ophélie popille: les promesses et impacts de l'ouverture des données sur le territoire...
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UNIVERSITE DE NANTES Master 1 Politiques et Société en Europe FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE Année 2014 – 2015
OPHELIE POPILLE
« L’Open Data en Pays de Loire : genèse et développement » Promesses et impacts de l’ouverture des données sur le territoire nantais
Sous la direction de Renaud EPSTEIN Maître de Conférences en Science Politique
JURY
Renaud EPSTEIN, Maître de Conférences en Science Politique Goulven BOUDIC, Maître de Conférences en Science Politique
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REMERCIEMENTS
Je souhaiterais remercier tout d’abord M. Renaud Epstein, qui en tant que directeur de
mémoire a pu me guider et me conseiller pour la rédaction de ce mémoire.
Mes remerciements s’adressent ensuite à Claire Gallon, Bastien Kerspern, Mounir
Belhamiti et Hervé Jaigu, que j’ai eu l’occasion de rencontrer lors d’entretiens et qui m’ont
communiqué de précieuses informations pour l’élaboration de ce mémoire ainsi que des
documents qui m’ont été d’une grande aide.
Enfin, je voudrais adresser mes remerciements à l’équipe enseignante de l’université de
Nantes et en particulier à Marion Pineau pour ses cours de méthodologie particulièrement utiles.
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SOMMAIRE
Introduction
Première partie : Une politique d’Open Data « à la nantaise » porteuse
d’espoirs
Chapitre 1 : La genèse du projet, définition des objectifs et mise à l’agenda
Chapitre 2 : Le déroulement de l’ouverture des données à Nantes
Chapitre 3 : Et ailleurs ? L’Open Data dans d’autres villes de France
Deuxième partie : Après le lancement, mesurer les impacts
Chapitre 1 : Quatre ans après, un écosystème développé autour des données
Chapitre 2 : Un bilan à nuancer
Conclusion
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DEFINIT IONS
Cantine numérique
Les lieux appelés Cantines Numériques font partie d’un réseau plus large, le réseau des cantines
et des lieux associés. Ces endroits, aujourd’hui au nombre de 16 sur le territoire français, sont
des espaces dédiés aux acteurs de l’innovation et de l’économie numérique qui sont invités à s’y
rencontrer, à la fois dans les espaces de coworking mais aussi lors d’évènements organisés. Ces
lieux sont rapidement devenus acteurs dans les démarches d’ouverture des données puisqu’ils
abritent des viviers de professionnels et amateurs du numérique.
Cluster Aussi appelés pôles de compétitivité, les clusters sont des regroupements de plusieurs acteurs –
entreprises, chercheurs, associations, médias – qui sont réunis autour d’un domaine de travail
particulier. Concentrés sur une zone géographique particulière, ces regroupements d’acteurs
permettent le partage de connaissances et de compétences que l’on ne trouve pas en dehors de ce
type de structures.
Coworking
Le coworking est un concept venu des Etats-Unis et qui a pris place notamment dans les
Cantines Numériques en France. Ce système permet à des professionnels – le plus souvent dans
le domaine du numérique – de venir s’installer dans un espace partagé par d’autres
professionnels afin d’échanger et de faire des rencontres tout en offrant un nouvel espace de
travail qui n’est ni le domicile, ni le bureau. L’argument « choc » presque systématiquement
utilisé pour attirer les individus reste l’approvisionnement en cafés gratuits.
Datalab
Un Datalab est construit sur le modèle de l’Infolab, tout en étant plus spécifié encore dans les
données ouvertes. Constitué d’un réseau d’individus (chercheurs, citoyens, entrepreneurs,
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associations, collectivités, ...) il organise des évènements centrés sur l’Open Data, met en œuvre
des projets ainsi que des formations.
Datajournalisme Le datajournalisme, ou journalisme de données, est l’une des nouvelles pratiques ayant émergé
avec l’ouverture des données. En se basant sur les données publiées et notamment celles mises
en ligne par les services publics lors des démarches d’Open Data, le journalisme de données
construit des visualisations qui rendent les données beaucoup plus lisibles et compréhensibles
pour le lecteur. Ce processus, appelé « dataviz » permet ainsi de produire de nouveaux types de
visualisations basées sur l’esthétique et le graphisme, comme par exemple des infographies.
Hackathon Un Hackathon dure le plus souvent le temps d’un weekend et réunit des développeurs, des
graphistes et d’autres professionnels du numérique qui réutilisent les données ouvertes afin de
produire un contenu informatique (souvent des applications ou des prototypes) dans le temps
imparti.
Hyblab
Il s’agit d’un atelier collaboratif, organisé par le cluster Ouest Médialab, qui rassemble des
professionnels ou étudiants de l’informatique, du journalisme et de la communication autour
d’un thème afin de créer des projets innovants autour du datajournalisme.
Infolab
L’Infolab est une organisation collaborative qui réunit des acteurs du numérique. Son objectif est
de jouer le rôle de médiateur avec les citoyens et de les aider à comprendre les données, les
manipuler et les explorer. Pour mener ces objectifs, les Infolabs animent des évènements autour
du numérique destinés à tous les publics.
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Jeu de données
Les données publiées sont regroupées en jeu de données, souvent par thèmes (environnement,
culture, mobilité, ...). Elles sont ainsi structurées et plus facilement lisibles par le public, ce qui
entraîne par ailleurs une meilleure aisance pour la réutilisation.
Start-up / startupers
Une start-up désigne une jeune entreprise dont l’activité est le plus souvent tournée vers des
secteurs du numérique, ou de l’innovation. Construites récemment, elles commencent tout juste à
se développer économiquement. Par conséquent, le terme de startupers désigne les fondateurs de
ces entreprises. Par ailleurs, ces derniers sont souvent de jeunes individus au sortir des études
supérieures.
Web sémantique
Il s’agit d’un mouvement collectif autour du domaine du web qui consiste à utiliser des données
déjà présentes sur le web (comme les données ouvertes) et à les mettre en relation afin de faire
émerger de nouvelles connaissances et de nouveaux usages sur Internet.
Workshop
Un workshop est une réunion de différents acteurs d’un même domaine qui se rencontrent autour
d’un sujet afin d’échanger des savoir-faire et des connaissances liés à cette thématique. Cela
permet ainsi d’enrichir les points de vue et les pratiques de chacun tout en créant potentiellement
de nouveaux usages.
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INTRODUCTION
Protection de l’environnement, concurrence économique, règlement de problèmes
sociaux, autant de promesses qu’apporte avec lui le processus d’ouverture des données qui a
court depuis quelques années à l’échelle internationale. Si ces objectifs apparaissent encore
abstraits et lointains, l’Open Data, lui, est désormais bien ancré dans la politique, à l’échelle
mondiale, nationale ou même locale. En effet, les villes et collectivités se sont emparées du sujet
pour en faire une politique phare de développement et les démarches commencent à émerger sur
les territoires. La France notamment compte plusieurs villes très dynamiques en matière de
données ouvertes et le phénomène ne semble pas s’arrêter de prospérer. Loin des objectifs
quelque peu utopiques cités plus haut, le niveau local s’est approprié l’Open Data en y fondant
ses propres aspirations. C’est le cas, parmi d’autres, de la ville de Nantes qui s’est lancée dans le
projet. Si cette étude lui est dédiée, il faut auparavant effectuer un tour d’horizon sur le
phénomène de l’ouverture des données.
Qu’est-ce que l’Open Data ?
L’ouverture des données consiste en la publication de données numériques ouvertes à
tous et libérées de toutes restrictions. La réutilisation de ces données doit également être
totalement possible. Lorsqu’elle touche au champ de la politique, la donnée ouverte est une
donnée produite par une administration dans le cadre de son travail (il peut donc être question de
textes, de statistiques, de cartes, ...) et qui est ensuite publiée sur internet via un portail dédié à la
ville ou à la région détentrice de cette donnée. Afin d’être considérée comme ouverte, une
donnée doit préalablement remplir plusieurs critères, établis lors de la rencontre en 2007 à
Sébastopol (Californie) de plusieurs personnalités éminentes du domaine du web, sur laquelle
nous nous arrêterons plus en détails par la suite. Ces critères ont donc été publiés sous la forme
d’une déclaration sur le site internet opengovdata.org1 et sont au nombre de huit.
1 Opengovdata, « The annotated 8 principles of Open Government Data » in Opengovdata, En ligne < http://opengovdata.org >, consulté le
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• D’abord, la donnée doit être complète ; l’ouverture doit donc concerner toutes les données, à
l’exception de celles pouvant menacer la sécurité de l’Etat ou la vie privée d’individus dans le
cadre de données non anonymes.
• Ensuite, une donnée ouverte doit également être « brute », c’est-à-dire qu’elle ne doit pas
avoir été transformée avant d’être mise en ligne. Les données peuvent être mise en forme de
manière plus esthétique lorsqu’elles sont publiées, mais elles doivent alors toujours être
présentes en même temps sous leur forme non travaillée.
• La vitesse de publication fait aussi partie des critères : une donnée doit donc être mise en ligne
le plus rapidement possible après sa production, afin de ne pas en altérer la valeur. Un critère
d’autant plus important que le domaine du numérique, terrain dédié à l’Open Data, est un
champ où la rapidité est primordiale.
• Une donnée accessible, c’est le quatrième critère définissant la donnée ouverte : l’accès pour
tous et ce pour n’importe quel usage, qui implique une certaine vigilance quant à la forme et
aux canaux utilisés pour diffuser ces données. Il faut donc prendre en compte certains
obstacles qui pourraient empêcher des catégories d’utilisateurs d’accéder aux données et
essayer au maximum de contourner ces obstacles.
• Les données doivent être structurées afin de faciliter le plus possible leur utilisation.
• L’accès pour tous, sans aucune « discrimination » est également un critère important. Il est
mentionné que les données doivent être accessibles sans inscription préalable et que cet accès
peut se faire à partir de canaux anonymes.
• L’exigence d’un format ouvert, en opposition à un format propriétaire. Cela signifie que le
format sous lequel est publiée la donnée se doit d’être totalement libre, sans qu’aucune
disposition légale – telles que les brevets, le copyright ou les droits d’auteurs – ne puisse
empêcher ou compliquer sa consultation et sa réutilisation.
• Enfin, le dernier critère lui aussi primordial rejoint le précédent sur la question de la licence
libre. Il est là aussi question de copyright et de droits d’auteurs, car ce critère veut que la
donnée ouverte n’y soit pas soumise. Cependant, c’est aussi un critère sujet à quelques
exceptions, certaines données étant difficiles à classer de par leur caractère gouvernemental.
Ces critères fondent donc un cadre rigoureux pour définir la donnée ouverte. Sur ce modèle se
sont ensuite construits les portails des différentes villes et régions ayant décidé d’ouvrir leurs
données. Il s’agit ici d’une définition plutôt technique du sujet mais qui paraît nécessaire avant
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de débuter le propos. Par ailleurs, un retour sur l’histoire des données ouvertes peu paraître
intéressante afin de mieux en comprendre les implications aujourd’hui, dans le cadre de cette
étude.
L’histoire de l’ouverture des données
Si l’idée d’une ouverture des données publiques en lien avec l’outil numérique est assez
récente, la notion de transparence et de partage des données administratives l’est moins. Ce sont
des concepts qui ont toujours été plus ou moins au cœur des préoccupations politiques. S’il faut
remonter le cours de l’histoire afin d’en trouver les premières émergences, il est possible de citer
la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qui déjà en 1789 énonçait à l’article 15 que
« la Société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration »2. Un
article qui pourrait donc faire office de « pionnier » de l’ouverture des données malgré son
caractère anachronique. Pourtant, le mouvement Open Data d’aujourd’hui trouve bel et bien des
ramifications dans les notions de l’époque. Pour se rapprocher un peu plus de notre époque, c’est
après la Seconde Guerre Mondiale qu’apparaît la notion d’Open Government et en 1966, le
Freedom of Information Act3 (FOIA), loi promulguée sous la présidence de Lyndon B. Johnson
aux Etats-Unis. Elle énonce que n’importe quel citoyen, peu importe sa nationalité, a le droit de
réclamer aux agences fédérales la transmission de documents produits par elles, à l’exception de
documents protégés par certaines conditions. Une dynamique d’après-guerre très anglo-saxonne
donc, mais la France n’est pour autant pas en reste, puisqu’on y trouve la loi n°78-753 du 17
Juillet 1978 dont l’objet est notamment « l’amélioration des relations entre l’administration et le
public »4. Il s’agit là d’une loi clé pour l’ouverture des données en France et elle fait naître avec
2 Gouvernement français, « Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 » in Legifrance, En ligne < http://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Constitution/Declaration-des-Droits-de-l-Homme-et-du-Citoyen-de-1789 >, consulté le 12 Avril 2015 3 United States Department of Justice, « What is FOIA ? » in FOIA, En ligne < http://www.foia.gov >, consulté le
12 Avril 2015 4 Gouvernement français, « Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal » in Legifrance, En ligne < http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000339241 >, consulté le 12 Avril 2015
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elle la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA)5. Cette commission, en
parallèle avec la loi, est considérée comme l’équivalent français du Freedom of Information Act
américain. La CADA est donc chargée de surveiller le bon respect de la loi du 17 Juillet 1978 :
un citoyen auquel on refuse l’accès à certains documents peut ainsi saisir la commission qui rend
sa décision selon que le document peut effectivement être communiqué ou non. Il s’agit donc
d’un levier d’accès à l’information pour les citoyens, mais les administrations elles-mêmes
peuvent également se tourner vers la commission pour obtenir des renseignements quant à la
diffusion de leurs documents. Les différents cadres législatifs de nombreux pays ont donc pensé
depuis longtemps l’ouverture des données et l’accès pour tous aux documents administratifs. À
cette époque, il n’est bien sur pas question d’Open Data mais les germes sont déjà présents.
L’intérêt pour cette ouverture des données refait surface quelques décennies plus tard, soulevant
de nouvelles logiques avec lui. En effet, l’attrait de cette ouverture ne réside plus seulement dans
le souci de transparence qui anime les responsables politiques et les citoyens. Désormais, on voit
dans ce processus un enjeu économique qui s’insinue lentement.
Le phénomène reprend ainsi de l’ampleur aux Etats-Unis dans les années 2000 et tout se
joue autour des élections présidentielles de 2009. En 2008, à Sébastopol en Californie se
réunissent différents acteurs et militants de l’open government. Cette réunion, initiée par Tim
O’Reilly6, convoque donc un groupe dont l’objectif est de définir l’open data et de le faire entrer
dans les programmes politiques des candidats à la présidentielle. Une liste de critères est
également établie, qui permet de mieux définir les contours de ce que sont les données ouvertes.
C’est donc à ce moment charnière que se joue l’entrée de l’Open Data dans le domaine de la
politique. L’arrivée au pouvoir de Barack Obama va permettre à la démarche de s’accélérer,
puisqu’il fait du gouvernement ouvert l’une de ses priorités. Dès son premier jour, il signe en
effet le Memorandum on Transparency and Open Government7, qui promeut une transparence
accrue de la part des administrations fédérales et une meilleure accessibilité des données pour les
5 Gouvernement français, « Cada : Commission d’Accès aux Documents Administratifs » in CADA, En ligne < http://www.cada.fr/le-role-de-la-cada,6077.html >, consulté le 12 Avril 2015 6 Irlandais émigré aux Etats-Unis, Tim O’Reilly est considéré comme l’un des acteurs majeurs du web et est l’auteur de plusieurs ouvrages clés dans ce domaine 7 The White House, « Memorandum for the heads of Executive Departments and Agencies » in Transparency and Open Government, En ligne < https://www.whitehouse.gov/the_press_office/TransparencyandOpenGovernment/ >, consulté le 13 Avril 2015
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citoyens. En Décembre 2009 est ensuite publiée une directive à propos du gouvernement ouvert,
qui exige envers les agences fédérales de plus en plus de données mises en ligne et de meilleure
qualité. Le dernier grand pas a été franchit en 2011, lors de l’élaboration de l’Open Government
Partnership. La création de cette organisation représente une étape décisive dans le processus
d’ouverture des données au niveau mondial. L’OGP est une organisation créée à l’initiative des
Etats-Unis, dont la participation s’est étendue à 65 pays à travers le monde. D’abord au nombre
de huit, les Etats fondateurs se sont réunis afin d’en déterminer les objectifs, les critères et les
actions à mener. La direction de l’organisation est prise en charge de façon collective, par un
comité réélu chaque année et composé de 22 membres ; 11 représentants gouvernementaux et 11
représentants des citoyens. La présidence, renouvelée elle aussi tous les ans, est assurée par un
pays élu par le comité. Actuellement, le Mexique se trouve à la tête de l’organisation jusqu’aux
prochaines élections d’Octobre 2015. Les gouvernements désireux d’intégrer l’organisation
doivent au préalable remplir certains critères : une transparence fiscale, un accès public garantit
aux documents, une transparence au sujet des revenus des élus et des dirigeants ainsi qu’un
engagement de la part des citoyens. Chaque critère rempli permet aux pays d’obtenir un certain
nombre de points et ceux-ci deviennent éligibles dès l’instant ou 75% des critères sont atteints.
Chaque pays participant se doit ensuite d’établir un plan d’action en collaboration avec la société
civile et sur une durée de deux ans, en y faisant apparaître des axes de travail menés dans
l’optique du gouvernement ouvert.
Si l’initiative a été lancée en Septembre 2011, ce n’est que quelques années plus tard, en
Avril 2014, que la France a rejoint ce projet et son premier plan d’action est actuellement en
marche. Bien sûr, le processus d’ouverture des données sur le territoire français a débuté bien
avant, mais l’adhésion à l’OGP a apporté avec elle l’espoir de voir un engagement accru en
direction du gouvernement ouvert. Par ailleurs, la création de la mission Etalab a contribué à
l’institutionnalisation de l’ouverture des données. Rattachée au Secrétariat général pour la
modernisation de l’action publique et placée sous l’autorité du Premier Ministre lui-même, elle
se charge de la mise en place de l’Open Data à l’échelle nationale. Ses missions diverses ont
toutes pour objectif d’accompagner la démarche d’ouverture auprès de tous les milieux : qu’il
s’agisse de l’aspect économique ou de publics tels que les chercheurs ou les réutilisateurs, Etalab
représente donc l’interface incontournable de l’Open Data français. À une échelle plus locale,
c’est la ville de Rennes qui a ouvert la voie à l’Open Data en lançant son portail dès 2010.
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Pionnière sur le territoire, la ville a rapidement inspiré d’autres collectivités à faire de même,
c’est d’ailleurs la ville de Nantes qui sera la prochaine à ouvrir ses données.
Actualité du sujet
Le processus de l’ouverture des données s’est engagé il y a maintenant quelques années
sur le territoire français et la période actuelle peut être considérée comme une période de
stabilisation. Après le temps des innovations vient en effet celui de l’observation des résultats.
Un certain nombre de chercheurs se penche sur la question des résultats que l’ouverture des
données a pu apporter. Particulièrement à Nantes, 2015 est l’année de lancement du second
programme d’ouverture des données, le premier ayant été lancé en Février 2011. Il est temps de
faire le bilan sur les mois écoulés et d’en tirer les leçons afin de définir les axes à adopter par la
suite. Nantes n’échappe donc pas au processus d’évaluation de la démarche. La collectivité a en
effet commandé en 2014 une évaluation auprès d’un cabinet, afin de faire le point sur son
processus d’ouverture des données et pour mieux cibler les prochaines actions à mener dans le
cadre du prochain programme d’action. Par ailleurs, l’actualité autour de l’ouverture des données
et du numérique en général est d’autant plus dynamique que la ville de Nantes s’apprête à
recevoir durant la première semaine de Juin le festival Web2Day. Ce festival presque
incontournable pour les acteurs du numérique soulève des questions liées à l’Open Data et fait
intervenir de nombreux protagonistes. De plus, la ville est aussi sur le point d’accueillir le
Climate Change Challenge, un concours auquel participent aussi les villes de Paris, Lyon et
Toulouse et son objectif est de faire réfléchir à des outils utilisant les données ouvertes afin de
trouver des solutions au réchauffement climatique. Une actualité dense pour la ville de Nantes,
donc, qui crée ainsi une véritable dynamique autour de l’ouverture des données.
Limites du sujet
Le sujet de l’ouverture des données comprend des limites, induites à la fois par sa vaste
définition mais aussi par d’autres facteurs. Tout d’abord, comme nous l’avons vu avec la
définition du sujet, l’Open Data concerne plusieurs domaines de compétences assez vastes : qu’il
s’agisse de la sphère juridique, technique ou politique, ce sont trois champs très larges qui
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seraient trop longs à développer en intégralité au sein d’une étude telle que celle qui suit. Il faut
donc se concentrer sur un aspect unique du sujet afin de pouvoir rentrer plus en détails dans son
étude. C’est pourquoi ici, le sujet sera observé au travers du prisme politique : il s’agira en effet
d’étudier l’émergence de l’Open Data en tant que politique publique, avec les discours qui lui
ont été attachés et les résultats obtenus après quelques mois d’application. Outre la dimension du
sujet, il faut aussi le limiter à un certain espace géographique. Car si l’ouverture des données et,
plus généralement, la gouvernance ouverte est une problématique présente dans de nombreux
pays dans le monde, il n’est évidemment pas possible de faire un tour d’horizon international.
Même en France, le mouvement Open Data n’est plus circonscrit à une poignée de villes et
prend de plus en plus d’ampleur. Si l’Ouest de la France possède une certaine culture de
l’ouverture des données, c’est vers la ville de Nantes et ses collectivités que se tournera l’étude.
En effet, Nantes se trouve à un moment charnière en ce qui concerne l’Open Data : sa politique a
été mise en place il y quelques années et peut aujourd’hui se prêter à un bilan, d’autant plus que
la dynamique autour des données ouvertes persiste. Même si Nantes n’est pas pionnière en
matière d’ouverture des données, puisque Rennes l’a précédée dans sa démarche, elle n’en est
pas moins un territoire emblématique du phénomène en France. En ce qui concerne la
délimitation temporelle du sujet, elle s’est faite naturellement. En effet, nous commencerons par
étudier l’origine du projet pour finir par un état des lieux de la situation actuelle. Nous pourrons
donc nous pencher sur l’ensemble du projet, sans limite de temps.
État de la question au plan théorique
Les recherches sur l’Open Data composent une littérature assez dense dans le monde
anglo-saxon notamment. Berceau du phénomène, les Etats-Unis comptent de nombreux
chercheurs à ce sujet. En France, la littérature est peut-être moins fournie, même s’il s’agit d’un
sujet qui intéresse de plus en plus. Parmi les ouvrages marquants dans le paysage français de
l’Open Data, il faut compter sur ceux de Simon Chignard8, qui a en effet publié deux livres, dont
8 Diplômé de Télécom École de Management, Simon Chignard est aussi l’auteur d’ouvrages importants à propos de l’Open Data, le Data Editor de la plateforme data.gouv.fr pour la mission Etalab et le vice-président de la Cantine Numérique de Rennes. Considéré comme spécialiste, il intervient souvent au sujet des données ouvertes.
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le premier, Open Data : Comprendre l’ouverture des données publiques9, propose une explication
complète de l’ouverture des données avec les enjeux, les impacts et les limites que le processus
comporte. Premier ouvrage français sur le sujet, il représente donc un texte clé. Son second
ouvrage10, en collaboration avec Louis-David Benyayer11, observe les impacts de l’ouverture des
données à travers le prisme économique. Le nombre d’ouvrages comme celui-ci en France est
très réduit, mais la documentation est plus fructueuse lorsqu’il est question d’articles. Plusieurs
revues spécialisées alimentent régulièrement la documentation sur le sujet, telles que les revues
Les cahiers du numérique, Les enjeux de l’Information et de la Communication ou encore
Documentaliste – Sciences de l’information. La revue Place Publique, plus centrée sur la région
de Nantes, a également traité de ce sujet au détour de quelques numéros.
Méthodologie
Afin de conduire cette recherche et amener une réponse à la problématique, nous avons
établi une bibliographie composée d’ouvrages et d’articles scientifiques sur le sujet de
l’ouverture des données publiques. Ce corpus a permis de relever des concepts et notions
attachés à l’Open Data et qui représentent ainsi une base de travail pour l’étude de ce processus.
