on a retrouvÉ hippocampe · à lui, présumé disparu. ... eric, c’est à qui posera le plus de...

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TRADITION Texte Eric Vibart. Photos Laurent Charpentier. 33 En 1955, Jean Lacombe traversa l’Atlantique à bord d’un bateau de sa conception de 5,50 mètres : Hippocampe. Ce voilier libertaire illustrait la vitalité d’un héros modeste, plus tard engagé dans les transats en solitaire de 1960 et 1964 avec, entre autres, un célèbre Golif de 6,50 mètres. Hippocampe restait, quant à lui, présumé disparu. Nous l’avons retrouvé aux Etats-Unis. Avec bonheur. ON A RETROUVÉ HIPPOCAMPE ! Réunion de famille. Roy, son épouse Wanda et Hippocampe devant la maison où ils vivent avec chat et chien recueillis avec bienveillance. Roy ne se laisse pas démonter par l’ampleur du travail pour que le bateau retrouve sa splendeur passée (ci-contre, en 1955). F in novembre dans un coin perdu de Caroline du Nord. Deux coups frappés à la porte d’une humble maison en bois déclenchent une déferlante d’aboiements. Agita- tion confuse, des objets cascadent sur le sol. Roy Mascari, un reste de che- veux longs en bataille, tee-shirt verdâtre, bas de jogging tire-bouchonné, surgit comme un diable à ressort. A peine pré- sentés, nous voilà saisis par une accola- de sans ménagement. Pieds nus dans l’herbe, abordant tous les sujets à la fois, Roy nous entraîne dans une danse de sioux – quand bien même sommes- nous en territoire cherokee – autour d’une coque devenue sculpture mo der- ne. Le Jack Russel s’époumone tou- jours : «Stop it, Roses ! Stop !» Roy, 70 ans, revenu de son travail de nuit peu avant notre arrivée, se révèle tout aussi impossible à interrompre. Un débit si rapide que des phrases en - tières nous échappent. Puis, après une bonne demi-heure, l’homme se fige : «Hé, les gars, ça caille ! Attendez là, je vais passer un pull !» Partagés entre fou rire et sidération, Laurent et moi disposons enfin d’un moment pour con templer Hippocampe en silence, effleurer sa co- que, sonder ses plaies. Il n’est guère pa- ré pour un concours d’élé gance, «no tre» Hippocampe, mais il est enfin là. L’étra- ve béante, vidée de son bois pourri, laisse chaque bord déchi ré à distance l’un de l’autre. N’en subsistent pour ARCHIVES LACOMBE

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Page 1: ON A RETROUVÉ HIPPOCAMPE · à lui, présumé disparu. ... Eric, c’est à qui posera le plus de questions sur les détails de ce bateau à la petitesse confondante. Esprit de géométrie

TRADITION

Texte Eric Vibart. Photos Laurent Charpentier.

33

En 1955, Jean Lacombe traversa l’Atlantique à bord d’un bateau de sa conceptionde 5,50 mètres : Hippocampe. Ce voilier libertaire illustrait la vitalité d’un hérosmodeste, plus tard engagé dans les transats en solitaire de 1960 et 1964 avec,

entre autres, un célèbre Golif de 6,50 mètres. Hippocampe restait, quant à lui, présumé disparu. Nous l’avons retrouvé aux Etats-Unis. Avec bonheur.

ON A RETROUVÉHIPPOCAMPE !

Réunion de famille. Roy, son épouseWanda et Hippocampe devant la maisonoù ils vivent avec chat et chien recueillisavec bienveillance. Roy ne se laisse pasdémonter par l’ampleur du travail pour que le bateau retrouve sa splendeurpassée (ci-contre, en 1955).

