif, il est possible d’aménager le temps de travail sur une durée supra-hebdomadaire (dispositions supplétives). La limite était jusqu’à présent fixée à 4 semaines. Cette limite maximale a été portée, dans des conditions fixées par décret, pour les seules entreprises de moins de 50 salariés, à 9 semaines. L’employeur a donc la possibilité d’organiser le temps de travail sur une période pouvant aller jusqu’à 9 semaines.

Notes4. L. 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi.

5. Voir L. Beljean, “Licenciement économique et loi Travail“, dans ce dossier, p. 44.

6. Voir A. Fages, “Durée du travail, quels changements pour les entreprises ?“, dans ce dossier, p. 40.

Remarque : maintien de l’adverbe “notam-ment“, dans le premier alinéa de la défini-tion du licenciement pour motif écono-mique (C. trav., art. L. 1233-3) : « Constitue un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents

à la personne du salarié, résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le sala-rié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment », avec un énoncé des différents motifs mention-nés supra. Cela permet ainsi au juge une certaine souplesse dans l’appréciation des situations.

Exemple : soit une organisation sur un cycle de 9 semaines. Elle implique un seuil de déclenchement des heures supplémen-taires à 9 x 35 h = 315 heures.

Autrement dit, seules les heures accomplies au-delà de 315 heures seront qualifiées d’heures supplémentaires et ouvriront droit aux majorations légales dont le taux est fixé à titre supplétif, les accords collectifs de branche ou d’entreprise pouvant fixer des taux différents dans la limite d’un seuil minimum de 10 %.

Page 36: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

34 Octobre 2016 N° 502 Revue Française de Comptabilité

Dossier Loi Travail Appui aux entreprises et accords de branches typesLe législateur prend conscience de la diffi-culté pour les petites et moyennes entre-prises à maîtriser totalement la législation complexe et en évolution constante.

La loi Travail crée donc un service public territorial d’accès au droit. Ce service qui verra le jour prochainement, aura pour mis-sion d’apporter une aide juridique sur les démarches et procédures légales à suivre, face à une situation de fait. Si la demande est suffisamment précise et complète, le document formalisant la prise de position de l’administration pourra être produit par l’entreprise pour attester de sa bonne foi (C. trav., nouvel art. L 5143-1 introduit par l’article 61 de la loi).

De même, la loi donne la possibilité aux branches professionnelles de conclure des

accords (qui devront être étendus) com-portant des clauses types indiquant les différents choix possibles pour l’employeur et les stipulations spécifiques. Le recours à ces clauses types sera possible dans les entre-prises de moins de 50 salariés. L’employeur pourra appliquer l’accord type au moyen d’un document unilatéral, mentionnant les choix retenus, après avoir informé les délé-gués du personnel ainsi que les salariés par tous moyens.

***Espérons que les modifications introduites en matière de négociation collective dans les entreprises dépourvues de délégués syndi-caux, tant par la Loi Rebsamen que par la loi El Khomri permettront à ces entreprises de s’approprier progressivement ces nouveaux outils de dialogue social, afin de pouvoir mettre en place les dispositions adaptées

à leurs besoins, en matière d’organisation et d’aménagement du temps de travail. On peut néanmoins en douter car le recours au mandatement syndical n’est pas encore totalement accepté dans ces entreprises (n’oublions pas la voie de la négociation avec les salariés élus, rendue aujourd’hui plus simple car les accords conclus ne sont plus soumis à la validation de la commission paritaire de branche). A défaut de négocia-tion collective il faudra donc que les petites entreprises apprennent à se contenter des mesures supplétives contenues dans le Code du Travail ou alors des mesures des accords types de branche à venir qui laisseront des choix limités aux employeurs des entreprises de moins de 50 salariés.

Mobilité européenne : gestion fiscale et socialeLe développement des échanges internationaux favorise la mobilité des salariés. L’employeur qui envisage d’expatrier ou de détacher un salarié dans l’Union européenne, dans l’Espace économique et européen (Norvège, Islande et Lichtenstein) et en Suisse doit répondre à de multiples questions :• quel est le régime fiscal applicable au salarié et comment éviter les doubles impositions ?• quelles sont les conséquences fiscales du détachement ou de l’expatriation pour les entreprises ?• quel type de dispositif ? : le détachement, l’expatriation ou encore la signature d’un contrat de

travail local ?• faut-il faire un avenant au contrat de travail ?• la convention collective s’applique-t-elle ?• faut-il cotiser dans le pays d’accueil et /ou en France ?• etc.

Cet ouvrage apporte des réponses pratiques à l’ensemble de ces questions.

congés payés : guide pratiqueCe guide pratique facilitera pour l’ensemble des cabinets la gestion des congés payés qui est un sujet particulièrement difficile et en pleine évolution.

Il présente avec de nombreux exemples et tableaux les règles d’acquisition des congés (incidences des absences maladie, maternité, etc.), le décompte des jours de congés (notamment pour les salariés à temps partiel), le choix entre les jours ouvrables et les jours ouvrés, le paiement de l’indemnité de congés payés (incidences des primes diverses sur le calcul de l’indemnité…), etc.

Cet ouvrage traite aussi de situations particulières comme celle des commerciaux…

À commander dès maintenant sur www.boutique-experts-comptables.com

Page 37: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée
Page 38: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

36 Octobre 2016 N° 502 Revue Française de Comptabilité

Dossier Loi Travail

La représentation du personnel dans la loi El Khomri

Elections professionnelles

Vote électroniqueJusqu’à maintenant, la mise en oeuvre du vote par voie électronique était subordonnée à la conclusion d’un accord d’entreprise. Désormais, à défaut d’accord d’entreprise, l’employeur peut le décider seul (C. trav., L 2314-21 et L 2324-19). Un décret en Conseil d’Etat, pris après l’avis de la Cnil, définira les modalités d’un tel vote.

Compétence juridictionnelleDepuis la Loi Macron, plusieurs décisions administratives relèvent, en cas de constes-tation, de la compétence du juge judiciaire et non plus administratif. Toutefois, une lacune subsistait à propos de la décision de l’autorité administrative se prononçant sur le caractère d’établissement distinct pour la mise en place d’un comité d’entreprise. Cette lacune est désormais comblée puisque l’article L 2322-5 al. 4 précise la compétence du juge judiciaire en la matière. En outre, dans tous les cas où le contentieux relève désormais du juge judiciaire, le texte précise que c’est à l’exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux. Le contentieux est ainsi unifié sous l’égide du juge judiciaire.

En pratique, relève de la compétence judi-ciaire le recours contre une décision admi-nistrative dans les cas suivants :• répartition du personnel dans les col-

lèges électoraux et répartition des sièges (art. L 2314-11 et L 2324-13 ; à défaut d’accord, c’est l’autorité administrative qui procède aux répartitions, dès lors qu’une organisation syndicale a répondu à l’invi-tation de négocier) ;

• décision de l’inspection du travail accordant des dérogations à la condition d’ancienneté pour être électeur ou éligible (art. L 2314-20 et L 2324-18) ;

• délégués du personnel et comité d’entre-prise : décision administrative reconnais-sant le caractère d’établissement distinct (ou la perte de cette qualité) (art. L 2314-31 et L 2322-5) ;

• mise en place du comité central d’entre-prise : décision reconnaissant le nombre d’établissements distincts, la répartition des sièges (art. L 2327-7).

Fonctionnement des institutions représentatives du personnel

BDES (Base de données économiques et sociales)L’énoncé, dans la BDES, de la rubrique sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, ajoutée par la loi Rebsamen 2, est modifié afin de prendre en compte la situation familiale et la part des femmes et des hommes au sein des conseils d’adminis-tration. Il n’est plus fait référence également à un diagnostic et à une analyse respective mais comparée des femmes et des hommes.

Informations transmises au CE et au CHSCTS’agissant des éléments d’information devant être transmis de manière récurrente au CE et au CHSCT, la loi El Khomri comble une lacune en précisant que la mise à disposition de ces éléments par l’intermédiaire de la base de données vaut communication des rapports et informations au CE, mais également au CHSCT (art. L 2323-9). Ainsi, l’article

L 2323-60 dispose désormais « Chaque trimestre, dans les entreprises d’au moins 300 salariés, l’employeur met à la disposition du comité d’entreprise dans les conditions prévues par l’article L 2323-9 [donc via la BDES] (au lieu de « communique au comité d’entreprise »), des informations sur :1° l’évolution générale des commandes et l’exécution des programmes de production ; 2° les éventuels retards de paiement de cotisations sociales par l’entreprise ; 3° le nombre de contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire.

Dans le cadre de la consultation sur la situa-tion économique et financière du comité d’entreprise, l’employeur doit désormais mettre à la disposition de ses membres, via la BDES, les documents transmis à l’AG ou à l’assemblée des associés, « notamment le rapport de gestion prévu à l’article L 225-102-1 du code de commerce qui comprend les informations relatives à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises » (C. trav., art. L 2323-13).

La philosophie de la loi 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels est de promouvoir une nouvelle architecture du droit du travail avec une primauté donnée à la négociation collective 1. Dans ce cadre, plusieurs mesures sont intervenues en matière de représentation du personnel.

Notes1. Voir B. Gauriau, “La négociation collective après la loi El Khomri“, dans ce dossier, p. 32.

2. L. 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi ; voir à ce sujet N. Gallissot, “Mise en place de la BDES, êtes-vous prêt ?“, RFC n° 487, mai 2015, p. 6.

Par Céline Verdier, Avocat,

Barthelemy Avocats

et Bruno Denkiewicz, Avocat en droit social,

Barthelemy Avocats

Page 39: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

Revue Française de Comptabilité Octobre 2016 N° 502 37

Dans un délai d’un an suivant la promulga-tion de la Loi El Khomri, le Gouvernement devra remettre au Parlement un rapport établi en concertation avec les partenaires sociaux, effectuant un bilan de la mise en œuvre de la BDES. Ce rapport devra égale-ment porter sur l’articulation entre la BDES et les autres documents d’information obli-gatoires relatifs à la politique économique et sociale de l’entreprise.

Appréciation des seuilsLa fréquence des réunions obligatoires du CE dépend d’un seuil d’effectif : le CE se réunit une fois par mois dans les entreprises d’au moins 300 salariés. Jusqu’à présent, le seuil était réputé franchi lorsque l’effectif de l’entreprise dépassait 300 salariés pendant les 12 derniers mois, désormais il sera réputé franchi lorsque l’effectif dépassera ce seuil pendant 12 mois (art. L 2325-14-1). L’appréciation de ce seuil est généralisée. Ainsi, les obligations d’information et de consultation étant plus importantes dans les entreprises d’au moins 300 salariés, ce seuil est également réputé franchi lorsque l’effectif de l’entreprise dépasse ce seuil pendant 12 mois (art. L 2323-26-1). L’employeur disposera d’un délai d’un an à compter du franchissement de ce seuil, pour se conformer complètement aux obligations d’information et de consultation du CE qui en découlent (art. L 2323-26-1 nouveau), soit en pratique 2 ans au total, ainsi que pour satisfaire à toutes les règles concernant le fonctionnement du CE (art. L 2325-14-1).

Délai de consultation du CEUn accord collectif ou un accord entre l’employeur et le CE peut définir les délais dans lesquels le CE doit rendre son avis, délai qui ne peut être inférieur à 15 jours, et ce, sur un nombre de thèmes fixés par la loi et notamment dans le cadre de la consul-tation prévue à l’article L 3121-11 relatif au contingent annuel d’heures supplémentaires (art. L 2323-3).

En pratique, la possibilité de négocier par accord les délais de consultation du CE est désormais prévue pour :• la consultation du CE en cas d’accomplis-

sement d’heures suppplémentaires au-delà

du contingent (art. L 3121-33-I nouveau) ; • le remplacement de tout ou partie du

paiement des heures supplémentaires et majorations y afférentes par un repos com-pensateur équivalent dans les entreprises dépourvues de délégué syndical (droit de véto du CE ou des délégués du personnel) (art. L 3121-37 nouveau) ;

• les conditions et modalités d’attribution et de prise du repos compensateur de remplacement (art. L 3121-37) ;

• la consultation annuelle du CE sur les modalités d’utilisation du contingent règlementaire et de son dépassement (art. L 3121-40 nouveau, anciennement art. L 3121-11 dernier alinéa).

Consultation du comité central d’entrepriseLorsqu’il y a lieu de consulter, à la fois le comité central d’entreprise et un ou plusieurs comités d’établissement, un accord peut désormais définir l’ordre et les délais dans lesquels le CCE et le ou les comités d’éta-blissement rendent et transmettent leurs avis (art. L 2327-15). Cette nouvelle disposition laisse plusieurs questions en suspens :• quelle doit être la nature de cet accord

(accord collectif, accord signé avec le CE ?) ?• que faire de l’obligation introduite par la loi

Rebsamen de transmettre au CCE les avis rendus par les comités d’établissement ? A défaut d’accord, l’avis de chaque comité d’établissement sera rendu et transmis au CCE comme le prévoyait déjà la loi Rebsamen.

Budget des activités sociales et culturellesLa loi El Khomri entérine une position de la Chambre sociale de la Cour de Cassation 3, s’agissant du budget des activités sociales et culturelles du CE en cas d’établissements distincts, en précisant que la détermination du montant global doit se faire au niveau de l’entreprise, mais en introduisant une souplesse puisque la répartition de ce budget entre les comités d’établissement peut être fixée librement et sans réserve par un accord collectif d’entreprise, au prorata des effectifs des établissements ou de leur masse salariale ou en combinant ces deux critères (art. L 2323-86-1) 4. A défaut d’accord, la répartition se fait au prorata de la masse salariale de chaque établissement.

Réunions de la délégation unique du personnel La loi El Khomri comble une lacune en préci-sant que les réunions de la délégation unique

du personnel peuvent également se dérouler en visioconférence (règles applicables au CE, art. L 2325-5-1), y compris lorsque l’ordre du jour comporte des points relevant uni-quement des attributions des délégués du personnel. Ce texte est applicable aux entre-prises qui avaient déjà une DUP (ancienne version), lors de l’entrée en vigueur de la loi Rebsamen.

Consultation du CHSCTComme pour le CE, lorsqu’il y a lieu de consulter à la fois l’instance de coordination et un ou plusieurs CHSCT, un accord peut définir l’ordre et les délais dans lesquels l’instance de coordination et le ou les CHSCT rendent et transmettent leur avis (art. L 4616-3). À défaut d’accord, l’avis de chaque CHSCT est rendu et transmis à l’ins-tance de coordination et l’avis de l’instance de coordination est rendu en dernier, selon des délais fixés par le décret 2016-868 du 29 juin 2016.

Contestation des expertises diligentées par le CHSCTS’agissant de la contestation des expertises diligentées par le CHSCT ou l’instance de coordination, la loi El Khomri maintient la distinction suivant que l’expertise intervient ou non dans le cadre d’une restructuration avec compression de l’effectif :• en cas de réorganisation, aucune modi-

fication n’est introduite, à savoir que la contestation doit être adressée, avant transmission de la demande de validation ou d’homologation, à l’autorité adminis-trative qui doit se prononcer dans un délai de 5 jours,

• en revanche, en l’absence de réorganisa-tion, l’employeur qui entend contester la nécessité de l’expertise, la désignation de l’expert, le coût prévisionnel tel qu’il ressort le cas échéant du devis, l’étendue ou le délai de l’expertise, doit saisir le juge judiciaire dans un délai de 15 jours à compter de la délibération du CHSCT ou de l’instance de coordination : - le juge statue en la forme des référés en

premier et dernier ressort dans les dix jours suivant sa saisine (nouveau) ;

- cette saisine suspend l’exécution de la décision du CHSCT ou de l’instance de coordination, ainsi que les délais dans lesquels ils sont consultés (voire le délai de consultation du CE lorsque les trois instances sont consultées), jusqu’à la notification du jugement (nouveau).

Notes3. Cass. soc., 17 sept 2003, n° 01-11.532.

4. La Cour de Cassation imposait en effet que cette répartition ne puisse priver un comité d’établissement de la contribution minimum légale calculée sur la masse salariale : Cass. soc., 12 nov. 2015, n° 14-12.830.

Page 40: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

38 Octobre 2016 N° 502 Revue Française de Comptabilité

Dossier Loi Travail Les frais d’expertise restent à la charge de l’employeur (art. L 4614-13). Pour mettre la loi en conformité avec les dispositions consti-tutionnelles, il est prévu qu’en cas d’annula-tion définitive par le juge de la décision du CHSCT ou de l’instance de coordination, les sommes perçues par l’expert devront être remboursées à l’employeur.

Le CE pourra, à tout moment, décider de les prendre en charge (il faut souligner ici une incohérence car les textes ne visent la prise en charge par le CE que de la seule expertise CHSCT, art. L 2325-41-1).

L’employeur peut contester le coût final de l’expertise. La contestation devra être portée devant le juge judiciaire, dans un délai de 15 jours à compter de la date à laquelle il a été informé de ce coût (art. L 4614-13-1 nouveau).

Moyens attribués aux élus et aux représentants syndicaux

Heures de délégationLa loi El Khomri a revu à la hausse le nombre des heures de délégation : • chaque délégué syndical dispose d’un

crédit d’au moins (art. L 2143-13) :- 12 heures par mois (au lieu de 10) dans

les entreprises ou établissements de 50 à 150 salariés ;

- 18 heures par mois (au lieu de 15) dans les entreprises ou établissements de 151 à 499 salariés ;

- 24 heures par mois (au lieu de 20) dans les entreprises ou établissements d’au moins 500 salariés.

Le délégué syndical central disposera quant à lui, de 24 heures par mois (au lieu de 20) (art. L 2143-15).

• La section syndicale dispose de (art. L  2143-16 et s) :- 12 heures par mois (au lieu de 10) dans

les entreprises d’au moins 500 salariés ;- 18 heures par mois (au lieu de 15) dans

les entreprises d’au moins 1000 salariés.

La loi prévoit également le regroupement des crédits d’heures pour les salariés en for-fait-jour. Ainsi, sauf accord collectif contraire, lorsque le représentant du personnel élu ou désigné est un salarié en forfait-jour, le crédit d’heures est regroupé en demi-journées qui viennent en déduction du nombre annuel de jours travaillés, fixé dans la convention indi-viduelle, étant précisé qu’une demi-journée correspond à quatre heures de mandat et que lorsque le crédit d’heures ou la fraction du crédit d’heures restant est inférieur à quatre heures, le représentant du personnel en bénéficie dans des conditions définies par un décret en Conseil d’Etat à venir.

Le délégué syndical bénéficie désormais de la législation AT/MP lorsqu’il exerce ses missions en dehors de l’entreprise (voir art. L 2143-16-1).

Budget de fonctionnement du CELa loi El KHomri, prenant le contrepied de la position de la Cour de Cassation, permet au comité d’entreprise de décider, par délibération, de dédier une partie de son budget de fonctionnement au financement de la formation des délégués du personnel et des délégués syndicaux présents dans l’entreprise (art. L 2325-43). Toute lattitude lui est laissée pour ce faire, sans qu’aucun plafond ne soit fixé.