Si tous les ouvrages présents dans la bibliographie ne sont pas cités dans le corps du mémoire, ils
n’en ont pas été moins essentiels à la construction de la réflexion qui suit. À ces lectures se sont
ajoutés des entretiens conduits auprès d’acteurs locaux. Ces rencontres ont étayé les éléments
recueillis dans la littérature et ont confronté les notions au domaine empirique. Cependant, il faut
souligner une difficulté certaine à accéder au terrain de recherche lorsqu’il touche aux acteurs
politiques. Sur un nombre important de sollicitations, très peu ont reçu une réponse. Le choix a
été donc fait de réduire ce nombre d’entretiens, d’autant plus que les informations récoltées lors
de ces rencontres étaient très denses et avaient beaucoup tendance à se recouper entre elles. Par
ailleurs, les différents acteurs interrogés représentent tout de même les différentes dimensions de
l’Open Data, à la fois sous son appréhension politique, sous la dimension du monde associatif et
9 Simon Chignard, Open Data : Comprendre l’ouverture des données publiques, Limoges, Éditions FYP, collection « Entreprendre », 2012, 192 pages. 10 Simon Chignard, Louis-David Benyayer, Datanomics : Les nouveaux business models des données, Limoges, Éditions FYP, collection « Entreprendre – Développement professionnel », 2015, 160 pages. 11 Louis-David Benyayer, diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Paris est aussi docteur en sciences de gestion. Chercheur à l’ICD Business School, il fait également partie de la mission Etalab en tant qu’expert.
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du mouvement citoyen et également du point de vue plus technique d’un individus ayant une
pratique de manipulation des données ouvertes. Ce panel a donc permis, en complément des
éléments bibliographiques, d’étayer l’argument qui va suivre.
Problématique
Après avoir effectué des recherches et rencontrés des acteurs locaux du domaine du
numérique et de l’ouverture des données, il apparaît clair que le sujet de l’Open Data pose
aujourd’hui beaucoup de questions. Il existe maintenant depuis quelques années et peut donc se
prêter à une première évaluation, même s’il reste un sujet relativement récent. L’ambition de
cette étude n’est pas de juger de l’utilité ou de l’efficacité d’une telle politique. Le propos sera
plutôt d’étudier les apports de l’Open Data sur un territoire bien particulier, celui de la ville de
Nantes. La genèse et le développement du projet d’ouverture des données étaient des processus
porteurs d’espoirs, de promesses. Après avoir connu un certain essor, la situation aujourd’hui
stabilisée doit pouvoir démontrer si, oui ou non, ces promesses ont été tenues. Quels ont été les
impacts de l’ouverture des données sur la ville de Nantes ? Quels écarts peut-on trouver entre les
promesses faites lors du déploiement de la politique et la situation actuelle ? C’est à cette
question que nous tenterons de répondre dans l’étude qui suit.
Plan
Afin de confronter les hypothèses et d’en tirer les conclusions appropriées, l’argument se
déroulera en deux grands chapitres. Au sein du premier chapitre, nous étudierons le processus
d’ouverture des données tel qu’il s’est déroulé sur le territoire nantais. En se penchant sur la
genèse du projet, d’abord, avec une étude approfondie des objectifs attachés au projet et des
acteurs qui y ont participé. Cela permettra d’observer les différents récits qui ont accompagné le
développement du projet. Ensuite, en reprenant la chronologie de l’ouverture des données, à la
fois pour la ville de Nantes mais aussi pour Nantes Métropole. En effet, bien qu’étroitement liés,
les deux projets ont connu des débuts différenciés. Avant de passer au second chapitre, il sera
intéressant de faire un état des lieux de la démarche Open Data à travers quelques autres villes
de France. Le second chapitre, lui, se concentrera sur les impacts que l’ouverture des données a
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pu avoir sur le territoire. Un tel processus porte en lui de nombreuses promesses, mais qu’en est-
il plusieurs mois après sa mise en place ? Qu’est-ce qu’a apporté l’Open Data, en terme
d’économie et de citoyenneté ? Ce sont les deux axes sélectionnés pour étudier cet impact, car
une étude des effets en interne des collectivités n’a pas été réalisable, en raison d’un terrain
difficile d’accès.
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PREMIERE PARTIE : UNE POLIT IQUE D’OPEN DATA « A LA
NANTAISE » PORTEUSE D’ESPOIRS
Chapitre 1 : La genèse du projet, définition des objectifs et mise à l’agenda
C’est en Février 2011 que la ville de Nantes et Nantes Métropole ont décidé d’ouvrir leur
portail commun dédié à la publication des données ; le site data.nantes.fr est donc actif depuis
maintenant plus de quatre ans. La mise en place de l’ouverture des données dans la ville de
Rennes a agit comme un accélérateur du processus nantais. En effet, si Nantes reste l’une des
villes pionnières en matière d’Open Data, elle n’en est pas pour autant la première. Le 1er Juin
2010, la capitale administrative de la Bretagne devient la première collectivité à ouvrir ses
données et est aujourd’hui l’une des mieux placées sur la carte des données ouvertes : avec 209
jeux de données ouvertes, elle est seulement devancée par La Rochelle. Si Nantes est encore loin
derrière en terme de quantités, avec 43 jeux de données, sa politique d’ouverture des données est
elle très développée et l’activité autour de ce domaine depuis 2011 est de plus en plus intense.
Afin de mieux saisir la politique d’Open Data telle qu’elle a été menée à Nantes, il est
intéressant d’en étudier la genèse ainsi que les différents acteurs qui ont contribué à son
développement, avant de se pencher plus en détail sur le déroulement de ce processus. Car même
s’il s’agit d’une démarche basée sur le numérique, domaine de la rapidité par excellence,
l’ouverture ne s’est pas faite en un jour et il a fallu plusieurs années pour que les différentes
composantes du projet soient mises en place. Par ailleurs, il peut être intéressant de se prêter à
l’exercice d’un tour d’horizon de quelques autres villes de France qui pratiquent l’Open Data,
tant ces démarches sont liées en conservant des également des particularismes géographiques.
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I . Pourquoi ouvr i r les données nanta ises ? Des ob ject i fs e t des
promesses var iés
La volonté d’entamer à Nantes une démarche d’ouverture des données répond à plusieurs
enjeux, qui sont traditionnellement ceux de l’Open Data en général. Il est possible de catégoriser
ces enjeux en trois dimensions : un enjeu social, un enjeu démocratique et un enjeu économique.
Même si ces axes servent en général de base à tous les projets d’ouverture des données,
puisqu’ils sont fortement ancrés dans la culture de la gouvernance ouverte, il existe une forte
communication autour de l’Open Data « à la nantaise ». La ville a donc su se réapproprier ces
objectifs afin de les adapter à son territoire, ses attentes et les besoins exprimés par ses habitants.
§1 – Une démarche axée sur la t ransparence, la démocrat ie et les c i toyens
Il est évident que la démarche nantaise s’inscrit dans une volonté de transparence de
l’administration envers ses citoyens, mais aussi dans une volonté d’apporter de nouveaux
services aux habitants. C’est en tout cas ce qui est annoncé dans un communiqué de presse en
date du 4 Février 2011, au lendemain de la déclaration de Jean-Marc Ayrault sur le lancement de
l’ouverture des données : « A travers cette innovation, le service public poursuit sa mission
d’être au plus près des citoyens et de leur faciliter la vie »12. Il s’agit donc là d’une politique
tournée d’une part vers la dimension sociale de la vie nantaise, ce qui rejoint l’un des axes
principaux de la démarche d’ouverture des données à une échelle nationale, voire mondiale, qui
est de promouvoir la transparence des administrations envers les citoyens et d’encourager ces
derniers à faire confiances aux responsables politiques. En effet, le discours qui revient le plus
souvent est celui d’un nouveau souffle donné à la démocratie, à la participation citoyenne et à
une amélioration de la relation entre gouvernants et gouvernés. Il s’agit donc ici de développer la
transparence et l’é-démocratie, à la fois en libérant le plus grand nombre de données possibles,
en effectuant une promotion de l’Open Data de sorte à améliorer la connaissance à ce sujet mais
aussi en en faisant une démarche construite en collaboration avec de multiples acteurs.
12 Voir annexe n°1, page 67
19
§2 – Déve lopper de nouvel les connaissances autour des données ouvertes
Il ne s’agit pas seulement, en effet, d’ouvrir les données en laissant les individus seuls
face à ces fichiers. L’objectif du projet de libération des données nantais est aussi de donner du
sens à ces nouvelles ressources. La mutualisation des données provenant des différentes
collectivités en est un moyen : au lieu de cloisonner les informations sur différents sites web, la
création d’un portail commun permet de faciliter la navigation entre les ressources. Car publier
les données sur des portails différenciés ne ferait qu’augmenter la complexité du système : ici,
avec un portail commun, il est possible de faire des liens entre certaines données produites par
exemple par la ville de Nantes et par Nantes Métropole. Un unique portail pour un unique
territoire, c’est là un moyen de rendre les données plus lisibles en les inscrivant dans un
ensemble et non pas en les fragmentant. Cela permet également de mettre plus en valeur
l’information, en l’insérant dans un plan d’ensemble et de montrer à quel point elle peut être
utile. Par ailleurs, la compréhension des données est aussi un axe très important de cette
émergence de nouvelles connaissances : il faut donner aux individus la possibilité de comprendre
les données sans avoir à faire de démarche plus compliquées que nécessaires. Par cette
démarche, la ville de Nantes et ses collaborateurs souhaite avant tout fournir aux individus un
nouveau terrain d’expérimentations, afin qu’ils en tirent de nouveaux usages et des
connaissances.
§3 – Encourager l ' innovat ion et la modern isat ion des serv ices
Le troisième axe de développement exprimé par Nantes concerne l’innovation, d’abord
en général, à savoir encourager les individus à créer de nouveaux services ou des applications
autour des données ouvertes, mais aussi plus particulièrement au sein des administrations des
collectivités. Car le but des données ouvertes est aussi de faciliter leur fonctionnement. La
libération des données participe ainsi de la modernisation de l’action et des services publics. En
interne, publier les données sur un portail commun permet un accès plus rapide à ces ressources :
cela fait disparaître les difficultés de communication entre différents services voire collectivités
puisque les informations sont ici à disposition des agents qui en ont besoin. Cela permet aussi de
stimuler la production de données de meilleure qualité qui seront ainsi plus facile à réutiliser à
20
l’avenir. La démarche de modernisation des services publics avait d’ailleurs été entamée à
Nantes avant le lancement de l’Open Data : comme le rappelle l’un des communiqués de presse
édités par les collectivités, une plateforme d’é-démarches a été ouverte peu de temps avant le la
lancement du processus de libération des données. Cette plateforme permet de « simplifier le
parcours de l'usager au sein des services municipaux13 » par la proposition de services en ligne
tels que des inscriptions à certaines activités ou des demandes envers la mairie. La ville de
Nantes avait donc comme ambition de moderniser ses services afin d’offrir aux citoyens une
meilleure qualité de vie et l’ouverture des données est pour elle un moyen d’agir en ce sens. Bien
sûr, la volonté d’encourager l’innovation porte aussi sur les autres domaines d’activités et
notamment l’économie : l’objectif est de stimuler la réutilisation des données par tous les
individus pour voir émerger des initiatives innovantes. L’objectif d’innovation et de
modernisation représente donc un enjeu économique pour la ville : un service public plus
performant et de meilleure qualité apporte des économies et une création dynamique signifie un
intérêt de la part des investisseurs. Par ailleurs, dans un dossier de presse remis par la ville lors
du lancement de la plateforme de données ouvertes14, il est indiqué que l’ouverture des données
est une démarche bénéfique pour l’attractivité du territoire nantais. L’idée de cercle vertueux est
bien visible : des données ouvertes mènent à stimuler l’innovation, qui elle-même fait apparaître
de nouveaux acteurs qui participeront du développement économique de la ville. Par ailleurs,
puisque les données sur lesquels ils s’appuieront seront celles libérées par Nantes et ses
collectivités, les services innovants ainsi crées pourront être utiles aux habitants et induire une
meilleure qualité de vie, ce qui renforcera l’attrait de la ville aux yeux de nouveaux arrivants.
Ainsi, chaque domaine réutilisateur des données pourra influer positivement sur un autre et
même apporter d’autres résultats que les responsables n’auront pas pu prévoir au
commencement, à la manière d’un effet de spillover.
Il se trouve dans les discours politiciens autour de l’Open Data une volonté de marquer
un tournant dans l’organisation de l’administration publique : si celle-ci est considérée comme
opaque, comme une grande machine bureaucratique complexe – propos notamment démontré par
Sarah Labelle et Jean-Baptiste Le Corf dans les pages de la revue Les enjeux de l’information et 13 Voir annexe n°1, page 67 14 Voir annexe n°2, page 68
21
de la communication15 – le désir est alors de démontrer le contraire au citoyen, de prouver que
les services publics sont bel et bien capables de cultiver la transparence et de joindre les citoyens
au débat public dans de nouvelles formes de démocratie participative. Les collectivités nantaises
elles-mêmes ont donc exprimés plusieurs objectifs attachés au mouvement de libération des
données publiques. Si ces objectifs sont semblables à ceux que l’on peut retrouver, à la fois à une
échelle internationale, mais aussi au niveau national dans d’autres villes françaises, les approches
restent variées et les différents territoires ont su, comme Nantes, s’approprier le sujet et en faire
une application qui correspond aux besoins à leurs intérêts propres. Le propos se penchera par la
suite sur les détails de la mise à l’agenda de la politique d’Open Data : il sera ainsi intéressant
d’en étudier les différents acteurs ainsi que le déroulement pour comprendre la genèse de ce
mouvement et les conséquences qu’il a pu engendrer.
I I . Quels acteurs y ont par t ic ipé ?
On trouve au sein de la démarche Open Data nantaise une multiplicité d’acteurs, qu’ils
soient issus des sphères politiques, économiques ou encore associatives. Cette pluralité est
revendiquée par les décideurs lors de l’ouverture des données : associer un maximum d’acteurs
permet de prendre en compte les attentes de chacun. Une mutualisation des ressources est aussi
la bienvenue quand, seules, les collectivités et autres acteurs n’auraient pas eu suffisamment de
matériaux sur le sujet. C’est en tout cas le message que souhaite faire passer Nantes Métropole
dans un communiqué de presse en date du 21 Novembre 201116. Ce dernier est en effet publié à
l’occasion du lancement du portail commun à la ville et à la métropole. Pour cette raison, la
démarche Open Data de Nantes est accompagnée de nombreux acteurs qui apportent chacun leur
expertise et leurs ressources pour aider à la construction d’un nouvel écosystème lié aux données
libérées.
15 Sarah Labelle, Jean-Baptiste Le Corf, « Modalités de diffusion et processus documentaires, conditions du « détachement » des informations publiques : analyse des discours législatifs et des portails Open Data territoriaux » in Les enjeux de l’information et de la communication, n°13/2 (2012), pp. 209-59 16 ibid.
22
§1 – Les co l lect iv i tés
Au premier rang des acteurs de l’ouverture des données se trouvent bien évidemment les
collectivités. La démarche nantaise en matière d’Open Data est particulière, effectivement il a
été mis en place un portail commun à toutes les collectivités : la ville de Nantes, Nantes
Métropole, le Département et la Région Pays de Loire bénéficient chacune d’une plateforme
respective tout en mutualisant le portail, ce qui permet une meilleure circulation entre les
données de l’une ou l’autre des institutions. L’ouverture des données concernant plusieurs
collectivités, cela engendre par conséquent une multiplicité d’acteurs dans la sphère politique et
administrative. La ville de Nantes est bien sûr au premier plan de ces acteurs, dans une démarche
conjointe avec Nantes Métropole. Le maire de l’époque, Jean-Marc Ayrault s’est d’ailleurs
montré en faveur de l’ouverture des données par la suite en sa qualité de Premier Ministre, fort
de son expérience au sein du territoire nantais. Par ailleurs, Nantes et ses collectivités
représentent une démarche inédite jusqu’alors en France : une plateforme mutualisée pour la
ville de Nantes et Nantes Métropole mais aussi le Département de Loire-Atlantique et la région
des Pays de la Loire. Le portail data.nantes.fr est en effet le premier à mutualiser les données de
quatre collectivités. La raison de cette mutualisation est triple : d’abord, il s’agit de proposer un
catalogue de jeux de données particulièrement riche et complet, ce qui en facilite la réutilisation
par les individus. Ensuite, cela permet aux collectivités de donner plus de sens à leur démarche
en les mettant en relation entre elles, de les rendre plus lisibles en les inscrivant dans une
démarche d’ensemble. Enfin, le dernier argument est économique, il s’agit de la rationalisation
des dépenses amenées par cette mutualisation et par l’ouverture en général : en effet, la
publication des données amène la nécessité de fournir des ressources de bonne qualité afin de
répondre aux critères d’une donnée ouverte. Il y a donc une plus grande attention à porter au
travail fournit en interne, mais cela permet également de repérer des domaines d’actions moins
performants que d’autres afin de les remodeler. L’ouverture doit donc entraîner une véritable
« révolution » en interne des collectivités afin de rendre ces dernières plus performantes et de
réaliser des économies en rationalisant leur action. Ce sont ces trois objectifs, exprimés sur le
portail de données ouvertes de la ville de Nantes et de Nantes Métropole, qui ont poussé à la
libération des données. Mais ce mouvement n’est pas né seul : si les élus et responsables
23
politiques locaux se sont montrés enthousiastes à propos de l’ouverture, il a fallu aussi compter
sur le tissu associatif pour les encourager à se lancer dans cette politique.
§2 – T issu assoc iat i f e t mouvements c i toyens
A) L’association LiberTIC
L’initiative de l’ouverture des données à Nantes s’est trouvée grandement impulsée par
l’action de l’association LiberTIC. Créée en 2009 et considérée comme un acteur majeur dans le
monde de l’ouverture des données, l’association a en effet fortement œuvré afin de promouvoir
l’Open Data. Les premiers axes de développement étaient tout d’abord l’insertion numérique des
associations ainsi l’e-démocratie, une action tournée par conséquent plutôt vers les outils
participatifs en ligne Après sa participation à la première conférence à propos de l’Open Data en
France, Claire Gallon, cofondatrice et bénévole de l’association LiberTIC a décidé d’inclure le
sujet des données ouvertes dans les axes de travail de l’association. Ce sujet est par la suite
devenu le point central de l’activité de LiberTIC, en parallèle avec la notion de gouvernance
ouverte. C’est aujourd’hui autour de ces deux concepts que l’association développe
majoritairement son action. Les activités exercées par l’association peuvent se résumer en trois
points : la communication, la formation, et les évènements. En effet, la communication est un
axe important : il s’agit de sensibiliser les individus aux données ouvertes, une activité difficile
car la méconnaissance du sujet reste grande et sa technicité peut engendre une certaine méfiance.
C’est ce problème qui est traité grâce au second axe, la formation. Celle-ci se fait beaucoup en
interne des collectivités, directement touchées par l’ouverture des données. Il faut ainsi former
les acteurs de ces collectivités, parfois réticents à une telle ouverture. Enfin, les évènements sont
également un point important de l’activité de LiberTIC. Car l’association est à l’origine d’un
nombre importants d’évènements qui permettent de réunir les deux premiers axes de travail :
sensibiliser les individus grâce à des activités ludiques et les former à la réutilisation des
données, particulièrement au travers des hackathons. Il est ainsi possible de faire à la fois une
communication importante sur les données ouvertes et leur réutilisation mais aussi de montrer
aux individus ce qu’il est possible de faire avec ces données. La sensibilisation est un axe très
important pour l’association, qui étend cette activité à l’ensemble du territoire français. En
24
revanche, les animations se font quant à elle à Nantes : en effet, comme le dit Claire Gallon ;
« cela demande de connaître l’écosystème, les acteurs »17. L’ouverture des données à Nantes et
dans son agglomération a fait naître un écosystème composé d’acteurs qui sont effectivement
propres à ce territoire donné. Afin de mieux cibler les animations à mettre en place, il est donc
essentiel de connaître ces acteurs, ainsi que le public, afin de mettre en place des activités qui
répondront au mieux aux attentes exprimés par ces individus en particulier. Les enjeux attachés à
l’ouverture des données peuvent varier en fonction des zones géographiques et des acteurs du
domaine, c’est pourquoi des animations à l’échelle nationale sont plus compliquées à organiser.
Par ailleurs, ce type d’évènements correspondrait plutôt à la mission de l’organisation Etalab, qui
a pour rôle d’animer l’Open Data sur tout le territoire français.
Mais si l’association LiberTIC est aujourd’hui un acteur incontournable de l’Open Data à
Nantes, elle a connu quelques difficultés à mettre en place ce processus. Suivant les traces de
Rennes, première ville française à ouvrir ses données en 2010, l’association a donc souhaité
impulser un mouvement de même nature à Nantes. Cependant, l’enthousiasme n’était dans un
premier temps pas au rendez-vous auprès des collectivités puisque leur demande à Jean-Marc
Ayrault, alors maire de Nantes, n’avait pas reçu de réponse. Une pétition a donc été lancée afin
d’obtenir plus de poids face à ces collectivités. Si elle n’a récolté que 200 signatures, la pétition a
tout de même gagné en influence puisque ces signatures provenaient de nombreux acteurs et
notamment des têtes de réseaux. Ainsi, la pétition s’est finalement propagée dans les médias. Au
moment de son passage dans la presse papier, l’association a été recontactée par la mairie afin
d’organiser une rencontre au sujet de l’ouverture des données à Nantes ; le processus était ainsi
enclenché. La mairie de Nantes, en se lançant dans le projet, a exprimé le besoin d’être aidée
notamment par l’association car malgré une certaine volonté, il lui était encore difficile de savoir
comment s’y prendre. C’est ainsi que LiberTIC est devenu le relais entre les collectivités et les
acteurs du territoire. En mettant ainsi en commun les connaissances et les carnets d’adresses de
chacun, il est devenu possible de mettre en place une action cohérente et de réunir les acteurs. La
ville de Nantes souhaitait également que l’association devienne l’interlocuteur unique de l’Open
Data à Nantes, afin de faciliter les échanges entre collectivités et citoyens. Cependant, ce rôle est
devenu compliqué à jouer car, en tant qu’intermédiaire, l’association s’est vue recevoir les
plaintes ou remarques des acteurs, qui souhaitaient les faire remonter auprès de la mairie. 17 Voir annexe n°5 pages 76-83
25
Comme le dit Claire Gallon, l’association s’est ainsi rendue compte que cette situation ne
fonctionnait pas et a pris la décision de ne plus travailler de cette manière. En effet, si l’objectif
de départ était d’utiliser l’association comme lien entre les collectivités et les citoyens afin de les
réunir autour du sujet des données ouvertes, le résultat obtenu n’y correspondait pas forcément.
En jouant uniquement le rôle de « guichet unique », le risque était plutôt de décourager les
citoyens face aux réponses parfois vagues des collectivités à leurs demandes. Aujourd’hui,
LiberTIC est devenu un acteur majeur de l’Open Data à Nantes et est à l’initiative d’un grand
nombre de projets menés autour des données ouvertes. Il s’agit aussi d’un partenaire essentiel, à
la fois pour les collectivités, les acteurs économiques et les citoyens.