Fin novembre dans un coin perdude Caroline du Nord. Deux coupsfrappés à la porte d’une humblemaison en bois déclenchent unedéferlante d’aboiements. Agita-tion confuse, des objets cascadent

sur le sol. Roy Mascari, un reste de che-veux longs en bataille, tee-shirt verdâtre,bas de jogging tire-bouchonné, surgitcomme un diable à ressort. A peine pré-sentés, nous voilà saisis par une accola -de sans ménagement. Pieds nus dansl’herbe, abordant tous les sujets à lafois, Roy nous entraîne dans une dansede sioux – quand bien même sommes-nous en territoire cherokee – autourd’une coque devenue sculpture mo der -ne. Le Jack Russel s’époumone tou-jours : «Stop it, Roses ! Stop !» Roy, 70 ans, revenu de son travail de

nuit peu avant notre arrivée, se révèletout aussi impossible à interrompre.Un débit si rapide que des phrases en -tières nous échappent. Puis, après unebonne demi-heure, l’homme se fige :«Hé, les gars, ça caille ! Attendez là, je vaispasser un pull !» Partagés entre fou rireet sidération, Laurent et moi disposonsenfin d’un moment pour con templerHippocampe en silence, effleurer sa co -que, sonder ses plaies. Il n’est guère pa -ré pour un concours d’élé gance, «no tre»Hippocampe, mais il est enfin là. L’étra -ve béante, vidée de son bois pourri,laisse chaque bord déchi ré à distancel’un de l’autre. N’en subsistent pour

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Sur des roulettes.Après un Paris-Toulonen train avant la traversée de 1955,c’est cette fois sur remorque qu’Hippocampe estpassé, cahin-caha, de la Virginie à laCaroline du Nord.

Première sortie.Le 26 août dernier,

Roy Mascari tire prudemment ses

premiers et derniersbords avant de tirerHippocampe à terrepour restauration.

Une longue séduction. Il aurafallu trois ans pourque Roy obtienne la propriété d’Hippocampe. Le nom jamaischangé du bateaufacilita les recherches.

Presque arrivé ! Lors de son escale à Atlantic Cityen juillet 1956, Lacombe, rayonnant, a quasiment terminéune traversée qu’ilachèvera à New Yorkoù il séjournera unetrentaine d’années.

neusement, en tournant la manivelled’un vieux projecteur d’enfant. Au fil des rendez-vous, Guy me re -

mit davantage de documents, de pa -piers, mais surtout des bobines defilms de grand diamètre en boîtesd’acier marquées par le temps. Celacommençait à faire beaucoup pour unignare en cinéma connu pour être leplus mauvais photographe de la revue.Heureusement, l’ami Laurent Char-pentier était là ! Lacombe devint notresujet et il nous aura fallu de longs moispour visionner près de sept heures derushes, découvrir et inventorier des sé -quences historiques, enthousiasman -tes par leur qualité et l’esprit de leursprises de vues. «Would you like to climb in ?» de man -

de Roy approchant une échelle de l’ar-rière du bateau. «Mind your steps !»L’emplacement du cockpit paraît mi -nuscule, peut-être un mètre de long,une quarantaine de centimètres auplus étroit. La profondeur est en revan -

che impressionnante. Prenant garde àses appuis, on se glisse après quelquescontorsions dans une co quille sombreà forte odeur d’écorce après l’averse,descente dans le cœur arrêté d’uneaventure modeste et inouïe. Même siles emménagements ont été modifiésdepuis la mise à l’eau du bateau endécembre 1953, l’ensemble reste pro-tecteur. Je songe à ce qu’en a dit Jeanavec sa bonhomie sans réplique : «J’en-tends le vent qui siffle dans les haubans etla mer bouillonner sur la coque. M’enfous, c’est dehors ; moi, je suis dedans.»Roy passe une tête par la descente etme bombarde de questions : où était le

l’instant que deux ailes stylisées élan-cées dans le bleu très pur du ciel, im -pression accentuée par la hauteur ex -ceptionnelle de la coque dont le tirantd’eau atteint 1,20 mètre pour seu le -ment 4,70 mètres à la flottaison.«She’s one of a kind !» lance Roy qui

nous a rejoints, réchauffé par un grospull bleu, de solides chaussures, et quiparaît davantage dominer son enthou-siasme. Certes, il n’y en eut pas deuxcomme Hippocampe, bateau juvénile,fondateur, cotre norvégien miniaturequi reste l’un des plus petits voiliers àavoir traversé l’Atlantique. La suitenous confirmera ce que nous pressen-tions : Hippocampe et Roy sont faitspour s’entendre.Tout a débuté à Paris, au Salon

