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Cybergeo : European Journal of Geography Politique, Culture, Représentations ............................................................................................................................................................................................................................................................................................... Frédéric Lasserre La nouvelle carte du Québec : illustration de la nation ? ............................................................................................................................................................................................................................................................................................... Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sous réserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluant toute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue, l'auteur et la référence du document. Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales développé par le Cléo, Centre pour l'édition électronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV). ............................................................................................................................................................................................................................................................................................... Référence électronique Frédéric Lasserre, « La nouvelle carte du Québec : illustration de la nation ? », Cybergeo : European Journal of Geography [En ligne], Politique, Culture, Représentations, document 195, mis en ligne le 12 octobre 2001. URL : http://cybergeo.revues.org/index4323.html DOI : en cours d'attribution Éditeur : CNRS-UMR Géographie-cités 8504 http://cybergeo.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://cybergeo.revues.org/index4323.html Document généré automatiquement le 03 janvier 2011. © CNRS-UMR Géographie-cités 8504

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Cybergeo : European Journalof GeographyPolitique, Culture, Représentations

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Frédéric Lasserre

La nouvelle carte du Québec :illustration de la nation ?...............................................................................................................................................................................................................................................................................................

AvertissementLe contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive del'éditeur.Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sousréserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluanttoute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue,l'auteur et la référence du document.Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législationen vigueur en France.

Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales développé par le Cléo, Centre pour l'éditionélectronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV).

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Référence électroniqueFrédéric Lasserre, « La nouvelle carte du Québec : illustration de la nation ? »,  Cybergeo : European Journal ofGeography [En ligne], Politique, Culture, Représentations, document 195, mis en ligne le 12 octobre 2001. URL :http://cybergeo.revues.org/index4323.htmlDOI : en cours d'attribution

Éditeur : CNRS-UMR Géographie-cités 8504http://cybergeo.revues.orghttp://www.revues.org

Document accessible en ligne sur :http://cybergeo.revues.org/index4323.htmlDocument généré automatiquement le 03 janvier 2011.© CNRS-UMR Géographie-cités 8504

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La nouvelle carte du Québec : illustration de la nation ? 2

Cybergeo : European Journal of Geography

Frédéric Lasserre

La nouvelle carte du Québec : illustrationde la nation ?

1 On peut voir une profusion de réflexions sur la "nation québécoise" sur les rayons deslibraires du Québec. Alors que, au Canada anglais, l’un des thèmes majeurs de discussionidentitaire consiste à deviser, sans doute pour mieux s’en convaincre, des différences entrele Canada et les voisins américains, au Québec, la question soulevée par ces réflexionssur la nation québécoise porte non pas sur l’existence de cette nation, mais plutôt sur sadéfinition. Qu’englobe-t-elle ? Quels groupes sociaux et/ou linguistiques en font partie, oudevraient en faire partie ? Dans un discours prononcé en janvier 1980, le ministre québécoisde l’Aménagement, Jacques Léonard, posait ainsi la question, au sujet du Québec : "de quelterritoire s’agit-il ?"1. Mais le foisonnement de ces questions et des conséquences qu’en tirentleurs auteurs masque l’absence de réflexion sur le territoire du Québec, sur le territoire de cettenation que l’on prétend définir.

2 La représentation cartographique même du Québec paraît déficiente. Parmi les cartes diffuséesauprès du grand public, on recense tout d’abord la carte routière du ministère des Transportsdu Québec au 1/1 000 000e, vendue par les Publications du Québec, et qui illustre le systèmeroutier québécois au sud du 50e parallèle, soit sur un tiers du territoire seulement2. Unagrandissement du corridor Montréal-Québec y est intégré au 1/500 000e. Il y a aussi la carteofficielle, dessinée par le ministère des Ressources naturelles (MRN), dite "carte jaune" dufait de sa teinte en format affiche. On note aussi, création du département de géographie del’Université du Québec à Montréal, la présence d’un Atlas du Québec sur internet, en coursde construction3. Mais c’est là tout ce que le citoyen lambda peut trouver  ; il n’aura pasmoyen de se procurer non plus la pléthore de cartes régionales ou locales, routières ou derandonnées, qui sont monnaie courante dans de nombreux pays européens. Ainsi, le territoirequébécois apparaît-il peu illustré, peu représenté cartographiquement. Cette lacune illustre-t-elle un faible investissement affectif du territoire par les Québécois ? Le succès de la nouvellecarte publiée par les Publications du Québec depuis 1998 permet-elle au contraire d’en imputerla cause à une simple pauvre tradition de représentation graphique du territoire  ? Et cettecarte traduit-elle, justement, un renouvellement de la réflexion spatiale du gouvernementquébécois ?