Cette somme ainsi que ses modalités d’utilisation devront être inscrites dans les comptes annuels du Comité et dans le rap-

port annuel qui, selon les modalités prévues par son règlement intérieur, présente des informations qualitatives sur ses activités et sur sa gestion financière, de nature à éclai-rer l’analyse des comptes par les membres élus du comité et les salariés de l’entreprise (art. L 2325-50).

Liberté syndicaleDans le délai d’un an à compter de la promul-gation de la loi, le gouvernement remettra au Parlement un rapport sur l’état des dis-criminations syndicales en France (bonnes pratiques observées dans les entreprises), sur la base des travaux du Défenseur des droits.

Diffusion des communications syndicalesA compter du 1er janvier 2017, même à défaut d’accord d’entreprise, soit en l’absence d’accord de l’employeur, les organisations syndicales satisfaisant aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance, légalement constituées depuis au moins deux ans et dont le champ professionnel et géographique couvre celui de l’entreprise ou de l’établissement, pourront mettre à disposition des publications et tracts sur un site syndical accessible à partir de l’intranet de l’entreprise, s’il existe.

Toutefois, qu’il y ait ou non accord d’entre-prise, la mise à disposition devra :• être compatible avec les exigences de bon

fonctionnement et de sécurité du réseau informatique de l’entreprise ;

• ne pas avoir de conséquences préjudi-ciables à la bonne marche de l’entreprise ;

• préserver la liberté de choix des salariés d’accepter ou de refuser un message (condition déjà prévue en cas d’accord d’entreprise) (art. L 2142-6).

LE CONTRAT DE TRAVAIL : LES POINTS CLÉS À CONNAÎTRECet ouvrage n’a pas la prétention de procéder à une étude exhaustive du contrat de travail ; il s’agit d’un guide pratique qui a pour objet de présenter les points clés à connaître, pour les principales clauses du contrat de travail, en insistant sur quelques difficultés.Ainsi, par exemple, si le salarié est amené à conduire un véhicule, à effectuer des déplacements et à engager des frais professionnels, certaines clauses spécifiques sont à préconiser. Si le salarié a une activité commerciale, il peut être utile de prévoir une clause de rémunération variable, ou liée à l’atteinte d’objectifs, etc.

À commander dès maintenant sur WWW.BOUTIQUE-EXPERTS-COMPTABLES.COM

Page 41: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée
Page 42: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

40 Octobre 2016 N° 502 Revue Française de Comptabilité

Dossier Loi Travail

Durée du travail :quels changements pour les entreprises ?

Nouvelle architecture des règlesLa totalité des dispositions du code du tra-vail portant sur la durée du travail, les jours fériés et les congés payés est réécrite afin d’être organisée en trois niveaux, ce qui sera aussi le cas du nouveau code du travail : • l’ordre public, auquel aucun accord ne

peut déroger ; • le champ de la négociation collective : ce

qui peut être prévu par accord d’entreprise ou de branche avec prévalence de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche selon les cas ;

• les dispositions supplétives, applicables en l’absence d’accord d’entreprise et de branche.

La nouveauté réside dans le fait que pour la quasi-totalité des dispositions relatives à la durée du travail, il sera possible de déroger à la loi par accord collectif, sauf s’il s’agit de dispositions d’ordre public. Par ailleurs, l’accord d’entreprise primera la plupart du temps sur l’accord de branche, même s’il est moins favorable que ce dernier, tandis que précédemment, c’était l’inverse.

Ainsi, par exemple, pour fixer le taux de majoration des heures supplémentaires, le travail de nuit, le temps de pause, les contreparties au temps d’habillage… l’accord d’entreprise prévaut dorénavant sur l’accord de branche. Mais, sur certains sujets, peu nombreux, seul l’accord de branche peut déroger à la loi ; il en est ainsi pour la mise en place du régime d’équivalence, l’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à un an, dans la limite de

trois ans, la fixation de la durée minimale du travail à temps partiel, la fixation du taux de majoration des heures complémentaires et les avenants de compléments d’heures.

Notons aussi que les branches pourront instaurer des “clauses de verrouillage“ sur certains sujets, empêchant aux accords d’entreprise d’y déroger et qu’elles dis-posent d’un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi, pour négocier l’ordre public conventionnel applicable dans leur branche 1.

Ces nouvelles dispositions s’appliqueront aux accords collectifs conclus après la publi-cation de la loi.

Pour la plupart des dispositions relatives à la durée du travail, cette réécriture des règles est faite à peu près à droit constant. Mais il faut noter de substantielles modifications de la réglementation relative à l’aménagement du temps de travail et aux conventions de forfait.

Illustration de la nouvelle architecture : la majoration des heures supplémentairesAvant la loi du 8 août 2016, les règles étaient plutôt complexes. Il était prévu par la loi qu’un taux inférieur au taux légal puisse être fixé par accord de branche ou d’entreprise, dans la limite de 10 %. Il était également possible que l’accord d’entreprise déroge à l’accord de branche dans un sens moins favorable, mais à deux conditions : l’accord de branche ne devait pas l’interdire et il devait avoir été conclu après la loi du 4 mai 2004.

La loi Travail a sensiblement simplifié les règles : pour les accords conclus à compter du 10 août 2016, et sauf clause de verrouillage prévue par l’accord de branche, le taux de majoration est fixé par accord d’entreprise et à défaut, par l’accord de branche, avec un plancher de 10 % (C. trav., art. L 3121-27).

La situation est donc dorénavant, la sui-vante :• l’accord d’entreprise prime sur l’accord de

branche ; • en l’absence d’accord d’entreprise, les

dispositions de l’accord de branche s’appliquent ;

• en l’absence d’accord collectif, d’entreprise ou de branche, le taux de majoration fixé par la loi (25 % pour les huit premières heures, 50 % au-delà) s’applique.

Aménagement du temps de travail La loi Travail modifie les dispositions relatives à l’aménagement du temps de travail afin de donner plus de souplesse aux entreprises, notamment en l’absence d’accord collectif.

Ainsi, en l’absence d’accord collectif, l’employeur pourra dorénavant organiser le temps de travail, de façon unilatérale, sur une période d’au plus 9 semaines mais seulement s’il s’agit d’une entreprise dont l’effectif est inférieur à 50 salariés et selon des conditions à fixer par décret. Précédemment, à défaut d’accord collectif, l’aménagement du temps de travail ne pou-vait être mis en place unilatéralement par l’employeur que dans le cadre d’une période de quatre semaines. Cette règle reste appli-cable aux entreprises dont l’effectif est supérieur ou égal à 50 salariés.

L’article 8 qui traite de la durée du travail sur plus de 50 pages (anciennement l’article 2) a fait l’objet de vives critiques de la part de plusieurs organisations syndicales au motif qu’il « renversait » la hiérarchie des normes en matière de durée du travail, en faisant prévaloir les accords d’entreprise sur les accords de branche.

Notes1. Voir B. Gauriau, “La négociation collective après la loi El Khomri“, dans ce dossier, p. 32.

Par Alice Fages, Directeur des affaires sociales du

CSOEC et d’Infodoc-experts

Page 43: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

Revue Française de Comptabilité Octobre 2016 N° 502 41

Par ailleurs, la nouvelle loi prévoit la possibi-lité d’aménager le temps de travail sur une période supérieure à l’année, dans la limite de trois ans, mais ceci ne peut être prévu que par un accord de branche et non par accord d’entreprise. Par accord d’entreprise, la période de référence ne peut pas être supérieure à l’année, comme précédemment (C. trav., art. L 3121-44). Ces dispositions s’appliquent aux accords conclus à compter du 10 août 2016.

La loi Travail modifie les dispositions rela-tives au calcul des heures supplémentaires en cas d’aménagement du temps de travail, les règles étant dorénavant les suivantes, sauf dispositions conventionnelles différentes :• si la période de référence est annuelle,

les heures supplémentaires sont celles effectuées au-delà de 1 607 heures (ou limite inférieure fixée par l’accord), comme précédemment (C. trav., art. L 3121-41) ; il s’agit d’une disposition d’ordre public ; il est aussi prévu que l’accord collectif peut pré-voir une limite hebdomadaire, supérieure à 35 heures, au-delà de laquelle les heures de travail effectuées au cours d’une même semaine constituent des heures supplé-mentaires (C. trav., art. L 3121-44) ;

• si la période de référence est inférieure à l’année, les heures supplémentaires sont celles effectuées au-delà d’une durée hebdomadaire moyenne de 35 heures calculée sur la période de référence (C. trav., art. L 3121-41) ; il s’agit d’une disposition d’ordre public, mais l’accord collectif peut prévoir une limite hebdo-madaire, supérieure à 35 heures, au-delà de laquelle les heures de travail effectuées au cours d’une même semaine constituent des heures supplémentaires (C. trav., art. L 3121-44) ;

• si la période de référence est supérieure à un an, les heures supplémentaires sont celles effectuées au-delà d’une durée hebdomadaire moyenne de 35 heures cal-culée sur la période de référence (C. trav., art. L 3121-41) ; il s’agit d’une disposition d’ordre public, mais l’accord doit prévoir (il ne s’agit pas dans ce cas d’une simple faculté) une limite hebdomadaire, supé-rieure à 35 heures, au-delà de laquelle les heures de travail effectuées au cours d’une même semaine constituent en tout état de

cause des heures supplémentaires, payées le mois donné.

Les modalités de calcul des heures supplé-mentaires en cas d’aménagement du temps de travail sur une période d’un an sont ainsi inchangées : il s’agit des heures effectuées au-delà de 1 607 heures (ou limite inférieure fixée par l’accord). On ne se réfère pas à la durée moyenne de travail sur l’année, contrairement aux deux autres options. Sur ce fondement, il a été jugé que si un salarié dépasse le plafond de 1 607 heures, car il n’a pas pris cinq semaines de congés, il a droit au paiement d’heures supplémentaires 2. A priori, sauf disposition contraire de l’accord collectif, si le salarié n’a travaillé qu’une partie de l’année (entrée ou départ en cours d’année notamment) et que, de ce fait, il n’a pas atteint le plafond de 1 607 heures alors qu’il a peut-être travaillé plus de 35 heures en moyenne sur la période considérée, on ne devrait pas comptabiliser d’heures supplémentaires.

À cet égard, la méthode consistant à se référer à la durée hebdomadaire moyenne de 35 heures calculée sur la période de référence semble plus équitable, mais elle n’a pas été retenue par le législateur en cas de répartition du temps de travail sur un an.

Les conventions de forfaits joursLa loi Travail modifie sensiblement les dis-positions légales relatives aux conventions de forfait jours, afin de donner plus de souplesse aux entreprises et de renforcer la sécurité juridique des employeurs ayant conclu de telles conventions 3. En effet, depuis quelques années, les tribunaux remettent souvent en cause la validité des accords collectifs instituant les forfaits jours au motif qu’ils ne sont pas suffisamment protecteurs de la santé des salariés ; la Cour de cassation exige que les stipulations de l’accord collectif assurent la garantie du respect des durées maximales de travail, ainsi que des repos journaliers et hebdo-madaires. Si l’accord collectif est annulé, les conventions individuelles de forfait conclues sur son fondement sont, elles aussi, susceptibles d’être annulées, ce qui expose l’employeur à une éventuelle condamnation aux prud’hommes, si le salarié demande un rappel d’heures supplémentaires.

Les principales dispositions de la loi Travail relatives aux conventions de forfait portent sur le contenu des accords collectifs et sur la sécurisation des conventions de forfait jours existantes.

Contenu de l’accord collectifAvant la loi Travail, le contenu minimum de l’accord collectif relatif au forfait jours était assez limité car il suffisait de préciser les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention, le nombre de jours travaillés dans l’année, la période de référence…

La loi Travail enrichit le contenu obliga-toire des accords collectifs relatifs aux conventions de forfait jours, qui doit doré-navant prévoir les clauses suivantes (C. trav., art. L 3121-64) :• les catégories de salariés susceptibles de

conclure une convention ;• la période de référence du forfait : année

civile ou autre période de 12 mois ;• le nombre de jours travaillés dans l’année,

dans la limite de 218 jours ;• les incidences des absences et des arri-

vées et départs en cours d’année sur la rémunération ;

• les caractéristiques principales des conven-tions individuelles qui doivent notamment fixer le nombre de jours compris dans le forfait ;

• les modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi de la charge de travail ;

• les modalités selon lesquelles l’employeur et le salarié communiquent périodique-ment sur la charge de travail du salarié, sur l’articulation entre sa vie professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération et sur l’organisation du travail ;

• les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion.

Par ailleurs, l’accord peut aussi fixer le nombre maximal de jours travaillés dans l’année lorsque le salarié renonce à une partie de ses jours de repos. Il s’agit d’une clause facultative, contrairement aux autres clauses énoncées ci-dessus.

La loi crée ainsi, conformément aux pres-criptions de la jurisprudence, une nouvelle obligation pour l’employeur, qui est de s’assurer régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable.

Sécurisation des conventions de forfait joursLa loi Travail prévoit plusieurs dispositions ayant pour effet de sécuriser les conven-tions individuelles de forfait lorsque l’accord collectif est incomplet, auquel cas il risque d’être annulé, ou lorsqu’il a été révisé par

Notes2. Cass. soc. 11 mai 2016, n° 14-29512.

3. Quelques dispositions de la loi visent aussi les conventions de forfait annuel en heures, non envisagées dans cet article.

Page 44: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

42 Octobre 2016 N° 502 Revue Française de Comptabilité

Dossier Loi Travail ses signataires pour le compléter, auquel cas il faut signer une nouvelle convention de forfait avec le salarié. • Si l’accord collectif a été révisé pour le

rendre conforme aux exigences de la juris-prudence, l’article 12 de la loi indique que l’exécution de la convention se poursuit sans qu’il y ait lieu de requérir l’accord du salarié ; il n’est donc pas nécessaire de signer une nouvelle convention indi-viduelle.

• Si l’accord collectif est incomplet, car il ne comporte pas les nouvelles clauses obligatoires relatives aux modalités selon lesquelles l’employeur assure l’évaluation et le suivi régulier de la charge de travail du salarié, et aux modalités selon lesquelles l’employeur et le salarié communiquent

périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l’articulation entre sa vie professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération et sur l’organisation du travail, les conventions de forfait jours déjà conclues se poursuivent et l’employeur peut aussi en conclure de nouvelles aux conditions suivantes.

L’employeur doit alors :• établir un document de contrôle faisant

apparaître le nombre et la date des jours travaillés, ce document pouvant être établi par le salarié, sous la responsabilité de l’employeur ;

• s’assurer que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires ;

• organiser une fois par an, un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, l’organisation de son travail, l’articu-lation vie professionnelle/vie personnelle et sa rémunération (C. trav., art. L 3121-65).

Si l’accord collectif ne prévoit pas de dis-positions sur le droit à la déconnexion, l’employeur devra définir et communiquer par tout moyen aux salariés les modalités du droit à la déconnexion qui seront prévues par une charte dans les entreprises d’au moins 50 salariés (C. trav., art. L 3121-65).

Les employeurs ayant conclu des conven-tions de forfait jours sur la base d’accords collectifs ne contenant pas l’ensemble des nouvelles clauses pourront ainsi sécuriser les conventions de forfait existantes aux conditions ci-dessus indiquées.

Congés payés et congés pour évènements familiaux : de nouvelles dispositionsComme en matière de durée du travail, les dispositions du code du travail relatives aux jours fériés, aux congés payés et aux “congés d’articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale“ sont réécrites pour être réparties entre les dispositions d’ordre public, celles qui relèvent de la négociation collective et les dispositions supplétives, applicables en l’absence d’accord d’entreprise et de branche. Cette réécriture s’accompagne aussi de quelques modifications importantes en matière de congés.

Période de référence des congés payésAvant la loi Travail, la période de référence des congés payés était fixée par décret, du 1er juin au 31 mai de l’année suivante (sauf pour les entreprises relevant de caisses de congés payés) et l’entreprise ne pouvait déroger à ces règles, par accord collectif, que si le temps de travail était réparti sur l’année, ce qui était très restrictif.Désormais, il est possible par accord d’entreprise ou, à défaut, de branche, de fixer une période de référence pour l’acquisition des congés payés (C. trav., art. L 3141-10). A défaut d’accord collectif, la période de référence est fixée par décret. Il est envisagé que le décret à venir se réfère à l’année civile pour fixer la période de référence.Ainsi, l’entreprise pourra négocier un accord pour prévoir que la période de référence est l’année civile, ce qui est intéressant quand l’entreprise accorde des jours RTT qui se calculent sur l’année civile, permettant ainsi d’harmoniser les deux périodes, ce qui est plus simple à gérer.

Prise des congés payésLa loi Travail prévoit que les congés peuvent être pris dès l’embauche et non plus dès l’ouverture des droits, sans préjudice des règles de détermination de la période de prise des congés et de l’ordre des départs en congés fixées par accord d’entreprise ou à défaut, de branche (C. trav., art. L 3141-12). Le salarié pourra donc prendre des congés dès qu’il les aura acquis, à condition que la période de prise des congés soit ouverte et en tenant compte de l’ordre des départs en congés prévu par l’employeur, après consultation des délégués du personnel. Par ailleurs, les salariés ayant à charge une personne handicapée ou âgée en perte d’autonomie pourront dorénavant prendre l’intégralité de leurs congés en une seule fois (C. trav., art. L 3141-17).

Droit à l’indemnité de congés payésAfin de se mettre en conformité avec la jurisprudence, la loi prévoit que l’indemnité de congés payés est due en cas de licenciement pour faute lourde (C. trav., art. L 3141-28).

Congés pour évènements familiauxÀ compter du 10 août 2016, la loi Travail modifie le nombre minimum de jours de congés fixés par la loi dont bénéficient les salariés dans les cas suivants (C. trav., art. L 3142-4) :• 5 jours pour le décès d’un enfant (2 jours précédemment) ;• 3 jours pour le décès du père, mère, beau-père, belle-mère, frère, sœur (1 jour précédemment) ;• 3 jours pour le décès du conjoint, du partenaire lié par un PACS ou du concubin (précédemment, il y avait 2 jours pour le conjoint et le

Pacsé mais aucun jour pour le concubin).Par ailleurs, un congé de 2 jours “pour l’annonce de la survenue d’un handicap chez un enfant“ est créé (C. trav., art. L 3142-4).Il est rappelé que la durée des congés pour évènements familiaux est fixée par la loi, un accord d’entreprise ou à défaut, de branche, pouvant fixer une durée supérieure.

Page 45: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée
Page 46: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

44 Octobre 2016 N° 502 Revue Française de Comptabilité

Dossier Loi Travail

Licenciement économique et loi Travail :quels changements ?

Les nouvelles dispositions adoptées dans ce cadre apparaissent beau-coup moins novatrices que celles

envisagées initialement, tant au niveau du motif économique lui-même qu’au niveau des transferts d’entreprises. Elles seront applicables à compter du 1er décembre 2016, c’est-à-dire un peu plus d’un trimestre plein après la publication de la loi.