B) Atlantic 2.0 et sa Cantine Numérique
Autre association phare de l’Open Data nantais, Atlantic 2.0 est présidée par Mickaël
Froger et compte 6 membres permanents. Cette start-up associative existe depuis sept ans, et si
son activité de départ est plutôt tournée vers l’économie numérique en générale plutôt que
spécialisée uniquement sur les données ouvertes, elle n’en reste pas moins un acteur majeur du
milieu à Nantes. Dans un premier temps parce que c’est à elle que revient l’initiative du festival
Web2Day, événement phare dans le domaine du numérique et qui prend place chaque année à
Nantes. Ce point sera d’ailleurs évoqué plus loin dans l’étude. Ensuite car c’est par cette
association qu’est gérée la Cantine Numérique, lieu incontournable de l’innovation et qui a
accompagné depuis le début la politique d’ouverture des données sur le territoire. En effet, c’est
même à cet endroit, lors de son inauguration, que Jean-Marc Ayrault a annoncé le 3 Février 2011
l’ouverture des données18. Prise en charge par Adrien Poggetti, également membre permanent de
l’association Atlantic 2.0, la Cantine Numérique s’est développée autour de trois fonctions,
toutes tournées vers le numérique et l’innovation. Dans un premier temps, il s’agit d’un espace
de coworking : ouvert à tous (étudiants, entrepreneurs, chercheurs), cet espace est un espace de
travail à mi-chemin entre le domicile et le bureau19. Ces travailleurs peuvent ainsi venir avec leur
matériel afin de s’installer, pour une journée ou une demi-journée. L’avantage est d’y être
entouré par d’autres professionnels, ce qui a pour vocation de faciliter les échanges et les 18 Voir annexe n°1, page 67 19 Atlantic 2.0, « Espace de coworking à Nantes » in La cantine par Atlantic 2.0, En ligne < http://cantine.atlantic2.org/coworking-nantes/ >, consulté le 20 Avril 2015
26
rencontres. La seconde activité de la Cantine Numérique est d’accueillir des événements autour
de l’économie numérique et, de plus en plus, autour de l’Open Data. Il s’agit là d’un acteur très
dynamique puisque l’association recense 150 évènements organisés par ans20. Des conférences
peuvent y être proposées mais aussi des évènements récurrents qui rythment la vie de la Cantine.
Cette dernière fait par ailleurs honneur à son appellation car elle organise régulièrement des
goûter, des apéritifs ou des repas, invitant ainsi le public à rencontrer des acteurs du numériques
tout en instaurant une ambiance conviviale. Le mot d’ordre est donc la proximité entre tous les
individus, intervenants comme membres du public, l’objectif étant de rendre le numérique et
particulière les données ouvertes plus accessibles aux citoyens « lambda ». Cela peut également
passer par des ateliers, manifestations elles aussi plutôt récurrentes dans le calendrier de la
Cantine. Ces ateliers sont un excellent vecteur pour rapprocher les utilisateurs des données
ouvertes, souvent en les faisant manipuler directement ces ressources à partir du portail nantais
de l’Open Data. Le troisième axe que développe la Cantine Numérique est un condensé des deux
premiers, puisqu’il s’agit d’en faire un espace de rencontres et d’échanges. Ces objectifs sont
ainsi réalisés à la fois grâce à l’espace de coworking mais aussi au travers des différents
évènements organisés et qui mettent ainsi en relation de nombreux individus, aboutissant à des
créations et des associations fructueuses. L’ambition de l’association Atlantic 2.0 se traduit donc
par une volonté de mettre en relation les différents acteurs du numérique sur le territoire nantais,
d’encourager la réflexion et la création autour de ce domaine et de mettre à disposition des
ressources et un carnet d’adresse à quiconque en aurait besoin. Ces objectifs sont remplis au
travers des différents évènements organisés ou des services proposées et qui parviennent à réunir
toujours plus d’adeptes : le festival Web2Day, par exemple, dénombrait en 2014 1850
participants. Dans un autre registre que l’association LiberTIC, qui se situe plutôt dans le
militantisme et la promotion des données ouvertes auprès des collectivités et des entreprises,
Atlantic 2.0 reste un acteur aujourd’hui majeur du numérique en général mais aussi de l’Open
Data, puisqu’il s’agit désormais d’une thématique incontournable pour les acteurs du domaine
numérique.
20 Atlantic 2.0, « Évènements » in La cantine par Atlantic 2.0, En ligne < http://cantine.atlantic2.org/evenements/les-formats/ >, consulté le 20 Avril 2015
27
Ces deux associations sont des acteurs majeurs de l’ouverture des données à Nantes et
possède une grande part de responsabilité dans l’animation du territoire autour de la thématique.
Le volet associatif est un élément majeur, d’autant plus lorsque l’on sait que c’est ce mouvement
qui a en grande partie incité les collectivités nantaises à libérer leurs données. Il s’agit d’acteurs
qui font également évoluer leur activité afin de la faire correspondre aux attentes et aux
demandes des différents usagers. Le mouvement Open Data, à Nantes mais aussi plus
généralement en France compte beaucoup sur ce soutient de la part des associations et
mouvements citoyens. Parmi eux, on peut notamment évoquer la Fondation Internet Nouvelle
Génération (FING) qui, bien que basée à Paris et Marseille, étend son activité à tout le territoire
français. Ce think tank, qui dirige son action vers une réflexion autour des usages liés à l’Open
Data et à l’accessibilité de ces données pour le grand public, travaille aussi en collaboration avec
le territoire nantais notamment dans le cadre de l’organisation des Carrefours des possibles, qui
donnent aux usagers l’opportunité de proposer des services innovants basés sur la réutilisation de
données publiques. Par ailleurs, la FING est aussi à l’initiative d’un projet visant à développer
des Infolabs sur le territoire français. Ces structures ouvertes à tous auraient pour objectif de
faciliter la compréhension des données aux novices du domaine, aux « citoyens lambda » qui ne
possèdent pas les connaissances nécessaires à une implication plus grande dans ce phénomène.
Autour d’ateliers et de temps de formation, différents acteurs du milieu pourraient ainsi partager
leurs savoirs et leurs expériences afin de rendre l’Open Data accessible au plus grand nombre.
Le monde associatif est donc un véritable pilier sur lequel peut s’appuyer le territoire nantais afin
de développer sa politique d’ouverture des données, tout en prêtant attention à inclure le
maximum de collaborateurs possibles dans cette démarche. Les associations ne sont par ailleurs
pas les seuls partenaires dont Nantes s’est entourée dans le développement de sa politique.
§3 – De nombreux partenar iats
Si l’ouverture des données est une politique lancée par les collectivités, ces dernières ne
sont pas les seules concernées par la mise à disposition de données publiques. En effet, les
entreprises possèdent elles aussi des quantités importantes de données et ces ressources ne
doivent pas rester confinées aux seules utilisations internes. Car les données produites par ces
entreprises peuvent se révéler extrêmement utiles au développement de services ou de projets
28
innovants. Pour cette raison, la ville de Nantes et ses collectivités se sont entourées de nombreux
partenaires qui les ont accompagnées dans la démarche d’ouverture des données. Parmi ceux-ci
se trouvent notamment deux entreprises majeures du territoire nantais : Air Pays de Loire et la
Semitan. Ces entreprises se sont en effet engagées à ouvrir elles aussi leurs données afin de
fournir des ressources encore plus larges aux réutilisateurs. Par ailleurs, la libération de données
permettrait également aux entreprises de développer des services adaptés à ses utilisateurs, ce qui
participerait de leur développement économique et ne pourrit que leur être bénéfique. La Semitan
est une société d’économie mixte, qui gère le domaine des transports publics dans
l’agglomération nantaise. La libération des données de cette société était très attendue, car la
mobilité est un domaine emblématique pour le développement de services innovants basés sur
l’Open Data. Il devient possible d’imaginer des applications telles que des calculateurs
d’itinéraires, qui prendraient en compte des critères temporels, géographiques, les zones de
travaux ainsi que des évènements afin d’établir des itinéraires en fonction de toutes ces variables.
Et si l’intérêt des développeurs pour le sujet est vif, la Semitan se situe elle aussi dans une
démarche d’accompagnement, puisque cette dernière a notamment construit son application
mobile sur les travaux d’un jeune développeur qui avait lui-même commencé à travailler sur les
données de l’entreprise. En effet, Victor Leblais, étudiant nantais, à crée en 2011 l’application
SimpleTAN en s’appuyant sur les données de transport publiées par la ville21. Sa démarche a
suscité l’intérêt de la Semitan qui lui a proposé un partenariat dans le but de développer leur
propre application et de proposer ainsi des services plus innovants et plus utiles aux citoyens. La
société s’est ainsi lancée dans une véritable démarche de restructuration de ses données, afin de
fournir aux développeurs et réutilisateurs les mêmes ressources que celles sur lesquelles elle se
base pour son propre travail. L’idée est donc d’accompagner la démarche produite par la ville à
l’attention des citoyens et non de dissocier les informations publiées de celles utilisées en
interne. Il était presque indispensable pour la Semitan de mettre ses données ainsi à disposition,
puisqu’elle constitue un acteur économique majeur du territoire nantais. Par ailleurs, les
informations au sujet de la mobilité représentent un domaine très convoité par les réutilisateurs
car il représente un terrain propice à l’innovation et à la création de nouveaux services.
21 Entreprenantes, « En attendant l’Open Data, la TAN a le bon réflexe » in Entreprenantes : le magazine des entreprises du web à Nantes, En ligne < http://www.entreprenantes.com/magazine/75-en-attendant-l-open-data-la-tan-a-le-bon-reflexe.html >, consulté le 27 Avril 2015
29
En ce qui concerne Air Pays de Loire, il s’agit d’un organisme agrée par le ministère de
l’Écologie et qui a pour rôle de contrôler la qualité de l’air dans la région des Pays de la Loire.
En publiant les résultats de ces contrôles sur son site internet, l’organisme met ainsi à disposition
ces informations aux potentiels réutilisateurs, qui peuvent s’appuyer sur celles-ci afin de
proposer des services autour de l’environnement nantais.
Mais les acteurs du secteur économique ne sont pas les seuls partenaires dont la ville s’est
accompagnée dans sa démarche. Parmi ceux-ci, le plus marquant est sans doute celui lancé avec
l’École de Design de Nantes Atlantique en Octobre 2011. En effet, avec la signature d’une
convention entre l’école et le Département de Loire-Atlantique a été lancé le projet « Territoires
Connectés », qui engage l’École à se pencher sur le sujet de l’ouverture des données à Nantes.
Son objectif est ainsi d’explorer les différentes possibilités qu’offrent les données ouvertes et
leur réutilisation : comment pourront-elles être utilisées ? Quels nouveaux services pourraient
être inventés sur cette base ? Autant de question qui sont confiées à l’École et ses étudiants, qui
ont planché sur la question durant un semestre avant de présenter leurs conclusions durant la
première moitié de l’année 2012. Ainsi, depuis 2011, une relation s’est installée entre les
collectivités et l’École : les étudiants participent régulièrement aux concours et autres hackathons
organisés par la ville, qui en retour s’appuie beaucoup sur ces travaux pour imaginer de
nouveaux usages et gagner en connaissances sur le sujet. Un partenariat utile et qui permet aux
collectivités d’obtenir un point de vue extérieur supplémentaire, à la fois sur la politique d’Open
Data en elle-même et sur l’efficacité des évènements mis en place autour de cette thématique.
La multiplicité des acteurs serait donc une caractéristique forte de la démarche nantaise :
les collectivités ne se lancent pas seules, elles font appel des acteurs extérieurs afin de favoriser
la coproduction et de rendre le projet plus cohérent en prélevant des ressources et des expertises
de tous les horizons afin de proposer un processus complet et enrichi. Cette pluralité des acteurs,
ce serait donc cette idée d’Open Data « à la nantaise » : c’est d’ailleurs ce que déclare Jean-Marc
Ayrault dans une vidéo22 réalisée par Nantes Métropole au moment du lancement de la politique.
22 Nantes ouverture des données, « L’Open Data à la nantaise » in Nantes ouverture des données : ouverture des données publiques, En ligne < http://data.nantes.fr/demarche/ >, consulté le 29 Avril 2015
30
Chapitre 2 : Le déroulement de l’ouverture des données à Nantes
Afin de mieux comprendre comment s’est déroulée l’ouverture des données à Nantes et
de visualiser les différentes étapes de cette démarche, nous procéderons ici à une chronologie des
évènements. De nombreux évènements ont ponctués les quatre premières années d’ouverture des
données nantaises et certains seront par ailleurs évoqués plus en détails ultérieurement. De plus,
le propos de cette partie s’appuie à la fois sur les informations renseignées par les portails
d’ouverture des données des collectivités, à savoir la ville de Nantes et Nantes métropole ainsi
que le Département de Loire-Atlantique et la région des Pays de la Loire, mais aussi sur un
rapport publié en Juin 2014 sur l’évaluation de la démarche d’ouverture des données commandée
par le Département de Loire-Atlantique et produit par le cabinet d’évaluation Deloitte23.
I . Durant l ’année 2011 : les ba lbut iements de la po l i t ique
La mise à l’agenda de la question de l’ouverture des données s’est faite par la
mobilisation d’acteurs de la société civile, en l’occurrence l’association LiberTIC, avant de
rencontrer le soutien de la sphère politique. L’Open Data s’est donc inscrit dans un premier
temps à l’agenda public avant d’effectuer un glissement vers l’agenda politique. C’est donc en
Février 2011 qu’est annoncée le lancement de l’ouverture des données publiques à Nantes. Plus
précisément, Jean-Marc Ayrault fait cette annonce le 3 Février, lors de l’inauguration de la
Cantine Numérique. Cette déclaration est la suite logique de plusieurs mois de travaux et de
réflexions autour du sujet, notamment en collaboration avec l’association LiberTIC qui a apporté
son expertise pour aider la démarche de la ville. L’idée est aussi de réunir un groupe de travail
afin de réfléchir à différentes actions qui pourront être menées dans le cadre de l’ouverture. Cette
volonté est exprimée dans le communiqué de presse diffusé le 4 Février 2011. Ce groupe de
travail vise à la concertation entre différents acteurs afin de savoir quelles axes de travail mettre
en place dans ce processus de libération des données. En parallèle, le Conseil Général de Loire
23 Cabinet Deloitte, Juin 2014, « Département de Loire-Atlantique : Open Data 44, évaluation de la démarche » En ligne, 63 p., < http://www.loire-atlantique.fr/upload/docs/application/pdf/2014-07/deloitte-opendata44-rapport-vfinal.pdf >, consulté le 13 Avril 2015
31
Atlantique a lui aussi décidé, en Mai 2011, de se lancer dans l’ouverture des données à l’échelle
départementale. Lors du festival Web2Day qui prend place en Juin 2011, le Conseil Général rend
public son projet de libération des données. Par la suite, en Octobre 2011, le programme est donc
voté par le Conseil Général, qui conclue dans le même temps une convention avec l’École de
Design de Nantes Atlantique. Le projet à l’échelle départementale prévoit l’ouverture de son
portail au printemps de 2012. Un mois plus tard, le 21 Novembre 2011 était ouvert le portail
mutualisé de la ville de Nantes et de Nantes Métropole. L’année 2011 n’est donc pas une année
forte sur le plan évènementiel autour de l’Open Data, mais il s’agit à l’époque de poser les jalons
de cette politique. Les travaux concernent alors beaucoup plus les collectivités en interne et n’est
pour le moment pas réellement tournée vers des acteurs externes (même si le partenariat avec
l’École de Design de Nantes Atlantique en est un premier exemple). Il faudra attendre 2012 pour
commencer à voir émerger des actions tournées vers le public, le temps donc pour les
administrations de s’approprier le projet avant d’en ouvrir les portes aux citoyens.
I I . Une année 2012 dua le , entre mouvements inst i tu t ionne ls et ouverture
à la par t ic ipat ion c i toyenne
Dans la continuité de l’année 2011, la démarche départementale d’Open Data est
marquée au début de l’année 2012 par une première « vague » d’ouverture de données. Les
premiers thèmes faisant partie de ces données libérés sont la mobilité, l’environnement, le social,
le territoire et la citoyenneté. Ces données sont donc les premières à être mises en ligne, lorsque
le portail LOAD (Loire-Atlantique Ouverture des Données publiques) est lui aussi ouvert en
Avril 2012. Cette démarche s’est fait en concertation avec la métropole puisque celle-ci avait
lancé son propre portail plus tôt en 2011. L’idée a donc été de mutualiser la plateforme sur
laquelle les données sont publiées, tout en gardant des portails séparés pour la métropole, le
Département et – nous le verrons plus tard – la Région des Pays de la Loire. L’action de
mutualisation de cette plateforme permet en effet de répartir certaines tâches liées aux domaines
techniques ou encore juridiques. Si chaque collectivité s’occupe chacune de son portail, la
plateforme est elle gérée de manière collective. De plus, toujours au début de l’année 2012, la
32
ville de Nantes et Nantes Métropole organisent entre Mars et Juin un appel à projets nommé
« Rendez-moi la ville + facile », initiative remarquée dans le paysage numérique nantais.
C’est suite à ces démarches que se déroule le premier événement autour de l’Open Data à
Nantes : la Semaine Européenne de l’Open Data, du 21 au 25 Mai 2012. Cette manifestation,
ouverte à tous les publics, propose à la fois des ateliers et des conférences pour permettre aux
différentes visiteurs de comprendre ce qu’est l’Open Data. C’est donc un premier pas effectué en
direction des citoyens, qui jusque là étaient restés légèrement en marge du projet, lequel se
concentrait plutôt sur des logiques institutionnelles internes. De plus, en Juin 2012, la région des
Pays de la Loire a donc décidé de rejoindre le projet. C’est cette pluralité de collectivités
travaillant en collaboration sur cette même plateforme qui fait du projet d’Open Data nantais un
projet unique en France. Le second semestre de 2012 a correspondu quant à lui à une seconde
vague d’ouverture avec des données par le Département sur le thème du tourisme. La fin de
l’année 2012 est relativement riche en initiatives puisque c’est notamment à ce moment qu’est
lancé l’appel à projets permanents du Département de Loire-Atlantique, intitulé Upload. Comme
son nom l’indique, cet appel à projets n’a pas de date limite et propose aux citoyens intéressés
par la réutilisation des données de proposer des idées qui pourront par la suite être accompagnées
financièrement ou au niveau de l’expertise par des services du Département et par des partenaires
extérieurs. Cet appel à projet est lancé en Décembre, en même temps que l’apparition sur le
territoire nantais d’évènements appelés « hackathons24 ». En effet, les 15 et 16 Décembre 2012,
Nantes abrite pour la première fois ce genre d’évènements. En outre, les quatre collectivités
reçoivent conjointement le label de « Territoire Innovant », qui récompense depuis sa création en
2008 certains projets innovants ayant trait au monde du numérique. La fin de l’année 2012
entrouvre donc la porte à la participation citoyenne : la politique s’ouvre et ne correspond plus
seulement à des logiques internes, elle entre en contact avec son public et commence à récolter
quelques fruits de son activité.
24 Voir définition page 5
33
I I I . En 2013, l ’ouver ture se poursu i t e t la po l i t ique se s tab i l i se
L’année 2013 débute par une troisième vague de mise en ligne par le Conseil Général
(cette fois sur les thématiques de la culture, du sport, de l’économie et de l’éducation). Les
différents catalogues de données sont de plus en plus riches en ressources. Par ailleurs, les
initiatives autour des données se poursuivent, voyant ainsi s’organiser du 24 Janvier au 18
Février 2013 le premier Hyblab consacré au datajournalisme et organisé par le cluster25 Ouest
Médialab. En Avril 2013, le premier Workshop nantais, qui appelle les citoyens à venir
découvrir les usages possibles des données est lui aussi organisé au Stéréolux. Le début de
l’année 2013 est donc riche en initiatives et cela ne s’arrête pas là, puisque le projet LodPaddle
développé par le Laboratoire d’Informatique de Nantes Atlantique (LINA) voit le jour à
l’automne 2013. Par ailleurs, en Octobre 2013 est créée l’association Open Data France (ODF)
grâce à une collaboration entre plusieurs collectivités dont font partie la ville de Nantes et Nantes
Métropole. En Novembre 2013, près d’un an après l’obtention du label « Territoire Innovant »,
Nantes est à nouveau récompensée lors des Prix Territoriaux organisés par la Gazette des
Communes26 en partenariat avec la GMF. Ce prix salue en effet les initiatives innovantes au sein
des collectivités territoriales. À la fin de l’année 2013, le Département a choisi de commander
une évaluation de sa politique d’Open Data, afin de mesurer les impacts que celle-ci a pu avoir
sur le territoire et de définir de nouveaux axes de travail pour rediriger au besoin certains
objectifs.
IV . Pér iode de ré f lex ion et de bouleversements po l i t iques, les années
2014 et 2015 sont ce l les du changement
L’année 2014 se lance en matière d’Open Data par l’organisation en Février de la
première édition de l’Open Data Day : mis en place par l’association LiberTIC, il s’agit là
encore d’un événement au format hackathon, ouvert à tous les individus souhaitant en apprendre
25 Voir définition page 4 26 La Gazette des communes, des départements et des régions est un journal dont le public cible sont les employés de la fonction publique territoriale
34
plus sur le monde des données ouvertes. Le début de l’année 2014 est d’ailleurs riche en
manifestations de ce genre puisque le mois de Février a connu un deuxième hackathon, tourné lui
vers la thématique des élections, en prévision des municipales à venir. En outre, durant le
processus d’évaluation de la démarche Open Data du Département débute elle aussi en Février,
pilotée par le cabinet Deloitte et arrive à son terme au mois de Mai : le rapport, lui, est publiée au
début du mois de Juin. Le ralentissement du mouvement Open Data peut être aisément expliqué
par la période électorale qui se déroule durant le mois de Mars et des conséquences que celle-ci
entraîne dans les mois suivants. Même si le numérique est un point important de la politique
territoriale, il faut laisser le temps à la nouvelle équipe élue de s’installer et prendre ses marques
dans ses nouvelles fonctions. La rentrée 2014 apporte tout de même une dynamique au monde
du numérique et des données ouvertes puisque Nantes accueille du 12 au 21 Septembre la Digital
Week. Si, comme le festival Web2Day, cet événement n’est pas centré uniquement sur l’Open
Data, ce domaine est tout de même fortement représenté au cours de cette semaine, notamment
sous la forme maintenant connue d’un hackathon ou de workshop, ainsi que par des conférences.
L’année 2015 se retrouve marquée de programmes qui ont connu un certain succès
précédemment. C’est ainsi qu’en Février 2015 s’est déroulée la deuxième édition de l’Open Data
Day. Par ailleurs, le festival Web2Day se trouve lui aussi reconduit au mois de Juin 2015, tout
comme la Digital Week en Septembre. Une initiative inédite en cette année 2015 est le concours
Climate Change Challenge auquel participe la ville de Nantes27. À partir de 2014, nous assistons
donc à un processus de stabilisation du phénomène Open Data qui se poursuit en 2015. C’est
aussi le moment pour les responsables politiques de s’adonner à une introspection sur les
objectifs engagés lors du lancement de l’ouverture et d’en tirer des bilans, afin de relancer une
nouvelle phase de la politique qui sera capable de répondre aux nouveaux enjeux qui ont émergé
et qui n’avaient pas forcément pu être prévus par la première vague d’ouverture.
27 Voir deuxième partie, page 43
35
Chapitre 3 : Et ailleurs ? L’Open Data dans d’autres villes de France
Nantes est au cœur d’une démarche de libération des données qui atteint aujourd’hui une
envergure nationale. Si la ville est particulièrement active et fructueuse sur ce plan, il existe
ailleurs en France d’autres initiatives qui s’avèrent tout aussi intéressantes. Mais avant de faire
un petit tour d’horizon de quelques villes qui comptent dans le monde des données ouvertes en
France, il est intéressant de voir que l’enthousiasme nantais se modère et que la politique a plutôt
tendance à se stabiliser aujourd’hui.
I . Un enthous iasme nanta is qu i se s tab i l i se
Si l’annonce de l’ouverture des données et le processus de libération qui s’est ensuivi a
crée une dynamique forte, on peut remarquer depuis quelques mois un ralentissement de la
politique sur le territoire nantais. Bien sûr, le domaine du numérique à Nantes continue d’être
rythmé par des évènements réguliers et le processus d’ouverture ne s’est pas stoppé pour autant.
Cependant, on assiste à quelques ralentissements qui peuvent s’expliquer de plusieurs manières.