Où est la nation ?3 Apparue au cours de la Révolution tranquille, dans les années 1960, l’idée de nation

québécoise suscite encore de fervents débats. Il ne s’agit pas tant de discuter de son existence,aujourd’hui admise par le plus grand nombre, mais de cerner ce que recouvre la notion.Pourtant, parmi les nombreuses réflexions qui se publient chaque année, peu évoquent l’idéeque le concept de nation, pour politique qu’il soit, recouvre aussi une dimension géopolitique,puisque tôt ou tard se pose la question du territoire de cette nation. Elle ne va pas autant desoi que bon nombre de Québécois le pensent, ne serait-ce que parce que, justement, la notionde nation québécoise recouvre des acceptions encore assez différentes.

4 Ainsi, dans un recueil de réflexions de nombreux intellectuels sur la nation québécoise, publiésuite à un colloque organisé par le Programme d’études sur le Québec de l’université McGillle 8 octobre 1999, on ne recense que 4 articles sur 16 qui mentionnent la problématiquede son territoire ; et encore, l’article de Denys Delâge ne fait-il que passer fort rapidementsur la notion de territoire4. Si les trois autres penseurs la mentionnent, c’est en tant que

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fondement d’une nation civique  : "la nation est politique et l’espace public, son territoired’affirmation"5 ; "l’État du Québec, c’est ainsi qu’il se désigne, ne peut agir qu’au nom deceux qui habitent son territoire"6  ; Jocelyn Létourneau, quant à lui, développe une thèse,déjà exposée par l’auteur de ces lignes, sur le renforcement contemporain des représentationsterritoriales de la nation : "cette culture publique [québécoise] partagée n’est pas à fondementethnique, mais bien territorial. […] La dualisation de la collectivité canadienne, sur une baseterritoriale plutôt qu’ethnique, est l’un des processus (re)structurants parmi les plus puissantsqui caractérisent actuellement le pays."7 Il corrobore l’idée, que j’ai déjà développée ailleurs8,d’enracinement de la notion de nation canadienne dans la vastitude d’un territoire structurésur des bases fonctionnelles d’un océan à l’autre ; et d’effacement concomitant de la notion decollectivité canadienne-française dispersée sur un vaste territoire, vestige de l’empire françaisdes Amériques, au profit de celle d’une nation québécoise enracinée dans son territoire, leQuébec, pourtant créature administrative britannique.

5 Noter cette absence relative ne relève pas de l’observation accessoire. En effet, un des axesmajeurs du débat sur la notion de nation québécoise se rapporte à sa nature civique ou ethnique,pour en reprendre les termes, ou, autrement dit, de savoir si cette représentation de la nationquébécoise ne traverse que sa composante francophone – et ce, sans préjuger de sa tolérance,dans un Québec indépendant, envers ses composantes anglophone et allophone - ou si, aucontraire, la nation québécoise englobe nécessairement, parce qu’il s’agit du Québec, toutesles composantes de la société, quelle que soit leur origine linguistique. Sans doute par soucide prévenir tout procès d’intolérance, de nombreux intellectuels indépendantistes avancentla thèse que le Québec est devenu une nation politique ou civique, à vocation inclusive, etqui se définit donc comme l’ensemble des citoyens habitant son territoire. On en déduit ainsi,bien que le raisonnement ne soit pas poussé jusque là dans les discours, que ce sont donc lesfrontières du Québec qui définiraient la nation, par ailleurs majoritairement francophone.

Qu’englobe la nation ?6 En lieu et place de développements sur cette idée d’une nation québécoise ancrée dans son

territoire, notion encore rare, comme on l’a vu, les débats portent souvent sur l’intégration desminorités à cette nation (minorités anglophone et autochtones, mais surtout minorités issuesde l’immigration récente, ou allophones), ou sur la nécessité historique de l’indépendance,achèvement, présenté comme nécessaire, de la construction nationale. Ces prises de positionnégligent le fait que, d’une part, la nation, représentation sociopolitique de l’histoire, peutparfaitement exister sans nécessairement se donner un État indépendant9. Alors que leconcept de nation québécoise ne fait plus débat au sein de la classe politique du Québec10,et que même certains analystes anglophones, comme Charles Taylor, reconnaissent sonexistence, on néglige, d’autre part, de préciser ce que cette nation englobe au sein de lapopulation québécoise. Et pour cause : tout d’abord, le mouvement indépendantiste s’efforcede minimiser le fait que le concept d’une nation québécoise mobilise essentiellement lescomposantes francophones de cette société, et qu’elle trouve très peu d’ancrages au sein descomposantes anglophone et allophone. Par ailleurs, les fédéralistes du Parti libéral du Québec(PLQ), souvent soucieux des prérogatives du Québec au sein de l’État fédéral canadien,semblent répugner à donner des arguments aux détracteurs du concept de nation québécoiseen soulignant son caractère fondamentalement francophone, et donc pas aussi détaché decette dimension culturelle que le souhaiteraient les indépendantistes, très soucieux d’allerchercher des voix dans les communautés allophones pour un éventuel troisième référendum.De cet équilibre des calculs politiques, résulte la notion très largement diffusée d’unenation québécoise, certes, mais aux contours indéterminés, que de nombreux intellectuelssouverainistes souhaiteraient civique, c’est à dire englobant l’ensemble des groupes culturelsqui composent la société québécoise, mais sans aller jusqu’au bout de leur raisonnement, à

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savoir que c’est alors le territoire qui définit le Québec, et que le Québec devra assumer saforte part d’héritage politique britannique.

