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La Météorologie - n° 61 - mai 2008 41 Observation Observation opérationnelle du vent 3D dans les nuages à partir des radars du réseau Aramis Olivier Bousquet (1) , Pierre Tabary (2) et Jacques Parent-du-Châtelet (2) (1) Météo-France, CNRM/Game 42, avenue Gaspard-Coriolis - 31057 Toulouse Cedex [email protected] (2) Météo-France, DSO - Centre de météorologie radar, Trappes Résumé La mise à niveau récente du réseau radar opérationnel français Aramis a autorisé le déploiement d’une nouvelle technique de traitement Doppler, permettant de collecter simul- tanément des mesures de vitesse radiale et de réflectivité jusqu’à 250 km des radars. La disponibilité de ces mesures Doppler à longue portée a ouvert la voie à la mise en place d’une chaîne temps réel de reconstruction du champ de vent 3D, qui est actuelle- ment testée en région parisienne. L’analyse des champs de vent recons- titués dans ce cadre opérationnel mon- tre qu’il est possible d’obtenir, comme jamais auparavant, des informations fiables et potentiellement très utiles sur la structure et les caractéristiques de l’écoulement au sein des systèmes pré- cipitants et cela, quel que soit le régime considéré. De nombreuses applica- tions, allant de la prévision immédiate à la vérification des modèles numé- riques de prévision du temps, sont concernées par ces avancées. Abstract Operational wind retrieval using data of the French weather radar network, Aramis The recent upgrading of Aramis, the French radar network, has allowed the deployment of a new Doppler technique able to collect radial velo- city together with reflexivity measu- rements up to 250 km from the radars. The availability of these long- range Doppler data opens the way to the implementation of a real-time operational set-up to retrieve 3D wind fields which is now being tested in the greater Paris area. The analysis of the wind fields retrieved within this operational set-up shows that reliable and potentially very useful informa- tion on the flow structure within pre- cipitation systems are, as never before, obtained, and this, whatever type this system may have. Many applications, ranging from nowcas- ting to checking the numerical wea- ther prediction model verification, are concerned with these progress. C onçu initialement à des fins militaires, le radar s’est rapide- ment imposé comme un outil indispensable à la météorologie moderne. Ce meilleur ami du météoro- logiste, comme aime à le rappeler Hitschfeld (1986), voit sa fonction météorologique apparaître au début de la seconde guerre mondiale, après que les alliés chargés de la détection des cibles ennemies se furent plaints de la gêne occasionnée par la présence de nuages dans leurs interprétations. Le premier article scientifique dans le domaine de la physique des nuages avec le mot radar dans le titre (Radar and Weather) est d’ailleurs à mettre à l’actif d’un militaire de l’US Navy, le com- mandant Maynard (Maynard, 1945). D’après Hitschfeld, la première obser- vation connue d’un système précipi- tant par radar remonte cependant au 20 février 1941, date à laquelle un orage de grêle a été suivi sur une distance d’une dizaine de kilomètres au sud de l’Angleterre. La météorologie radar, qui allait bouleverser nos connaissances dans le domaine de la physique des nua- ges, était née. Les radars Doppler L’unicité et l’intérêt des radars météoro- logiques découlent de leur capacité à fournir une description spatio-tempo- relle détaillée des systèmes pluvio- orageux de petite et de moyenne échelle, qui ne peut être obtenue à partir des moyens d’observation conventionnels. Si la microphysique des nuages fut la première discipline à véritablement tirer parti des capacités nouvelles offertes par les radars météorologiques, l’intro- duction de capacités Doppler, au début des années 1960, va également ouvrir de nouveaux horizons dans le domaine de la dynamique de l’atmosphère et être à l’origine des premières études appro- fondies sur la structure dynamique des systèmes convectifs (Browning et Wexler, 1968). De par leur capacité à fournir une description explicite du champ de vent dans les zones pluvieu- ses, les radars Doppler vont rapidement devenir une composante essentielle de toute campagne de mesures dédiée à l’étude des systèmes précipitants. L’avancée technologique aidant, ils seront par la suite miniaturisés, puis progressivement embarqués à bord de plate-formes mobiles. Aux débuts des années 1980, les progrès sont tels qu’il est désormais possible de les embarquer à bord d’avions sans que leur fonction- nement en soit affecté. Ces radars Doppler aéroportés permettront l’obser- vation des systèmes pluvio-orageux se développant en régions océanique ou montagneuse, ce qui était jusqu’alors difficilement envisageable à partir de radars fixes. Les radars seront ensuite installés sur des bateaux, des camions et depuis peu sur des satellites, repoussant ainsi considérablement les limites de leur champ d’investigation. Outre son utilisation à des fins de recher- che, la capacité Doppler est de nos jours également très répandue dans les réseaux opérationnels. En « dopplerisant » les

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La Météorologie - n° 61 - mai 2008 41

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Observation opérationnelledu vent 3D dans les nuages à partir des radars du réseau AramisOlivier Bousquet(1), Pierre Tabary(2) et Jacques Parent-du-Châtelet(2)

(1) Météo-France, CNRM/Game42, avenue Gaspard-Coriolis - 31057 Toulouse [email protected]

(2) Météo-France, DSO - Centre de météorologie radar, Trappes

RésuméLa mise à niveau récente du réseauradar opérationnel français Aramis a autorisé le déploiement d’une nouvelle technique de traitementDoppler, permettant de collecter simul-tanément des mesures de vitesseradiale et de réflectivité jusqu’à 250 kmdes radars. La disponibilité de cesmesures Doppler à longue portée aouvert la voie à la mise en place d’unechaîne temps réel de reconstruction duchamp de vent 3D, qui est actuelle-ment testée en région parisienne.L’analyse des champs de vent recons-titués dans ce cadre opérationnel mon-tre qu’il est possible d’obtenir, commejamais auparavant, des informationsfiables et potentiellement très utiles surla structure et les caractéristiques del’écoulement au sein des systèmes pré-cipitants et cela, quel que soit le régimeconsidéré. De nombreuses applica-tions, allant de la prévision immédiateà la vérification des modèles numé-riques de prévision du temps, sontconcernées par ces avancées.

AbstractOperational wind retrieval usingdata of the French weather radarnetwork, Aramis

The recent upgrading of Aramis, theFrench radar network, has allowedthe deployment of a new Dopplertechnique able to collect radial velo-city together with reflexivity measu-rements up to 250 km from theradars. The availability of these long-range Doppler data opens the way tothe implementation of a real-timeoperational set-up to retrieve 3Dwind fields which is now being testedin the greater Paris area. The analysisof the wind fields retrieved within thisoperational set-up shows that reliableand potentially very useful informa-tion on the flow structure within pre-cipitation systems are, as neverbefore, obtained, and this, whatevertype this system may have. Manyapplications, ranging from nowcas-ting to checking the numerical wea-ther prediction model verification,are concerned with these progress.

C onçu initialement à des f ins militaires, le radar s’est rapide-ment imposé comme un outil

indispensable à la météorologiemoderne. Ce meilleur ami du météoro-logiste, comme aime à le rappelerHitschfeld (1986), voit sa fonctionmétéorologique apparaître au début dela seconde guerre mondiale, après queles alliés chargés de la détection descibles ennemies se furent plaints de lagêne occasionnée par la présence denuages dans leurs interprétations. Lepremier article scientif ique dans ledomaine de la physique des nuages avecle mot radar dans le titre (Radar andWeather) est d’ailleurs à mettre à l’actifd’un militaire de l’US Navy, le com-mandant Maynard (Maynard, 1945).D’après Hitschfeld, la première obser-vation connue d’un système précipi-tant par radar remonte cependant au 20 février 1941, date à laquelle un oragede grêle a été suivi sur une distanced’une dizaine de kilomètres au sud del’Angleterre. La météorologie radar, quiallait bouleverser nos connaissancesdans le domaine de la physique des nua-ges, était née.