D’abord, le calendrier électoral y est pour beaucoup : avec l’arrivée d’un nouveau maire,
Johanna Rolland, en Mars 2014, les considérations sur le numérique et l’ouverture des données
ont été un temps mises de côté afin de laisser le temps aux nouveaux responsables politiques de
prendre leurs marques dans leurs postes. Pour autant, la nouvelle équipe occupant la mairie de
Nantes ne laisse pas en reste la politique d’Open Data. Le nouvel adjoint au numérique, Francky
Trichet, est en effet très actif sur le sujet et apporte une expertise non négligeable au sein de
l’équipe de Johanna Rolland. Il reste compréhensible qu’une période d’élections ne soit pas le
moment le plus propice aux questionnements autour du numérique, bien qu’il s’agisse
aujourd’hui d’un point très important des politiques locales. Par ailleurs, une évaluation de la
politique d’Open Data lancée en 2011 a débuté en Février 2014 pour se poursuivre jusqu’au
mois de Mai de la même année. Ceci peut expliquer également un certain « flottement » : dans
36
l’attente de réponses apportées par cette étude, réalisée par le cabinet Deloitte28, la politique
d’ouverture des données a connu une période de ralentissement. Il ne faut pas omettre également
que la politique lancée en 2011 arrivait alors à son terme et il fallait donc relancer un projet Open
Data en faisant un bilan des années précédentes, en prenant en compte les nouvelles attentes et
les nouveaux besoins des citoyens, entrepreneurs, chercheurs et associations afin de définir de
nouveaux axes de développement. Pour ces raisons, la période de 2014 jusqu’au commencement
de 2015 a représenté une phase rétrospective ou la politique d’Open Data a été étudiée afin d’en
définir ses forces et ses faiblesses et de mieux relancer une nouvelle phase comportant de
nouveaux objectifs.
Par ailleurs, la logique des politiques publiques répond à un cycle auquel le processus
d’ouverture des données n’échappe pas. Comme le rappelle Claire Gallon29, ce phénomène
cyclique peut s’observer de façon quasiment systématique : au lancement de l’ouverture des
données, le sujet a suscité un intérêt extrêmement important en raison de son caractère inédit sur
le territoire et même à une échelle plus nationale : même si Nantes n’est pas la première ville à
avoir ouvert ses données, elle reste l’une des chef de file du mouvement après Rennes, ce qui
induit une connaissance moindre du sujet lorsqu’elle s’est lancée dans le projet. Il existe donc un
« pic » d’intérêt pour le sujet lors de son apparition à l’agenda politique de la ville : cet intérêt
s’accompagne ainsi de l’émergence de nouveaux acteurs et de la découverte de nouveaux usages
rendus possible par l’ouverture des données. L’engouement est donc fort autour de ces
nouveautés qui font fantasmer les acteurs et leur donne l’espoir de créer des projets innovants et
révolutionnaires. Seulement après cette période d’enthousiasme, le cycle d’innovation s’apaise
pour laisser place à une phase de stabilisation : les différents acteurs, qu’ils appartiennent aux
collectivités, au monde du numérique ou à la masse des citoyens, se rendent compte que les
résultats que peut produire l’ouverture des données ne sont pas destinés à apparaître
immédiatement, à court terme : il faut plutôt compter sur un processus à long terme pour laisser
le temps à des initiatives de grande ampleur de voir le jour. Il devient possible de constater les
manques qui existent encore pour parvenir à mener des projets plus ambitieux basés sur les
données publiques ouvertes et cela amène donc à une structuration du système. Les données
28 Société anglaise à rayonnement international, Deloitte est spécialisée en audit, consulting et fiscalité auprès de clients du secteur public comme privé. Avec un cabinet basé à Saint-Herblain, elle a été engagée par le Conseil Général de Loire-Atlantique afin de mener l’évaluation de la politique d’ouverture des données à Nantes 29 Voir annexe n°5, page 76-83
37
doivent être de meilleure qualité et mieux structurée si elles veulent être employées au
développement de projets plus grands que le développement d’applications par exemple. C’est
donc également dans cette phase que se trouve actuellement l’Open Data nantais : après
l’engouement des premiers mois et l’apparition de nombreuses initiatives, les acteurs se posent
aujourd’hui les questions de « l’après ». Comment obtenir des données de meilleure qualité, afin
d’en tirer le meilleur potentiel pour des projets de grande envergure ? Il n’est donc aucunement
question d’un « abandon » progressif des données ouvertes à Nantes, mais plutôt d’une phase de
réflexion afin de savoir vers quels axes tourner la prochaine phase de la politique. Après avoir
beaucoup axé la phase précédente autour de la libération des données et de la mise à disposition
des individus un maximum de jeu de données, la politique entamée durant l’année 2015 se
tournerait plutôt vers les citoyens, après avoir beaucoup ciblé les développeurs dans un premier
temps. Il est aussi question d’interroger les usages internes des données ouvertes et de savoir
comment les agents administratifs perçoivent eux-mêmes cette politique. Un processus tourné
plutôt vers l’humain que vers l’innovation serait donc à l’œuvre à partir de 2015.
I I . États des l ieux dans que lques autres v i l les f rança ises
§1 – Rennes, la p ionnière
Il est difficile d’évoquer le sujet de l’Open Data français sans évoquer la ville de Rennes,
incontournable dans ce domaine. En effet, la capitale administrative de la Bretagne a été la
première ville de France à ouvrir ses données et reste aujourd’hui l’une des villes les plus
dynamiques à ce propos. C’est le 1er Juin 2010 que commencent à être libérées les données
publiques rennaises. Même si la ville de Brest a pris avant la décision de libérer ses données
géographiques, Rennes est tout de même considérée comme la pionnière. En effet, les données
ouvertes par Brest restent aujourd’hui assez limitée et ne sont donc pas suffisamment développée
pour que la ville soit bien ancrée dans le mouvement. Concernant Rennes, le mouvement s’est
fait en collaboration avec l’entreprise Keolis, qui souhaitait à l’époque ouvrir ses données de
transport. En accédant à la requête de la société, la métropole de Rennes s’est dans le même
temps lancée dans la création de son portail, qui recueille aujourd’hui un nombre de jeux de
38
données important : on en compte 149. Ces données sont publiées par plusieurs éditeurs. Parmi
les collectivités se trouvent la ville de Rennes et Rennes Métropole – Nantes et sa démarche
mutualisée entre quatre collectivités reste une exception sur le territoire français – ainsi que
l’INSEE, Keolis ou encore certaines associations de la région. Dans sa démarche, Rennes a
également organisé un concours d’applications, lancé en Octobre 2010 et qui a pris fin en Mars
2011. Ce concours est donc intervenu très peu de temps après la libération des données et a
comptabilisé 43 participants. C’est donc moins que le nombre de projets proposés lors de l’appel
à projets « Rendez-moi la ville + facile » de Nantes, mais il faut rappeler que le concours
organisé par Rennes s’est déroulé peu après l’ouverture. Non seulement il fallait du temps aux
individus pour s’approprier les données mais en outre, il s’agissait alors d’un phénomène inédit
en France, dont la connaissance n’était pas aussi développée que quelques mois plus tard.
L’objectif était de valoriser les données mises en ligne sur le portail et d’inciter les individus à
les réutiliser tout en imaginants de nouveaux services permettant d’améliorer le quotidien des
citoyens et la relation qu’ils entretiennent avec les services publics. Il est donc possible
d’observer que non seulement la politique d’ouverture des données de Rennes a inspiré les
futures politiques du même acabit dans d’autres villes françaises, mais certaines de ses idées
comme le concours d’applications ont été reprises : il s’agit d’un très bon moyen pour pousser
les individus à l’innovation et les récompenses à la clé ne font qu’augmenter la motivation,
puisque le concours disposait d’une dotation de 50 000 euros, répartis entre les différents prix
proposés (grand prix du jury, prix « Ouest-France » du public, prix « Région Bretagne »
accessibilité, prix « Keolis » éco-mobilité, prix « Caisse des dépôts » pour les entreprises et
enfin, prix « Secrétariat au développement de l’économie numérique » pour les particuliers). Par
ailleurs, la plateforme de données ouvertes de Rennes30 possède une rubrique dédiée aux
applications, ou chaque développeur peut, après avoir créé un compte, faire figurer son
application. Ce système se retrouve également sur le portail des données ouvertes de Nantes. Le
modèle sur lequel s’est construit la politique d’ouverture des données nantaise présente donc des
points communs avec la démarche rennaise : il est logique d’y voir une inspiration, Rennes étant
la seule référence en la matière à l’époque. De plus, l’association LiberTIC – qui a été le
déclencheur de l’ouverture des données à Nantes – a vu son souhait d’ouvrir les données naître
30 Rennes Métropole, « Vos applications » in Rennes Métropole en accès libre, En ligne < http://www.data.rennes-metropole.fr/vos-applications/ >, consulté le 28 Avril 2015
39
après l’observation des évènements qui se sont déroulés à Rennes. L’idée était de demander une
démarche similaire auprès des élus et responsables politiques nantais31. Si Nantes s’est beaucoup
inspiré de Rennes, elle ne s’en est pas moins démarquée sur d’autres points, notamment sur son
idée de portail mutualisé comptabilisant quatre collectivités, ce qui érige souvent la ville au rang
de « capitale des données ouvertes » en France.
§2 – Dans la rég ion des Pays de la Lo ire : l ’ in i t ia t ive angev ine
Le Grand Ouest représente donc un territoire fructueux en matière d’Open Data et en ce
qui concerne la région des Pays de la Loire, Nantes n’est pas la seule ville à s’être lancée.
Récemment, la ville d’Angers a également décidé d’ouvrir ses données. Le portail angevin a été
lancé en Février 201332. À la différence de Nantes, la mise à l’agenda ne s’est pas effectuée suite
à un mouvement citoyen mais par les acteurs politiques eux-mêmes. Cela peut être dû à la fois à
une volonté d’anticipation et à un désir de s’inscrire dans ce processus qui prend de plus en plus
d’ampleur sur le territoire français. D’autre part, en raison de l’appartenance à la région des Pays
de la Loire, la question peut aussi se poser de savoir s’il la démarche nantaise n’aurait pas eu un
effet d’entraînement sur la métropole angevine. Les objectifs affichés sont sensiblement les
mêmes qu’à Nantes : améliorer la transparence et la démocratie, favoriser la participation
citoyenne ou encore moderniser les services publics. Cependant la logique économique est peu
présente, même si le volet innovation est bien sûr inclus. La communication qu’avait effectuée la
ville de Nantes et Nantes Métropole autour de la création ou la dynamisation d’une économie
numérique se retrouve peu – voire pas du tout – dans le cas d’Angers. Il est possible que les
acteurs aient eu le recul suffisant pour observer que le volet économique de la politique nantaise
d’Open Data n’était pas celui qui avait suscité le plus de résultats depuis 2011. Cette inspiration
nantaise est d’autant plus remarquable que la ville d’Angers s’apprête à installer sa propre
Cantine Numérique. En effet, depuis le lancement de la politique d’ouverture des données, c’est
à la Maison des Projets que se tenaient les évènements liés à l’Open Data. Bien qu’il n’en ait pas
le nom, cet endroit s’apparente en tous points à la Cantine Numérique nantaise, avec son espace
de coworking, la tenue d’évènements liés au numérique et la volonté également présente de faire 31 Voir annexe n°5, page 76-83 32 Ville d’Angers, « Démarche » in Angers Loire Métropole : ouverture des données publiques », En ligne < http://data.angers.fr/demarche/ >, consulté le 28 Avril 2015
40
se rencontrer des acteurs de différents horizons autour de thématiques telles que les données
ouvertes. Cette Maison des Projets deviendra donc la Cantine Numérique angevine lors de son
déménagement prévu pour la rentrée de 2015. En ce qui concerne la dimension évènementielle
qui se déroule autour de l’Open Data, Angers est pour le moment en retrait dans les activités
qu’elle propose. Malgré cela, certaines manifestations ont lieux autour du sujet, encore de petite
ampleur ; il ne faut cependant pas oublier qu’il s’agit d’une ville plus petite et qui n’a de plus
ouvert ses données que récemment. La Maison des Projets offre tout de même des rendez-vous
réguliers autour des données, tels que les « Angers Data Lunch » ou des temps d’échanges
appelés les « 6 à 8 ». Il s’agit donc d’évènements plutôt axés sur le partage de savoirs que sur la
participation active des citoyens, même si pour ce volet il est possible de citer notamment
l’association Tela Botanica qui organise régulièrement des ateliers mêlant découverte de
l’écosystème de la ville et production ou utilisation de données ouvertes. La ville d’Angers a
collaboré par ailleurs avec l’ISTIA, l’une des écoles d’ingénieurs situées dans la métropole, pour
la première fois. Il a en effet été proposé aux étudiants de se servir des données publiées sur le
portail d’Open Data dans le cadre d’un de leurs enseignements durant le premier semestre de
l’année 2015. Si la relation entre la politique d’Open Data et le monde académique et de la
recherche n’est en aucun cas aussi développée qu’à Nantes, il n’est pas impossible qu’une telle
collaboration voit le jour plus tard, d’autant plus si Angers s’en inspire comme cela paraît être le
cas pour certains autres aspects. Même si la ville d’Angers est moins importante autant sur le
plan de la démographie que concernant la superficie, elle rejoint tout de même le projet à son
tour dans une dynamique qui n’est peut-être pas étrangère à l’influence de la démarche entreprise
par la région des Pays de la Loire. Les projets présents dans la région s’inscrivent dans un
processus cohérent qui cherche à inclure le plus d’acteurs possible. Mais si l’on observe des
similitudes avec la démarche nantaise, il existe également d’autres initiatives qui se détachent
clairement du modèle induit par le Grand Ouest.
41
§3 – Une autre approche de l ’ouverture : la v i l le de Lyon
La ville de Lyon s’est elle aussi lancée dans une démarche de libération des données
publiques au courant de l’année 2013 avec l’ouverture de son portail intitulé Smart Data33. Lui
aussi basé sur une volonté des acteurs politiques et non sur un mouvement citoyen, le processus
présente en effet des dissemblances avec les démarches du Grand Ouest. En ce qui concerne les
objectifs, ils sont encore semblables à ceux que l’on trouve dans d’autres villes ainsi qu’au
niveau national : l’encouragement de la participation citoyenne en fait bien évidemment partie,
tout comme la facilitation de l’action publique grâce à des données échangées plus facilement et
enfin, la stimulation de l’innovation en vue de développer l’économie autour du numérique.
Cependant, la démarche devient particulière lorsque l’on s’aperçoit qu’il existe trois niveaux
différents de mise à disposition. Dans un premier temps se trouve l’accès sans aucune condition
préalable, qui concerne tout de même la majorité des données. Ensuite existe un second niveau,
ou une authentification est requise pour accéder aux données : ceci est expliquer par une volonté
d’éviter que les réutilisations qui soient faites de ces données soient incompatibles avec la
politique menée par la ville. Enfin, le troisième niveau comporte, en plus d’une authentification
obligatoire, une redevance à payer afin d’éviter, dans des situations de grande consommation de
données, une situation de monopole d’un secteur privé sur les données publiques par exemple. Il
s’agit donc d’une approche particulière et qui ne correspond pas vraiment à ce qui peut être
observé ailleurs en France. Cette vision différente de l’ouverture des données peut aussi
s’expliquer par le fait que la ville de Lyon se place dans une véritable volonté de s’ériger en ville
intelligente, ou « smart city ». Cela expliquerais un certain opportunisme de la part de la ville,
qui conduit une démarche d’ouverture des données car il s’agit là d’un sujet d’actualité et de plus
en plus important mais qui tend tout de même à la contrôler afin d’en éviter les potentiels
mésusages ou les retombées négatives qui pourraient exister. Lyon montre donc à voir une
application pragmatique du mouvement de libération des données, comme si la politique avait
été pensée en amont en prenant en compte les intérêts de la ville et que la démarche avait ensuite
été ouverte dans le but de servir et accompagner ces intérêts. Néanmoins, il faut rappeler que la
majorité des données publiées restent accessibles sans conditions, ce qui laisse tout de même une
33 Métropole de Lyon, « Données métropolitaines du Grand Lyon » in Data Grand Lyon, En ligne, < http://data.grandlyon.com >, consulté le 28 Avril 2015
42
liberté conséquente aux réutilisations. Il reste tout de même dans la démarche quelques points
communs avec celle de Nantes ; d’abord, la ville de Lyon fait elle aussi preuve d’une volonté de
mutualisation puisqu’elle invite des partenaires à rejoindre ce mouvement, afin d’offrir l’accès à
un maximum de données. Par ailleurs, tout comme à Rennes, Nantes et Angers se trouve à Lyon
un espace dédié aux acteurs du web et du numérique, appelé la Cuisine du Web. Si cet espace
propose pour le moment des évènements plutôt axés sur le web ou les technologies de
l’information et de la communication, il n’est pas exclu de voir apparaître au fur et à mesure du
temps des manifestations tournées vers les données publiques. Parallèlement, Lyon se trouve être
l’un des participants au Climate Change Challenge aux côté de Nantes, Paris et Toulouse, une
opportunité intéressante pour une ville dont la libération des données est encore un phénomène
très récent.
Il est ici intéressant de noter que les différentes politiques d’Open Data, bien que
naturellement propres à chaque territoire, soient ponctuées de points communs entre elles. Il peut
exister différents modèles, qui se construisent soit en s’inspirant des précédents, soit en
cherchant une nouvelle approche par rapport à ce qui existe déjà. À Nantes, le déroulement du
projet s’est fait de manière cohérente grâce à des acteurs nombreux et mobilisés autour de la
problématique de l’ouverture des données. Désormais, la politique d’Open Data telle qu’elle a
été lancée il y a quatre ans de cela arrive à un moment clé de son évolution : il s’agit d’un
moment charnière puisque c’est maintenant que se joue l’avenir de la politique. Une
rétrospective sur les années passées permet de mettre en lumière les discours tenus et les
promesses faites, qui apparaissent ultérieurement sous un nouveau jour. Avec le recul nécessaire,
il est intéressant d’évaluer les impacts qu’a réellement eu la politique d’ouverture des données à
Nantes, ce qui constituera le propos de la seconde partie à suivre.
43
DEUXIEME PARTIE : APRES LE LANCEMENT, MESURER LES IMPACTS
Chapitre 1 : Quatre ans après, un écosystème développé autour des données
Dans un article pour la revue Place Publique, Hélène Maury indique qu’à Nantes, le
domaine de l’économie numérique représente 23 000 emplois, ce qui correspond à 8% des
emplois sur le territoire34. Si ce chiffre est encourageant, il faut tout de même s’y pencher pour
voir rapidement que l’ouverture des données ne fait pas partie des statistiques. Le terme
d’économie numérique recouvre ici de nombreux domaines : l’industrie, l’édition, la réparation,
le commerce, le Télécom et enfin l’informatique. Si ce dernier domaine représente la majorité
des pourcentages avec 61%, il est cependant difficile de savoir ce qui compose réellement ce
milieu vaste. Certainement, quelques entreprises inclues dans ce chiffre sont liées à l’Open Data,
mais elles n’en représentent pas la majorité. En effet, d’un point de vue purement économique,
les entreprises ou start-ups construites sur l’Open Data reste minoritaires. Comme le remarque
Claire Gallon, les données ouvertes ne représentent qu’un « tremplin » pour ces start-ups qui se
tournent ensuite vers des données payantes car de meilleure qualité et plus structurée35, ce qui est
préférable lorsque l’on veut construire une entreprise à partir de ces données. Les données mises
en lignes par la ville de Nantes et ses autres collectivités ne sont ainsi que des données d’appels,
qui peuvent faire germer des projets chez les entrepreneurs et les développeurs mais d’une
qualité encore insuffisante pour être une réelle base pour une start-up en expansion. Malgré cela,
les données ouvertes publiées sur le portail commun ont représenté un terreau pour le
développement de nombreuses initiatives qui participent de la dynamisation de la ville autour de
l’Open Data et qui encouragent les acteurs de tous horizons à innover autour de ces données.
Bien sûr, l’ouverture des données représente pour la ville de Nantes des retombées positives, à la
fois sur le plan économique, mais aussi dans le domaine de l’innovation ou encore de la
recherche. Comme le dit Jérémie Valentin dans un article pour la revue Documentaliste –
Sciences de l’information ; « Derrière le phénomène de mode qui consiste à se lancer dans l’open 34 Hélène Maury, « Le numérique : 8% des emplois de l’agglomération nantaise » in Place Publique, 45 (2014), pp 15-23 35 Voir annexe n°5, pages 76-83
44
data, cette démarche peut se révéler positive à la fois pour les réutilisateurs qui accèdent à de
l’information anciennement cloisonnée, mais aussi pour l’institution qui en est à l’origine par la
découverte d’un univers innovant en plusieurs points 36». C’est le cas de figure que connaît
Nantes grâce à l’ouverture de ses données : l’émergence d’un véritable écosystème autour des
données s’est faite et il est possible, au travers de l’étude de plusieurs initiatives, d’en mesurer
les retombées sur le territoire.
I . Encourager l ’ innovat ion et la créat ion
L’objectif de réutilisation des données était l’un des axes majeurs de l’ouverture des
données à Nantes. Quelques mois plus tard, on peut observer que la ville est parvenue à créer une
véritable dynamique autour de ces ressources, stimulant la création et accueillant des évènements
qui rythment le paysage de l’économie numérique. En effet, sous l’impulsion de la ville, les
réutilisateurs se sont mobilisés lors de plusieurs projets afin de faire partie de ce processus
d’innovation. L’apport des données ouvertes sur le territoire est donc fort sur le plan de la
création : les nombreuses applications créées sur la base des données en sont un bon exemple,
tout comme les nombreux évènements animés autour du sujet. Par ailleurs, l’Open Data est une
politique qui a été portée à un niveau national grâce à la mission Etalab. Ce faisant et afin
d’encourager de plus en plus de villes et de régions à libérer leurs données, de nombreux
concours ont été mis en place, ainsi que de nouveaux labels qui poussent ainsi les agglomérations
à se lancer dans l’ouverture des données et à stimuler l’innovation. Ce système de récompenses
sont autant de motivations, à la fois pour les collectivités et les citoyens, à travailler de concert
pour entretenir le dynamisme de la politique.
§1 – Des appl icat ions récompensées : « Rendez-moi la v i l le + fac i le »
À partir du 2 Mars 2012, un appel à projets a été lancé collectivement par la ville de
Nantes et Nantes Métropole. Intitulé « Rendez-moi la ville + facile », son objectif était d’inviter
36 Jérémie Valentin, « La donnée ouverte et libre, facteur d’innovation urbaine » in Documentaliste – Sciences de l’information, 49 (2012), pp. 30-31
45
tous les individus à élaborer un projet de service innovant basé sur les ressources de l’Open
Data. Qu’il s’agisse de développeurs, d’entrepreneurs, d’associations ou encore de simples
citoyens, l’appel à projets a été ouvert à tous afin de permettre un taux de participation maximal
et d’encourager l’innovation et la réutilisation des données au sein de toutes les catégories socio-
professionnelles. Afin de mener à bien ce programme, les collectivités nantaises se sont
entourées de partenaires issus de différents milieux et répartis dans le jury et dans le comité de
sélection. Le jury est composé d’entreprises : la Semitan, SFR, Clear Channel et Smile, quant au
comité, il réunit lui aussi des acteurs économiques (les entreprises Oseo et IBM) mais il inclut
également des acteurs d’autres horizons : les associations LiberTIC et Atlantic 2.0, l’École de
Design de Nantes Atlantique, Stereolux et enfin Atlanpole. La volonté de l’agglomération
nantaise n’est pas seulement d’encourager l’apparition d’initiatives liées aux données ouvertes :
il s’agit également de créer un mouvement pérenne, qui puisse faire émerger un écosystème
durable sur la base de la réutilisation des données. Pour cela, des dotations sont prévues pour les
projets lauréats, afin que les propositions ne restent pas à l’état de simple ébauche et puissent se
concrétiser.