Nouvelle définition du motif économique L’article 67 de la loi, modifiant l’article L 1233-3 du Code du travail, vient compléter une définition du motif économique sans constituer une révolution. Ainsi, le licencie-ment pour motif économique demeure « non inhérent à la personne du salarié ». Viennent s’ajouter aux anciens motifs économiques constitués par des difficultés économiques ou des mutations technologiques, deux nouveaux, inspirés de la jurisprudence de la Cour de cassation : • la réorganisation de l’entreprise pour la

sauvegarde de sa compétitivité 2 ;• la cessation d’activité 3.

Le législateur a conservé l’adverbe « notam-ment », continuant ainsi à ne donner aucun caractère limitatif aux motifs inventoriés.

A priori, cette définition ne vient donc rien modifier à ce stade, d’autant plus que le concept de sauvegarde de la compétitivité

économique ne fait pas l’objet de précisions légales ou réglementaires. Il y a donc tout lieu de considérer que la démonstration de la réalité et du caractère suffisant de ce motif dépendra toujours d’une construction prétorienne fourmillante.

Caractère significatif des difficultésEn réalité, la principale innovation réside dans l’adjonction de motifs se voulant plus objectifs ou du moins quantifiables que les précédents. Il s’agit ici de retenir des difficultés caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur écono-mique tels qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés. Là encore, on remarquera que les pertes d’exploitation, la dégradation de la trésorerie ou l’excédent brut d’exploitation devront être significatifs. Bien évidemment, ce caractère sera laissé à l’appréciation souveraine des juges du fond et il n’y a pas lieu à ce stade, de devoir considérer que la Cour de Cassation opèrera un contrôle du caractère significatif dès lors qu’il aura été caractérisé.

On peut dès à présent, se demander si le caractère significatif sera apprécié au regard de la seule entreprise concernée, ou si celui-ci devra être apprécié au regard des ratios

et données présentes dans le secteur d’acti-vité. Le rôle de l’expert-comptable ou des services financiers de l’entreprise apparaît alors déterminant, en ce qu’ils établiront les étalons de référence et seront garants de la sincérité des données avancées.

En tout état de cause, le constat du carac-tère significatif des pertes d’exploitation ou de la dégradation de la trésorerie n’occultera pas le débat sur le comporte-ment adopté par l’employeur, traçant ainsi une démarcation entre la simple erreur de gestion, même lourde de conséquences, et la légèreté blâmable sanctionnable par le juge 4. Nul doute que le contentieux se déplacera alors au niveau des créances non recouvrées et des seuils de rentabilité de l’entreprise. L’expert-comptable devra donc faire preuve d’une grande anticipation dans la relation avec ses clients pour couper court à toute polémique judiciaire sur ce point.

En revanche, la baisse des commandes ou celle du chiffre d’affaires apparaît plus encadrée, puisque la loi considère que celle-ci doit être appréciée sur une durée variable, en comparaison avec la même période de l’année précédente équivalant à :• un trimestre pour l’entreprise de moins de

11 salariés ;• deux trimestres consécutifs pour une

entreprise d’au moins 11 salariés et de moins de 50 salariés ;

• trois trimestres consécutifs pour une entre-prise d’au moins 50 salariés et de moins de 300 salariés ;

Si la loi 2016-1088 du 8 août 2016 relative à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels 1 a connu de nombreuses modifications s’agissant des dispositions relatives à la hiérarchie des normes et aux modalités de négociation au sein de l’entreprise, le volet licenciement économique a fait l’objet d’autant de tractations, cette fois dans le cadre plus feutré de la Commission des affaires sociales et du Parlement.

Notes1. Loi 2016-1088 du 8 août 2016, publié au Journal Officiel du 9 août 2016.

2. Cass. soc. 8 avril 1995, n° 93-42690.

3. Cass. soc. 16 janvier 2001, n° 98-44647.

4. Cass soc. 11 décembre 2015, n° 14-25676.

Par Laurent Beljean,, Avocat,

cabinet Fromont Briens

Page 47: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

Revue Française de Comptabilité Octobre 2016 N° 502 45

• quatre trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins 300 salariés et plus.

Sur ce point, étonnement, le législateur a entendu établir une corrélation entre le nombre de salariés présents au sein de l’en-treprise et la durée de baisse supportable par la société. Il aurait manifestement été plus souhaitable de laisser la détermination de ces durées, soit aux partenaires sociaux au niveau des branches d’activité, soit par le biais de décrets, ces deux possibilités ayant été abandonnées successivement au gré des différentes modifications du projet de loi initial. En réalité, il faut noter que ces durées apparaissent favorables aux petites entreprises, pour lesquelles la période de baisse est particulièrement peu importante. À n’en pas douter, ces indicateurs objectifs ne pourront donner lieu à aucune interpréta-tion par le juge, puisque seule la baisse doit être constatée, aucune notion d’importance y étant associée. Il est alors probable que le contentieux en la matière se déplacera vers les concepts de commandes programmées ou de chiffre d’affaires différés, notamment pour les marchés à prestations successives.

Rôle renforcé de l’expert-comptable sur la charge de la preuveLa détermination de nouveaux paramètres objectifs permettant de légitimer le ou les licenciements économiques intervenus dans les TPE et PME, vient renforcer l’im-portance du rôle de l’expert-comptable pour ces typologies d’entreprise. Selon toute vraisemblance, la charge probatoire des données comparées reposera dans les faits sur l’expert-comptable qui devrait être le garant, au moins devant les juridictions de premier degré, de la fiabilité des données

chiffrées qui seront transmises au juge. Cela devrait signifier en pratique que la création de tableaux de bord sera de plus en plus nécessaire, afin que le caractère objectif des données présentées ne soulève aucune difficulté. La démonstration de la baisse du chiffre d’affaires pourrait quant à elle être sujet à davantage de difficultés. Si, en effet, la démonstration du chiffre d’affaires mensuel ne devrait pas être remise en cause concernant les entreprises pratiquant une seule facturation pour le service ou la marchandise fournie, il en ira tout autre-ment pour les prestations complexes ou successives dans le temps.

Nul doute en effet, que les juges auront à apprécier si le chiffre d’affaires lié à un chantier doit être appréhendé une seule fois lors par exemple de la passation de la commande, peu importe que celle-ci soit subdivisée en facturations progressives, ou si au contraire, il s’agira de ne prendre en compte que le chiffre d’affaires fondé sur les factures émises, ce qui pourrait donner lieu, le cas échéant, à de subtiles décalages pour permettre à l’entreprise d’arriver à ses fins. Là encore, le rôle de l’expert-comptable garant de la pertinence des chiffres, sera essentiel.

Périmètre d’appréciation du motif économique Depuis le début des années 1990 5, la juris-prudence de la Cour de cassation apparaît particulièrement claire sur ce point. Dès lors que l’entreprise appartient à un groupe, le motif économique doit être apprécié au niveau du secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise en difficulté.

L’appréciation du secteur d’activité étant transfrontalière 6, il peut apparaître particulièrement difficile pour certaines entreprises d’avoir un motif économique suffisamment sérieux pour justifier la modification de contrats de travail ou la suppression de postes. Le projet de loi initial prévoyait de limiter le concept de

groupe au territoire national, mais n’a, en définitive, pas été retenu lors du vote de la loi. Au final, aucune révolution et l’on peut regretter que le législateur, dans le même but de cristallisation de la jurisprudence, n’ait pas donné une définition du secteur d’activité du groupe.

Licenciement économique et transfert d’entreprises L’article L 1233-61 du Code du travail pré-voit la possibilité d’une reprise partielle des contrats de travail, mais uniquement pour les entreprises ou groupes de sociétés d’au moins 1 000 salariés, et dans le cadre d’un PSE, en vue d’éviter la fermeture d’un site.

La loi permet désormais, lorsque la recherche de reclassement prend la forme d’un transfert d’une entité économique en cas de prise partielle ou totale d’un établis-sement, de limiter le nombre des contrats de travail transférés aux seuls postes non supprimés à la date du transfert.

Auparavant, la cour de Cassation considérait que les licenciements prononcés avant le transfert étaient présumés avoir été causés par le transfert, sauf à démontrer un motif économique extérieur au transfert de l’entreprise 7. Cette disposition légale devrait favoriser les reprises partielles d’entreprise, en ne faisant plus peser sur le repreneur plus de charges que la structure ne peut en supporter.

***Le volet économique de la loi Travail, dans sa version finale, est manifestement tourné principalement vers les petites et moyennes entreprises. Si l’on peut regretter les concessions acceptées tout au long du processus parlementaire. Il n’en demeure pas moins que ces nouvelles dispositions doivent être perçues comme un assouplis-sement en faveur des petites et moyennes entreprises.

Notes5. Cass soc. 17 juin 1992, n° 89-42769.

6. Cass soc. 23 septembre 2009, n° 08-43325.

7. Cass soc. 20 mars 2002, n° 00-41651.

Page 48: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

46 Octobre 2016 N° 502 Revue Française de Comptabilité

Dossier Loi Travail

L’inaptitude du salarié rénovée par la loi du 8 août 2016

La loi du 8 août 2016 a adopté certaines des préconisations issues du rapport sur l’aptitude et la médecine du tra-

vail de mai 2015 1. Il en résulte une véritable transformation du régime de l’inaptitude, à travers la mise au rebut de dispositions par-fois économiquement inadaptées, souvent socialement inefficaces.

Ainsi, la difficulté de former un nombre de médecins du travail suffisant a conduit à repenser le rôle des services de santé au travail. La loi tente, dans un même élan, de renforcer leur mission de prévention en santé au travail (C. trav., art. L. 4622-3) et de réduire le nombre de visites, présentées par leur caractère systématique, comme onéreuses et de faible utilité. Deux signes en témoignent : • sauf pour les salariés affectés à un poste

présentant un danger particulier (C. trav., art. L 4624-2), la visite d’embauche devient une simple visite d’information et de prévention pouvant être réalisée par un membre du service de santé au travail, sous la direction du médecin du travail ;

• la périodicité des visites médicales devrait varier selon les salariés en fonction de leurs conditions de travail, de leur état de santé, de leur âge et des risques auxquels ils sont exposés (C. trav., art. L 4624-1). La différence de traitement paraît justifiée. Il est notamment peu critiquable qu’un travailleur de nuit fasse l’objet d’un suivi plus régulier qu’un travailleur effectuant son activité professionnelle le jour.

La loi du 8 août 2016 poursuit également le projet de mettre fin aux avis ambigus ou

laconiques rendus par les médecins du travail à la suite de visites de reprise. A cette fin, l’avis d’aptitude (par extension l’aptitude avec réserve) disparaît du Code du travail. Chaque référence à l’aptitude du salarié est remplacée par la notion de « capacité », dont il n’est pas avéré qu’elle soit plus précise. Le médecin du travail conserve tout de même sa principale prérogative consistant à appré-cier l’inaptitude du salarié. La loi en remanie néanmoins son constat et son traitement.

Constat de l’inaptitude

Adoption de l’avisn Visite médicaleLa visite médicale susceptible d’aboutir au constat d’inaptitude du salarié se déroule devant le médecin du travail, à l’exclusion de tout autre membre de l’équipe pluri-disciplinaire du service de santé au travail. Seul celui-ci, par son avis, lie l’employeur à l’endroit du salarié avec lequel il s’est entre-tenu. Toutefois, les circonstances dans les-quelles la décision est adoptée peuvent faire intervenir les autres membres de l’équipe pluridisciplinaire. Il est en effet demandé qu’une étude de poste soit effectuée avant de se prononcer sur l’aptitude du salarié à effectuer sa prestation de travail. Cette étude n’est pas nécessairement effectuée par le médecin du travail ; elle peut être confiée à un membre de l’équipe pluridisciplinaire qui rapportera ses conclusions au médecin.

La loi du 8 août 2016 introduit aussi l’exigence de contradictoire dans le déroulement de la visite médicale. Avant de rendre son avis, le

médecin doit échanger tant avec le salarié qu’avec l’employeur (C. trav., art. L 4624-4). Si ce dernier n’a pas à se prononcer sur l’état de santé du salarié, sa connaissance de l’entreprise peut éclairer le médecin du travail sur les conditions de travail du salarié et sur les possibilités d’évolution du poste. De manière facultative, le médecin pourrait aussi, mais dans le cadre d’une réunion ordi-naire de l’instance, demander des éléments supplémentaires au CHSCT. Le manquement au contradictoire devrait emporter l’annula-tion de la décision adoptée.

Ces deux nouvelles règles ont pour effet d’écarter l’ancienne double visite de reprise espacée de quinze jours pour le remplacer par un processus d’une durée variable. Même si le dispositif apparaît plus souple que le précédent, il n’est pas certain que la faculté de déclarer l’inaptitude d’un salarié, sur le fondement de l’article R 4624-31 du Code du travail, après une seule visite de reprise en raison d’un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers, corresponde encore à la notion d’inaptitude telle qu’elle ressort de la loi nouvelle.

n AvisEn ne faisant plus mention de l’avis d’apti-tude, la loi nouvelle agrandit le spectre des décisions susceptibles d’être adoptées par le médecin du travail :• Dans la situation où le salarié a retrouvé un

état de santé semblable à celui antérieur à son arrêt de travail, le médecin du travail doit simplement indiquer que le salarié doit être réintégré à son poste.

La loi 2016-1088 du 8 août 2016 modifie en profondeur le régime des visites médicales au travail et celui de l’inaptitude. Poursuivant l’objectif de rendre plus lisibles les avis exprimés par les médecins du travail, le législateur encadre strictement la procédure conduisant au reclassement du salarié ou, si cela s’avère impossible, à son licenciement. Le texte demeure, sur de nombreux points, susceptibles d’interprétations variées ; la sécurité juridique recherchée n’est pas toujours avérée.

Notes1. M. Issindou, C. Ploton et S. Fantoni-Quinton, A.-C. Bensadon et H. Gosselin, “Aptitude et médecin du travail“, mai 2015.

Par Emeric Jeansen,Maître de conférences HDR à

l’Université Panthéon-Assas (Paris II)

Page 49: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

Revue Française de Comptabilité Octobre 2016 N° 502 47

• Si la santé du salarié le nécessite, le méde-cin peut proposer par écrit des mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d’aménagement du temps de travail (C. trav., art. L 4624-3). Pour mettre en œuvre son avis et ses indications, il peut proposer à l’employeur l’appui de l’équipe pluridisciplinaire (C. trav., art. L 4624-5, al. 2).

• En dernier recours, le médecin du travail peut conclure à l’inaptitude du salarié. Deux éléments doivent être caractérisés : - l’un propre à l’individu : le médecin doit

alors démontrer que « l’état de santé du travailleur justifie un changement de poste » ;

- l’autre portant sur l’entreprise : le médecin doit s’assurer « qu’aucune mesure d’amé-nagement, d’adaptation ou de transfor-mation du poste de travail occupé n’est possible » (C. trav., art. L. 4624-4).

L’avis d’inaptitude doit en outre être motivé : il « est éclairé par des conclusions écrites, assorties d’indications relatives au reclasse-ment du travailleur » (C. trav., art. L. 4624-4).

Effets de l’avisn ApplicationL’opposabilité des recommandations du médecin du travail aux parties (salarié et employeur) et au juge était d’ores et déjà admise, même en l’absence d’agrément donné par le Direccte au service de santé au travail 2. Cette solution est renforcée par son inscription dans le corps de la loi (C. trav., art. L 4624-6). Ainsi, s’il ne conteste pas la décision médicale, l’employeur est tenu de prendre en considération les préconisations du médecin pour réintégrer le salarié. Le respect de l’obligation de réintégration en dépend.

Sans pour autant contester la décision, l’em-ployeur est autorisé à refuser « l’avis et les indications ou les propositions émis par le médecin du travail » (C. trav., art. L. 4624-6). Il est alors tenu d’indiquer par écrit au travailleur et au médecin du travail « les

motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite ». Cette faculté d’opposition devrait connaître une portée limitée. Il serait en effet surprenant que l’employeur puisse refuser l’avis d’inaptitude. L’opposition devrait être limitée aux propositions d’aménagement, d’adaptation ou de transformation de poste formulée par le médecin. Le fait d’opposer un refus aux préconisations médicales demeure en outre dangereux. Il pourrait caractériser une faute de l’employeur, voire conduire à écarter la cause réelle et sérieuse du licenciement du salarié prononcé à la suite de ce refus.

n ContestationLe salarié et l’employeur peuvent contester les « éléments de nature médicale » justifiant les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail. A cette fin, chacun peut saisir la formation de référé du conseil de prud’hommes d’une demande de désignation d’un médecin-expert inscrit sur la liste des experts près la cour d’appel. Une fois l’action engagée, le demandeur en informe le médecin du travail (C. trav., art. L 4624-7, I) ; l’information du sala-rié (lorsque l’employeur est demandeur) ou de l’employeur (lorsque le salarié est demandeur) n’est en revanche pas requise. Sa jonction à l’instance apparaît pourtant indispensable pour que la décision lui soit opposable.

La demande de désignation d’un médecin expert ne saurait aboutir systématique-ment. Pour que le juge exerce son pouvoir d’appréciation, la recevabilité de la demande suppose un désaccord ou une difficulté d’appréciation de l’avis sur l’état de santé du travailleur, voire sur la nature des postes que son état de santé lui permet d’occuper.

Si le juge accède à la demande, le médecin expert désigné ne rencontre pas le salarié. Il statue au regard du seul dossier médi-cal en santé au travail du salarié (C. trav., art. L 4624-7, II). S’il l’estime utile, le juge peut tout de même demander au médecin ins-pecteur du travail de procéder à une consul-tation du salarié (C. trav., art. L 4624-7, III). Le fruit de cette consultation devrait être communiqué au médecin expert afin qu’il puisse se prononcer sur l’ensemble des élé-ments médicaux. Son rôle peut-il porter aussi sur l’appréciation de l’aptitude du salarié à son poste ? A priori, cette décision dépasse le rôle qui lui est dévolu. L’aptitude dépend non seulement de l’état de santé mais aussi des postes existants dans l’entreprise, que le médecin expert n’étudie pas.

Si le médecin expert retient un avis différent de celui contesté, sa décision doit être oppo-sable au médecin du travail et aux parties à la relation de travail 3. Dans la situation où le médecin du travail avait retenu l’inaptitude du salarié, l’employeur a pu licencier le salarié en raison de cette inaptitude. Si le médecin expert considère que l’état de santé du salarié lui permet d’effectuer sa prestation de travail, cette décision, sans le rendre nul, devrait pri-ver le licenciement de cause 4. L’employeur peut souhaiter revenir sur le licenciement du salarié pour le réintégrer en conformité avec la décision du médecin expert ; cela nécessite toutefois l’accord du salarié 5.

Si l’état de santé du salarié est jugé par le médecin expert incompatible avec sa pres-tation de travail alors que le médecin du travail avait retenu le contraire, la décision prise par le médecin expert devrait imposer au médecin du travail d’adopter un nouvel avis en confor-mité avec la solution judiciairement retenue 6.