7 En effet, l’accent est souvent mis sur le français comme langue publique et sur la partd’héritage historique (ponctuée d’éléments conflictuels comme la Cession de 1763, larébellion des Patriotes de 1837-38, la rébellion des Métis francophones de 1885…) ; or, lesgroupes anglophones et allophones adhèrent difficilement à cette représentation de l’histoire ;non pas parce qu’ils estiment qu’elle est inexacte, mais parce qu’en tant que représentation,mettant l’accent sur des éléments historiques particuliers, elle produit un discours auquel ils nesauraient s’identifier. Adopter le discours d’une nation, certes francophone, mais définie surune base territoriale, permettrait sans doute de contourner cet écueil, mais risquerait de poseralors, aux yeux de certains souverainistes, la question de la légitimité de l’État du Québec,héritier de la colonie britannique de la Province of Quebec, puis du Bas-Canada. Ce caractèrebritannique de l’État du Québec, institué par la Proclamation royale de 1763, l’Acte de Québecde 1774 puis l’Acte Constitutionnel de 1791 – et largement oublié de nos jours - est pourtantla raison qui a poussé certains souverainistes québécois, dans les années 1960, à proposer derejeter la notion de Québec pour bâtir un État indépendant sous un autre nom11.

Le souvenir du Canada français8 Les représentations territoriales et historiques des Québécois ne facilitent pas l’identification

d’un territoire qui serait la seule base de définition de la nation québécoise. En effet, si l’idéede "nationalité canadienne-française", pour reprendre l’expression employée à la fin du XIXe

siècle, s’évanouit concurremment à l’avènement de l’idée de nation québécoise, l’attachementau Canada n’en demeure pas moins important au sein de la population, même francophone,du Québec. Le Canada était une réalité francophone, autre nom de la Nouvelle-France ; seshabitants se sont longtemps définis comme Canadiens, par opposition aux occupants, les"Anglais". "Les Montagnes Rocheuses font partie de notre héritage  : Marquette et Joliet yétaient les premiers", disait René Lévesque, pourtant ardent promoteur de l’idée nationale auQuébec. Peu à peu, les immigrants britanniques ont repris les symboles identitaires canadiens :ainsi, la feuille d’érable, aujourd’hui indissociable de l’État fédéral, était à l’origine le symbolede la Société Saint-Jean Baptiste, groupe de pression francophone. Pour Jean Morisset,l’abandon de l’identité canadienne au profit de la québécoise, incarnée donc dans le territoired’une colonie britannique, constitue l’aveu de défaite suprême des francophones du Canada :"En se créant une identité québécoise sur le dos d’une identité canadienne méprisée, le peuplefranco-américain du Pays de Canada a rejeté ses fondements identitaires et mythiques les plusprofonds. Ce qui apparaît, a posteriori, comme l’aliénation achevée et l’abdication suprême."12

9 Cette composante canadienne de l’identité québécoise, que bon nombre de Québécoisne jugent pas contradictoire, est à la base des "ancrages multiples" dont parle JocelynLétourneau13  : une identité duelle, constituée d’un fort investissement identitaire envers leQuébec, considéré comme le foyer de référence, et un attachement latent envers le Canada,perçu comme une construction d’origine française en terre d’Amérique et dont on gardela mémoire, perçu aussi comme un héritage politique contemporain dont les valeurs sontdésormais celles des Québécois.

Une nation civique implique des relations avec l’ensembledes citoyens, donc une conscience territoriale.

10 Un autre écueil à l’émergence d’une définition territoriale de la nation réside dans la faibleconscience territoriale des Québécois. Certes, une représentation du territoire existe  ; maisla conscience du territoire demeure encore faible. "Le pouvoir québécois se vit encore entermes peu spatialisés", notait une lettre du Bureau du sous-ministre de l’Environnement duQuébec en 198214. "Tout se passe comme si la géographie québécoise n’avait pas travaillé

