occupation spatiale de cyathea muricata willd. (cyatheaceae) en forêt...
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This article was downloaded by: [Queen Mary, University of London]On: 11 October 2014, At: 12:12Publisher: Taylor & FrancisInforma Ltd Registered in England and Wales Registered Number: 1072954Registered office: Mortimer House, 37-41 Mortimer Street, London W1T 3JH,UK
Acta Botanica Gallica: BotanyLettersPublication details, including instructions for authorsand subscription information:http://www.tandfonline.com/loi/tabg20
Occupation spatiale de Cyatheamuricata Willd. (Cyatheaceae)en forêt dense humideguadeloupéenne. I-À l'échellede l'individuFranck Prugnolle a , Alain Rousteau b & MoniqueBelin-Depoux aa Laboratoire de biologie végétale tropicale ,Université Pierre et Marie Curie , 12 rue Cuvier,F-75005 , Parisb Laboratoire de biologie et physiologie végétale ,Université Antilles-Guyane , F-97110 , Pointe-à-PitrePublished online: 26 Apr 2013.
To cite this article: Franck Prugnolle , Alain Rousteau & Monique Belin-Depoux (2000)Occupation spatiale de Cyathea muricata Willd. (Cyatheaceae) en forêt dense humideguadeloupéenne. I-À l'échelle de l'individu, Acta Botanica Gallica: Botany Letters,147:4, 361-374, DOI: 10.1080/12538078.2000.10515867
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Acta Bot. Gallica, 2000, 147 (4). 361-374.
Occupation spatiale de Cyathea muricata Willd. (Cyatheaceae) en foret dense humide guadeloupeenne. I -A l'echelle de l'individu
par Franck Prugnolle( 1 ), Alain Rousteaue) et Monique Belin-Depoux( 1)
(1) Laboratoire de biologie vegetate tropical e. Universite Pierre et Marie Curie, 12 rue Cuvier. F-
75005 Paris
(2) Laboratoire de biologie et physiologie vegetate. Universite Antil/es-Guyane. F-97 110 Pointe-a
Pitre
arrive /e 12 novembre 1999, accepte Je 25 juillet 2000
Resunu!.- L'etude a ete realisee en foret dense humide guadeloupeenne a 300 m d'altitude, L'occupation de l'espace par Cyathea muricata Willd. est consideree a l'echelle de l'individu au cours de sa croissance. La mesure de Ia taille et du diametre du stipe, de Ia longueur et du nombre de frondes chez soixante-dix fougeres arborescentes permet !'interpretation suivante : Ia croissance de Cyathea muricata s'effectue selon deux phases distinctes qui determinant dans le temps deux modalites d'occupation de l'espace. Pendant Ia premiere phase. dite phase d'etablissement, Ia fougere acquiert progressivement un diametre caulinaire et une longueur foliaire maximum, landis que sa hauteur augmente peu. L'espace occupe pendant cette phase s'interprete done comme un cone renverse de 30 em de hauteur et de rayon egal, a Ia base, a Ia longueur maximale des frondes. Pendant Ia deuxieme phase ou phase adulte, seule Ia croissance en longueur est effective. le diametre du stipe et Ia longueur des frondes restent stables. L'espace occupe s'interprete done, dans le temps, comme un cylindre de rayon egal a Ia longueur maximale des frondes.
Mots-des : foret tropicale humide - Cyatheaceae- croissance - developpement - modele d'occupation spatiale.
Abstract.- A study of the spatial occupation of Cyathea muricata Willd. has been made in Guadeloupe at 300 m altitude in the tropical rain forest. We have considered the occupied space at the level of the individual during the growth. Thanks to the measure of the height, stipe diameter, length and number of fronds for some seventy tree-ferns, we demonstrated that there were two phases in the growth of Cyathea muricata. During the first phase. or establishment one, the diameter of the stipe and the length of the fronds attain their maximum whereas the height of tree-fern increases just a little. Then, the occupied space during this phase corresponds to an inverted cone with 30 em of height and a radius, at his base, equal as the maximum length of the fronds. During the second phase or adult phase, only the augmentation of the height is effective : the diameter of the stipe and the length of the fronds remain stables. Then, the occupied space corresponds to a cylinder whose radius is equal as the maximum length of the fronds.
