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La revue de la société savante de l’Aéronautique et de l’Espace LETTRE 3AF Association Aéronautique et Astronautique de France NUMÉRO 37 MAI 2019 NUMÉRO SPÉCIAL INNOVATION @ MBDA IRDOME CONFORME POUR FUTURS MISSILES DE CROISIÈRE STRUCTURE MULTIFONCTIONNELLE RÉALISÉE EN TECHNOLOGIE ADDITIVE SLM. MOTEUR À ONDE DE DÉTONATION ROTATIVE MAQUETTE DU MMP DANS LA SOUFFLERIE S2MA DE L’ONERA APPORT DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE À L’EXTENSION DU DOMAINE D’ENGAGEMENT APPORT DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE À L’EXTENSION DU DOMAINE D’ENGAGEMENT

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La revue de la société savante de l’Aéronautique et de l’Espace

LETTRE 3AFAssociation Aéronautique

et Astronautique de France

NUMÉRO 37MAI 2019

NUMÉRO SPÉCIAL

INNOVATION @ MBDA

IRDOME CONFORME POUR FUTURS MISSILES DE CROISIÈRE

STRUCTURE MULTIFONCTIONNELLE RÉALISÉE EN TECHNOLOGIE ADDITIVE SLM.

MOTEUR À ONDE DE DÉTONATION ROTATIVE

MAQUETTE DU MMP DANS LA SOUFFLERIE S2MA DE L’ONERA

APPORT DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE À L’EXTENSION DU DOMAINE D’ENGAGEMENT—

APPORT DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE À L’EXTENSION DU DOMAINE D’ENGAGEMENT

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LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 2019

ÉDITEUR

Association Aéronautique

et Astronautique de France

6, rue Galilée, 75116 Paris

Tél. : 01 56 64 12 30

[email protected]

DIRECTEUR DE LA

PUBLICATION

Michel Scheller

RÉDACTEUR EN CHEF

Bruno Chanetz

COMITÉ DE RÉDACTION

Pierre Bescond

Jean Délery

Jean-Yves Guédou

Paul Kuentzmann

Bertrand de Montluc

Jean-Pierre Sanfourche

Jean Tensi

Anne Venables

Bernard Vivier

CONCEPTION GRAPHIQUE

ICI LA LUNE

www.icilaLune.com

Droit de reproduction, textes et

illustrations réservés pour tous

pays.

NUMÉRO 37MAI 2019

TABLE DES MATIÈRES

ÉDITORIAL

MESSAGE DU PRÉSIDENT

TÉMOIGNAGE DE LA DGApar Corinne Lopez (DGA)

INTERVIEW DE PERSONNALITÉANTOINE BOUVIER, CEO DE MBDApar Bruno Chanetz, rédacteur en chef

POLITIQUE D’INNOVATION CHEZ MBDAL’ÉVOLUTION DE LA POLITIQUE D’INNOVATION CHEZ MBDApar Denis Gardin, Directeur Innovation et Technologies FuturesLA DÉMARCHE E3 CHEZ MBDA : COMMENT FAVORISER L’OPEN INNOVATION AVEC LES STARTUPS, LES PME ET LES CENTRES DE RECHERCHE EUROPÉENSpar Harold Van den Bossche et Jonathan LangloisMCM ITPpar Olivier LucasCOOPÉRATIONS ONERA, ISL, CEA TECHpar Eric Ribadeau-Dumas

INNOVATIONS TECHNIQUESNOUVEAUX MATÉRIAUX HAUTES PERFORMANCES ET FABRICATION ADDITIVEpar Stéphane JosseSIMULATIONS MULTI PHYSIQUESpar Eric Ribadeau-DumasSIMULATION SYSTÈMESpar Amélie Rouvière et Sylvain LoyerLES SIMULATIONS AVEC L’HOMME DANS LA BOUCLEpar Alain BandiniSENSEURS, ANTENNES, NAVIGATIONpar Jean-Christophe Antoni, Jacky Grosset et Bruno LemaireINTELLIGENCE ARTIFICIELLEpar Yonatan Teboul et Lydiane AgranierUNE GRANDE EXPÉRIENCE ET UNE INNOVATION CONSTANTE DANS LA PROPULSION AÉROBIE HAUTE VITESSEpar Marc BouchezUNE USINE INNOVANTE À MBDApar Romain Pujol et Marc Tarrade

FUTURS PRODUITSLYNKEUS LE PLUS PETIT SYSTÈME TIR AU-DELÀ DE LA VUE DIRECTE (TAVD)par Alain BandiniUN NOUVEAU PAS VERS L’ÉTUDE DES EFFETS DES ARMES LASERS POUR MBDApar Eric DuclouxLES NOUVEAUX SYSTÈMES D’ARMES EN RÉSEAUpar Philippe Roudier et Severine Dory

PARMI LES PROCHAINS ÉVÉNEMENTS

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LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 2019

Ce numéro spécial de la Lettre 3AF est consacré au groupe industriel MBDA, premier missilier européen et leader mondial. Le missile – armement autopropulsé et guidé - est apparu sur les champs de bataille de la Seconde Guerre mondiale. Werner von Braun, qui devait jouer un rôle majeur dans la mise en œuvre du programme spatial américain, s’était auparavant illustré en Allemagne par la mise au point des célèbres V2.

En remontant plus loin dans l’histoire, l’artillerie à feu, apparait en France au XIVe siècle, prenant le relai du trébuchet médiéval. Au XVe siècle, Charles VII le Victorieux, tiré de sa royale indolence par l’énergie de Jeanne d’Arc, eut à son service les frères Bureau, lesquels innovèrent en remplaçant les boulets de pierre par des boulets de fonte. En 1494, Charles VIII brisa la résistance des Napolitains grâce à ses haquebutes et la chronique rapporte qu’il récompensa les actes de courage individuel : 10 écus à mon canonnier pour ce coup merveilleusement bien tiré droit. L’imprécision des tirs était en effet le point faible de l’artillerie naissante. Au XVIe siècle, le chef catholique Blaise de Montluc exprimait ainsi ses doutes face aux calculs des trajectoires de boulets  :  Or je vois souventes fois bombardiers et pétardiers du roi … emberlificotés et empêtrés en mirifiques formules … perdant en ces cogitations temps précieux et verte jeunesse. Il m’apparait l’emploi de ces exactes formules être peu sûr et bien coûteux, pour l’incer-titude où nous sommes de toutes choses terrestres … Aussi suis-je d’avis d’user plutôt de formules simples, espérant que Dieu, vu la simplicité de nos cœurs et la bonté de notre cause, fera la vivacité de poudre compenser parfois la légère fausseté de formules.

Au XXIe siècle, il faut viser juste, les dégâts collatéraux n’étant plus acceptables. En matière d’armement, l’accent a toujours été mis sur l’innovation, et les guerres ont souvent été un puissant catalyseur permettant l’accélération de la recherche et l’émergence de concepts nouveaux. Le déploiement de l’aviation au cours de la Première Guerre mondiale en est l’illustration. De nos jours, l’innovation est une impérieuse exigence, notre sécurité reposant sur la supériorité de notre technologie.

Lors de sa visite de l’ONERA à Palaiseau, le 10 janvier dernier, la ministre des Armées, Florence Parly, a rappelé l’importance de l’innovation au service de nos Armées  : Ici, partout, on connaît la nécessité de repousser les frontières de la technique, d’envisager les cas impossibles et de nous parer à toutes les éventualités. Car à l’heure où les conflits changent, où les stratégies du passé sont devenues caduques,

où les nouvelles technologies structurent tous les champs de bataille, nous ne pouvons pas rester sans rien faire. Prendre le tournant de l’innovation, c’est prendre l’ascendant sur notre ennemi et refuser de se faire dépasser par nos alliés. L’innovation, c’est la garantie de notre souveraineté. C’est la garantie de notre autonomie stratégique.

Et c’est bien sous le signe de l’innovation que la Lettre 3AF consacre ce numéro spécial au groupe MBDA. La maitrise d’œuvre de cette Lettre a été déléguée à Denis Gardin, directeur Innovation et technologies futures, qui orchestre la politique d’innovation du groupe. Dans une première partie, différents aspects de cette politique sont déclinés, à commencer par l’innovation ouverte, qu’il avait présentée le 15 mai 2018, lors de la première table ronde Oliver Wyman/Alumni-ONERA, dédiée à l’Open Innovation 1. Récemment dans nos colonnes, Olivier Martin, secrétaire général de MBDA, est revenu sur cet aspect en indiquant comment MBDA cherchait à identifier, faire murir et exploiter les technologies innovantes développées à l’extérieur, notamment dans le secteur civil 2. Cette démarche impliquant les start-up est menée parallèlement aux coopérations avec les organismes étatiques : l’ONERA,l’ ISL et le CEA Tech.

Une seconde partie est dévolue aux innovations techniques, qui concernent tous les domaines : matériaux, systèmes, simulation, navigation, radars, Intelligence Artificielle et propulsion hypersonique. Elle se termine par la présentation du projet d’usine du futur.

La Lettre s’achève par la présentation des produits de demain. Certains mettront en œuvre des lasers puissants, d’où des études en cours sur l’interaction lumière/matière. MBDA a également développé une nouvelle architecture de défense sol-air en réseau, qui présente une rupture dans l’organisation des défenses aériennes. Cette archi-tecture, très souple, s’applique aussi bien à la défense de zones de faible superficie qu’à des territoires de grande étendue à l’échelle d’un pays.

C’est donc un panorama très large des innovations au sein de MBDA que propose ce numéro spécial. Aussi nous remercions Olivier Martin et Denis Gardin d’avoir accepté de nous faire partager ces innovations industrielles qui passionneront tous nos lecteurs épris de technique. ■

Bruno ChanetzRédacteur en Chef

ÉDITORIAL

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1 voir Lettre 3AF n°312 voir Lettre 3AF n°36

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LE MESSAGE DU PRÉSIDENT

Je voudrais en premier lieu exprimer ma reconnais-sance à Michel Scheller de m’offrir, en tant que membre du Conseil d’administration de la 3AF, cette occasion de le remplacer pour le traditionnel message du président.

Depuis quelques années, l’innovation dans le domaine de la Défense est un thème récurrent utilisé dans de nombreux cénacles, colloques et conférences … La création récente de l’Agence de l’Innovation de Défense n’a fait que renforcer cette orientation. Or, vous avez entre les mains un numéro spécial sur l’Innovation chez MBDA. Qu’apporte-donc de particulier ce numéro et pourquoi, je l’espère, allez-vous le lire ?

Bien entendu, l’innovation est essentielle au maintien et au développement des entreprises, et notamment de celles de haute technologie comme les entreprises de défense. Inutile de justifier cette évidence et nous ne chercherons pas ici à le faire. Il convient également de rappeler que l’innovation concerne toutes les fonctions d’une entreprise: à titre d’illustration, MBDA le montre dans les domaines organisation industrielle avec les centres d’excellences industrielle franco-britanniques, structure unique en Europe dans l’industrie de défense, relations contractuelles avec les partenariats Team Complex Weapons en Grande-Bretagne et Filière Missiles en France, ressources humaines avec une formation spécifique Esprit de Défense tout à fait originale récemment créée pour ses jeunes embauchés et la mise en place d’une plateforme de formation numérique à la demande accessible à tous ses salariés. Cependant, pour la lettre 3AF, nous nous concentrerons ici sur l’innovation technique et industrielle.

Nous chercherons tout d’abord à montrer que cette politique d’innovation n’est pas récente chez MBDA, les succès rencontrés depuis plusieurs années étant le fruit d’innovations importantes depuis plusieurs décennies dans le domaine des missiles comme la propulsion super-sonique, le guidage terminal par traitement d’images ou la furtivité mais également des systèmes de missiles comme le développement des architectures ouvertes en réseaux, les simulations systèmes ou la protection cyber temps réel appliquée aux systèmes de défense aérienne … Ce numéro vous présentera ainsi de façon synthétique les principaux domaines de recherche technologique qui irrigueront nos futurs programmes de missiles, de la propulsion hypersonique à l’intelligence artificielle en passant par les matériaux hautes performances et le traitement de données massivement parallèle.

Bien que réalisant notre innovation technique et technologique dans le domaine de la défense, la politique de MBDA ne se veut pas fermée sur elle-même mais au contraire la plus ouverte afin de bénéficier dans toute la mesure du possible des contributions des grands centres de recherche européens tels que l’ONERA, le CEA ou l’ISL en France ainsi que de nos partenaires industriels tels que nos principaux coopérants mais également le tissu très riche de PME et de starts-up en France et en Europe. C’est en effet grâce à un environnement performant en matière d’innovation que MBDA, leader en France et en Europe de la filière missiles, peut préserver son niveau d’excel-lence et sa capacité à fournir à ses clients domestiques européens les capacités militaires critiques souveraines dont elles ont besoin.

Enfin, cette innovation se veut également réalisée en coopération européenne, soutenue notamment par la France et la Grande-Bretagne au titre du programme de R&T MCM – ITP, afin non seulement de bénéficier là encore des compétences disponibles dans ces pays, mais également et surtout de préparer ensemble les techno-logies nécessaires aux futurs grands programmes de coopération européenne qui viendront remplacer demain les systèmes de missiles de croisière Scalp, les systèmes de défense anti-aérienne Aster et les missiles d’interception longue distance Meteor.

En vous souhaitant désormais une bonne lecture de cette lettre ! ■

Olivier MartinSecrétaire Général MBDA

Membre du Conseil d’administration de la 3AF

LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 20194

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L’innovation portée par la DGA 1 dans le domaine des missiles est en grande partie structurée soit par le cadre traditionnel des supports Astrid, Rapid et programmes d’études amont, soit par le partenariat franco-britannique MCM ITP 2 pour les technologies à bas niveau de maturité (TRL 3 1 à 4), coopération issue du traité de Lancaster House de 2007 et sous pilotage de MBDA. Chacun de ces vecteurs contractuels impliquent des échanges constants entre MBDA et la direction technique de la DGA pour parfaitement partager les feuilles de route technologiques nécessaires à l’adaptation des performances missiles aux besoins opérationnels futurs, ou à l’identification des obsolescences et des ruptures technologiques prévisibles.

Il est important de noter par ailleurs que des forums complémentaires permettent d’établir un environnement entre MBDA et la DGA favorable à l’innovation. On peut citer en exemple d’une part l’approche ouverte initiée avec DGA Essais de missiles pour valoriser de nouvelles techno-logies de télémesure ou pour embarquer des expériences de sauvegarde hybride, d’autre part des séminaires thématiques, comme ceux de 2015 sur la préparation de mission, de 2016 sur l’implication de la simulation dans l’évaluation des performances de missiles avec DGA Maitrise de l’information, ou celui récent de 2018 sur les méthodologies de tenue aux différents environnements. Ces séminaires qui sont régulière ment organisés entre la DGA et MBDA permettent des échanges fructueux entre experts et sont suivis par des plans d’actions spécifiques sur le court/moyen terme. ■

TÉMOIGNAGE DE LA DGApar Corinne Lopez (DGA)

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1 Direction Générale de l’Armement2 Materials and Components for Missiles Innovation and Technology Partnership3 Technology Readiness Level

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Antoine Bouvier

Bruno Chanetz : Comment voyez-vous l’évolution du contexte stratégique et des menaces ?

Antoine Bouvier : La montée de la Chine, ses ambitions stratégiques, son niveau technologique constituent probablement l’évolution la plus significative du moment. Le phénomène explique notamment le basculement vers l’Extrême-Orient des priorités stratégiques américaines, la perception en Europe que le lien atlantique se distend, impression que vient renforcer la réaffirmation par la Russie de sa puissance et de ses capacités militaires.

