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OPA SUR L’ENSEIGNEMENT DE L’ÉCONOMIE 49 LES IDÉES CONTEMPORAIRES - 2009-2010 CyCle « la Crise finanCière : état des lieux et voies de sortie » OPA sur l’enseignement de l’économie Jean-Pierre Malrieu Professeur de Sciences Économiques et Sociales en lycée, membre de l’association des professeurs de Sciences économiques et Sociales (APSES) Dirigeant de la Société ÉducLab Il y a en ce moment de grandes manœuvres autour du lycée, avec la réforme qui est mise en place par Luc Chatel, le ministre de l’éducation nationale. L’enseignement de l’écono- mie est affecté par cette réforme. Lorsque nous avons prévu cette séance, nous ne savions pas qu’elle serait autant d’ac- tualité, puisque se tient aujourd’hui, à Paris, la manifestation nationale des professeurs de sciences économiques et sociales. Le temps est trop court pour que je vous en donne des informations, mais je peux vous parler de celle de l’an dernier (le 3 décembre 2008 exactement) où il y avait 1 500 personnes, élèves et professeurs, pour protester contre le sort que la réforme Darcos faisait subir aux sciences économiques et sociales. La réforme Chatel contient des éléments un peu différents, mais suscite la même mobilisation de la part des professeurs de sciences économiques et sociales.

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OPA SUR L’ENSEIGNEMENT DE L’ÉCONOMIE

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LES IDÉES CONTEMPORAIRES - 2009-2010

-Parcours bis:703_GREP 10/09/09 02:34 Page 310

CyCle « la Crise finanCière :état des lieux et voies de sortie »

OPAsur l’enseignement

de l’économie

Jean-Pierre MalrieuProfesseur de Sciences Économiques et Sociales en lycée, membre de l’association des

professeurs de Sciences économiques et Sociales (APSES)Dirigeant de la Société ÉducLab

Il y a en ce moment de grandes manœuvres autour du lycée, avec la réforme qui est mise en place par Luc Chatel, le ministre de l’éducation nationale. L’enseignement de l’écono-mie est affecté par cette réforme.Lorsque nous avons prévu cette séance, nous ne savions pas qu’elle serait autant d’ac-tualité, puisque se tient aujourd’hui, à Paris, la manifestation nationale des professeurs de sciences économiques et sociales. Le temps est trop court pour que je vous en donne des informations, mais je peux vous parler de celle de l’an dernier (le 3 décembre 2008 exactement) où il y avait 1 500 personnes, élèves et professeurs, pour protester contre le sort que la réforme Darcos faisait subir aux sciences économiques et sociales. La réforme Chatel contient des éléments un peu différents, mais suscite la même mobilisation de la part des professeurs de sciences économiques et sociales.

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Je vais vous faire une présentation de cet enseignement, avant de parler du sujet propre-ment dit de la conférence, « Que va devenir l ‘enseignement de l’économie au lycée ou plus généralement l’enseignement des sciences sociales au lycée » dans le contexte de la réforme, sachant que ce contexte est soumis à des jeux d’influence qui émanent de la sphère politique, des universités, mais aussi d’une nébuleuse (que je ne sais pas trop comment appeler) issue du monde des entreprises, troisième acteur qui essaie de peser sur cet enseignement.

Rappels sur l’histoire des sciences économiques et socialesdans le système éducatif français.

La première chose qu’on remarque, c’est que l’économie ne s’enseigne pas au collège. Dans les lycées, voici un aperçu des effectifs selon les types de bac : 54 % de bacheliers généraux, 26 % de bac technologiques et 20 % de bac professionnels. Où se retrouve l’économie dans cette distribution ?

En bac pro les élèves font un peu d’économie dans la filière des services, assez peu dans les filières de production (il y a 75 spécialités en bac pro) et il y a 3 spécialités qui ont un contenu un peu plus poussé en économie : commerce, vente et comptabilité. Pour ce qui est des bacs technologiques, il y a très peu d’économie. Il y a 1 heure par semaine avec coefficient 1 au bac, et c’est très léger. On leur donne quelques définitions. Peut-on appeler cela un enseignement d’économie ?

Le seul endroit où l’on fait beaucoup d’économie parmi les bacs techno, c’est dans la filière Sciences et Technologies de la Gestion (STG). Il y a là un enseignement dit d’éco-droit, mais dans lequel le droit est complètement séparé de l’économie. Et les professeurs sont des professeurs d’éco-droit, c’est-à-dire qu’ils passent des concours d’éco-droit. Le programme d’économie est proche du programme des sciences économiques et sociales dont je vais vous parler bientôt, mais il est mis en œuvre de façon un peu différente dans les 2 filières, à cause d’emplois du temps différents et d’élèves différents.

Dans le bac général, parmi les 3 séries : série S (52 % des bacheliers), série L (17 %) et sé-rie ES (Économique et Social, 30 %), celle-ci est la seule à donner d’importants éléments d’économie aux élèves. Il n’y a donc que 30 % d’élèves de bac général qui suivent un enseignement d’économie. J’exagère un peu, car il y a une option Économique et Social en seconde, qui est choisie par 43 % des élèves. En conclusion il y a plus de 50 % des élèves de bac général qui n’ont reçu aucun enseignement en économie au cours de leur cursus secondaire.

Caractéristiques de l’enseignement des Sciences Économiqueset Sociales (SES)

Je précise bien que je ne suis pas professeur d’économie, mais bien professeur de sciences économiques et sociales

C’est une discipline qui est jeune. Elle n’a pas du tout le même enracinement que des disciplines comme l’histoire et la géographie, ou la philosophie ou la littérature… C’est une discipline créée par les inspecteurs de la discipline d’histoire et géographie, des gens

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comme Roncayolo, Palmade, des gens proches de l’école des Annales dans leur inspira-tion. Il faut comprendre que ce n’est pas une discipline créée par des économistes. C’est une discipline qui a eu une histoire très compliquée, qui a été rebaptisée, qui a changé de types d’élèves au cours du temps, qui a changé ses professeurs mais qui a acquis une identité relativement forte au travers de ce qu’on a appelé les stages de SEVRES, qui regroupent des gens recherchant une formation spécifique. Cela a conduit à faire ressortir une identité assez forte et marquée par une certaine opposition avec ce qui se faisait dans le supérieur. A cette époque, les méthodes pédagogiques étaient encore très traditionnelles et il y a eu une rupture assez nette avec les méthodes antérieures. Certains pensent même qu’il y a à ce sujet une sorte de « pensée unique » chez les enseignants de SES. Pour la résumer, l’objectif premier de cet enseignement serait de former des citoyens en leur per-mettant de comprendre, voire de critiquer, le monde dans lequel ils vivent.

Elle est inspirée par la pédagogie ou les pédagogies actives. La marque de fabrique est « la pédagogie ou les pédagogies actives » où l’élève est censé construire les contenus sur la base de matériaux bruts. C’est-à-dire qu’au lieu qu’on lui fourgue des documents qui lui disent à l’avance ce qu’il doit savoir, on lui donne des articles de presse, des affiches, des reportages, des statistiques… et sur la base de ces documents qui n’ont pas été au préalable théorisés, c’est l’élève qui doit, (bien évidemment pas tout seul), construire le contenu de ses savoirs.

Il n’y a pas que les enseignants de SES qui font ça. En histoire également, cela est très utilisé. Ce sont des démarches inductives : l’élève part d’objets, d’observations, sous le contrôle de l’enseignant qui essaie d’éviter les généralisations hâtives.

Elle ouvre la porte à des débats. L’autre caractéristique est de partir depuis des objets sur lesquels il peut y avoir débat, des objets-problèmes, et non pas de partir de grandes théories déjà constituées. Si on doit utiliser des théories, c’est pour faire comprendre des objets bien particuliers qui sont susceptibles d’intéresser les élèves : le chômage, l’exclu-sion, etc.

Elle confronte des regards différents. Caractéristique importante que ce croisement des regards, c’est-à-dire l’idée que, pour comprendre le monde, on ne doit pas se mettre des œillères disciplinaires et qu’il faut obligatoirement mobiliser plusieurs regards, celui de l’économie, celui de la sociologie mais également celui de la politique ou encore, comme en classe de seconde, celui de l’anthropologie (par ex. sur la famille). Pour cela, on adopte des codes d’interprétation qui sont issus de l’anthropologie ou des exemples qui viennent de travaux ethnologiques.

En résumé, l’ensemble de ces caractéristiques était le projet novateur des SES. Qu’est-ce qu’il en reste aujourd’hui ? Les dernières études de l’association des professeurs de SES auprès de ses adhérents montrent que les pédagogies actives ont beaucoup régressé. Sous la pression des programmes à mettre en œuvre, il y a beaucoup de cours magistraux, peu d’enseignants travaillent sur des revues de presse. La spécificité de l’enseignement de cette discipline a beaucoup régressé, parce qu’il est moins cher de faire des manuels qui reproduisent des textes d’auteurs qui sont déjà publiés. Quand vous êtes éditeur, il vous est plus facile d’aller piocher dans ce qui existe déjà dans votre catalogue, cela vous

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permet de ne pas payer de droits d’auteur supplémentaires pour des extraits de textes déjà publiés dans de nombreux manuels. Donc finalement, les manuels sont aujourd’hui bourrés de textes qui sont, non plus des matériaux bruts, mais des matériaux déjà théori-sés et vulgarisés.