Les radars DopplerL’unicité et l’intérêt des radars météoro-logiques découlent de leur capacité àfournir une description spatio-tempo-relle détaillée des systèmes pluvio-orageux de petite et de moyenne échelle,qui ne peut être obtenue à partir desmoyens d’observation conventionnels.

Si la microphysique des nuages fut lapremière discipline à véritablement tirerparti des capacités nouvelles offertespar les radars météorologiques, l’intro-duction de capacités Doppler, au débutdes années 1960, va également ouvrirde nouveaux horizons dans le domainede la dynamique de l’atmosphère et êtreà l’origine des premières études appro-fondies sur la structure dynamique dessystèmes convectifs (Browning etWexler, 1968). De par leur capacité àfournir une description explicite duchamp de vent dans les zones pluvieu-ses, les radars Doppler vont rapidementdevenir une composante essentielle detoute campagne de mesures dédiée àl’étude des systèmes précipitants.L’avancée technologique aidant, ilsseront par la suite miniaturisés, puisprogressivement embarqués à bord deplate-formes mobiles. Aux débuts desannées 1980, les progrès sont tels qu’ilest désormais possible de les embarquerà bord d’avions sans que leur fonction-nement en soit affecté. Ces radarsDoppler aéroportés permettront l’obser-vation des systèmes pluvio-orageux sedéveloppant en régions océanique oumontagneuse, ce qui était jusqu’alorsdifficilement envisageable à partir deradars fixes. Les radars seront ensuiteinstallés sur des bateaux, des camions etdepuis peu sur des satellites, repoussantainsi considérablement les limites deleur champ d’investigation.

Outre son utilisation à des fins de recher-che, la capacité Doppler est de nos jourségalement très répandue dans les réseauxopérationnels. En « dopplerisant » les

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158 radars de leur réseau (Nexrad) audébut des années 1990, les États-Unisseront le premier pays à implémenter lacapacité Doppler dans un réseau opéra-tionnel, suivis par le Canada et la plupartdes pays européens à la fin des années1990. En France, la technologie Dopplersera tout d’abord testée à Trappes en2002 avant d’être progressivement éten-due à l’ensemble du réseau, dans le cadredu projet de mise à niveau Panthère[Programme Aramis nouvelle technolo-gies en hydrométéorologie extension etrenouvellement], (Parent-du-Châtelet etal., 2003). La « dopplerisation » duréseau français s’est faite sous la pressiondes modélisateurs, avec en point de mirela mise en œuvre opérationnelle du

nouveau modèle de prévision à courteéchéance Arome, capable d’assimiler lesvitesses radiales (Bouttier, 2007).

De nos jours, les applications opération-nelles des radars Doppler restent encorerelativement peu nombreuses et sontessentiellement limitées au filtrage deséchos fixes (Tabary et al., 2002) ou àl’élaboration de profils verticaux duvent au moyen de méthodes de typeVAD [Velocity Azimuth Display], par-fois assimilés dans les analyses opéra-tionnelles (encadré ci-dessous). Outre-Atlantique, les images de vitesse radialesont également utili-sées pour le suivi et laprévision à très courte

échéance des situations météorolo-giques à risque, mais leur exploitationpar les prévisionnistes, qui nécessite lamise en œuvre d’importants program-mes de formation et d’information,reste cependant très limitée. Cette situa-tion contraste fortement avec l’exploita-tion de la mesure Doppler en moderecherche qui permet notamment d’ac-céder, depuis plus de vingt ans, à l’é-coulement tridimensionnel au sein dessystèmes précipitants en combinant lesmesures de vitesse dans la zone derecouvrement de plusieurs radars(Wakimoto et Srivastava, 2003). De fait,

L’analyse VADL’analyse dite VAD [Velocity Azimuth Display], (Browning et Wexler,1968) consiste à supposer que le flux est uniforme(1) par tranche d’al-titude dans un voisinage autour du radar (typiquement un disque de30 km de rayon). Dans ces conditions, la vitesse radiale à une dis-tance donnée varie suivant une sinusoïde avec l’azimut, sinusoïdedont l’amplitude et la phase donnent pratiquement directement lavitesse et la direction du vent. On peut ainsi construire un profil devent avec une résolution verticale de 200 mètres et une fréquencede 15 minutes. L’hypothèse d’uniformité du flux est le plus souventvérifiée à part dans le cas de systèmes convectifs présentant de fortscisaillements. Dans ces situations toutefois, la variation de la vitesseradiale avec l’azimut diffère notablement d’une sinusoïde et on peutfacilement exploiter cette absence de consensus pour invalider l’esti-mation des deux composantes du vent. La figure 2 présente unesérie temporelle de profils VAD issus du radar de Trappes le 18 octo-bre 2004 de 12 h 00 à 23 h 45 TU(2). Cette figure est intéressante car elle illustre les deux types de situations dans lesquelles onpeut avoir des mesures de vent : de 12 h 00 à 16 h 00, il ne pleut pas sur le radar, mais les profils sont tout de même restitués dansla couche limite grâce au signal d’air clair (c’est-à-dire signal renvoyé par des traceurs tels que insectes, poussières ou hétérogé-néités de l’indice de réfraction). La pluie arrive vers 18 h 00 sur le radar et les profils sont alors restitués sur toute l’épaisseur dusystème précipitant, ce jour-là relativement faible (sommet des nuages à 3 km). La capacité de détection en air clair est potentiel-lement très intéressante car elle augmente considérablement le taux de disponibilité des mesures de vent, en particulier les profilsVAD. Tabary et al., (2006) ont estimé à 80 % le taux de disponibilité de profils de vent en très basses couches lors des mois d’été.Cela ouvre des perspectives intéressantes pour le suivi météorologique des situations, l’assimilation dans les modèles de prévi-sion et la surveillance de la qualité de l’air, où les modèles utilisés ont un besoin crucial d’informations précises sur la structure dela couche limite. À noter que les oiseaux sont aussi d’excellentes cibles pour les radars météorologiques hors période de pluie,mais ils présentent l’inconvénient d’avoir leur propre déplacement, ce qui peut biaiser considérablement les mesures Doppler.C’est pour cette raison que certains pays (pays scandinaves notamment) inhibent la production de profils VAD en période demigration.

Comme cela est couramment fait dans le monde, lesprofils de vent VAD élaborés opérationnellement àpartir des radars Doppler sont contrôlés à l’aide desmodèles numériques opérationnels (Arpège et Aladinen France). On calcule ainsi des statistiques mensuel-les d’écart par rapport aux analyses du modèle. Il s’a-git d’une étape préliminaire indispensable avantl’assimilation dans les modèles. À titre d’exemple, lafigure 2 montre les résultats obtenus pour le moisd’août 2007 par le radar de Trappes. On y voit les biaiset écarts types de la vitesse (gauche) et la direction(droite) du vent entre les profils VAD et les analyses à12 h 00 TU du modèle de 0 à 5 000 mètres. Les résul-tats obtenus (biais nuls et écarts types sur la vitesse etla direction de l’ordre de 1 m.s-1 et 10 degrés) ont étéjugés suffisamment bons pour qu’à partir du mois sui-vant, les profils VAD de Trappes soient pris en comptedans les analyses opérationnelles.