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à construire sa propre représentation territoriale15", du moins, à préciser les représentationsdes Québécois, à les structurer, à les rationaliser. "Au Québec, le territoire est resté de l’ordredu sensible, de l’intuition, de l’expérience peu rationalisée. […] Au moment de réfléchir etd’agir, les citoyens sont devant une forme ‘d’analphabétisme territorial’". De cette situation, ilrésulte une survalorisation, positive ou négative, accordée aux représentations territoriales duQuébec construites de l’extérieur. "Bon nombre d’événements illustrent cela. Mentionnons,à titre d’exemples, les positions développées lors des crises autochtones, l’absence de débatde fond sur la montée des partitionnismes, le flou dans lequel se développe le débat surla décentralisation, ou encore l’éclat que font régulièrement des magazines européens ouaméricains avec leurs interprétations du ‘dilemme québécois’"16. Les deux auteurs soulignentl’importance de la connaissance géographique, de la conscience de son territoire et, partant, decelui des autres, pour asseoir une véritable citoyenneté, une véritable communauté civique :"le territoire joue un rôle dans la configuration et la définition de la collectivité. Il délimitespatialement les liens sociaux et participe à leur reproduction. Il médiatise les rapports del’humain à l’environnement, du social au physique, de l’individu au collectif, du privé aupublic, du local au global17." "L’expression ‘conscience territoriale’ signifie donc, au senslarge, l’engagement civique qui résulte de la conscience d’appartenir à un espace socialisé,un ‘lieu pratiqué’".18

Défense et illustration de la nation canadienne11 La relative absence de représentation territoriale précise du territoire du Québec contraste

avec la pratique canadienne. Le gouvernement fédéral ne s’est jamais fait faute d’illustrer lefondement de la représentation dominante du Canada, un vaste espace, d’un océan à l’autre,que ne vient mailler aucune césure culturelle. Les groupes de citoyens peuvent être divers,en témoigne la politique officielle de multiculturalisme  ; mais leur diversité culturelle nes’enracine pas dans le territoire, ne développe pas d’identité territoriale.

12 Cette pratique est relativement récente, car, lors de la fondation de la Confédération, en 1867,le Dominion du Canada n’était pas conçu, par le personnel politique que l’on a appelé parla suite les "Pères de la Confédération", comme l’avènement d’une nouvelle nation, bien aucontraire : l’union des colonies britanniques d’Amérique du Nord devait surtout faciliter ladéfense des terres de l’empire britannique en Amérique face au voisin américain, perçu, àtort ou à raison, comme expansionniste. Après la guerre de Sécession, Londres, évaluant lepotentiel militaire des États-Unis, a décidé de retirer ses troupes et de confier les affairesmilitaires des colonies à un gouvernement qui unirait leurs forces. Le gouvernement fédéraln’incarnait pas, aux yeux des gouvernements des colonies qui acceptaient de se fédérer,le reflet d’une quelconque nouvelle nation à laquelle ils souhaitaient adhérer, mais biensimplement un système administratif commode, et destiné à préserver l’ordre impérial. Ainsi,le premier Premier ministre du Canada, Sir John A. Macdonald, déclarait en 1891 : "Je suisné britannique et mourrai britannique"19. Ce n’est qu’après la Deuxième Guerre mondialeque se développe une identité nationale canadienne, alors pourtant même que le Canadaétait formellement indépendant du Royaume-Uni depuis le Statut de Westminster de 1931.Ottawa entreprit alors de prendre des mesures destinées à renforcer, à promouvoir ce sentimentnational : celui-ci est une construction récente et encore en évolution20. En 1946 est adoptéela loi sur la citoyenneté canadienne, lui conférant ainsi un statut distinct de la citoyennetébritannique. En 1949, la Cour Suprême devient l’ultime recours judiciaire, cependant qu’estaboli le droit de porter des causes devant le Comité judiciaire du Conseil privé de Londres : lesaffaires juridiques proprement canadiennes ne relèveraient plus de la Couronne britannique.À partir du début des années 1950, le terme de "Dominion" est discrètement écarté, et Ottawacommence à parler de "nation" canadienne21.

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13 Faute de pouvoir se définir par une culture très différente de celle du voisin méridional, etsoucieux de ne donner aucune légitimité territoriale à la moindre revendication identitaire,le gouvernement fédéral a repris l’idée canadienne-française, rapidement adoptée par lesanglophones, d’un vaste espace d’un océan à l’autre. Cette représentation a été abondammentillustrée grâce aux timbres et aux pièces de monnaies, notamment, avec des séries illustrantcertaines régions du Canada, ou accordant, dans des séries postérieures, un élément à chaqueprovince ou territoire, et dont le dernier avatar est la suite de pièces commémoratives de 25¢ de 1999.

14 On observe ainsi, dès 1927, plusieurs séries philatéliques qui représentent divers paysagescanadiens. Une lecture attentive révèle que ces paysages, localisables ou non, constituenttoujours une suite, un ensemble cohérent : chaque timbre se veut un représentant archétypaldes paysages de l’Atlantique, du Bouclier, de la vallée du Saint-Laurent, des Prairies, desRocheuses, puis, à partir de 1967, de l’Arctique.