Key-wonl1· :tropical rain forest- Cyatheaceae- growth- development- spatial occupation model.
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I. INTRODUCTION
Les fougeres arborescentes constituaient autrefois une partie importante de Ia flore mondiale et, aujourd'hui encore, elles forment une part non negligeable de Ia vegetation globale des fon:!ts tropicales humides (Lucansky, 1974b). Beaucoup d'auteurs, dont les paleobotanistes, se sont interesses a leurs structures morphologiques ou anatomiques (Ogura, 1927a et b ; Holttum, 1963, 1964 et 1965 ; Lucansky, 1974a et b ; Lucansky & White, 1974 et 1976 ). Mais leurs etudes etaient purement systematiques et taxonomiques. Rares, en effet, sont les auteurs qui ont aborde le probleme de Ia biologic et de l'ecologie des vegetaux appartenant a ce groupe. C'est seulement n!cemment que certains aspects de leur histoire de vie et de leur demographic (Ash, 1986, 1987 ; Seiler, 1981 ; Tanner, 1983 ), de leurs exigences ecologiques (Bittner & Breckle, 1995 ; Lee et a/., 1986 ; Young & Mitchell, 1994) ou de leurs roles dans l'etablissement de certaines especes epiphytes (Newton & Healey, 1989 ; Madeiros et a/., 1993) ont ete etudies.
Les ecologues definissent Ia competition interspecifique (c'est-a-dire Ia competition entre differentes especes) comme une interaction dans laquelle )'augmentation de Ia densite d'une espece conduit a Ia diminution de Ia densite et du taux de croissance d'une autre espece. Cette definition, cependant, ne prejuge en rien des mecanismes par lesquels une espece en inhibe une ou plusieurs autres. II semble toutcfois improbable, au moins pour les plantes, que cette inhibition soit le resultat direct des changements de densite de l'espece. II est plus probable que ces changements de densite affectent Ia disponibilite de ditferentcs ressources comme l'azote, l'eau, le phosphore et Ia lumiere et ainsi influencent indirectement Ia croissance d'autres especes (Tilman & Grace, 1990). Certains auteurs pensent egalement que l'espace jouerait un role dans Ia competition entre les vegetaux. En etfet, de nombreuses experiences montrent que les plantes dependent plus de l'espace que de Ia quantite de nutriments presents dans le milieu, Ia relation entre l'espace occupe par une plante et son rendement etant lineaire, tandis qu'au contraire Ia plante sature rapidement lorsque l'on augmente Ia quantite de nutriinents dans Je milieu (Papadakis, 1977). L'occupation de l'espace semble done constituer une modalite essentielle dans Ia competition entre Jes vegetaux. Une meilleure connaissance des relations entre Ia plante et l'espace permettrait certainement de mieux comprendre Ia dynamiquc de regeneration des forets, Ia succession des formes vegetales (Papadakis, 1977).
Dans notre etude. realisee en Guadeloupe, nous avons analyse quelques-uns des aspects de ('occupation spatiale d'une des trois fougeres arborescentes presente dans l'ile : Cyathea muricata Willd. Trois points ont ete abordes. Dans un premier temps, nous avons etudie )'occupation de l'espace au cours de Ia croissance de Ia fougere. Puis, a l'echelle de Ia population, nous avons analyse Ia repartition spatiale des individus en foret. Enfin, nous avons recherche )'existence d'eventuels phenomenes de competition entre les fougeres et le reste de Ia vegetation ligneuse. Cette derniere etude nous a permis d'envisager ('occupation de l'espace au sein du peuplement vegetal. Dans ce premier article, nous avons limite )'expose des resultats a Ia premiere partie de notre travail, c'est-adire a l'occupation de l'espace par Cyathea muricata au cours de sa croissance.