(1) En fait, l’hypothèse de variation linéaire des composantes du vent suffit.(2) Toutes les heures sont données en temps universel (TU).

Figure 1 - Série temporelle de profils VAD issus du radar de Trappes. Lesprofils sont restitués de façon indépendante les uns des autres à la fré-quence de 15 minutes et avec une résolution verticale de 200 mètres.

Figure 2 - Résultats de la comparaison entre les profils VAD issus du radar de Trappes et lesanalyses Arpège-Aladin à 12 h 00 TU pour le mois d’août 2007. À gauche : profils verticauxdes biais et écarts types sur la vitesse. À droite : profils verticaux des biais et écarts types surla direction.

5500500047504500425040003750350032502900270025002300210019001700150013001100

900700500300

0 2 4 6 8 10

27/031/096/0

217/0129/0126/0139/0343/0205/0222/0264/0308/0343/0396/0475/0516/0558/0601/0649/0666/0662/0639/0547/0

-5 -3 -1 1 3 5écart-type

FF (m/s) 12 UTC DD (deg) 12 UTC

moyenne

5500500047504500425040003750350032502900270025002300210019001700150013001100

900700500300

0 20 40 60 80 100

27/031/091/0

216/0129/0126/0139/0336/0193/0208/0253/0293/0330/0341/0388/0411/0459/0497/0516/0622/0523/0497/0405/0

-50 -30 -10 10 30 50écart-type moyenne

Alti

tude

en

km

Heure

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et même si les nouvelles applicationsliées à l’assimilation de la vitesseradiale dans les modèles de prévisionnumériques sont prometteuses, force estde constater que la capacité Doppler desradars opérationnels reste largementsous-exploitée.

L’exploitation limitée du mode Dopplerrésulte principalement de la relationinversement proportionnelle qui existeentre la portée maximale du radar et lavitesse maximale (appelée vitesse nonambiguë ou vitesse de Nyquist) pou-vant être mesurée par celui-ci en modeDoppler. On a donné à ce problème lenom de « dilemme Doppler » (encadréci-contre).

Une des conséquences immédiates dece dilemme est de limiter la portée desradars lorsqu’ils fonctionnent en modeDoppler, afin de réduire les phénomè-nes dits de repliement des vitessessituées en dehors de l’intervalle de non-ambiguïté (encadré ci-contre). Lesradars Doppler opérationnels étantgénéralement distants de plusieurs cen-taines de kilomètres, cette limitation enportée a pour effet de réduire les zonesde recouvrement au sein desquelles ilest possible de reconstruire le vecteurvent complet dans les systèmes précipi-tants. Ces restitutions n’ont pour cetteraison jamais pu être réalisées dans uncadre purement opérationnel, mais seu-lement lors de campagnes expérimenta-les telles que MAP [Mesoscale AlpineProgramme], (Bougeault et al., 2001)pendant laquelle des radars de recher-che ont été couplés à un radar opéra-tionnel (Chong et al., 2000).

Suite à l’avènement de nouvelles tech-niques de traitement Doppler dites àfréquences de répétition multiples(Multiple PRF en anglais), récemmenttestées avec succès dans les systèmesradar opérationnels, il est désormaispossible de vaincre ce fameux dilemmeet de collecter des données à longueportée tout en ayant une vitesse de

Nyquist élevée. La première consé-quence du déploiement opérationnel dece type de schéma est l’améliorationsensible de la qualité des mesures devitesse radiale à travers la quasi-dispari-tion des phénomènes de repliement(Tabary et al., 2002), ce qui est évidem-ment crucial dans l’optique d’assimilerces données dans les modèles de prévi-sion. Ces développements ouvrent éga-lement de nouvelles perspectives dansle domaine de l’exploitation opération-nelle de la mesure Doppler à travers lapossibilité, pour la première fois, de res-tituer l’écoulement 3D au sein des sys-tèmes précipitants en temps réel.

En France, un nouveau schéma d’émis-sion combinant trois fréquences d’é-chantillonnage distinctes (Tabary et al.,2006) a été récemment déployé surl’ensemble du réseau radar opération-nel Aramis [Application radar à lamétéorologie infrasynoptique], (figure4). La particularité de ce schéma estqu’il autorise des mesures d’une portéede 250 km couplées à une vitesse nonambiguë de 60 m.s-1 qui est théorique-ment suffisante pour échantillonnertous les phénomènes atmosphériquesse développant en France sans avoir àse soucier d’éventuels problèmes derepliement. La disponibilité de ces

Le dilemme DopplerL’un des points les plus sensibles de toute analyse à partir de données radar Doppler est liéau problème de repliement spectral (ou vitesses ambiguës) inhérent au caractère discret dela mesure. Ainsi, lorsque la vitesse radiale mesurée par le radar est supérieure ou inférieureà une certaine valeur seuil, appelée vitesse de Nyquist, la vitesse mesurée n’est plus lavitesse réelle mais celle après un repliement dans le domaine spectral après ajout d’un mul-tiple de 2VNyquist. Si l’on considère un radar émettant des ondes électromagnétiques de lon-gueur d’onde � à la fréquence F (fréquence de répétition des impulsions ou PRF enanglais), l’intervalle dit de Nyquist (Sauvageot, 1992), qui détermine les valeurs maximaleset minimales de la vitesse radiale, VNyquist mesuré par le radar est défini par :

�FVNyquist = ± ———4

La série temporelle est échantillonnée à la cadence du radar ; on a sous-échantillonnage, etdonc repliement, à partir du moment où la phase du signal reçu tourne de plus que 2�entre deux impulsions radar. Pour obtenir une meilleure détermination de la vitesse descibles, il est donc nécessaire d’envoyer des impulsions très rapprochées (F très grand).Malheureusement, la portée maximale en réflectivité Rmax est également liée à la fré-quence de répétition des impulsions par la relation :

cRmax = ———, où c représente la vitesse de la lumière.

2FIl est donc nécessaire d’espacer les impulsions pour être sûr de la position des échosrevenant de loin sans ambiguïté et il existe, de ce fait, une relation inversement propor-tionnelle entre la valeur de la vitesse maximale pouvant être mesurée par le radar et laportée maximale :

�cVMax = ± —————8Rmax

Pour des radars qui observent jusqu’à 300 km de distance, on ne peut ainsi observercorrectement que des vitesses radiales entre -7,5 et +7,5 m/s (figure 3).Ce problème, qui porte le nom de dilemme Doppler (figure 4), nécessite donc defaire un compromis, qui, en général, tend à limiter la portée utile des radars Dopplerà une centaine de kilomètres.Il existe néanmoins depuis peu des techniques qui permettent d’étendre la vitesse maxi-male et de vaincre ce fameux dilemme. Ces méthodes, dites à fréquences de répétitionsmultiples, ont été proposées pour la première fois par Zrnic et Mahapatra (1985). Elles

consistent à équiper le radar de plusieurs fréquences d’échantillonnage et àrecombiner les mesures de vitesses individuelles obtenues à ces différentes fré-quences afin de remonter, par calcul, à la vitesse vraie sans pour autant dimi-nuer la portée maximale. Les radars du réseau opérationnel Aramis utilisentcette technique depuis maintenant deux ans et permettent ainsi l’obtention demesures de vitesse radiale et de réflectivité jusqu’à 250 km tout en ayant unevitesse non ambiguë de l’ordre de ±60 m.s-1 (Tabary et al., 2006).