15 Les paysages représentés sont aisément identifiables, et tel semble être le but : émettre une sériedont le citoyen pourra comprendre, au premier coup d’oeil, la volonté de constituer un portraitdu Canada et de ses régions, schématiquement définies précédemment. De plus, lorsque despaires sont émises (1972, villes de Québec et de Vancouver ; 1977, Parcs nationaux de Fundy etde Kluane), on veille à ce qu’elles représentent des points fort éloignés l'un de l'autre, presqueà chaque bout du pays : Vancouver et Québec, la baie de Fundy et les montagnes de Kluane,réunies au sein de la même paire, est-il meilleure illustration de l'unité du Canada malgré sonimmensité, de sa cohésion d’un océan à l’autre ? À travers ces séries de paysages, d’archétypesrégionaux, transparaît l’intention de souligner, certes la dimension extrême du pays, maissurtout, à travers la récurrence de ces archétypes, son unité, et l'appartenance indiscutable dechacun de ces paysages à l'ensemble canadien, de l'Atlantique au Pacifique en passant parl’Arctique22.

16 Avatar contemporain de ce désir d’illustrer le territoire canadien uni d’un océan à l’autre, leSentier national canadien, décidé en 1992 pour le 125e anniversaire de la Confédération, estun long chemin pédestre bâti de l’Atlantique au Pacifique et à l’Arctique, qui a fait l’objetd’importantes campagnes de promotion publicitaire et de financement populaire en 1995,1997, puis en 1998-99 ; des séquences publicitaires pour des automobiles 4x4 le prenaientcomme faire-valoir ; de nombreux articles ont été publiés pour le décrire ; et des livres pourconter le plus long sentier touristique du monde (16 000 km)23. La charge émotive que laconstruction de ce sentier représente au Canada anglais transparaît à travers ce témoignage :"Le Sentier national canadien forgera un lien entre les trois océans du pays. Il y a là unsymbolisme fort. C’est aussi important que la construction du chemin de fer national"24. Il estpar ailleurs intéressant de noter que seule la version française de son nom comporte la mention"national", puisqu’en anglais il s’agit du Trans Canada Trail.

17 À l’inverse, au Québec, on recense fort peu d’illustrations de l’espace dans le quotidien, mêmede marque de relation du territoire avec ses habitants. Par exemple, sur le réseau routier,aucune indication, autre que les noms des rivières et des municipalités, ne vient ponctuerle cheminement des voyageurs, ce qui contraste avec la pratique française, notamment,d’indiquer à chaque hameau, à chaque gorge, à chaque col, à chaque tunnel ou viaduc, le nom,voire l’altitude de l’objet géographique ainsi identifié, signifiants de la représentation d’unterritoire habité, arpenté, parcouru, nommé : en un mot, pensé.

18 Il n’y a pas non plus, au Québec, le pendant des ouvrages de vulgarisation géographique pourles enfants que l’on trouve en France, comme La France de découverte en découverte25, héritiermoderne et moins politisé du Tour de France par deux enfants26, conçu et publié précisémentà cette époque pour renforcer la conscience territoriale des écoliers…

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Les cartes du Québec : l’ancien et le nouveauUne conception utilitariste de l’espace cartographié

19 La représentation cartographique la plus connue des Québécois demeure celle de la carteroutière, déclinée selon la même projection et le même graphisme depuis des années, et la carteofficielle, préparée et réalisée par le ministère des Ressources naturelles. Cette carte, dite "cartejaune" du fait de sa couleur dominante en grand format (publié en 1989), présente le Québec, enprojection Mercator classique, enserré dans un cadre qui borne strictement l’espace représentéau seul territoire du Québec. Étriqué, le très maigre espace autour du Québec semble dire quela représentation cartographique de la carte ne fait pas sens seule : elle doit être comprise unefois replacée dans un tout, qui reste à interpréter : s’agit-il du Canada ? De l’Amérique duNord ? De sa partie orientale ?

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Figure 1 : Carte officielle du Québec, ministère des Ressources naturelles (MRN)

20 Quelques agglomérations sont représentées, quelques routes (aucune sur la carte verte enformat lettre, 1984, Fig. 1), mais l’impression générale qui se dégage d’un tel document,où l’accent est mis sur l’espace et le réseau hydrographique, est celle d’un territoire vide etisomorphe.

21 La version de la carte publiée en juillet 2000 sur le site du MRN27 simplifie le cheveluhydrographique, mais présente encore moins de localités dans le sud du Québec, où seconcentre pourtant 95% de la population, tout en mettant davantage l’accent qu’auparavantsur les aménagements hydroélectriques du ‘nord’, par exemple en renforçant la visibilitégraphique des réservoirs, Cabonga, Gouin, Manicouagan, Caniapiscau, Robert-Bourassa, LaGrande 1 et 2 (Fig. 2).

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Figure 2 : carte du Québec du MRN, 2000.