Traitement de l’inaptitudeAuparavant, le traitement de l’inaptitude différait largement selon qu’elle avait une origine professionnelle ou non. Désormais, le régime est dans les deux situations, pratique-ment identique. C’est la raison pour laquelle, fréquemment, deux articles du Code du tra-vail contiennent les mêmes règles. Demeure toutefois inchangé le principe selon lequel l’employeur ne peut procéder au licencie-ment du salarié inapte, qu’en démontrant l’impossibilité de le reclasser.

Reclassementn Consultation des délégués du personnelL’employeur doit toujours chercher à reclas-ser le salarié déclaré inapte par le médecin du travail. Avant de proposer à l’intéressé un poste de reclassement adapté à ses capa-cités, il est tenu de consulter les délégués du personnel. Cette consultation est une formalité substantielle de la procédure de reclassement. Une différence existe toutefois selon la cause de l’inaptitude :• lorsqu’elle est professionnelle, la consul-

tation est toujours impérative (C. trav., art. L. 1226-10) ;

• lorsqu’elle est extra-professionnelle, la consultation ne s’impose que si les délégués du personnel existent (C. trav., art. L 1226-2).

Ainsi, l’absence de procès-verbal de carence justifiant le défaut d’élections profession-nelles entraîne la reconnaissance d’un manquement de l’employeur incapable de

Notes2. Cass. soc., 17 déc. 2014, n° 13-12 277, JCP S 2015, 1088, note P.-Y. Verkindt.

3. Une version précédente de la loi indiquait que « L’avis du médecin-expert se substitue à celui du médecin du travail ». Il est regrettable que cette partie du texte ait été supprimée.

4. Rappr. Cass. soc., 31 mars 2016, n° 14-28 249.

5. Cass. soc., 15 déc. 2015, n° 14-13 073.

6. Rappr. Cass. soc., 16 mars 2016, n° 14-21 304.

Page 50: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

48 Octobre 2016 N° 502 Revue Française de Comptabilité

Dossier Loi Travail consulter les délégués du personnel lorsque le salarié est la victime d’un accident du tra-vail ou d’une maladie professionnelle ayant entraîné l’inaptitude ; elle est en revanche sans effet dans la situation inverse.

n Proposition de posteL’employeur doit proposer un poste adapté aux capacités du salarié en prenant en compte « les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise » (C. trav., art. L 1226-2 et L 1226-10). La Cour de cassation, interprétant une formulation légale semblable utilisant le singulier, imposait à l’employeur de recher-cher et proposer au salarié tous les postes disponibles 7. Cette solution pourrait être remise en cause. Désormais, l’obligation de reclassement incombant à l’employeur « est réputée satisfaite » quand celui-ci propose au salarié un poste de travail tenant compte des indications du médecin du travail (C. trav., art. L 1226-2-1, al. 3 et L 1226-12). La loi semble ainsi dispenser l’employeur de proposer plu-sieurs postes ; le refus d’un seul poste, sous réserve qu’il soit conforme aux préconisations du médecin, devrait permettre de considérer satisfaite l’obligation de reclassement. Une situation pourrait néanmoins écarter cette règle du poste unique de reclassement. L’employeur est en principe lié par les pro-positions des délégués du personnel. Si ces derniers considèrent que plusieurs postes sont susceptibles d’assurer le reclassement du salarié inapte, l’employeur doit tous les proposer.

Licenciementn MotifLe licenciement du salarié inapte peut être prononcé dans trois situations :• Impossibilité pour l’employeur de

« proposer un emploi » approprié à ses

capacités : ce motif trouve son principal domaine d’application dans la situation où aucun poste ne peut être proposé au salarié, en raison de son état de santé et des postes disponibles. Lorsque ce motif est invoqué, avant que ne soit engagée la procédure de licenciement, l’employeur doit faire connaître par écrit les motifs qui s’opposent à son reclassement (C. trav., art. L 1226-2-1 et L 1226-12). A défaut, il encourt une condamnation à réparer le préjudice subi par le salarié. Ensuite, l’em-ployeur doit motiver le licenciement par l’inaptitude du salarié et l’impossibilité de le reclasser. La cause est réelle et sérieuse si l’employeur peut démontrer l’impossibilité de proposer un poste de reclassement alors qu’il a effectué des actes sérieux de recherche de postes de reclassement, adaptés aux préconisations du médecin du travail 8.

• Refus par le salarié du poste de reclas-sement proposé alors que l’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail (C. trav., art. L 1226-2-1 et L 1226-12). L’employeur rédige la lettre de notification du licenciement en indiquant l’inaptitude du salarié et le refus du poste proposé.

• Le dernier motif de licenciement montre une plus grande confiance accordée à la décision du médecin du travail. Auparavant, l’avis d’inaptitude et l’avis d’inaptitude à tout poste produisaient un effet semblable, l’employeur demeurant tenu, dans les deux situations, de rechercher des postes de reclassement 9. Désormais, le médecin peut indiquer dans l’avis d’inaptitude « que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obs-tacle à tout reclassement dans un emploi » (C. trav., art. L 1226-2-1 al. 2 et L 1226-12 al. 2).

Cet avis, dès lors qu’il fait l’objet d’une mention écrite spéciale, est explicite et dénué d’ambiguïté, justifie le licenciement du salarié. L’employeur est alors dispensé de l’obligation de reclassement, de la consultation des délégués du personnel et de l’information donnée par écrit au salarié concernant les motifs empêchant son reclassement.

n ProcédureS’il envisage de licencier le salarié inapte, l’employeur doit respecter la procédure applicable au licenciement pour motif personnel (C. trav., art. L 1226-2-1 al. 4 et L 1226-12 al. 4). A ce titre, il convoque le salarié à un entretien préalable, organise cet entretien puis, une fois deux jours ouvrables passés, peut notifier la rupture du contrat (C. trav., art. L 1232-6).

Tout manquement à cette procédure ouvre droit à réparation au profit du salarié. La loi opère néanmoins une distinction selon l’origine de l’inaptitude. Si elle est la consé-quence d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail, l’employeur est condamné au paiement d’une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire (C. trav., art. L 1226-15 al. 4). Si son origine est extra-professionnelle, le salarié est indemnisé à hauteur du préjudice subi, à la condition tout de même de réussir à démontrer son existence.

Notes7. Cass. soc., 10 févr. 2016, n° 14-14 325.

8. Cass. soc., 24 avr. 2013, n° 12-13 519.

9. Cass. soc., 7 juill. 2004, n° 02-47 458 : Bull. civ. V, n° 196.

GUIDE DE DÉMARRAGE DE LA DSN DANS LES CABINETSLe présent guide de démarrage a pour objectif d’identifier les bonnes questions à se poser pour adapter l’organisation interne du cabinet et son fonctionnement avec les clients, et attirer l’attention sur un certain nombre de difficultés pratiques.

À commander dès maintenant sur WWW.BOUTIQUE-EXPERTS-COMPTABLES.COM

Page 51: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

Revue Française de Comptabilité Octobre 2016 N° 502 49

Dossier Loi Travail

Le bulletin de salaire numérique

Dispositif actuelLe dispositif actuel, issu de la loi 2009-526 du 12 mai 2009, est défini à l’article L 3243-2 du code du travail. Pour pouvoir faire parvenir un bulletin de salaire dématérialisé à un salarié, l’employeur doit respecter les conditions suivantes :• le mode de transmission doit être sécurisé et

les données doivent être certifiées complètes, exactes et non altérées,

• le salarié doit donner son accord.

Le papier est la règle et le numérique, soumis à l’accord du salarié.S’agissant du stockage, l’employeur peut mettre à la disposition du salarié un « coffre-fort électronique » qui va permettre l’archi-vage des documents pendant une période à définir, ce qui ouvre le débat de la multiplicité des coffres forts lorsque le salarié change d’employeur, avec une éventuelle interopé-rabilité entre les archiveurs. Le salarié peut également stocker ses bulletins lui-même, tout en sachant qu’un archivage externe garantit la pérennité de l’information, par exemple en cas d’incendie.

Freins au développement Les freins sont connus :• accès inégal à internet : tout le territoire natio-

nal n’a pas la même couverture numérique, sans même évoquer le haut débit ;

• accès inégal face aux outils informatiques : les salariés doivent avoir les outils permettant un accès internet et une adresse mail. Pour les employeurs, le manque d’équipement informatique, notamment dans les petites structures, peut également être relevé ;

• sécurité et confidentialité des données qui constituent un enjeu majeur, lorsque des photos privées, stockées dans le cloud, se retrouvent sur la place publique ;

• absence de continuité du service en cas de changement d’entreprise ou de défaillance du prestataire.

Facteurs de réussiteLes facteurs de réussite se multiplient :• Le contexte créé par la vague de dématé-

rialisation en matière de paie, est poussé

par la DSN. Parmi les informations paies, la production DSN prévoit aussi l’adresse mail des salariés et recueille le contenu du compte personnel de formation (CPF) et du compte personnel de prévention de la pénibilité (CPPP). Pour franchir ce cap, les logiciels de paie ont dû s’adapter aux communications mensuelles et dématérialisées des données de paies et des cotisations.

• À compter du 1er janvier 2015, une campagne de communication a incité à l’ouverture du CPF, afin que chaque salarié puisse y transfé-rer ses droits DIF acquis (avant de les perdre, nous dit-on). Ce compte, géré sous l’égide de la Caisse des dépôts et consignations, peut être ouvert par chaque salarié, grâce à son numéro de sécurité sociale et un mot de passe que le salarié récupère par un message en retour, dans sa boîte mail.

• L’attente des “jeunes“ collaborateurs est forte.• Le rapport de Jean-Christophe Sciberras 1,

visant à rendre le bulletin de paie à la fois lisible et intelligible, fait deux recommanda-tions :- la recommandation n° 11 prévoit d’assurer

les garanties de sécurité et de confiden-tialité en confiant à la Caisse des dépôts et consignation la mise à disposition d’un coffre-fort électronique ;

- la recommandation n° 12 préconise d’inver-ser la règle d’option pour donner au bulletin électronique le statut de droit commun, en préservant la version papier pour les salariés qui le souhaitent.

Dispositions de la loi TravailL’article L 3243-2 du code du travail est modifié afin d’ériger le numérique en règle, à compter du 1er janvier 2017 2. Si l’employeur décide de dématérialiser ses fiches de paie, le bulletin de salaire numérique devient la solution de droit commun, sauf demande expresse contraire du salarié. La règle est donc inversée. Pour le reste, les conditions de nature à garantir l’intégrité et la confidentialité des données restent inchangées.

La solution du stockage et de la durée de celui-ci (décret à paraître) ont également été prévues.

Le CPA 3, créé par la loi Travail, est le regroupe-ment de trois comptes :• le compte personnel de formation (CPF) qui

a pris la suite du DIF, et dont la clé d’accès est le numéro de sécurité sociale du salarié, associé à un code confidentiel ;

• le compte personnel de prévention de la pénibilité (CPPP) pour les salariés concernés par l’un des seuils de pénibilité ;

• le compte d’engagement citoyen qui recensera toutes les activités bénévoles ou volontaires et facilitera la reconnaissance des compétences acquises à travers ces activités, notamment dans le cadre de la validation des acquis de l’expérience (VAE).

Ce service en ligne gratuit, géré par la Caisse des dépôts et consignations, va aussi fournir un accès à une plateforme permettant au salarié de bénéficier :• d’un service de consultation des bulletins

de paie (s’ils ont été remis sous forme élec-tronique) ;

• d’une information sur ses droits sociaux et la possibilité de les simuler ;

• de services utiles à la sécurisation des par-cours professionnels.

Ces accès pourront être utilisés par des tiers pour mettre à disposition ces services.

Alors que le tsunami de la DSN n’est pas encore évacué, le numérique s’ouvre, mais pas uniquement aux entreprises. Les 2,6 millions d’agents de l’État sont concernés, leurs bulletins de salaires sont en cours de simplification et leur dématérialisation doit être testée courant 2016.

Après des débuts pleins d’espoir en 2009, le bulletin de salaire numérique peine à décoller. Si la France est en retard par rapport à ses voisins, notamment l’Allemagne, la loi Travail vise à le combler.

Notes1. “Pour une clarification du bulletin de paie“, juillet 2015, consultable sur http://www.ladocumentation francaise.fr/rapports-publics/154000508/index.shtml

2. L. 2016-1088 du 8 août 2016, art. 54 ; C. trav., art. L 3243-2, à compter du 1er janvier 2017 (deux décrets en attente de publication).

3. L. 2016-1088 du 8 août 2016, art. 39 ; C. trav., art. L 5151-1 et s. (quatre décrets en attente de publication).

Par Bernard Derangère, expert-comptable, cabinet i-Dexpert

Page 52: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

DOSSIERS DÉJÀ PARUS

SECTEUR PUBLICJanvier 2016 - N° 494

Les futures normes comptables européennes – Le compte financier unique - L’expert-comptable auprès des collectivités locales

CAPITAL IMMATÉRIELFévrier 2016 - N° 495

Reconnaissance du capital immatériel et impact sur la performance des entreprises – Immobilisations incorporelles et normes IFRS – Reporting non financier

CRÉATION D’ENTREPRISEMars 2016 - N° 496

Choix de la forme juridique – Statut du dirigeant – Opter pour le régime fiscal des sociétés de personnes – Solutions de financement

PARTICULIERSAvril 2016 - N° 497

Le couple sous toutes ses formes – Protection du conjoint – Conséquences du décès de l’entrepreneur – L’expert-comptable auprès des particuliers

PROFESSIONS LIBÉRALESMai 2016 - N° 498

Distinction BIC/BNC – Professionnel libéral en difficulté – Régimes facultatifs de retraite – Professions réglementées et ubérisation

MOTIVATION DES SALARIÉSJuin 2016 - N° 499

Management package et actions gratuites - Commissions et éléments variables de rémunération – Epargne salariale – Motiver les équipes

HISTOIRE COMPTABLEJuillet-Août 2016 - N° 500

Evolution du PCG depuis 1947 - Mission de présentation - Formalisation professionnelle de la mission d’audit

PROFESSION COMPTABLE EN FRANCE ET EN EUROPE Septembre 2016 - N° 501

Vers un cadre comptable harmonisé – Regard sur le marché européen de la profession – Plongée dans la profession allemande,

autrichienne, belge, espagnole, italienne et portugaise

DOSSIER À PARAÎTRE

COMPTABILITÉ ET DÉMOCRATIE - Novembre 2016 - N° 503

Un dossier chaque mois pour faire le point d’une manière transversale sur un thème spécifique

A commander sur www.boutique-experts-comptables.com

Page 53: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée
Page 54: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

52 Octobre 2016 N° 502 Revue Française de Comptabilité

Réflexion COMPTABILITÉ PUBLIQUE

La certification des comptes 2015 du régime général de la sécurité sociale

La Cour se félicite d’avoir pu délivrer sa certification aux 5 branches du régime 3, ceci pour le troisième exercice consé-

cutif, avec une situation différenciée selon les branches : levée de réserves anciennes pour certaines ou, au contraire, apparition de nouvelles pour d’autres.

Dans un contexte financier encore tendu, un résultat globalement satisfaisant de la certification 2015La qualité des comptes produits par les branches du régime est d’autant plus indis-pensable que le volume des fonds maniés est considérable et que la situation financière de celui-ci, tout en étant en voie d’amélioration, reste déficitaire. Quelques données extraites du rapport de la Cour illustreront cette situation, avant que ne soient présentées l’organisation par celle-ci de ses diligences d’audit sur les comptes 2015, ainsi que ses principales conclusions.

Poursuite en 2015 de la réduction du déficitLe déficit du régime s’est élevé en 2015 à 6,9 Mds 4, contre 9,7 Mds en 2014 et contre 12,5 Mds en 2013. L’amélioration est donc certaine, même si le retour à l’équilibre n’a pas encore été atteint. Seule la branche AT/MP présente un léger excédent : + 0,75 Mds, comparable à celui de l’exercice 2014 (+ 0,69 Mds), tandis que les autres branches restent déficitaires : la maladie de - 5,8 Mds (contre – 6,5 Mds), la famille de – 1,5 Mds (contre – 2,7 Mds), la vieillesse de – 0, 3 Mds (contre – 1,2 Mds). Les masses financières entrant dans le champ de la certification des comptes du régime

général par la Cour restent considérables : avec 426 Mds de dépenses, elles représentent 19,5 % du PIB ; si on examine la situation du côté des ressources, c’est une masse de 526 Mds qui est concernée, soit 24,1 % du PIB, la différence positive entre les ressources et les dépenses s’expliquant par le fait qu’une partie des prélèvements sociaux opérés par l’ACOSS et l’URSSAF l’est au profit d’autres organismes que le régime général.

Spécificités des diligences de la Cour au titre de 2015La Cour rappelle, dans son introduction, les fondements juridiques de la certification des comptes du régime général et les normes d’audit qu’elle applique ; cette dixième édition de la certification n’est marquée par aucune évolution particulière. Le chapitre V détaille les diligences menées sur les comptes de 2015. Si l’organisation par la Cour de ses investigations n’a connu que peu d’inflexions par rapport aux exercices précédents, celle-ci souligne cependant quelques points. Dans le contexte de l’avancée de deux semaines des dates de clôture (production par les branches de leurs comptes provisoires prévue pour le 22 février et des comptes définitifs entre le 15 et le 17 mars), la Cour a adressé les docu-ments de synthèse concernant ses missions intermédiaires aux branches et aux autorités de tutelle en décembre. Les aspects retenus en 2015 par la Cour dans l’audit qu’elle mène chaque année, soit directement, soit par l’intermédiaire de sociétés prestataires de service, sur les risques informatiques, ont concerné la validation des développements informatiques, la gestion des incidents informatiques et la gestion de la sécurité informatique et des habilitations.

La Cour insiste, depuis plusieurs exercices, sur l’accompagnement qu’elle propose aux organismes nationaux et aux branches, pour les aider dans la mise en œuvre des actions découlant de ses recommandations. Le rapport sur les comptes 2015 met en lumière le cycle de réunions mensuelles, qui a été instauré avec l’accord des branches, sur le dispositif de suivi de leur trajectoire pluriannuelle de levée des réserves et de suivi des plans d’actions. Ces contacts réguliers favorisent une vision partagée des enjeux et priorités de l’amélioration des comptes, en particulier dans le domaine du contrôle interne.

Présentation synthétique des résultats de la certification 2015Le périmètre de la certification 2015 est resté inchangé par rapport à 2014. Notons que les organismes de base inclus dans celui-ci sont essentiellement 101 CPAM, 15 CARSAT et la

Notes1. L’ensemble des rapports de la Cour cités dans le présent article sont publiés à La Documentation Française et sur le site www.ccomptes.fr

2. La RFC a commenté régulièrement la genèse et la mise en œuvre du processus, puis les résultats annuels de cette certification (voir notamment, J. Le Gall, “La certification des comptes du régime général de la sécurité sociale par la Cour des comptes : premier bilan et résultats 2012“, RFC n° 470, novembre 2013, p. 19).