Il reste aux SES une identité forte mais ses contours sont beaucoup moins précis que dans le passé. La réalité a érodé le projet fondateur des SES.

La demande de l’enseignement en économie

Il faut faire le constat de la modestie de la place de l’économie au lycée, puisqu’on a une majorité d’élèves qui n’y entendent jamais parler d’économie. Tout cela contraste avec la demande générale de cet enseignement, qui est forte. Les événements récents, (la crise) ont amplifié cette demande. Mais en fait, elle est antérieure aux événements récents, cela fait longtemps que cette demande vient des élèves, puisqu’ils sont de plus en plus nombreux à choisir la série ES. C’est la seule série dont les effectifs croissent de façon régulière, depuis 20 ans, au dépend de la série L. C’est aussi une demande qui émane du monde de l’entreprise, je n’ose pas dire du patronat. Les différentes institutions qui sont liées au monde de l’entreprise disent, « il n’y a pas assez d’économie, ce n’est pas de l’économie qu’on enseigne aux lycéens, ce n’est pas suffisant et en plus il faut le généra-liser ». Il y a une autre demande plus latente. Quand on fait des études ou des sondages (il y en a eu un certain nombre auprès de la population), on s’aperçoit que les gens sont très favorables à la généralisation de l’enseignement de l’économie au lycée. La dernière enquête du CODICE (1) (je vous expliquerais ce qu’est le CODICE) faisait apparaître que 85 % des personnes interrogées y sont favorables.

On a d’un côté une place relativement modeste et d’un autre une demande manifeste. Même les universitaires demandent une plus grande place de l’enseignement de sciences économiques et sociales au lycée. Les SES ont été attaquées très fortement, il y a long-temps, par les universitaires, qui demandaient aux élèves de ne rien retenir car « on ne leur avait donné que de la bouillie pour les chats ». Quand les élèves arrivaient en faculté, on leur disait d’oublier tout ce qui leur avait été dit jusqu’à présent. Il y a eu des décla-rations d’Edmond Malinvaud (2) assez dures vis-à-vis des SES. Puis les universitaires se sont rendu compte, dans les années 80, que leurs facs se vidaient. Et ce qui remplit maintenant les effectifs en disciplines économiques, ce sont les élèves du bac ES : alors leur discours a été radicalement changé et les attaques contre les SES se sont estompées. Aujourd’hui on a beaucoup d’enseignants du supérieur qui nous disent : « vous nous en-voyez de bons élèves, nous voudrions que cet enseignement soit généralisé ».

(1) CODICE : le COnseil pour la DIffusion de la Culture Economique.(2) Edmond Malinvaud : Économiste et statisticien français. Cet économiste est connu pour avoir cherché une synthèse entre les néoclassiques et les keynésiens. Directeur d’Etudes à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (1957-1993)

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Point sur la réforme en cours

Il y a donc une demande générale qui contraste avec la situation du système scolaire. Est-ce que la réforme Chatel qui est en discussion en ce moment apporte des réponses sur ce questionnement ? Clairement ce n’est pas la réforme elle-même. Dans sa première mouture, l’économie était vraiment maltraitée, il a fallu que l’APSES fasse intervenir nombre de députés, de sénateurs, qui ont écrit au ministère de l’éducation nationale pour dire « mais qu’est-ce qui se passe avec cette réforme ? ». Il a fallu que le CODICE (c’est-à-dire les représentants du patronat) soient reçus par le ministre de l’éducation nationale et lui disent, « vous ne nous écoutez absolument pas, vous faites le contraire de ce qu’on demande ». Et Luc Chatel a revu sa copie récemment et propose maintenant la générali-sation de l’enseignement de l’économie en seconde.

Il est prévu deux enseignements d’exploration obligatoires (sauf pour les élèves qui voudront faire du latin et du grec, car la filière latin/grec est absolument sacrée dans le système français). Les élèves devront choisir soit un enseignement de SES, soit un ensei-gnement qui va s’appeler (aux dernières nouvelles car il vient encore de changer de nom) « Principes Fondamentaux de l’Économie et de la Gestion ». Juste avant, il s’appelait « Économie appliquée et gestion ». On ne sait pas trop qui va le faire. Ce sera des profes-seurs de SES mais aussi des professeurs de STG.

En réalité les SES payent un prix très fort dans cette réforme. Il y a une perte d’heures pour les élèves qui est la plus grande perte d’heures de toutes les disciplines. En général, les autres disciplines perdent 2 heures. Dans la réforme Chatel, les SES perdent 4 h 30 sur l’ensemble du cycle secondaire. On perd 1 heure en seconde et on va perdre probable-ment des dédoublements. On perd 2 heures en première avec la disparition de la science politique, ce qui a suscité la colère des professeurs de sciences politiques sous la forme d’un communiqué disant que c’était un vrai scandale. On perd 1 heure en terminale. On va avoir, pour la série ES, un bac dont la majeure (c’est-à-dire la discipline principale) a seulement 5 heures par semaine (contre 6 heures aujourd’hui). Par comparaison, en S les maths occupent 6 heures, en L le français 8 heures. On perd aussi une demi-heure en option en terminale, qui passe à 1h ½ au lieu de 2 heures.

Si on calcule la perte pour l’élève sur l’ensemble du cycle : comparé aux 17 heures ac-tuelles en SES, on obtient 13 heures de cours cumulées sur 3 ans et par semaine. C’est une curieuse manière de promouvoir l’enseignement de l’économie au lycée avec une perte de 25 % des heures consacrées à cette discipline. Cette réforme était censée effectuer un rééquilibrage entre les séries et s’en prendre à la suprématie de la série S. Un certain nombre d’experts pensent qu’il n’en sera rien. En réalité la série S se voit amputée un peu pour renforcer son caractère scientifique, mais comme les élèves ont toujours le même nombre d’heures de langue, ils ont toujours accès aux mêmes options, la seule chose qui disparaît est l’enseignement de l’histoire en terminale (mais il reste une option histoire en terminale). Par ailleurs, les scientifiques pourront prendre une option « enseignement de l’économie approfondi » en terminale, qui leur ouvrira la porte d’un enseignement ulté-rieur en économie La série S est donc encore renforcée dans son caractère général avec cette réforme Chatel, ce qui est assez surprenant.

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Cette réforme revient à rééquilibrer, aux dépens de la série ES, la filière L, qui devient une filière plus internationale avec une plus forte présence des langues. Elle bénéficie de l’introduction d’une option « Droit et grandes options du monde contemporain » qui sera probablement assurée par des historiens et géographes, et peut-être aussi par des profs de SES

Et ce qui fragilise terriblement la filière ES, c’est la suppression de la spécialisation Lan-gues et la suppression de la spécialisation Maths, en particulier en 1re ES. Rarement une série et une matière ont été attaquées aussi fortement par une réforme.Cette réforme a quand même des points très positifs (au moins au niveau des principes) : l’accompagnement individualisé des élèves, qui est un grand problème du système éduca-tif français et qui répond à un vrai besoin, les possibilités de réorientation qui introduisent de la souplesse et c’est formidable.

Les profs de SES ne sont pas opposés à cette réforme pour sa philosophie d’ensemble, mais ils observent que des coupes claires sont effectuées dans leur enseignement. Par ailleurs cette réforme s’attaque au caractère indivisible des sciences sociales, puisqu’elle tend à introduire en seconde un enseignement d’économie qui ne comporterait pas de sociologie et en terminale elle découpe aussi l’enseignement des Sciences économiques et sociales en deux. On a d’un côté Économie approfondie et de l’autre côté Sciences sociales au sens pur (qui veut dire sociologie en fait).

Comment en est-on arrivé là ?

Cela fait pas mal de temps que les SES sont dans le collimateur du gouvernement. Elles ont été l’objet d’attaques répétées depuis 10 ans. Vous avez pu en être témoins si vous avez lu la presse. Elles font l’objet de pressions importantes. Un certain nombre de col-laborations entre le monde des entreprises et le ministère de l’Éducation Nationale ont été mises en place. Elles visent à modifier la nature des enseignements et à transformer l’enseignement de l’économie au lycée et c’est cela que je vais présenter devant vous et sur quoi je voudrais qu’on réfléchisse.

Pour mettre de l’ambiance je vous propose un petit Quiz sur ces 10 dernières années :« L’économie au lycée ça craint » C’est le titre d’un article paru dans un journal. Devinez lequel ? C’est la revue Capital. L’article dit « programme indigeste, professeurs mal for-més, faible niveau des élèves, profs complexés, débouchés aléatoires etc. »

Autre citation : « Des programmes hors du monde et bourrés d’idéologie » dite par un ministre de l’Éducation Nationale. Cela aurait pu être Allègre, mais ce n’est pas lui, c’est Luc Ferry.

Dans le magazine l’Expansion en 2006, Luc Ferry dit aussi que c’est lui qui a introduit le mot « entreprise » dans les programmes de SES, alors que depuis 1967, les programmes parlent bien sûr des entreprises.

« Une filière aux débouchés incertains ». C’est un autre ministre de l’Éducation Natio-nale qui le dit, Darcos, en 2007.

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« Une catastrophe ambulante » dit une personnalité de gauche, Michel Rocard, dans le cadre de la commission Pochard (3) pour la revalorisation du métier d’enseignant.

« Une clique d’altermondialistes » dans le Figaro. M. Yves De Kerdrel qui dit aussi que les Français sont des archéo-défenseurs de l’économie administrée et étatisée.

