«octobre», le nouveau roman d'oscar coop-phane

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oscar coop-phane OCTOBRE roman FINITUDE RENTRÉE LITTÉRAIRE 2014

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En librairie le 4 septembre 2014

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Page 1: «Octobre»,  le nouveau roman d'Oscar Coop-Phane

oscar coop-phane

OCTOBREroman

FINITUDE

RENTRÉE LITTÉRAIRE 2014

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oscar coop-phaneOCTOBRE

roman

FINITUDE

Contact presse éditions Finitude :Emma Boizet / 05 56 79 23 06 / [email protected]

En librairie le 4 septembre 2014

Page 4: «Octobre»,  le nouveau roman d'Oscar Coop-Phane

Oscar Coop-Phane

Oscar Coop-Phane vient d’avoir25 ans. Il a la bougeotte. Aprèsquelques années d’études, il metle cap sur Berlin parce que« c’est romantique d’écrire àBerlin à 20 ans ». Il en ramèneraquelques désillusions et unroman, Zénith-Hôtel (Finitude,2012), qui sera couronné par lePrix de Flore. Retour à Paris,retour aux petits boulots.

Barman à Belleville la nuit ; le jour, il travaille à DemainBerlin (Finitude, 2013) près du canal Saint-Martin.Deuxième roman, deuxième succès nourri de ses aven-tures berlinoises. Depuis peu, c’est à Bruxelles qu’il adécidé de poser ses valises.

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ses deux premiers romans

Zénith-Hôtel. Finitude, 2012.

« Parole de lecteur, Zénith-Hôtel est le meilleurpremier roman de l’année. »

J.-P. Saccani, La Parisienne

« On dirait des personnages de Calet errant surles trottoirs de Bove. C’est beau, et surtoutprometteur. »

J. Garcin, Le Masque et la Plume

« Le ton vif, syncopé, de ce livre témoigne d’une belle maturité. Étonnant,pour un premier roman d’un auteur de 23 ans ! » M. Payot, L’Express

Demain Berlin. Finitude, 2013.

« Il semble presque surnaturel qu’un si jeuneauteur ait une telle maîtrise du style, une telleconnaissance de l’âme humaine. »

P. Williams, Elle

« Je préfère l’écrire noir sur blanc pour êtremieux compris : Oscar Coop-Phane est la révé-lation littéraire de l’année. Quelle entrée en litté-rature ! » F. Beigbeder, Le Figaro Magazine

« Ce deuxième roman confirme son auteur parmi les romanciers quicompteront, qui comptent déjà. » O. Mony, Livres Hebdo

oscar coop-phane zénith-hôtel

finitude

PRIX DE FLORE2012

finitude

oscar coop-phane

DEMAIN BERLIN

finitude

roman

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Rentrée littéraire septembre 2014

Oscar Coop-PhaneOctobreroman

Un volume de 144 pages,format 12 x 17 cmisbn: 978-2-36339-036-3diffusion - distribution Harmonia Mundi

14 €

En librairie le 4 septembre 2014

oscar coop-phane

OCTOBREroman

FINITUDE

À quel âge peut-on décréter que l’on a raté ou réussi sa vie?Certains diront 80 ans, d’autres 40. Jacques, lui, n’aura pasattendu si longtemps. À 28 ans, il a l’impression tenaced’avoir déjà fait le tour de son existence. A-t-il seulementvécu? Pour s’en assurer, il s’offre un dernier tour de piste,retrouve celles et ceux qu’il a aimés, arpente les lieux quiont porté ses espérances, fait l’inventaire de ses échecs. Ila la nonchalance élégante et sobre, tout en retenue, deceux qui restent émerveillés par cette vie dont ils n’attendentplus grand-chose.

« C’est une histoire d’aujourd’hui si tant est que la tristesse des hommespuisse être datée. Lorsqu’elle fut écrite hier, c’était par Drieu la Rochelle,le Feu follet, et Jacques alors s’appelait Alain. Coop-Phane nous livre dece chef-d’œuvre une version non pas vulgairement “modernisée”, maisinvestie d’une identique douleur. [...] Un livre délivré par l’un des plusprometteurs stylistes de ce temps. » Livres Hebdo

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Paris est beige quelquefois. Il y a cette odeurdans les cages d’escalier – quelque chose de l’au-tomne quand il fait beau dehors, que la vie souffle.C’est la promesse d’une dérive agréable pour lesdésœuvrés, de tas de feuilles mortes, aussi, pour lesmalheureux. Les caniveaux débordent, comme s’ilsse raclaient la gorge, et font couler leur eau saled’une rue à l’autre, jusqu’aux égouts. On se sentcomme à la fin du jour, le soleil va s’enfuir –novembre bientôt et sa mélancolie. Les pavés sepréparent à recevoir les crachats du ciel, ces glairesacides qui sécheront en petites plaques de verrepour faire glisser les vieilles et les cyclistes. Lescrânes alors se couvriront, les mains – si elles nefument – se garderont bien de sortir des pocheset l’on verra les nuits grises reprendre leur serviceavant les sorties de bureau.