Figure 3 - Illustration du dilemme Doppler. Portée maximale (courbe rouge) et vitesse non ambiguë (courbe bleue) en fonction de la fréquence d’émission des impulsions (PRF). Une PRF de 300 Hz (resp. 1000 Hz) conduit ainsi à une portée maximale de 500 km et une vitesse non ambiguë de ±4 m.s-1 (resp. 150 km et ±13 m.s-1). À titre de comparaison, le schéma d’émission triple-PRF déployé dans Aramis autorise une portée maximale de 256 km et une vitesse non ambiguë de ±60 m.s-1 pour une PRF moyenne de 300 Hz.

800

700

600

500

400

300

200

100

0200 400 600 800 1 000 1 200

0

2

4

6

8

10

12

14

16Vmax vs Rmax (λ = 5 cm)

PRF (Hz)

Porté

e (k

m)

Vitesse (m.s

-1)

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mesures a ouvert la voie à la mise enplace d’une chaîne temps réel dereconstruction multi-Doppler duchamp de vent 3D en région parisienne.Les applications potentielles de ce nou-veau produit sont multiples et couvrentde nombreux domaines allant de larecherche en sciences de l’atmosphèreà la validation des modèles de prévi-sion du temps, en passant par la prévi-sion immédiate et la sécurisation de lanavigation aérienne. Vis-à-vis desméthodes d’analyse traditionnelles, quireposent essentiellement sur l’analysed’images de type PPI [Plan PositionIndicator], cette application fournit unevision synthétique de l’écoulement quipermet de repérer beaucoup plus facile-ment les zones d’ascendance, deconvergence ou de cisaillement asso-ciées aux systèmes pluvio-orageux

observés (encadrépage suivante). L’ob-jectif de cet articleest de présenter briè-vement les différen-tes approches qui ontété mises en œuvreafin de produire etvalider ces champsde vents produits

dans un cadre opérationnel. Les appli-cations potentielles de ce produit sontégalement examinées au moyen de res-titutions effectuées au sein de systèmesprécipitants échantillonnés durant lapremière moitié de l’année 2007. Lesrésultats présentés dans cet article, bienqu’obtenus sur un domaine limité, pré-figurent la future mosaïque radar 3D deMétéo-France à l’horizon 2009, quipermettra aux prévisionnistes de visua-liser simultanément la structure tridi-mensionnelle des précipitations et del’écoulement sur tout le territoire fran-çais. La réalisation du prototype pré-senté dans cet article a été effectuéedans le cadre du programme européenFlysafe qui vise, pour sa composanteatmosphérique, à améliorer la sécu-rité aérienne au voisinage des grands aéroports.

Dispositif expérimental

Le réseau radar AramisLe réseau radar opérationnel françaisAramis (figure 4) a été conçu au milieudes années 1990, dans le but de fourniraux prévisionnistes le moyen de signaleret de suivre les phénomènes précipi-tants. Initialement composé de treizeradars (Parent-du-Châtelet, 2003),Aramis a fait l’objet, à partir de 2002,d’une mise à niveau importante dans lecadre du projet Panthère, visant à amé-liorer la couverture et à introduire lacapacité Doppler et la double polarisa-tion au sein du réseau. Dans le cadre dePanthère, la couverture a été progressi-vement portée à vingt-quatre radars(dont à ce jour trois radars polarimé-triques et dix-sept radars Doppler), unnouveau calculateur radar – Castor 2 – a été développé (Parent-du-Châtelet etal., 2003), et le schéma d’émission àtrois fréquences entrelacées proposé parTabary et al. (2006) a été déployé surl’ensemble du réseau. Si la phase d’ex-pansion du réseau touche maintenant à

sa fin, de nombreuses amé-liorations doivent encore êtreapportées dans les années àvenir à travers l’installation dekits polarimétriques sur sixradars supplémentaires, et la« dopplerisation » des septradars conventionnels res-tants. Lorsque la « dopplerisa-tion » du réseau sera achevée,la possibilité d’obtenir desmesures de la vitesse radialejusqu’à une distance de250 km de chaque radar per-mettra de couvrir une grandepartie de la France en modepoly-Doppler (figure 5a). Ilsera alors théoriquement pos-sible d’accéder à la structuretridimensionnelle du vent à larésolution de quelques kilo-mètres dans toutes les régionsprécipitantes du territoire.

Figure 4 - Les vingt-quatre radars du réseau Aramis en juillet 2007. Chaque radar est représenté par un cercle indiquant une portée de 100 km, la couleur identifiant le fabricant. Le réseau comporte seize radars Doppler en bande C (vert, rouge, violet) et huit radars en bande S (jaune et bleu). Il est à noter que le radar Bollène est à cette date le seul radar Doppler en bande S. Le label 3D indique les radars (6) ayant un mode d’exploitation volumique. On estime que la « dopplerisation » des sept radars en bande S conventionnels restants sera achevée mi-2008. Les radars de Momuy, Montclar et Nîmes devraient également être équipés de la double polarimétrie à l’horizon 2009.Voir Sauvageot (2000) pour plus de détails sur les radars polarimétriques.

Figure 5 - Zone de recouvrement des radars Doppler du réseau Aramis à 2 000 m d’altitude. (a) Couverture attendue après « doppleri-sation » complète du réseau (mi-2008) et (b) couverture effective en janvier 2007. Les zones de recouvrement radar varient avec l’al-titude et dépendent du mode d’exploitation des différents radars. Les couleurs jaune et orange indiquent respectivement les régionscouvertes en mode dual- et poly-Doppler où il est possible d’effectuer les restitutions 3D. Le domaine expérimental et les cinq radarsutilisés dans le cadre de cette étude (points rouges) sont indiqués en (b). La couverture montrée en (a) ne tient pas compte d’éven-tuels effets de masquage liés, entre autres, au relief, et est de ce fait probablement optimiste.

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3D

3D3D

3D

3D

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45La Météorologie - n° 61 - mai 2008

Domaine expérimentalDans le but de tester la faisabilité de ceprojet, une zone test centrée sur larégion parisienne a été définie à la fin del’année 2006, afin d’évaluer la qualitédes champs de vent ainsi obtenus etd’estimer plus précisément le coût de ceproduit en termes de temps de calcul.Cette zone expérimentale est centrée surle radar de Trappes et couvre undomaine de 320 km x 320 km sur l’hori-zontale (résolution de 2,5 km) et 12 km

sur la verticale (résolution de 500 m). Lechoix de ce domaine à été effectué enfonction des zones de recouvrementradar alors effectives (figure 5b), maiségalement en coordination avec l’équipede recherches en prévision immédiatede Météo-France qui a besoin, dans lecadre de son implication dans le pro-gramme européen Flysafe, de donnéesde vent et de réflectivité à haute résolu-tion spatio-temporelle au voisinage desaéroports parisiens. À l’heure actuelle,ce domaine est couvert par les radars

Doppler de Trappes, Abbeville, Arcis-sur-Aube (Troyes), Avesnes et Falaise(Caen). On note (figure 7) que les zonesde recouvrement à l’intérieur de cedomaine sont hétérogènes. La couver-ture est ainsi relativement limitée dansles basses couches (altitudes inférieuresà 1 500 m), mais bien plus significativeà mi-niveau où de nombreuses zones derecouvrement à quatre et cinq radarssont disponibles. La stratégie d’échan-tillonnage de chaque radar est donnéedans le tableau 1.