« La filière économique en france est une blague », dit par… N. Sarkozy.

Il y a une constance dans les attaques envers notre discipline dans les médias. Si ce n’étaient que des noms d’oiseaux apparaissant de manière sporadique, ce ne serait pas si grave. Mais en fait cela a débouché sur une critique structurée et construite. Derrière ces phrases, il y a une critique beaucoup plus sérieuse, avec la publication de 4 rapports sur les SES dans les années 2007 et 2008.

Il y a eu un rapport écrit par l’association Positive Entreprise (qui a aussi produit une chanson appelée « J’aime ma boîte » et qu’on trouve sur le Web). L’auteur, Thibault Lan-xade, qui est le président de cette association, a écrit un rapport vraiment critique.

Puis Yvon Gattaz (Ancien président du CNPF, et membre maintenant de l’Académie des sciences morales et politiques) a rendu un rapport pour l’association Jeunesse et Entre-prise en 2007.

Il y a eu un deuxième rapport d’Yvon Gattaz en 2008, présenté par l’Académie des sciences morales et politiques. Ce rapport a été rédigé par cinq économistes étrangers de renom, qui ont regardé nos manuels et en ont déduit qu’on faisait n’importe quoi.

Pour calmer le jeu, l’APSES a demandé au ministère de l’Éducation Nationale un audit sur les manuels, car l’attaque portait souvent sur les manuels. On a chargé Roger Guesne-rie, Professeur au Collège de France, de diriger une commission qui a produit un rapport en 2008. Au début cette commission ne devait s’intéresser qu’aux manuels mais finale-ment le ministère a étendu l’objectif du rapport aux programmes de SES. On a eu là le rapport le plus sérieux des quatre, appelé « rapport Guesnerie »

Complot ou idée fixe de certaines personnes ?

On se demande donc s’il n’y a pas un complot contre les SES. Ce n’est pas complètement impossible. Il se peut qu’il y ait une spontanéité de la réaction de la société face à un problème. Des gens se seraient auto-saisis de la question et il y aurait eu convergence de publications en face d’un réel problème. Mais si on regarde de plus près, on s’aperçoit que c’est toujours les mêmes gens qui sont à l’origine de certaines initiatives. En particulier, il y a 3 personnes très actives : Yvon Gattaz, Michel Pébereau et Thibaud Lanxade. Derrière eux, il y a l’Institut de l’Entreprise (l’IDE) qui est un satellite du MEDEF. Il y a en plus la presse : le figaro, Les Échos, Capital.

Même s’il y a un problème réel dans l’éducation, il y a une certaine proximité parmi les gens qui se sont mêlés de prendre la parole publiquement et de porter sur la sphère collective la question de l’enseignement de l’économie. Il y a une véritable pression, un

(3) Commission sur le métier d’enseignant dont Marcel Pochard est le président

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lobbying des milieux patronaux vis-à-vis de l’enseignement de l’économie et la personne qui l’illustre le mieux est Michel Pébereau. Michel Pébereau est au Conseil d’Administra-tion de BNP Paribas, professeur à l’IEP, ami personnel de N. Sarkozy et président d’IDE, et il a joué un rôle majeur dans cette campagne. Il dit les choses clairement ; il dit : « Il serait bon de faire un travail pédagogique de fond sur nos lycéens afin de les sensibiliser aux contraintes du libéralisme, et d’améliorer leur compétitivité, en adhérant au projet de leur entreprise. Je me positionne donc aujourd’hui devant vous pour un enseignement où la concurrence est la règle du jeu, où la création de richesse est un préalable à la redistri-bution de richesse, et où le marché assure la régulation de l’économie au quotidien. » Il a déclaré cela à la chambre d’économie et d’industrie de Paris. Il n’y a pas de dissimulation. Derrière le discours, il y a un projet alternatif, qui est de fournir un enseignement dont les contenus seraient clairement favorables à la concurrence, à l’économie de marché et plus généralement à une économie organisée de manière capitaliste.

Les stratégies du patronatLes stratégies d’influence du patronat ou de la presse de droite ne s’arrêtent pas là. Il y a eu un certain nombre d’initiatives visant à influencer l’enseignement de l’économie.Par exemple le site Internet Melchior fournit des contenus pour le programme des termi-nales en SES. Il y a des choses assez discutables sur ce site, mais il y a aussi plein de trucs très intéressants. En particulier, il y a des études de cas qui sont bien faites.

Il y a aussi la mise en place des stages d’IDE. L’ensemble des crédits de formation du ministère de l’Éducation Nationale, au niveau national, passe par un partenariat avec l’Institut De l’Entreprise. Et c’est exclusif de tout autre partenariat comme par exemple un partenariat avec les syndicats. Alors que je suis sûr qu’il y aurait des syndicats partants pour participer à la formation des enseignants. En quoi ce partenariat consiste-t-il ? C’est assez ambitieux : il s’agit de faire faire des stages de deux mois en entreprise à des profes-seurs de SES. Puis, tous les ans à Louis Le Grand, il y a une invitation de ces enseignants à se retrouver et on fait venir de grands noms pour discuter de la mondialisation… Cela est appelé « les entretiens de Louis Le Grand » et le ministère les subventionne. Je n’ai aucun problème avec cela, il s’y passe des choses intéressantes, le problème est que cela pompe intégralement le montant des crédits.

En 2006, Monsieur Borloo s’est rendu compte qu’il y avait une certaine inculture éco-nomique des Français, et il a mis en place un organisme appelé le CODICE : le Conseil pour la DIffusion de la culture économique. Les gens du CODICE ont un objectif qui est que tous les lycéens aient un enseignement en économie (pas de science sociale : science économique au sens strict). Mais malgré tout, ils se sont appuyés sur les enseignements de SES et pas ceux de STG, car ils n’étaient peut-être pas assez nobles pour eux : il n’y a aucun contact avec les professeurs de STG qui pourtant seraient beaucoup plus en phase avec ce qu’ils veulent. Mais ils ont tissé des liens avec les professeurs de SES en venant aux assises des SES, et ils ont une revue de professeurs sur leur site KEZECO. KEZECO est un site qui s’intéresse non seulement aux terminales SES mais à tous les Français, même si le discours semble s’adresser aux lycéens. Il s’agit d’expliquer l’économie aux Français. Et dans cette revue, il y a des professeurs de SES.

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L’IDE est allé jusqu’à proposer un programme de seconde. Il y a des gens qui ont crié au scandale : des organismes représentant des intérêts particuliers se mettant à faire des propositions de programmes ! Pour moi, ce n’est pas cela qui est scandaleux, ils jouent normalement leur rôle d’influence. Ils expriment une possibilité et après il doit y avoir un choix, il doit y avoir un tri. Le fait de proposer un programme ne fait pas d’eux les prescripteurs uniques de programmes scolaires. Mais cela pose quand même un problème de laïcité politique, puisque des représentants d’intérêts particuliers font des propositions de programmes scolaires.

Ce qu’on reproche à l’enseignement de l’économie au lycée

Venons-en au fond. Qu’est-ce qu’on reproche à l’enseignement de l’économie au lycée et particulièrement aux sciences économiques et sociales ?On leur reproche d’avoir des élèves qui n’ont pas choisi les sciences économiques et sociales. Ils font cela car ils ne sont pas bons en français et ils ne sont pas bons en maths. C’est vrai qu’il n’y a pas beaucoup d’élèves très décidés sur leur avenir. Mais on a quand même beaucoup d’élèves qui font cela par désir, qui sont d’un bon niveau, qui auraient pu faire S, mais qui savent qu’ils ne se destinent pas à une carrière scientifique. Il n’est donc plus aussi vrai que par le passé que les élèves de SES soient plus faibles que les élèves de S. En outre, on ne peut pas demander au système éducatif, d’une part de se démocratiser, c’est-à-dire de faire accéder à des bacs un plus grand nombre d’élèves au niveau du bac général, et d’autre part dire à la filière qui se charge de ces élèves (en gros la série ES) qu’elle a trop d’élèves non motivés par sa discipline. La filière a rempli son objectif sur le plan de la démocratisation des bacheliers.

On reproche à la filière de ne pas avoir de débouchés, de ne pas conduire les élèves aux filières d’excellence (c’est-à-dire les prépas). C’est ce que dit Sarkozy : « Vous voulez que vos enfants aille en prépa économique et commerciale, mais s’ils vont en ES, ils ne le pourront pas ». Enfin on reproche à la série ES de mal préparer à l’enseignement supérieur.