OCTOBRE( les premières pages )

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N’y pensons pas. Le jour est net, les rues sontdouces et Jacques s’y promène. Il est élégant, leregard dirait-on, ou bien le menton. C’est unechose bien particulière que son allure, il a le pasde ceux qui prennent la vie comme une valse.

Il fait beau et je suis triste.Au poignet, il porte une montre fine – un bijou

de peu de valeur, c’est une Dogma. On pourraitcroire qu’un père, un oncle ou un mentor la luiaurait offerte comme on le fait chez quelques-uns, par tradition familiale. Non, cette montre,Jacques l’a achetée aux puces, à un vendeur derépliques, un vendeur qui la portait au poignet.Depuis des mois, il ne la remonte plus ; c’est unehabitude seulement de la sentir à son bras. Il estquatre heures sur la Dogma, alors que la vie coule.

On le regarde marcher et l’on comprend quecet homme-là ne porte rien dans les poches – unpaquet de cigarettes, une boîte d’allumettes, laclef, peut-être, d’une mansarde et quelquesmouchoirs séchés. Chez lui, les poches sont plutôtfaites pour y enfoncer les mains – ces mains donton ne sait pas quoi faire. C’est un mauvais clientpour les caïds, il n’a aucun trésor caché dans lecostume.

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Je suis triste, mais qui ne l’est pas ? Les amantsréguliers peut-être. Traversons la Seine aujourd’hui,ça fait longtemps. En rentrant, je cirerai meschaussures.

Jacques en faisait volontiers l’aveu, il préféraitla rive gauche – cette face brillante de Paris, quiluit, que l’on expose et où Jacques n’avait jamaishabité. Il aimait s’y perdre parfois, parce que lesfemmes apprêtées, les policiers inutiles et lesenfants soignés remplaçaient les vendeurs demarrons chauds, les clochards enivrés et la lourdefoule des travailleurs. Les filles étaient plus joliessur l’autre rive. On sentait, presque, les effluvesde parfums coûteux suivre leurs nuques alourdies.

Il y en a une là-bas, cheveux blonds et lèvresrouges. Que pourrais-je lui dire ? Que voudrais-jelui dire ?

Jeune fille, il y a quelque temps nous aurions pufaire l’amour et rire ensuite ; on aurait voyagé dansles hôtels, on aurait dormi l’un contre l’autre. Maisje ne ris plus tu sais, alors comment te prendre?

Les passantes défilaient en cadence et Jacquesne les voyait plus. On ne peut pas perdre un seulplaisir – si l’un disparaît, ce sont tous les autresqui s’envolent.

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Sans s’en apercevoir, il est arrivé devant unelibrairie qu’il connaissait bien. Porte close etrideaux tirés – tiens, il est fermé le lundi l’animal.

L’animal c’était Jérôme, un vieux copain queJacques ne voyait plus.

Qu’aurais-je fait s’il avait été ouvert ? Je luiaurais acheté un livre, à la couverture désuètecomme je les aime. M’aurait-il reconnu ? Oui,pour sûr, les visages changent si peu ; quelquesrides, des tristesses amassées sous la peau, maisles traits sont toujours là. Il y a une injusticeterrible dans tout cela, comme si les dés avaientété jetés dans la plus tendre enfance. Plus jamaison n’échappera à son visage.

Il se serait tenu derrière son bureau – cette petitebarrière qui protège les commerçants. J’auraisposé le livre sur la caisse et Jérôme, sans relever le

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regard, aurait commenté mon choix. Il auraitfermé sa boutique et l’on serait partis déjeuner,là, juste à l’angle, où il a ses habitudes.

Dans le bistrot bruyant, il m’aurait dit qu’ilaime sa vie de petit bourgeois, la liberté de sonpatronat. Il m’aurait fait un discours comme ila toujours aimé les faire – il m’aurait dit quel’on n’a jamais rien inventé de mieux que lapetite bourgeoisie, qu’il emmerde la bohème,que c’était un calvaire. Il aurait parlé de safemme à qui il fait l’amour tranquillement, deson petit chiffre d’affaires et du secteur en crise.Je le connais, il aurait détaillé ses habitudes avecfierté ; il se lève, il se rase, Catherine a préparédu café et il part travailler. À treize heures, ilferme la boutique et il vient déjeuner ici, le platdu jour et un verre de côtes-du-rhône. Il m’au-rait posé des questions sur ma vie, sans s’ensoucier, absorbé par des pensées qu’il a déjàeues, des répliques qui ont déjà servi. Je seraisparti le cœur en poche et l’on ne se serait jamaisrevu.

Jérôme, je vais le goûter ton côtes-du-rhône – ilme reste quelques billets.