Un dossier de presse37 a été diffusé par les collectivités afin de promouvoir l’événement
et de susciter l’intérêt des médias. Ce dossier de presse indique plusieurs points essentiels du
projet. La démarche affiche plusieurs objectifs, le premier étant de stimuler les acteurs locaux
autour de la réutilisation des données et de la création. Avec une participation étendue à tous, ce
ne sont plus seulement les professionnels qui peuvent proposer des projets et les dotations
accordées aux projets vainqueurs incitent de nouveaux acteurs à émerger. C’est notamment le cas
dans le milieu étudiant. Comme nous l’avons vu précédemment, l’École de Design Nantes
Atlantique et son laboratoire de recherche READi est un partenaire de la démarche d’ouverture
des données depuis plusieurs années. Au cours de l’appel à projets, trois projets portés par des
étudiants – anciens ou actuels – de l’école ont été récompensés. En tout, la ville et la métropole
se sont vues proposer 120 projets, dont 113 ont été retenus. La dynamique de créativité a donc
bien fonctionné, remplissant ainsi le premier objectif de la démarche. Son second but a été de
faire émerger de nouveaux services qui pourraient améliorer la qualité de vie des habitants. Cet
axe se trouve lié au type de données que les collectivités ont entrepris de publier au fil des mois. 37 Voir annexe n°4, pages 72 – 75
46
Celles-ci portent en effet beaucoup sur des données autour de la mobilité (les transports ou le
trafic), de l’environnement (statistiques concernant la pollution, informations à propos de
l’écosystème) ou encore de la culture. Utiliser ces données afin de les transformer en application
à disposition de tous est un moyen de faire prendre conscience aux habitants de l’environnement
qui les entoure et de leur donner les outils pour mieux comprendre la ville. Parmi les projets
lauréats du concours, deux applications sont par exemple consacrées à la mobilité. L’application
Statiophone permet de localiser en temps réel les places de parkings disponibles ou les parkings
les plus proches. OpenNantes, quant à elle, prend en compte les horaires de transports en
commun, les informations sur le trafic ou encore les différents travaux afin de fournir des
itinéraires et faciliter le déplacement au sein de l’agglomération nantaise. Une démarche de
simplification de la vie quotidienne donc, grâce à de nouveaux services sous forme de sites web
ou d’applications mobiles réutilisant les données. Le support numérique permet d’autant plus
d’accessibilité qu’il fait aujourd’hui partie du quotidien d’un très grand nombre d’individus et les
applications conçues offrent ainsi une utilisation intuitive et simple pour faciliter les activités.
Enfin, le dernier objectif qui a animé le lancement de ce concours concernait les relations entre
les différents acteurs locaux. Non seulement l’appel à projets souhaitait ouvrir à tous la
possibilité de créer autour des données ouvertes mais son but était aussi de réunir des individus
d’horizons différents qui de prime abord n’avaient pas ou peu de relations entre eux. Cela est
vrai notamment pour les relations entre les collectivités et les habitants. Car, il ne faut pas
l’oublier, l’un des objectifs de l’ouverture des données est en effet de pousser les citoyens à
regagner confiance en leurs gouvernements et d’encourager le dialogue entre société civile et
services publics. L’appel à projets innovants lancés par la ville de Nantes et Nantes Métropole
appelle ainsi les citoyens à s’exprimer de manière créative et cherche à montrer l’utilité des
données publiées. Il s’agit en effet d’un très bon moyen de faire connaître les données, d’inciter
les individus à en prendre connaissance et à les exploiter et donc de démontrer que les objectifs
de transparence et d’ouverture sont remplis par les collectivités. En outre, les projets proposés
révèlent aussi des besoins ou des attentes de la part des citoyens. Une forte création autour des
données environnementales par exemple pourra traduire un besoin des citoyens en matière de
connaissances sur le territoire ou une volonté des entreprises de développer un certain axe de
travail. L’occasion est aussi donnée lors de cette démarche de mettre en relation les différents
acteurs. Les collectivités ont en effet été accompagnées de plusieurs partenaires lors de cet appel
47
à projets : les participants ont ainsi la possibilité de rencontrer et d’échanger d’une part avec les
services publics et d’autre part avec des acteurs économiques de la ville de Nantes.
Trois ans après le déroulement de cet appel à projet, le bilan que l’on peut en faire reste
mitigé. Il a énormément mobilisé sur le plan de la participation : en tout, 120 projets ont été
déposés auprès du comité formé dans le cadre de l’événement. Il s’agit là d’un chiffre record
puisque d’autres villes de France ayant proposé le même type de concours n’ont pas autant
mobilisé. C’est notamment le cas à Rennes, qui s’est vue proposer 43 projets par exemple. Il
s’agit donc d’un point positif, qui démontre un certain intérêt pour la question. Cependant, il faut
constater que les projets ainsi proposés n’ont pour la plupart pas connu de développement plus
avant.
§2 – Le moteur des pr ix et labe ls
Si les phénomènes d’appels à projets sont un bon moyen d’encourager l’innovation
autour des données publiques, il en est de même pour Nantes en elle-même. En effet, l’Open
Data est aujourd’hui un phénomène d’importance cruciale, à la fois à l’échelle nationale et
internationale. Pour cette raison et afin d’inciter les villes à participer à ce mouvement, des
récompenses se sont créées ; qu’il s’agisse de prix ou de labels attribués à certaines villes pour
leurs initiatives d’ouverture, ces rétributions saluent les avancées faites par ces territoires et
constituent un bon moteur pour encourager l’innovation. Car l’obtention d’un label ou d’un prix
induit par la suite une certaine visibilité, un rayonnement non négligeable, qui lui-même apporte
des opportunités de développement économiques et une attractivité nouvelle au territoire
concerné. Nantes n’est pas en reste puisqu’elle a reçu depuis la fin de l’année 2012 deux
récompenses : le label « Territoire innovant » et une distinction lors des Prix Territoriaux de
2013, attribués par la Gazette des communes en partenariat avec la GMF. En ce qui concerne le
label « Territoire innovant » il est décerné par le Réseau des Territoires Innovants. Le but de ce
label est à la fois de récompenser les territoires ayant mis en place des usages innovants, afin de
valoriser ces actions et de les ériger en exemples pour les initiatives futures mais aussi dans
l’objectif de rapprocher les différentes villes dans une optique d’échange de « bonnes
pratiques ». En effet, un territoire labélisé gagnera ainsi une certaine expertise auprès de
48
collectivités qui souhaiteraient ouvrir leurs données et qui auraient ainsi besoin de retours
d’expériences pour construire leur propre démarche. Un tel label est donc synonyme de
rayonnement au niveau national pour des villes ayant travaillé à l’ouverture de leurs données et il
représente également une certaine gratification pour les travaux menés, ce qui peut encourager
les territoires à continuer dans cette voie. Le prix attribué en 2013 par la Gazette des communes
est quant à lui une récompense supplémentaire quant aux efforts fournis par les collectivités.
Comme il est indiqué sur le portail Open Data de la ville de Nantes et Nantes Métropole ; « Les
prix Territoriaux récompensent les réalisations innovantes et les bonnes pratiques ayant permis
d'améliorer la qualité du service public en impliquant plusieurs métiers et services »38. Cette
logique de récompense permet à la fois de montrer aux territoires que leurs démarches sont
valorisées, que leurs actions ne sont pas ignorées et dans le même temps de montrer un exemple
aux villes qui n’ont pas encore libéré leurs données, de pointer des modèles qui ont eu du succès
afin de s’en inspirer. Une ville comme Nantes, qui a donc été récompensée à plusieurs reprises,
peut améliorer la visibilité de son projet à une échelle plus importante de par son statut
d’exemple. Par ailleurs, Nantes a aussi été labellisée par le projet French Tech39 : afin d’organiser
cette démarche, un appel à candidatures à été réalisé auprès des villes françaises souhaitant
valoriser et promouvoir leur action autour du numérique et de porter leurs ambitions à un niveau
international. Outre un programme d’aide financière attribuée aux villes ayant obtenu le label, la
French Tech est aussi un gage de rayonnement qui ne se cantonne pas à l’échelle nationale.
Nantes a donc reçu le label en 2014 en valorisant son écosystème numérique développé,
notamment autour de lieux de l’innovation tels que le quartier de la création et en s’appuyant sur
le fort dynamisme de son mouvement créatif et innovant. Il est donc possible de voir que ces
labels et autres prix peuvent devenir de véritables moteurs pour les villes qui souhaitent faire
partie d’un mouvement innovant autour du numérique. Par ailleurs, les possibilités de
développement économique sont stimulées par une dotation non négligeable qui peut être vecteur
de croissance dans certains domaines.
38 Ville de Nantes et Nantes Métropole, « Remise des prix territoriaux le 26 Mai » in Nantes ouverture des données, En ligne, < http://data.nantes.fr/actualites/detail-dune-actualite/remise-des-prix-territoriaux-le-26-mai-1/ >, consulté le 27 Avril 2015 39 Nantes Tech, « Nantes labellisée métropole French Tech » in Nantes Tech, En ligne < http://www.nantestech.com >, consulté le 28 Avril 2015
49
§3 – De p lus en p lus d’évènements autour de l ’Open Data
Dans le paysage de l’Open Data français, Nantes est une ville très active sur le plan des
évènements autour des données ouvertes. Un tel dynamisme contribue à en faire une ville de
premier plan pour tous les acteurs du milieu et, surtout, pour entretenir l’engouement suscité par
l’ouverture. Parmi ces évènements se trouvent des manifestations de différentes natures et
certaines sont inspirées de ce qui commence à apparaître en France, notamment les
« Hackathons ». Par ailleurs, entre concours et festivals approchant le sujet des données ouvertes,
le monde du numérique se tourne souvent vers la ville de Nantes, désormais acteur majeur du
mouvement Open Data.
A) Le phénomène des « hackathons »
Nantes a organisé quatre hackathons depuis l’année 2012. Il s’agit là d’un phénomène qui
prend de plus en plus d’ampleur au fil du temps : ces évènements sont devenus très fréquents
dans le monde des données ouvertes. L’objectif de ces hackathons est de développer dans un laps
de temps limité des applications utilisant les données publiées, dans le but de créer des services
innovants destinés aux citoyens, qui pourront être exploités par la suite, mais encore avec
l’objectif de montrer à des individus peu connaisseurs du milieu ce qu’il est possible de faire en
réutilisant ces données. Ainsi, à chaque hackathons organisés, de nombreux acteurs se réunissent
afin de travailler ensemble : l’une des préconisations d’un tel événement est de venir sans équipe
prédéfinie et de former ces équipes sur place, afin d’encourager les échanges et les rencontres
entre différents acteurs. Les hackathons sont ouvert à tous : développeurs, professionnels du
milieu, étudiants ou simples citoyens, ce qui permet un échange de connaissances et de savoirs
pratiques. De tels évènements se veulent donc mobilisateurs mais leur objectif est aussi de faire
émerger des idées. Comme le dit Simon Chignard dans l’article « Un hackathon, sinon rien ? »
publié sur son blog40, l’événement en lui-même ne produira pas forcément de résultats concrets :
il verra naître des prototypes, émerger des idées mais la concrétisation de ces projets ne pourra se
faire que plus tard, avec les moyens nécessaires. Mais ce type d’événement constitue un terrain
40 Simon Chignard, « Un hackathon, sinon rien ? » in Données ouvertes, En ligne < http://donneesouvertes.info/2013/01/08/un-hackaton-sinon-rien/ >, consulté le 29 Avril 2015
50
d’expérimentation inédit, qui permet d’encourager la réutilisation des données : il est beaucoup
plus facile de se faire une idée de l’utilité d’un jeu de donnée issu d’un portail d’Open Data en
voyant un service concret qu’il peut proposer plutôt qu’en le consultant sur le site web. Il n’est
pas étonnant de voir ces démarches se multiplier à Nantes, comme dans les autres villes qui
ouvrent leurs données. Il s’agit en effet de manifestations simples à réaliser, généralement peu
couteuses puisque souvent organisées dans des lieux possédant déjà les ressources nécessaires
mais qui permettent pourtant de réunir un nombre importants d’individus autour d’une même
thématique. Les créations qui naissent de ces défis peuvent attirer des investissements si elles
sont jugées suffisamment prometteuses et dignes d’être concrétisées. Comme le rappelle encore
Simon Chignard41, le hackathon est aussi une expérience vécue par les acteurs de l’intérieur et
qui peuvent être porteurs d’un discours particulier sur ces évènements. Malgré cela, cette
expérience reste encore limitée aux participants puisqu’un citoyen amateur, peu connaisseur du
domaine, peut avoir du mal à s’identifier à ce discours. C’est pourquoi il est important de
communiquer autour de ces évènements et d’en faire suivre les étapes ainsi que les résultats en-
dehors du cadre de l’événement. Par ailleurs, même si ce genre de manifestation, bien que très
bénéfique au niveau de l’innovation et de la création, peut être difficile à appréhender pour
certains individus, il ne s’agit pas des seules occasions de promouvoir l’Open Data.
B) Des manifestations à portée nationale voire internationale
1 – L’exemple du Climate Change Challenge à l’échelle nationale
La ville de Nantes s’est vue participer pour la première fois en 2015 au Climate Change
Challenge42. Ce concours s’inscrit en amont du sommet sur le climat qui se déroulera en
Décembre à Paris. L’idée est de réunir le plus d’acteurs possibles afin de stimuler la réutilisation
des données ouvertes, notamment celles portant sur l’environnement ou la géographie et d’en
faire naître des projets innovants, dont le but serait de lutter contre le réchauffement climatique.
Ainsi, le 22 Mai à Nantes se déroule la première étape du concours, qui consiste en un rendez-
41 ibid. 42 Nantes ouverture des données, « Un challenge pour lutter contre le changement climatique » in Nantes ouverture des données : ouverture des données publiques, En ligne < http://data.nantes.fr/actualites/detail-dune-actualite/un-challenge-pour-lutter-contre-le-changement-climatique/ >, consulté le 29 Avril 2015
51
vous établit afin de recueillir les idées des participants. Lors de cette journée, c’est au Solilab43
que ce déroulera la rencontre. Les villes de Toulouse et Paris accueilleront la seconde étape du
concours, à savoir une rencontre destinée à préciser les défis portés par le challenge. Enfin, la
ville de Nantes sera à nouveau l’hôte d’un hackathon durant lequel les participants pourront
concrétiser leurs projets, dans un délai de 48 heures, du 6 au 9 Décembre 2015 : chaque ville
participante accueillera d’ailleurs sont propres hackathon. Ce concours représente un tremplin
pour la ville de Nantes et ses données ouvertes dans la mesure où, lors du sommet sur le climat
qui aura donc lieu en Décembre, trois projets par villes se verront récompensés en y étant
présentés. Il s’agit donc d’un très bon vecteur de promotion de l’Open Data nantais : les projets
lauréats seront en effet représentatifs de plusieurs aspects. D’abord, ils permettront de montrer la
qualité des données ouvertes mise à disposition par Nantes et ses collectivités. Ensuite, cela
permet également de stimuler l’innovation autour de ces données et ainsi de donner à voir un
dynamisme toujours présent pour le phénomène.
2 – D’autres évènements d’envergure internationale
Le festival Web2Day s’apprête à s’installer à Nantes au mois de Juin pour sa 7ème édition.
Devenu l’un des évènements incontournables dans le milieu du web, les données ouvertes en
sont l’un des concepts phares. Organisés par l’association Atlantic 2.0, les festivals se déroulent
tous les ans au Stereolux à Nantes, ce qui participe à en faire une ville de premier plan dans le
domaine du numérique et bien sûr de l’Open Data. Le festival réunit des acteurs de tous horizons
avec en commun leur intérêt pour les nouvelles technologies et les données ouvertes : qu’il
s’agisse d’entrepreneurs, de chercheurs, de développeurs, d’élus ou encore des médias, c’est une
occasion de rassembler le maximum d’individus autour d’un même sujet44. Par ailleurs, durant
les trois jours que compte le Web2Day, de nombreuses activités sont proposées à un public aussi
large que possible. Il compte bien évidemment beaucoup de conférences, animées par des
« speakers » venus de nombreux pays et qui ont joué un rôle dans le monde de l’innovation, du
web ou des données ouvertes. Parmi ces intervenants, beaucoup d’entrepreneurs et de startupeurs
ainsi que des professionnels du numérique et du web, mais aussi des acteurs du milieu associatif 43 Voir définition à la page 6 44 Web2Day Digital Festival, « Programme » in Web2Day En ligne < http://web2day.co/programme/ >, consulté le 29 Avril 2015
52
ou encore des chercheurs. La diversité des intervenants présents offre une multitude de point de
vue sur les questions que posent les nouvelles technologies d’information et de communication,
le numérique mais également l’ouverture des données. Si toutes les conférences ne portent pas
sur le thème de l’Open Data, il s’agit tout de même d’un point clé qui compose le programme du
festival. Car en plus de ces conférences sont proposées d’autres activités, parmi lesquelles des
workshop mais également des interventions nommées « Tech2Day » : plus techniques que les
conférences, il s’agit là de manipuler directement les matériaux et notamment les données
ouvertes afin de mieux comprendre comment les utiliser. Le festival est donc un très bon moyen
pour la ville de Nantes de rassembler sur son territoire de nombreux acteurs du numérique et de
promouvoir son programme d’ouverture des données au travers d’animations. Parallèlement, on
peut distinguer une limite de ce genre d’événement, qui est de s’adresser plutôt à un public averti
et moins à une cible amatrice. Les novices en matière de numérique ou de données ouvertes se
sentiront peut-être perdus lors des conférences ou des ateliers qui portent sur des sujets parfois
pointus, ce qui implique notamment l’emploi de tout un vocabulaire autour de cette thématique.
L’une des forces de cet événement est que sa portée est internationale : ce sont des acteurs du
monde entier qui y sont présents. Cet élément contribue fortement à renforcer la visibilité de
Nantes en matière de numérique et d’ouverture des données, à la fois sur un plan national mais
aussi à l’international. Il s’agit donc d’un enjeu très important car l’attractivité de la ville est
ainsi démontrée et si cette démonstration porte ses fruits, il peut s’agir d’une opportunité de
développement pour le territoire. C’est aussi le cas de la Digital Week, organisée depuis deux
ans à la période la rentrée. Il s’agit en effet là aussi d’une manifestation qui attire de nombreux
acteurs et qui dépasse les seules frontières françaises. Ces deux événement sont des exemples de
la mobilisation qui peut avoir lieu autour du sujet des données et du numérique. Le sujet et sa
grande envergure inhérente est susceptible d’intéresser des acteurs de tous horizons ; favoriser la
rencontre, l’échange et la créativité autour d’une thématique, il s’agit bien là d’objectifs attachés
au développement de l’Open Data.
L’ouverture des données a donc apporté avec elle de nombreuses initiatives sur le
territoire nantais. S’il ne s’agit pas forcément d’entreprises à proprement parler qui se bâtissent
sur les données ouvertes de Nantes, il est cependant important de souligner qu’un tel dynamisme
53
ne peut que profiter à l’économie nantaise, et ce autour du numérique. Les évènements animés
par les différentes organisations (associations, collectivités, ...) permettent ainsi de faire venir sur
le territoire des acteurs de tous milieux. Il s’agit aussi de remplir l’objectif de co-productivité de
la ville de Nantes et des collectivités, objectif énoncé dans un dossier de presse du 21 Novembre
2011, diffusé à l’occasion du lancement de la plateforme commune à la ville de Nantes et Nantes
Métropole. Déjà à l’époque le but était de réunir le plus d’acteurs possibles, venus de différents
milieux, afin de mettre en commun des connaissances, des moyens et des idées qui n’auraient pu
mûrir ni se concrétiser sans cette réunion. Nantes a donc réussi cet objectif de mobiliser un
nombre très important d’individus et elle est rapidement devenue une ville de premier plan et très
dynamique en ce qui concerne les données ouvertes. Mais l’innovation ne se trouve pas
seulement dans le monde des start-ups, des développeurs et des entrepreneurs ; d’autres
domaines ont également bénéficié de l’engouement pour développer de nouveaux axes de travail.
I I . Un nouveau domaine pour la recherche et les prat iques innovantes
Si l’économie numérique est un domaine clé pour l’ouverture des données, d’autres
pratiques de sont pas en reste lorsqu’il s’agit de la réutilisation. Car les applications ne sont pas
les seules utilités que l’on peut trouver aux données publiques. À Nantes se trouve notamment le
cluster Ouest Médialab qui réinvente une nouvelle manière de faire du journalisme. Le territoire
nantais peut aussi compter sur la recherche, qui s’est très rapidement intéressée au phénomène de
l’ouverture des données pour en faire un terrain d’investigations.
§1 – Ouest Média lab et le journa l isme de données : une manière de réut i l i ser les
ressources de l ’Open Data
Le datajournalisme45 ou journalisme de données, c’est ce que cherche à développer le
cluster Ouest Médialab en associant en son sein plusieurs acteurs du monde des médias. Dirigé
par Julien Kostrèche, journaliste et Philippe Roux, professionnel de l’Internet, le cluster compte
45 Voir définition page 5
54
aujourd’hui près de 30 médias adhérents. Dans une interview pour la revue Place Publique46, les
deux hommes expliquent la fonction de leur organisation : le cluster, unique en France est une
association créée en 2012. Il réunit donc différents médias – il peut s’agir de radio, presse papier
ou en ligne, de télévision ou d’autres formes de médias – qui sont associés dans un laboratoire
afin de mener des recherches sur les questions du numérique et du bouleversement qu’il apporte
pour le monde des médias. L’un de leurs axes de travail est justement dédié aux données
ouvertes : il s’agit de savoir comment il est possible d’utiliser ces données dans le journalisme,
de quelle manière faut-il adapter la pratique du journalisme pour qu’il fasse sens, alors que le
mouvement est à la libération et la gratuité des données ?
L’activité du cluster propose à ses adhérents quatre axes de travail. Dans un premier
temps, des formations professionnelles sont proposées afin de fournir aux individus les
connaissances nécessaire pour manipuler l’outil numérique et ses ressources. Des aides sont
également offertes pour le développement de projets innovants : rechercher des partenaires, des
financements, stimuler la créativité par le biais d’ateliers sont autant de moyens de fournir cette
aide aux adhérents. Par ailleurs, le cluster procède également à des missions de veille
professionnelle sur les projets menés par les membres, ce qui leur permet d’obtenir des retours
sur leurs actions et de développer les connaissances. Enfin, une autre activité proposée et
surement l’une des plus médiatisée est l’organisation de Hyblab47. Depuis l’année 2013, Ouest
Médialab a organisé six Hyblabs. Parmi eux, l’un concernait les « archives 2.0 » qui visait à faire
réutiliser par les participants les archives de plusieurs partenaires pour en tirer des projets de
visualisation. Un autre, le Hyblab Datasport a conclu sa deuxième édition le 19 Mai à Nantes.
Cette fois-ci et comme son nom l’indique, les données utilisées relevaient du domaine du sport.
Enfin, le plus intéressant de ces ateliers dans le cadre de cette étude est le Hyblab
Datajournalisme. Le dernier de cette catégorie a pris place du 21 Janvier au 6 Février 2015.
Différents acteurs du journalisme et de l’informatique se sont donc réunis pendant une quinzaine
de jours autour de la réutilisation de données publiques afin de réaliser à partir de ces dernière un
projet de « dataviz ». Cet événement rencontre un franc succès depuis son lancement en 2013 et
est d’ailleurs reconduit pour l’année 2016. Il est donc visible ici que les données ouvertes ne
profitent pas seulement au monde des développeurs et des professionnels du web. Les données 46 Place Publique, « Ouest Médialab : inventer ensemble les médias de demain ? » in Place Publique, 45 (2014), pp. 24-25 47 Voir définition page 5
55
publiques peuvent intéresser d’autres domaines et faire émerger de nouvelles pratiques. C’est
particulièrement vrai pour le monde du journalisme, qui doit sans cesse s’adapter aux nouvelles
technologies et aux nouvelles attentes des utilisateurs. Une organisation telle que Ouest Médialab
permet, grâce à son statut de cluster et sa forme de laboratoire, de dynamiser l’activité des
médias autour du numérique et des données ouvertes tout en poursuivant des activités de
recherche, afin d’accompagner au mieux les changements induits par une telle politique.