Constat sur la population des élèves

Ce n’est pas qu’on n’ait que des élèves qui ne savent pas ce qu’ils vont faire, mais c’est qu’ils vont ensuite dans des disciplines extrêmement différentes. On est bien obligé de faire avec ce constat, nous les professeurs de SES. Il y en a 15 % qui vont en droit, 17 % qui vont en sciences humaines et sociales, seulement 5 à 8 % qui vont en économie, en AES 8 %, en Langues 7,5 %, 3 % en lettres, 2 % ailleurs. On a 6 % des élèves qui vont en classes prépa, 6 % qui vont à l’IEP ou dans des Écoles de commerce qui recrutent niveau bac, et beaucoup qui vont en IUT et en BTS.Et quelle diversité de projets professionnels !Des élèves vont en fac d’économie pour devenir expert en marketing, (pour être rappor-teurs pour des banques par exemple), d’autres veulent devenir agents de police, beaucoup d’élèves qui veulent être infirmières. Il faut tenir compte de la diversité des profils dans l’enseignement de l’économie. On peut difficilement enseigner la micro économie du consommateur à quelqu’un qui veut être policier

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Des élèves réussissent bien : sur Poitiers, on voit que selon l’origine du bac, en fac en L1 (1re année) les élèves venant de S ont un meilleur taux de réussite que les élèves de ES, en L2 (2e année) les taux sont équivalents, en L3 (3e année) les élèves issus de ES ont un meilleur taux de réussite que ceux venant de S (et cela de façon importante car l’écart est de 10 %). Cela veut dire que les élèves ayant reçu un enseignement très mathématisé réussissent mieux au début, mais ensuite la culture socio-économique acquise au lycée par les élèves de ES et l’intérêt qu’ils portent à leur discipline les amènent à combler le handicap et à mieux réussir. Ce n’est donc pas vrai que les élèves de ES réussissent mal à l’université.

Les élèves de ES ne sont pas absents des filières dites d’excellence (c’est le terme utilisé par le gouvernement pour les classes prépa et les grandes écoles). On a vu qu’il y avait 5 ou 6 % des élèves de terminale ES qui allaient en prépa. Mais la principale raison est qu’il y a peu de classes de ce type par rapport au type scientifique. Quand on regarde la nature du bac des élèves de classe prépa économiques et commerciales, il y a 44 % de bac ES. Pourquoi seulement 44 % ? Parce que, pour le concours d’entrée aux grandes écoles d’économie, il y a un concours spécifique pour les prépas scientifiques, et les élèves de ES ne peuvent pas y aller. Le problème n’est pas dû aux classes prépa, mais aux concours des écoles ! A l’IEP de Toulouse, il y a plus de 50 % des élèves qui viennent de ES et non pas de S : cela montre que la critique disant que la filière ES fait des élèves qui ne peuvent pas réussir dans le supérieur est très largement erronée.

Constat sur les contenus

On critique la propagation de parti pris idéologiques : certains prétendent qu’on aurait des contenus démoralisants, on serait trop critiques, on montrerait le monde sous des couleurs trop sombres, on serait les diffuseurs de la sinistrose généralisée et on serait trop critiques par rapport à l’économie de marché. Et cela expliquerait la défiance des Français face à l’entreprise et l’économie de marché. C’est vrai : quand on regarde les statistiques, à chaque fois qu’on fait un sondage, les Français arrivent en tête pour à la défiance face à l’économie de marché. On a un sondage très récent où les Français se placent encore nettement en tête sur cette question. On leur demandait ce qu’ils pensaient du capitalisme, et ils sont 75 % à dire qu’ils ne sont pas fanas, et c’est beaucoup plus que dans d’autres pays. On a aussi des résultats d’enquête sur l’approbation des Français sur les chefs d’entreprise, et cela doit être très alarmant pour le patronat, puisqu’on a 75 % de Français qui disent qu’ils n’ont plus confiance dans les patrons de leurs entreprises. On serait responsable de cela, nous, les SES ! C’est nous faire trop d’honneur, puisqu’on s’adresse uniquement à 30 % des élèves du bac général. Au pire, on pourrait en corrompre 30 % mais pas les 75 % de l’enquête !

Cette critique de portée idéologique est contradictoire avec une autre critique qui dit qu’on serait propagateur d’un relativisme généralisé. Comme on ne se fait pas le porteur d’un seul discours économique disant « voilà ce qui est vrai », on en déduirait que tout se vaut. Ca peut être ça, mais ça peut être son contraire. On ne serait pas capable de trier le bon grain de l’ivraie, et de donner les « vérités scientifiques « sur lesquelles tout le

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monde s’accorde. C’est donc contradictoire de dire, premièrement qu’on est de parti pris idéologique, et deuxièmement qu’on raconte tout et son contraire ou qu’on met tout sur un pied d’égalité. Il y a un professeur qui a écrit un texte devenu célèbre sur un blog et qui dit « Finalement qu’est-ce qu’ils veulent qu’on enseigne ? L’économie des Bisounours ? » Si les SES sont critiques, c’est qu’il y a matière à critique dans l’économie moderne. On ne va pas se voiler la face et raconter que tout va bien dans le meilleur des mondes. S’il y a des aspects critiques dans l’enseignement des SES c’est que l’économie mérite d’être critiquée.

Il y a une autre critique, venant des professeurs cette fois, disant que l’enseignement est déconnecté de la réalité de l’entreprise. Avec mon expérience de créateur d’entreprise, j’ai vu des gens qui avaient des problèmes assez différents de ce que j’enseignais en SES. La critique n’est pas du tout injustifiée. On a un enseignement peu concret sur la question de l’entreprise, et qui, surtout, est basé totalement sur l’entreprise industrielle. Par exemple, sur l’organisation du travail, on enseigne le Taylorisme, le Fordisme, le Toyotisme : or il y a 80 % de l’emploi qui est de l’emploi tertiaire et qui ne fonctionne pas sur ces mo-dèles. Le bâtiment est oublié, où la diversité des chantiers est très loin des questions de l’industrie. On ne fait donc pas de bonne description de l’organisation du travail dans le bâtiment. Il y a des progrès à faire et le patronat n’a pas complètement tort sur ce point. On pourrait faire des études de cas plus nombreuses, et si on partait plus souvent du réel ce serait très bien. Quand je suis arrivé dans le monde de l’entreprise, tout le monde avait un objectif : élaborer un modèle commercial qui tienne la route. Cette notion n’existe pas en SES. Comment voulez-vous comprendre correctement Google si vous ne vous pen-chez pas sur le modèle commercial Google. Qui gagne de l’argent et comment ? Un enjeu important pour une entreprise aujourd’hui est son système d’information. Cette notion n’est pas au programme des SES alors qu’elle l’est aux STG. Il y a un déphasage certain de l’enseignement par rapport à certaines réalités et il y a des améliorations certaines à apporter pour le faire coller aux besoins contemporains.

Autre critique : les programmes sont trop ambitieux. C’est évident. Les programmes sont trop lourds. On veut tout expliquer aux élèves : mondialisation, croissance, développe-ment etc. et faire cela en terminale en 5 heures, ce n’est pas facile. Donc on survole souvent, on n’a pas le temps d’approfondir et là nous sommes tous d’accord : patronat, professeurs d’université et professeurs de SES. On a besoin d’un allégement significatif des programmes en particulier pour le programme de terminale. Et cela permettra de revenir un peu sur les méthodes de pédagogie active.

L’autre point qui pose problème est le mélange sociologie/économie. Richard Descoings (4) qui a été chargé de préparer la réforme de Luc Chatel s’est franchement prononcé contre. C’est une commande de l’Inspection Générale, et une commande des milieux patronaux, ils veulent en finir avec le mélange socio-économique. Donc Richard Descoing, Président de l’IEP Paris, a écrit que c’était un non-sens de mélanger l’économie et la sociologie de façon trop précoce dans le cursus de l’enseignement de l’économie d’un tout jeune esprit.

(4) Richard Descoings : directeur de l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris et administrateur de la fondation nationale des sciences politiques (fNSP).

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Cela veut dire : les élèves de ES sont vraiment trop bêtes, et si en plus vous leur faites en même temps de l’économie et de la sociologie, cela ne va pas, ils ne comprendront rien. Ce couple socio/éco est critiqué car c’est une exception française. Il n’y a pas cela dans les autres systèmes éducatifs européens. En Allemagne l’économie est enseignée avec l’histoire. En Suède ou en Irlande, c’est enseigné avec les SVT, montrant qu’il y a ainsi des couples un peu bizarres avec l’économie, et il n’y a pas de modèles alternatifs. Je ne veux pas dire qu’on fait mieux que les autres, on est tous différents et il n’y a pas de modèle dominant pour enseigner l’économie au lycée. Et quand on fait de l’économie toute seule, comme le fait l’Angleterre, il y a des inconvénients. L’Angleterre va très loin dans la modularité de son système d’enseignement, et elle a proposé une option économie toute seule. Il y a eu une grande désaffection des élèves pour cette option, elle a eu beau-coup de mal à recruter des élèves. Ce n’est peut-être pas si mal ce qu’on fait en France, même si on est les seuls à le faire. Mais il faut ajouter que ce couple est vraiment consti-tutif de la discipline. Les profs de SES sont très attachés à ce croisement des regards, car ils ne croient pas au pari de l’économie universitaire qui parle d’économie sans parler des causalités, qui sont des causalités économiques et des causalités sociologiques. Les profs de SES ne croient pas à cette séparation, car ils sont convaincus qu’il y a des interactions fortes entre sociologie et économie. S’il y a des interactions dans le réel, il faut enseigner ces deux disciplines ensemble. Quand on fait des statistiques sur les enquêtes de satisfac-tion des lycéens sur leur acquis, la SES vient en tête de cette satisfaction. Pourquoi ? Parce qu’elle plaît. Pourquoi plaît-elle ? Parce que c’est un bon compromis qui s’adresse à tous les élèves, et qu’il mélange socio-éco. Si on casse ce mélange on risque de ne pas offrir aux élèves ce qu’ils attendent. En particulier, tous les élèves qui veulent travailler dans le social, si on ne leur fait que de la micro économie, perdront un enseignement essentiel.Ce découragement est à l’œuvre. En seconde, il y a introduction de l’enseignement de l’économie et de la gestion, et en terminale il y a séparation entre « approfondissement de l’économie » et « sciences sociales » En terminale, c’est moins choquant, car les élèves vont recevoir en parallèle les deux enseignements et ils sont assez grands pour pouvoir recouper les connaissances de deux des disciplines majeures de leur filière. En seconde, c’est plus problématique. Ce qui fait que les élèves plébiscitent les SES, c’est justement parce qu’il y a ce mélange socio et éco, et si on leur parle de l’entreprise, on leur parle aussi de la famille. A leur âge, il y a des thèmes porteurs pour leur compréhension du monde et de leur réalité familiale.