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*Tu avais raison, il n’est pas dégueulasse ce

pinard. Je vais même reprendre un pichet, tiens.Le patron m’a vu – il envoie sa serveuse. Quel âgepeut-elle avoir ? Vingt-cinq, trente, trente-cinq,je n’en sais rien. Elle n’est pas laide – pas bellenon plus. Sophie, elle doit s’appeler Sophie. Elleconnaît bien son métier – ses gestes sont nets etpuis on lit dans ses yeux la violence de l’habitude.Vous n’êtes qu’un client pour Sophie ; ce n’est pasdu mépris, seulement, il y en a déjà eu tant et il yen aura tant d’autres qu’elle ne s’attarde plus surles trombines. Comme elle est polie, elle doitsourire gentiment aux avances de Jérôme. Tantqu’il ne lui touche pas la cuisse, elle veut bienjouer un instant – ce court moment où l’onattend l’autorisation de la carte bancaire. Ça yest, le ticket sort de la machine, le client va partir,on n’a plus à sourire à ses blagues hasardeuses.Les clients, ce ne sont jamais des hommes pourSophie, je veux dire des hommes comme elle enprend parfois dans son lit. Les hommes, ils neviennent pas déjeuner rue Bonaparte, plat dujour et côtes-du-rhône – non, les hommes sont

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un peu rudes et mystérieux, on ne sait jamais oùils vont, on ne sait jamais où ils traînent. Ils ontquelques liasses de petites coupures et l’on préfèrene pas savoir où ils les ont trouvées. Un homme,ça doit lui faire l’amour un peu brutalement etclaquer la porte. On les rencontre après le service,dans un bar près de chez soi ; on boit quelquestequilas et on les fait monter jusque dans son lit.

Ça y est, Sophie revient avec mon pichet. Onaurait pu se croiser un soir, de l’autre côté de laSeine et je t’aurais prise comme tous les autres. Tun’es pas mon genre, mais ça s’oublie vite tu sais.

Il commence à cogner un peu, le côtes-du-rhône. Les muscles de mon visage se relâchent,mes jambes s’allègent. J’ai toujours aimé boireseul – commencer à boire seul en tout cas. Plustard, il faudra les autres, pour rire ou pour pleurer,mais j’aime bien pratiquer mes premières fouléesen égoïste.

Tiens Sophie, j’ai surpris ton regard. Tu tedemandes peut-être ce que je fous, seul avec moi,à commander un troisième pichet. Je m’enivreSophie – il ne faut pas chercher plus loin.

*

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Elle est là, la visqueuse. Depuis des mois, ellene s’en va plus. Avant, ce n’étaient que des petitescrises que mes maîtresses prenaient pour elles.Une angoisse bien ancrée qui me venait d’un seulcoup – je n’ai jamais compris comment. Ça duraitdix ou vingt minutes, dix ou vingt minutes où ilne fallait pas me toucher. Je souriais de travers, jen’écoutais plus ce qui se jouait autour de moi etpuis ça partait, comme c’était venu. Maintenant,elle déborde – je le sais, elle ne me quittera plus.

Le pichet est bientôt fini. Une chouille decodéine et la vie prendra son cours. Jérôme, tu tesouviens de nos virées ? On rigolait bien quandmême. À quoi ressemblent-elles tes ivresses d’au-jourd’hui ? Je suppose qu’elles se tassent, commetes vertèbres. Les ivresses de vieux sont touchantes ;les tiennes sont sèches. La fontaine dont rien nejaillit. Tu es mort Jérôme, tu es peut-être encoreplus mort que moi. Ah, je te hais, je te hais parceque tu ne m’as jamais aimé. Tu n’es pas le seulmon dieu. Les deux là-bas, ils ne m’aiment paseux non plus – même leur roquet me déteste – jele sais, il me regarde de travers. Petit clébard demalheur, si je tapais du pied très fort, juste là, surle sol, à côté de toi, tu aurais la trouille de ta vie.

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Tu en oublierais tes yeux torves, je te le promets.Tu sursauterais à t’en décrocher le cœur. Tu tesentirais aussi con que tes deux maîtres qui s’em-merdent ensemble. Comme eux, tu ne saurais plustrop quoi dire, car tout est là – la trouille de mourirseul, l’obligation alors de trouver quelqu’un avecqui s’emmerder. C’est tout de même pluscommode, on partage les charges. Elle m’a repéréla bonne femme. Oui, je parle à ton clebs. Ça tedérange, peut-être, toi qui l’élèves comme ton fils ?Le seul truc pour lequel tu n’aies jamais eu detendresse. Ah si pardon, il y a eu ce militaire qui apris ta petite fleur l’été de tes dix-sept ans. Ah ça,tu étais tendre avec lui et puis il a filé, un beau jourde septembre. Tu t’es retrouvée sur la paille,infoutue d’aimer à nouveau. Ce n’est pas grave tusais, il y en a si peu qui sont capables d’aimer. Laplupart sont comme toi, debout, fiers et grillés del’intérieur. Quelque chose a pété dans le circuit,un court-jus qui leur a brisé les veines. Les veinesde l’amour sont fragiles ; il suffit d’un geste.

Sophie, combien je te dois ? Je vais marcher unpeu. Oui, je sais, tu n’en as rien à foutre.

© éditions Finitude, 2014.