Ces évolutions ont aujourd’hui une conséquence positive  : l’Europe prend conscience de la nécessité de pouvoir se défendre par elle-même, ce que traduit la Stratégie Globale présentée il y a déjà trois ans par la Haute Représentante pour les Affaires Etrangères et la Politique de Sécurité de l’Union, Federica Mogherini. Clé de voûte de cette stratégie, l’objectif d’autonomie stratégique européenne conduit à la nécessité de préserver la base industrielle et technologique de défense et à la mise en place d’outils visant à encourager la convergence des besoins militaires et des réponses industrielles par des programmes communs.

Si on s’intéresse maintenant aux technologies, on constate que les nouveaux matériaux, les nouvelles méthodes de fabrication additive, l’intelligence artificielle (IA) et le big data conduiront à des ruptures technologiques que les Etats puissances mettront à profit pour développer des armes plus rapides à mettre en œuvre, plus sélectives et plus efficaces ou des défenses plus difficiles à pénétrer.

À cette montée en puissance des armes de supériorité stratégique, s’ajoute la diffusion des technologies de l’information ou de navigation qui sont déjà mises en œuvre par des acteurs non étatiques, locaux ou régionaux avec des tactiques non conventionnelles d’intrusion ou de saturation et qui élargissent le spectre des menaces.

BC : Comment MBDA s’adapte à cette nouvelle donne ?

AB : Je dirais que MBDA a beaucoup d’atouts. MBDA se situe au cœur de la souveraineté et de l’autonomie stratégique dans nos pays domestiques, bien entendu en France comme responsable de la composante nucléaire aéroportée, mais également en Europe par sa maitrise complète des systèmes de missiles, qui délivrent les effets militaires principaux sur le champ de bataille. De plus, raison d’être essentielle de MBDA, la coopération européenne constitue un relais pour partager l’effort de réalisation des nouveaux produits et des technologies nécessaires à leur développement. À titre d’illustration, MBDA a mis en place depuis cinq ans des centres d’excel-lence industrielle franco-britanniques dans un certain nombre de domaines technologiques clés (calculateurs embarqués, actionneurs de gouverne, liaisons de données missiles, charges militaires complexes …) qui servent les besoins des deux nations et limitent les duplications inutiles. Enfin, l’exportation, qui compte pour environ la moitié de l’activité du groupe, est indispensable pour permettre d’atteindre la taille critique et le maintien des compétences de la filière missiles européenne.

L’IA permettra aux autodirecteurs d’acquérir des cibles avec des informations partielles. Copyright: MBDA M. Cherfi

BC : Quels sont les futurs concepts de missiles  qui répondront à ces nouvelles menaces ?

AB : La maison ne manque pas de projets. Je commencerai par la dissuasion pour laquelle nous voulons faire un nouveau bond vers l’hypervélocité avec le futur ASN4G qui remplacera vers 2035 le missile ASMPA de

INTERVIEW DE PERSONNALITÉ

ANTOINE BOUVIER, CEO DE MBDApar Bruno Chanetz, rédacteur en chef

LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 20196

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la composante nucléaire aéroportée. Nous travaillons également sur le programme FMAN/FMC (Futur Missile Anti Navire/Futur Missile de Croisière) pour remplacer dans le courant de la prochaine décennie les missiles de frappe dans la profondeur SCALP/Storm Shadow et les missiles antinavires Exocet et Harpoon en France et au Royaume-Uni, avec l’objectif de réaliser un saut qualitatif dans les capacités de pénétration de ces missiles combinant vitesse et furtivité et avec la volonté d’entraîner d’autres nations européennes dans cette coopération.

Nous avons réalisé des avancées significatives dans la mise en réseau des défenses aériennes d’une manière transparente pour l’utilisateur et nous verrons demain cette même évolution dans le domaine des armes air-sol. Nous participons à la définition des armements du SCAF (Système de Combat Aérien Futur) car il est essentiel d’influer le plus en amont possible pour avoir les meilleurs compromis opérationnels entre plates-formes et effecteurs.

Nous poursuivons les développements dans le domaine de la défense aérienne et antimissile intégrée (IAMD) avec l’Aster Block 1 NT et réfléchissons déjà à l’étape suivante dans un cadre européen car ces moyens sont structurants pour l’industrie, mais aussi et surtout pour la capacité des nations européennes à se défendre et à intervenir sur des théâtres extérieurs en toute autonomie.

Dans le domaine terrestre, l’arrivée du missile MMP et de sa capacité de Tir Au-delà des Vues Directes (TAVD) constitue une révolution opérationnelle et nous sommes particulièrement fiers que ce produit inspire aujourd’hui un projet soutenu par la France dans le cadre de la Coopération Structurée Permanente (CSP) visant à définir conjointement avec les autres nations européennes les technologies, les doctrines et les concepts d’emploi d’une famille d’armements terrestres sans dépendances hors d’Europe.

Enfin, pour traiter les menaces saturantes pour lesquelles le missile n’est pas la réponse la plus appropriée, nous travaillons activement dans le domaine des systèmes C-UAS de lutte contre les mini drones et des systèmes d’armes laser.

BC : Quelles technologies ces concepts demandent-ils de maîtriser ?

AB : Le champ des technologies nécessaires s’élar-gissant, on ne pourra pas tout maîtriser en interne. Il importe effectivement de se focaliser sur les technologies de souveraineté, celles qui permettront à nos forces d’agir en toute indépendance. À titre d’illustration, je peux citer les matériaux réfractaires et la dissipation thermique qui seront nécessaires pour soutenir la chaleur intense à laquelle sont soumis les corps volant à très grande vitesse, la propulsion aérobie avec ses différentes gammes de turbo-, stato- et superstato-réacteurs pour la frappe dans la profondeur des objectifs les plus défendus.

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INTERVIEW DE PERSONNALITÉANTOINE BOUVIER, CEO DE MBDA

Concept de missile hypersonique utilisant des matériaux réfractaires. Copyright: MBDA M. Cherfi

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Les performances attendues de nos futurs missiles en termes de vitesse et de portée rendront quasiment impossible de les tester en vol comme nous le faisons aujourd’hui. La compréhension des phénomènes physiques, leur modélisation et leur simulation devra être toujours plus précise. À cet effet, nous venons d’ouvrir en ce début d’année sur notre site du Plessis-Robinson un nouveau centre de calcul d’une puissance d’un petaflop (1015 opérations en virgule flottante par seconde), soit l’un des vingt ordinateurs les plus puissants en service en France qui permettra notamment d’étudier efficacement des phénomènes encore mal maitrisés comme l’aérodyna-mique de vol hypersonique.

Les technologies de liaisons de données et de cyber-protection sont appelées à franchir de nouveaux sauts qualitatifs et diversifieront les missions attendues de nos missiles qui ne seront plus simplement des effecteurs dépendants d’une plate-forme, mais aussi les yeux et les nœuds d’un grand réseau de combat. L’IA embarquée implique de maîtriser les processeurs ultra-rapides et à basse consommation énergétique. Elle appelle aussi à disposer de grandes bases de données pour entraîner nos algorithmes, un défi dans un domaine comme celui de la défense où l’on n’a pas l’habitude de partager l’information et où la coopération européenne peut apporter beaucoup.

La concomitance de ces ruptures technologiques vient brouiller un peu plus aujourd’hui le périmètre des missiles avec les Remote Carriers, capables non seulement de détruire des objectifs, mais aussi de coopérer entre mobiles pour perturber les défenses adverses, les attaquer et effectuer des missions de pénétration que le pilote ne pourra plus effectuer lui-même face à l’intensité des défenses adverses. Devant l’élargissement de la palette des technologies nécessaires au développement de nos futurs systèmes de missiles, MBDA a décidé de s’appuyer résolument sur une politique d’innovation ouverte notamment avec les organismes de recherche publics tels que l’ONERA, l’ISL ou le CEA en France, mais également au travers d’une politique de partenariats avec les PME, startups et laboratoires qui nous permettent d’accéder à des technologies civiles utiles pour le développement de nos futurs systèmes d’armes (big data, intelligence artificielle, cybersécurité  …). Cette coopération s’avère notamment très fructueuse avec les PME et startups au travers du programme franco-britannique MCM-ITP 1, initiative peu commune lancée en 2007 et qui vise à soutenir, dans le domaine des missiles, le développe-ment conjoint des futures technologies à bas TRL 2. Ce partenariat avec les startups et PME nous a même conduit à prendre récemment des participations dans des sociétés critiques pour notre activité, tels que Kalray et Dolphin Intégration.

INTERVIEW DE PERSONNALITÉANTOINE BOUVIER, CEO DE MBDA

LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 20198

1 Matériaux et Composants pour Missiles-Innovation and Technology Partnership2 Pour plus de détails, voir l’article sur le sujet dans ce présent numéro (page 12).

La capacité de tir au-delà des vues directes du missile MMP constitue une révolution opérationnelle. Copyright : MBDA L. Guichardon

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Pérenniser ces partenariats et définir des architectures produits facilitant les insertions technologiques sont alors les deux leviers qui nous permettront de répondre au mieux et dans la durée aux besoins de nos forces armées.

BC : Vous soulignez l’étendue de la coopération franco-britannique dans les missiles. Quelle contribu-tion l’Europe ou la coopération peuvent apporter à vos besoins technologiques ?

AB : Ce qui est à l’œuvre à Bruxelles est très positif. L’UE s’est dotée d’instruments très complémentaires pour favoriser l’émergence de nouveaux programmes en coopération, ce qui est en soit un défi dans le contexte politique européen que l’on connait aujourd’hui. Pour la première fois existe à Bruxelles un processus cohérent qui couvre successivement l’identification des capacités prioritaires à développer en commun ; un cadre politique, la CSP, permettant de traiter ces priorités entre les Etats membres qui le souhaitent ; et enfin une contribution du budget communautaire au travers du Fonds Européen de Défense (FED) pour inciter à coopérer pour le développe-ment de ces programmes.

Sans attendre que les budgets soient en place, l’Action Préparatoire sur la Recherche en matière de Défense (PADR) permet d’ores et déjà, avec des budgets certes limités, de travailler sur des thématiques prioritaires au sens de l’autonomie stratégique et de le faire au travers de consortiums associant grands donneurs d’ordre et PME de diverses nations, et donc de créer les organisations qui seront à même de développer demain ces programmes européens. MBDA est déjà engagé dans ce cadre sur des thématiques telles que l’armement des drones, les armes laser, la cartographie des dépendances à l’égard de nations non européennes dans les composants électroniques et enfin le développement d’une filière européenne de composants FPGA (Field Programmable Gate Arrays).

Il est important de souligner que les mécanismes européens prennent soin de diriger les budgets vers des produits dont la maitrise et l’autorité de conception résideront dans l’Union Européenne. C’est la condition indispensable pour soutenir l’objectif d’autonomie stratégique. Malheureusement après le Brexit, le Royaume-Uni deviendra mécaniquement un Etat tiers et ne pourra plus accéder à ce fonds, si rien n’est fait. Vis-à-vis de cet objectif d’autonomie stratégique et compte tenu de la similarité des politiques de défense du Royaume-Uni et des pays européens dont la France, il est indispensable de pouvoir associer l’un des acteurs majeurs de la coopération en Europe. Tornado, Typhoon, A400M, Scalp, Meteor sont en effet des programmes européens où le Royaume-Uni est leader ou occupe une place déterminante. Enfin, l’accès aux capacités et aux budgets britanniques renforcera la possibilité de constituer des champions européens ayant la taille critique face aux grands concurrents mondiaux que sont Américains, Russes et Chinois.

Il faudra donc définir après la mise en œuvre du Brexit le mode d’association dans le domaine de la défense et la sécurité entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Cette association pourrait prendre la forme d’un traité grâce auquel Londres aurait un statut particulier et pourrait continuer d’accéder aux instruments de la politique de défense européenne, que ce soit l’Agence Européenne de Défense (AED), la CSP ou le FED. Je me réjouis de voir que c’est également la volonté du président Macron qui appelle, dans sa lettre aux Européens du 4 mars dernier, à la formation d’un conseil européen de sécurité associant le Royaume-Uni, première étape de ce futur traité d’association. ■

LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 20199

INTERVIEW DE PERSONNALITÉANTOINE BOUVIER, CEO DE MBDA

L’IA permettra de simplifier et raccourcir drastiquement le travail de préparation de mission des futurs missilesde frappe dans la profondeur. Copyright: MBDA M. Cherfi

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L’époque actuelle est caractérisée par des transfor-mations très rapides des produits, services et chaînes de valeur des entreprises du fait de la diffusion de nouvelles technologies en particulier numériques.

Pour MBDA, dont la mission est d’assurer l’accès à des capacités de défense souveraines à ses pays clients, cela nécessite de renforcer ses capacités à :• détecter les nouvelles technologies adaptées à ses futurs

besoins ;• monter des partenariats avec de nouveaux acteurs ;• maitriser des méthodes de développement agiles ;• répondre à une évolution rapide des menaces.

Tout en maintenant une rigueur permettant de garantir aux forces armées la fourniture de systèmes complexes critiques à la fois sûrs, sécurisés et disponibles sur une longue période.

Répondre à ces enjeux est crucial au risque sinon de :• rater une révolution technologique ;• ne pas répondre à l’évolution des menaces auxquelles

font face nos clients ;• ne pas pouvoir recruter les compétences nécessaires ;• laisser le champ concurrentiel à de nouveaux acteurs

plus agiles.

ÉQUILIBRER L’INNOVATION PROGRAMMATIQUE ET LES INITIATIVES INDIVIDUELLES

Traditionnellement dans l’industrie de défense, l’inno-vation découle d’un schéma en cascade, programma-tique, «  top down  », où l’utilisateur final exprime des besoins capacitaires, la DGA établit des programmes d’armement pour y répondre en cascade des objectifs vers les industriels de la défense au travers d’appels d’offre.

L’émergence de technologies duales à un rythme plus rapide, en particulier numériques, pose un défi au modèle traditionnel d’innovation programmatique car les nouvelles technologies ouvrent de nouvelles oppor-tunités non prévues initialement dans les programmes d’armement et difficiles à insérer en cours de programme. Les nouvelles technologies génèrent par ailleurs de nouvelles menaces auxquelles il faut trouver une parade dans des délais très courts (cyber attaques, drones civils utilisés comme IED 4, etc.).

Pour compléter l’approche programmatique, MBDA a mis en place des processus et outils dédiés d’innova-tion créative et entrepreneuriale permettant de gérer la collecte, la sélection, la maturation et le transfert de toutes les idées et propositions d’innovation.

POLITIQUE D’INNOVATION

L’ÉVOLUTION DE LA POLITIQUE D’INNOVATION CHEZ MBDApar Denis Gardin, Directeur Innovation et Technologies Futures

LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 201910

L’innovation ouverte et entrepreneuriale complète l’approche programmatique

4 Improvised Explosive Device

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Un des enjeux majeurs réside dans un changement des comportements et des croyances de l’ensemble des collaborateurs permettant de libérer la créativité, et soutenir rapidement les meilleures idées dans un monde où la connaissance est diffuse. Ce dispositif intègre des formations dédiées aux méthodes créatives et agiles, des dispositifs de collecte des idées des employés de façon spontanée ou provoquée (par des «  Challenges  »), du support à la résolution de problématiques au travers d’approches collaboratives. Enfin, des espaces dédiés à l’innovation déployés progressivement sur les sites de

l’entreprise permettent à tous de mettre en application ses idées de manière optimale.

L’innovation ouverte et entrepreneuriale complète l’approche programmatique.

Le partage et la célébration de l’innovation sont des éléments clés pour entraîner les collaborateurs de MBDA. Les Innovation Awards récompensent chaque année les équipes et les projets les plus innovants. ■

Historiquement, les coopérations technologiques dans le secteur de défense sont intenses et nombreuses. Les dynamiques d’ouverture sont bien établies dans ce secteur depuis de nombreuses décennies. En témoignent les logiques de partage de roadmaps technologiques, de plateformes modulaires pour les systèmes d’armes, de coopérations étroites entre les armées, la DGA, les donneurs d’ordre, et les agences technologiques 5.