Comment lutter face à ces attaques ?

Face aux attaques contre cette discipline, parfois à bon escient, parfois avec de la mau-vaise foi ou des arrière-pensées politiques, quelles stratégies adopter ?La première stratégie consiste à mettre en avant la science, on l’appelle la stratégie de l’ancrage disciplinaire. Cela veut dire qu’on va faire la même chose que fait l’université.Autre stratégie, la stratégie de l’utilité citoyenne : défendre les SES actuels et définir les programmes en fonction de leur utilité démocratique, c’est-à-dire pour la formation du citoyen.

Et on essaiera de voir s’il n’y a pas une troisième voie possible.

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L’ancrage disciplinaire.

Cela a des avantages, cela garantit la laïcité politique de notre enseignement. Cela se double d’une neutralité idéologique. Cela ne peut pas être de l’idéologie puisque c’est de la science. C’est un peu simpliste comme vision de la connaissance, mais cela fournit un argumentaire face aux critiques. Cela permet aussi de dire que l’enseignement au lycée est une « propédeutique » pour le supérieur, puisqu’on les forme à une discipline exis-tante de la fac. En résumé, l’enseignement de la SES est soumis à la pression du patronat. Il y a donc une réaction de certains enseignants et de l’Inspection Générale qui, dit-on, va jouer la fac contre l’entreprise. On va se mettre à l’abri du parapluie universitaire. On va faire jouer les Grands Noms, on va faire jouer la Science pour se mettre à l’abri de ces critiques et on sera tranquille. Personnellement je ne suis pas convaincu par cette straté-gie, et je ne suis pas ravi qu’elle ait obtenu le suffrage de l’Inspection Générale, mais c’est une stratégie qui se tient Les gens qui défendent ça sous-entendent que les SES sont res-ponsables de ce qui leur arrive. Si les SES n’avaient pas prétendu qu’ils faisaient quelque chose de différent de ce qui se fait à la fac, si les SES n’avaient pas prétendu donner un savoir total sur la société (ce qui est faux, on n’a jamais prétendu cela) ni lutter contre la spécialisation disciplinaire, si les SES n’avaient pas été prétentieux… ils auraient eu le soutient de leurs universitaires et on ne les aurait jamais remis en cause.

Malheureusement, cette présentation des faits ne tient pas. La pétition mise en ligne par l’APSES (5) dans le cadre de la réforme Chatel a reçu 900 signatures d’universitaires. Il y a aujourd’hui dans Le Monde une tribune signée par les plus grands noms de l’économie, écrite par Daniel Cohen professeur à l’ENS, qui est titrée « l’enseignement de l’ESE : un enjeu démocratique ». On n’est donc pas sur le thème de la spécificité universitaire de la discipline. Rosanvallon signe aussi cette tribune. Les universitaires soutiennent le travail actuel des SES.

Cette stratégie a des effets pervers. Elle revient à donner caution aux disciplines universi-taires, qui sont quand même relativement remises en cause actuellement. Les prétentions de l’économie à prédire et comprendre le monde sont sorties de la crise actuelle gran-dement écornées. Aujourd’hui, il y a une remise en cause du projet fondateur la science économique qui croit pouvoir penser le monde toute seule sur la base de la fiction d’un individu représentatif et rationnel dans ses choix de consommation ou de gestion, et non soumis à des contraintes. L’université était porteuse de cette pensée qui ne peut pas ser-vir de base à la stratégie des SES. Ce serait aller à contre-courant de l’histoire. On leur donnerait notre approbation en nous disant les vulgarisateurs de la pensée économique de l’enseignement supérieur, alors que le supérieur dit lui-même : « nous devons évoluer, nous devons faire des croisements disciplinaires »

Si on prend la stratégie de l’ancrage disciplinaire, on va renforcer les aspects théoriques de l’enseignement. En parlant du chômage, on dira qu’il y a deux grandes explications : l’explication néolibérale et l’explication keynésienne. Aujourd’hui on ne fait pas du tout cela. On commence par collecter des statistiques, on regarde l’évolution et on demande

(5) APSES : Association des professeurs de sciences économiques et sociales.

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aux élèves quelles pourraient en être les explications, on évoque le coût de l’emploi et une fois qu’on a trouvé que le coût du travail pourrait être une explication au non-emploi, on compare les secteurs où il y a un taux de chômage important, et on évalue la compétition internationale de ce secteur à cause des salaires : on en vient à la théorie classique de la relation salaire-emploi. On a eu des propositions de traitement de parties du programme par des personnes qui sont des défenseurs de cette approche très compliquée, mais c’est infaisable avec des élèves de seconde.

L’autre problème est que si on soutient la stratégie d’ancrage disciplinaire, on n’a plus de raison de soutenir le couple socio-éco : en adhérant à l’idée d’une science établie et même compliquée dans laquelle il faut choisir, on va revenir à ce qu’on appelle des fondamen-taux et on va retenir les quelques trucs de l’économie qui sont peu contestés.

Mais en fait, en économie, les trucs fondamentaux qui ne posent pas problème sont peu nombreux. Quels sont les fondamentaux non contestés ? C’est la micro économie avec ses exemples simples. L’offre supérieure à la demande provoque la baisse des prix et puis on arrive à un équilibre. Même si c’est un savoir pertinent sur un plan général, et partagé par l’ensemble des économistes, ce n’est pas un savoir pertinent pour l’individu ; parce que dans les entreprises on n’en a rien à faire, ce n’est pas le problème que se pose le gestionnaire, il pense plutôt à sa stratégie commerciale, à obtenir des subventions, à ses problèmes fiscaux et jamais il ne se pose des problèmes d’optimisation comme on les pose à la fac. Dans le monde de l’entreprise, pour l’ingénieur d’affaires, cela ne lui sert à rien de mathématiser l’offre et la demande. Et pour un jeune qui veut se consacrer au so-cial, la micro économie ne lui sert à rien. De plus ces savoirs ne sont pas idéologiquement neutres, mais je ne rentrerai pas dans ce débat.

Mais on nous dit : vous êtes restés sur les modèles archaïques de la micro économie. La science économique est en mouvement, elle a su se remettre en question et aujourd’hui il y a une nouvelle micro économie, beaucoup plus expressive, qui tient compte de phéno-mènes beaucoup plus « drôles ». Enseignons cela aux élèves

Alors là ! Je dis bravo. Mais c’est infaisable. Pourquoi ? Parce que tout d’abord, pour par-ler de la nouvelle micro économie, il faut parler de l’ancienne et on n’aura pas le temps nécessaire. Ensuite, ce sont des modélisations basées sur la théorie des jeux. La théorie des jeux, vous ne pouvez pas en faire un instrument de développement de formation intellectuelle de quelqu’un qui est jeune. Pourquoi ? Parce que ce sont des modèles qui ne sont pas robustes. Vous changez une hypothèse dans la structure du jeu et les résultats sont complètement différents. Et les élèves auraient besoin de trois ans pour qu’on leur explique la complexité des modèles de jeux : jeu à 2 joueurs, à 3 joueurs, coopératif, quel type d’équilibre recherché etc. Ce serait très délicat à faire.

On nous dit que l’économie a évolué. Je suis d’accord, mais je ne vois pas comment on peut donner des éléments de cette nouvelle économie à des élèves de seconde.

L’utilité démocratiqueL’autre stratégie possible est de mettre en avant l’utilité démocratique de notre enseigne-ment. C’est ce que fait l’APSES et ce n’est pas exclusif de la scientificité, car au besoin

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l’APSES s’appuie sur la scientificité de notre enseignement. Cette utilité démocratique est reconnue par les universitaires, comme j’y faisais allusion précédemment en citant la tribune de Daniel. Cohen dans le monde.

La troisième voieNe pourrions-nous pas suivre une troisième voie ? Au-delà de l’utilité citoyenne de notre enseignement, c’est un savoir qui est utile à la poursuite d’études et utile à l’action dans les carrières que les jeunes vont faire. L’enseignement de l’économie et de la sociolo-gie donne des cadres conceptuels qui permettent à des gens de s’orienter dans l’action. Quelqu’un qui a suivi une formation de SES et qui se retrouve ensuite en position d’en-cadrement, par exemple gérer une petite équipe de travail, ou optimiser un processus de production, sait que la productivité n’est pas uniquement un problème technique, il y a des hommes et des femmes qui sont acteurs Et cela, on l’explique aux élèves ingénieurs sous forme de stages, et un peu tard dans leur cursus. Autre exemple, expliquer à une infirmière le système de protection sociale lui permettra de mieux réagir et donner son avis quand il y aura une modification du système qui touchera un de ses patients. Autre exemple, si on fait le calcul du coût de l’opportunité en évaluant une chose utile (mais pas la meilleure chose à faire), une infirmière saura évaluer l’opportunité de la fermeture d’un lit d’hôpital sans monter au créneau avec de l’irrationnel. Si elle n’a pas eu l’occa-sion d’exercer son raisonnement sur l’analyse de cas, elle ne saura pas s’orienter de façon rationnelle dans l’action.