22 Il pouvait sembler étonnant que la responsabilité de concevoir la carte officielle du Québecincombe au ministère des Ressources naturelles, non pas que la direction que la cartographiequi a présidé à sa conception ne soit pas compétente, mais bien parce que l’image du territoirequi en découlerait risquait fort de refléter les représentations dudit ministère. Pour celui-ci,le Québec est un vaste pays, certes habité dans sa partie méridionale, mais riche de vastesforêts boréales à exploiter, de vastes espaces à prospecter, de puissantes rivières à harnacher.La carte produite corrobore cette hypothèse. Le Québec qu'elle représente ne semble porterqu’une population réduite assez également répartie sur les deux tiers de son territoire, et il neparaît pas structuré par des habitants que l’on ne voit guère. De même, il semble n’entreteniraucune relation avec son cadre nord-américain. En un mot, l’image de la carte officielle de1984 n’était pas porteuse de sens : elle dépeint un espace, mais non pas un territoire en tantqu’il pourrait être pensé, parcouru, aménagé.

La nouvelle carte : un Québec habité et situé dans le monde23 En 1998, le groupe de travail chargé de la commémoration du 50e anniversaire du drapeau

québécois, rattaché au ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, s’est lancédans la réalisation de ce qui, au départ, se voulait une affiche, et non une carte officielle duQuébec. L’idée principale derrière ce projet cartographique était de refléter le territoire duQuébec. De le refléter, et donc de le situer dans son contexte nord-américain, à savoir l’estde l’Amérique du Nord : la Nouvelle-Angleterre, les Grands Lacs, l’Ontario, les provincesmaritimes du Canada, l’ouest de l’Atlantique sont ainsi aisément identifiables, ainsi que lesaxes de communication, vallée du Saint-Laurent permettant de remonter profondément enAmérique du nord à partir de l’océan ; couloir du lac Champlain et de la vallée de l’Hudsonentre Montréal et New York  ; système des Grands Lacs  ; infrastructures ferroviaires etroutières majeures, dessertes maritimes. Il s’agissait aussi de souligner la mise en valeur duterritoire. Pour cela, une projection différente (Lambert conique conforme) et une mise enperspective qui mettent en valeur le sud du Québec ont été adoptées, en dépit des difficultéspratiques inhérentes à ce choix – introduction d'une distorsion qui fait considérablementvarier l’échelle. La population est mieux située et de très nombreuses localités sont indiquées,tout comme sont nommés un grand nombre des éléments qui constituent ce territoire. Onremarquera aussi que le nom même de ce territoire – Québec – est également mieux mis envaleur. Prenant le contre-pied des cartes officielles précédentes, la nouvelle carte établit lamarque d’une population sur un espace qu’elle considère comme son territoire, et situe celui-ci dans son contexte régional.

La carte illustre la nation24 Après un accueil initial un peu surpris, la plupart des ministères ont rapidement adopté la

nouvelle carte ; elle occupe une place importante sur le site internet du Premier ministre, ce quilui confère un statut quasi officiel28 (Fig. 3). Le premier ministre du Québec, Bernard Landry,pensait sans doute à celle-ci et à sa projection novatrice lorsqu'il a estimé qu'une "carte ducontinent tracée selon les flux économiques esquisserait des contours nouveaux. On y verraitque le Québec fait partie intégrante de l'économie régionale du nord-est de l'Amérique29".La représentation du territoire du Québec introduite par cette carte va en effet dans le sensdes discours de M. Landry qui insiste sur l'avènement de la nation québécoise. Le MRN lui-même, au début réticent et surpris de voir une carte du Québec préparée par un autre servicegouvernemental, a non seulement adopté la nouvelle carte (sans pour autant se départir de sonancienne représentation), mais encore s’en est servi pour illustrer des cartons d’invitation à desréceptions, tout en s’en inspirant pour concevoir des cartes destinées à un plus large public ;en témoigne la dernière carte du relief, publiée en mai 2001, et pour laquelle un réel effortde vulgarisation et de mise en page a été effectué. Enfin, la carte-affiche a été distribuée, via

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l'Association des Professeurs d'Hisoire et l'Association des Professeurs de Géographie dansles écoles secondaires du Québec.

25 Il semble que ce soit, au reste, la vertu première de la nouvelle carte du Québec : d’être lisiblepar le plus grand nombre, de faire sens, de permettre de se situer, de s’associer à un territoire.Proposée, à l’automne 2000, à l’initiative d’une étudiante en journalisme à d’autres étudiantsde première année de géographie, de journalisme et de sciences politiques à l’université Laval,la carte y a connu un très vif succès : plusieurs dizaines de copies ont été vendues en quelquesminutes. Il semble que la nouvelle carte soit populaire parce qu’elle permet une lecture facilede ce qu’est le territoire du Québec. En témoignent ces réflexions recueillies en 1998 : "Surcelle-là [la carte jaune], même si tu la regardes, tu ne sais pas où tu restes. Tu ne te vois pas.Sur celle-ci [la carte affiche], c’est bien plus facile de se situer. On sait tout de suite où onreste, où est-ce qu’on est. On se situe tout de suite30."