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II. MATERIEL ET METHODES
A. Site d'etude et materiel biologique La Guadeloupe appartient a l'arc des Petites Antilles. Elle est constituee de deux iles :
Grande Terre a l'est et Basse-Terre a l'ouest ( 16° I 0' de latitude nord ; 61 o 40' de longitude ouest).
Notre etude a ete rea Iisee sur Basse-Terre, versant oriental. C'est une ile montagneuse, d'origine volcanique, recouverte en partie de forets (Fig. Ia, b).
L'ensemble de l'archipel est situe dans Ia zone des alizes et soumis au climat tropical insulaire. Les temperatures sont tn!s elevees et regulieres (25 oc de temperature moyenne annuelle en plaine), l'atmosphere toujours humide. Ia nebulosite intense. Cependant, compte tenu de l'exposition aux alizes, Ia repartition des pluies est tres inegale : les versants orientaux au vent sont tres arroses, alors que les versants occidentaux sous le vent sont sees et lumineux. Mais un effet de foehn semble expliquer aussi l'aridite de Ia cote sous le vent de Ia Basse-Terre.
Fig. 1.- Site d'etude. a, localisation geographique de Ia Guadeloupe ; b, carte de Ia vegetation guadeloupeenne et localisation du site d'etude (La Providence).
Fig. 1.- Study site. a, the Guadeloupe geographic location; b, the Guadeloupean vegetation map and the study site location (La Providence).
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Sur le versant oriental, Ia pluviometrie annuelle augmente avec !'altitude selon des gradients variables du nord (2 400 mm a 3 500 mm entre 300 et 600 m) au sud de l'ile (4 800 mm a 10 000 mm entre 300 et I 000 m) (Rousteau, 1993).
Le site d'etude se situe pres du lieu dit La Providence, a une altitude d'environ 300 m, en foret dense humide de basse altitude. Cette foret est dominee par une Euphorbiaceae, Amanoa caribea Krug & Urban. unc Dichapetalaceae. Tapura latifhlia Bentham, et une Burseraceae. Dacryodes excelsa M .• Yah! (Rousteau, 1993 ). L'ensemble des mesures a ete realise dans une zone orientee nord-sud dont Ia pente moyenne, vers !'est, est de 4.5%.
Cyathea muricata Willd. (Cyatheaceae) est endemique des petites Antilles et constitue une plante relativement connnune a des altitudes moyennes en foret dense hum ide. Fougere arborescente monocaule (depourvue de toute ramification laterale), elle presente, adulte, une taille moyenne de 4 a 6 m. Le stipe est recouvert d'un manchon de racines adventives. Ce manchon peut disparaitre dans Ia partie mediane chez les fougeres de grande taille (superieure a 2-3m) et s'epaissir dans Ia partie basale (Howard, 1988). II assure, de cette maniere, Ia stabilisation de Ia fougere en position verticale. Le diametre du stipe, adulte, atteint I 0 a 12 em sauf dans Ia partie basale oil il peut depasser 30 em du fait de l'epaississement racinaire. Les frondes adultes, d'une longueur et largeur moyennes respectives de 2,5 et I ,5 m, presentent une phyllotaxie spiralee. Le rachis est recouvert de petits aiguillons sauf a son extremite. Les bases des frondes, mortes, persistent pendant longtemps mais peuvent disparaitre chez les individus de grande taille dans Ia partie mediane du stipe (Fig. 2) (Howard, 1988).
B. Methodes L'ensemble des mesures a ete realise sur 70 fougeres arborescentes prises aleatoirement
en fon!t dense humide guadeloupeenne de basse altitude. Plusieurs types de donnees ont ete recueillis sur le terrain.
Longueur du stipe Les mesures de longueur du stipe ont necessite !'utilisation de perches metalliques
emboitables (de 150 em chacune) et d'un metre ruban pour les fougeres comprises entre 20 em et 500 em de hauteur et d'un double decimetre pour les fougeres inferieures a 20 em.