Je plaiderais donc pour qu’on prenne en compte cette autre justification de notre ensei-gnement qui est celui de préparer des jeunes adultes dans leur capacité d’interpréter, dans la logique de l’action, le cadre de changements qu’ils rencontrent, et trouvent le cadre conceptuel qui les aidera à agir. C’est une position extrêmement marginale. Les gens qui ont de l’influence, même à L’APSES, ne veulent pas rentrer dans cette logique car « si on commence à se demander si un enseignement doit être utile, c’est la porte ouverte au patronat ». C’est très dommage.

ConclusionEn résumé, le maillon faible de l’enseignement de l’économie au lycée, ce n’est pas les SES. Sans vouloir les vexer, c’est les STG. Ce n’est pas les bacs pro qui ont eu un allongement du bac et qui vont ensuite en BTS. Les bacs pro font parfois des poursuites d’étude en licence professionnelle. Cette filière se porte peut-être moins mal qu’elle ne se portait il y a quelques années (sous bénéfice d’inventaire). Les SES se portent bien aussi. Ce sont les STG qui ont un taux de réussite au bac 10 points inférieur aux bacs généraux. Les élèves qu’on y envoie sont très faibles, et ils y vont par défaut. Ils sont en concurrence avec les bacs pro. Ces élèves n’entrent pas beaucoup en IUT. Ce sont les élèves de ES qui prennent les places. Par exemple, il n’y a pas eu une seule création de filière STG dans les nouveaux lycées créés dans le pourtour de Toulouse. Il y a un souci avec ces élèves. On concentre là des élèves de faible niveau. Les ambiances ne sont pas bonnes. On a essayé de revaloriser cette filière. Les patrons se sont aperçus qu’on formait des niveaux intermédiaires en STG et quand ils faisaient venir leurs managers de supérettes et qu’ils

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leur expliquaient leur vision des choses, les soi-disant formés ne comprenaient rien. Ils ne jouaient pas leur rôle entre la parole patronale et les employés. Le patronat a fait remonter le besoin et on a relevé le contenu théorique des enseignements en STG.

Mais les enseignants n’y arrivent pas. D’une part parce qu’ils ne sont pas formés et sur-tout parce que les élèves n’ont pas le niveau nécessaire. Les cours se passent dans des conditions assez aléatoires malgré la très bonne qualité des enseignants, les élèves sont imprévisibles et se permettent plein de choses qui perturbent les classes. Même si les professeurs actuellement n’y sont pas favorables, je pense qu’il faudrait casser la barrière SES/STG. La distinction SES/STG est devenue un obstacle à la démocratisation de l’en-seignement. Il faudrait trouver un moyen, sans nivellement par le bas, pour mélanger et brasser ces deux publics et les enseignants associés. Mais pour les enseignants de SES actuels c’est une catastrophe. Pourtant, je pense qu’on peut y gagner, en particulier sur les points où ils sont meilleurs comme les points concernant l’entreprise

C’est à mon avis une piste si on veut que l’enseignement de l’économie progresse et que cela devienne un moteur pour une meilleure démocratisation de l’enseignement. Il faut casser la barrière bac général/bac technologique, en particulier dans les filières associées à l’économie.

DébatUn participant - J’ai été sensible à votre présentation du couple économie/sociologie. J’ai passé ma vie dans une entreprise et je suis diplômé de l’ESC de Toulouse. J’ai obser-vé depuis les années 80 le développement d’un discours systématique en faveur du capi-talisme libéral et des théories venant des États-Unis. On voit comment cela se termine – la crise bancaire - les problèmes à France-Télécom - et les comportements des chefs d’en-treprise qui sont contestés. Mais dans les petites entreprises, il reste des compréhensions de la vie du salarié et de l’économie de l’entreprise qui sont quand même beaucoup plus équilibrées. Il ne faut pas dissocier la compréhension de la sociologie et de l’économie, pour faire ressortir des liens équilibrés. Je serais donc assez optimiste pour les années qui viennent même si cela va être dur sur le plan international. Ne pensez-vous pas que cela va conduire les gouvernants à revoir leur manière d’enseigner l’économie et déboucher sur un enseignement plus équilibré entre le scolaire et l’entreprise. Cela conduirait peut-être à une meilleure insertion du citoyen dans l’entreprise.

Jean-Pierre Malrieu - Je suis content de voir que vous partagez ma conviction que c’est utile de prendre les phénomènes socio-économiques dans leur globalité. Mais si je suis quand même optimiste, c’est à cause de la capacité de réaction des enseignants, plus que

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d’une certaine rationalité de l’histoire qui ferait qu’en un temps assez limité on s’aperçoit des erreurs qu’on fait. Je crains qu’on s’enfonce durablement dans certaines erreurs. J’ai encore en tête la parole de M. Fillon, au terme de ses premiers six mois de gouvernement, et où il disait : « On n’a pas gagné la bataille du réel, mais on est en passe de gagner la bataille de l’idéologie ». A ce titre, il y a une véritable offensive, assumée comme telle par le gouvernement et les milieux patronaux, de rectifier les SES d’un point de vue idéo-logique. Malheureusement je crois que c’est l’intelligence du monde qui va en pâtir si on n’est pas capable de réagir.

L’enseignement de l’économie est utile, j’ai souvent l’impression que l’enseignement des sciences sociales dans le volet socio du terme socio-économie est indispensable. Parler de protection sociale sans parler de chiffres, de financement etc. n’est pas sérieux. J’ai l’im-pression que ce que j’apprends aux élèves en sociologie va leur être plus utile dans la vie que ce que je leur apprends en économie au sens strict. C’est pourquoi je souhaite que les deux continuent à être enseignés ensemble. Les bacheliers ES ne sont pas touchés, mais il reste un enseignement de SES en seconde et parfois en première et terminale aussi. Ce n’est pas la fin des SES. Il se peut que le discours managérial du patronat puisse devenir plus intelligent et permette de conserver un enseignement dual de ce type.

Le participant - Il me semble que c’est très maladroit que les universitaires se drapent dans leur dignité d’enseignant et s’installent dans un ghetto qui refuserait le contact avec les entreprises et cela donnerait de bonnes raisons au patronat de protester.

Jean-Pierre Malrieu - Il y a des tenants de la « laïcité », pure et dure : Il y a des ensei-gnants qui sont contre le fait que les enseignants puissent aller faire des stages en entre-prise au nom de la science.

Ils disent : on ne peu pas faire d’observation spontanée, il faut qu’il y ait un cadre scien-tifique d’observation. Comme si les individus n’étaient pas capables par eux-mêmes d’avoir un esprit critique et de retirer quelque chose de leur confrontation avec le réel. Moi je suis pour les contacts.

Une participante - Je parle en tant qu’enseignante : pendant longtemps, avec mon équipe, j’ai donné des avis d’orientation aux élèves. J’ai vu pendant 10 ans à Toulouse, un refus face à cette section ES.Tous les élèves ayant un profil scientifique veulent aller en S. Quand vous faîtes peser la responsabilité hiérarchique, politique, je suis moyennement d’accord avec vous. J’ai vu pendant des années des élèves qui se précipitaient vers la première S. Et la filière ES apparaît dure, car il faut être bon partout, avoir une enveloppe culturelle, s’intéresser à la sociologie…Mon autre remarque est pour les STG. Mon propre fils a fait cette filière et j’y ai moi-même enseigné les lettres. Le niveau des lettres n’est pas si mauvais, on jette une image négative scandaleuse à cette série, et cela conduit à culpabiliser les élèves qui y sont.

Il est vrai que certains enseignants se débarrassent des cas sociaux vers les STG, mais il y en a aussi en S. Il faudrait travailler sur l’image que le corps enseignant véhicule vers cette série.

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Jean-Pierre Malrieu - La suprématie de la filière S est incontestable, mais la série ES n’a cessé de voir ses effectifs progresser. En 40 ans elle s’est hissée au taux de 30 % des élèves. C’est un succès même si beaucoup d’élèves la choisissent par défaut. La réforme Chatel n’inversera pas le processus.

Pour les STG de Toulouse, elles recrutent beaucoup d’élèves d’Empalot etc. La distinc-tion ES/STG est un moyen de ségrégation sociale. En STG, il y a des classes avec 50 % de boursiers. Ce n’est pas le cas en ES. Ce sont des élèves de niveau scolaire plus modeste et de niveau social plus modeste. Moi je suis favorable à un brassage, parce qu’avec le système actuel personne ne sort gagnant. J’ai peut-être été un peu trop dur précédemment avec le STG, car ces classes ont également de beaux succès. Mais les enseignants disent qu’ils ont du mal à mettre les élèves au travail, à obtenir une véritable implication : je suis pour qu’il y ait des enseignements transversaux et qu’on ne laisse pas se constituer des ghettos. Même s’ils ne passent pas les mêmes concours, on a à apprendre d’eux.

La participante - Le regard de certains professeurs est extrêmement méprisant envers des enfants qui sont fragiles. Et il y a aussi le regard des élèves entre eux. La ségrégation n’est pas seulement le fait de l’institution.