3. Branches Maladie, Accidents du Travail-Maladies Professionnelles (AT/MP), Famille, Vieillesse, Recouvrement, auxquelles s’ajoutent les 4 établissements publics qui pilotent ces branches : la CNAMTS (Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés), la CNAF (Caisse Nationale des Allocations Familiales), la CNAVTS (Caisse Nationale d’Assurance-Vieillesse des Travailleurs Salariés) et l’ACOSS (Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale).

4. Milliards d’euros.

La Cour des Comptes a publié le 27 juin 2016, son rapport annuel relatif à la certification des comptes 2015 du régime général de la Sécurité Sociale 1. Ce processus, mis en place à effet de l’exercice 2006 est entré en vitesse de croisière 2.

Par Jacques Le Gall, Diplômé HEC,

Docteur en science politique, Ancien Directeur-Adjoint des

Finances et de la Comptabilité à la Caisse Nationale d’Assurance-Maladie des Travailleurs Salariés

Page 55: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

Revue Française de Comptabilité Octobre 2016 N° 502 53

CRAMIF, 101 CAF, 22 URSSAF, 4 CGSS 5. La Cour remarque que la Caisse de Sécurité Sociale de Mayotte n’a pu être intégrée en 2015 à ce périmètre, comme le prévoit l’article 32 de la LFSS 6 pour 2015, du fait d’écarts non résolus entre son bilan et celui des branches.L’introduction souligne la poursuite par les branches, de progrès en matière de disposi-tifs de contrôle interne et certaines avancées dans la justification des comptes.

Les principales améliorations relevées sont les suivantes : • pour les branches maladie et AT/MP, la

poursuite en 2015 de l’élaboration des nouveaux référentiels nationaux de pro-cessus pour le dispositif rénové de contrôle interne ;

• pour la branche famille, des progrès dans la justification des comptes, le calcul des estimations comptables, la rédaction des annexes aux comptes, la mise au point de nouveaux indicateurs de mesure du risque financier ;

• pour la branche vieillesse, la mise en place d’une comptabilité auxiliaire par bénéfi-ciaire rétablissant une piste d’audit pour la justification des prestations ;

• pour la branche recouvrement, une exten-sion des contrôles de l’ordonnateur, des avancées dans la définition des référentiels nationaux de contrôle interne, des amé-liorations dans l’estimation des produits à recevoir, des dépréciations de créances et des provisions pour litiges.

De façon nuancée, le rapport indique que l’approfondissement de ses travaux d’audit a amené la Cour à renforcer certains constats et à en formuler de nouveaux, sans que cela signifie une détérioration générale de la qualité des comptes (cette précision est apportée particulièrement pour les branches maladie et AT/MP). La Cour indique égale-

ment que de nouveaux risques sont apparus, dont la responsabilité n’incombe pas aux branches, mais sont la conséquence de dispositions législatives ou réglementaires : il en va ainsi de la reprise par la branche maladie, de la gestion des créances et dettes internationales d’assurance-maladie 7 et de l’intégration financière du Régime Social des Indépendants (RSI). Si la Cour a certifié, comme lors des deux exercices précédents, les comptes de l’ensemble des branches – une annexe 8 synthétise les positions de la Cour sur les comptes des exercices 2006 à 2015 –, cette certification s’assortit d’un total de 33 réserves (pour l’ensemble des comptes combinés des 5 branches et des comptes propres des 4 organismes nationaux). Pour les seuls comptes combinés des branches, ce nombre est de 23. Il est comparable à celui des exercices 2013 et 2014, avec une augmentation pour les branches maladie et AT/MP (passage, respectivement, de 4 à 5 et de 5 à 6), une diminution pour la branche famille (évolution de 6 à 4) et une stabilité pour les branches vieillesse et recouvrement (maintien à 4). Il est à noter cependant que certaines réserves ont été allégées, du fait qu’une partie des points d’audit qui les constituaient ont été levés : 55 points d’audit au total.La Cour manifeste sa volonté, dans un souci pédagogique à l’attention des responsables des branches, comme à celle de l’ensemble des lecteurs du rapport, de renforcer la struc-turation de la présentation des réserves 9 : celles-ci sont présentées en ordre décroissant d’importance de leur impact sur l’opinion de la Cour. Chaque réserve donne lieu à un encadré faisant la synthèse des points d’audit relatifs à ladite réserve, à des paragraphes grisés présentant les constats d’audit, puis à des paragraphes non grisés détaillants les points d’audit sous-jacents.

Réserves 2015 : la place toujours plus grande du contrôle interneAinsi que nous l’avons observé dans les rapports des exercices précédents, la Cour insiste de plus en plus sur les progrès à poursuivre en matière de maîtrise des risques, alors même que celles relatives aux améliorations purement comptables sont cantonnées à quelques sujets.

n Le renforcement continu du contrôle interne demeure la préoccupation essen-tielle de la Cour. Sur le plan quantitatif comme sur celui de leur place dans l’opinion formulée par la

Cour, les réserves afférentes au contrôle interne occupent un poids prédominant. Sur 23 réserves touchant les comptes combinés des 5 branches, 17 touchent à divers aspects du contrôle interne, 6 seulement concernent des sujets strictement comptables. Par ailleurs, sauf pour la branche AT/MP, pour laquelle une réserve sur la justification des comptes est placée en 1ère position, les réserves sur le contrôle interne sont énoncées en priorité.• C’est tout d’abord le cas de la branche

maladie qui fait l’objet de 4 réserves de contrôle interne (sur un total de 5). Même si la Cour souligne la poursuite par la branche, de la rénovation de son dispositif de contrôle interne, elle considère, dans sa 1ère réserve, que ce dispositif couvre encore un périmètre incomplet d’activités et que les résultats des contrôles mis en œuvre manquent d’une fiabilité suffisante. Les 2e, 3e et 4e réserves s’attachent, de façon plus sectorielle, au contrôle interne de 3 grands domaines d’activité de la branche (prestations en nature, règlements aux éta-blissements de santé anciennement sous dotation globale, indemnités journalières maladie et maternité).

• 5 des 6 réserves émises vis-à-vis de la branche AT-MP s’attachent également au contrôle interne : la 2e, de portée générale, vise le périmètre incomplet d’activités cou-vert par le dispositif de contrôle interne et les fragilités des actions de contrôle mises en œuvre, les réserves n° 3 à 6 concernent le contrôle interne de quatre domaines spéci-fiques (détermination et recouvrement des cotisations AT-MP, détermination des rentes AT-MP, prestations en nature en facturation directe, règlements aux établissements de santé anciennement sous dotation globale).

• La branche famille fait l’objet, sur un total de 4 réserves, de 3 réserves consacrées au contrôle interne : là aussi, une réserve générale (la 1ère, sur les imperfections du contrôle interne, malgré les renforcements opérés, ainsi que sur le caractère perfec-tible de l’audit interne) accompagne des réserves plus ciblées (la 2e sur le risque financier résiduel afférent aux prestations légales et la 3e sur les risques d’inexactitude en matière de prestations extra-légales d’action sanitaire et sociale).

• La branche vieillesse, pour sa part, donne lieu, sur un total de 4, à 3 réserves concernant le contrôle interne : la 1ère sur les attributions et révisions des pensions de retraite, la 2e sur le report des données de carrière des assurés sociaux, la 3e sur différents dispositifs (référentiel de maîtrise

Notes5. Respectivement : Caisse Primaire d’Assurance-Maladie, Caisse Régionale de Retraite et Santé au Travail, Caisse Régionale d’Assurance-Maladie d’Ile-de-France, Caisse d’Allocations Familiales, Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales, Caisse Générale de Sécurité Sociale des Départements d’Outre-Mer.

6. Loi de Financement de la Sécurité Sociale.

7. Précédemment assurée par le Centre des Liaisons Européennes et Internationales de Sécurité Sociale (CLEISS).

8. Rapport annuel relatif à la certification des comptes 2015 du régime général de la Sécurité Sociale, p. 136 à 138.

9. Rapport annuel relatif à la certification des comptes 2015 du régime général de la Sécurité Sociale, p. 3.

Page 56: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

54 Octobre 2016 N° 502 Revue Française de Comptabilité

Réflexion COMPTABILITÉ PUBLIQUE

des risques, gestion des systèmes d’infor-mation, lutte contre les fraudes, opérations de paiement de l’action sanitaire et sociale).

• La branche recouvrement fait l’objet de 2 réserves sur un total de 4 pour son contrôle interne. Il s’agit de la 1ère réserve qui vise le domaine des prélèvements sociaux sur les travailleurs indépendants (irrégularités affectant le calcul et l’appel des cotisations, limites du contrôle interne du recouvrement) et de la 2e, de portée plus globale (limites des dispositifs de contrôle interne et d’audit interne).

n Les réserves concernant les sujets comp-tables demeurent minoritaires.Comme lors des exercices précédents, les réserves touchant les méthodologies comptables constituent une fraction mino-ritaire du total des réserves émises par la Cour à l’égard des comptes combinés des 5 branches : 6 sur un total de 23. • Pour la branche maladie, une seule réserve

sur 5, et classée en 5e position, s’attache aux incertitudes en matière de comptabili-sation et de dépréciation des créances, de répartition des charges entre les régimes d’assurance maladie et entre les risques et de comptabilisation de certaines charges et provisions.

• Si la branche AT-MP ne reçoit, elle aussi, qu’une réserve sur 6 dans le champ comp-table, cette réserve est placée par la Cour en 1ère position dans l’ordre d’importance : elle vise les incertitudes afférentes aux pro-visions, aux créances, à la comptabilisation de certaines charges (particulièrement de celles supportées par la branche au titre de la pénibilité du travail).

• La Cour reconduit pour la branche famille la réserve relative à l’incertitude affectant les cotisations et les prestations compta-bilisées au titre des entités délégataires de la gestion des prestations familiales : cette unique réserve comptable, sur un total de 4, est placée en 4e position.

• Il en va de même pour la branche vieillesse, pour laquelle une réserve d’ordre comp-table sur un total de 4 est aussi placée en 4e position : elle s’applique à l’évaluation des provisions et à l’imputation des charges au titre des relations financières avec certains organismes de Sécurité Sociale tiers à la branche.

• C’est la branche recouvrement qui reçoit proportionnellement le plus de réserves sur des sujets comptables, à savoir 2 sur un total de 4, placées en 3e et 4e positions. L’une rassemble la limitation à la justifica-tion des comptes liée à la rupture de la piste

d’audit des enregistrements comptables des URSSAF, des désaccords sur le ratta-chement à l’exercice de certains produits et une incertitude sur les montants des impôts et taxes notifiés à l’ACOSS par la DGFIP 10. L’autre porte, en dépit des améliorations constatées, sur l’évaluation des produits à recevoir, des provisions pour litiges et des dépréciations de créances sur les cotisants.

n Éléments de comparaison entre la Sécurité Sociale et les autres entités de la sphère publique.Selon le calendrier en vigueur depuis 2006, la Cour avait, avant son rapport sur la cer-tification des comptes du régime général, publié celui relatif aux comptes de l’État, au titre du même exercice 2015. Depuis l’origine, ceux-ci ont été certifiés, avec un nombre de réserves qui est allé en décroissant au fil des exercices. L’élément frappant lorsque l’on compare les deux entités est l’impor-tance respective des réserves afférentes au contrôle interne et de celles afférentes aux thématiques comptables 11. Sur cinq grandes réserves subsistant pour l’État, une seule vise exclusivement le contrôle interne (caractère encore trop peu efficace des dispositifs ministériels de contrôle interne et d’audit interne). Pour le régime général, au contraire, nous venons de voir la prédominance des réserves touchant au contrôle interne, par rapport à celles visant les sujets comptables (ces dernières étant surtout concentrées sur la comptabilisation des créances, les provisions pour créances douteuses, les provisions pour charges, l’articulation entre les branches, les relations financières avec d’autres entités). Nous esquisserons quelques éléments d’explication de cette distorsion : • la comptabilité de la Sécurité Sociale

retrace certainement des situations moins complexes et moins variées que celle de l’État, notamment sur le plan patrimonial ;

• l’adaptation de la première aux normes comptables générales – particulièrement le passage aux droits constatés dès l ‘exercice 1996 – s’est effectuée plusieurs années d’avance par rapport à la seconde ;

• la comptabilité de la Sécurité Sociale se caractérise par la masse gigantesque d’opérations, traitées selon des processus complexes faisant appel à de nombreuses applications informatisées. C’est pourquoi la Cour privilégie dans ses recommanda-tions les enjeux sur la maîtrise des risques, notamment en matière de reports de l’information, de croisement de fichiers, de gestion des comptes des assurés sur la

longue durée (par exemple, les comptes individuels vieillesse).

D’autres entités de la sphère publique entrées récemment dans le champ de la certification des comptes donnent lieu, elles aussi, à plus de réserves dans le domaine comptable que dans celui du contrôle interne :• c’est le cas des assemblées parlementaires

qui ont fait l’objet, au titre de 2015, d’un rapport de certification des comptes pour la troisième fois 12 : l’amélioration du contrôle interne est bien sûr présente, mais des sujets tels que les immobilisations ou l’inventaire physique tiennent une place importante ;

• la première vague d’établissements publics de santé ayant donné lieu à certification de leurs comptes se rap-procherait davantage de la Sécurité Sociale : la Cour 13 insiste sur la fragilité du dispositif de contrôle interne de cette catégorie d’établissements, particulière-ment en matière de maîtrise des risques liés à la chaîne de facturation et aux relations financières avec les organismes d’assurance-maladie. À côté du contrôle interne, des recommandations sont éga-lement émises sur des sujets comptables spécifiques, comme le provisionnement des risques attachés aux emprunts.

***Conformément à l’article 47-2 de la Constitution 14, les comptes de toutes les administrations publiques sont soumis aux principes fondamentaux de régularité, de sincérité et d’image fidèle. La certification des comptes, destinée à garantir cette obligation, est à présent largement diffusée dans la sphère publique. Le régime général de la Sécurité Sociale et l’État ont été les piliers fondamentaux de ce processus 15. Ils ont été rejoints par les autres régimes

Notes10. Direction Générale des Finances Publiques.

11. Voir L. Zérah, “Les comptes de l’Etat de l’exercice 2015“, RFC n° 501, septembre 2016, p. 57.

12. Voir M. Portal, “La certification des comptes de l’Assemblée nationale et du Sénat“, RFC n° 478, juillet 2014, p. 8.

13. Voir, dans le rapport de la Cour de septembre 2015, “La Sécurité Sociale 2015“, le chapitre XIV, “La qualité des comptes des établissements publics de santé : une exigence à confirmer pleinement“, p. 495sq.

14. Issu de la révision constitutionnelle de 2008.

15. En application, respectivement, de la Loi Organique sur les Lois de Financement de la Sécurité Sociale (LOLFSS) de 2004 et de la Loi Organique sur les Lois de Finances (LOLF) de 2005.

Page 57: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

de Sécurité Sociale et par des organismes publics autres que l’Etat 16. La certification est en train de se déployer en plusieurs vagues pour les établissements publics de santé et elle va bientôt faire l’objet d’une expérimentation pour les collectivités territoriales 17.

Les différents rapports de la Cour témoignent d’une progression continue de la qualité des comptes de la sphère publique 18. À cet égard, le régime général de la Sécurité Sociale est une composante essentielle de cet ancrage des comptes publics dans ce proces-sus continu d’amélioration de leur qualité et de leur fiabilité, compte tenu de l’antériorité de la démarche engagée et du poids financier du régime dans le PIB. Le rapport sur l’exercice 2015 témoigne du niveau satisfaisant déjà atteint, même si des progrès restent encore à accomplir, avec l’accompagnement de la Cour, pour obtenir une certification sans réserve.

Notes16. Tels que des ODAC (Organismes Divers d’Administration Centrale) ou des ODAL (Organismes Divers d’Administration Locale). Voir le rapport de la Cour : “La qualité des comptes des administrations publiques : comptes assujettis à la certification par un commissaire aux comptes. Exercice 2013“, oct. 2014, avec l’article de Duc-Huy Dong dans la RFC de mai 2015.

17. Sur cette expérimentation, voir les communiqués sur les sites www.collectivites-locales.gouv.fr (25/02/2016) et www.ccomptes.fr (26/02/2016) ; L. Zérah, “L’expérimentation de la certification des comptes des collectivités locales“, RFC n° 494, janvier 2016, p. 27.

18. Voir la satisfaction affichée par le Premier Ministre pour l’ensemble de la sphère publique, dans sa réponse du 25/02/2016 au rapport de la Cour du 12/01/2016, “La Comptabilité générale de l’État 10 ans après, une nouvelle étape à engager“.

Page 58: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

56 Octobre 2016 N° 502 Revue Française de Comptabilité

Réflexion RÉGULATION FINANCIÈRE

Recommandations 2010-2015 de l’AMF, en vue des arrêtés des comptes en IFRS

Sur la dernière période quinquennale (2011-2015), les recommandations de l’AMF traitent en moyenne près de cinq sujets

permettant de formuler des préconisations au niveau de l’application d’une dizaine de normes IFRS, en moyenne. Depuis 2012, les recomman-dations de l’AMF s’appuient et/ou complètent celles émises par l’autorité européenne des marchés financiers (ESMA). Comparativement à la période quinquennale précédente, ces recommandations ont tendance à : • être publiées plus tôt au cours du dernier

trimestre civil (octobre depuis 2 ans), permettant aux émetteurs de mieux anti-ciper et préparer leurs travaux de clôture comptable de fin d’année ;

• se concentrer sur un nombre moins important de sujets, après une première phase marquée par l’entrée en vigueur des normes IFRS et par la crise économico-financière.

Au cours de la période 2010-2015, les normes IAS 1, 7, 19, 36 et 39 et IFRS 7, 10, 11 et 12 ont été majoritairement traitées ou abordées dans les recommandations de l’AMF. Applicable de manière obligatoire depuis 2014 (application anticipée dès 2013), le pack conso (IFRS 10, 11 et 12) a ainsi fait l’objet de recommandations annuelles plus spécifiquement en 2013 et 2014, comme cela a été également le cas en 2013, pour la “nouvelle“ norme IFRS 13, année de sa première application dans l’UE 4.

Les normes sur l’information financière (IAS 1, 7 et IFRS 7) ont été traitées à de nombreuses reprises dans les recommandations de l’AMF. Les normes IFRS 9 et 15, non encore appli-cables dans l’UE à ce jour, sont évoquées dans les dernières recommandations AMF datées de 2015 5. La fréquence de citation des autres normes oscillent entre 17 et 33 %, tandis que certaines normes ne sont jamais

traitées en tant que telles, comme IAS 16, 17, 18 ou encore 40. Certaines normes abordées dans la période précédente ne le sont plus ou que très peu, sur la dernière période, comme cela est le cas par exemple, d’IFRS 2.

Au sein des recommandations de l’AMF émises au cours de la période 2010-2015 et en cohérence avec la période précédente, il ressort ainsi une prédominance des normes relatives à la présentation de l’information financière (IAS 1, 7 et IFRS 7), au pack conso (IFRS 10, 11 et 12), aux avantages au personnel (IAS 19), aux dépréciations d’actifs (IAS 36) et aux instruments financiers (IAS 39).