Aujourd’hui, si le secteur de défense reste leader dans de nombreux domaines technologiques de pointe, l’inno-vation dans le numérique et les nouvelles technologies demeure principalement stimulée par des entreprises civiles. Or, ces mêmes technologies du numérique et du digital demeurent un enjeu majeur pour la défense.

La démarche E3 d’innovation ouverte mise en place par MBDA présente trois phases  : Explore, Engage, Endure. Elle a pour objectifs d’identifier, d’engager et de soutenir les PME et les startups les plus probantes pour le dévelop-pement et la production des systèmes de missiles.

Le rôle de la phase Explore est de favoriser l’iden-tification de nouvelles PME, startups et centres de recherche avec un fort potentiel d’innovation technolo-gique. Cela implique de développer des mécanismes de partage d’informations et de connaissances entre toutes les fonctions impliquées dans l’innovation (Ingénierie, Technologie, Opérations, Stratégie, Commerce, etc.)

La phase Engage a pour but de définir la stratégie d’engagement entre MBDA et les nouveaux acteurs identifiés, en prenant en compte la maturité du besoin interne et le leadership de ceux-ci sur les technologies ciblées.

Enfin, la phase Endure vise à maintenir un accès pérenne et souverain aux technologies et solutions développées avec les PME, tout au long du cycle de vie, lequel est particulièrement étendu dans le secteur défense (supérieur à 30 ans).

La démarche E3 est pilotée par une «  cellule E3  », transverse à la direction Innovation & future techno-logies et la direction Industrial Policy, Supply chain & Procurement. Cela permet de conserver une cohérence technologique, commerciale et stratégique. Elle repose également sur une communauté d’ambassadeurs engagés, par leurs activités, auprès des PME innovantes. ■

POLITIQUE D’INNOVATION

LA DÉMARCHE E3 CHEZ MBDA : COMMENT FAVORISER L’OPEN INNOVATION AVEC LES STARTUPS, LES PME ET LES CENTRES DE RECHERCHE EUROPÉENSpar Harold Van den Bossche et Jonathan Langlois

LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 201911

5 Serfati, C. (2014). L’industrie française de défense. La documentation française.

POLITIQUE D’INNOVATIONL’ÉVOLUTION DE LA POLITIQUE D’INNOVATION CHEZ MBDA

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LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 201912

Le programme MCM ITP 6 (Materials & Components for missiles – Innovation Technology Partnership) est un programme de coopération franco-britannique lancé en 2008 visant à développer des technologies émergentes (TRL <4) pour les futurs systèmes d’armes complexes.

Doté d’un budget annuel de 13 M€, ce programme a la particularité de combiner à parité à la fois un financement étatique français et britannique mais aussi un financement étatique et industriel.

Une trentaine de projets sont lancés tous les deux ans avec un objectif affiché d’innovation ouverte puisque 30% du budget est attribué à des PME et des centres de recherche des deux pays. Ces projets sont pilotés par un consortium constitué de MBDA, Thales, Galileo, Roxel, Safran Power Units, QinetiQ et Nexter.

Cette formule s’est avérée efficace puisque plus de 150 partenaires PME et académiques ont été impliqués dans les projets de l’ITP. Certains d’entre eux sont d’ailleurs devenus des partenaires de MBDA sur la durée et ont bénéficié de l’investissement et de la visibilité du programme MCM ITP pour développer leurs activités en parallèle des applications Défense.

Toute la communauté du programme MCM ITP se retrouvera lors de sa conférence bisannuelle les 15 et 16 octobre à Birmingham (UK). Les projets et les résultats du programme y seront présentés et des stands accueilleront des PME et des centres de recherche pour des échanges avec les participants.

Sont également invités des intervenants externes qui présenteront leur expérience et leur vision de l’innova-tion dans le monde de la Défense.

Le programme MCM ITP a été un véritable accélérateur de l’innovation ouverte ; il a également été un accélérateur d’insertion de technologies innovantes dont bénéficient déjà des systèmes en phase de préparation ou de dévelop-pement.

C’est, par exemple, dans le cadre de MCM ITP qu’a été lancé le premier projet mettant en œuvre des algorithmes d’intelligence artificielle appliquées à la reconnaissance automatique de cibles. Ce projet a donné ensuite naissance à un PEA (projet d’étude amont) financé par la DGA et à un partenariat structurel entre MBDA et la PME Kalray, soutenue ensuite par la BPI. Cette solution est aujourd’hui prête à être insérée dans des systèmes comme des postes de tir missile ou des moyens de surveillance optroniques.

C’est tout un réseau d’acteurs de l’innovation de Défense qui a ainsi bénéficié de l’impulsion donnée par des projets MCM ITP et qui contribue aujourd’hui à développer de nouvelles solutions au service des Forces Armées. ■

POLITIQUE D’INNOVATION

MCM ITPpar Olivier Lucas

6 Materials and Components for Missiles Innovation and Technology Partnership

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LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 201913

Collaborer pour mieux innover  : MBDA, dans le cadre de cette préparation de l’avenir, a consolidé un partenariat avec 3 grands organismes de recherche publics : l’ONERA, l’ISL et le CEA Tech. Ces 3 partenariats sont basés sur les mêmes principes, que nous allons développer ci-dessous :• La présence d’équipes, au sein de l’organisme de

recherche, dont les spécialités concordent avec les besoins de l’industriel.

• Une compréhension mutuelle des intérêts de chacun en matière d’orientation des travaux.

• Une compréhension partagée des rôles respectifs, basée sur une complémentarité source d’efficacité et d’optimi-sation des coûts.

LES DISCIPLINES ABORDÉES

Avec les acteurs de la recherche mentionnés ci-dessus, les champs d’application des actions de recherche sont très nombreux. Les besoins de MBDA sont très larges, et on ne compte pas moins d’une centaine de disciplines ou métiers dont les travaux nécessitent des équipes ayant les compétences techniques requises par le développement de produits dont les performances techniques sont gage pour l’état français du maintien de capacités opération-nelles participant aux actions de souveraineté nationale.

L’ONERA a bien sûr une place privilégiée dans le domaine aéronautique, civil et de défense. Que ce soit dans les domaines des matériaux, de l’aérodynamique, de la propulsion aérobie, qui ne sont que quelques exemples des domaines de coopération, l’ONERA a développé des compétences clé. Disposant d’un parc de souffleries à Modane unique en Europe, l’ONERA a maintenant largement diversifié ses activités, les regroupant en 7 Directions traitant de l’aérodynamique, de l’électroma-gnétisme, des matériaux, de l’optique, de l’environnement et enfin de l’information et des systèmes. C’est dire si les thèmes du partenariat sont nombreux avec les équipes techniques de MBDA.

L’ISL aborde en Franco-Allemand des actions de recherche et études scientifiques et techniques très développées, dans les domaines de la Défense et de la sécurité, et s’ouvre également aux questions de sécurité civile et de protection contre les menaces terroristes. Ses installations et ses équipes lui permettent des actions dans les domaines de l’aérodynamique, de la balistique, des matériaux, des lasers, etc.

Le CEA Tech, enfin, situé à Grenoble, se définit lui-même comme « Accélérateur d’innovations au service de l’industrie  ». Construite sur l’expérience réussie du Leti à Grenoble, CEA Tech est fort de 4500 collaborateurs chargés d’innover au service de l’industrie. CEA Tech dispose d’une offre très large de technologies génériques issues de ses trois instituts Leti, List et Liten mais aussi des autres directions opérationnelles du CEA. On y retrouve 5 Branches, autour des activités de l’information et de la communication, de la santé, de l’énergie, des matériaux et procédés et enfin des systèmes numériques intelligents.

LES INTÉRÊTS DES PARTENAIRES ET LES RÔLES RESPECTIFS

Les intérêts d’un centre de recherche et ceux d’un industriel sont complémentaires. Il apparait naturel, et profitable pour les deux parties, que les centres de recherche aient un rôle prépondérant dans les études de bas TRL, inférieur à 4. Les thématiques abordées sont alors nombreuses, et c’est par le foisonnement des idées que l’innovation peut prendre forme.

Le rôle de l’industriel, au-delà de l’identification des techniques prometteuses, est de s’assurer de la croissance du TRL dans des délais correspondant à ses produits futurs, et de préparer l’industrialisation des technologies retenues.

Dans tous les cas, une action conjuguée de l’industriel et de l’organisme de recherche sont nécessaires pour établir les conditions d’un financement efficace, qu’il soit d’origine publique ou privée, et l’État Français et la DGA ont mis en place de nombreux moyens destinés à soutenir l’innovation.

CONCLUSION

L’innovation ne se décrète pas, l’innovation ne s’impose pas aux équipes. L’innovation et avant tout facilitée par des compétences techniques, et par un état d’esprit tourné vers la recherche de nouvelles solutions. C’est la base des partenariats que MBDA a mis en place, en donnant leurs places respectives aux chercheurs, aux scientifiques, aux développeurs de technologies, aux développeurs de futurs produits, aux pourvoyeurs de supports financiers, … bref à tous les éléments qui lui permettent, et lui permettront dans les années futures, de participer aux actions de défense et de souveraineté de l’état français. ■

POLITIQUE D’INNOVATION

COOPÉRATIONS ONERA7, ISL8, CEA TECH9

par Eric Ribadeau-Dumas

7 Office national d’études et de recherches aérospatiales8 Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis9 Commissariat à l’énergie atomique

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Le domaine des matériaux occupe une place de choix dans la politique d’innovation de MBDA. La raison en est simple : l’amélioration permanente des performances de nos produits nécessite non seulement une remise en cause régulière des architectures physiques – en particulier pour minimiser les masses et encombrements, mais aussi une adaptation à des environnements opérationnels de plus en plus exigeants.

L’éternelle compétition entre le glaive et le bouclier s’est engagée ces dernières années dans une course de vitesse, au sens propre du terme. Si le domaine supersonique n’est pas nouveau pour nos produits – citons notamment l’ASMPA et le METEOR - la tendance d’aujourd’hui est d’aller encore plus vite et plus loin, avec des performances de manœuvrabilité améliorées. Il en résulte des problé-matiques encore plus pointues de comportement thermo-mécanique des enveloppes et structures missile, que cela soit vis-à-vis de l’échauffement cinétique ou de celui généré par le système propulsif, mais aussi du maintien des équipements électroniques sous-jacents à des tempé-ratures restant compatibles de leur bon fonctionnement.

En terme de matériaux, cela se traduit par plusieurs approches menées en parallèle au sein des équipes MBDA, mais aussi en collaboration avec de nombreux partenaires (français et internationaux) des domaines de la recherche et de l’industrie :• Le développement de protections thermiques efficaces

et résistant aux phénomènes de forte abrasion à ces vitesses élevées, si elles sont utilisées en revêtement externe.

• La mise au point de matériaux thermo-structuraux légers, capables de répondre aux fortes sollicitations thermomécaniques des environnements superso-niques, voire hypersoniques, combinées à des exigences de manœuvrabilité de plus en plus fortes.

• La mise en œuvre de matériaux spécifiques pour la réalisation de systèmes de management thermique actif, indispensables aux transferts de calories entre points chauds et « zones froides ».

Dans le domaine des protections thermiques passives, MBDA utilise depuis longtemps des formulations de polymères à base de silicone, élaborées spécifiquement pour ses propres besoins. Pour faire face aux environ-nements opérationnels de plus en plus exigeants, ces protections thermiques élastomère sont régulière-ment améliorées et optimisées. Ces améliorations se traduisent par exemple par l’ajout d’adjuvants spécifiques qui conduisent à une meilleure stabilité thermique. Des protections thermiques à base de résine phénolique peuvent également être utilisées. Mais des solutions alter-natives nouvelles font aussi partie des axes de recherche technologique dans ce domaine. Ainsi, MBDA s’intéresse aux performances de basse conductivité thermique des aérogels, associés à des formulations à base de polymère.

Au-delà de ces protections thermiques traditionnel-lement associées aux aérostructures, des protections en élastomère plus élaborées, utilisant par exemple une âme de fibres de silice tissées en trois dimensions, font aussi l’objet d’études de performances, en vue de les combiner aux structures propulsives du domaine supersonique.

Les nouveaux besoins nous poussent néanmoins à nous tourner vers une autre famille de matériaux, apte à nous faire franchir un nouveau gap technologique en terme de comportement thermomécanique : les CMC 13. Leur matrice à haute tenue en température permet en effet de maintenir des performances mécaniques sur des plages de températures compatibles avec une utilisation des aéros-tructures dans le domaine supersonique, voire hyper-sonique, tout en apportant un gain de masse substantiel

INNOVATIONS TECHNIQUES

NOUVEAUX MATÉRIAUX HAUTES PERFORMANCES ET FABRICATION ADDITIVEpar Stéphane Josse

LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 201914

Structure d’un aérogel

13 Composites à Matrice Céramique

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par rapport aux solutions traditionnelles en acier. Ces CMC constituent ainsi une alternative intéressante aux associations protection thermique / structure métallique. Pour que ces matériaux restent néanmoins compétitifs en termes de coûts, MBDA s’intéresse plus particulièrement à une classe de CMC à fibres de carbone proposée par des PME spécialisées et dont la mise en œuvre par drapage s’apparente à celle des composites à matrice organique déjà bien connus sur nos produits.

Démonstrateur d’une structure en CMC pour application supersonique

Les performances de ces derniers ne sont néanmoins pas suffisantes pour des utilisations dans le domaine hyper-sonique. C’est pourquoi MBDA, en partenariat avec des PME et centres spécialisés (ONERA, etc.), travaille aussi sur d’autres composites thermo-structuraux capables de maintenir de bonnes performances mécaniques au-delà de 1000°C sur des durées importantes.

Enfin, en collaboration avec l’Université de Birmingham et des PME, MBDA poursuit des études sur des matériaux pouvant apporter un gap technologique additionnel (utilisation au-delà de 2000°C), par exemple avec les UHTC 14, obtenus par infiltration en phase vapeur.

Si la vitesse est l’un des axes majeurs d’évolution de nos produits, la portée est une performance tout aussi importante, ce qui conduit, en termes mécaniques, à travailler sur trois aspects :• réduire la masse ;• maximiser le volume de carburant, voire de l’accéléra-

teur initial le cas échéant ;• optimiser la trainée.

Pour réduire la masse, l’innovation technologique est tirée par deux paramètres : • La densité des matériaux utilisés, qui conduit à pousser

la recherche dans le domaine des composites, pour optimiser le ratio performances mécaniques / masse. Nous en avons vu quelques exemples plus haut. Nous pourrions citer également les composites à matrice métallique, qui peuvent constituer un bon compromis pour certaines structures à sollicitations thermoméca-niques modérées.

• La géométrie des pièces, en ne mettant de la matière que là où elle est nécessaire pour assurer le passage des efforts et les interfaces fonctionnelles. Cette conception optimisée, obtenue par les outils classiques d’optimi-sation topologique, conduit souvent à des géométries complexes et aérées, où la fabrication additive trouve tout son sens.

Optimisation topologique d’une pièce d’interface missile

Maximiser le volume de carburant nécessite en contre-partie de réduire l’encombrement des autres équipements et d’optimiser leur agencement respectif au sein du missile. Cette optimisation des encombrements pousse à innover sur plusieurs aspects :• Comment remplacer des géométries classiques de

boitiers électroniques ou d’autres structures par des formes plus complexes permettant de mieux les agencer les uns avec les autres ? C’est là un des enjeux portés par la fabrication additive, nouvelle technologie qui peut permettre la réalisation de formes adaptées.

• Comment rassembler dans un seul sous-ensemble plusieurs fonctions habituellement portées par des équipements différents ? Là aussi, la fabrication additive est particulièrement prometteuse pour cette approche multifonctionnelle. Par exemple MBDA a été capable de concevoir et fabriquer par la technologie additive SLM 15 une pièce complexe double-peau assurant à la fois une fonction structurale, une fonction de boitier électro-nique, et une fonction de management thermique.