Apport des restitutions 3D

Le mode d’affichage le plus utilisé pourvisualiser les données issues de radarsprécipitation est appelé PPI [PlanPosititon Indicator] en référence aumode de balayage du même nom, quiconsiste à effectuer des rotations com-plètes de l’antenne à angle d’élévationconstant, c’est-à-dire à angle de viséeconstant par rapport à l’horizon. Sur lesreprésentations de ce type, le radar estsitué au centre de l’image et les échossont positionnés en fonction de l’azimut(qui définit la direction de visée du fais-ceau radar) et de la distance au radar. Dufait de la rotondité de la Terre et de l’effetde l’angle d’élévation, l’altitude réelle dela mesure augmente avec la distance auradar. Cela rend l’interprétation de cesimages souvent délicate. Les images deréflectivité et de vitesse radiale présen-tées figure 6 illustrent particulièrementbien les difficultés d’interprétation inhé-rente à ce type de représentation. Defait, si l’image de réflectivité radar (figure6a) permet de se faire rapidement une

idée précise de la structure et de l’intensité des précipitations – on note ici la pré-sence de nombreuses cellules convectives très intenses sur la région Île-de-France –,l’interprétation de la circulation associée à partir de l’image de vitesse radiale (figure6b) se révèle beaucoup moins triviale et nécessite de bonnes connaissances enmétéorologie radar.

Pour avoir une bonne représentation 3D du système précipitant, on l’observe succes-sivement en effectuant des tours d’antenne à angles d’élévation différents. Si les don-nées 3D ainsi obtenues peuvent être facilement assimilées dans les modèlesnumériques de prévision au moyen d’opérateurs d’assimilation spécifiques, elles res-tent en revanche très difficiles à interpréter pour un observateur. Un grand intérêt desanalyses multi-Doppler est de fournir rapidement et simplement, à l’expert commeau non-spécialiste, une représentation globale de la structure 3D de l’écoulementdans les régions précipitantes (figure 6c). Ces restitutions permettent, de fait, d’accé-der également à la structure verticale de l’écoulement. La coupe verticale au traversd’un des cumulonimbus échantillonnés (figure 6d) montre ainsi très clairement l’exis-tence d’une forte convergence et de courants ascendants bien marqués à l’avant dela cellule. Ces courants vont par la suite s’étaler en altitude (phénomène dit de « détraînement ») et donner ainsi naissance à l’enclume du nuage. On détecte égale-ment la présence d’une « bande brillante » vers 3 kilomètres d’altitude résultant de lafonte des flocons de neige près de l’isotherme 0 °C. Cette bande brillante indique laformation d’une région de précipitation stratiforme à l’arrière de la cellule orageuserésultant de la dissipation d’anciennes cellules orageuses. De façon générale, laconnaissance de la structure verticale de l’écoulement qui traduit, entre autres cho-ses, le degré de maturité et de sévérité d’une cellule orageuse est totalement inacces-sible à partir des images classiques de type PPI.

Figure 6 - Observations par radar Doppler obtenues le 23 juin 2005 à 16 h 00 TU lors d’orages particulièrement violents ayant provoqué

d’importantes inondations dans les quartiers ouest de Paris. Le panneau du haut montre des images panoramiques de type PPI de (b) vitesse radiale

et (a) réflectivité obtenues à une élévation de 0,4°,par le radar de Trappes, situé à une trentaine

de kilomètres au sud-ouest de Paris. Pour faciliter le repérage, des cercles concentriques sont placés

depuis le centre vers l’extérieur tous les 20 km.L’altitude correspondante, qui augmente à mesure

que l’on s’éloigne du radar, est également indiquée.Sur l’image de vitesse radiale (a), les couleurs bleues

correspondent à des vitesses négatives, c’est-à-dire à des cibles se dirigeant vers le radar,

situé au centre. Sur le panneau du bas, on représentele champ de vent 3D obtenu au même instant

après combinaison des données du radar de Trappeset des radars d’Abbeville et d’Arcis, situés

respectivement à 180 km au nord et 180 km à l’est de Trappes. La figure 6c montre une coupe horizontaledu vent (vecteurs) superposé au champ de réflectivité

composite à une altitude de 2 km et sur un domainede 160 x 160 km2 centré sur le radar de Trappes.

La figure 6d présente une coupe verticale de ces mêmes champs le long du méridien 2° E.

Cette restitution est effectuée à partir des PPI correspondant aux angles d’élévation

donnés dans le tableau 1.

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Cycle Cycle Cycle répété répété répété

Cycle Cycle Cycle répété répété répété

46 La Météorologie - n° 61 - mai 2008

Figure 7 - Détail de la couverture dual- et poly-Dopplerpropre au domaine expérimental montré

sur la figure 5b aux altitudes de (a) 1 000 m, (b) 2 500 m, (c) 5 000 m et (d) 7 500 m. L’adjonction

dans la chaîne de traitement du radar de Bourges,situé à 180 km au sud de Trappes, va prochainement

permettre d’augmenter significativement la couverture en basses couches.

Traitement et analyse des donnéesLes données collectées par les cinq radarscouvrant la région parisienne sont centra-lisées et analysées automatiquement entemps réel tous les quarts d’heure. Cesdonnées consistent en des images de typePPI de réflectivité et de vitesse radialeprojetées sur une grille cartésienne de1 km2 de résolution. Dans un premiertemps, l’information sur la variance del’énergie du signal radar reçu est utiliséepour éliminer les échos fixes et autresartefacts des champs de réflectivité et devitesse radiale. Ces dernières sont ensuitefiltrées et synchronisées par rapport à lafin du quart d’heure considéré afin d’atté-nuer les erreurs résultant de la non-simul-tanéité de la mesure (voir Bousquet et al.,2007, pour de plus amples détails sur lachaîne de traitement). Une fois les données prétraitées, on applique laméthode d’analyse variationnelle Muscat[Multiple-Doppler Synthesis andContinuity Adjustment Technique] afin dereconstituer le champ de vent tridimen-sionnel sur tout le domaine expérimental(encadré ci-contre). En moyenne, le déco-dage, l’interpolation et l’analyse des don-nées dans ce domaine (375 000 points)