§2 – Les données : un terra in pour la recherche
Sur le plan de la recherche, l’ouverture des données à Nantes est en effet un terrain très
intéressant. En effet, le mouvement de libération des données publiques est relativement récent et
ses impacts restent encore à mesurer. Il n’est pas possible d’en connaître immédiatement toutes
les retombées, ni toutes les innovations qui pourraient naître grâce à lui. C’est notamment pour
cette raison que les chercheurs ont trouvé dans ce sujet un intérêt particulier : tout reste à
découvrir, dans un milieu appelé à évoluer sans cesse et faire évoluer avec lui les usages. Sur le
territoire nantais se trouvent deux laboratoires d’importance. L’un dépend de l’Université de
Nantes et l’autre de l’École de Design de Nantes Atlantique, qui nous l’avons vu a été l’un des
partenaires de l’ouverture des données. Mais son action ne s’est pas bornée à faire participer
quelques étudiants à des projets ponctuels afin de développer des applications.
A) Le laboratoire Informatique de Nantes Atlantique (LINA)
Résultat de la fusion de l’Institut de Recherche en Informatique de l’Université de Nantes
et du département d’informatique de l’École des Mines, le LINA, aussi appelé UMR 6241, est un
acteur majeur en matière de recherche sur l’informatique au sein de la région des Pays de la
Loire. En collaboration avec d’autres laboratoires situés dans le grand Ouest – qu’il s’agisse de la
ville d’Angers ou même de la Bretagne – il comporte cinq thèmes de recherches axés sur le
numérique48. Celui qui est ici particulièrement pertinent et intéressant se porte vers la science des
données et deux équipes travaillent sur ce sujet : l’équipe DUKe (Data User Knowledge) et
48 Université de Nantes, « Organisation » in Laboratoire d’Informatique de Nantes Atlantique, En ligne < https://www.lina.univ-nantes.fr/?-Organisation-.html >, consulté le 30 Avril 2015
56
l’équipe GDD (Gestion de Données Distribuées). La recherche autour de ce thème consiste
notamment à comprendre l’exploitation des jeux de données mis en ligne sur les plateformes
d’Open Data et d’en étudier les possibilités de manipulation autant que les procédés de
visualisation de ces données. Le projet le plus marquant mené par les équipes du laboratoire est
le projet LodPaddle49 : en s’appuyant à la fois sur les données publiées par les collectivités et sur
une vision du web sémantique50, les chercheurs en collaboration avec quelques membres des
collectivités ont crée un site web qui, en croisant les données de toutes les plateformes Open
Data de la région, permet de montrer l’utilité et le fonctionnement de ces données sous forme
ludique. Présenté sous la forme d’une carte, le site internet utilise les données ouvertes fournies
par les villes pour offrir des informations à propos de ces dernières. Ces informations portent à la
fois sur la démographie, les services, les transports, la culture ou encore les loisirs. Par ailleurs,
le site propose également des jeux à nouveau basés sur les données publiques et ayant pour but
de développer la connaissance du territoire. Il s’est donc agit de créer une interface qui permet
aux citoyens de prendre connaissance des données sous une forme plus accessible que les
données brutes publiées sur les portails d’Open Data. Le projet a par ailleurs suscité un intérêt
qui a dépassé la seule région des Pays de la Loire puisqu’il a été sélectionné en 2014 par
l’organisation LOD251 dans le cadre de son appel à projets, Publink. Le LINA est donc
aujourd’hui un lieu important de la recherche autour du numérique et de l’Open Data à Nantes.
Son activité se concentre toutefois plutôt sur le prisme technique de l’ouverture des données.
B) À l’école de Design de Nantes Atlantique, le READi Design Lab
Le LINA n’est pas le seul laboratoire à Nantes à s’être intéressé à l’ouverture des
données. Le READi Design Lab, rattaché à l’École de Design de Nantes Atlantique, se penche
lui aussi sur la question, sous un angle assez différent de ce que fait le LINA. Dirigé par Grégoire
Cliquet, docteur en Sciences de l’ingénieur Arts et Métiers Paris Tech, le laboratoire se décrit
comme une « plateforme créative d’expérimentations [...] qui a pour objet d’articuler la
49 Université de Nantes, « LodPaddle » in LodPaddle, En ligne < http://lodpaddle.univ-nantes.fr/lodpaddle/ >, consulté le 30 Avril 2015 50 Voir définition page 6 51 L’organisation LOD2 est un projet initié notamment par la Commission Européenne dont le but est de promouvoir un meilleur usage du web et des données ouvertes pour faire émerger des pratiques innovantes et des acteurs créatifs.
57
pédagogie, le monde des entreprises et celui de la recherche autour du développement
d’innovations centrées sur les usages dans le domaine des technologies de l’information et de la
communication »52. Comme vu précédemment, l’École s’est révélé être un partenaire important
de la démarche d’ouverture des données à Nantes, puisqu’une convention a même été conclue
entre elle et le Conseil Général de Loire Atlantique en 2011. De ce fait, l’École a participé à de
nombreux projets autour des données ouvertes tels que des appels à projets ou des hackathons.
Mais parallèlement à cette démarche de participation, le laboratoire READi Design Lab ouvert
en Mars 2011 mène également des activités de recherche autour du domaine du numérique et de
l’Open Data. L’une des problématiques générales du laboratoire nommée « Information
Design » est en effet dédiée à cet axe de recherche. Les activités qui y sont développées
s’appuient sur les données ouvertes, soit pour créer des services innovants à partir d’elles, soit
pour en réaliser des représentations visuelles dans le but de faciliter la compréhension des
données. Dans le cadre de son activité, le laboratoire READi Design Lab s’est entouré de
nombreux partenaires, qu’ils soient institutionnels puisqu’il collabore beaucoup avec les
administrations sur le thème des données ouvertes, ou bien académiques comme économiques. Il
s’agit ici d’une approche moins technicienne que celle pratiquée par le LINA, les axes de
recherche étant ainsi plutôt teintés d’une volonté de faciliter la compréhension des données
auprès des usagers et d’accompagner les réutilisateurs dans leurs démarches innovantes. L’École
représente par ailleurs un vivier de candidats aux appels à projets et autres hackathons, puisque
de nombreux étudiants issus de cet établissement participent aux évènements organisés à Nantes.
De telles expériences peuvent être très bénéfiques, notamment pour le territoire qui ouvre ses
données puisqu’elles peuvent offrir des perspectives d’un point de vue neuf, différencié du point
de vue politique. Par ailleurs, elles permettent d’initier ces étudiants au monde des données
ouvertes pour éventuellement, par la suite, susciter des vocations dans le milieu.
Outre le développement économique, la libération des données publiques permet donc un
mouvement d’innovation dans des domaines voisins. Le monde de la recherche a réussit à
s’approprier le sujet afin de proposer à la fois une expertise nouvelle sur le sujet mais aussi en
52 École de Design Nantes Atlantique, « READi Design lab » in L’école de Design de Nantes Atlantique, En ligne < http://www.lecolededesign.com/recherche-et-design-labs/readi-design-lab/ >, consulté le 1er Mai 2015
58
offrant des prospectives sur ce que peut apporter l’Open Data pour le territoire. Car si les acteurs
ayant mis en place la politique ont certes prévu certaines conséquences, il y a encore beaucoup
d’usages et de pratiques nées de l’ouverture des données qui sont appelées à émerger et qui
nécessitent une expertise particulière qui peut être fournie par les chercheurs. Il s’agit ainsi
d’effectuer un certain travail en amont, afin de comprendre les ressources et de leur donner un
sens, travail qui sera ensuite relayé par les développeurs s’attelant à transformer ces données
sous des formes accessibles au grand public.
Chapitre 2 : Un bilan à nuancer
Si la communication autour de l’ouverture des données à Nantes tend à montrer une
dynamique en développement constant et des effets bénéfiques, il s’agit là d’un discours à
nuancer. En effet, même s’il est incontestable que la libération des données publiques a été pour
la ville et les collectivités un très bon moyen de stimuler l’innovation et de faire naître de
nouveaux mouvements, il n’en reste pas moins que certains points restent à améliorer, ce qui
paraît naturel pour une politique qui a émergé il y a quatre ans et qui, évidemment, ne peut tout
réussir dès sa première version. Il s’agit donc ici de relever quelques points problématiques de la
politique d’Open Data, de comprendre les raisons de ces difficultés et d’en tirer des leçons qui
puissent être applicables par la suite. Les écueils que peut rencontrer l’ouverture des données
sont présents à la fois en interne des administrations, autant qu’en externe, dans une approche
plus citoyenne.
I . Un t rava i l à long terme en in terne pour in t roduire la « cu l ture » Open
Data
Les collectivités ont travaillé de concert avec l’association LiberTIC à Nantes lors du
lancement de la démarche, mais il reste tout de même au sein de ces administrations quelques
difficultés qui peuvent constituer des obstacles au déroulement complet de l’Open Data. Selon
59
Claire Gallon53, l’approche des agents vis-à-vis de l’ouverture des données diverge selon les
individus et les services concernés. Il existe d’abord une méconnaissance du cadre légal français
à ce sujet : en effet, la loi du 17 Juillet 1978 lançant dans le même temps la création de la CADA,
avait déjà pour but de libérer l’accès aux documents administratifs ainsi que leur réutilisation.
Cette accessibilité n’est donc pas née avec le lancement des politiques d’Open Data, mais les
administrations ont encore des difficultés à intégrer cette dimension dans leur travail. Même si la
loi date de plusieurs décennies, la véritable question de l’ouverture des données ne s’est posée
que récemment et vient ainsi bouleverser les pratiques des agents. Il y a également une véritable
difficulté à voir le travail effectué en interne être relayé à l’extérieur et réutilisé, notamment à des
fins commerciales. Même s’il s’agit la encore d’un usage autorisé par la loi, il n’est pas facile
pour les administrations de voir le produit de leur travail quotidien être réutilisé à de telles fins et
engendrer le développement économique des entrepreneurs et réutilisateurs. Les services publics
ont une certaine réticence à accepter que leur travail puisse servir les intérêts d’entreprises
privées. Par ailleurs, l’impératif d’ouverture peut être mal vécu puisqu’il implique le caractère
public du travail fournit par les agents, il faut donc des données de qualités et l’impression d’une
surveillance de ce travail peut freiner certains services publics. En effet, il faut ouvrir les données
mais puisque celles-ci seront rendues publiques, il sera alors aisé de juger de la qualité des
ressources fournies et de pointer les informations qui ne répondent pas à ce critère. Rendre public
son travail, c’est prendre le risque de le voir commenté, voire critiqué et c’est là un phénomène
qui inquiète certains individus au sein des administrations. Il s’agit d’une conception plutôt
erronée puisque les citoyens ne jugent pas tant sur la qualité des données, ce qu’ils souhaitent
étant avant tout la libération de ces données : pour faire simple, mieux vaut des données de
moins bonne qualité que pas de données du tout. Malgré cela, la perception en interne reste
difficile à modifier. C’est un problème qui peut cependant être résolu et qui n’aurait peut-être pas
été rencontré si des formations par exemple avaient été organisées auprès des agents du service
public. Un simple atelier, quelques rencontres autour du sujet auraient ainsi été bénéfiques pour
faire mesurer l’importance et la valeur des données qui sont manipulées chaque jour en interne
des collectivités. Pour faire comprendre également que l’ouverture n’allait pas « voler » le travail
effectué mais pouvait au contraire l’enrichir en permettant une interaction entre services publics
et citoyens. Il s’agit d’ailleurs d’un paradoxe puisque la politique d’Open Data « à la nantaise », 53 Voir annexe n°5 pages 76-83
60
qui se veut co-productive et collaborative, a encore du mal à être appliquée par des agents qui ne
parviennent pas toujours à se détacher de « leurs » données, de leur travail. Parallèlement, le
constat n’est pas totalement sombre ; de nombreux acteurs sont favorables à cette ouverture et la
soutiennent, en voyant dans cette politique des opportunités de développement qui ne sont sans
doute pas visibles aujourd’hui mais qui pourront se développer à plus long terme. Il ne s’agit pas
de tout faire avancer d’un bond, la démarche d’ouverture ne provoquera pas de révolution
soudaine des administrations publiques car il est plutôt question d’un processus incrémental, qui
se fera grâce à des avancées dans chaque secteurs. Peut-on pour autant parler d’un nécessaire
changement de mentalité ? Cela paraît radical car la réticence des agents à ce propos relève
surtout d’une méconnaissance du sujet et des apports que peut comporter l’ouverture des
données. Avec une meilleure connaissance et une formation à ces thématiques, il sera plus
évident pour ces individus d’intégrer les données ouvertes dans leur mode de travail. En
parallèle, l’ouverture des données si elle est pratiquée correctement en interne peut être un
vecteur de modernisation et de praticité évident. Comme l’évoque Jérémie Valentin dans un
article pour la revue Documentalistes – Science de l’information54, l’ouverture des données crée,
en interne, des mouvements jusqu’alors insoupçonnés. Les services sont à même d’échanger
entre eux sur les données qui sont produites et cette libération des datas permet un gain de temps
et une rationalisation du travail certaine : au lieux de passer par de multiples canaux pour obtenir
une simple information, il est désormais possible d’obtenir lesdites informations par soi-même.
Ce sont donc de nouveaux usages qui naissent mais qui ne sont d’ailleurs par toujours bien
perçus : notamment sur la rationalisation du travail, il est difficile d’admettre qu’une politique
qui se veut génératrice d’emplois autour du numérique et stimulatrice de l’économie puisse dans
le même temps mener à une refonte de certains postes ou services en interne des administrations.
54 Jérémie Valentin, « La donnée ouverte et libre, facteur d’innovation urbaine », op. cit.
61
I I . Une approche qu i gagnera à se recentrer sur le c i toyen et à in t roduire
p lus de créat iv i té
§1 – Une c ib le t rop resserrée sur l ’économie et qu i ne la isse pas suf f isamment de
p lace à la créat iv i té
Si le bilan que l’on peut dresser de l’ouverture des données publiques à Nantes est mitigé,
c’est aussi parce que la politique telle qu’elle s’est développée n’a pas forcément ciblé dès le
début les bons axes de déploiement. Au lancement du processus, l’une des promesses était de
créer un écosystème dynamique et de développer une économie autour du numérique. Nous
l’avons vu, les initiatives lancées afin d’encourager l’innovation sont bien accueillies sur le
territoire. La mobilisation est forte, les acteurs sont intéressés et les résultats sont bons. Par
ailleurs, la mise en place des données ouvertes a en effet permis à un « monde » de se construire
autour de cette thématique : il suffit de reprendre les exemples des développeurs et de leurs
applications, du domaine de la recherche ou encore de l’invention de nouveaux usages innovants
tels que le datajournalisme pour le constater. Il existe aujourd’hui bel et bien une dynamique
autour des données ouvertes, même si ces derniers mois ont connu des moments de flottements
par ailleurs naturels dans un tel processus. Cependant, la dimension économique de l’ouverture
des données a été surestimée et il est aisé de constater aujourd’hui que la vision qu’avaient les
acteurs locaux de cette perspective s’est montrée erronée. Il est clairement visible que l’ouverture
des données n’a pas réellement permis le développement d’entreprises par exemple. Le fantasme
d’une utilisation massive des données par les entreprises afin d’en tirer un développement
économique fort reste assez utopique, à un moment où les données ne sont pas encore d’une
qualité suffisante ni assez bien structurées pour permettre un tel usage. Il faudrait par exemple
dans un premier temps que toutes les villes – ou du moins toutes les grandes villes – de France
aient ouvert leurs données avant de pouvoir imaginer le développement d’une économie de
grande envergure reposant sur ces données.
Par ailleurs, certains axes montrent un décalage entre le point de vue politique et ce que
peut offrir l’exploitation des données. L’un des exemple se situe du côté des applications
62
ludiques qui ont pu voir le jour lors d’appels à projets ou de hackathons. Bastien Kerspern55 en
témoigne lorsqu’il évoque certaines des applications qu’il a développées, telles que Arbor, un
service permettant de voter afin d’attribuer aux arbres de la ville des noms de bébés nantais.
C’est ce genre d’approche que développe le site internet qu’il a ouvert, nommé Créadata : rendre
la donnée « poétique » et s’échapper des œillères que s’imposent souvent les développeurs pour
entrer dans les critères d’utilité voulue par les responsables politiques. Malheureusement,
l’ouverture des données telle que la perçoivent les responsables politique reste encore trop
teintée d’une approche purement pragmatique : la donnée doit servir à développer l’économie et
à améliorer le quotidien des citoyens, ce qui ne laisse pas suffisamment de places aux créations
en marge qui, si elles ne changent pas le quotidien des individus, ont tout de même le mérite de
montrer des usages originaux des données. Il est sans doute dommage de ne pas se pencher plus
avant sur ces initiatives ludiques car elles pourraient justement attirer l’attention de citoyens
« lambda » peu familiarisés avec ces pratiques et les amener à se questionner sur ces nouveaux
usages, plus que les nombreuses applications sur la thématique des transports ou de l’occupation
des parkings qui sont les mêmes d’une collectivité à une autre. Même si ce genre de créations
reste une très bonne initiative, qui rencontre de plus un grand succès auprès des usagers, il
faudrait pouvoir s’intéresser à d’autres utilisations des données publiées qui, même moins utiles,
pourraient apporter une certaine visibilité à la data. Il est possible que de telles initiatives
puissent être mieux acceptées une fois que le mouvement d’ouverture des données aura apporté
des résultats solides et sur le long terme, les responsables politiques seraient ainsi rassurés de
voir que l’investissement de départ sur l’Open Data – car il s’agit effectivement d’une politique
couteuse et chronophage – porte ses fruits et seraient plus enclins à voir émerger des projets
originaux et ludiques, un peu éloignés de ce qu’ils avaient initialement prévu.
§2 – L’approche économique doi t la isser p lus de p lace à la d imension c i toyenne,
in i t ia lement ér igée comme l ’un des p i l iers de la po l i t ique
Il est vrai que lors du lancement de la libération des données en 2011, la préoccupation de
la démocratie et de la participation citoyenne était inclue dans les discours des responsables. Et il
ne faut pas nier que le développement de l’Open Data s’est aussi fait dans ce sens, puisque le 55 Voir annexe n°6, pages 84-88
63
désir d’améliorer le quotidien des citoyens était au cœur d’un bon nombre de démarches, telles
que les appels à projets. Mais l’impression qui émerge de ces actions est plutôt celle d’une
délégation à des organisations extérieures. Les collectivités se sont beaucoup tournés vers des
acteurs différenciés d’elles-mêmes afin d’en faire des intermédiaires entre les données et le
public, les citoyens. Il est possible de trouver des exemples de cette démarche dans plusieurs
actions qu’a mené la métropole. Notamment lors de l’ouverture, la volonté de placer
l’association LiberTIC comme interface entre la collectivité et les autres acteurs l’illustre, tout
comme le fonctionnement des appels à projets, qui consistent à créer des interfaces de
visualisation des données : les applications qui en ressortent sont un autre moyen d’amener la
donnée au citoyen, sans passer par exemple par une rencontre directe entre collectivités et
citoyens. Il est bien sûr difficile de mettre en place des rencontres de ce type qui puissent être à la
fois régulières et qui soient également capables de mobiliser les acteurs mais difficile ne signifie
pas impossible : les meilleurs exemples en sont les grands débats institués par le nouveau maire
de Nantes, Johanna Rolland et qui sont appelés à se renouveler au cours du mandat en traitant de
sujets différents mais toujours au cœur de l’actualité locale. Pourquoi ne pas, par exemple,
consacrer l’un de ces temps d’échanges à la question des données ouvertes ? L’un des problèmes
auxquels se confronte l’Open Data dans son approche citoyenne est aussi une méconnaissance
du sujet, qui n’a donc pas court qu’en interne des administrations. Le citoyen ordinaire n’a pas
immédiatement les clés pour comprendre à la fois l’utilité, la valeur et l’usage qui peut être fait
d’une donnée publique, mais il est possible de lui fournir ces outils par le biais d’évènements qui
puissent lui être accessible. Car si le territoire nantais est certes plutôt dynamique en matière
d’animations autour des données ouvertes, ces évènements restent encore trop axés vers les
développeurs et les professionnels du web et insuffisamment tournés vers les amateurs. Mais
l’effort est à fournir autant du côté des institutions que de celui des individus. Il s’agit du même
écueil que l’on rencontre au sein des administrations, à savoir la « culture Open Data » qui n’est
pas encore ancrée dans les mentalités françaises. Car si l’on peut ériger en modèles les initiatives
qui ont pris place dans le monde anglo-saxons, il faut rappeler que l’on traite ici de différences
culturelles importantes. Une même politique ne pourra donc pas être appliquée de la même
manière à Boston et à Nantes. Encore une fois, les changements nécessaires pour le
développement d’un tel mouvement se feront sur le long terme.
64
I I I . Abandonner un po int de vue c lo isonné pour adopter une v is ion
d ’ensemble
Le dernier écueil majeur que l’on pourrait attribuer à l’Open Data est le fait que celui soit
encore trop perçu de manière cloisonnée et non dans une vue d’ensemble qui paraît pourtant
nécessaire au regard d’autres perceptions. En effet, l’exemple des Etats-Unis est ici parlant :
l’Open Data n’est pas considéré là-bas comme une fin en soi mais comme un moyen, une étape
d’un projet plus grand qui est celui de la gouvernance ouverte. C’est pour atteindre cet objectif
qu’a notamment été développé l’Open Data mais il est considéré alors comme une étape pour y
parvenir. En France, les données ouvertes ont été importées comme un objectif à atteindre et non
comme un moyen pour atteindre un but plus grand. C’est cette vision d’ensemble qui manque à
la France dans son application de la politique d’Open Data et la ville de Nantes n’échappe pas à
cette logique. L’ouverture des données est plutôt perçue ici comme l’étape « ultime » qui mènera
à la transparence, à une confiance accrue des citoyens dans leurs administrations et au
développement d’une économie numérique innovante et solide. Or, il ne faudrait justement pas
percevoir l’Open Data comme cette étape finale ; l’ouverture des données favorise plutôt
l’émergence de nouvelles pratiques, qui restent à co-construire, afin d’atteindre le but d’une
gouvernance basée sur le dialogue citoyen et la collaborations entre tous les acteurs de la ville.
Cette démarche de coopération doit se faire dans un échange entre les différentes instances de la
vie publique et non plus dans une démarche de type top-down, qui ne correspond plus aux
nouveaux impératifs démocratiques induits par une politique de libération des données
publiques. Il faut aujourd’hui permettre aux citoyens de prendre la parole directement auprès des
différents acteurs si l’on veut pouvoir être à même de construire un véritable système de
gouvernance ouverte, car il s’agit la d’un objectif latent qui accompagne la démarche
d’ouverture. Par ailleurs, il faut également considérer les données ouvertes comme un objet
transversal : elles concernent tous les secteurs d’activités et il serait donc paradoxal de l’enfermer
dans un seul axe de développement et d’en faire une politique séparée des autres. Car plus
qu’une politique publique en elle-même, la démarche d’Open Data est à même de concerner
toutes les autres politiques et même d’y jouer le rôle d’évaluation. C’est là que cette vision
d’ensemble prend tout son sens : toutes les politiques sont concernées par l’ouverture des
données, ce processus ne doit pas être vu comme étant à part, distinct.
65
Si donc les quelques obstacles que peut rencontrer l’ouverture des données à Nantes sont
appelés à se résorber sur le long terme, cela n’est pas un objectif impossible à réaliser et après
avoir travaillé à la résolution de ces écueils, la politique d’Open Data « à la nantaise » sera une
politique de plus en plus solide et cohérente. Si ce n’est de ses « erreurs », c’est du moins de ses
expériences que le territoire nantais peut apprendre et améliorer sa vision de l’ouverture des
données.
66
POUR CONCLURE . . .