Structure multi-fonctionnelle d’un équipement électronique, réalisée en TiAl6V par technologie SLM

LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 201915

INNOVATIONS TECHNIQUESNOUVEAUX MATÉRIAUX HAUTES PERFORMANCES ET FABRICATION ADDITIVE

14 Céramiques à ultra haute température15 Sintering Laser Melting

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LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 201916

INNOVATIONS TECHNIQUESNOUVEAUX MATÉRIAUX HAUTES PERFORMANCES ET FABRICATION ADDITIVE

Enfin, l’optimisation de la traînée, si elle est avant tout le résultat d’un travail approprié sur la géométrie externe et de compromis sur l’architecture mécanique, peut aussi être favorisée par les nouvelles possibilités offertes par la fabrication additive, par exemple en permettant l’obtention de bords d’attaques à très faible rayon ou des géométries externes complexes irréalisables par d’autres technologies.

Mais la fabrication additive des matériaux métalliques est une technologie prometteuse par bien d’autres aspects, ce qui explique l’attention toute particulière qu’y porte MBDA. Convaincu qu’elle sera devenue d’ici quelques années une technologie aussi courante que l’usinage, MBDA se prépare activement à cette petite révolution qui impactera notre approche de la conception mécanique, mais aussi notre schéma industriel. Non pas que la fabrication additive remplacera systématiquement les technologies soustractives traditionnelles, mais cela sera un élément de plus à maîtriser dans la boite à outils de l’ingénieur concepteur, lui ouvrant davantage le champ des solutions possibles face aux défis de demain.

Pour s’y préparer, MBDA associé à de nombreux partenaires, déroule depuis une dizaine d’années une feuille de route technologique dédiée à la fabrication additive, s’appuyant sur les besoins portés par ses produits actuels et futurs. Tous les aspects de la technologie sont pris en compte dans cette démarche  : les caractéris-tiques physico-chimiques de la matière première, les propriétés thermomécaniques des matériaux fabriqués, la conception et la modélisation, les méthodes de validation et de qualification, la fabrication et les contrôles, la logique industrielle (incluant la Supply Chain), la formation.

Ainsi, étape par étape, le niveau de maturité acquis par MBDA est aujourd’hui de l’ordre de TRL6 pour la technique SLM associée aux alliages de Titane et à certains inox. Les efforts de ces dernières années se sont en effet portés principalement sur cette technique qui consiste à venir déposer sur un support une fine couche de quelques dizaines de microns de poudre de métal, puis à la fondre localement par laser (en cohérence géométrique avec un modèle CAO 16 de la pièce à fabriquer), et construire ainsi couche après couche la structure souhaitée. L’intérêt particulier de cette technique SLM est la précision géométrique des pièces obtenues, contrairement par exemple à la technique consistant à utiliser un fil métallique fondu plutôt que de la poudre.

D’une façon générale, outre les avantages potentiels déjà décrits plus haut (plus grande liberté de conception, gains de masse, approche multifonctionnelle), la fabrication additive permet d’imaginer des applications nouvelles. C’est par exemple le cas avec la possibilité de créer des structures lattices (reproduction, à l’identique ou non, d’un motif 3D élémentaire), permettant d’envisager des fonctions d’amortissement bien ajustées au besoin ou encore d’améliorer les performances du management thermique.

Structures lattices produites par fabrication additive

Cela peut être aussi la possibilité de créer des matériaux sur mesure, en associant des poudres de matériaux différents et en faisant varier graduellement la composition dans la structure ainsi créée. Ces FGM 17 permettent d’imaginer des pièces monoblocs dont les propriétés mécaniques sont spécifiquement adaptées au besoin. De premiers essais prometteurs ont été réalisés par MBDA avec le concours d’un partenaire industriel, IREPA-LASER 18, sur l’exemple de l’association de molybdène et d’un alliage de titane, dans l’optique d’une application potentielle pour des structures légères à haute tenue thermomécanique. Là encore, un des avantages majeurs est la simplification des pièces réalisées (moins d’assemblages, matière limitée au minimum requis).

Pièce monobloc réalisée en Functionally Graded Materials (FGM) (avec l’aimable autorisation d’IREPA-LASER)

16 Modèle numérique (conception assistée par ordinateur)17 Functionally Graded Materials18 Société de recherche et de développement industriels spécialisée dans les solutions laser appliquées aux matériaux pour l’industrie  : fabrication additive, soudage, sécurité, traitement de surface, micro-usinage, etc…

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Si les applications de la fabrication additive mises en œuvre sur nos produits sont encore peu nombreuses à ce jour (citons notamment un petit déflecteur en alliage de nickel et cobalt, en production série sur un nouveau missile sol-air), la montée en maturité bien avancée de cette technologie, les réductions de coût espérées et les opportunités d’insertion sur de nouveaux projets en font aujourd’hui une des technologies clés pour MBDA, capable d’apporter à nos produits un gain réel de performance et de compétitivité.

Déflecteur en alliage nickel-cobalt réalisé par fabrication additive

Cette recherche de performance et de compétitivité illustre parfaitement ce que MBDA attend de l’inno-vation technologique. Au-delà des deux principaux exemples développés ici (matériaux haute température et fabrication additive), le domaine des matériaux, et plus généralement de la mécanique, reste incontestablement une source majeure d’innovation pour nos produits. Et si hier les bonds technologiques étaient plutôt cloisonnés par domaine, ceux de demain seront sans doute plus complexes, mêlant les technologiques mécaniques à d’autres domaines, tels que l’électronique ou l’intelligence artificielle par exemple (intégration de capteurs et de conducteurs, impression de cartes électroniques en 3D, variation de propriétés mécaniques en temps réel, etc.). ■

LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 201917

INNOVATIONS TECHNIQUESNOUVEAUX MATÉRIAUX HAUTES PERFORMANCES ET FABRICATION ADDITIVE

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MBDA met en œuvre la simulation numérique en aérodynamique pour la conception de ses missiles depuis la fin des années 80. Depuis cette époque, ce type de simulation s’est étendu à d’autres domaines de la physique comme la propulsion, la dynamique rapide, la furtivité et la thermique. L’investissement dans les moyens informa-tiques, les logiciels et les méthodes a été continu ainsi que les collaborations avec les centres de recherches tels que l’ONERA, le CERFACS ou le laboratoire EM2C (Laboratoire Energétique Moléculaire et Macroscopique, Combustion).

MBDA INVESTIT DANS DES NOUVEAUX MOYENS DE SIMULATION PHYSIQUE

Depuis 2015, l’avènement de méthodes numériques instationnaires permettant d’envisager des applica-tions inabordables par les méthodes de simulation des équations de Navier-Stokes (modélisation RANS 19), telles que les emports d’armement en soute ou les phénomènes instationnaires de combustion, ainsi que la perspective de programmes de grande ampleur (missile ASN4G en France, et FCASW en coopération avec le Royaume-Uni) ont poussé MBDA à accélérer le rythme de ses investis-sements.

Ainsi, dès le début 2019, la société MBDA sera équipée de moyens HPC 20 ayant une puissance totale de plus de 2 TeraFlops 21 répartis sur les sites de Stevenage et du Plessis-Robinson. Cet investissement sans précédent permettra de mener de front des calculs instationnaires de références, que ce soit de type LES/DES 22 en aérodyna-mique ou en propulsion, ou de dynamique rapide avec des maillages de plusieurs centaines de millions d’éléments, avec des campagnes massives d’identification par des méthodes plus classiques (RANS/URANS 23).

UTILISATION DE LA SIMULATION NUMÉRIQUE DANS LA CONCEPTION AÉRODYNAMIQUE D’UN MISSILE : EXEMPLE DU MISSILE DE COMBAT TERRESTRE MMP 24.

La cellule aérodynamique d’un missile ne fait en général pas l’objet d’une spécification particulière, les perfor-mances sont exprimées au niveau système sous la forme d’un facteur de charge instantané ou équilibré, d’une portée et de contraintes de pilotabilité (pulsation propre, amortissement). Il y a donc de nombreuses itérations entre la conception mécanique, l’aérodynamique et la performance système. Aujourd’hui, toute la conception aérodynamique se fait par simulation numérique. Les

INNOVATIONS TECHNIQUES

SIMULATIONS MULTI PHYSIQUESpar Eric Ribadeau-Dumas

LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 201918

Evolution de la puissance de calcul installée à MBDA-France depuis 2002

19 Reynolds Averaged Navier-Stokes20 High-Performance Computing21 Unité de mesure de la performance d’un système informatique (nombre d’opérations en virgule flottante par seconde)22 LES : simulation de grandes échelles ; DES: Méthode Hybride RANS/LES23 Variante du RANS pour les grandes fluctuations temporelles24 Missile Moyen Portée

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essais en soufflerie sont réservés à une campagne de caractérisation en fin de phase de définition. Cet essai est toujours indispensable, car même si au fil des années une bonne confiance a été acquise dans les simulations numériques RANS en conditions de vol ordinaire, il n’en reste pas moins qu’un doute subsiste pour les fortes incidences et les forts braquages pour lesquels des zones décollées importantes peuvent apparaitre. En particulier, les phénomènes en roulis sont alors très délicats à simuler.

Le MMP est un missile propulsé par des jets latéraux et équipé d’une bobine de fibre optique au culot. Il est piloté aérodynamiquement par des gouvernes situées à l’arrière. La première étape de la conception a été de positionner les ailes, les gouvernes et les tuyères ainsi que l’orientation de ces dernières afin d’optimiser à la fois le bilan aéropropul-sif et d’éviter des interactions trop importantes entre les jets propulsifs et les gouvernes arrières.

La recherche d’une configuration aérodynamique qui satisfasse les besoins de manœuvrabilité et de pilotabi-lité a demandé de très nombreux calculs RANS multi-espèces en présence de jets de gaz de poudre. En effet, aux paramètres classiques de nombre de Mach, d’incidence, de dérapage et de braquage de gouvernes s’ajoute le rapport de détente du jet qui dépend du régime moteur et de l’altitude. Des calculs ont aussi été réalisés en conditions de soufflerie (air froid) afin de déterminer les conditions d’une similitude satisfaisante. Dans cette étape de nombreuses contraintes se font jour sur un missile aussi compact et il a été par exemple nécessaire d’épaissir le bord de fuite des gouvernes pour gagner les derniers centimètres de marge statique qui conditionne la stabilité aérodynamique.

Comparaison d’une simulation air froid en conditions de soufflerie et d’une simulation gaz chaud en conditions de vol

L’optimisation de la traînée s’est faite essentiellement sur la forme de l’ogive, en présence des contraintes liées à l’autodirecteur, et de l’arrière-corps, avec cette fois les contraintes liées au déroulement de la fibre optique.

Pour l’arrière-corps à traînée minimale, le culot est en nette surpression

Ces dernières études ont permis de figer la configura-tion aérodynamique, ouvrant la voie à sa caractérisation. Celle-ci a été réalisée en deux temps, une caractérisa-tion par calcul de la configuration complète en vue de constituer un modèle aérodynamique préliminaire pour lancer les études de pilotage, et une campagne d’essais en soufflerie au centre ONERA de Modane-Avrieux.

Calcul de la configuration MMP complète

Lors de la campagne en soufflerie, le domaine de vol a été exploré de manière exhaustive en nombre de Mach, incidence, roulis, braquage de gouvernes et rapports de détente de jet d’air froid. Après les essais en soufflerie, on dispose donc de résultats d’essais en air froid et de résultats de calculs en gaz chaud et en air froid pour d’éventuels recalages. C’est sur la base de ces résultats qu’est établi le modèle aérodynamique final, celui qui permettra de préparer les tirs de développement.

LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 201919

INNOVATIONS TECHNIQUESSIMULATIONS MULTI PHYSIQUES

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Maquette du MMP dans la soufflerie S2MA du centre ONERA de Modane-Avrieux.

Visualisation strioscopique de jet dans la soufflerie S2MA du centre ONERA de Modane-Avrieux. Phase d’accélération  :

faible vitesse et forte poussée

En parallèle de ces travaux, il a fallu concevoir un déviateur de particules pour éviter que des particules issues du jet propulsif n’interagissent avec la fibre optique, tout en optimisant sa traînée pour garantir la portée. C’est le code CEDRE 25 de l’ONERA qui a été utilisé pour calculer la trajectoire de ces particules. Comme la distribution des particules dans le jet n’est pas connue, l’ensemencement se fait de façon aléatoire pour permettre de comparer entre eux les différents déflecteurs. ■

Influence du déviateur de particules sur les particulesissues de la tuyère

Le bien-fondé de cette conception aérodynamique a pu être validé lors des différents tirs opérationnels réalisés récemment.

Tir opérationnel

INNOVATIONS TECHNIQUESSIMULATIONS MULTI PHYSIQUES

LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 201920

25 Calcul d’Ecoulements (Diphasiques) (Réactifs) pour l’Energétique

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La complexité croissante des missiles et systèmes d’arme rend indispensable la mise en place d’outils de simulation numérique. Une simulation numérique est un logiciel représentatif du missile ou système d’armes, de ses sous-systèmes et de l’environnement permettant d’évaluer les performances du système face à différentes situations tactiques.

Simulation et modélisation sont des éléments centraux pour la conception et le développement des produits complexes d’armements guidés MBDA. Au cœur du processus d’ingénierie système, se trouvent le développe-ment et l’utilisation des modèles de performances tout au long de la vie du produit.

Ces modèles contiennent une représentation détaillée de tous les composants du système (que le système soit un missile ou un système d’arme complet) et de son environnement opérationnel (plateforme, menace, zones à protéger, conditions météorologiques, contre-mesures, environnement de bruit) (ci-dessous l’illustration du contenu d’une simulation numérique de missile).

Ces modèles, dits de référence, sont utilisés pour :• les études de faisabilité initiale et de conception ;• la mise au point des algorithmes de guidage-pilotage-

navigation et traitement d’image ;• la validation de la conception du système ; • la préparation des essais et les analyses après tirs pour

une évaluation fine des essais, l’évaluation des perfor-mances du système.

Ils jouent ainsi un rôle essentiel dans l’optimisation de la conception des missiles ou systèmes d’armes avant leur entrée en service, et constituent aujourd’hui la source principale de preuves de performances du système et de confiance dans la sécurité de l’utilisation opérationnelle de l’arme tout en permettant de réduire les coûts de dévelop-pement via la réduction du nombre d’essais réels et de tirs nécessaires pour parvenir à un niveau de démonstration de la maturité du produit toujours plus élevé.

Les modèles de simulation numérique missile mettent en œuvre un mélange de technologies établies et de technologies innovantes en termes de langages de programmation, plateformes informatiques, outils logiciel et méthodes :

INNOVATIONS TECHNIQUES

SIMULATION SYSTÈMESpar Amélie Rouvière et Sylvain Loyer

LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 201921

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LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 201922

INNOVATIONS TECHNIQUESSIMULATION SYSTÈMES

• MBDA a ainsi développé son propre moteur d’intégra-tion numérique et d’environnement de simulation (ST) constituant le cœur des simulations missile ;

• Le processus de développement LOCI 26 permet de mettre en œuvre dans le modèle de simulation le code opérationnel des algorithmes qui seront embarqués dans le calculateur du missile ;

• La modélisation par un mécanisme de «  boîtes aux lettres » des interfaces entre le calculateur missile et les différents équipements qui permet : • D’obtenir une très bonne représentativité dans

la modélisation des interfaces numériques du calculateur (aspect séquencement et prise en compte de la précision de codage numérique des valeurs) ;

• De s’intégrer facilement avec le calculateur réel, voire d’autres équipements, lors des étapes de validation en mode HWIL 27 avec le calculateur réel dans la boucle. En effet, aucune modification de code n’est nécessaire pour interfacer le calculateur réel avec les sous-modèles du MDR 28 ;

• De récupérer facilement les entrées / sorties du sous-modèle calculateur du MDR au niveau des boîtes aux lettres pour la génération des scenarios de validation du calculateur réel.