Figure 3 : la nouvelle carte du Québec

26 Satisfait de l’accueil très favorable du public envers sa carte, conforté par les complimentsque représente la diffusion de la carte sur le site du premier ministre et par l’adhésion desdivers ministères, certains fonctionnaires du groupe de travail ont alors lancé une réflexionquant à la possibilité de créer un Institut de cartographie, sur le modèle de l’IGN français,afin de constituer un organisme capable d’illustrer le territoire, de le représenter et d’assurerla diffusion de ses cartes auprès du public.

27 Indice de la force de représentation de la carte pour illustrer un territoire et des prétentionsgéopolitiques, le ministère des Relations internationales a fait imprimer, à l’occasion duSommet des Amériques d’avril 2001, qui se tenait à Québec, une carte postale arborant lanouvelle carte et la mention "Une nation d’Amérique et d’avenir" (Fig. 4).

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Figure 4 : Le Québec, une nation d’Amérique et d’avenir.

28 Enfin, soulignant le rôle de l'illustration cartographique du territoire dans la représentationnationale, la présence de ce groupe de travail au sein du ministère des Relations avec lescitoyens et de l'Immigration, ministère dont le mandat consiste à promouvoir l'émergencede l'idée d'une nation civique québécoise, constitue un symbole éloquent, du désir dediffuser l’idée de la nation et de son territoire au plus grand nombre. Avec ce rattachementadministratif, c’est le concept de nation civique qui transparaît  : la nation québécoise estl’ensemble des habitants du Québec, y compris les anglophones et les allophones. Reste àsavoir si, au cours des prochaines années, cette conception nationale passera des francophonesaux autres groupes de la société québécoise.

29 La naissance de la nouvelle carte du Québec a souligné deux points importants : tout d’abord,le déficit de représentation cartographique manifeste et l’expression du souhait populaire dela diffusion d’une illustration qui ne soit pas simplement l’image exacte mais aride d’unespace dont les ressources naturelles sont à exploiter, mais bien l’image d’un territoire pensé,vécu, conçu, bref représenté. Ensuite, l'arrivée de la carte dans les bureaux gouvernementauxconstitue une convergence entre l'action gouvernementale et l'action militante tant du Partilibéral du Québec (PLQ, opposition) que du Parti québécois envers leur territoire. La nationque ce dernier invoque en presque toute occasion doit peut-être s’élargir à tous les groupes dela société québécoise, et il s’agit là d’un projet politique. Pour ce faire, illustrer la conceptionterritoriale de la nation québécoise grâce à une belle carte s’est avéré un levier providentiel.

Notes

1 "Le géographe et l’aménagement du territoire", discours du ministre Léonard, janvier 1980.2 Il est vrai que le réseau routier et la densité de population au nord du 50e parallèle est assez faible...3 http://www.atlasduquebec.qc.ca/atlas/accueil.htm4 Unique mention en préambule au développement qui suit, "Le projet souverainiste du Québec […]devrait consister à réaliser sur son territoire le pacte des peuples fondateurs…", Denys Delâge, "LeQuébec et les Autochtones", in Michel Venne (dir.), Penser la nation québécoise, Québec Amériques,Montréal, 2000, p.215.