Si le bilan effectué de la politique d’ouverture des données peut paraître abrupt, il n’est
cependant pas question de nier l’utilité de l’ouverture des données à Nantes. Ce sujet ouvre au
contraire un formidable champ de recherches, d’innovations et de perspectives en tout genre pour
l’avenir de la ville. Mais il ne faut simplement pas attendre de résultats spectaculaires à court
terme. Une telle démarche est faite pour se développer plus lentement, car elle a besoin de
changements profonds pour pouvoir s’installer durablement. S’il est encore difficile aujourd’hui
d’imaginer de tels changements, c’est en partie parce que la politique d’ouverture des données
nantaise est encore relativement récente. Quatre années ne représentent pas une durée suffisante
pour effectuer de telles évolutions alors que les pratiques relevant de la culture française face au
numérique n’y sont pour le moment pas propices. Nonobstant, la démarche d’ouverture des
données a tout de même réussi le pari de faire naître autour d’elle un écosystème riche et
dynamique, qui parvient toujours à mobiliser certains publics autour des questionnements liés à
l’Open Data. Le prochain défi de la politique sera de muer vers une approche plus centrée sur la
citoyenneté, après avoir beaucoup privilégié le monde de la technique durant les premières
années. Ce n’est pas une mission impossible, car Johanna Rolland, maire de Nantes depuis Mars
2014, souhaite apparemment profiter de son mandat pour se préoccuper de la thématique de
l’ouverture des données et plus largement de la gouvernance ouverte et de la participation
citoyenne. Par ailleurs, le mouvement de libération des datas a lui aussi vocation à s’étendre et
ce bien sûr également en dehors du territoire nantais. Les initiatives, à la fois internationales,
européennes et nationales se poursuivent afin d’amener le plus de collectivités et de villes vers
une ouverture des données toujours plus poussée. Les nombreuses possibilités qu’offre une telle
configuration restent donc à envisager mais il y a fort à parier que les démarches vont continuer
d’apparaître un peu partout sur le territoire. Il sera alors intéressant, une fois cette ouverture à
grande échelle effectuée, de voir quels nouveaux enjeux, quelles nouvelles conséquences cela
pourra engendrer. Parallèlement, Nantes reste pour le moment une ville emblématique du
mouvement d’Open Data en France et cette place de choix sera, cela ne fait pas de doute, un
vecteur de développement et d’attractivité pour le territoire nantais.
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2. Communiqué de presse de Nantes Métropole du 4 Février 2011 : lancement de l’ouverture des
données
Nantes, le 4 février 2011 Jean-Marc Ayrault libère les données publiques Hier, à l’occasion de l’inauguration de la Cantine numérique (3ème en France), Jean-Marc Ayrault a annoncé que la Ville de Nantes et Nantes Métropole allaient libérer leurs données publiques (open data) afin de permettre le développement de services aux habitants. Le Député-maire de Nantes et Président de Nantes Métropole a officiellement sollicité ces deux administrations afin « de créer les conditions les plus efficaces pour la libération des données ». « Il s’agit là, précise-t-il d’une véritable révolution que le service public doit mener pour répondre aux enjeux économiques, sociaux et citoyens actuels ». Cette annonce fait suite à une rencontre entre Jean-Marc Ayrault et LiberTIC, l’une des associations les plus actives en matière d’open data en France. Le Député-maire de Nantes et Président de Nantes Métropole souhaite que ce travail se fasse en étroite collaboration avec les acteurs associatifs, par la création d’un groupe de travail sur l’open data, afin que, d’ici fin 2011, les premières applications voient le jour. « L’ouverture des données publiques est une opportunité à la fois pour les services publics et pour les réseaux de l’économie numérique, poursuit-il. A travers cette innovation, le service public poursuit sa mission d’être au plus près des citoyens et de leur faciliter la vie ». Parmi les premières données libérées, celles concernant par exemple la mobilité (info trafic en temps réel, calcul de l’empreinte CO2…) et l’environnement (qualité de l’air…). Deux axes importants pour la Capitale Verte de l’Europe en 2013. Les données liées à tout le champ culturel (idées de sorties, parcours Voyage à Nantes 2012), pourraient également en faire partie. La liste n’est ni arrêtée ni exhaustive. La libération des données fait suite au lancement il y a quelques jours par la Ville de Nantes d’une plateforme d'e-démarches, qui doit simplifier, via internet, le parcours de l'usager au sein des services municipaux : gestion en ligne de son inscription sur les listes électorales, abonnement à la piscine, demande d'acte d'état civil ou de stationnement lors d'un déménagement...
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3. Dossier de presse de Nantes Métropole du 21 Novembre 2011 : lancement du portail
Nantes, le 21 novembre 2011
Nantes ouvre ses données publiques
En février dernier, Jean-Marc Ayrault, Député-maire de Nantes annonçait que la
Ville de Nantes et Nantes Métropole allaient ouvrir leurs données publiques (open
data) afin d’améliorer les services aux habitants,
faciliter le développement d’applications innovantes
et constituer un véritable moteur pour la croissance économique.
Cette ouverture des données est aussi une manière d’assurer la transparence
publique et de créer une nouvelle forme de gouvernance
en rapprochant l’Etat et ses citoyens.
Depuis février, les services de Nantes Métropole et la ville de Nantes,
en étroite collaboration avec le mouvement citoyen LiberTIC,
ont créé un groupe de travail afin de mettre en place
les conditions les plus efficaces pour l’ouverture des données.
Ce lundi 21 novembre 2011 un portail commun à la Ville de Nantes et à Nantes Métropole est lancé.
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L’ouverture des données publiques de la Ville de Nantes et de Nantes Métropole s’inscrit dans une volonté de transparence et de meilleure visibilité sur l’action des collectivités.
Il s'agit de mettre à disposition des citoyens, des entreprises, des chercheurs, des étudiants, des associations, des autres acteurs publics, les masses de données numériques que les collectivités produisent dans leur activité quotidienne. Ces données numériques pourront être réutilisées par exemple pour développer des applications web, mobile ou pour faciliter une création artistique ou encore pour appuyer une étude.
Elles permettront à des acteurs de proximité de mieux répondre aux besoins particuliers de tel quartier, de telle catégorie de population, de tel bassin d'emploi. L’ouverture des données publiques crée de l'activité tout en améliorant la qualité de vie. Le marché de la réutilisation des données publiques est estimé à 27 milliards par an en Europe. Les données publiques peuvent constituer "un véritable carburant" dans la nouvelle économie de la connaissance. L'exemple des villes françaises qui ont ouvert leurs données comme Rennes par exemple montre que cela génère chez certaines entreprises innovantes des nouvelles activités auprès des citoyens et auprès des entreprises. Dans le même esprit que le dialogue citoyen instauré depuis de longues années sur la Ville de Nantes et de la concertation sur le territoire métropolitain l’ouverture des données permet aux citoyens de participer et d’agir sur les services publics et les projets. Cette action permettra de gagner en pertinence et en efficacité, de faire jaillir des idées nouvelles, et d’orienter des services à la population au plus près de ses attentes et modes de vie.
Ouverture des données : un nouvel outil pour l'attractivité du territoire La mise à disposition d’un plus grand nombre de données économiques, touristiques, ou liées à la vie quotidienne, peut renforcer l’attractivité du territoire. Ainsi, les acteurs privés du tourisme peuvent par exemple, offrir des services plus complets, des informations plus riches. Encourager l’émulation sur le territoire tend à favoriser l’émergence de nouveaux acteurs et le développement de l’activité économique au profit d’une meilleure qualité de vie pour les habitants. Par ailleurs, des entreprises cherchant à s'implanter sur le territoire, des familles souhaitant s’y installer, peuvent disposer d'une connaissance plus fine du tissu économique, d'une meilleure vision des services accessibles ou de la vitalité de la vie locale. L’ouverture des données et son effet mobilisateur sont des moyens d’animer une dynamique positive rejaillissant sur l’image de la collectivité et de son territoire. Les démarches ludiques - concours, etc. - de stimulation de la réutilisation des données, ou d’enrichissement participatif de celles-ci constituent à elles seules de nouveaux modes de relations aux publics locaux comme extérieurs au territoire.
Ouverture des données à la nantaise : une démarche co-productive La démarche « open data » menée par la ville de Nantes et Nantes Métropole s’inscrit parfaitement dans un esprit d’innovation ouverte en associant le plus possible les acteurs du territoire pour répondre à leurs attentes et bénéficier également de leur avis et conseils. Ainsi un partenariat a été engagé dès le départ du projet avec l’association LiberTIC qui apporte son expertise et assure un lien permanent avec les différentes communautés (développeurs, créatifs, journalistes…) qui souhaitent réutiliser les données publiques libérées. D’autre part, un partenariat a été également mis en œuvre avec Air Pays de la Loire pour diffuser les données environnementales sur la qualité de l’air sur la plate-forme « Nantes Ouverture des Données ». Enfin, les 23 autres communes de la métropole nantaise seront associées dans cette dynamique d’innovation sociale et économique : les modalités pratiques sont en cours d’examen afin de publier sur une même plateforme Open Data les données publiques provenant des différentes communes.
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Une plate-forme : http://data.nantes.frCe portail propose dans un premier temps une quarantaine de jeux de données de gestion et géographiques, avec une priorité sur les thématiques de la mobilité, de l’environnement et de la culture. Il a été conçu pour constituer une plate-forme susceptible d’être plus largement partagée par d’autres collectivités locales ou partenaires publics. Il sera enrichi de nouveaux jeux de données dans les prochains mois et évoluera vers une seconde version plus complète (gestion d’un catalogue d’applications disponibles, possibilité de notation de ces applications par les internautes, etc.). Réglementation et licence La loi n°78-753 du 17 juillet 1978 crée un droit de réutilisation des informations publiques pour toute personne morale ou physique. Dans l’élaboration de sa politique d’ouverture des données publiques, la Ville de Nantes et Nantes Métropole se sont orientées vers le choix d’une licence dite « libre » : la licence Open Data Base License (ODbl) qui devra être acceptée par chaque réutilisateur avant tout téléchargement. La licence ODbl apporte donc un cadre juridique supplémentaire afin de permettre une réutilisation libre et gratuite ds données, permettant l'échange et la construction de services qu'une diffusion libre est en mesure d’offrir. De ce point de vue, la licence ODbl permet le libre accès, la libre reproduction, redistribution, et la libre réutilisation (y compris à des fins commerciales) des données, avec, comme seule éventuelle condition de devoir redistribuer sous une licence analogue les bases de données dérivées, dans leur totalité. Quelles données publiques ? La volonté des deux collectivités est de mettre à disposition de tous les informations récoltées dans le cadre de leurs missions respectives. Une donnée publique, comme son nom l’indique, ne relève pas de la vie privée. Elle n’est pas nominative et ne relève pas de la sécurité. Nantes Métropole, la Ville de Nantes et leurs partenaires veillent à protéger les données personnelles des usagers. Les informations proposées sur le site sont donc publiques, anonymes et ne relèvent en aucun cas de la vie privée ou de la sécurité des citoyens. Ci-après une liste non exhaustive des données libérées par Nantes Métropole et la Ville de Nantes. Mobilité : arrêts, horaires et circuits TAN, disponibilité et tarifs des parkings publics, info-trafic prévisionnel et en temps réel, stations et tarifs bicloo Citoyenneté/administration/santé/social : liste des équipements publics (horaires), données financières, liste des prénoms des enfants nés à Nantes… Culture/tourisme : liste des équipements (horaires, tarifs...), disponibilités des ouvrages dans les bibliothèques… Environnement : liste des jardins et parcs de Nantes, liste des arbres (essences), indicateurs de pollution de l’air… Urbanisme : adresses postales de Nantes Métropole par commune, occupation du sol, répertoire des lieux-dits, des voies Développement économique : liste des zones d’activités
Appel à projets innovants Nantes Métropole et la Ville de Nants vont lancer un appel à projets, visant à soutenir les acteurs émergents en leur permettant de développer de nouveaux services. Cet appel à projets sera ouvert à tous : citoyens, entreprises, étudiants, enseignants, chercheurs, associations et créatifs selon le calendrier prévisionnel suivant :
! Lancement : janvier 2012, ! Date limite de candidature : début mai 2012, ! Remise de prix : 2ème quinzaine de juin 2012.
Un partenariat avec des acteurs privés et publics permettra de remettre différents prix aux lauréats et proposer également plusieurs niveaux d’accompagnement des porteurs de projets.
La dynamique nantaise en faveur de l'économie numérique Nantes Métropole, dans le cadre de sa politique de développement économique, mène depuis plusieurs années de nombreuses actions en faveur de l’économie numérique :
! mise en place par la ville de Nantes des e-démarches pour les citoyens et les entreprises (dossier de candidature déposé aux trophées des territoires de l'innovation en Pays de la Loire),
! ouverture de la cantine numérique en février 2011 en lien avec le pôle de compétitivité "Images et Réseaux" ! extension du réseau fibre optique métropolitain dans le cadre d'une délégation de service public confiée au
groupe COVAGE en octobre 2011, ! participation de Nantes Métropole au projet européen I-SPEED concernant l'usage des technologies
numériques pour le tourisme, ! début 2012, lancement des travaux de construction de l'immeuble technologiques à la Chantrerie pour
accueillir les entreprises TIC innovantes
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5. Entretien avec Claire Gallon, co-créatrice et bénévole à l’association LiberTIC
Ophélie Popille : Pouvez-vous me parler de l’association ?
Claire Gallon : LiberTIC a été crée avec un collègue en Décembre 2009, parce qu’à l’époque on
travaillait sur l’insertion numérique des associations, notamment les outils libres et Nantes
métropole avait un programme d’aide aux associations pour organiser ce travail. Donc ils nous
ont suggéré de se structurer en association. Du coup on allait pour le faire et juste avant de
déposer les statuts, j’avais participé à une rencontre, c’était la première conférence sur l’Open
Data qui avait lieu à Paris et j’ai trouvé ce sujet formidable, et je me suis dit qu’il faudrait
l’inclure. L’objet exact c’est le développement de l’e-démocratie, la on est plus sur tout ce qui est
outils participatifs en ligne et cependant aujourd’hui l’essentiel de l’activité de LiberTIC est sur
l’Open Data et la gouvernance ouverte. À partir de là, on développait trois activités : la
communication, donc ça c’était un petit film pour expliquer ce qu’est l’Open Data, des supports
de communication et de sensibilisation. La deuxième chose qu’on fait c’est organiser des
formations, notamment en interne des collectivités pour aider à l’ouverture des données et le
troisième point qu’on fait c’est animer des évènements autour de la réutilisation des données, du
style hackathon, etc. ... C’est les trois trucs qu’on fait. J’ai été salariée pendant deux ans et là je
suis redevenue bénévole. Donc on est huit bénévoles et on a nos rencontres mensuelles ici, au
Flesselles une fois par mois, on parle Open Data ! On est basés à Nantes, les animations avec les
acteurs on ne les fait que sur Nantes parce que ça demande de connaître l’écosystème, les acteurs
mais après sur tout ce qui est sensibilisation, on le fait un peu partout en France et avec d’autres
collectivités. Entre autres projets il y avait le Datalab qui est le réseau régional autour des
données et de l’ouverture.
O.P : J’ai cru comprendre que vous aviez joué un rôle assez important dans le développement
de l’Open Data à Nantes ...
C.G : Donc en 2009 il n’y avait pas encore d’Open Data en France, et quelques mois plus tard,
en 2010, Rennes avec Keolis lançait son portail. La on s’est dit, vu qu’on commence à faire de la
sensibilisation et de la communication, autant le faire dans d’autres villes et aller leur demander
la même chose. Du coup on avait demandé un entretien auprès du cabinet du maire, à l’époque
Jean-Marc Ayrault et on n’avait pas eu de réponse. On a lancé une pétition en ligne et elle a
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commencé à tourner pas mal. Il n’y avait pas tant de signatures que ça, il n’y en avait que 200
mais c’était des acteurs qui étaient des têtes de réseaux. La pétition a commencé à tourner dans
les médias et quand c’est passé dans la presse papier la on a reçu un appel de la mairie nous
disant « est-ce qu’on peut se rencontrer ? ». Donc la on a expliqué qu’à notre avis il y avait des
opportunités et que ce serait bien d’y aller. Et c’est arrivé au moment ou il y avait un nouveau
directeur de cabinet qui venait de Paris et ils ont dit qu’ils voulaient bien y aller mais qu’ils ne
savaient pas comment faire et qu’ils avaient besoin d’aide. C’est là qu’on a commencé à
travailler avec eux.
O.P : Donc vous avez collaboré avec des acteurs à la mairie ...
C.G : On faisait le relais entre les collectivités et les acteurs du territoire. On nous a demandé
voilà, nous on a la liste de tous les acteurs, leurs mails, vous vous faites une rencontre avec eux,
ou vous faites pression et voilà ça nous pose problème parce qu’on a pas de ressources humaines
pour gérer tout ça donc on préférait avoir un acteur unique pour parler mais vous vous faites le
relais. Donc c’est ce qu’on a fait au départ mais on a arrêté parce qu’on s’est rendu compte que
ça ne marchait pas. Nous on se retrouvait à être le fusible entre Nantes et les acteurs et quand il y
avait un truc qui ne marchait pas les acteurs revenaient vers nous et Nantes nous disait « oui ça
va être réglé » en retour donc on a décidé d’arrêter cette approche là. Donc c’est ce qu’on a fait
pendant la première année.
O.P : J’ai lu aussi que dans l’administration on n’était pas forcément bien au courant de ce
que pouvais apporter l’Open Data, ils sont un peu sceptiques ?
C.G : Il y a différentes approches et ça dépend vraiment des services et des personnes que tu as
en face. La première chose qui peut étonner c’est de dire « mettez à disposition de tout le monde
votre travail » et c’est un peu un paradoxe parce que ce sont des services publics qui logiquement
font un travail public mais, on l’a encore vu la dernière fois en réclamant une liste de données, on
nous dit « on verra si on vous les donne ». Il y a un cadre légal en France qui indique que vous
devez mettre à disposition les données. Ils ont demandé pour quel usage, car si c’est un usage
commercial c’est non mais pour un autre oui. Le cadre légal explique qu’on peut réutiliser même
dans un cadre commercial. Donc il y a une méconnaissance déjà dans les services publics,
ensuite un étonnement du principe de réutilisation en externe, ils ne sont pas habitués, ensuite il y
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a la question de l’utilisation commerciale et certains vivent très mal que leur travail serve à des
entreprises privées. Il y a aussi le fait que certains se sentent surveillés par l’ouverture, les
données vont être publiées donc on va voir la qualité du travail, si c’est bien ou si ce n’est pas
bien. Après, il y a ceux qui sont très contents d’ouvrir et qui réalisent une fois que c’est ouvert
que personne ne les utilise et ils ne voient pas pourquoi ils devraient continuer. Ce sont différents
cas de figure qu’on peut trouver, avec une culture qui dépend vraiment selon les services et les
personnes.
O.P : Et chez les acteurs locaux, c’était pareil, est-ce que chez les citoyens il y avait un réel
enthousiasme ou plutôt une indifférence ?
C.G : Si on demande dans la rue personne ne sait ce qu’est l’Open Data mais si on demande s’ils
veulent savoir comment est dépensé l’argent de Nantes, ils vont dire oui. Ils sont intéressés et ils
veulent les informations mais la donnée brute en soi est trop technique. Ça veut dire deux
choses : soit on met en place des outils techniques qui permettent une utilisation par tout le
monde, il y a des plateformes par exemple ou il y a à la fois la donnée brute mais aussi une
cartographie, comme ça tout le monde peut comprendre la liste sans la télécharger. Ou alors on
met des intermédiaires comme les Infolabs, qui sont en train de se développer, dont ça va être le
rôle de faire l’intermédiaire entre la donnée et les citoyens. Dans tous les cas, pour le commun
des mortels, ce qui les intéresse dans la donnée c’est l’information, donc comment est-ce qu’on
transforme les données en informations.
O.P : Il faudrait effectivement que les données soient plus accessibles, un fichier Excel sur un
portail d’Open Data peut repousser …
C.G : Tout à fait et après tu as par exemple un calculateur d’itinéraire, pour aller de Nantes à
n’importe quel patelin dans le Sud de la France, ce calculateur prendrait en compte les tramways,
les bus, les métros, etc. ... Ça n’existe pas aujourd’hui, parce que chaque donnée est dans le silo
de chaque gestionnaire de transports. Les gens sont intéressés pour avoir ce type d’information,
c’est un exemple pour montrer qu’il y a des attentes, soit en termes d’information soit en termes
de services, qui ne sont pas formulées sous forme d’accès à la donnée brute mais dont la finalité
est celle ci.
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O.P : Les gens ne sont peut-être pas assez informés sur l’Open Data ?
C.G : La question que je me pose aujourd’hui de plus en plus c’est est-ce que c’est à destination
du grand public ? Pas forcément. Si on veut s’adresser au grand public, il faut le mettre en
capacité d’interpréter une donnée. Il faut savoir l’analyser, savoir la mettre en forme, savoir
reconnaître les astuces dans une visualisation et le fait qu’il y a un parti pris. On est sur la
question de la récupération.
O.P : Il y a justement tout un écosystème qui s’est formé sur la question des intermédiaires :
des entreprises qui se basent sur l’Open Data pour construire des applications, ... ce qui rend
la donnée plus accessibles aux particuliers ...
C.G : Sur le site de Nantes qui est mutualisé avec la région, la région publie des comptes rendus
des conseils sur la plateforme Open Data. Elle les publie en PDF La plateforme Open Data
donne des outils qui permettent d’aller chercher ce que l’on cherche, il y a un moteur de
recherche et un format PDF qui permet une plus grande accessibilité. La c’est un exemple ou
l’Open Data sert aussi à mettre en œuvre le droit d’accès à l’information, qui est plus accessible
en effet. Quand on est sur de l’Open Data, aujourd’hui les collectivités ouvrent essentiellement
des données brutes de type cartographies ou statistiques. La question est pourquoi, les comptes
rendus des conseils municipaux sont parfois très difficiles à trouver sur le site internet de la
mairie, alors que la ville a par ailleurs un projet Open Data. Parfois, il y a des photographies qui
pourraient être mises en libre de droits, qui ont été financées par la mairie. Pourquoi cet Open
Data n’est pensé que sur une base de données statistiques. Ça peut concerner des médias, des
vidéos, tout ce que produit la ville.
O.P : Les médias pourraient être justement plus attractifs !
C.G : C’est la ou il y a deux approches à partir de la même chose sur l’Open Data : il y a la partie
open et la ce serait développer la culture d’ouverture dans les collectivités à travers les projets
Open Data et ça veut dire passer le site sous licence libre, décider que le contenu, ce qui devrait
être le cas d’ailleurs, est sous licence libre. À part Brest, il n’y a pas beaucoup de collectivités
qui ont fait ça. Et tout ce qui est produit est mis sous licence libre et quand on passe des marchés
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publics, on demande aussi à pouvoir réutiliser les données. C’est la partie ouverture. Après, il y a
la partie data, qui la va concerner toute la question de la structuration des données, de sorte
qu’elles soient de qualité et pour les réutiliser pour faire du décisionnel, pour faire du prédictif en
interne des collectivités avec les données qu’ils ont déjà. Donc au lieu d’avoir un prestataire
externe ou de racheter des données qu’ils ont déjà. Donc c’est les deux volets.
O.P : Il y a une question aussi, celle de savoir ce que l’Open Data peut apporter concrètement
aux citoyens ?
C.G : Je vais dériver un peu avant de répondre sur la notion de gouvernance ouverte. Quand
Obama s’est fait élire en 2009, la première directive qu’il a ait passer était une directive de
gouvernance ouverte ou l’objectif était de moderniser les services à travers les outils numériques.