Pour les systèmes de missile mettant en œuvre des capteurs en bandes infrarouge ou visible, MBDA dispose également d’une capacité de génération d’images de synthèse permettant de générer des scénarios de simulation (voir ci-dessous dans le contexte de l’armement terrestre  : à gauche en visible, à droite en bandes II et III infrarouge) tenant compte :

• du modèle géométrique de la cible ;• de la propriété physique des matériaux dont elle est

constituée ;• du type de terrain environnant ;• des caractéristiques de transmission atmosphérique ;• des conditions météorologiques ;• des potentiels brouilleurs ou leurres se trouvant dans

la scène.

Les outils et démarches mis en œuvre pour la réalisation des modèles de cible conduisent à des cibles dont la signature est très représentative de la signature constatée en essais.

Ces méthodes ont été utilisées avec succès sur de nombreux programmes (missiles Scalp Naval, Sea Venom-ANL, Mistral, MMP) et ont démontré leur validité en termes de représentation en simulation des scènes réelles.

Les simulations numériques de système d’arme doivent offrir une capacité à simuler l’architecture complète du système et doivent pour cela prendre en compte :• Les différents éléments du système d’arme, qui est ainsi

composé au minimum : • d’une capacité à détecter et poursuivre les cibles

potentielles (un ou plusieurs radars, système de liaison de données) ;

• d’un centre de commandement et contrôle (C2) permettant la prise de décision d’acquisition et d’engagement de ces cibles ;

• de la capacité d’obtenir l’effet militaire souhaité (lanceurs et missiles) ;

26 Logiciel Opérationnel en Conception Intégrée27 HardWare In the Loop28 Modèle Dynamique de Référence

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• des moyens de communication entre ces différents éléments.

Afin de pouvoir simuler les différents types de scénarios de déploiement de ces systèmes, les simulations systèmes doivent permettre la mise en œuvre et l’analyse de scénarios d’engagement :• d’une menace par un missile ou une salve de missiles ;• de plusieurs menaces par plusieurs missiles du même

type ;• de plusieurs menaces par différents types de missiles

pouvant intervenir dans différentes conditions (notion de multicouches).

Au sein de MBDA, la nouvelle génération de simulation système IST 29 a une architecture calquée sur l’architec-ture du système réel  ; l’IST modélisant l’ensemble des sous-systèmes qui interviennent dans le déploiement du système et le déroulement de la séquence de tir.

Les simulations système IST 29 offrent ainsi un haut niveau de représentativité des équipements réels et les principes d’architecture retenus assurent une grande modularité et flexibilité, permettant :• De fournir des éléments de démonstration des capacités

du système dès les phases d’avant-projet et de réponse à appel d’offre ;

• D’évaluer des solutions d’architecture système alter-natives (autre radar, autre système de management du champ de bataille BMC4I, autres effecteurs, etc.) en disposant de peu d’information à leur sujet ;

• D’assurer un support efficace aux activités de conception et de préparation des essais au niveaux sous-système et système

• D’évaluer les performances de surveillance et d’engage-ment du système dans différentes situations de combat.

• De disposer d’une simulation de référence durant toute la durée de service du produit (depuis les phases d’avant-projet jusqu’au support en service opérationnel). ■

LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 201923

INNOVATIONS TECHNIQUESSIMULATION SYSTÈMES

29 Integrated Simulation Tool

Architecture d’un système réel

Architecture d’une simulation système

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LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 2019

Cycle de vie système d’arme

24

Dans le cadre du soutien à ces différents programmes de développement de systèmes d’armes pour le client français ou export, MBDA utilise la simulation numérique avec l’homme dans la boucle depuis plus de 30 ans.

Ces multiples outils de modélisation sont mis à profit dans toutes les phases du cycle de vie d’un système à base de missiles :• En phase de concept avec par exemple la simulation de

type Technico-Opérationnelles ;• En phase de développement avec des moyens d’évalua-

tion de performances ou de tests de robustesse ;• En phase d’intégration / qualification avec les recettes

en HWIL ou les qualifications en simulation numérique ;• Et bien sûr en phase d’utilisation enfin, avec les

simulateurs d’entraînement.

TECHNOLOGIES / TECHNIQUES MISES EN ŒUVRES

Les technologies mises en œuvre lors de ces expérimen-tations concernent la modélisation des terrains 3D, les bases de données de systèmes d’armes, la modélisation des interfaces hommes-machines, les outils de supervision et d’animation de combat.

CYCLE DE VIE ET SIMULATION

Dans les années 2009-2010, grâce à l’émergence des «  jeux sérieux  » dérivés des jeux vidéo, MBDA a étudié, prototypé et évalué une nouvelle forme de simulation de concept permettant d’immerger les utilisateurs des forces dans un environnement de combat en leur mettant à disposition une représentation d’un système d’armes futur.

L’objectif n’était pas de travailler sur les besoins de performances, d’intégration physique ou d’évaluation des technologies mais plutôt d’amener des éléments de réflexions sur la doctrine, l’organisation des forces, l’allo-cation des rôles ou fonctions et la répartition des respon-sabilités entre les différents acteurs opérationnels du combat de contact.

La première évaluation nommée BASILIC a été réalisée en partenariat avec le CATOD 30 et l’EMAT 31, son principal objet était « l’Emploi de la capacité Tir Au-delà de la Vue Directe à partir d’une unité équipée du futur Engin Blindé à Roue de la Cavalerie ».

INNOVATIONS TECHNIQUES

LES SIMULATIONS AVEC L’HOMME DANS LA BOUCLE par Alain Bandini

30 Centre d’analyse technico-opérationnelle de Défense31 État-Major de l’Armée de Terre

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LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 201925

Expérimentation avec un Engin Blindé de Reconnaissance et de Combat (EBRC)

Ces séances d’évaluation de concepts futurs avec les utilisateurs des forces «  dans la boucle  » ont ainsi été nommées « expérimentations » car il s’agit bien de tester, évaluer, expérimenter un concept exploratoire.

Principe des expérimentations

Compte tenu des nombreux enseignements techniques, méthodologiques et opérationnels tirés de ces premières évaluations, ces expérimentations ont été renouvelées à plusieurs reprises depuis 2009, avec en particulier 5 phases de simulation réalisées entre 2011 et 2017 avec des équipages de l’ALAT 32 pour la préparation du futur armement du TIGRE Std3 33.

Ces simulations jouent un rôle clé dans la définition et la mise au point des nouveaux produits de MBDA. ■

Expérimentation TIGRE 2014

Expérimentation armement drones

INNOVATIONS TECHNIQUESLES SIMULATIONS AVEC L’HOMME DANS LA BOUCLE

32 Aviation Légère de l’Armée de Terre33 Hélicoptère de combat

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LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 201926

Les senseurs disponibles sur le marché civil tirés par les véhicules autonomes sont de plus en plus attractifs en terme de coûts et de performances mais par contre résistent peu aux environnements sévères. Il convient donc d’évaluer leur potentialité puis de définir des solutions de conditionnement les protégeant des agressions externes.

Les équipes d’architectes MBDA imaginent tout d’abord comment décliner les chaines fonctionnelles missiles en équipements en respectant la vision GMA 34 qui a pour vocation d’harmoniser l’architecture des missiles au sein des 5 pays de MBDA.

Elles mettent alors à profit leur bonne connaissance du tissu de PME et d’universités en Europe pour détecter des technologies potentielles susceptibles d’apporter de la valeur, soit en terme de performances nouvelles, soit en terme de compétitivité.

Des dispositifs comme l’ITP (voir article page 12), permettent de détecter des acteurs innovants et de tester leur savoir-faire lors de la mise en place de projets techno-logiques se traduisant le plus souvent par une démonstra-tion matérielle.

MBDA possède des laboratoires permettant la caracté-risation fonctionnelle des équipements ou technologies.

DOMAINE ÉLECTRO-OPTIQUE :

L’équipe senseurs optroniques contribue à définir, développer, et valider l’ensemble des senseurs électro-optiques et leurs moyens de test associés.

Elle s’appuie également sur la simulation qui permet d’établir la performance théorique des systèmes optroniques complets (incluant celle des traitements associés), ceci pour l’ensemble des scénarios opérationnels. Ces simulations s’appuient sur une maîtrise de la physique de la chaîne optronique complète  : scène, illuminant(s), atmosphère, dômes, optique, détecteur, électronique. L’accroissement de la puissance de traitement numérique et l’avènement de modèles toujours plus complets donnent accès à des finesses de simulation croissantes. MBDA utilise par exemple le nouveau logiciel MATISSE développée par l’ONERA pour la simulation des effets de l’atmosphère sur la propagation des rayonnements.

La capacité de rebouclage entre les aspects théoriques et expérimentaux confère la robustesse nécessaire dans la maîtrise de la performance appliquée au contexte du produit final.

Elle s’applique sur les sous ensembles des senseurs optroniques dès les phases les plus amont de ces activités. MBDA recherche pour cela les technologies clé qui confèreront aux futurs produits le juste équilibre entre la performance du système, sa robustesse, son coût, mais aussi son ‘embarquabilité’, c’est-à-dire en premier lieu sa tenue aux contraintes de masse, volume, et environ-nement. MBDA s’associe aux PME qui maîtrisent ces technologies, en finançant des travaux qui permettent de répondre plus spécifiquement aux besoins du système d’arme. Cela concerne par exemple des essais en environ-nement thermique, vibratoire, ou CEM 35 pour tester les équipements et les faire monter en maturité.

À titre d’exemple on peut mentionner les études sur une micro caméra impliquant SOFRADIR 36 et QIOPTIQ 37, ainsi que l’ONERA, qui ont mis au point un design spécifique en intégrant les optiques dans le cryostat. Un démonstrateur fonctionnel utilisant une cryogénie de laboratoire a déjà été réalisé, il a fourni des images d’une très grande qualité.

Micro caméra utilisant une cryogénie de laboratoire

INNOVATIONS TECHNIQUES

SENSEURS, ANTENNES, NAVIGATIONpar Jean-Christophe Antoni, Jacky Grosset et Bruno Lemaire

34 Generic Missile Architecture35 Compatibilité électromagnétique36 Société française de détecteurs infrarouge37 Société de conception et fabrication de produits photoniques

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LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 201927

DOMAINE RADIO FRÉQUENCE :

MBDA maîtrise depuis de nombreuses années l’ensemble des techniques permettant la conception et la réalisation d’antennes.

Ces techniques sont supportées par des logiciels de simulation permettant de concevoir les antennes intégrées sur les missiles et les plateformes associées et d’évaluer par calcul les diagrammes de rayonnement sur structure, ainsi que les éventuels couplages entre antennes proches.

Conception et réalisation d’une antenne. Caractérisation du diagramme de rayonnement

Ces moyens de calcul sont complétés par des moyens d’évaluation physique et de mesures permettant de carac-tériser les diagrammes de rayonnement des antennes intégrées sur les structures des missiles et des plateformes.

Les moyens de mesure comprennent une chambre anéchoïque et une base de mesure extérieure. Ils permettent de couvrir une bande de fréquence s’étendant de la bande VHF 38 à la bande Ka 39.

Chambre anéchoïque pour qualification d’antenne

En outre, MBDA possède un moyen original de test permettant d’évaluer les caractéristiques radioélectriques des matériaux en température, de l’ambiante jusqu’à 1000 °C, et pour des fréquences allant de la bande S à la bande Ka.

INNOVATIONS TECHNIQUESSENSEURS, ANTENNES, NAVIGATION

32 Aviation Légère de l’Armée de Terre33 Hélicoptère de combat

Banc de caractérisation radio fréquence de matériaux en température

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LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 201928

Base de mesure extérieure pour qualification d’antenne

Par ailleurs, MBDA mène une veille technologique et travaille en collaboration avec des PME innovantes en vue de rechercher de nouveaux matériaux et de nouvelles techniques permettant de répondre aux besoins des futurs produits développés en interne. On peut citer l’intégration et la distribution d’antenne sur la structure (antennes conformées ou « flush »), l’augmenta-tion des bandes de fonctionnement et de la couverture angulaire, ou encore la recherche de nouveaux matériaux permettant de répondre aux contraintes opérationnelles grandissantes.

Pour répondre à une demande spécifique d’une antenne à balayage électronique pour des moyens de poursuite et de télémesure, MBDA a mis en place une étude et la réalisation d’un démonstrateur avec une PME. Après l’écriture des spécifications par MBDA, les travaux ont été partagés entre la PME, en charge de la partie analogique

RF de l’antenne, et MBDA en charge des éléments rayonnants et de la partie numérique. Les travaux ont conduit à la fabrication et à la fourniture d’un prototype d’antenne qui a été évalué puis utilisé au cours d’un essai de tir de missile.

Antenne à balayage électronique : électronique de commande et éléments rayonnants.

DOMAINE ÉQUIPEMENTS DE NAVIGATION : INERTIE/GNSS :

MBDA dispose de moyens de caractérisation fine des équipements inertiels et GNSS 40. Les laboratoires sont constitués principalement de tables inertielles 2 axes avec caissons thermiques embarqués, et de simulateurs de constellation GNSS associés aux outils de génération de scénarios comme la présence d’interférences.

Ces moyens permettent à MBDA d’évaluer de façon exhaustive les technologies proposées par les fournis-seurs et ce en cohérence avec les exigences de ses appli-cations qui sont relativement spécifiques que ce soit en termes de définition des paramètres à caractériser qu’en termes de domaine d’emploi.

À titre d’exemples on peut citer :• la réponse dynamique des références inertielles qui est

rarement une caractéristique mesurée dans le domaine civil mais qui est une performance essentielle pour les applications de MBDA,

40 Globale Navigation Satellite System

INNOVATIONS TECHNIQUESSENSEURS, ANTENNES, NAVIGATION

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LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 201929

• dans le domaine du GNSS la prise en compte d’interfé-rents intentionnels ou pas, voire d’un leurrage.

Table inertielle 2 axes

MBDA mène une veille technologique très active afin d’être en mesure d’identifier au plus tôt les technologies émergentes. Dans ce contexte la mise en place de partena-riats ou de projets en collaboration avec les PME permet de garantir une montée en maturité technologique avec la certitude que les exigences de MBDA sont bien intégrées dans les études de définition.

À titre illustratif, on peut citer la mise en place d’un projet RAPID 41 (Régime d’Appui pour l’Innovation Duale).

Unité de Mesures Inertielle MEMS

L’objectif d’un tel projet était de développer en équipe intégrée avec une PME une référence inertielle à base de senseurs MEMS 42 ayant des performances compatibles avec le segment d’entrée pour nos systèmes de navigation.

ÉVALUATION DE LA TENUE AUX ENVIRONNEMENTS

Il faut garder à l’esprit que tous les produits développés par MBDA sont soumis à des contraintes d’environne-ment mécanique, climatique et CEM 34 particulièrement sévères ; cela nous confère un savoir-faire unique et indis-pensable dans le domaine de l’environnement.

Les laboratoires de CEM34 possèdent chacun plusieurs chambres anéchoïques et réverbérantes à brassage de mode, permettant de simuler des champs électroma-gnétiques élevés. Ces essais permettent de garantir aux systèmes de défense qu’ils sont insensibles aux menaces électromagnétiques présentes dans leurs environne-ments. Ces moyens d’essais évoluent régulièrement et sont appuyés à des capacités de simulation numérique.

Dans les laboratoires mécanique/climatique, des moyens d’essais nous permettent d’effectuer des essais en vibration (près de 30 pots vibrants de fortes puissances), de choc, climatiques et thermocinétiques (échauffements avec montées en température très rapides).

Essais d’une munition sur vibrateurs

Outre les essais en environnement classique, MBDA a développé plusieurs savoir-faire spécifiques, par exemple des essais combinés, où on vient coupler les agressions mécaniques (vibrations et chocs) avec des températures qui peuvent atteindre plusieurs centaines de degrés. De même, ont été déployés depuis une quinzaine d’années au sein de MBDA des essais couplés, qui mettent en œuvre plusieurs pots vibrants simultanément, essais rendus aujourd’hui indispensables par la taille de nos missiles. Ils sont de plus le plus souvent couplés à des températures extrêmes (essais combinés).