nautique 1996. Guy Lacombe, frèrede Jean, vint sur notre stand annon-cer la disparition du navigateur ou -blié. Quelques semaines plus tard,ma première rencontre avec Guy etson épouse Gisèle, couple chaleureuxs’il en est, marquait le début d’unebelle complicité. Dès lors, commençade se dérouler l’enfance des trois frè -res Lacombe, les événements fami-liaux, la vie méconnue de Jean auxEtats-Unis dont la traversée à bordd’Hippocampe avait constitué le voya -

ge d’immigration. Un tout premiervoyage épique mené sans le sou entreToulon et New York, avec escales etéchouages entre Barcelone, Mazagan,les Canaries, où le bateau jeté à lacôte traversa même un isthme parvoie de terre, halé sur des rondins à laforce des bras de tout un village.Quant au comportement d’Hippo-campe, le seul récit publié du vivantde Jean, «A moi l’Atlantique», nelaisse guère de doutes. Le cotre lilli-putien est inconfortable au possible.Gîtard, il progresse liston dans l’eau,mouil le, tape dans la vague, se trim-balle «à la vitesse d’un enfant qui joue àla ma relle», mais avance malgré tout.Jean étant décédé en Martinique, Guyen avait rapporté souvenirs et docu-ments : correspondances, manuscritsinédits, photos, livres. «Et puis ça aus -si !» m’annonça-t-il, ouvrant un car-ton plein de bobines de films de troisminutes. Une vingtaine, emportée«pour voir», fut visionnée précaution-

LES ARCHIVES DE JEAN LACOMBE NOUS ONT RÉVÉLÉ DES TRÉSORS, UNE HISTOIREINTIME ET MARGINALE DE LA PLAISANCE

DES ANNÉES SOIXANTE.

pléter le sujet. Faute de budget, nousirions à nos frais avec une caméra prêtée.Depuis l’origine, une question persis-

tait : où étaient passés les voiliers deJean ? Pour faire court, tous ses ba teauxsont documentés, qu’il s’agisse d’unitésde série ou d’éléments retrouvés dansses archives. Seul échappe le juvénile etfondateur Hippocampe, mi nuscule cotrenorvégien imaginé par Lacombe, arti-san maroquinier en mal d’évasion. Avecun soin infini et un désarmant bonsens, Jean avait dessiné des lignes etconstruit au dixième un modèle navi-gant de son transatlanti que de 5,50 mè -tres, objet que j’avais examiné et photo-graphié chez Guy et Gisèle. Cons truiten lattes d’acajou de 24 millimètres col-lées sur chant par le chantier Croizer deSartrouville, procédé avant-coureur dustrip-planking, Hippocampe était un chard’assaut. Jean en avait calculé le lestcomme nul au tre : «Il m’a suffi de remplirla baignoire, d’y faire flotter mon modèle enle lestant jusqu’à ce que l’eau atteigne laligne de flottaison. D’après le principed’Archimè de, il me suffisait de peser l’en-semble pour obtenir le déplacement. Celui-ci était de deux kilos. Il fallait donc que levrai ba teau pèse, tout armé pour la traver-sée, 2 000 kilos […] Pour calculer le lestj’en avais fait une forme en bois, l’avaismoulé dans du plâtre puis coulée en plomb.En appliquant le rapport de densité duplomb à la fonte et en multipliant par mille,j’obtins 875 kilos.» Corrigeant ce calculha sardeux, Jean rajoutera quelquesmois plus tard 280 kilos de lest inté-rieur en ferraille et ciment.

réchaud ? Ce meuble existait-il ? Et ceséquipets ? Cette cloison ? «C’est, dit-il,que je tiens à une restauration la plus au -thentique possible !»

UN ARTICLE, DEUX DVD, 18 ANS D’ENQUÊTE

Aboutissement des entretiens avecGuy et Gisèle Lacombe, de la recherchede témoins et de l’étude des archives,l’article consacré à Jean ne parut qu’enavril 2001 (voir VV n° 362). En 2007,Laurent et moi réalisions un petit docu-mentaire pour un DVD Voiles et Voiliersutilisant des passages du seul film

monté par Jean pour illustrer ses confé-rences (à voir sur voilesetvoiliers.com etYouTube). Puis, pendant des années, leprojet d’un docu mentaire professionnelde 52 minutes nous préoccupa. Sans ré -sultats tangibles. Au moment où nousnous apprêtions à tout abandonner,notre amie la réalisatrice FabienneIssartel reprenait le dossier et, en quel -ques mois, décrochait producteur etfinancement minimum. Pour Laurent etmoi, il n’y avait plus à balancer. Lacombeayant passé trente ans de sa vie à NewYork, il nous fallait nous rendre auxEtats-Unis interviewer les derniers amisde Jean et son ex-compagne pour com-

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Conférence au sommet. Entre Roy etEric, c’est à qui poserale plus de questionssur les détails de cebateau à la petitesseconfondante.