A partir des recommandations AMF de la période 2010-2015, cet article vise à res-tituer une sélection partielle de quelques préconisations essentielles que nous avons regroupées autour de trois thématiques, à savoir : la présentation de l’information financière, les nouvelles normes de conso-

Notes1. Pour une étude des recommandations AMF sur la période 2005-2009, voir E. Tort, “Les recommandations de l’AMF en vue des arrêté des comptes en IFRS au cours des années 2005 à 2009 (1re et 2e parties)“, RFC, n° 430 mars 2010, p. 39 et n° 431, avril 2010, p. 38.

2. La date de publication correspond ici à la date de création du document figurant sur la recommandation.

3. Il s’agit d’un décompte “approximatif“ dans la mesure où nous n’avons pas intégré, de manière systématique, toutes les normes citées.

4. Voir sur le sujet de l’évolution des normes IFRS sur la dernière décennie, E. Tort, “Rétrospective sur l’évolution des normes IFRS de 2003 à 2013“, La profession comptable, n° 368, septembre 2013, p. 26.

5. Concernant les normes IFRS 9 et 15 non encore homologuées dans l’UE, l’AMF recommande aux émetteurs dès 2015 d’expliciter l’avancement de leurs travaux en vue de leur future mise en œuvre, de donner une information qualitative sur les principes comptables susceptibles d’être modifiés et de préciser, le cas échéant, leur intention d’une application anticipée.

Depuis l’application au 1er janvier 2005 du référentiel comptable international dans les sociétés cotées, l’AMF publie chaque année ses recommandations en vue de l’arrêté des comptes en IFRS des sociétés faisant appel public à l’épargne (APE). Il est proposé ici de s’intéresser à celles émises au cours de la période 2010-2015 1.

Par Eric TORT, Professeur des universités

associé à l’IAE Lyon, docteur HDR en sciences de gestion,

diplômé d’expertise comptable

Date de “publication“ 2 Nombre de sujets traités (§)

Nombre “estimé“ de normes principales concernées 3

17/11/2010 4 3

07/11/2011 4 12

16/11/2012 6 11

12/11/2013 5 8

28/10/2014 4 8

28/10/2015 4 11

Moyenne 2010-2015 4,5 8,8

Rappel moyenne période (2005-2009) 10,4 10,6

Page 59: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

Revue Française de Comptabilité Octobre 2016 N° 502 57

lidation et la prise en compte des risques et incertitudes 6.

Cette sélection partielle conduit de facto à exclure un bon nombre de préconisations qui auraient pu figurer ici. En particulier, aucune des préconisations de la recommandation AMF en vue de l’arrêté des comptes 2011 n’est reprise, même si certaines auraient pu y être classées 7.

Présentation de l’information financière Dans un environnement économique incer-tain, l’information financière fait régulière-

ment l’objet de recommandations de la part de l’AMF dont nous évoquons ici certaines d’entre-elles, issues des recommandations émises par l’AMF en 2010 et plus récemment en 2014 et 2015.

Information financière (recommandation AMF 2010) 8 Dans un contexte de turbulences des marchés financiers et d’incertitudes écono-miques, l’information financière des sociétés cotées revêt une importance toute particu-lière à laquelle l’AMF a consacré l’essentiel de ses recommandations en 2010. A partir des résultats de deux études réalisées auprès

d’un échantillon de sociétés cotées à Paris, portant sur le contenu du compte de résul-tat et de l’annexe, l’AMF formule certaines préconisations au niveau d’IAS 1, d’IAS 33 et d’IFRS 8.

n Présentation du compte de résultat (IAS 1)Dans le prolongement de ses recommanda-tions 2009 10 concernant l’usage d’un solde intermédiaire Résultat Opérationnel Courant (ROC) dans le compte de résultat, l’AMF rap-pelle en 2010 à cet égard, les principes posés par la recommandation du CNC 2009-R.03 (remplacée depuis par ANC 2013-03), quant à la notion de résultat courant et aux restrictions d’utilisation de la rubrique autres charges et produits opérationnels, aux éléments inhabituels, anormaux, peu fréquents et de montants particulièrement significatifs 11, à la différence, selon l’AMF, des éléments prédictifs à inclure dans le résultat courant.

Constatant la présentation fréquente d’un indicateur de résultat courant, l’AMF préco-nise la mention en annexe de la référence à la recommandation du CNC si appliquée, ou à défaut de la définition de l’agrégat présenté avec, dans tous les cas, les raisons de cette utilisation et une permanence dans la présentation. Il en va de même des autres agrégats utilisés avant le ROC (ex : EBE) pour lesquels il est préconisé une explication de leur utilité, une cohérence avec l’usage fait en interne et le cas échéant, la présen-tation sectorielle (voir AMF DOC 2015-12).

n Résultat par action (IAS 33)Après avoir rappelé les exigences du § 70 d’IAS 33 concernant les quatre informations précises à fournir en matière de résultat par

Notes6. Les développements ci-après sont issus d’une adaptation de nos rubriques comptables publiées sur le sujet dans le journal Option finance (OF) , au cours des 6 dernières années (voir plus loin les références).

7. A cet égard et pour une vision complète, nous renvoyons le lecteur aux recommandations correspondantes, accessibles sur le site de l’AMF, www.amf-france.org.

8. Adapté de notre rubrique d’OF n° 1104/1105 du 13 décembre 2010, p. 33.

9. Cf. Note 3.

10. Voir aussi notre rubrique d’OF n° 1053 du 23 novembre 2009, p. 33.

11. La reco. 2009-R.03 du CNC cite 3 exemples : PV ou MV de cession d’actif, coût de restructuration et provision sur un litige.

Normes 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Fréquence 2010-2015

Fréquence 2005-2009

IFRS 1 X 17 % 20 %

IFRS 2 40 %

IFRS 3 X 17 % 80 %

IFRS 4 20 %

IFRS 5 X 17 % 20 %

IFRS 7 X X X X 67 % 60 %

IFRS 8 X X 33 % 40 %

IFRS 9 X 17 %

IFRS 10 X * X X X 67 %

IFRS 11 X * X X 50 %

IFRS 12 X * X X X 67 %

IFRS 13 * X 17 %

IFRS 15 X 17 %

IAS 1 X X X X 67 % 100 %

IAS 2 20 %

IAS 7 X X X X 67 % 40 %

IAS 8 X 17 % 40 %

IAS 12 X X 33 % 40 %

IAS 14 20 %

IAS 19 X X X 50 % 100 %

IAS 20 X 17 %

IAS 23 20 %

IAS 24 20 %

IAS 27 X X 33 % 40 %

IAS 28 X X 33 % 20 %

IAS 32 X X 33 % 60 %

IAS 33 X X 33 %

IAS 36 X X X 50 % 100 %

IAS 37 X 17 % 20 %

IAS 38 40 %

IAS 39 X X X 50 % 100 %

Total 3 12 11 8 8 11

Liste des principales normes abordées dans les recommandations annuelles de l’AMF 9

* Normes uniquement citées et ayant fait l’objet d’une simple mention sans préconisations particulières.

Page 60: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

58 Octobre 2016 N° 502 Revue Française de Comptabilité

Réflexion RÉGULATION FINANCIÈRE

action 12, l’AMF préconise de s’inspirer des bonnes pratiques, afin d’améliorer l’infor-mation en présence d’instruments relutifs mais potentiellement dilutifs (§ 70 c) et souligne l’importance de mentionner les transactions post-clôture sur actions (§ 70 d). L’AMF recommande aussi d’indi-quer pour chaque catégorie d’instrument (et non pas globalement), l’effet de la dilution dans le cadre du rapprochement des dénominateurs du résultat par action avant et après dilution.

Par ailleurs, ayant constaté l’utilisation d’agrégats ajustés par action distincts de ceux imposés par IAS 33, l’AMF souligne que cette information, si elle est autorisée par la norme, ne doit pas être présentée au pied du compte de résultat mais en annexe. L’AMF rappelle aussi la nécessité dans une telle situation, d’utiliser un nombre d’actions iden-tique à ceux prévus par IAS 33 en matière de calcul du résultat de base et dilué (§ 73). Elle indique en outre l’obligation de publier, dans le compte de résultat ou en annexe, un résultat par action (de base et dilué) propre aux activités abandonnées, si cela est le cas (§ 68).

n Information sectorielle (IFRS 8)A partir de l’étude de l’information sectorielle, l’AMF formule les propositions d’amélioration suivantes :• mention en annexe des regroupements

effectués de secteurs opérationnels en secteur unique de présentation ;

• indication des informations exigées par le § 34 d’IFRS 8 (CA, secteur concerné) relatives à la situation dans laquelle un client externe représente 10 % ou plus des produits d’activité ordinaire, afin de mettre en lumière les risques, à la clôture, de dépendance vis-à-vis d’un client ;

• cohérence à rechercher dans l’affectation des éléments aux UGT et aux secteurs opé-rationnels, pour une bonne compréhension des états financiers, sauf cas d’affectation temporaire ou différence justifiée par rapport au reporting interne, présenté au principal décideur opérationnel.

n Principes et méthodes comptablesConstatant les critiques récurrentes des utilisateurs à propos du volume des notes annexes, l’AMF invite enfin les émetteurs à appliquer le principe d’importance relative, prévu par IAS 1 (§ 29-31), afin de privilégier la pertinence de l’information produite plutôt que la quantité.

Information financière (recommandation 2014) 13

n Classement entre dettes et fonds propres des instruments financiers (IAS 32)L’AMF recommande une analyse détaillée et documentée de la classification dettes/capitaux propres à l’éclairage des caracté-ristiques propres de l’instrument financier et des critères d’IAS 32, la production de diverses informations en annexe (ex : carac-téristiques) et une présentation appropriée (ex : ligne séparée dans le bilan).

n Tableau de flux de trésorerie (IAS 7)L’AMF rappelle aux émetteurs que les flux ne doivent pas être compensés dans le tableau de flux de trésorerie (TFT), sauf cas spécifi-quement visés par IAS 7. En revanche, sans incidence sur la trésorerie, la souscription d’un nouveau contrat de location finance-ment ne doit pas figurer dans un TFT.

Face aux choix offerts par IAS 7 pour le clas-sement de certains éléments entre les diffé-rents flux (opérationnels / investissements / financiers), l’AMF prône une description en annexe de la présentation retenue pour les intérêts et les dividendes significatifs. En termes de présentation, l’AMF souligne la nécessité pour les entités de s’assurer de la cohérence de la composition des catégories de flux par rapport aux définitions données par IAS 7 concernant les flux financiers et d’investissement.

Opérations de gestion du BFR (recommandation AMF 2015) 14

En 2015, l’AMF rappelle que le contexte de crise financière de 2008 a conduit les entre-prises à procéder à l’optimisation de leur BFR (ex : mobilisation de créances, affacturage, titrisation), par le biais de solutions alterna-tives au financement bancaire et boursier.

n Opérations sur les actifs (IAS 39, IFRS 7)L’AMF attire l’attention des émetteurs sur l’analyse des risques et avantages (ex : crédit, dilution, portage) à conduire dans le cadre de l’éventuelle dé-comptabilisation des créances, au regard des dispositions d’IAS 39 15. En ce sens, il est demandé de mentionner dans les états financiers, une information sur les caractéristiques, les éléments clés et les jugements relatifs aux dé-comptabilisations substantielles intervenues. Par référence à IFRS 7, une information sur les effets comptables est requise, en cas de transfert d’actifs finan-ciers significatifs.

n Opérations sur les passifs (IAS 1, 39)Se pose ici la question de la présentation dans les états financiers de l’affacturage inversé : opération à l’issue de laquelle la dette d’exploitation due initialement au fournisseur « devient payable à l’institution financière ». A cet égard, l’AMF recommande une analyse détaillée de la substance et des objectifs de ces opérations, à partir des éléments contrac-tuels, contextuels et comparativement avec une dette d’exploitation hors affacturage. Il est ainsi préconisé de faire figurer dans les annexes, une information appropriée pour les transactions significatives (caractéristiques, analyse et jugements inhérents à la présen-tation retenue et impacts financiers).

n Gestion centralisée de la trésorerie d’un groupe sous forme de Cash pooling (IAS 32)En la matière, l’AMF préconise d’analyser les modalités de compensation des posi-tions bancaires créditrices et débitrices au regard d’IAS 32. Si significatif, la mention d’une information en annexe est préconisée (caractéristiques, analyse effectuée et effets comptables).

Nouvelles normes de consolidation (Pack conso)Dès 2013, l’AMF attire l’attention des émet-teurs sur les explications à fournir, suite aux modifications induites par le Pack conso. En 2014, l’AMF formule des recommanda-tions, s’agissant de la première application de ces nouvelles normes de consolidation.

Pack conso (recommandation AMF 2013)n Analyse du contrôle au sens d’IFRS 10 et impacts Face aux changements induits dans l’analyse du contrôle par IFRS 10, l’AMF préconise de s’assurer, avant de conclure sur l’existence d’un contrôle, du respect des étapes du rai-sonnement conduit et de la prise en compte de l’ensemble des faits pertinents.

Notes12. Il s’agit principalement d’informations portant sur les rapprochements des montants figurant au numérateur et au dénominateur, le cas d’instruments relutifs potentiellement dilutifs et des transactions post-clôture sur des actions.

13. Adapté de notre rubrique d’OF n° 1294 du 24 novembre 2014.

14. Adapté de notre rubrique d’OF n° 1342 du 23 novembre 2015.

15. Voir par ex., E.Tort, “L’affacturage confidentiel et sans recours : un montage déconsolidant ?“, RFC, n° 427, décembre 2009.

Page 61: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

Revue Française de Comptabilité Octobre 2016 N° 502 59

En cas de changement substantiel en matière de contrôle du fait des nouvelles dispositions d’IFRS 10, il est préconisé de mentionner en annexe les facteurs spécifiques pertinents, à l’origine de la modification de la relation avec les entités concernées. Une information qualitative et quantitative au sens d’IAS 8 est requise, quant à l’impact anticipé dans les comptes 2013 des nouvelles normes de consolidation. n Informations à fournir (IFRS 12)En termes d’information, l’AMF recom-mande : • de fournir les explications pertinentes sur

l’analyse du contrôle, en termes d’hypo-thèses et de jugements ;

• d’apprécier l’opportunité de communiquer des informations pertinentes requises par IFRS 12, dès les comptes intermédiaires (semestriels), en présence d’impact subs-tantiel anticipé ;

• d’anticiper les travaux de compilation et de synthèse des données en vue de la com-munication des différentes informations prescrites par IFRS 12 ;

• d’apprécier le niveau de détail (granularité) et la pertinence des informations à commu-niquer sur les intérêts minoritaires.

Pack conso (recommandation AMF 2014) 16

Fin octobre 2014, l’AMF a publié ses recom-mandations en vue de la clôture 2014 en IFRS ; proches de celles de l’ESMA concer-nant les nouvelles normes de consolidation applicables au 1er janvier 2014 dans l’UE.

n Etats financiers consolidés et contrôle (IFRS 10 et 12)En 2014, l’AMF préconise aux émetteurs d’actualiser leur appréciation du contrôle de fait, au regard des critères d’IFRS 10. Celle-ci devra donner lieu à une information en annexe pour les entités significatives analysées.

S’agissant de la première application d’IFRS 12 comprenant des dispositions très détaillées, l’AMF demande aux émetteurs de privilégier la pertinence de l’information, tout en s’assurant de la cohérence de l’informa-tion donnée par rapport à IFRS 12 (nature des intérêts et risques, impacts financiers).

En présence d’intérêts minoritaires significa-tifs relatifs à une participation, l’AMF attire l’attention sur l’application des dispositions d’IFRS 12 en faveur d’une information com-plète 17 incluant le cas échéant, le lien avec le segment opérationnel auquel ceux-ci se rattachent.

En outre, l’AMF préconise la mention en annexe des modalités d’appréciation du caractère significatif concernant les partici-pations ne donnant pas le contrôle.

Renvoyant aux dispositions correspondantes d’IFRS 12, l’AMF rappelle enfin que : • la présentation des informations résumées

doit être faite avant neutralisation des intragroupes ;

• les restrictions substantielles d’accès aux actifs et passifs d’une filiale doivent faire l’objet d’une mention en annexe ;

• les risques associés sur les entités conso-lidées ou non doivent donner lieu à une mention appropriée en annexe, s’ils sont significatifs.

n Coentreprise et activité conjointe (IFRS 11 et 12)S’agissant de la distinction entre coentreprise et activité conjointe, l’AMF recommande aux émetteurs de se référer aux conclusions d’IFRS-IC relatives aux cas des sociétés de projet, en vue d’actualiser leurs analyses de ce type de partenariat.

En matière de présentation de l’informa-tion relative aux entreprises associées et coentreprises, l’AMF préconise de préciser en annexe les éléments quantitatifs ayant permis de déterminer le caractère significatif des entités présentées. A cet égard, elle attire l’attention des émetteurs sur la nécessité de fournir pour les coentreprises significatives, des informations additionnelles au-delà du bilan et du compte de résultat (ex : trésorerie, amortissements), le cas échéant, par renvois aux notes annexes.

n Impacts de la première application d’IFRS 10 et 11 et changement contractuelIFRS 11 prescrit désormais l’application obligatoire de la méthode de la mise en équivalence pour la comptabilisation des coentreprises. Dans ce contexte, l’AMF sou-

ligne l’importance de décrire précisément les impacts de ces changements de comp-tabilisation (ex : passage de l’intégration pro-portionnelle à la mise en équivalence), voire l’analyse et les jugements exercés en cas de changement de la nature du contrôle (ex : modification des accords de partenariat).Concernant la présentation de la quote-part des résultats des entités mises en équiva-lence, l’AMF renvoie à sa recommandation 2013-01 sur le classement dans ou hors du résultat opérationnel 18.

Prise en compte des risques et des incertitudesDes recommandations sont formulées sur la prise en compte des risques et des incerti-tudes dans les états financiers. A cet égard, sont évoquées ici certaines préconisations, issues des recommandations AMF, émises en 2012 et 2015.

Dépréciation d’actif et appréciation des risques (recommandation AMF 2012) 19

Dans un contexte de fortes incertitudes, l’AMF traite en 2012 de différents thèmes faisant l’objet de six paragraphes distincts, dont trois sont repris ci-après concernant les tests d’impairment, les taux d’actualisation et les provisions pour risques et charges 20.

n Test de dépréciation des actifs non finan-ciersS’agissant des hypothèses retenues au niveau des tests d’impairment des good-wills 21, l’AMF constate une communication majoritaire chez les émetteurs sur les taux d’actualisation et taux de croissance à l’infini des cash-flows et une communication croissante sur les hypothèses inhérentes au business plan (croissance du CA et taux de marge). A cet égard, l’AMF préconise d’amé-liorer la communication sur les hypothèses liées notamment à la dernière année de prévision du business plan servant de base à la détermination de la valeur terminale, sous forme d’indications des tendances attendues. L’AMF rappelle par ailleurs le § 134 (d.ii) d’IAS 36 concernant l’information requise relative à l’origine et à la cohérence des hypothèses retenues avec les données passées et les sources externes.