Diametre du stipe Le diametre du stipe a ete mesure directement a !'aide d'un pied a coulisse pour les fou
geres de petite taille. Pour celles de grande taille, nous avons determine Ia circonference du Stipe a !'aide d'un metre ruban et calcule par ailleurs le diametre. Les mesures ont ete prises
- juste sous !'apex pour les fougeres de taille inferieure a 20 em, -a I 0 em de !'apex pour des fougeres de taille comprise entre 20 em et 130 em, - a 130 em du sol pour les fougeres de taille superieure.
Longueur des frondes Pour les mesures de longueur de frondes, nous avons utilise des perches metalliques
emboitables de 150 em afin de reperer Ia perpendiculaire a !'aplomb de l'extremite des frondes et un decametre afin de mesurer Ia distance entre le stipe de Ia fougere et Ia tige metallique. Nous avons considere cette distance comme etant Ia longueur des frondes.
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Fig. 2.- Morphologie de Cyathea muricata. Fig. 2.- The Cyathea muricata morphology.
Nomhre definndes
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Pour le denombrement du nombre de frondes, seules les frondes vivantes et totalement developpees ont ete prises en compte. Les frondes en crosses n'ont done pas ete denombrees.
Traitements statistiques des donnees Un test de correlation lineaire a ete utilise dans le but de tester une eventuelle correla
tion entre Ia longueur des frondes et le diametre. D'autre part un test de Spearman a ete utilise pour tester Ia relation entre Ia longueur moyenne du stipe et le nombre moyen de frondes calcules pour des classes de longueur de stipe de 5 em.
L'etude de Cyathea muricata a l'echelle de l'individu a ete completee par une etude morphologique des premiers stades de developpement du sporophyte. Cette etude purement descriptive a ete menee dans le but de comprendre plus specifiquement Ia mise en place des frondes et les etapes conduisant a Ia formation d'une tige de diametre adequat.
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Etude des premiers stades de developpement du <\porophyte A fin d'identifier Ies premiers stades de developpement du sporophyte nous sommes par
tis des stades les plus avances pour remonter progressivement jusqu'au stade prothalle. Le site etait d'ailleurs propice a ce genre d'etude puisque les seuls genres de fougeres observes ~ Hymenophyl/um. Salpichloena (espece lianescente a feuille entiere) et le genre Cyathea dont Ia seule espece presente sur le site, en sous-bois, est Cyathea muricata ~ presentent des stades juveniles sensiblement differents morphologiquement. Quelques echantillons ont ete preleves afin d'effectuer des schemas descriptifs et analytiques.
III. RESULTATS ET DISCUSSION
A. Relation entre le diametre et Ia longueur du stipe La figure 3 met en evidence un phenomene deja tres bien connu chez certaines
Monocotyledones arborescentes sans croissance secondaire (Arecaceae, Pandanaceae. Strelitziaceae) , un processus de croissance d'etablissement (Tomlinson, 1990) qui intervient pendant Ia phase dite d'etablissement et qui correspond a un ensemble de changements sur le plan morphologique et physiologique, indispensables a Ia mise en place de )'axe primaire. Chez Cyathea muricata, comme chez les Monocotyledones arborescentes citees plus haut, cette phase est caracterisee par une augmentation du diametre du stipe, qui passe de 0 a II em, tandis que Ia hauteur de l'axe caulinaire reste faible (de 0 a 30 em de hauteur). Elle se termine lorsque le diametre du stipe a atteint son maximum, soit environ II em. La fougere entre alors dans une deuxieme phase de croissance correspondant exclusivement a une phase de croissance en longueur (phase adulte): le diametre du stipe se sta-
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Diametre du stipe (em)
Fig. 3.- Relation entre Ia longueur du stipe de Cyathea muricata et son diametre. Fig. 3.- Relationship between the Cyathea muricata stipe length and its diameter.
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bilise, excepte a sa base, ou l'epaississement du manchon racinaire joue un role dans le maintien de Ia fougere en position verticale (Halle, 1966 ), tandis que dans sa partie mediane les racines adventives et les bases de frondes mortes peuvent disparaitre localement.