Esprit de géométrie.L’ingéniosité de Roy nous aura été précieuse poureffectuer un relevé de coque et de superstructures qui,débuté au matin,s’acheva à la lumièredes projecteurs.

Paradoxal. Petitdehors, presque vaste à l’intérieur, Hippocampe navigua69 jours des Canariesà Porto Rico avec eauet vivres en suffisance.Le cloisonnementn’est pas d’origine.

La boucle bouclée.Stimulante et émouvante rencontreentre nos journalistes,Eric Vibart (à gauche),Laurent Charpentier(à droite) et Roy Mascari (au centre),nouveau capitaine del’Hippocampe retrouvé.

«Look ! interpelle Roy, brandissantune billette de fonte de 25 centimètresde long sur 4 à 5 centimètres de section,j’en ai retiré un paquet comme ça !» Desrestes de ciment s’émiettent en frottantla pièce. Mais ce ne fut pas le plus grostravail de Roy qui a passé les dernièressemaines à arracher le doublage verre-polyester stratifié sur la coque à uneépoque indéterminée. «C’était dur ?» «Tuparles ! Autant dépouiller un alligator !»En dessous, des mauvaises surprises sesont révélées : étrave pourrie, fonds ron-gés par endroits, lattes à changer… Lesinfiltrations par le pont et le manqued’entretien n’ont rien pardonné. Mais lors de la réalisation du docu-

mentaire, le sort d’Hippocampe demeu-rait inconnu. Peu avant notre départaux Etats-Unis, pour tenter d’en avoir lecœur net, j’adressai près de 300 emailsaux marinas et clubs nautiques de lacôte Est, autour de New York, à LongIsland, dans le Connecticut et le NewJersey, supposant que le bateau, s’ilavait survécu, aurait pu rester dans sazone géographique d’origine. Peu deréponses, aucune positive. Mais monmessage parvint à Bridget Walter, rédac-trice en chef d’une revue Internet deLong Island, Li Sail, qui me proposad’écrire un article en anglais, m’assurantque ses lecteurs adoreraient se lancerdans une chasse au trésor. Je bouclai enhâte une traduction anglaise de l’articlede Voiles de 2001, papier rapidementmis en ligne et suivi d’une grande pagede Bridget exhortant ses lecteurs à parta-ger toute information utile. Mais aucunretour, silence absolu.

CANULAR OU TROUVAILLE INOUÏE ?

Fabienne Issartel réalisa un 52 mi -nutes intitulé «Moi, Jean Lacombe,marin et cinéaste». Diffusé de multi-ples fois sur France 3, il obtint le prix«Mémoire de la Mer 2014» dans la ca -tégorie film documentaire. Mais tou-jours rien sur Hippocampe, jusqu’à unenuit du printemps dernier où l’insom-nie m’avait conduit vers mon ordina-teur. A 4 heu res du matin arriva unemail qui aurait filé directement à lapoubelle s’il n’avait eu pour objet «Hip -po campe». Mes sage obscur. Dans unanglais né buleux (je devais apprendreplus tard que Roy utilisait une tablettepeu prati que), un certain Roy Mascarime laissait entendre qu’il avait retrou -vé Hippocampe et tentait de l’acquérir.Mascari, Mascarille, mascarade, monpremier sentiment fut de soupçonnerun canular. Je répondis néanmoins,demandant photos et ex pli cations.Quel ques jours plus tard arriva une ré -

Little Snug Harbor Marina, à Deltaville,Virginie, il avait découvert Hippocampecapot de descente ouvert, pont verdâtreet coque pleine d’eau. «Un scandale !s’exclame Roy, mais en le visitant, j’aicompris tout de suite qu’il n’avait rien decommun. Il s’en dégageait une impressionde solidité et de qualités marines, même s’ildoit être très gîtard. J’en suis tombé amou-reux. Il me le fallait absolument mais letype qui le possédait refusait le contact.»