Constatant des pratiques limitées à 50 % l’année précédente, l’AMF renouvelle sa recommandation de 2011 en vue de la diffu-sion d’informations appropriées relatives à l’analyse de la sensibilité des tests d’impair-

Notes16. Cf. note 13.

17. A savoir : dividendes, agrégats bilanciels, résultats et flux de trésorerie relatifs aux minoritaires.

18. Voir notre rubrique dans OF n° 1252 du 13 janvier 2014, p. 29.

19. Adapté de notre rubrique d’OF n° 1200 du 10 décembre 2012.

20. Les autres paragraphes concernent les actifs financiers (§ 4), les actifs non courants détenus en vue de leur vente et activités abandonnées (§ 5) et les principes comptables utilisés et la granularité de l’information – IAS 7, IAS 28 et IAS 8 – (§ 6).

21. Et des immobilisations incorporelles à durée de vie indéterminée.

Page 62: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

60 Octobre 2016 N° 502 Revue Française de Comptabilité

Réflexion RÉGULATION FINANCIÈRE

ment portant sur les goodwills et les actifs incorporels à durée de vie indéterminée. Dans le cadre de ces analyses de sensibilité, iI est ainsi préconisé aux émetteurs d’expliciter en annexe, le niveau de variation raisonnable retenue des hypothèses opérationnelles (ex : variation des taux d’actualisation, de croissance ou de marge).

Concernant la juste valeur diminuée des coûts de cession 22, l’AMF préconise, en cas d’utilisation d’une méthode basée sur les multiples, de valider leur pertinence en examinant notamment la représentativité de l’échantillon utilisé, l’ancienneté des tran-sactions comparables, etc. En tout état de cause, conformément à IAS 36 (§ 134), il y a lieu de mentionner en annexe la méthode utilisée pour déterminer la juste valeur des UGT comprenant un goodwill ou un actif incorporel à durée indéterminée.

n Taux d’actualisationPour ce qui concerne les taux d’actualisation des tests d’impairment, l’AMF rappelle les dispositions d’IAS 36 (§ 55) précisant que ceux-ci doivent traduire la valeur temps et les risques spécifiques non pris en compte dans les flux de trésorerie. Une mention en annexe peut être utile dans le cadre de l’analyse de sensibilité comme évoqué plus haut.

Pour déterminer la valeur actualisée des obligations liées aux avantages postérieurs à l’emploi, IAS 19 prescrit l’utilisation du taux de rendement du “marché des obligations d’en-treprises de 1ère catégorie“ et, en l’absence de marché actif, de celui “du marché des obli-gations d’Etat“. L’AMF recommande 23 aux émetteurs de maintenir leurs pratiques cou-rantes par référence à leur définition actuelle des obligations d’entreprises de 1ère catégorie et de préciser en annexe, en présence de montants significatifs, le sous-jacent utilisé pour déterminer le taux d’actualisation.

En cas d’allongement substantiel des délais de paiement, l’AMF conseille aux émetteurs de vérifier l’opportunité ou pas d’actualiser les créances nouvelles et de déprécier les créances anciennes.

n Provisions pour risques et chargesEn matière de provisions pour risques et charges, l’AMF attire l’attention des émet-teurs sur la qualité des informations à fournir en annexe concernant :• d’une part, le regroupement approprié

des provisions par catégorie en évitant les

libellés généraux et les catégories “autres“ comprenant des montants significatifs ;

• d’autre part, l’amélioration de la commu-nication sur la méthodologie et les hypo-thèses de détermination des provisions significatives.

Insistant sur l’importance des liens entre les litiges et leur transcription comptable, l’AMF recommande aux émetteurs de documenter en annexe, les risques et litiges substantiels en précisant leur provisionnement ou pas dans les états financiers. S’agissant des passifs éventuels (non comptabilisés), l’AMF rappelle les dispositions d’IAS 37 (§ 86) en faveur de la divulgation, sauf cas extrême-ment rare (§ 92), de leur nature, de leur impact financier et des incertitudes pesant sur leur échéance et leur montant.

Implications comptables en lien avec l’environnement économique (recommandation AMF 2015) 24

En cas d’exposition à des sous-jacents volatils, l’AMF souligne en 2015, l’utilité de la production d’une information appropriée sur les expositions et risques associés, dans une note spécifique ou par références dans les états financiers.

n En matière de taux d’intérêt, l’AMF formule trois préconisations dans un contexte de taux bas et volatils entraînant des amplitudes de variations sensibles. En effet, le niveau de ces taux d’intérêt est susceptible d’impacter la détermination de la juste valeur d’actifs et pas-sifs financiers (ou non), la valeur recouvrable

utilisée dans les tests d’impairment, ainsi que l’actualisation des provisions d’indemnité de fin de carrière (IDR) et à long terme (LT). n S’agissant des prix des matières premières, l’AMF recommande la présentation : • d’une part, d’une information précise sur

les impacts financiers, en cas de variations significatives et d’éventuelles décisions conjoncturelles d’arrêt/report de projets ;

• d’autre part, de la nature, la valeur, l’évo-lution et la sensibilité du paramètre utilisé (ex : cours), si le prix des matières premières est une hypothèse clé de valorisation d’élé-ments des états financiers (ex : stock).

n Concernant les risques spécifiques (ex : politiques, économiques et de change), l’AMF invite les émetteurs à présenter une information appropriée 25 en termes de nature des expositions comptables, d’impact financier des décisions conjoncturelles prises et d’incertitudes résiduelles (y compris restrictions sur les actifs et passifs, si signi-ficatives).

Notes22. La valeur recouvrable correspond au montant le plus élevé entre la JV diminuée des coûts de cession et la valeur d’utilité.

23. La demande de clarification faite à l’IFRIC C sur ce point n’a pas permis de modifier cette préconisation en 2013.

24. Cf. note 14.

25. Outre les informations sur les risques de crédit et de liquidité prévues par IFRS 7, des informations spécifiques sont préconisées par l’AMF en présence de multiples taux de change dans un pays (exposition, sensibilité) et en cas de restrictions substantielles sur les actifs & passifs (niveau de détail).

Bibliographie• Recommandations de l’AMF en vue

de l’arrêté des comptes en IFRS du 17 novembre 2010, 7 novembre 2011, 16 novembre 2012, 12 novembre 2013, 28 octobre 2014 et 28 octobre 2015 (www.amf-france.org ).

• E. Tort, Rubriques comptables parues dans Option Finance n° 1104/1105 du 13/12/2010, n° 1200 du 10/12/2012, n° 1294 du 24/11/2014, n° 1342 du 23/11/2015.

Items Préconisations de l’AMF

Provisions LT Information sur les hypothèses clés, le taux d’actualisation avec justification et analyse de sensibilité

Taux d’actualisation

Utilisation d’une sensibilité adaptée au contexte et en cohérence avec la variabilité antérieure constatée

Provision IDR (prestations définies)

Information sur la démarche de détermination des taux de croissance des salaires (profil) utilisés, en cas d’écart avec les taux d’inflation prévus

Page 63: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée
Page 64: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

62 Octobre 2016 N° 502 Revue Française de Comptabilité

Réflexion RECHERCHE

De la légitimité des normes comptables

Par Rouba Chantiri,MCF de sciences de gestion,

Université Paris-Dauphine, Université de recherche PSL, CNRS,

UMR [7088], DRM

Présentation de la journée d’étudesOuverte aux chercheurs de différentes disciplines (droit, histoire, sciences de gestion, sociologie) et aux praticiens de la comptabilité, cette journée a permis de croiser les regards et d’aborder la question de la légitimité, à la fois dans une perspective historique et à travers des problématiques actuelles.

Didier Bensadon  2 (Université Paris-Dauphine) a présenté le développement de la méthodologie des comptes de groupes par le normalisateur français, le Conseil National de la Comptabilité (CNC), à la fin des années 1960. La légitimation de la norme est appréhendée à travers l’analyse de la composition des commissions et des sous-commissions qui ont participé au processus.

Oussama Ouriemmi (ISG Paris) a comparé les procédures de normalisation du plan comptable général dans deux contextes très différents, pendant la guerre (1941-1944) et dans l’immédiat après-guerre (1946-1947), faisant ressortir des modes de production distincts, selon le profil des personnes impliquées et le type de légitimité recherché (technique vs politique).

Fabrice Bardet 3 (laboratoire EVS-RIVES de l’ENTPE, université de Lyon 2), à travers une étude des publications de la revue Accounting Organizations and Society, pose la question de la légitimité du chiffre.

Lambert Jerman (HEC Montréal) aborde celle de la légitimité des normes comptables internationales (International Financial Reporting Standards - IFRS) par leurs effets, aussi bien au niveau macroéconomique

qu’au niveau microéconomique. Dans cette dernière perspective, il invite à étudier la mise en œuvre des IFRS dans les entreprises et à intégrer dans la réflexion les préparateurs, grands absents des débats de l’International Accounting Standards Board (IASB).

Yvonne Muller (Université Paris Ouest Nanterre) pose la question de la légitimité à travers la notion de l’intérêt général. Se situant dans la perspective de l’évaluation de la décision européenne imposant l’usage des normes IFRS pour les comptes conso-lidés des groupes (Règl. CE 1606/2002 du 19 juillet 2002 sur l’application des normes comptables internationales), elle s’interroge sur le sens de l’intérêt général européen et recherche qui est habilité à le définir.

Alain Burlaud (Conservatoire National des Arts et Métiers) 4 remet en cause les fonde-ments de la légitimité de l’IASB : • une légitimité politique absente pour un

organisme de droit privé sans pouvoir de coercition ;

• une légitimité procédurale limitée du fait d’un manque d’indépendance des membres et d’un due-process à l’effet incertain ;

• une légitimité substantielle faible, à travers un cadre conceptuel aux orientations discutables.

Une table ronde a réuni Danièle Fraboulet (Université Paris 13), Yuri Biondi (ESCP Europe (Labex reFi) et Christian Hoarau (Conservatoire National des Arts et Métiers) pour traiter de la légitimation de la norme comptable par différents acteurs. Ils abordent successivement : • le rôle du patronat français dans la norma-

lisation avant et après la Seconde Guerre mondiale (Danièle Fraboulet) ;

• les institutions françaises de normalisation (Christian Hoarau) ;

• les débats entre le Parlement européen et la Commission européenne sur l’application des normes IFRS dans le cadre de l’Union européenne (Yuri Biondi) ;

• Danièle Fraboulet rappelle combien le patronat français a été hostile à la norma-lisation comptable et à la mise en place du premier plan comptable français, craignant qu’il ne serve les intérêts de l’administration fiscale ou qu’il ne menace le sacro saint secret des affaires 5. Le Plan comptable ne doit sa légitimité qu’à la très grande sou-

Le 16 octobre 2015, Rouba Chantiri, maître de conférences en sciences de gestion, et Béatrice Touchelay, historienne, en collaboration avec l’Autorité des normes comptables, organisaient une journée d’étude intitulée : « De la légitimité des normes comptables : qui évalue, qui valide, avec qui et comment ? » au ministère des Finances, des comptes publics et de l’économie à Paris-Bercy 1.

Notes1. Le programme de la journée d’études est disponible en suivant ce lien : http://irhis.hypotheses.org/13271 ; on trouve de brèves présentations des communications présentées au cours de cette journée en suivant ce lien : http://irhis.hypotheses.org/13620.

2. Didier Bensadon, Les comptes de groupe en France (1929-1985) : Origines, enjeux et pratiques de la consolidation des comptes, Rennes, PUR, 2010.

3. Fabrice Bardet, La contre-révolution comptable. Ces chiffres qui (nous) gouvernent, Paris, Les Belles Lettres, 2014.

4. A. Burlaud, B. Colasse, “Normalisation comptable internationale : le retour du politique ?“ Comptabilité-Contrôle-Audit 16 (3): 153-176, 2010.

5. D. Fraboulet, Quand les patrons s’organisent, Stratégies et pratiques de l’Union des industries métallurgiques et minières, 1901-1950, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2007.

et Béatrice Touchelay,Professeur d’histoire contemporaine,

Univ. Lille, CNRS, UMR 8529,Institut de Recherches Historiques

du Septentrion

Page 65: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

Revue Française de Comptabilité Octobre 2016 N° 502 63

plesse qui entoure sa diffusion : il est laissé facultatif et sa généralisation est soumise à l’examen des secteurs professionnels, chargés de l’adapter aux conditions particulières de chaque secteur. Une com-mission d’adaptation du plan comptable qui, contrairement à celle de la période de Vichy, n’est plus exclusivement administra-tive puisqu’elle compte des représentants de l’ordre professionnel et des directions ministérielles intéressées, est constituée à cet effet.

• Christian Hoarau 6 précise les conditions nécessaires (paritarisme, principe démocra-tique) pour que les institutions françaises de normalisation parviennent à convaincre le patronat et l’ensemble des partenaires, associatifs, syndicaux, de l’État, de l’utilité de la normalisation et pour persuader les entreprises qu’il ne s’agit pas d’un cheval de Troie de l’administration fiscale. Productrices de ces normes au terme d’un processus démocratique depuis 1945, ces institutions les légitiment en assurant leur diffusion et leur adaptation aux conditions et aux aspirations des utilisateurs.

• Yuri Biondi détaille les débats entre le Parlement européen et la Commission européenne sur l’application des normes IFRS dans le contexte européen et pointe les difficultés soulevées par le transfert des responsabilités de la production de ces normes au niveau européen, dans un souci d’harmonisation. La légitimité des institutions européennes à s’impliquer comme prescripteurs de normes n’est pas admise par tous. En revanche pour Yuri Biondi, cette légitimité peut être conquise si ces institutions prennent une position plus ferme pour faire valoir une position européenne spécifique 7.

Cette journée d’études accueillait également deux grands témoins en charge de cette nouvelle légitimation au plan national et international. Patrick de Cambourg, pré-sident de l’Autorité des Normes Comptables (ANC) et Michel Prada, président de la

Fondation International Financial Reporting Standards (IFRS) et du Conseil de normali-sation des comptes publics (CNOCP), minis-tère des Finances et des comptes publics, ont abordé la question de la légitimité en la plaçant dans les débats actuels sur la normalisation.

A travers l’éclairage de différentes disciplines, croisant le regard de chercheurs et de norma-lisateurs, abordant la normalisation d’un point de vue diachronique et contemporain, cette journée a permis de mieux définir la légitimité tout en soulevant de nombreuses questions.

Légitimité de la norme et légitimité de l’organisationIl apparaît d’abord que la légitimité de la norme est indissociable de la légitimité de l’organisation qui l’émet. La légitimité de la norme a été discutée : à travers sa qualité technique, son autorité juridique, son accep-tation par les parties prenantes ou encore à travers sa reconnaissance et sa diffusion… De nombreux participants ont abordé la question de la légitimité du normalisateur : légitimité de par son statut (public ou privé) ou sa composition (paritaire ou technicienne) notamment. Les questions débattues peuvent s’organiser autour de deux points.

Légitimité certes… mais pour qui ? Les interventions et les débats ont souligné le fait qu’on ne peut parler de légitimité sans poser la question du point de vue. Plusieurs éléments de réponse ressortent des discus-sions. En premier lieu, la norme doit être légitime pour ceux dont elle est destinée à servir les intérêts. Mais de qui s’agit-il ? Des parties prenantes au sens large, dans une conception continentale ou française ? Des investisseurs et des marchés financiers dans une concep-tion anglo-saxonne, reprise par le normalisa-teur international ? La norme est-elle légitime dès lors qu’elle promeut l’intérêt général ? Sur quelles bases peut-on affirmer que la norme sert l’intérêt général ?

En second lieu, une norme est légitime si elle répond aux critères de l’autorité à l’origine de la normalisation (Etats, autorités de régulation). Cette autorité est-elle facilement identifiable ? Le mouvement de privatisation et de délocalisation des prescripteurs des normes comptables internationales et le transfert de souveraineté comptable qui est en cours invitent à reposer la question de la légitimité des normes en des termes

nouveaux et à l’échelle transnationale. Comment juger de la légitimité de l’IASB et des normes IFRS sans lien de subordination direct à une autorité publique ? Quel est le rôle du Monitoring Board récemment mis en place ? Quelle est la légitimité des normes IFRS dans le contexte européen ?

Enfin, la légitimité peut s’entendre du point de vue de ceux qui ont à appliquer les normes, les préparateurs de comptes. Les interventions de Danièle Fraboulet et de Lambert Jerman illustrent notamment cet aspect, dans deux contextes très différents, le patronat dans le contexte de l’élaboration du plan comptable général en France dans les années 1940 et les entreprises soumises aux normes IFRS aujourd’hui.

Les discussions ont également permis de faire ressortir différentes formes de légitimité.

Différentes formes de légitimitéIl est possible d’identifier différentes formes de légitimité plus ou moins mobilisées selon le contexte : légitimité politique, légitimité procédurale, légitimité substantielle ou légi-timité par les résultats. La légitimité politique résulte de l’autorité de l’Etat ou d’une autorité publique qui recon-naît le normalisateur et confère un statut obligatoire aux normes. La question de la légitimité de l’IASB peut ainsi être posée. Quelle est la légitimité des normes fabriquées par des institutions privées et imposées à l’échelle du monde ? Sont-elles plus ou moins légitimes que celles dont les États nationaux se portaient garants ? La reconnaissance des normes et leur large diffusion suffit-elle pour conférer de la légitimité en assurant une autorité effective ?

La légitimité peut résulter des modalités d’élaboration de la norme. Alain Burlaud et Bernard Colasse parlent de légitimité procé-durale. Deux traditions s’opposent : • une normalisation “démocratique“ et repré-

sentative faisant intervenir une pluralité de parties prenantes, de sorte que la norme résulte d’un compromis ;

• une normalisation “technique“ s’appuyant sur des experts, des techniciens et spécia-listes et palliant le manque de représentati-vité par une procédure de consultation telle que le due-process.

La légitimité substantielle, mise en avant par Alain Burlaud et Bernard Colasse est

Notes6. Christian Hoarau, “Le Conseil national de la comptabilité : un Etat dominant (1946-1995)”, p. 288-290 ; “Le CNC : la montée en puissance des acteurs privés (1996-2006)”, p. 290-293 ; “Le CNC : entre restriction collégiale et meilleure réactivité (2007)”, p. 293-294, in Dictionnaire historique de comptabilité des entreprises, Didier Bensadon, Nicolas Praquin, Béatrice Touchelay (ed.),Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2016.

7. Cette table ronde sera publiée dans un des prochains numéros de la Revue en ligne Comptabilité(s) accessible suivant le lien : http://comptabilites.revues.org/

Page 66: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

64 Octobre 2016 N° 502 Revue Française de Comptabilité

Réflexion RECHERCHE

liée aux orientations de la normalisation. Le cadre conceptuel développé par l’IASB dans la lignée de celui du normalisateur américain est destiné à fixer les grandes lignes dans lesquelles doivent s’inscrire les normes, permettant d’assurer une certaine cohérence dans les productions du norma-lisateur. Alain Burlaud et Bernard Colasse nous rappellent que le cadre conceptuel est loin d’être neutre mais qu’il met les normes au service des intérêts de certaines parties prenantes. Fabrice Bardet insiste sur le statut des chiffres et l’idéologie qui leur est sous-jacente. La question que l’on peut poser est donc la suivante : une norme est-elle légitime dès lors qu’elle s’inscrit dans le paradigme dominant ? Qui se soucie des enjeux de l’emprise croissante du paradigme anglo-saxon sur la comptabilité privée ? Qui souhaite l’infléchir, pourquoi et comment ?