B. Relation entre Ia longueur des frondes et Ia longueur du stipe La longueur des frondes semble suivre au cours du temps le meme type d'evolution que
le diametre du stipe (Fig. 4). II est done possible de definir pour les frondes une phase d'etablissement et une phase adulte. Pendant Ia phase d'etablissement, Ia longueur des frondes passe de 0 em a environ 230 em. En revanche, Ia hauteur de l'individu reste faible (de 0 em a 30 (+/- 20) em). La phase adulte qui succede a Ia phase d'etablissement est pour sa part caracterisee par une stabilisation de Ia longueur des frondes tandis que Ia fougere croit en hauteur. Encore une fois un tel phenomene se retrouve chez les Monocotyledones arborescentes (Tomlinson, 1990).
Ces resultats nous ont amenes a rechercher s'il existait une relation entre les deux phases d'etablissement observees, ceci par l'intermediaire d'un test de correlation lineaire entre les variables longueur des frondes et diametre du stipe.
C. Relation entre diametre du stipe et longueur des frondes
Le coefficient de correlation lineaire obtenu (R2 = 0.6997) est significatif au seuil a= 0,05. Nous pouvons done en deduire que les phases d'etablissement observees pour le diametre du Stipe et pour Ia longueur des frondes se superposent dans le temps (Fig. 5). Cette phase ontogenique est done caracterisee par trois points importants : a) l'augmentation du diametre du stipe, b) Ia croissance des frondes jusqu'a leur taille maximale et c) une croissance en hauteur qui reste tres faible Uusqu'a 30 +- 20 em).
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Longueur des frondes (em)
Fig. 4.- Relation entre Ia longueur du stipe de Cyathea muricata et Ia longueur des frondes. Fig. 4.- Relationship between the Cyathea muricata stipe length and the fronds length.
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Diametre du stipe {em)
Fig. 5.- Relation entre Ia longueur des frondes et le diametre du stipe (R2 = 0,6997). Fig. 5.- Relationship between the fronds length and the stipe diameter (R2 = 0,6997).
D. Les stades juveniles L'etude des stades juveniles de Cyathea muricata permet de comprendre plus specifi
quement Ia mise en place de l'axe caulinaire. II est issu de l'emboitement d'unites elementaires (Chauveaud 1921) appelees phyllorhizes qui, a l'etat de plantules, sont formees d'une partie inferieure ayant un aspect radiculaire, Ia rhize, et d'une partie superieure ayant un aspect foliaire, Ia phylle. La base de Ia phylle est Ia caule. Les phyllorhizes sont liees les unes aux autres par leurs caules et c'est ('ensemble des caules ainsi unies qui constitue Ia tige. L'axe est done constitue d'autant d'unites que de feuilles et resulte de Ia concretion des bases foliaires (Fig. 6a, b, c, d).
Chez Cyathea muricata, les premieres phyllorhizes sont separees dans le temps et dans l'espace, c'est-a-dire que leur production est successive et leur rhizes demeurent distinctes. Les premieres feuilles sont lobees de maniere dichotomique et presentent une nervation ouverte. Pour les feuilles suivantes, Ia taille et le nombre de dichotomies du limbe augmentent. Selon Chadefaud et Em berger ( 1960), cette forme typique des premieres frondes de fougere serait une preuve de l'origine caulinaire de Ia feuille.
Par ailleurs, Ia phyllorhize possede un appareil conducteur, le convergent, qui represente l'unite fondamentale du systeme conducteur complet de Ia plante. Ce dernier est, en effet, constitue par Ia formation repetee des systemes vasculaires elementaires correspondant chacun a l'une des phyllorhizes. Des sections realisees chez les Cyatheaceae, dans les genres squamateux (par exemple le genre Cyathea), montrent une structure anatomique de type dictyostelique (Lucan sky, 1974b ). Or, d'apres Lucansky ( 1974b ), le modele dictyostelique resulte du chevauchement et de l'allongement des appareils conducteurs foliaires. L'anatomie des fougeres modernes (telles que le genre Cyathea) resulterait done de Ia dislocation de Ia stele primitive, cette dislocation pouvant aller si loin que Ia structure de Ia
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Fig. 6.- Differents stades de developpement de plantules chez Cyathea muricata. a, stade une feuille ; b, stade deux feuilles ; c, stade trois feuilles ; d, stade quatre feuilles.