Restitution du champ de vent 3DLa restitution du champ de vent 3D en chaque point d’un domaine d’analyse donné néces-site la connaissance d’au moins trois équations indépendantes reliant les composantes u, vet w de la vitesse de l’air en tout point. La première relation étant fournie par l’équation decontinuité (prise sous sa forme anélastique), deux radars Doppler sont donc théorique-ment suffisants pour reconstruire un champ de vent complet dans la zone d’échantillon-nage commune aux deux instruments (on parle alors de restitutions « dual-Doppler »). Il estbien évidement possible de travailler également avec un plus grand nombre de radars, cequi permet d’améliorer la qualité des vents obtenus et d’augmenter la taille du domaine derestitution. On parle alors de restitutions « multiple- ou poly-Doppler ». De façon générale, ilexiste à ce jour un grand nombre de méthodes d’analyse permettant de restituer le vent3D à partir de mesures par radar Doppler. Les plus couramment utilisées sont les métho-des dites « cartésiennes » qui, comme leur nom l’indique, reposent sur l’utilisation d’unrepère cartésien dont les dimensions et les résolutions horizontale et verticale sont spéci-fiées par l’utilisateur. L’approche cartésienne, initialement proposée par Heymsfield (1978),est relativement simple dans sa mise en œuvre et peu coûteuse en temps de calcul, ce quiexplique qu’une grande majorité des expérimentateurs y aient recours. La méthodeMuscat utilisée dans le cadre de ce travail est une version élaborée des méthodes carté-siennes classiques (itératives) autorisant la restitution simultanée des trois composantes duvent (u,v,w) au sein des systèmes précipitants en mode dual- ou poly-Doppler. Cetteméthode variationnelle a été initialement proposée par Bousquet et Chong (1998) dans lebut de pallier les principaux défauts des techniques d’analyse itératives utilisées dans le trai-tement des données issues de radars Doppler aéroportés. Elle a ensuite été adaptée auxradars « sol » dans le cadre de la phase terrain de la campagne expérimentale MAP pen-dant laquelle elle a été utilisée dans un contexte semi-opérationnel pour guider, en tempsréel, les avions de recherche vers les principales zones d’intérêt (Chong et al., 2000).De façon générale, Muscat repose sur la minimisation (au sens des moindres carrés), planhorizontal par plan horizontal, d’une fonctionnelle s’exprimant sous la forme de trois ter-mes définis comme les contraintes d’ajustement aux données, d’ajustement à l’équationde continuité et de régularité. Son exécution nécessite la définition préalable d’une grille tri-dimensionnelle permettant l’interpolation des données et la discrétisation des différentschamps et intégrales pris en compte dans l’analyse. Ce processus d’interpolation étantréalisé indépendamment de la reconstruction du champ de vent, celui-ci peut être adapté àdifférents types de mesures et permet de traiter simultanément les données de tout type deradars Doppler (fixes ou mobiles). Suite aux modifications apportées par Chong et Cosma(2000), cette approche permet également de travailler indifféremment en plaine ou enrégion montagneuse, ce qui en fait un algorithme polyvalent et bien adapté à une utilisa-tion opérationnelle. D’autres modifications ont également été apportées récemment, afinde pouvoir appliquer ce formalisme dans un cadre opérationnel, caractérisé par des distan-ces (interradar) de l’ordre de 200 km (Bousquet et al., 2008a).

Rad

ar /

#

Tour

Trap

pes

Arc

is

Fala

ise

Abb

evill

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Ave

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123456789

101112131415161718

907,50,81,54,50,49,56,50,81,53,60,48,55,50,81,52,50,4

4,01,10.4

---

3,01,10,4

---

2,01,10,4

-- -

1,61,10,4

---

0,41,10,4

---

1,61,00,4

---

Tableau 1 - Stratégie d’échantillonnage des radars Doppler du réseau Aramiscouvrant la région parisienne en janvier 2007. Tours d’antenne (PPI) et anglesd’élévation correspondants. Les tours d’antenne utilisés dans l’analyse 3D sontindiqués en gras.

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47La Météorologie - n° 61 - mai 2008

nécessitent entre 90 et 120 secondes decalcul sur un serveur Linux biprocesseurcadencé à 1,8 GHz, ce qui est tout à faitcompatible avec un fonctionnement opé-rationnel en temps réel.

Exemples de restitutions

Passage frontal sur la moitiénord de la FranceLes 13 et 14 février 2007, un systèmefrontal associé à des pluies particulière-ment persistantes a traversé la moitiénord de la France et a été échantillonnéen temps réel pendant plus de vingt-quatre heures par l’ensemble des cinqradars Doppler du réseau couvrant ledomaine expérimental. La figure 8 pré-sente les champs de vent et de réflectivitéà une altitude de 2 km déduits des analy-ses polyradar à différents instants de lajournée du 14 février. Lors des douze pre-mières heures d’observation, le systèmeétait globalement caractérisé par des précipitations faibles à modérées se déve-loppant dans un flux de sud-ouest relati-vement uniforme. Vers 12 h 00 TU, onobserve cependant une rotation très mar-quée du vent au-dessus de la mer duNord, qui coïncide avec l’arrivée du frontdans le domaine expérimental. On peutégalement observer une forte disconti-nuité dans la zone frontale à travers laprésence d’un flux de nord-ouest relative-ment faible à l’arrière (de 5 à 10 m.s-1) etd’un flux de sud-ouest plus marqué(~25 m.s-1) à l’avant. Ces observationssont relativement cohérentes avec lesanalyses de surface. Quelques heuresplus tard, le front a nettement progressévers l’est, comme le montre la présenced’un flux de nord-ouest sur plus de lamoitié du domaine. Vers 16 h 00 TU, il aatteint la limite est du domaine d’analyseet le flux de nord-ouest est désormaisbien établi sur l’ensemble de la moitiénord de la France. Bien que de nombreuxsystèmes frontaux aient déjà été échan-tillonnés et étudiés au moyen de radars derecherche dans le cadre de diverses cam-pagnes expérimentales (Fronts97,Fastex), c’est la première fois que de tel-

les observations sont réalisées à partird’une infrastructure purement opération-nelle. La reconstitution en temps réel etentièrement automatisée du champ devent dans ce système – mais plus généra-lement au sein de tous les systèmes préci-pitants passés sur la moitié nord de laFrance depuis le début de l’année 2007 –ouvre bien évidemment des perspectivestrès alléchantes en matière de prévision àcourte échéance. On pourra citer la possi-bilité d’estimer en tout point de l’espacela vitesse et la direction du vent en fonc-tion de l’altitude ou, plus ponctuellement,de placer en temps réel, et à une fré-quence de répétition élevée, la positiondes fronts sur un vaste domaine. Auregard des méthodes d’observation clas-siques de type radiosondage ou VAD, quine peuvent fournir que des profils verti-caux en un point, et même si ces champsde vent restent pour l’instant limités aux zones pluvieuses, il s’agit d’uneavancée significative dans le domaine dela prévision.

Si les champs de vent reconstitués dans lecadre du réseau Aramis semblent cohé-rents d’un point de vue qualitatif, uneévaluation quantitative reste néanmoinsnécessaire dans le but de valider ce nou-vel outil. Cette étape est néanmoins trèscompliquée du fait qu’il n’existe pas, à cejour, de moyens d’observation capablesde fournir ces informations à la réso-lution spatio-temporelle des radarsDoppler. La figure 9 illustre une tentative

Figure 8 - Champs de vent horizontal (vecteurs) etchamps de réflectivité à 2 km d’altitude obtenus à

partir des radars de Trappes, Falaise, Arcis, Abbevilleet Avesnes le 14 février 2007, à (a) 05 h TU, (b)

12 h TU, (c) 14 h TU et (d) 16 h TU. Le triangle noirindique la position approximative du profileur de ventVHF opérationnel de La Ferté-Vidame. La position dufront déduite des analyses de surface à 12 h TU est

également indiquée en (b).

Figure 9 - Étude comparative de la vitesse (a) et de ladirection (b) du vent obtenues par analyse poly-Doppler 3D (abscisse) et profileur VHF (ordonnée) à LaFerté-Vidame entre 00 h TU et 15 h TU, le 14 février2007. Toutes les données comprises entre 1 000 m(niveau des premières observations par profileur) et3 500 m (sommet des nuages) sont tracées. Les don-nées collectées entre 12 h TU et 15 h TU sont repré-sentées par des cercles pleins.