INNOVATIONS TECHNIQUESSENSEURS, ANTENNES, NAVIGATION

41 Régime d’Appui pour l’Innovation Duale42 Microelectromechanical systems

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Dans le domaine des essais de choc, notamment d’origine pyrotechnique, MBDA a développé des moyens d’essais capables de générer des chocs spécifiques qui peuvent atteindre plusieurs dizaines de milliers de « g » 43, voire davantage. C’est devenu une spécialité chez MBDA avec des compétences internes probablement uniques.

Enfin, depuis plusieurs années, nous nous intéressons aux essais multiaxiaux, à ce qu’ils pourront nous apporter à terme, et à leur intégration au sein de nos laboratoires. Nous avons par exemple mis au point un moyen assez unique en France avec mise en œuvre simultanée de 3 pots vibrants, utilisable pour les équipements.

En conclusion, nous identifions et testons les meilleures technologies en coopération avec des PME innovantes pour imaginer et développer les architectures de demain. ■

43 Unité d’accélération : 1 g = accélération de la pesanteur à la surface de la Terre

INNOVATIONS TECHNIQUESSENSEURS, ANTENNES, NAVIGATION

Essais choc contre choc au canon à gaz

Essais sur vibrateurs multi axiaux

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DÉMARCHE GLOBALE MBDA SUR L’IA

Au sein de MBDA, l’Intelligence Artificielle est vue comme un ensemble de méthodes, dont certaines d’entre elles sont mises à profit depuis un certain nombre d’années. Cela inclut bien sûr l’apprentissage automatique (ou Machine Learning). Ce dernier connait en effet forte expansion ces dernières années, en raison notamment des avancées en capacités de calcul pour l’entraînement des réseaux de neurones. Ces progrès rendent attractive cette technologie pour envisager des premières applica-tions opérationnelles.

En ce qui concerne ses produits, MBDA compte bien exploiter les avancées majeures en Intelligence Artifi-cielle. Ces progrès permettront dans un premier temps aux opérateurs de nos systèmes d’armes de bénéficier de diverses aides à la décision, et ainsi d’alléger leur charge de travail lors de la mise en œuvre du système. Pour cela, nous développons des algorithmes IA (ainsi que les doctrines d’emploi associées) présentant les niveaux d’explicabilité et de transparence nécessaires à leur utilisation opérationnelle dans nos produits.

Le champ d’applications de l’IA pour MBDA est très large. Un certain nombre de chaines fonctionnelles seront impactées par l’arrivée de cette technologie. Par exemple, la Détection/Reconnaissance/Identification de cible (abordée plus en détail au §2 à travers le PEA 2ACI), la navigation basée sur signaux radiofréquence ou optroniques ou la chaîne de préparation de mission (développé plus en détail au §3) font partie des applica-tions prometteuses.

Au-delà des produits, l’IA participera également à la transformation de nos processus d’ingénierie, et permettra l’accélération de nos capacités de conception. Elle nous permettra par exemple un gain d’efficacité sur des applications comme : • La génération automatique de plan de pièces satisfaisant

des contraintes thermiques, mécaniques et d’encombre-ment, avec à la clé la possibilité d’utilisation l’impression 3D pour les produire ;

• L’accélération de la caractérisation aérodynamique de nos engins, ainsi que la création de modèles qui permettront d’accélérer le processus de conception, au stade d’avant-projet ;

• Le traitement des données de test en production pour permettre de détecter des anomalies ou des dérives « cachées ».

MBDA a adopté une démarche coordonnée sur les activités IA à l’échelle du groupe. Cela nous permet de traiter la grande variété des cas d’usages et de mener une

analyse continue des avancées de l’IA pour les différentes utilisations considérées. Dans un premier temps, et grâce à des budgets d’incubation, les équipes prototypent des solutions tout en évaluant la valeur ajoutée de l’IA dans le cas d’usage considéré. Dans un second temps, le projet pourra disposer d’un budget plus conséquent, ce qui permettra son développement et son intégration à un produit (ou process) cible. Durant tout ce processus de développement, les équipes auront pour ambition forte d’assurer la montée en maturité de la solution IA développée.

Afin de rester à la pointe de l’innovation, MBDA développe en continu son écosystème de partenaires pour ses activités IA. Nous nous associons avec des acteurs de type start-ups/PME, ainsi qu’avec des labora-toires travaillant sur l’ensemble des technologies IA. Ces technologies incluent la totalité des éléments nécessaires à l’élaboration de systèmes complets, des briques algorith-miques élémentaires jusqu’aux puces permettant d’embarquer l’IA. À titre d’exemple, notre réseau actuel comporte des entreprises comme Probayes, le laboratoire GREYC de Caen ou encore l’INRIA.

Les financements IA sont obtenus grâce à de nombreux efforts sur nos budgets propres de R&T, ainsi que grâce à différents véhicules de soutien étatiques (MCM-ITP, ASTRID ou encore RAPID). Des financements Européens sont également espérés dans les années à venir.

CAS D’APPLICATION IA POUR NOS PRODUITS – DRI & INSERTIONS/DÉPLOIEMENT MMP 2ACI

De multiples applications IA se développent depuis quelques années dans le domaine du traitement d’images, comme par exemple pour le débruitage, le défloutage, ou encore la comparaison d’images. MBDA a commencé à mettre en œuvre des techniques d’IA appliquées aux images il y a plus de 20 ans pour des fonctions de Détec-tion-Reconnaissance-Identification (DRI) de cibles, en commençant par des solutions à partir de graphes, puis en choisissant finalement une voie basée sur du machine learning de type régressif. Ces solutions sont dites ATR, pour Automatic Target Recognition. Les premières fonction-nalités de ce type ont été mises en place au travers de contrats de recherche franco-anglais ITP (Innovation and Technology Partnership), grâce à des coopérations avec l’INRIA.

Plusieurs études internes nous ont permis de gagner en confiance sur ce type de technologies, en testant son applicabilité à plusieurs problèmes de reconnaissance dans différents contextes opérationnels. Les retours d’expérience ont permis d’évaluer et de travailler la

INNOVATIONS TECHNIQUES

INTELLIGENCE ARTIFICIELLEpar Yonatan Teboul et Lydiane Agranier

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fiabilité de ces systèmes, ce qui ouvre la voie à leur emploi plus généralisé.

Une part importante de la performance de ces techniques d’apprentissage étant basée sur l’adéquation de la base de donnée au problème posé, nous avons porté une attention particulière sur la méthodologie de constitution de ces bases de donnée, ainsi que sur les outils et procédures associés. La spécificité des contextes applicatifs de MBDA réside à la fois dans la nature des images sur lesquelles les performances sont attendues, à savoir des cibles de petite taille (en limite de portée) en images infra-rouge (alors que la communauté scientifique était principalement centrée sur de grosses cibles en imagerie visible), ainsi que dans les contextes opérationnels dans lesquels le produit sera utilisé : Il est peu crédible d’espérer que les cibles aient été imagées en détail au préalable. Ces différentes contraintes nous ont conduit très tôt à travailler sur des apprentis-sages sur images de synthèses, plus faciles à produire en grand nombre que des images réelles.

Ces nombreux travaux nous ont permis de remporter fin 2014 l’appel d’offre du PEA 2ACI (Acquisition-Automa-tique de Cible par Imagerie) mené par l’UM-Terre. Ce PEA, très complet, a offert la possibilité :• D’explorer un large volet de techniques innovantes

au travers de nouvelles coopérations entre MBDA et l’INRIA, l’ONERA et l’ENSTA-Paris;

• De préciser au travers de groupes de travail UM-TER,

STAT, DGA TT, DGA MI, MBDA, les méthodologies d’apprentissage, de classification et d’évaluation de cette fonction ;

• De définir au travers de groupes de travail comme UM-TER, Nexter Systems, STAT, OM Jaguar et DGA-TT MBDA, le besoin opérationnel, les contraintes utili-sateurs, et les besoins de développement en matière d’interface homme machine (IHM) ;

• De réaliser des bases de données d’apprentissage grâce à DGA-MI et à la STAT ;

• Enfin de réaliser un prototype de Station Sol de Détec-tion-Reconnaissance-Identification intégré dans le véhicule AMX-10 RC, et de tester ce prototype en conditions opérationnelles lors d’essais organisés par DGA-TT ;

• D’apprendre au travers des retours utilisateurs au travers :• Du Banc LIVe : Évaluations opérationnelles en

environnement synthétique par la STAT (Jaguar, Leclerc, Rens, Imagerie, …) ;

• D’évaluations SAFARI : Présentations et évaluations par différentes unités de l’Armée de Terre (61e RA, 3e RHC, 2e RH, DEP ABC) ;

• De Démonstration terrain à DGA-TT.

Le PEA 2ACI a permis de démontrer que le système présentait un TRL de 6-7 dans un contexte opérationnel de surveillance. Les prochaines étapes sont maintenant dédiées à l’insertion de cette technologie dans les produits

LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 201932

INNOVATIONS TECHNIQUESINTELLIGENCE ARTIFICIELLE

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LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 201933

MBDA. La première application envisagée reste dans le domaine de l’aide à l’opérateur, pour faciliter l’engage-ment : Il s’agit de soulager la tâche de l’opérateur dans sa tâche de désignation de la cible avant engagement, tout d’abord sur les images du poste de tir en engagement LOBL (Lock-On-Before-Launch), puis, en engagement LOAL (Lock-On-After-Launch) sur le retour opérateur des images acquises par le missile. Afin de garantir le niveau de fiabilité indispensable à cette ambition, les travaux actuels sont concentrés à la fois sur les outils de création et de contrôle de la base de données d’apprentissage et sur la méthodologie de validation des algorithmes d’IA mis en place.

Intégration du boitier 2ACI dans l’AMX10 RC

Résultat des algorithmes présentés à l’opérateur

CAS D’APPLICATION IA POUR NOS PRODUITS – PRÉPARATION DE MISSION AUTOMATIQUE

Dans un environnement opérationnel soumis à de nombreuses contraintes, un opérateur chargé de la planification d’une mission de frappe dans la profondeur doit proposer des trajectoires missile qui répondent aux besoins de son état-major en termes de précision, capacité de pénétration, effet létal et contrainte temporelle.

Cette optimisation demande une excellente connais-sance du missile de la part de l’opérateur, et de l’expérience pour orienter les recherches dans la « bonne direction ».

MBDA compte développer un logiciel de préparation de mission intelligent qui permettra de générer des trajec-toires pertinentes, et ce de manière automatique; ses trois caractéristiques principales seraient : • Une analyse globale du contexte (Terrain, SITAC, NAV,

Météo) afin de concentrer les calculs sur les couloirs de pénétration les plus prometteurs (comme le ferait un opérateur expérimenté) ;

• Une modélisation du comportement macrosco-pique (consommation, temps de vol, longueur, etc.) du missile par tronçons (palier, piqué, virage) précise et automatique. Cela permettrait d’obtenir une préparation de mission mieux validée, avec moins de bugs (la représentation macroscopique permet de simplifier les algorithmes de préparation de mission et donc de limiter les erreurs de codage), et ce de manière plus rapide (des algorithmes plus simples conduisant à des temps de calculs réduits) ;

• Des aides à l’opérateur plus fiables (identification des zones favorables au recalage altimétrique ou à l’activa-tion de futurs modes de navigation basés sur l’image).

Les techniques que nous avons décidé d’utiliser appar-tiennent à la fois au champs des métaheuristiques et à celui du machine learning. Des métaheuristiques, tel que l’algorithme génétique, permettent une exploration des solutions en vue de construire une réponse optimisée. Le machine learning et le deep learning permettent d’avoir des modèles de substitution offrant un bon compromis précision / temps de calcul, lors de l’estimation des paramètres missile et pour les calculs de déconflictions. La combinaison intelligente de ces diverses techniques permettra d’obtenir une solution flexible et performante.

Nous avons décidé d’adopter une culture de prototypage afin de proposer aux forces un démonstrateur performant et répondant à leur besoin. Ces itérations permettront d’en faire un outil pensé à la fois pour réduire la charge cognitive et maximiser la performance du système d’armes.

Les apports espérés de l’IA pour la préparation de mission au niveau des forces armées seront nombreux.

On peut par exemple citer :• Un opérateur de préparation de mission moins entraîné

pourrait fournir des trajectoires aussi optimisées qu’un opérateur expérimenté ;

• Le temps de préparation de mission pourrait être réduit ;• Davantage de solutions pourraient être explorées tout

en laissant à l’opérateur le choix final de la solution qui répond le mieux aux demandes de son état-major.

INNOVATIONS TECHNIQUESINTELLIGENCE ARTIFICIELLE

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• Une quantification du respect des différents critères, indépendante de la mission préparée, qui permettrait à l’opérateur de justifier ses choix ;

• Une réduction du nombre de versions testées et déployées ;

• Une aide indispensable pour pénétrer les futures défenses intelligentes, et notamment pour la construc-tion de raids impliquant plusieurs trajectoires interdé-pendantes. ■

Abréviations : SITAC : Situation TactiqueNAV : Navigabilité

LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 201934

INNOVATIONS TECHNIQUESINTELLIGENCE ARTIFICIELLE

Figure 1- Évitement automatique des menaces

Figure 2 - Arbre de décision rapide pour la génération rapide des trajectoires

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LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 201935

Le statoréacteur est le système de propulsion le plus performant (en terme de consommation) pour le vol de longue durée dans l’atmosphère à plusieurs milliers de km/h (au-delà de Mach 2 et jusqu’à Mach 6 voire 10). Ces performances ne sont accessibles aujourd’hui que pour les systèmes de missile. Ce mode de propulsion aérobie (qui utilise l’oxygène de l’air) n’est maîtrisé que par quelques pays et industriels dans le monde et fait l’objet d’une innovation continue.

DES PERFORMANCES INNOVANTES AUTOUR DU VOL À GRANDE VITESSE

Deux grandes tendances technologiques sont observées depuis de nombreuses années :• d’une part la réduction des coûts et la polyvalence,

pour l’utilisation appliquée à une palette plus large de missions ;

• d’autre part l’augmentation significative de la vitesse de vol: les systèmes à statoréacteur en service aujourd’hui évoluent dans le domaine Mach 2 – Mach 4 ; les systèmes futurs dépasseront Mach 5 en croisière.

Les équipes de MBDA qui maîtrisent ce mode de propulsion s’appuient sur des moyens d’essais industriels, uniques au monde par plusieurs de leurs caracté-risitiques, et sur une base scientifique et technolo-gique développée en France depuis les années 1980 en partenariat avec l’ONERA. Ce partenariat avec l’ONERA dans le domaine des statoréacteurs est une caractéris-tique historique notable de cette épopée industrielle. De nombreux laboratoires de recherche sont également impliqués en France (CNRS, universités, CERFACS, CEA, etc.), et en Europe (y compris par plusieurs programmes de recherche européens autour de futurs avions civils à très haute vitesse, qui seraient capables de relier l’Europe à l’Australie en quelques heures). Les équipes de MBDA encadrent plusieurs thèses de doctorat dans le cadre de travaux menés dans les centres de Bourges et du Plessis-Robinson. Le développement des modèles numériques et de l’utilisation de plus en plus industrielle des simulations tridimensionnelles est un des thèmes particulièrement innovants et spectaculaires de cet effort combiné industrie / recherche, permettant d’importants progrès techno-logiques. En particulier, l’utilisation d’un calculateur de capacité petaflopique (1015 Floating Point Operations per Second) permet d’accéder à des simulations de combustion très détaillées, prenant en compte les écoulements aérodynamiques, la thermique, et les réactions complexes présentes dans la chambre.