Fig. 6.- Different Cyathea muricata seedlings development stages: a, one leaf; b, two leaves; c, three leaves; d, four leaves.
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fougere donne )'impression d'etre coloniale, c'est-<1-dire de rt!sulter d'un emboitement de phy llorhizes.
A partir de ces observations et de ces donnees, il etait done logique de supposer que l'etablissement du diametre final du stipe soit lie a Ia juxtaposition, sur Ia (ou les) spirale(s) generatrice(s), d'un nombre croissant de frondes, ce nombre se stabilisant au moment de Ia phase adulte. Nous avons essaye de le demontrer en analysant Ia relation qui pouvait exister entre le diametre du stipe et le nombre de frondes vivantes.
E. Relation entre diametre du stipe et nombre de frondes vivantes Le nombre de frondes vivantes augmente puis se stabilise (vers 5 a 6 frondes) pendant
toute Ia phase de croissance en epaisseur du stipe (phase d'etablissement) (Fig. 7). II semble done que cette croissance en epaisseur ne soit pas liee a )'augmentation du nombre de frondes sur Ia (ou les) spirale(s) generatrice(s), mais a )'augmentation du diametre des caules de chaque phyllorhize.
Les resultats autorisent, par ailleurs, de faire quelques hypotheses quanta Ia production foliaire. Si l'on suppose, en effet, que Ia duree de vie moyenne des frondes varie peu pendant Ia phase d'etablissement, nous pouvons en deduire que Ia production foliaire moyenne se stabilise pendant cette periode.
F. Relation entre le nombre moyen de frondes vivantes et Ia longueur du stipe Le coefficient de correlation de Spearman est significatif au seuil a= 0,05 (Rs = 0.85,
p < 0.05) : lorsque Ia hauteur du stipe augmente, le nombre moyen de frondes vivantes augmente egalement (Fig. 8). A Ia vue de ces resultats, plusieurs hypotheses peuvent etre faites :
- Ia duree de vie des feuilles augmente au cours de Ia croissance, tandis que Ia production foliaire moyenne reste constante ; - Ia duree de vie des feuilles ne change pas mais Ia production foliaire moyenne augmente; - Ia duree de vie et Ia production moyenne de feuilles augmentent. En 1983, dans une etude menee en Jamai"que sur Cyathea puhescen.\· Mett., Tanner
conclue que le nombre moyen de feuilles augmente avec Ia hauteur du stipe et ce, correlativement a )'augmentation de Ia production et de Ia duree de vie moyennes des frondes (500 jours environ chez les individus n'ayant pas encore developpe de stipe, 570 jours chez les fougeres de 4 m de hauteur). En supposant que les faits sont similaires chez Cyathea muricata, il est alors possible de dire que )'augmentation du nombre moyen de frondes au cours de Ia croissance en hauteur du stipe est liee a un accroissement de Ia duree de vie et de Ia production moyennes de feuilles.
Ainsi, Ia mise en evidence de Ia dynamique de croissance de Cyathea muricata nous conforte dans )'idee que cette espece est en harmonic avec son milieu. De Granville ( 1984) considere qu'en foret dense humide les Monocotyledones et les Fougeres sont infeodees a des milieux contraignants. La dynamique d'occupation de l'espace par Cyathea muricata montre que cette fougere a adopte une strategic adaptee au milieu. Ceci rejoint Ia notion de forme globale (Blanc, 1989, 1992) qui correspond a Ia fa<;on dont Ia plante exploite le milieu pour effectuer sa photosynthese, le climat en sous-bois etant considere comme constant. Les fougeres arborescentes (Blanc, 1992) sont des formes a frondes multipennees, en fait des formes en « tore ascendant » comme les petits arbres monocaules appartenant au modele de Corner (Halle et a/., 1978). En terme d'occupation de l'espace, Cyathea muricata joue le meme role que les palmiers guyanais (Birnbaum, 1997), « les
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Diametre du stipe (em)
Fig. 7.- Relation entre le diametre du stipe de Cyathea muricata et le nombre de frondes vivantes.