Une dernière forme de légitimité est ressortie des débats : la légitimité par les résultats et les effets. La norme comptable aboutit-elle à des comptes qui ont du sens ? Aujourd’hui, des critiques émergent, de la part de pré-parateurs de comptes concernant certains positionnements de l’IASB débouchant sur les normes très théoriques et conceptuelles qui donnent des comptes déconnectés de la réalité et ne reflétant pas la substance des transactions. La légitimité de la norme comptable pourrait donc être jugée à travers la qualité de l’information comptable, même si cette qualité reste une question de point de vue. Dans une optique plus macroéco-nomique, ce sont les effets sur le système économique et le fonctionnement des mar-chés financiers qui permettent d’apprécier la légitimité d’une norme. L’évaluation à la juste valeur de certains instruments financiers a été une source significative de controverse.

***Il ressort des discussions que les organismes de normalisation sont des organisations en quête de légitimité qui, une fois acquise, peut être remise en cause en raison de l’évolution du contexte (mondialisation, crise économique par exemple). Cette quête de légitimité a été observée sur les premiers organismes de normalisation et dans des contextes nationaux différents. Elle reste d’actualité aujourd’hui, à l’heure où la mondialisation économique bouscule les frontières et modifie les périmètres d’intervention des institutions nationales de normalisation, amenant à questionner la légitimité des organismes nationaux, comme celle du normalisateur international et des normes qu’ils émettent.

À commander dès maintenant sur WWW.BOUTIQUE-EXPERTS-COMPTABLES.COM

Code comptable 2016 et incidences fiscalesLes comptes sociaux de l’ensemble des entreprises sont établis à partir du cadre européen fixé par la directive 2013/34/UE du 26 juin 2013 relative aux états financiers annuels et consolidés de certaines formes d’entreprises et aux rapports y afférents (cette directive a remplacé la 4e directive 78/660 relative aux comptes sociaux et la 7e directive 83/349 relative aux comptes consolidés).

C’est dans ce cadre européen transposé en France dans le code de commerce (art. L. 123-12 à L. 123-28 et art. R. 123-172 à R. 123-208), que s’inscrit la normalisation comptable française s’agissant des personnes tenues d’établir des comptes annuels, élaborée par l’Autorité des normes comptables depuis 2010.

Le plan comptable général constitue le droit comptable commun et s’applique à toutes les entités tenues d’établir des comptes annuels, sous réserve de dispositions spécifiques ou d’adaptations sectorielles.

Cette édition de référence à jour des dernières modifications comporte :• les dispositions légales et réglementaires du code de commerce • le PCG dans son intégralité • les plans comptables professionnels • les incidences fiscales essentielles.

Ce code comptable unique vous donne accès aux positions officielles sur chaque sujet. Ainsi, à la suite de chacune des dispositions réglementaires, vous trouverez non seulement les références aux recommandations, notes de présentation, notes d’informations et délibérations de l’ANC et aux recommandations, avis, notes de présentation et communiqués de l’ancien CNC, mais aussi les références à la doctrine administrative, aux réponses ministérielles et aux réponses de la commission commune de doctrine comptable de l’Ordre et de la Compagnie, y afférentes.

Le seul Code commenté avec tous les plans comptables

professionnels !

Page 67: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée
Page 68: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

66 Octobre 2016 N° 502 Revue Française de Comptabilité

Diplôme d’expertise comptable MÉMOIRE DU MOIS

La certification ISAE 3402 du cabinet d’expertise comptablePrésentation du sujetLe contexte économique difficile renforce les impératifs de réduction des coûts. C’est pourquoi la recherche d’optimisation des pro-cessus et de performance financière conduit les entreprises à externaliser de plus en plus de fonctions, telles que la comptabilité, la paie, la gestion des ressources humaines, les systèmes d’information… On parle alors de sous-traitance de services, de gestion délé-guée, de service bureau, d’externalisation…

Bien que la démarche d’externalisation comporte de nombreux avantages, le recours croissant à cette pratique présente, le cas échéant, une série de risques liés, pour la plupart, à la manière dont le sous-traitant conduit ses activités.Le recours à l’externalisation, de plus en plus généralisé, a un impact sur le contrôle interne des entités utilisatrices, en raison de la difficulté à évaluer le risque inhérent lié aux activités externalisées. Des normes d’audit ont été élaborées pour encadrer les travaux des auditeurs des entités utilisatrices. Par ailleurs, et pour servir le même objectif, des normes de certification du contrôle interne des sociétés de services ont également été publiées. Aujourd’hui, la norme ISAE 3402 de l’IFAC est la référence mondiale en matière de certification du contrôle interne des sociétés de services, bénéficiaires de l’externalisation.

Il y a donc ici un marché, celui de l’externalisa-tion, ouvert tout naturellement aux cabinets d’expertise comptable, surtout depuis la loi Macron du 6 août 2015, modifiant l’article 22 de l’ordonnance de 1945, qui a considérable-ment augmenté les catégories de services qu’ils peuvent rendre. D’où l’intérêt, pour le cabinet d’expertise comptable, de mettre en place une démarche qualité selon un réfé-rentiel apprécié par les entités utilisatrices et leurs auditeurs, en l’occurrence celle de l’ISAE 3402 relative au contrôle interne, même si elle n’est pas la seule norme au monde, peu s’en faut : il y a aussi la SSAE 16 américaine, l’ISO 9001, la norme professionnelle de maî-trise de la qualité par les professionnels de l’expertise comptable (NPMQ)…

Objectif du mémoireProposer un cadre et une démarche pour les cabinets d’expertise comptable qui sou-haitent mettre en place une démarche de certification de leur contrôle interne selon la norme ISAE 3402.

Intérêt du mémoireL’enjeu de la certification ISAE 3402 est stratégique pour tous les cabinets d’expertise comptable qui souhaitent multiplier leurs offres de service, en particulier les cabinets dont les clients sont des entités ou des filiales d’entités soumises à la loi américaine Sarbanes-Oxley. En effet, pour ces dernières, la norme d’audit américaine SAS 122 oblige l’auditeur de l’entité utilisatrice à regarder avec soin le contrôle interne des sociétés de services auxquelles elle recourt. Cette norme américaine n’a bien entendu rien de révo-lutionnaire : déjà, dans le référentiel CNCC du 3 juillet 2003, la norme 2-303 Facteurs à considérer lorsque l’entité fait appel à un ser-vice bureau donnait la précision suivante dans son § 08 : « Si le commissaire aux comptes conclut que les activités du service bureau ont une incidence significative sur le fonc-tionnement de l’entité (…), il rassemble des informations suffisantes pour comprendre les systèmes comptable et de contrôle interne du service bureau (…) ».

PlanLa 1re partie est consacrée aux enjeux d’une démarche ISAE 3402 par un cabinet d’expertise comptable. Elle a pour objectif de fournir les informations nécessaires pour apprécier l’intérêt et l’opportunité d’une telle démarche. Le chapitre 1er fait le point sur le contexte réglementaire et l’externalisation. Le chapitre 2 présente les normes de certi-fication du contrôle interne des sociétés de services. Le 3e et dernier chapitre porte sur l’intérêt d’une démarche ISAE 3402 et posi-tionne cette norme par rapport aux autres référentiels liés à la qualité.La 2e (et dernière) partie propose un cadre méthodologique de mise en œuvre de la démarche ISAE 3402 au sein d’un cabinet

d’expertise comptable qui opère en tant que sous-traitant de la fonction comptable et de la fonction paie de ses clients. Les deux premiers chapitres ont pour objectifs le cadrage et le dimensionnement du pro-jet de la démarche ISAE 3402, ainsi que la description du système de contrôle interne, tel qu’exigé par la norme. Le chapitre 3 met en lumière les modalités de mise en œuvre de l’organisation nécessaire pour respecter la norme. Le 4e et dernier chapitre traite des politiques et des modalités liées au pilotage du dispositif de contrôle interne mis en place, afin d’assurer la pérennisation de la démarche ISAE 3402 au sein du cabinet.Enfin, le mémoire proprement dit est indis-sociable de ses annexes qui comprennent des outils sous forme de fiches méthodolo-giques, des questionnaires, des modes opé-ratoires, des grilles d’analyse, des modèles de planning….

Références• International Standard on Assurance

Engagements (ISAE) 3402 – Assurance reports on controls at a service organization, norme applicable à partir du 15 juin 2011, IFAC Handbook, tome 2.

• ISA 402 (traduite en français par l’OEC) – Facteurs à considérer pour l’audit d’une entité faisant appel a une société de services.

AuteurMohamed Bouyousfi, Enjeux stratégiques de la démarche de certification du contrôle interne selon la norme ISAE 3402 de l’IFAC : guide méthodologique pour la mise en place au sein d’un cabinet d’expertise comptable, session de mai 2015, 124 pages augmentées de 83 pages d’annexes. Le candidat a obtenu la note de 17/20 1.

Notes1. Les examinateurs donnent une note unique après avoir évalué le mémoire et sa soutenance.

Par Alain Mikol, Professeur à ESCP Europe

Page 69: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

Revue Française de Comptabilité Octobre 2016 N° 502 67

Diplôme d’expertise comptable MÉMOIRE DU MOIS

Le sujet de la démarche qualité dans les cabinets d’expertise comptable

Sur le sujet de la démarche qualité dans les cabinets d’expertise comptable, voici une sélection de mémoires, utiles à l’exercice professionnel sur ce secteur. Ils sont disponibles sur la base de données en ligne de Bibliotique 1.

Mise en place de la norme professionnelle de maîtrise de la qualité : proposition d’une méthodologie fondée sur le management de la qualité et destinée aux structures d’exercice professionnel de taille moyenne 11/2015 - ANGLES, Jean-François

Depuis le 1er janvier 2012, une nouvelle norme de qualité a été adaptée aux normes applicables aux experts comptables : la norme professionnelle de maîtrise de la qualité (NPMQ). A travers une démarche adaptée, visant à faciliter l’approche qualité pour des SEP (structure d’exercice professionnel) de taille moyenne, ce mémoire propose une organisation des étapes de la démarche et développe des outils conditionnant l’adaptation réussie de la NPMQ.

L’amélioration des performances du processus de production comptable selon le modèle européen d’excellence EFQM : étapes et outils pour réussir 11/2015 - EMRICH, Stéphanie

Le modèle d’excellence EFQM (Européen Foundation for Quality Management) est un des outils qualité les plus populaires en Europe. Ce mémoire apporte des outils nécessaires à l’auto-évaluation des cabinets d’expertise et à la mise en œuvre d’un plan d’action permettant d’optimiser leur processus de production comptable, d’harmoniser les méthodes de travail et d’assurer un suivi des améliorations. Il présente les lignes directrices pour aider à comprendre la démarche EFQM et propose des recommandations pour son déploiement.

Proposition d’outils dédiés au cabinet d’expertise comptable pour la mise en place d’une démarche qualité dans la certification ISO 9001 version 2008 05/2013 - De BARROS, Germaine

Ce mémoire fournit à l’expert-comptable des informations et outils lui permettant de prendre connaissance des normes qualités ISO applicables à la profession, de concevoir une démarche qualité efficace et efficiente, et s’il le souhaite, d’obtenir et de renouveler la certification ISO 9001. Cette étude et ses outils s’appuient sur deux expériences, à savoir la participation à la réflexion et à la mise en place d’une démarche qualité au sein d’un cabinet multisites de moins de 20 salariés et à la collaboration au maintien de la certification ISO 9001 dans un cabinet multisite d’envergure nationale.

Le manuel d’organisation du cabinet : création d’un outil d’aide à la rédaction compatible avec le triple référentiel normatif des commissaires aux comptes, des experts-comptables et de la norme ISO 9001 11/2012 - VIEIRA, Céline

Afin d’aider les experts comptables et commissaires aux comptes à se mettre en conformité avec leurs obligations, le Conseil régional de l’Ordre des experts comptables de Paris Ile de France et la Compagnie régionale des commissaires aux comptes ont souhaité mettre à disposition de ces derniers un outil d’aide à la rédaction de leur manuel. Le mémoire porte ainsi sur la création d’un outil d’aide à la rédaction d’un manuel d’organisation du cabinet, compatible avec les trois référentiels des commissaires aux comptes, des experts comptables et de la norme ISO 9001. Ce manuel constitue un outil de gestion interne, garant de la sécurité et d’une organisation efficace.

La démarche qualité dans un cabinet d’audit : proposition d’une méthodologie de mise en place d’un système de management de la qualité (étude destinée aux cabinets de moins de 20 salariés) 11/2008 - JARRIE, Claire

Ce mémoire permet aux professionnels de l’audit d’entrer dans un système de management de la qualité en respectant les normes professionnelles et les règles déontologiques tout en garantissant une pérennité de ce nouveau mode de gestion du cabinet. Il identifie la représentation de la qualité et l’intérêt d’un système de management de la qualité pour un commissaire aux comptes, il démontre la complémentarité organisationnelle des normes ISO 9000 aux normes professionnelles, et intègre le vocabulaire et les spécificités du commissariat aux comptes dans le système de management de la qualité. Enfin il propose des outils pratiques de mise en œuvre et de pérennisation du système de management de la qualité.

1. www.bibliobaseonline.com

Page 70: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée

68 Octobre 2016 N° 502 Revue Française de Comptabilité

Diplôme d’expertise comptable ÉPREUVES ÉCRITES

Préparer les écrits du diplôme d’expertise comptable

Les candidats aux épreuves écrites de la prochaine session du DEC ont jusqu’au lundi 14 novembre pour se préparer. Pour rappel, l’objectif final de ce diplôme est de valider leurs acquis et notamment leur capacité de « comprendre une situation réelle complexe pour porter un jugement sur les comptes annuels dans le domaine de l’audit » 2.

L’épreuve de réglementation professionnelle et de déontologie De manière assez traditionnelle, cette épreuve se présente sous la forme de ques-tions de déontologie à réponses courtes (l’autre forme possible moins usitée prend la forme de questions à choix multiples), répartie de manière équilibrée entre l’expertise comptable et le commissariat aux comptes. L’objectif de cette épreuve est de mettre le candidat face à des situa-tions de pratiques professionnelles diverses ayant des conséquences règlementaires et déontologiques. La préparation de cette épreuve est axée sur la préparation de fiches synthétiques couvrant le programme officiel de l’épreuve 2. Dans un souci d’efficacité, le candidat studieux s’imprègnera, au fur et à mesure du stage, des règles déon-tologiques professionnelles, notamment grâce aux e-learning du CFPC (Centre de Formation de la Profession Comptable) et concentrera ses efforts de révision dans les semaines précédant l’épreuve afin de disposer de connaissances à jour sur les thèmes concernés.

Concernant l’épreuve en elle-même, le candidat prendra soin de toujours répondre de manière concise et justifiée. La gestion du temps constitue l’autre facteur-clé de succès : l’épreuve durant 1 heure, chaque minute compte.

L’épreuve de révision légale et contractuelle Le candidat est mis en situation de révision (légale et contractuelle) durant 4h30. Il s’agit de l’épreuve la plus imprévisible, tant les thèmes potentiels sont nombreux. Toutefois, une bonne préparation permettra au candi-dat studieux de valider cette épreuve. Il devra porter son attention sur deux axes : la consti-tution d’une documentation professionnelle adaptée et la maîtrise opérationnelle de celle-ci.

Concernant la préparation de la documenta-tion, il convient d’être judicieux. Si celle-ci est trop allégée, le candidat risque de se trouver démuni lors de l’épreuve, les sujets pouvant concerner des thèmes très spécifiques (audit d’une association, audit d’une personne fai-sant appel public à l’épargne…). A l’inverse, si celle-ci est trop fournie, elle pourrait nuire à l’efficacité lors de l’épreuve. La première mise en condition du candidat portant vaillamment sa valise dans les escaliers de la Maison des examens à Arcueil (parfois jusqu’au 7e  étage sans ascenseur…) milite déjà pour un choix réfléchi de la documentation à retenir. Il faut donc se concentrer sur les ouvrages utilisés couramment par les professionnels (Code de commerce, mémentos, guides pratiques…).

Ensuite, la maîtrise de la documentation constitue le véritable facteur-clé de succès de cette épreuve. Le candidat s’attachera à s’entraîner sur la base des annales des épreuves en simulant les contraintes réelles de l’examen. Un candidat perfectionniste pourra s’exercer sur une douzaine d’annales environ, tout en gardant à l’esprit que les éléments de correction en sa possession peuvent ne plus être à jour de la régle-mentation en vigueur. Cet entraînement régulier permettra de mettre en place des repères visuels dans la documentation

(marques-pages) et de constituer une table des matières transversale (qui se veut la plus exhaustive possible) des différentes questions techniques rencontrées dans les annales avec la référence adéquate à la docu-mentation. Il s’agira d’un outil pratique pour l’épreuve : l’objectif étant ici de référencer toute la documentation apportée par le candidat dans un seul glossaire de synthèse.

Enfin, le candidat rigoureux attachera une importance particulière à la forme de sa copie. Une présentation claire et soignée, une réelle lisibilité de l’écriture ainsi que la mise en évidence des sources utilisées et des conclusions prédisposeront favorablement le correcteur qui n’en sera que plus bienveillant dans la notation de la copie.

Les épreuves du DEC constituent la der-nière ligne droite d’un véritable marathon : l’aboutissement d’un cursus académique visant à accueillir le candidat au sein d’une profession en pleine évolution. Il doit donc concevoir cette ultime étape comme un véritable investissement au service de son avenir professionnel. Préparer le DEC, c’est avant tout viser l’excellence !

Les experts-comptables stagiaires, inscrits aux épreuves du DEC de la session de novembre 2016, ont encore quelques semaines pour peaufiner leur préparation. Voici quelques points de rappels à leur attention.

Pour aller plus loin• ANECS : évènements de préparation

aux épreuves tels que le “DEC possible“ et organisation de retours d’expériences.

• ANECS Île de France : conférence le 17 octobre 2016, sur les épreuves écrites (rétroplanning, optimiser les annales, savoir répondre efficace-ment...) animée par Bruno Delhoustal.

Notes1. Bruno Delhoustal a validé le DEC avec une moyenne générale de 15,7/20 et est lauréat du concours national des meilleurs mémoires du DEC.

2. Note du jury aux candidats du 23 juin 2016.

Par Bruno Delhoustal,Diplômé d’expertise comptable 1,

Fondateur de www.ObjectifDEC.com

Page 71: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée
Page 72: OSSIER Loi Travailrevuefrancaisedecomptabilite.fr/wp-content/pdf/Mloa502Htep.pdf · 1. aFep, meDeF, middleNext et aNsa. 2. règlement (ue) n°2014/537 et directive 2014/56/ue transposée