L’innovation touche également les méthodes de travail, comme par exemple l’utilisation de l’Innovation Lab, dispositif autofinancé par MBDA, en partenariat avec des laboratoires spécialisés (ENSTA-ParisTech, INSA Centre Val de Loire, Universités françaises). Plusieurs idées autour des nano-fluides, de l’utilisation de nouvelles méthodes de mesure ou encore du développement de méthodes de calcul très innovantes dans nos milieux industriels sont issues de ces travaux.

UNE INNOVATION TRADUITE PAR DES BREVETS ET RECONNUE PAR DES « INNOVATION AWARDS »

L’examen du portefeuille des brevets de MBDA montre l’intensité de l’innovation dans le domaine des stato-réacteurs et de la propulsion aérobie haute vitesse. Citons quelques exemples  : concepts de statoréacteur novateurs (à combustion subsonique puis supersonique à géométrie variable par translation ou par déversement fluide), solutions technologiques (structures refroidies par le combustible, systèmes d’injection ou de stabilisa-tion de la combustion), systèmes de propulsion avancée où la combustion est remplacée dans le moteur par une détonation intéressante thermodynamiquement.

Plusieurs prix Innovation Awards MBDA ont récompensé ces travaux : approche innovante simulations / essais / conception, mesures optiques de la performance moteur lors d’essais industriels, nouveau moyen d’essais des statoréacteurs.

DES PUBLICATIONS SCIENTIFIQUES ET UN RAYONNEMENT INTERNE ET EXTERNE

Le détail des travaux de MBDA fait rarement l’objet de publications pour des raisons évidentes liées à la protection du secret industriel et de défense. MBDA et ses partenaires «  publient  » néanmoins, quand cela est possible, sur le thème de la propulsion aérobie haute vitesse, en particulier sur des développements de méthodes numériques ou expérimentales.

Des experts MBDA donnent également des cours ou des formations en interne et en externe, dans des écoles d’ingénieurs ou d’officiers. Plusieurs des nouvelles méthodes de conception ou d’essai développées et validées lors de travaux industriels donnent lieu à une fertilisation appliquée à des projets un peu plus conven-tionnels de MBDA. C’est ce que l’on appelle parfois l’effet « formule 1 » !

INNOVATIONS TECHNIQUES

UNE GRANDE EXPÉRIENCE ET UNE INNOVATION CONSTANTE DANS LA PROPULSION AÉROBIE HAUTE VITESSEpar Marc Bouchez

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LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 201936

INNOVATIONS TECHNIQUESUNE GRANDE EXPÉRIENCE ET UNE INNOVATION CONSTANTE DANS LA PROPULSION AÉROBIE HAUTE VITESSE

L’innovation ne se décrète pas mais naît d’un effort continu, d’un certain état d’esprit et de défis techniques et scientifiques qui obligent à toujours rechercher l’excel-lence technique. Les défis des systèmes supersoniques ou hypersoniques à longue distance font partie des domaines qui, à MBDA, entretiennent cette dynamique. La sanction du réel, reproduit à échelle 1 et sur tout le domaine de fonctionnement des missiles concernés dans nos moyens d’essais, permet à cette innovation de se développer et de porter des fruits. La soufflerie statoréacteur de Bourges-Subdray est, paradoxalement, le meilleur moyen de ne pas « se vendre du vent », confrontant journellement les équipes à la réalité de la physique. ■

Essai de superstatoréacteur à Mach 6 à Bourges-Subdray

Essai de statoréacteur à structure composite à Mach 3 à Bourges-Subdray

Vue du complexe d’essais statoréacteur MBDA de Bourges-Subdray

Vue de l’essai franco-russe en vol Kholod de statomixte (1995)

Moteur à onde de détonation rotative en essai à Bourges-Subdray

Statomixte modulaire refroidi

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LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 201937

La feuille de route de l’usine du futur chez MBDA repose sur 4 piliers : Digitalisation, Automatisation, Colla-boration et Planification.

Deux démarches complémentaires sont en place : l’amé-lioration continue et l’innovation de rupture. Cela permet d’une part d’améliorer chaque jour nos processus par des petits pas issus des propositions émanant du terrain et d’autre part de tester via des POC 49 des innovations en rupture avec nos pratiques actuelles.

Notre objectif est d’avoir un plan de route formalisé et suivi pour être à la pointe de l’innovation, de rester attractif et compétitif et de garder nos emplois nationaux.

Parmi l’ensemble des initiatives en cours nous pouvons citer les suivantes :• la mise en place de Robots et de Cobots,• la Simulation avec utilisation de la Réalité Virtuelle,• l’utilisation de techniques de tomographie,• la responsabilité environnementale,• la collaboration interne et externe avec les fournis-

seurs,• la formation et l’amélioration continue,• la planification,• la mise en place de techniques d’inspection automatique,• le travail collaboratif des équipes.

LA MISE EN PLACE DE ROBOTS ET DE COBOTS

Le déploiement d’installations robotisées vise à réduire en priorité les risques pour la santé et la sécurité des collaborateurs. Notre approche repose sur l’analyse rigoureuse des indices de pénibilité corrélée aux rythmes de production. Ce sont nos collaborateurs, au sein de nos lignes de production, qui sont à l’initiative des projets de robotisation.

Au-delà des bénéfices sur la santé et la sécurité, on constate aussi une diminution des non-qualités concernant les retouches notamment.

Deux exemples sont détaillés dans la suite : le bobinage robotisé de moteurs électriques en vue d’une montée en cadence et la pose de filets rapportés de type Helicoil.

POSE ROBOTISÉE DE FILETS RAPPORTÉS

Sur une seule pièce de structure spécifique, on dénombre près de 500 filets rapportés. Ces éléments étaient par le passé montés manuellement à l’aide d’une visseuse standard. Ils étaient ensuite contrôlés unitaire-

ment à l’aide de tampons filetés. Ces opérations qui étaient une source de troubles musculo-squelettiques ont été robotisées.

Après deux années de développement, le procédé a été automatisé dans sa globalité (pose et contrôle des 500 filets) grâce à un partenariat fructueux entre construc-teurs d’inserts et intégrateurs robotiques (PME). La solution comporte un moyen de vissage spécifique très sensible et un système de relocalisation. L’ensemble est capable de détecter tous les cas de défaillance connus, lors de la pose d’un filet rapporté et d’en informer la ligne de production.

Cette application robotique est aujourd’hui unique dans le secteur aéronautique.

MOYEN COBOTIQUE POUR LE DÉMONTAGE

Il s’agit de la mise en place d’une solution cobotique pour assister l’opérateur dans sa tâche de démontage.

Un robot 6 axes est couplé à un boitier de pilotage spécialement conçu et développé pour permettre à l’opérateur en présence du robot de dérouler des séquences prédéfinies et dans certains cas, des déplace-ments d’ajustement. Le boitier intègre une IHM tactile (Interface Homme Machine), un levier de commande 3D ainsi qu’un dispositif homme mort.

Cette solution permet d’optimiser les positions de travail à volonté pour chaque opération selon les souhaits de l’opérateur ; elle a aussi l’avantage d’optimiser la manipu-lation d’équipements onéreux et fragiles en remplaçant le moyen de démontage et de manipulation manuelle par un cobot.

Illustration du boitier de pilotage du cobot de démontage

INNOVATIONS TECHNIQUES

UNE USINE INNOVANTE À MBDApar Romain Pujol et Marc Tarrade

49 Proof Of Concept

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LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 201938

INNOVATIONS TECHNIQUESUNE USINE INNOVANTE À MBDA

Cobot de démontage en fonctionnement

Cobot de démontage en fonctionnement

LA SIMULATION AVEC UTILISATION DE LA RÉALITÉ VIRTUELLE / MIXTE / AUGMENTÉE

L’émergence de nouvelles technologies (lunettes immersives, capteurs, tablettes, etc.) couplées à la mise en place de maquettes numériques (modèles CAO 3D) permet de répondre de façon plus précise et de manière plus prédictive aux besoins et exigences en matière d’aména-gement d’espace, d’optimisation de conception, de design, d’ergonomie, d’aide à la fabrication et aux besoins de maintenance.

Comme exemples d’utilisation on peut citer :• l’aide à la conception,• l’aide à la fabrication pour la réalisation de gammes de

montage,• la maintenance à distance,• l’aide à la formation au montage, à la maintenance et la

réalisation des documentations associées,• la simulation d’implantations avec possibilité

d’immersion dans l’infrastructure.

Chaque atelier de production est aujourd’hui confronté à la nécessité d’être réactif et flexible face à des variations dans le portefeuille produit. Cela demande donc  : d’être capable d’envisager différents scénarios, de les évaluer, d’en déterminer leur faisabilité mais aussi d’être plus rapide dans leur mise en place tout en continuant d’assurer les performances en termes de cadence, d’ergonomie et de coût.

C’est là qu’interviennent les outils numériques. Grâce à la simulation 3D, nous sommes aujourd’hui capables de représenter un atelier et tout l’environne-ment de production mais aussi les flux de pièces et les flux humains. On peut évaluer différents scénarios de production, différentes implantations et juger les impacts en termes d’ergonomie et de cadences.

En associant plus en amont les équipes d’ingénierie et les opérationnels par des revues collaboratives immersives en 3D utilisant la réalité virtuelle, nous pouvons fiabiliser et anticiper la conception de nos moyens et de nos processus d’intégration futurs. De plus nous sommes en mesure de développer nos produits et leurs processus d’intégration simultanément et nous sommes capables de détecter plus tôt les problèmes fonctionnels, ergonomiques, et sécuri-taires.

De nombreuses autres perspectives s’offrent à nous. Pourquoi ne pas utiliser la réalité virtuelle pour se former à de nouvelles opérations avant même que les pièces ne soient livrées  ? Pourquoi ne pas utiliser la réalité augmentée pour assister l’opérateur dans la mise en œuvre de ses procédures d’intégration ?

Cette nouvelle technologie va ainsi offrir dans un futur proche des perspectives importantes d’adaptation et de préparation des outils industriels permettant de répondre aux enjeux de demain.

Espaces issue des outils de simulation de flux en 3D et en réalité virtuelle

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INNOVATIONS TECHNIQUESUNE USINE INNOVANTE À MBDA

LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 201939

Espaces issue des outils de simulation de flux en 3D et en réalité virtuelle

Matériel de réalité virtuelle

Écran immersif de réalité virtuelle

Représentation en 3D d’un poste de travail

LA TOMOGRAPHIE INDUSTRIELLE

L’utilisation de la tomographie en médecine n’est pas nouvelle puisque le premier scanner médical à rayons X a été mis au point en 1972 et commercialisé en 1975. C’est à Godfrey Newbold Hounsfield que l’on doit la conception de ce premier scanner et à Allan MacLeod Cormack,

les travaux sur l’atténuation du rayonnement dans la matière. Par contre, ce qui est plus récent, c’est l’utilisation de la tomographie dans l’industrie.

Dans la grande famille que représentent les contrôles non destructifs, la radiologie est l’une des méthodes les plus répandues dans le milieu industriel. Cette méthode compte 4 techniques que sont la radiographie argentique, la radiographie numérique, la radioscopie et enfin la tomographie.

La tomographie par absorption de rayons X permet la reconstruction d’images «  en coupe  » d’un objet à trois dimensions à partir de clichés radioscopiques. On peut ainsi observer la pièce reconstituée sous différents angles.

Les données acquises lors de la prise de mesure (dont la durée varie d’une fraction de seconde à quelques heures selon l’installation) sont collectées suivant des orienta-tions multiples  ; leur nombre et le pas sont fonction du type d’appareil et de la finesse de résolution.

À l’aide de ces données, une image numérique est calculée et reconstruite mathématiquement en niveaux de gris ou de couleurs.

La tomographie à rayons X permet donc d’accéder au cœur de la matière pour en apprécier les variations d’absorptions radiologiques et les différences de composition des matériaux.

Elle permet également de localiser très finement toute hétérogénéité, singularité, vide ou inclusion présents dans un objet.

Enfin, lorsque les temps d’acquisition sont compatibles avec les vitesses de certains phénomènes physiques, la tomographie peut conduire à des mesures dynamiques pour suivre, par exemple, l’évolution d’un matériau soumis à des contraintes.

Les images ci-dessous sont réalisées avec un échantillon issu de la fabrication additive.

Image représentant l’échantillon reconstruit et vues en coupes suivant 3 axes orthogonaux

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LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 201940

INNOVATIONS TECHNIQUESUNE USINE INNOVANTE À MBDA

Grâce à l’application d’un filtre surfacique sur notre échantillon, il est possible de mettre en évidence la structure interne qui ici est une structure lattice. Le filtre a la particularité d’inverser et de remplacer ce qui était plein auparavant par des vides : ce qui est matérialisé ici, ce sont les vides de la structure lattice.

Résultat de l’application d’un filtre surfacique – Mise en évidence de la structure interne

Nous observons clairement sur la capture avec filtre que la colonne de structure lattice n’est pas continue (une zone d’ombre est présente au milieu). C’est le signe d’un problème lors de l’élaboration. Par exemple, une mauvaise évacuation de la poudre résiduelle.

Combiné de l’échantillon avec et sans filtre surfacique

RESPONSABILITÉ ENVIRONNEMENTALE

Chez MBDA cette responsabilité se concrétise par un certain nombre d’actions dont l’objectif est de diminuer notre consommation de matière, d’énergie tout en contrôlant mieux nos déchets. Ces actions nous ont conduit à :• promouvoir l’écoconception par des processus amont

adaptés et renforcés par des directives société,• promouvoir l’outil MFCA 50 avec le support externe de

l’ADEME.

Gestion des déchets et de la consommation électrique

Après un premier écobilan, trois projets ont vu le jour concernant :

• la valorisation des copeaux et le recyclage des lubrifiants par l’investissement de compacteurs et déshuileurs et la publication d’un guide pour le recyclage des lubrifiants,

• l’économie d’énergie électrique avec la parution de recommandations pour l’achat de nouvelles machines et la mise en place d’une nouvelle génération de trans-formateurs,

• la réduction des déchets d’emballage pour développer, avec l’aide de nos fournisseurs, des emballages standards, recyclables et 100% réutilisables tout en intégrant les problématiques d’anticorrosion et antista-tique.

Compactage des déchets métalliques

La Fabrication additive

Parmi les procédés de fabrication additive métallique, la technologie de fusion laser sur lit de poudre (PBF-LBM en anglais) fait figure de référence pour la production industrielle de pièces complexes aux dimensions inter-médiaires. Ce procédé consiste en la fusion sélective de fines poudres métalliques, couche après couche, afin de construire une structure dense. À l’issue de ce processus, la pièce nouvellement fabriquée est noyée dans un lit de poudre. Cette poudre non fondue est retirée pour être recyclée et réutilisée dans les fabrications suivantes. Ces étapes de recyclages successifs, critiques pour le procédé, doivent permettre de réutiliser la matière pour des raisons économiques et environnementales évidentes tout en préservant sa qualité. C’est pourquoi un nombre limité de cycles de réutilisation d’une poudre neuve est souvent fixé.

50 Material, Flow, Cost, Accounting

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INNOVATIONS TECHNIQUESUNE USINE INNOVANTE À MBDA

LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 201941

En fabrication additive, l’objectif est donc d’utiliser le strict nécessaire de matière première tout en garantissant la qualité du matériau produit et de limiter les étapes de reprises d’usinage. Dans le cas de procédés convention-nels, les pièces sont souvent fabriquées directement en taillant dans un bloc de matière massif avec un surcroît de dépenses énergétiques. Ainsi, en prenant un exemple concret, une pièce en titane de 0,7  kg au final nécessite un bloc de plus de 10 kg pour pouvoir être taillée dans la masse tandis que son équivalent obtenu par fabrication additive ne nécessite que 1 kg de matière « nette » ou 3,5 kg en prenant en compte les limites de réutilisation évoquées plus haut.