35

30

25

20

15

10

5

00 5 10 15 20 25 30 35

(a) Force du vent (m.s-1)

PRO

F

3D

350

300

250

200200 250 300 350

(b) Direction du vent

PRO

F

3D

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48 La Météorologie - n° 61 - mai 2008

de validation reposant sur une comparai-son avec les données du radar profileurde vent VHF de La Ferté-Vidame enEure-et-Loir. De façon générale, l’accordentre les deux jeux de données est globa-lement satisfaisant, même si l’on peutnoter des écarts non négligeables entre12 h 00 et 15 h 00 TU, période qui cor-respond approximativement au passagedu front au-dessus du profileur. Ces diffé-rences sont liées à la différence de repré-sentativité temporelle des jeux dedonnées. Les données du profileur sontainsi moyennées sur une heure, alors queles champs radar s’apparentent plus à uninstantané. De fait, lorsque les variationsdu vent sont trop importantes – ce qui estle cas lors du passage d’un front –, la fai-ble résolution temporelle du profileur nepermet pas d’effectuer une comparaisonobjective avec les champs 3D déduits desanalyses poly-Doppler. Si l’on élimine dela comparaison les données correspon-dant à cette période, on obtient alors unedifférence moyenne de 0,87 m.s-1 (vitessedu vent) et 3° (direction du vent) avec unécart quadratique moyen de 2,8 m.s-1 et10°, ce qui est remarquable. Le fait demoyenner les données issues des analysespoly-Doppler sur une heure permet éga-lement de gommer les différences liées àla représentativité temporelle des deuxjeux de données.

La ligne de grain du 25 mai 2007Le 25 mai 2007 en fin d’après midi, desorages extrêmement violents organisésen un système de type « ligne degrains » s’abattent sur la région pari-sienne, provoquant la fermeture desaéroports Orly et Charles-de-Gaullependant plusieurs heures. À Paris, latempérature chute de 10 °C en quelquesminutes et des rafales de vent de plus de100 km/h balaient la capitale. Le cyclede vie et l’évolution de ce système pré-cipitant sont représentés sur la figure 10à travers quelques instantanés dérivésdes analyses « temps réel ». On y aper-çoit très bien un ensemble de cellulesorageuses organisées en ligne se déve-loppant dans un flux de sud-ouest bienmarqué. Le système initialement detype « quasi linéaire » va progressive-ment se transformer en un système detype ligne de grains avant de se courberet perdre en intensité. La particularitéde ce système est qu’il appartient à untype de phénomènes météorologiquesparticulièrement violents caractériséspar une courbure en forme d’arc dans larégion convective. Ces systèmes nua-geux, appelés « bow-shaped» ou « bowecho » en anglais, sont connus pour

provoquer d’énormes dégâts et être àl’origine de puissantes tornades. Ilssont, pour cette raison, soumis à uneattention particulière et ont fait l’objetd’une importante campagne expérimen-tale durant l’été 2003 dans la régioncentrale des États-Unis (Missouri, Iowa,Illinois), la campagne Bamex [Bow-echo and Mesoscale Convective VortexExperiment], (Davis et al., 2004). Defaçon générale, les caractéristiques duvent restitué sont en bon accord avec lesmodèles conceptuels et les observationspassées portant sur ce type de phéno-mènes. On observe, par exemple, un

maximum du flux à 1 500 m au niveaude la région courbée qui est typique del’écoulement associé à ce type de sys-tème. On peut également noter l’excel-lente cohérence du champ de vitessesverticales, qui révèle que les régionsd’ascendance les plus fortes sont locali-sées à l’avant de la ligne, là où sont pré-cisément observés les maxima deréflectivité. Ces mouvements ascen-dants sont maximisés à 14 h 30 (5-6 m.s-1), lorsque la ligne de grain entredans sa phase mature. Ceux-ci vontensuite progressivement diminuer, maisrestent néanmoins significatifs.

Figure 10 - Restitutions poly-Doppler 3D obtenues à partir des radars de Trappes, Falaise, Arcis, Abbeville etAvesnes le 25 mai 2007 à 14 h 30 TU, 16 h 30 TU et 18 h 30 TU. Panneau de gauche : champs de vent horizontal(vecteurs) et champs de réflectivité à 1,5 km d’altitude. Panneau de droite : champs de vitesse verticale à une alti-tude de 5 km (altitude du maximum de vitesse verticale). On notera plus particulièrement le très bon accord entreles échos de réflectivité maximales, à l’avant de la ligne, et les maxima de vitesse verticale.

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L’obtention d’information sur l’inten-sité de la vitesse verticale, qui est unexcellent indicateur du degré de sévé-rité d’un système convectif, présentebien évidemment un intérêt non négli-geable du point de vue de la prévisionà très courte échéance. Un importanttravail de validation reste néanmoinsnécessaire dans le but d’utiliser cenouveau type de données en prévision.La validation à partir de données réel-les est cependant délicate car iln’existe, comme vu précédement,aucun moyen de mesure in situ fiableauquel comparer le vent restitué auxéchelles spatio-temporelles considé-rées. Une alternative à ce problèmeconsiste à simuler l’échantillonnageradar d’un champ de vent 3D connu(champ de vent analytique ou sortied’un modèle numérique de prévision)et de comparer le champ restitué auchamp de référence. Bien que cetteapproche ne permette pas de valider lamesure au sens strict, elle permetnéanmoins d’estimer les incertitudessur l’estimation des composantes du vent liées à la géométrie de l’échantillonnage et à la technique de restitution.

Simulations numériquesLes simulations numériques permet-tent de caractériser les erreurs sur lescomposantes du vent restituées et d’identifier d’éventuels biais dans laméthode de reconstitution du vent 3D.Elles permettent également d’étudier, àmoindre coût, l’impact qu’aurait unemodification du réseau (changementde mode d’exploitation, ajout d’un ouplusieurs radars) sur la qualité deschamps de vent restitués. Dans cettepartie, nous utilisons des données deréflectivité et de vent déduites d’unesimulation numérique de l’orage du

23 juin 2005, réalisée au moyen dumodèle de recherche Méso-NH(Lafore et al., 1998), pour simuler unéchantillonnage radar ayant les mêmescaractéristiques qu’un échantillonnageréel. Les données simulées consistenten des PPI de réflectivité et de vitesseradiale en tout point similaires à desdonnées réelles. Ces données simuléessont dans un premier temps bruitéesafin de rendre l’échantillonnage plusréaliste, puis traitées exactementcomme le seraient des données réelles(filtrage, interpolation). Il faut néan-moins signaler que ces simulations nereproduisent pas toutes les erreurs. Leseffets dus au filtrage par le faisceau, àla non-simultanéité des mesures ouencore à la présence de données demauvaise qualité ne sont, par exemple,pas prises en compte pour des raisonsde simplicité.