HIPPOCAMPE, 1953

Caractéristiques. Architecte : Jean Lacombe.Constructeur : chantier Croizer, Sartrouville. Longueur, 5,50 m. Longueur flottaison, 4,70 m. Largeur, 1,94 m. Largeur flottaison, 1,60 m. Franc-bord avant, 0,85 m. Franc-bord arrière, 0,60 m. Tirant d’eau, 1,20 m. Voilure au près, 25 m2.Déplacement, 2,3 t à vide. Lest, 875 kg externe, 280 kg interne.

«AU PREMIER EXAMEN,J’AI COMPRIS QUE CE BATEAU N’AVAITRIEN DE COMMUN. IL S’EN DÉGAGEAIT

UNE IMPRESSION DEFORCE, DE SOLIDITÉ.»

Le nom en lettres de laiton miracu-leusement restées sur le capot coulis-sant, Roy fit une recherche et, bien quene parlant pas un mot de français, dé -couvrit le livre de Jean Lacombe «A moil’Atlantique» puis l’article de Li Sail quilui donnèrent l’essentiel des informa-tions manquantes. Sans beaucoup demoyens financiers – ce qui le rappro -che de Lacombe – et doué d’un sensinné de la récupération et de la dé -brouillardise qui confine au mimé-tisme, Roy finit par acquérir Hippo-campe pour les 500 dollars que sonpropriétaire devait à la marina. Ilacquit une remorque dé glinguée, larépara et, en août dernier, perdant uneroue en route et ré parant de nouveau,finit par parcourir 400 miles sous unepluie battante pour rapporter le ba -teau chez lui. Touchant une maigreretraite, Roy travaille chaque nuit de 3 à7 heures du matin à décharger descamions chez Federal Express pouracquérir un peu de «play money» dontune fraction sert à restaurer Hippo-campe. «Et puis ça maintient en forme !»s’exclame Roy gonflant ses bicepscomme un lutteur de foire.Chapeau l’artiste ! Hippocampe, qui

demande une restauration en profon-deur, a trouvé un bonhomme digne de

lui, une sorte de Lacombe, d’ailleurs àpeine plus grand que lui, partagé entreingénuité et sensibilité, ingéniosité etdétermination. L’aide tonique qu’ilnous apporta pour effectuer le relevé dela coque ne fut qu’une succession d’ha-biletés judicieuses. Roy, dont Hippocam -pe est le sept ou huitième bateau, n’a riend’un plaisantin. Grâce à lui, à Bridget, àbeaucoup d’autres et à une longue chaî -ne de rencontres, le sort d’Hippocampe,cotre hauturier lilliputien, est élucidé.

doute pour Laurent et moi : il s’agis-sait très probablement d’Hippocampe.Il fallut des semaines pour que Roy

nous adresse enfin des images complè -tes du bateau et même des vues sousvoiles prises lors d’une sortie menée àbord de cette semi-épave qu’il avait dé -couverte trois ans plus tôt lors de sespropres pérégrinations à bord de Bla-kie, sa vieille baleinière convertie envoilier. Abandonné sur un ponton de

Nous savons tous que les voilierssont des objets «chargés», ethniques,«magico-religieux». Comme Joshua oules répliques du Spray, comme Damienou l’épave d’Anahita, comme chaquefois que des êtres humains ont misleur âme dans un bateau, œuvre d’artpar principe, quand bien même ap -proximative, déroutante ou naïve. AvecHippocampe et Roy Mascari, l’esprit deJean Lacombe continue de souffler etc’est bien là l’essentiel. �

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pon se tout aussi confuse et sans ima -ges. Un plaisantin ou quelqu’uns’étant trompé de ba teau ? Bridget, surle ré pondeur de qui Roy avait déposéun message, partageait mes doutes.Quelques emails plus tard, il devenaitévident que mon correspondant ne te -nait pas à me donner trop de préci-sions tant que le bateau ne serait pas àlui. Enfin arrivèrent trois photos dedétails en plans très serrés. L’uned’elles, révélant le rouf caractéristiquedu bateau, leva en grande partie le

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