D’abord en faisant de la transparence, utiliser les outils numériques pour être transparent et
donner à voir, ensuite en faisant de la participation : se mettre sur les réseaux, écouter ce que
disent les gens parce qu’une conversation va forcément mieux marcher sur les réseaux sociaux et
enfin les inclure dans une participation en coproduction sur les services qui ont été crées
ensembles pour améliorer les services publics. C’est ce qu’on appelle la gouvernance ouverte et
à l’instar des Etats-Unis, enfin à l’initiative des Etats-Unis, avec le Royaume-Uni et d’autres
pays ils ont crée un comité international qui s’appelle l’OGP, donc Open Government
Partnership, qui réunit aujourd’hui 65 pays et la France vient de rejoindre il y a quelques mois
l’OGP. Rejoindre l’OGP ça veut dire que tout pays s’engage, le gouvernement s’engage à
développer une gouvernance ouverte, c’est à dire de la transparence avec les outils numériques et
donc l’Open Data. La ou je veux en venir, c’est qu’en fait, dans ces pays aussi bien aux Etats-
Unis qu’en Grande-Bretagne, ils n’abordent pas l’Open Data comme juste l’Open Data. Ils
abordent l’Open Data comme l’une des étapes d’un schéma global qui vise à moderniser
l’activité publique. Nous en France on a repris que l’Open Data, ce qui ne marche pas puisque si
on fait juste de l’Open Data sans avoir changé le système d’administration, ça ne marche pas. La
on espère justement que maintenant que la France a rejoint l’OGP, on pourra élargir le débat et
qu’on ne va plus parler d’Open Data mais de gouvernance ouverte. Et donc l’Open Data
deviendrait seulement une des étapes. L’objectif de l’action est la modernisation de l’action
publique et ce que fait l’Open Data aujourd’hui et ce à quoi ça peut servir est de commencer
cette progression d’intégration numérique dans les administrations publiques, pour rendre de
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meilleurs services aux usagers. Donc la question n’est plus qu’est-ce que l’Open Data peut faire
pour le citoyen, c’est qu’est-ce que l’outil numérique peut faire ? Comment on peut mieux
informer le citoyen, mieux montrer à voir comment est dépensé l’argent, mieux mettre en
relation les agents et les citoyens par l’outil numérique et tout ce qui s’ensuit.
O.P : On voit également que certaines entreprises se construisent sur ce système ...
C.G : C’est vrai, on peut voir les citoyens comme électeurs mais il y a aussi les citoyens salariés,
un acteur en entreprise qui lui, va pouvoir s’appuyer sur l’Open Data oui, mais ce qu’on constate
c’est que ce sont seulement des données d’appel en fait. Les structures utilisent des données
ouvertes pour commencer à faire le concept de leur produit, mais quand ils veulent vraiment
passer à l’échelle supérieure ils achètent les données structurées, parce qu’elles sont plus fiables
et plus qualifiées que les données publiées. Mais ça permet d’avoir un tremplin gratuit. Peut-être
que Nantes a eu plus de résultats positifs parce que c’est une métropole et les données de la
métropole sont plus intéressantes, par exemple avec toutes les données de transport, tandis que le
département et les données sociales intéressaient un peu moins. Mais les limites qui sont
identifiées sont à peu près les mêmes.
O.P : Est-ce qu’il n’y aurait pas un essoufflement dans le développement de la politique
d’Open Data à Nantes ?
C.G : C’est exact et si on regarde les courbes des cycles d’innovation, ça fait un boum dès qu’on
sort un nouveau produit par exemple, dès qu’il y a une nouveauté, une invention qui est faite, il y
a un engouement, ensuite ça redescend et après ça atteint un niveau stable de développement. Et
c’est le même cycle d’innovation qui s’est passé avec l’Open Data. C’est à dire qu’il y a une
invention, on se rue dessus pour savoir comment ça marche et cetera et après, les gens espéraient
des choses fantastiques, ce n’est pas arrivé tout de suite, ça redescend. Ensuite, la on est à ce
moment là, ça commence à se structurer. C’est à dire qu’on se rend compte que les bénéfices ne
vont pas arriver du jour au lendemain, que les structures qui vont pouvoir se développer sur les
données ouvertes, il faut déjà commencer par avoir des données qui sont de meilleure qualité, ce
qui n’est pas le cas partout, donc comment on fait en interne pour améliorer les objets et donc là
on commence à structurer.
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O.P : C’est un travail sur le long terme, il faut peut-être en interne des administrations que les
points de vue changent ?
C.G : La on est en train de dire qu’avoir des données de qualité ça fait partie du travail alors que
pour eux ce n’est pas ça leur travail. Ce n’était pas forcément une composante bien intégrée, eux
ils doivent par exemple organiser la circulation des poubelles dans la ville ou organiser les
panneaux d’affichage. Le maintien, la mise à jour des données structurées, tout le monde n’a pas
la compétence, il y en a qui ne savent pas faire un tableau structuré avec une colonne, un champ.
Ça ne fait pas forcément partie des activités et la collectivité en tant que telle est en train de
découvrir que oui, il faut qu’elle mette en place une infrastructure de données, comme elle met
en place une infrastructure de routes, pour que les gens circulent dessus et fassent du commerce,
pour créer du lien social, on crée des routes, eh bien la il faut mettre en place une infrastructure
de route de données pour que les gens puissent venir s’appuyer dessus. C’est compliqué dans un
contexte ou il y a de moins en moins d’argent, du coup il n’y a pas d’investissement de
ressources humaines et ou ils sont embarqués dans tout plein de projets qu’ils ont à faire. Le
problème c’est que l’Open Data était fait à la base pour faire des économies, c’est dire qu’il y a
des moyens d’optimiser la façon de travailler. Aujourd’hui on peut reprendre par exemple le
circuit d’enlèvement des ordures et peut-être qu’en analysant le trafic, la prédiction du trafic, on
pourrait changer le circuit et donc gagner du temps et du coup travailler cinq heures au lieu de
huit, à partir de l’analyse des données. Et toute l’idée c’est de dépenser moins et d’optimiser à
travers cette analyse. Sauf que ça n’a pas été fait en fait sur les projets Open Data. Ce qui c’est
fait, c’est on publie les données, éventuellement on lance la campagne de communication, mais
comment nous on les utilise en interne ou comment nous ça nous concerne en interne, il n’y a
pas eu ce questionnement là, ça a été fait dans un objectif externe. Donc la on est en train de
venir sur « et vous maintenant ? ».
O.P : Cela explique peut-être l’essoufflement de la part des responsables politiques ?
C.G : Et c’est aussi parce que c’est beaucoup moins vendeur. Si tu arrives en tant qu’élu et que tu
dis « je fais de la transparence au niveau des finances », tout le monde comprend le concept. Si
tu dis, je vais investir parce qu’on a des données en interne qui peuvent être valorisantes, c’est
moins compris, et en plus c’est pour faire non pas du développement économique, c’est pour
faire des économies. Politiquement, ça passe moins.
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O.P : Est-ce qu’il y aurait des moyens pour améliorer l’intérêt des gens ?
C.G : Le nouveau programme de la ville de Nantes en Open Data est axé justement sur les
citoyens. Ils ont estimé que c’était trop axé développeurs et ils veulent réorienter vers les
habitants. Je trouverais ça pertinent de déjà ne plus parler d’Open Data mais de gouvernance
ouverte et d’utiliser l’outil numérique pour moderniser l’action publique et placer l’accès à
l’information et donc ne plus parler Open Data mais parler accès aux informations et aux
données et de systématiser ça. Et surtout que ça soit rendu visible, parce qu’aujourd’hui, si tu vas
sur le site de la ville, il y a un encart Open Data et par exemple quand ils font des articles en
disant voilà le trafic sur Nantes, voilà les travaux qu’on est en train de faire, ils ne renvoient pas
vers le site internet pour dire les données sont ici. Quand ils font un graphique, une infographie
sur les données financières ils ne renvoient pas et donc c’est pas visibles pour les gens alors que
si systématiquement, dès qu’il y a une information, on renvoie à un lien en disant que les
données peuvent être téléchargées ici, déjà ça aide à faire passer un peu le message.
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6. Entretien avec Bastien Kerspern, designer d’interaction et de service, spécialisé dans l’innovation
sociale et démocratique
Ophélie Popille : Une petite présentation ?
Bastien Kerspern : J’ai fait l’école de Design à Nantes, en design interactivité, design numérique
et les deux dernières années je les ait fait en spécialité innovation responsable donc sur tout ce
qui est design à portée sociale et j’ai commencé à m’intéresser à tout ce qui était Open Data
parce que ça faisait partie d’un terrain d’étude qui était la gouvernance ouverte et les nouvelles
formes de démocratie, et l’open data était vu un peu comme un levier à ce niveau là. Du coup,
j’ai commencé à m’y intéresser et ça collait avec mon profil de designer numérique et par contre
l’open data ça a toujours été quelque chose que j’ai traité plutôt en sujet d’intérêt personnel qu’en
sujet d’intérêt professionnel. C’est-à-dire que je n’ai jamais été mobilisé sur des missions d’open
data ou autre parce que maintenant je suis designer, je fais pas mal de consulting, je travaille
aussi avec différentes entreprises et collectifs, on travaille sur des questions de démocratie et de
design numérique et l’open data est plutôt un sujet d’intérêt personnel, je le vois un peu comme
des designers qui travaillent le bois, des designers qui travaillent la céramique, eh bien d’une
certaine manière je travaille la donnée et en particulier cette donnée parce qu’elle est publique et
que j’ai un grand intérêt sur ce qui est chose publique. J’essaie de croiser mon intérêt pour les
sciences politiques, les sciences humaines avec le design numérique et l’open data est un peu un
sujet d’étude. J’ai fais quelques projets à partir de l’open data et souvent des projets
exploratoires, c’est-à-dire qu’il n’y a pas forcément de vocation économique derrière mais qui
sont là notamment pour faire de la pédagogie autour de la donnée, auprès de publics qui ne
connaissent pas forcément l’open data ou auprès de publics qui connaissent l’open data mais qui
sont un peu coincés, qui ne font pas grand chose avec.
O.P : J’ai justement vu que l’École de Design avait un laboratoire de recherche autour de ces
thématiques ...
B.K : Il y a le laboratoire READi et il y a un laboratoire dans READi qui s’appelle Information
Design et qui travaille justement sur le traitement de la donnée, comment on peut rendre des
services avec la donnée et comment on visualise la donnée. Ils ont un peu traité la question de
l’open data, je leur ait fait quelques workshops, qui sont des ateliers créatifs autour de l’open
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data pour voir comment les designers se saisissent de ces données pour en faire quelque chose.
Mais il y a encore peu de monde qui travaille sur l’open data.
O.P : L’impression est que les données ne sont pas forcément attrayantes ...
B.K : Elles sont attrayantes, mais il y a une différence entre la volonté politique et l’application
dans les services et c’est notamment vrai sur après comment ils poussent les projets open data.
Parce que souvent ça reste lettre morte et j’en sais quelque chose. C’est un peu mon parcours, je
ne suis pas un technicien, c’est à dire que je suis designer mais je suis plus sur la partie concept
et recherche que sur la partie développement pur et technique. Il y a des designers qui sont de
très bons développeurs, qui sont très bons techniquement et qui vont utiliser la data pour la
visualiser, moi la data elle m’intéresse plutôt comme objet culturel, qu’est-ce qu’elle raconte de
la société dans laquelle on vit, pourquoi on est dans une société qui veut libérer des données,
pourquoi est-ce qu’on est dans une société qui cherche la transparence et surtout qu’est-ce qu’on
peut faire avec ces données ? Peut-être, souvent ce que je propose n’est pas techniquement
faisable avec la donnée telle qu’elle est aujourd’hui mais je la prend comme un objet conceptuel
pour en développer un service ou une proposition. Quand ils ont ouvert les données j’étais en
stage en Allemagne et ils avaient fait un appel à projets sur les données ouvertes, pour essayer de
sortir des applications et j’avais essayé de faire une application à partir de la donnée qui serait la
moins utilisée qui était le catalogue de données de Nantes. Donc en gros, ils avaient une donnée
qui était le jeu de toutes les données. Et on avait crée un truc qui s’appelait Créadata et qui est un
générateur de mashups en fait et ça les a un peu secoué puisqu’ils se sont dit qu’il y avait un truc
qui était faisable, qui n’est pas du tout ce qu’ils attendaient et je voulais les taquiner un peu là-
dessus sur comment utiliser la donnée d’une façon qui ne soit absolument pas prévue ou
attendue. C’est ma première approche à propos de ça. Je prend les données qui sont mises à
disposition et j’essaie de les triturer pour en faire des choses qui ne seraient pas attendues et en
essayent de voir comment les données pourraient répondre à des usages. Sur tout ce qui est open
data, il y a pas mal d’applications ou de trucs qui sont sortis qui sont les mêmes d’une ville à
l’autre et ils répliquent des modèles qui marchent pour gagner des appels à projets. Donc quand
une ville fait un appel à projets, il y en a quatre ou cinq qui sont primés, tu en as toujours un sur
les parkings, un sur les transports, et cetera et c’est à qui fera la meilleure application sur les
transports, qui fera la meilleure application sur les parkings, mais du coup les développeurs
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s’enferment en termes de créativité, ils se mettent des œillères et moi une partie de mon travail
consiste à voir à quoi pourrait servir la donnée autrement que ce pour quoi elle a été pensée à la
base. Et ça donne des trucs un peu absurde, avec Créadata on avait une consigne à un moment
donné qui était de croiser les noms des bébés et les patrimoines arborés à Nantes, donc
l’emplacement et la nature des arbres avec le nom des bébés. J’ai développé l’application qui
s’appelle Arbor et qui permet aux nantais de voter pour donner des noms de bébés aux arbres
nantais. L’idée est que plutôt que d’avoir des arbres anonymes, auxquels on ne fasse pas gaffe,
qu’ils aient enfin un nom. Ça on l’a développé en 48 heures sur un hackathon, le projet marche,
après un an après ou deux ans après je l’ai présenté à la ville de Nantes et ça se fera jamais parce
qu’ils n’y voient pas l’intérêt immédiat et parce que ça ne correspond pas à leur façon de voir les
données, surtout en traitant avec des gens qui n’ont pas la culture de la donnée, autrement dit les
gens qui s’occupent des parcs et des arbres. D’où ma remarque sur le fait qu’il y a une distance
entre l’ambition politique qui est affichée ou tu as un territoire numérique connecté et la réalité
des choses. Mais ça fait partie des applications un peu absurdes, un peu inattendues plus
poétique qu’on peut essayer de trouver avec l’open data plutôt que d’avoir les arrêts des
transports en commun ce qui est bien, mais on peut faire mieux.
O.P : Les politiques s’attendent peut-être plus à des choses très économiques ?
B.K : Ils sont très curieux de voir ce que la data peut donner, par contre ils ont besoin d’être
rassurés aussi. Il y a deux ans il y avait un start-up weekend : ça se passe à la Cantine de Nantes
et sur 48 heures il y a des développeurs, des gens qui font du business, des designers, des gens
qui font de la communication qui se réunissent, qui font des équipes et qui essayent de monter
des start-ups en un weekend. Et moi j’avais poussé un projet qui s’appelait Pari Ouvert, qui était
un service de paris sur les données ouvertes. Autrement dit on se servait des données ouvertes
pour valider des paris. Par exemple, tu pouvais parier que ton tram aurait cinq minutes de retard
et parce qu’on avait les horaires et les déplacements des trams en temps réel, on pouvait savoir
s’il y avait bien cinq minutes de retard. Ce qui fait que si tu avais parié 30 crédits sur le retard, tu
rempochais ta mise ou pas. On avait fait ça sur la disponibilité des parkings, tu pouvais parier
que le 15 Mai à 17h52 il y aurait 400 places de disponibles dans tel parking et on validait ces
paris grâce aux données ouvertes. Et on n’a pas utilisé les données ouvertes pour ce pour quoi
elles étaient prévues, on n’affichait pas par exemple le nombre de places de parking qu’il restait,
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pour en faire un jeu. Et c’est ce genre d’approche qui les intéresse mais qui les fait aussi flipper
parce que déjà à quoi ça sert ? Et de deux, ça fait de savoir qu’il y a des retards sur la Tan ou
qu’il y a des parkings qui sont surchargés.
O.P : C’est dommage parce que ce sont de petites propositions ludiques comme celles-ci qui
peuvent faire connaître l’open data, puisque les gens ne savent pas trop de quoi il s’agit !
B.K : C’est exactement ça, il y a une grosse méconnaissance. Nous quand on a fait Pari Ouvert
on est resté au prototype, on voudrait le développer plus mais il faut du temps, des gens, ...
toujours ces questions là mais on l’a fait pour amener les gens à se demander d’où viennent les
données ? Ok, vous êtes capable de me dire que j’ai raté mon pari parce que je pensais que mon
bus serait en retard, mais comment est-ce que vous le savez ? Et de leur demander d’où viennent
ces données et de les amener à prendre connaissance de ces données ouvertes. C’était un pari un
peu osé parce qu’à mon avis ça ne marcherait pas trop ce genre de pédagogie. Et un an plus tard
j’ai fait un truc qui s’appel Datake-Away, qui est un jeu de carte sur l’open data. L’idée c’est de
se dire, on arrête de traiter les données d’un point de vue purement numérique où on se coupe
d’une partie du public, parce que c’est numérique, parce que ce n’est pas manipuler des données,
ce n’est pas la visualiser ou autre, donc on va le faire sous forme de jeu de cartes. On combine
les cartes pour imaginer des services à partir des open data. L’idée est que le citoyen, en jouant
un peu de sa créativité, puisse imaginer un service à partir des données ouvertes. C’est aussi de
rendre l’open data accessible en essayent de pousser la créativité, d’une certaine façon.
O.P : L’intérêt des individus est aussi relativement limité envers l’open data ?
B.K : C’est le nœud du problème, potentiellement les gens ne seront pas intéressés par l’open
data et ce n’est pas grave. C’st simplement qu’avant de pouvoir s’intéresser à l’open data, il faut
avoir une culture de la données, que les gens sachent ce qu’est une donnée, à quoi sert une
donnée, comment est construite une donnée et ça, tant qu’on ne l’apprendra pas à l’école, il n’y a
que les gens qui s’y intéressent qui seront intéressés.
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O.P : C’est dommage qu’il n’y ai pas un enthousiasme suffisamment développé, d’autant
qu’on observe à Nantes un essoufflement de la politique ...
B.K : Il n’y a pas encore de dispositif de médiation, la seule qui est faite est par LiberTIC qui a
encore une approche assez technique, mine de rien, il y a des évènements organisés comme des
hackathons mais ça reste en direction de gens qui s’y connaissent déjà un peu. Après, est-ce qu’il
faut que ça soit accessible au grand public, c’est une bonne question. La question n’est pas de se
demander est-ce que ça devrait être accessible mais plutôt pourquoi ça devrait être accessible et à
quelle fin.
O.P : Il est tout de même possible de créer un écosystème sur les données ?
B.K : Ce qui est intéressant avec l’open data c’est de regarder toutes les idéologies qu’il y a
derrière, il y a une idéologie de la transparence et une idéologie californienne, donc tout ce qui
est start-ups, Silicon Valley et on imagine que la société civile, donc à la fois les citoyens comme
les entreprises soit capable de se substituer à l’État. Et c’est un peu ce que fait l’open data : on a
ouvert les données publiques pour une raison de transparence et aussi parce qu’on espère que les
données pourront combler les lacunes de l’État-providence en créant des applications. C’est une
approche assez néo-libérale. Une donnée est forcément politique, il y a un mythe qu’une donnée
n’est pas influencée, qu’elle est neutre, mais elle est toujours construite socialement. Et il faut
faire attention, à se dire que les services publics ne seront plus assurés par le public mais par le
privé et il y a une bataille assez large qui se déroule à côté. À Nantes, on est beaucoup dans
l’idée que l’open data pourrait se substituer à certains services publics et résoudre certaines
problématiques par le numérique.
O.P : Et en interne des collectivités ?
B.K : Ils ont des gros problèmes pour ouvrir leurs données et il y a pas mal de freins en interne,
au niveau de l’agent. Pas tant au niveau du décideur qui lui est partant. La question est aussi de
savoir si l’open data est un effet d’annonce, une outil de communication politique ou un vrai
moyen de transparence. Il y a aussi des volontés variées de promotion de la démarche et
d’appropriation par les citoyens.
89
BIBLIOGRAPHIE
Livres
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93
TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS .................................................................................................................................. 2
SOMMAIRE ............................................................................................................................................... 3
DEFINITIONS ........................................................................................................................................... 4
INTRODUCTION ..................................................................................................................................... 7
PREMIERE PARTIE : UNE POLITIQUE D’OPEN DATA « A LA NANTAISE » PORTEUSE
D’ESPOIRS ............................................................................................................................................. 17
CHAPITRE 1 : LA GENESE DU PROJET, DEFINITION DES OBJECTIFS ET MISE A L’AGENDA .............................. 17 I. Pourquoi ouvrir les données nantaises ? Des objectifs et des promesses variés .............. 18 §1 – Une démarche axée sur la transparence, la démocratie et les citoyens ............................................................................ 18 §2 – Développer de nouvelles connaissances autour des données ouvertes ........................................................................... 19 §3 – Encourager l'innovation et la modernisation des services ..................................................................................................... 19
II. Quels acteurs y ont participé ? ............................................................................................................ 21 §1 – Les collectivités .......................................................................................................................................................................................... 22 §2 – Tissu associatif et mouvements citoyens ....................................................................................................................................... 23 A) L’association LiberTIC ..................................................................................................................................................................... 23 B) Atlantic 2.0 et sa Cantine Numérique ....................................................................................................................................... 25
§3 – De nombreux partenariats .................................................................................................................................................................... 27 CHAPITRE 2 : LE DEROULEMENT DE L’OUVERTURE DES DONNEES A NANTES ............................................... 30 I. Durant l’année 2011 : les balbutiements de la politique ........................................................... 30 II. Une année 2012 duale, entre mouvements institutionnels et ouverture à la participation citoyenne ................................................................................................................................... 31 III. En 2013, l’ouverture se poursuit et la politique se stabilise ................................................. 33 IV. Période de réflexion et de bouleversements politiques, les années 2014 et 2015 sont celles du changement ....................................................................................................................................... 33
CHAPITRE 3 : ET AILLEURS ? L’OPEN DATA DANS D’AUTRES VILLES DE FRANCE ......................................... 35 I. Un enthousiasme nantais qui se stabilise ......................................................................................... 35 II. États des lieux dans quelques autres villes françaises .............................................................. 37 §1 – Rennes, la pionnière ................................................................................................................................................................................ 37 §2 – Dans la région des Pays de la Loire : l’initiative angevine ....................................................................................................... 39 §3 – Une autre approche de l’ouverture : la ville de Lyon ................................................................................................................. 41
DEUXIEME PARTIE : APRES LE LANCEMENT, MESURER LES IMPACTS ............................ 43
CHAPITRE 1 : QUATRE ANS APRES, UN ECOSYSTEME DEVELOPPE AUTOUR DES DONNEES ........................... 43 I. Encourager l’innovation et la création ............................................................................................. 44 §1 – Des applications récompensées : « Rendez-‐moi la ville + facile » ........................................................................................ 44
94
§2 – Le moteur des prix et labels ................................................................................................................................................................. 47 §3 – De plus en plus d’évènements autour de l’Open Data ............................................................................................................... 49 A) Le phénomène des « hackathons » ............................................................................................................................................ 49 B) Des manifestations à portée nationale voire internationale .......................................................................................... 50
II. Un nouveau domaine pour la recherche et les pratiques innovantes ................................ 53 §1 – Ouest Médialab et le journalisme de données : une manière de réutiliser les ressources de l’Open Data ........ 53 §2 – Les données : un terrain pour la recherche ................................................................................................................................... 55 A) Le laboratoire Informatique de Nantes Atlantique (LINA) ............................................................................................. 55 B) À l’école de Design de Nantes Atlantique, le READi Design Lab ................................................................................... 56
CHAPITRE 2 : UN BILAN A NUANCER .................................................................................................................... 58 I. Un travail à long terme en interne pour introduire la « culture » Open Data ................. 58 II. Une approche qui gagnera à se recentrer sur le citoyen et à introduire plus de créativité ................................................................................................................................................................ 61 §1 – Une cible trop resserrée sur l’économie et qui ne laisse pas suffisamment de place à la créativité .................... 61 §2 – L’approche économique doit laisser plus de place à la dimension citoyenne, initialement érigée comme l’un
des piliers de la politique ................................................................................................................................................................................ 62 III. Abandonner un point de vue cloisonné pour adopter une vision d’ensemble ............... 64
POUR CONCLURE ... ............................................................................................................................ 66
ANNEXES ............................................................................................................................................... 67
BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................................. 89
TABLE DES MATIERES ...................................................................................................................... 93