Jean-Pierre Malrieu - Il commence à se fabriquer une fierté des STG. On a aujourd’hui des élèves qui disent des S « ce sont des gamins, ils sont immatures, ils ne comprennent rien… » et ils n’ont pas peur de le crier haut et fort. On a des élèves qui ne se laissent pas marcher sur les pieds. La filière S subit quelques critiques en ce moment. Même le Président eu des positions assez dures. En termes de mentalités, les choses évoluent, sans bien sûr changer du jour au lendemain. Il y a le réflexe de prudence des parents qui recommandent la série S en disant à leur enfant, « tu auras plus de choix avec ce bac ». Avec la réforme Chatel, on va voir la multiplication des trajectoires. Il y aura des élèves qui ne réussiront pas en S, mais choisiront la première S sachant qu’ils pourront se réo-rienter en fin d’année et qui passeront un bac ES alors qu’ils auront eu un enseignement en économie de 5 heures seulement. Ils auront peut-être fait latin grec en seconde pour être dans les soi-disant meilleures, en première ils auront fait S et débarqueront en ES uniquement en terminale. Et ce sera la responsabilité des profs de faire des élèves de bon niveau en SES. On va avoir pas mal de ce type de trajectoires et cela ne remettra pas en cause la suprématie de la filière S.

Un participant - En me renseignant sur la réforme Chatel, je suis tombé sur un site appelé 100 000 entreprises et cette association se donne pour but de faire des interven-tions dans les établissements scolaires. Je cite « Les entrepreneurs transmettent ce qu’est l’acte d’entreprendre et les élèves découvrent les différents secteurs d’activité et les mécanismes de fonctionnement de l’entreprise ». Un peu plus loin il y a le guide de l’intervention dans un établissement scolaire. Je cite « Entreprendre est permis à tout le monde. Il ne faut pas être génial, mais curieux, travailleur, courageux, persévérant. Cela ne nécessité pas d’être riche au départ, il suffit d’aller chercher l’argent auprès de ceux qui croient dans le projet ». Je pense donc que ce ne sont pas ces gens-là qui croient aux professeurs d’économie.

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Jean-Pierre Malrieu - Je ne vois pas grand chose de critiquable dans ces déclarations. M. Pébereau est allé dire, aux journées de l’économie à Lyon l’an dernier, ce qu’il faut ap-prendre aux élèves. Il l’a dit publiquement. « Il serait bon de faire un travail pédagogique de fond sur nos lycéens afin de les sensibiliser aux contraintes du libéralisme, et d’amé-liorer leur compétitivité, en adhérant au projet de leur entreprise ». C’est incroyablement plus orienté idéologiquement. Si ces gens veulent participer à construire des mentalités d’entrepreneurs, je ne vois pas pourquoi on les empêcherait de s’exprimer. Ce qui me gène le plus, ce sont les déclarations comme celles de M. Pébereau.Il y en a qui veulent l’école sanctuaire, l’école en dehors de toute influence. Est-ce sou-haitable ?

Un participant - Je me demande si on peut parler d’une section en dehors des autres. S’il y a une volonté des jeunes de préférer S plutôt que ES, on se demande pourquoi. Pourquoi pour faire médecine, on sélectionne sur les maths, pour rentrer à l’ESC, en classe prépa, il faut faire des maths, alors que ce n’est pas évident qu’un bon médecin doit être bon mathématicien, qu’un bon élève d’école de commerce doit être bon en maths. Je ne suis pas sûr que dans la filière S il y ait tant d’élèves qui se consacrent à un métier scientifique. La raison est que beaucoup de disciplines de sciences dites dures recrutent sur les maths. Si on ne règle pas ce problème de la sélection par les maths, on ne pourra pas inciter les élèves à aller vers les autres filières

Jean-Pierre Malrieu - Je ne suis pas d’accord pour attaquer la filière S, car on a besoin de scientifiques. Les maths sont quand même un indicateur parmi d’autres d’une capacité à résoudre des problèmes de manière rationnelle. Il ne faut pas exagérer. J’ai grandi avec des ingénieurs, ce sont des gens qui sont « smart », si on leur pose un problème, ils se mettent tout de suite à cogiter pour le résoudre et cela dans des domaines très variés, dont le domaine économique. Il ne faut pas dire que c’est totalement irrationnel que des per-sonnes qui ne se destinent pas aux carrières scientifiques soient formées aux techniques formelles et en particulier aux techniques mathématiques.

Je n’ai pas la capacité de faire une analyse sociologique de la suprématie de la filière S. Cela doit être plutôt compliqué, il y a des effets de tradition, des effets de débouchés, de calcul de stratégie, qui sont plus ou moins justes. Ce qui est clair, c’est que quand vous enlevez la spécialité maths dans la filière ES, vous jouez un très sale coup à tous les élèves qui pourraient réussir ensuite en économie, ou en classes prépa accueillant des ES. C’est les renvoyer immédiatement en maths appliquées en S. Cela va à l’encontre de l’objectif de la réforme et je suis étonné que le ministère ne le voie pas.

Il y a des décisions qui sont contre-productives dans le processus amorcé compte-tenu des pesanteurs que vous évoquez. On peut rêver d’un monde où les maths auraient moins d’importance dans les procédures de sélection, mais à l’heure actuelle, les maths font partie de ce processus, ne privons pas les élèves qui ne feront pas de maths ultérieurement de ces capacités. En plus il y a quand même des économistes qui ont besoin de faire des maths.J’ai eu des élèves qui sont partis à l’INSEE, issus de la filière ES. On a toujours 3 ou 4 élèves par classe qui sont bons en maths.

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Une participante - Les mathématiques ne sont-elles pas la seule discipline qui soit idéo-logiquement neutre ? (avec la physique). En philo, le programme change, il n’y a plus d’histoire en terminale, et cela converge avec l’attaque sur les SES. Les maths sont une discipline rassurante pour un pouvoir qui veut influencer la jeunesse.

Jean-Pierre Malrieu - Je ne crois pas que ce pouvoir soit à l’origine du processus de sélection. C’est un phénomène historique ; les scientifiques ont gagné ou accédé petit à petit au pouvoir dans la société française, sur la base d’un discours de modernité, de rationalisation, pour le meilleur et pour le pire car cela à conduit à l’élitisme des classes préparatoires. Il ne faut pas y voir un calcul mal intentionné Actuellement, les inten-tions affichées sont de remettre en cause cette sélection. Mais les décisions ne sont pas conformes aux intentions affichées. Et il y a quand même d’autres savoirs qui sont idéo-logiquement neutres.

Une participante - Vous dites que les mathématiques sont idéologiquement neutres, je dis non. Quand j’explique à mes élèves comment faire une dissertation en organisant sa pensée, il faut mettre en jeu des processus très complexes. Il y a de la part des élèves de première S un mépris de cela. Pour moi la première S fabrique des schizo. Les formations en musique ont besoin autant de langage que de chiffres.

Jean-Pierre Malrieu - Je crois toujours que les mathématiques sont idéologiquement neutres, mais elles sont une pièce dans un processus qui n’est pas neutre, le système mé-ritocratique français. Les mathématiques sont censées faire appel à des capacités de rai-sonnement et de calcul, et à ce titre elles apparaissent plus objectives dans le processus de sélection et ne renvoient pas les individus à leurs dons personnels. Elles sont donc essen-tielles comme élément du processus républicain qui est la base de notre système politique. Ceci leur donne un rôle idéologique mais ce n’est pas leur contenu qui est idéologique.

Une participante - Comment en est-on arrivé à cette ségrégation de niveau ? Les élèves de niveaux sociaux défavorisés n’arrivent pas à atteindre l’université.

J’ai vu cela à mon niveau car je suis rentrée à l’INSA en 83, et cette école avait la voca-tion d’accueillir des élèves de niveau plus modeste, mais ce type d’école est en train de réfléchir pour améliorer les acquis sociologiques des élèves car les enseignants constatent un manque.

Par exemple pour l’économie, il leur manque des bases. Cela veut dire qu’on a formé des jeunes qui sont incapables après de travailler dans les entreprises. Et le problème vient peut-être même avant, à cause de la compétition qu’on leur fait subir. Même les enseignants de primaire ont du mal à appliquer des méthodes où la compétition ne serait pas mise en avant. On entend tellement dire que c’est la concurrence qui fait avancer les choses et cela conduit à de l’individualisme.

Jean-Pierre Malrieu - Vous avez dit beaucoup de choses mais j’en retiendrais une. Vous avez dit : on enseigne l’économie trop tard aux ingénieurs, de même pour les sciences sociales. En effet les élèves scientifiques n’ont pas reçu d’enseignement en économie. Il est prévu de leur en donner un, mais il n’est pas accompagné d’enseignement de sciences

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sociales. Quand est-ce que ce manque est décelé ? En fin de cursus d’école d’ingénieur, au moment où ils sont l’objet des sollicitations des entreprises. Pendant toute sa scolarité, l’élève est en plein dans l’idée de la science, la grandeur du savoir etc. Puis il commence à entendre parler d’argent. Les entreprises viennent les voir et financent certaines activités ou même repas. Il y a un passage de l’autre côté des choses qui n’est pas neutre pour lui. L’élève peut même culpabiliser un peu face à sa vocation et la réalité du monde du travail qui manipule de l’argent.

Et c’est à ce moment-là qu’il reçoit des cours de sciences sociales. On lui explique : l’homme n’est pas une machine, quand tu vas parler aux autres individus sur ton lieu de travail, il va falloir dire bonjour de telle et telle façon, il va falloir que tu t’intéresses à eux, et face à un problème social il y a toujours une solution, comme en math : à tel problème telle solution.