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5 Claude Bariteau, "Le Québec comme nation politique, démocratique et souveraine", in Michel Venne(dir.), Penser la nation québécoise, op. cit., 2000, p.2396 Danielle Juteau, "Le défi de l’option pluraliste", in Michel Venne (dir.), Penser la nation québécoise,op. cit., 2000, p.203.7 Jocelyn Létourneau, "Penser le Québec (dans le paysage canadien)", in Michel Venne (dir.), Penserla nation québécoise, op. cit., 2000, p.1058 Frédéric Lasserre, Le Canada d’un mythe à l’autre. Territoire et représentations territoriales, HMH,Montréal, 19989 Que l’on se réfère à la définition d’Ernest Renan : "Une nation est donc une grande solidarité, constituéepar le sentiment des sacrifices qu'on a faits et de ceux qu'on est disposé à faire encore. Elle suppose unpassé ; elle se résume pourtant dans le présent par un fait tangible : le consentement, le désir clairementexprimé de continuer la vie commune." La définition de la nation est donc politique : celle-ci existe, defaçon parfaitement subjective, dès lors qu’un groupe d’individu nourrit la représentation, l’idée qu’ilsforment une nation. Qu'est-ce qu'une nation ?, par Ernest Renan, conférence faite en Sorbonne, le 11mars 188210 Les trois principaux partis, représentés à l’Assemblée Nationale du Québec, le Parti québécois (PQ),le Parti libéral (PLQ) et l’Action démocratique (ADQ), estiment tous trois que le Québec constitue unenation11 Ainsi Raymond Barbeau parle-t-il de Laurentie pour nommer le futur pays indépendant qu’il appellede ses vœux en 1961 dans J’ai choisi l’indépendance, Éditions de l’Homme, Montréal.12 Jean Morisset, L'identité usurpée. 1- L'Amérique écartée. Nouvelle Optique, Montréal, 1985, p. 20 ;cité par Frédéric Lasserre, Le Canada d’un mythe à l’autre. Territoire et représentations territoriales,op. cit., 1998, p.186.13 Jocelyn Létourneau, "Penser le Québec (dans le paysage canadien)", in Michel Venne (dir.), Penserla nation québécoise, op. cit., 2000, p.11314 Lettre du 7 décembre 1982 adressée à Pierre George, Paris.15 Juan-Luis Klein et Suzanne Laurin, "L’éducation géographique", dans J-L. Klein et S. Laurin (sous ladir.), L’éducation géographique. Formation du citoyen et conscience territoriale, Presses Universitairesdu Québec, Sainte-Foy, 1999, p.216 Klein et Laurin, op. cit., 1999, p.317 Klein et Laurin, "Conclusion : citoyenneté active et conscience territoriale", dans Klein et Laurin(dir.), L’éducation géographique, op. cit., 1999, p. 23918 "Géographie et conscience territoriale", texte signé de nombreux géographes et universitaires, LaPresse, Montréal, 8 juin 199919 Cité par Kenneth McRoberts, Un pays à refaire. L’échec des politiques constitutionnellescanadiennes. Boréal, Montréal, 1998, p.2220 Louis Dupont, "My nation is not a country, my country has no nation", Political Geography, vol.13,n°2, 1994, pp.188-19121 Kenneth McRoberts, Un pays à refaire, op. cit., pp.48-4922 Frédéric Lasserre, Le Canada d’un mythe à l’autre. Territoire et représentations territoriales, HMH,Montréal, 1998, pp.133-13623 John de Visser et al, TransCanada Trail. The 16 000 km Dream, Boston Mills Press, Toronto, 200024 "The Trans Canada Trail will forge a link to the country's three oceans. There's a strong symbolism.It's as relevant as the opening of the national railway.", John Bellini, dans Helena Katz, "Trans CanadaTrail Blazer", McGill News, Université McGill, Montréal, automne 200025 François Michel, Pierre Commenge et Volker Theinhardt, La France de découverte en découverte,Bayard, Paris, 199526 G. Bruno, Le tour de France par deux enfants, Eugène Belin, Paris, 189327 http://www.mrn.gouv.qc.ca/5/50/501/générale.asp#générale28 http://www.premier.gouv.qc.ca/premier/francais/le_quebec/index_horizon.html29 Le soleil, 17 octobre 200130 Propos d’employés de bureau recueillis par un fonctionnaire du ministère des Transports,gouvernement du Québec, 8 janvier 1998. C’est moi qui souligne

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Pour citer cet article

Référence électroniqueFrédéric Lasserre, « La nouvelle carte du Québec : illustration de la nation ? »,  Cybergeo : EuropeanJournal of Geography [En ligne], Politique, Culture, Représentations, document 195, mis en ligne le12 octobre 2001. URL : http://cybergeo.revues.org/index4323.html

À propos de l'auteur

Frédéric [email protected] Professeur adjoint, département de Géographie, Université Laval,Québec. Chercheur régulier, Institut québécois des Hautes études internationales (IQHEI), Québec

Droits d'auteur

© CNRS-UMR Géographie-cités 8504

Résumé / Abstract

 Alors qu’une profusion de réflexions sont diffusées aujourd’hui sur le concept de nationquébécoise, peu d’entre elles abordent l’idée qu’une nation est aussi un concept géopolitique,et suppose un territoire. Ce constat est à mettre en relation avec l’extrême pauvreté de lareprésentation cartographique du Québec. La publication récente d’une nouvelle carte, conçuepar des instances plus politiques, et qui trouve un accueil très positif au sein du public, illustrecependant une conception du territoire du Québec très différente des cartes précédentes.Elle illustre à quel point la carte est aussi un outil géopolitique, établissant un lien entrereprésentation graphique du territoire et définition du territoire national.Mots clés :  nation, carte, cartographie, géopolitique, Québec, territoire

The new Quebec map : illustrating the Nation ?Whereas several texts and articles have been published about the concept of a Québec nation,few of them tackle with the idea that the nation is also a geopolitical image and impliesa territory. This parallels the extreme poverty of cartographic representation of Québec.However, the recent publishing of a new map, designed within political circles, happens tofind a warm welcome among the public ; this new map depicts a territorial image of Québecthat is very different from the previous ones. It illustrates the geopolitical dimension of map-making, as the establishes a direct link between the graphic image of a territory and the debatesurrounding the definition of the national territory.Keywords :  cartography, nation, map, geopolitics, Québec, territory