Fig. 7.- Relationship between the Cyathea muricata stipe diameter and the leaving fronds number.
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Fig. 8.- Relation entre Ia longueur moyenne du stipe de Cyathea muricata et le nombre moyen de frondes vivantes. Moyennes realisees sur des classes de longueur de stipe de 5 em.
Fig. 8.- Relationship between the mean Cyathea muricata stipe length and the mean leaving fronds number. The means were realised in stipe length classes of 5 em.
jeunes frondes se deroulent tout en s'affaissant dans le plan horizontal. Leur developpement suit une course radiale en "jet d'eau" et les frondes successives balaient les jeunes arbres qui se trouvent sous leur influence ». Lorsqu'elles sont iigees Ies frondes se rabattent sur le stipe et leur volume d'exclusion decrit une sphere. Le vide prend le dessus sur le plein et Ia structure se simplifie progressivement.
V. CONCLUSION
L'ensemble des mesures biometriques realisees sur Cyathea muricata a done permis de reveler un fonctionnement rythme des cellules apicales caulinaires au cours de Ia croissance, assurant ainsi Ia mise en place d'un stipe d'epaisseur donnee et porteur d'une couronne de frondes de diametre fixe chez les adultes. On distingue finalement deux phases de croissance dont les principales caracteristiques sont les suivantes :
I) une phase dite d'etablissement pendant laquelle s'effectuent - )'augmentation du diametre du stipe (liee vraisemblablement a )'augmentation du diametre des caules), - )'augmentation de Ia longueur des frondes - et )'augmentation puis Ia stabilisation du nombre de frondes vivantes liee sans doute a une stabilisation de Ia production moyenne de feuilles ;
2) une phase dite stabilisee ou phase adulte pendant laquelle seule Ia croissance en longueur du stipe est effective :
- le diametre reste stable sauf dans Ia partie basale et mediane du Stipe,
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Cylindre de croissance
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Fig. 9.- Modele de croissance de Cyathea muricata: modele d'occupation spatiale a l'echelle de l'individu. Deux phases : phase d'etablissement correspondant au cone de croissance, phase adulte correspondant au cylindre de croissance.
Fig. 9.- The Cyathea muricata growth model: individual spatial occupation model. Tow phases: establishment phase corresponds to the cone, the adult phase to the cylinder.
- Ia taille de Ia couronne foliaire se stabilise, - le nombre de frondes augmente avec Ia hauteur, probablement a cause de I'elevation de Ia duree de vie moyenne des feuilles et de Ia production foliaire moyenne.
L'ensemble des donnees recueillies permet done de definir, a l'echelle de l'individu, un modele d'occupation spatial retletant les deux phases de croissances caracterisees precedemment (Fig. 9) :
- Ia premiere phase Iiee a Ia phase d'etablissement definit dans l'espace et dans le temps un cone de croissance de hauteur maximale 30 em et de diametre egal, a sa base, a Ia longueur maximale des frondes ; - Ia seconde phase ou phase adulte determine, quanta elle, un cylindre de croissance dont le diametre est egal a Ia longueur maximale des frondes.
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D'un point de vue architectural, Cyathea muricata suit done le modele de Corner : Ia croissance vegetative d'un seul « meristemc » produit un axe unique depourvu de toutcs ramifications et sur lequel les inflorescences (ou les sporophyllcs chez les nonAngiospermes) sont laterales. Par consequent l'arbre monocaulc resultant n'cst pas monocarpique et sa croissance n'est pas limitee (Halle eta/., 1978 ).
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