Les élèves ne sont pas préparés à encadrer, et il faut le faire dans les derniers jours de leur scolarité, à un moment où ils sont vulnérables psychologiquement et sont en train de bas-culer (pas du côté obscur de la force, quand même pas…) dans l’univers de l’entreprise. Je crois qu’il y a un problème. S’ils avaient un enseignement d’économie et de sciences sociales en amont, avant que se posent chez eux les questions d’argent et la venue de représentants des entreprises, ils auraient une vision plus objective, plus distanciée et ils seraient meilleurs ensuite dans leur fonction d’encadrement. Ils ont même des stages pour apprendre comment manipuler quelqu’un, comment on le flatte etc. tout comme le jeune n’est pas très formé sur les questions environnementales. Il y a beaucoup de lacunes dans l’enseignement du scientifique, l’économie en est une, les sciences sociales une autre, et le lycée doit faire quelque chose.

Il y aura peut-être un progrès puisqu’il sera possible que l’élève en S choisisse économie approfondie en option

Une participante - Je voudrais savoir s’il y a des études, au sein de l’OCDE par exemple, sur l’impact de l’apprentissage précoce de l’économie chez les jeunes de 16-18 ans. J’ai l’impression que des jeunes qui ont reçu un minimum d’enseignement sur ce qu’est un budget, sur ce que cela représente de faire un emprunt à la banque avec des intérêts coû-teux, peuvent en retenir quelque chose dans leur vie d’adulte. On a vu qu’aux États-Unis, la crise vient du fait qu’une multitude de personnes avaient emprunté sans être vraiment solvables. Est-ce qu’un enseignement en économie chez les jeunes peut éviter ce type de comportement à grande échelle

Jean-Pierre Malrieu - Une étude comme cela, je n’en connais pas. Je ne crois pas que l’économie soit évaluée dans le cadre des enquêtes internationales sur l’enseignement, en particulier lors des enquêtes PISA (6). On n’a pas de retour d’expérience sur les différents systèmes d’enseignement de l’économie.

Est-ce que former davantage les gens à l’économie peut leur éviter des comportements à risques ? Les banquiers sont supposés être des experts sur ces questions de risques éco-

(6) PISA est une enquête menée tous les trois ans auprès de jeunes de 15 ans dans les 30 pays membres de l’OCDE et dans de nombreux pays partenaires.

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nomiques, mais ce sont eux qui poussent les gens à souscrire à ces crédits. Même faire de hautes études dans ce domaine n’a pas empêché les gens de prendre des risques, mais l’État a mis en place des incitations. On peut dire que l’enseignement ne peut pas faire de mal, mais que cela garantisse que les gens agissent de manière prudente, c’est un autre problème. Ce lien n’est pas complètement impossible. J’apprends à mes élèves l’intermé-diation bancaire, qu’est-ce que l’intérêt, qu’est ce que l’expertise bancaire, qu’est ce que la valeur du crédit. Un élève qui sort de ce type de cours sait que l’argent peut s’évaporer et… qu’il doit écouter son banquier. Mais si la personne est devant une maison qui lui plaît et que son banquier lui prête l’argent pour l’acheter, je ne sais pas si elle se souvien-dra de mes cours.

Un participant - L’enseignement de la macro économie est beaucoup lié aux idéologies, et si on a la volonté de ne pas les lier, il y a un bon moyen de le faire, c’est de mathéma-tiser l’économie. L’économie est alors basée sur les maths et elle n’est pas idéologique.

Est-ce qu’il n’y a pas, à tous les niveaux de l’enseignement, une volonté de mathématiser l’économie pour ne pas parler des aspects de société ou de principes idéologiques

Jean-Pierre Malrieu - Il n’est pas question pour l’instant de trop mathématiser l’éco-nomie au lycée. En seconde, on aborde la micro économie avec des fondamentaux, mais cela ne sera pas formalisé. En terminale, dans les cours d’économie pure, cela va pointer son nez.Mais la mathématisation ne garantit pas spécialement la neutralité idéologique. Car même s’il y en a une apparence, l’idéologie ressort avec les contenus et aussi avec le choix des sujets, qui conduisent à des biais idéologiques. Il faut rappeler que la plupart des travaux de mathématisation de l’économie ont été faits dans un cadre qui est celui de l’économie néo-classique, qui avait pour but de démonter que le marché est une super méthode pour organiser les échanges, et qu’il ne fallait pas trop le contester. Les messages issus de cette économie hautement mathématisée ont eu une connotation très forte.

Mais les économistes, dans les universités, ne se pensent pas comme des idéologues, ils se pensent comme des savants. La plupart le sont. Et ils ne sont pas contents de leurs travaux pour leur satisfaction personnelle, mais parce que cela correspond à ce qu’ils voient du monde qui les entoure. Parfois aussi ils sont aussi loin de la réalité du monde, et parfois ils sont soumis à des incitations car il est plus facile de publier des résultats formels. Bernard Guerrien (7) l’a dit : vous ne pouvez rien publier si ce n’est pas formel. Cela laisse de côté des quantités de faits qui sont réels, mais dont on ne peut pas parler car on ne sait pas les mathématiser.

(7) bernard Guerrien est un économiste français, docteur en mathématiques et docteur en sciences économiques, et maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Mathématicien devenu économiste, il dénonce la plupart des utilisations des mathématiques en économie, qu’il considère comme absurdes. Membre de l’AfIS (Association française pour l’information scientifique), il soutient le mouvement des étudiants pour la réforme de l’enseignement de l’économie. Il s’intéresse tout particulièrement à la crise actuelle, qui remet en cause de facto le discours dominant en économie, tel qu’on le trouve dans les ouvrages de microéconomie et de macroéconomie. Il a présenté ses idées au GREP en 2008.

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Je ne pense pas que la mathématisation nous aidera face à nos problèmes. Je souhaite qu’elle ne soit pas trop précoce. En tant que personne, j’adorerais le faire car cela me plaît, mais j’aurais honte de le faire en tant que citoyen, parce que je suis comme Ber-nard Guerrien, je pense que ce sont des fables : elles ne sont pas fausses car elles ont une certaine logique, elles sont simplement sans grand intérêt. Elles ne nous disent rien d’intéressant sur le monde.

Partir dans cette direction me ferait très mal. Cela m’amuserait en tant que personne car c’est rigolo à faire, mais il serait très dommage que cela prenne trop de place dans l’en-seignement. Pourtant il y a une pression très forte pour qu’on introduise cela en terminale.On va voir, il ne faut peut-être pas désespérer. Les experts qui font les programmes ne sont pas des imbéciles. Il est possible qu’ils arrivent à trouver quand même un bon équi-libre entre un peu de formalisation et en même temps une approche critique qui fasse que l’élève en comprenne les limites : couplé à des mécanismes d’analyse statistique, cela peut déboucher sur quelque chose d’intéressant. La partie n’est pas perdue, pour l’instant, mais il y a un gros risque qu’on transpose de la micro formalisée et sans intérêt issue de l’université dans le secondaire.

Un participant - Pourquoi ne partez-vous pas à l’assaut, plutôt que de mener une guerre défensive ? Pourquoi ne réclamez-vous pas que l’enseignement des sciences économies et sociales fasse partie du bagage minimum de l’honnête homme ?

Jean-Pierre Malrieu - C’est ce que fait l’APSES. Elle milite depuis des années sur l’en-seignement de l’économie sous forme de Sciences Économiques et Sociales (les SES) pour tous au lycée. Sur ce point l’APSES est offensive, Elle utilise tous ses leviers. Elle descend dans la rue, elle participe au JECO (8). Elle tient son discours tout le temps et partout où elle le peut avec tous les moyens d’action dont elle dispose. Pas au nom d’une conception de l’« honnête homme », mais du fait qu’il y a aujourd’hui une troisième culture qui a autant droit de cité, au nom de la démocratie. Elle dit : « voici les contenus culturels qui seraient le troisième pilier de la culture moderne, et tout le monde doit pou-voir y accéder ». L’APSES a été assez offensive de ce point de vue-là. Ses actions sont nombreuses, son lobbying est intense et cette association se démène beaucoup sur ce sujet. Mais elle est tellement attaquée qu’elle a une position défensive face à ces attaques.

Le 2 décembre 2009.

(8) JECO : Les Journées de l’Economie se proposent de présenter une véritable pédagogie de l’économie, qui permette à tous une meilleure appréhension des mécanismes économiques

JEAN-PIERRE MALRIEU

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Jean Pierre Malrieu est docteur en Sociologie et Sciences Politiques de l’Institut Uni-versitaire Européen de florence et agrégé de Sciences Sociales. Il enseigne, à temps partiel, les Sciences Économiques et Sociales au lycée M. berthelot à Toulouse. Il dirige EducLab, une société de développement logiciel qui fournit des solutions en ligne pour l’éducation.

Bibliographie :

Pour un exemple de critique des SES :http://www.canalacademie.com/L-enseignement-de-l-economie-dans.html

Pour une mise en perspective de ces critiques :http://www.apses.org/initiatives-actions/les-outils-pour-l-action/article/de-l-a-peu-pres-a-la-calomnie-dix.html

Pour un recueil assez exhaustif des débats autour des SES et de la filière ES dans les média : http://www.apses.org/debats-enjeux/ses-et-serie-es-dans-les-media/

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