La figure 11 montre des coupes hori-zontales, à 2 500 m et 6 000 m d’alti-tude, du champ de vent de référence(Méso-NH) et du champ reconstruit aumoyen des cinq radars Aramis cou-vrant la région parisienne. De façongénérale, les composantes horizontalesdu vent u et v (vecteurs) sont parfaite-ment restituées par la méthode d’ana-lyse et cela, quelle que soit l’altitudeconsidérée. On note également que leszones d’ascendance et de subsidencesont globalement correctement resti-tuées et que les maxima et minima sont

généralement bien positionnés. D’unpoint de vue quantitatif, le champ devitesse verticale est cependant nette-ment sous-estimé par rapport au champ de référence. Cela s’ex-plique, entre autres, par la stratégie d’échantillonnage des radars, qui nepermet pas d’échantillonner correcte-ment la composante verticale de lavitesse de l’air, et par l’absence decouverture dans les basses couches(due à l’espacement entre les radars)où se situe généralement le maximum d’énergie. De nouvelles simulationspermettent de quantifier plus précisé-ment l’impact de ces deux facteurs surla reconstruction du champ de vitesseverticale : dans un premier temps, onsimule une stratégie d’échantillonnagevolumique consistant à modifier vir-tuellement le mode d’exploitation desradars, en ajoutant des angles d’éléva-tion supplémentaires (ce qui permet demieux prendre en compte la compo-sante verticale de la vitesse de l’airdans le calcul de la vitesse radiale).Dans un deuxième temps, on ajoutevirtuellement un nouveau radar àquelques dizaines de kilomètres duradar de Trappes, ce qui permet demieux échantillonner les basses cou-ches. Les résultats de ces simulationssont montrés sur la figure 12. On cons-tate ainsi que le passage à un mode d’échantillonnage volumique permetd’améliorer sensiblement la qualité duchamp de vitesse verticale obtenu,

Figure 11 - Simulations radar visant à quantifier les erreurs liées

à la géométrie de l’échantillonnage. Panneau du haut : coupes horizontales de vent

et réflectivité (resp. vent et vitesse verticale) à 2,5 km (resp. 6 km) déduites d’une simulation

numérique du cas du 23 juin 2005 par le modèle Méso-NH (référence).

Le panneau du bas représente les mêmes quantitésobtenues après application des algorithmes

de traitement utilisés pour reconstituer le champ 3D (restitution).

Les données radar simulées utilisées pour cette restitution sont obtenues en effectuant

un échantillonnage des champs de référence ayantles mêmes caractéristiques que l’échantillonnage réel.

Le domaine d’étude est ici limité à 160 km x 160 km.

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même si l’on note toujours une sous-estimation de w dans les régionsconvectives et une légère sur-estimationdans la partie stratiforme du système.L’ajout d’un radar supplémentaire permet, en revanche, de résoudre ceproblème et d’obtenir un champ trèsproche du champ de référence. Cesrésultats sur la restitution de la compo-sante verticale doivent néanmoins êtreconsidérés avec beaucoup de prudencecar d’autres facteurs plus techniquesentrent également en ligne de comptedans son estimation (le lecteur est ren-voyé à Bousquet et al., 2008a pour plusde détails sur l’estimation de w dans cecadre expérimental). En ce quiconcerne le vent horizontal, les résul-tats obtenus dans le cadre de ces simu-lations donnent une assez bonne idéede l’incertitude sur les composantes uet v. Une étude statistique réalisée àpartir de ces données simulées montreque l’erreur moyenne sur les compo-santes horizontales du vent dans lesbasses couches (< 1,5 km) se situe auxalentours de 2 m.s-1 et l’erreur quadra-tique moyenne (EQM) aux alentoursde 4 m.s-1. L’erreur décroît ensuite avec l’altitude pour se stabiliser aux

données pourront être utilisées aussibien pour des applications de typerecherche (études de cas, études statis-tiques, campagnes expérimentalescomme le projet Hymex) qu’opéra-tionnelles (prévision immédiate, sécu-risation de la navigation aérienne,modélisation numérique). À cet égard,une application particulièrement pro-metteuse est celle liée à la vérificationdes vents et structures dynamiques demoyenne échelle prévus par les nou-veaux modèles de prévision à hauterésolution, tel le modèle Arome deMétéo-France (Bouttier, 2007). Uneétude prospective fondée sur la compa-raison des vents à échelle fine prévuspar Arome et des vents radar sur lescas présentés ici est disponible dansl’article de Bousquet et al. (2008b).

Des études sont également en coursdans le but d’appliquer ce type de res-titution aux zones non pluvieuses (onparle alors de restitutions en ciel clair,voir l’encadré sur le VAD) lorsque lesconditions matérielles (densité duréseau localement suffisante) et natu-relles (présence d’insectes ou d’aéro-sols) s’y prêtent. Cet aspect estparticulièrement important dans le butde mieux décrire l’état pré-convectifde l’atmosphère et d’identifier précisé-ment les cisaillements, lignes deconvergence ou autres tourbillons, quisont souvent d’excellents précurseursde la convection atmosphérique. Ladisponibilité de restitutions 3D en airclair permettra de mieux caractériser lacouche limite en milieu urbain et dequantifier les échanges entre les villeset l’atmosphère, qui constitue aujour-d’hui un axe de recherche majeur enprévision numérique du temps. Cesdonnées pourront également êtreexploitées ponctuellement en complé-ment de moyens d’observations plusclassiques de type radiosondages, pro-fils VAD ou données de profileurs devent pour le suivi et la prévision de laqualité de l’air.

alentours de 0,2 m.s-1 entre 2,5 et11 km d’altitude (EQM < 1,5 m.s-1). Lerecours à un échantillonnage volu-mique n’a que peu d’influence sur laqualité des composantes horizontalesdu vent restitué, mais permet cepen-dant d’améliorer sensiblement la cou-verture spatiale au-dessus de 10 kmd’altitude. Si l’installation d’un radarsupplémentaire en région parisiennen’est pas prévue à court terme, le pas-sage à un mode d’exploitation volu-mique est cependant à l’étude etpourrait être bientôt deployé sur l’en-semble du réseau.

À plus long termeL’objectif à moyen terme (2009) est degénéraliser cette analyse à l’ensembledu réseau, af in de produire unemosaïque radar opérationnelle de ventet réflectivité 3D, couvrant l’ensembledu territoire national. À noter que cettemosaïque 3D pourrait ultérieurementêtre étendue à l’ensemble de l’Europe,au travers de la prochaine mise enplace, dans le cadre Eumetnet-Opera,

d’un datahub pourles radars européens.À cette mosaïquenationale viendrontéventuellement s’a-jouter des analysesrégionales à échelleplus fine (de l’ordredu kilomètre) dans lesrégions où la densitédu réseau est plusimportante (principa-lement dans la régionde Nîmes, voir figure4), permettant ainsiaux prévisionnistesde mieux anticiperl’évolution à venirdes événement plu-vieux observés. Plusgénéralement, ces

Figure 12 - Champ de vitesse verticale reconstitué à 6 km d’altitude, obtenu en simulant un échantillonnage volumique (haut), puis en ajoutant un radar virtuel (triangle rouge) situé près de l’aéroport Charles-de-Gaulle (bas). L’échantillonnage volumique se différencie de l’échantillonnage réel par l’adjonction de tours d’antenne (PPI) supplémentaires sur tous les radars, sauf Trappes, ce qui permet de mieux échantillonner la structure verticale de l’écoulement. Dans cette configuration, on suppose que les cinq radars fonctionnent tous selon le mode d’exploitation de Trappes (rond rouge), qui comporte onze angles d’élévation distincts (compris entre 0,4° et 9°) par 15 minutes (tableau 1). Dans la réalité, ces radars n’effectuent qu’entre deux et cinq rotations distinctes par période de 15 minutes. Le champ de vitesse verticale correspondant à l’échantillonnage actuel est celui montrésur la figure 11. Lors de la simulation à six radars (bas), tous les radars fonctionnent selon le mode d’exploitation de Trappes.

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