Il s’agit donc là d’un bon exemple de l’intérêt des techno-logies de fabrication additive pour l’économie de matière première, même si ce bilan doit être nuancé et consolidé par la prise en compte de la spécificité des procédés d’éla-boration des poudres métalliques.

COLLABORATION, FORMATION ET AMÉLIORATION CONTINUE

La direction industrielle de MBDA s’intéresse de près au travail collaboratif pour que chacun puisse échanger,

partager en temps réel des informations nécessaires et utiles à l’atteinte de la performance.

La collaboration est à considérer en premier lieu entre les directions  : c’est pourquoi un projet de continuité numérique autour de la maquette numérique a été réalisé. La Direction Industrielle étant «  consommatrice  » de l’information provenant de l’engineering, il a été mis en place un espace collaboratif pour l’échange de données  : il s’agit de permettre à différentes personnes de travailler à distance sur des données mises à jour en temps réel. L’intérêt est aussi d’anticiper les évolutions, préparer les tâches industrielles avant même que la pièce physique n’existe.

À un deuxième niveau, la collaboration s’entend au sein d’une même entité ou entre des services d’une même direction. Que l’on soit dans une entité de production, de développement mécanique ou logiciel, au sein d’une équipe projet, on a tous besoin de travailler ensemble et de partager de l’information. Lorsque les rituels sont déjà en place, la digitalisation de l’information permet alors de mieux capitaliser, échanger à distance, communiquer vers d’autres instances…Différentes solutions sont possibles en fonction des besoins identifiés pour accompagner

OBEYA manuscrit sur mur blanc

OBEYA manuscrit sur mur blanc

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INNOVATIONS TECHNIQUESUNE USINE INNOVANTE À MBDA

la transformation digitale. Il existe actuellement un écosystème particulièrement riche de startups ou de jeunes entreprises qui proposent des solutions collabo-ratives novatrices sur le cloud ou «on premises », mais il n’est pas sûr que la meilleure solution digitale soit celle qui résout à elle seule tous les problèmes  : mieux vaut rester focalisé sur la définition du besoin en appui d’une pratique existante et confirmée.

LE PROJET OBEYA

Pour le management de projet d’ingénierie, MBDA a mis en place une méthode de management visuel appelée « OBEYA » (pour « grande salle » en japonais) basée sur le Lean Management.

Faisant le constat que 4/5 de l’information dans une communication passe par la vue, l’idée ici est de transmettre le maximum d’information de façon visuelle, simple et précise (utilisation de codes couleur, symboles, illustrations).

C’est surtout un outil de management collaboratif :• L’équipe projet participe à sa construction pour son

utilisation spécifique  : le but recherché étant d’obtenir l’adhésion de chacun.

• Les réunions sont «  ritualisées  » et utilisent des techniques d’animation pour les rendre plus « dynamiques » (réunions courtes, debout, ordre du jour dans un timing défini).

• Les traditionnels « Post It » collés sur des panneaux sont oubliés.

• Avec les nouveaux supports et le développement des activités collaboratives, les «  Post It  » OBEYA sont digitaux, s’échangent entre équipes dans différents sites sur de grands écrans tactiles interconnectés permettant accès partagés et distants.

DOCUMENTATION NUMÉRIQUE SUR LA BASE DE MAQUETTE CAO

Jusqu’à présent les dossiers industriels (fiches d’ins-truction) et de support (documentations de formation ou de maintenance) étaient établis à partir de photos prises après les premières réalisations et souvent redessinées pour répondre aux normes de la documentation technique de l’utilisateur.

L’utilisation des maquettes numériques c’est-à-dire les modèles de CAO 3D, permet de produire la documentation technique tout au long du cycle de vie des produits depuis leur conception jusqu’à leur maintien en conditions opéra-tionnelles chez le client en passant par la fabrication :

• En phase de développement à partir du dossier de définition.

• En phase d’industrialisation pour préparer la production en série, raccourcir la transition avec le développement, assurer le lien et une bonne continuité numérique entre maquette 3D du bureau d’études et procédures industrielles garant d’une bonne réactivité pour la prise en compte d’évolutions. Pour que l’opérateur comprenne plus facilement une logique de montage, on met à sa disposition des procédures numériques composées d’animations 3D séquentielles que l’on adapte avec le bon niveau de détails. On lui propose également une formation réalisée au moyen de tutoriels vidéos.

• En phase de support et maintenance via la documenta-tion technique utilisateur associée.

Toutes les phases, de l’industrialisation au support client, peuvent donc se préparer dès la conception sans attendre les premières réalisations.

WELINK CSN: COMMUNAUTÉS D’INTÉRÊT POUR RENDRE LE TRAVAIL D’ÉQUIPE PLUS EFFICACE

Que ce soit pour des projets, concernant les processus ou encore les bonnes pratiques, chaque équipe a besoin de partager de l’information. WeLink Corporate Social Network offre des espaces de travail dédiés appelés communautés d’intérêt. Cela fonctionne comme un guichet unique où les équipes déposent de l’informa-tion et discutent de leurs différents sujets. Contraire-ment à d’autres outils numériques, une solution de type communautés d’intérêt est accessible à ses membres n’importe quand. Chaque nouvel arrivant a instantané-ment accès à l’ensemble de la connaissance partagée par la communauté. Plus de 500 communautés publiques ou privées ont déjà été créées chez MBDA pour faciliter et rendre plus efficace le travail en groupe.

LA PLANIFICATION

Dans la poursuite des actions d’amélioration visant à la maîtrise des flux de notre fabrication de composants et sous-ensembles, nous avons revu notre architecture de planification pour assister la prise de décisions clés sur chaque horizon de planification. Ceux sur lesquels nous nous concentrons, sont  : le PDP 51 (24 Mois) et le PEx 52

(6 Mois).

L’objectif principal est d’anticiper la variation de charge à travers un meilleur contrôle des capacités, en commençant par l’horizon PDP sur toutes les ressources critiques. Cela permet de définir les leviers d’ajustement

51 Programme Directeur de Production52 Programme d’Exécution

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INNOVATIONS TECHNIQUESUNE USINE INNOVANTE À MBDA

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de charge et de capacité à activer, avant de les ajuster sur l’horizon PEx.

Pour atteindre cet objectif, nous avons bâti un projet avec deux ambitions :• Une première visant à revoir les modalités de fonction-

nement des processus de planification PDP et PEx ainsi que l’organisation associée ;

• Une deuxième ciblant une meilleure maîtrise des données techniques.

En plus de ces deux besoins, nous avons décidé de mettre en place un outil informatique d’optimisation de planification, permettant de faciliter la prise de décision aux niveaux PDP et PEx.

LA MISE EN PLACE DE TECHNIQUES D’INSPECTION AUTOMATIQUE

La garantie de la qualité de nos produits est assurée de différentes façons dont l’autocontrôle. C’est un contrôle visuel parfois doublé pour augmenter le niveau de fiabilité. Cependant un tel contrôle manuel présente des risques d’erreur (erreur humaine lors du contrôle, erreur lors de la saisie des résultats, etc.) et pose le problème de sa traçabilité. Automatiser cette vérification permet de fluidifier la production en limitant l’interven-tion humaine, d’augmenter le niveau de fiabilité et de garantir une meilleure traçabilité tout en fournissant une assistance aux opérateurs.

Grâce à l’analyse d’images sont effectuées différentes vérifications  : contrôles dimensionnels, contrôles de forme, reconnaissance OCR 53, etc. Cette technique rend donc possible la détection des défauts sur des pièces, sur des assemblages et répond bien aux contraintes listées précédemment.

En pratique on positionne une caméra au-dessus de la vérification à effectuer  : ce positionnement doit être fixe et précis à quelques millimètres. Après une prise de référence avec reconnaissance de formes, le programme de contrôle est exécuté sur l’image en utilisant différents modules présents dans la caméra qui conclut si l’opération d’assemblage est conforme ou non. Comme la caméra est connectée au MES de l’entreprise, le résultat du contrôle ainsi que l’image sont sauvegardés automatiquement, ce qui assure la traçabilité de l’inspection.

Grâce à ce dispositif, nous sommes aujourd’hui capables de déterminer la présence ou l’absence de pièces (comme des quantités de vis ou de rivets), de vérifier le positionne-ment des pièces (conformité de l’emplacement d’étiquettes,

routage de câbles), de détecter des erreurs (connecteurs mal positionnés, couleur du composant non conforme) ou des défauts d’aspect (présence de rayures, défauts de marouflage d’un scotch), etc.

De nombreuses autres utilisations sont envisageables  : par exemple coupler la caméra à un bras cobotique piloté par le MES 54 et qui viendrait automatiquement et selon l’avancement de la procédure de fabrication, se positionner autour du produit et effectuer différentes prises de vues correspondant aux différentes inspections à réaliser. ■

Inspection automatique. Vues caméra

Contrôle du positionnement d’un adhésif

Détection de présence de loctite sur des vis

Reconnaissance de caractères

53 Optical Character Recognition54 Manufacturing Executive System

LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 2019

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Lynkeus est un système d’armes associant un micro drone au système MMP (Missile Moyenne Portée) qui permet, pour le combat de contact, d’engager et détruire, de façon autonome, des cibles masquées derrière le relief ou des obstacles.

Principes de Lynkeus

Les micros drones (<2 kg) sont progressivement intégrés dans les forces de contact, infanterie et cavalerie, pour des missions d’observation. Avec Lynkeus, ces nouveaux moyens d’observation seront également utilisés pour localiser et désigner les cibles afin de les traiter grâce au MMP.

Cette capacité de TAVD constitue un avantage opéra-tionnel dans le combat de contact car elle permet d’engager l’ennemi sans contact visuel direct, avec plus de discrétion et en limitant les risques de riposte immédiate.

En outre, elle facilite la mise en œuvre du tir en permettant à l’unité MMP de voir et localiser la cible dans son environnement, avec une vue oblique proche de celle qu’aura le tireur avec le retour image de l’autodirecteur.

Genèse

Le concept Lynkeus a émergé fin 2016, à l‘issue d’une réflexion capacitaire et commerciale qui a mis en évidence la plus-value opérationnelle que pouvait apporter ce système d’armes. Les travaux d’architecture ont débuté en parallèle de la phase de qualification du MMP et ont abouti en 2018 au moment de l’entrée en service du MMP dans les forces françaises.

Par sa conception, le système MMP dispose d’un avantage qui le démarque de ses concurrents  : une centrale inertielle est intégrée au missile, qui maintient l’autodirecteur en direction du point dont les coordonnées ont été communiquées au poste de tir, permettant ainsi de conserver la cible dans son champ de vision. Associée au mode LOAL 55 qui permet d’accrocher une cible dans l’image de l’autodirecteur lorsque le missile est en vol, cette fonctionnalité confère au MMP une véritable capacité de tir au-delà des vues directes. Néanmoins, pour obtenir le meilleur de cette capacité, il est souhaitable que le tireur dispose d’un maximum d’informations sur la cible et son environnement.

Pour cela, l’idée est née de juxtaposer une équipe « drone » à l’équipe MMP afin de disposer en propre d’une capacité d’observation et de recueil d’informations dans la 3e dimension. C’est le maillon qu’il manquait pour apporter aux clients des solutions pour l’engagement en autonome de cibles masquées et pouvoir ainsi utiliser tout le spectre des capacités du MMP.

Les travaux menés dans le projet ont consisté à étudier les technologies drones, spécifier, sélectionner une solution micro-drone puis l’améliorer avec la PME Novadem, travailler le concept d’emploi opérationnel au contact des forces françaises, puis préparer et valider l’intégration drone-MMP au sein d’un même système  : Lynkeus.

Travaux d’architectures réalisés sur Lynkeus

Du concept au produit

Il a fallu, tout d’abord, évaluer la faisabilité technique de cette association drone-MMP avec une attention

LETTRE 3AF NUMÉRO 37 / MAI 201944

55 Lock On After Launch

FUTURS PRODUITS Les nouvelles technologies sont déployées dans des nouvelles générations de produits ; à titre d’exemple :

LYNKEUS LE PLUS PETIT SYSTÈME TIR AU-DELÀ DE LA VUE DIRECTE (TAVD)par Alain Bandini

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FUTURS PRODUITS LYNKEUS LE PLUS PETIT SYSTÈME TIR AU-DELÀ DE LA VUE DIRECTE (TAVD)

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particulière sur la chaine de désignation d’objectif afin qu’elle garantisse les meilleures performances de localisa-tion, désignation, accrochage et neutralisation des cibles masquées.

En parallèle, l’équipe projet a fait un inventaire des micro-drones civils et militaires actuels pour rechercher le meilleur vecteur aérien. Les recherches ont convergé vers le NX70 de chez Novadem qui était le seul drone répondant aux deux tiers des performances requises. Après deux ans de coopération avec cette PME du sud de la France, le NX70 a été amélioré et répond maintenant à l’ensemble des exigences techniques et opérationnelles requises pour Lynkeus.

Une fois la liste des caractéristiques accessibles établie, l’équipe projet a procédé aux premières évaluations en simulation avec « tireur » dans la boucle : tous les éléments présents dans la chaîne Lynkeus, ont été implémentés en environnement virtuel, afin de vérifier l’adéquation de cette chaîne de désignation d’objectif et travailler le concept d’emploi avec les forces qui se sont également appropriés les nouvelles capacités du système d’arme MMP, avant même son entrée en service.

L’interface du système d’armes a aussi été améliorée pour prendre en compte un système de désignation d’objectif tiers tel qu’un micro-drone.

Essais NX70 - MMP

Depuis le salon Eurosatory 2018, Lynkeus est entré au portefeuille produit de MBDA qui a décidé de promouvoir la nouvelle marque « Lynkeus » pour les systèmes d’armes de 5e génération du combat aéroterrestre.

Bénéfices pour MBDA, les clients et les utilisateurs ?

Lynkeus permet à MBDA de se démarquer face à ses concurrents, en proposant un système innovant, évolutif et apportant de manière autonome une capacité opéra-tionnelle inégalée dans le combat terrestre.

Plus qu’un système d’arme, MBDA propose ainsi, une capacité complète, clef en main, démarrant par l’appren-tissage et l’établissement des doctrines d’emploi en s’appuyant sur des moyens de simulation, ainsi qu’un système permettant la mise en œuvre opérationnelle de la chaîne complète, allant de la numérisation du terrain et de l’observation à la neutralisation et à la vérification de la bonne réalisation de la mission grâce aux différents capteurs du poste de tir et du drone.

La maîtrise complète du système par MBDA permet aux clients de traiter avec un interlocuteur unique, ce qui permet, d’adapter facilement l’offre à son besoin particulier, à sa doctrine et à ses moyens.

Bilan et suite :

Le système d’armes MMP intègre de nombreuses nouvelles technologies très performantes qui en font un système de 5e génération sans équivalent dans le combat terrestre. L’association avec les nouvelles technologies comme les micro-drones, font de Lynkeus une innovation technologique et capacitaire modulable et simple d’emploi pour les utilisateurs des forces de contact.

En lançant la marque lors du salon Eurosatory 2018, MBDA a pris la décision de continuer dans cette voie de l’innovation à l’écoute des besoins des forces. L’équipe projet travaille dorénavant sur la composante Lynkeus embarquée sur véhicule en associant encore d’autres technologies nouvelles. ■

Concept Lynkeus embarqué

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La maîtrise de la vulnérabilité est un enjeu majeur pour le développement d’un concept d’arme laser fournissant une capacité performante d’engagement. Dans cette optique, MBDA mobilise d’importantes ressources afin de faire progresser sa connaissance des effets des lasers de haute énergie sur les cibles.

L’enjeu est en effet de savoir dimensionner le système d’armes laser (notamment la puissance de la source, les caractéristiques du faisceau, la compensation des effets atmosphériques) et maîtriser ses performances dans le cadre d’un emploi opérationnel. MBDA a ainsi fait le choix d’investir dans la conception et la réalisation d’un banc d’étude de l’interaction laser-matière : le Vulnerability test Facility (VTF)

Cette installation d’essais vise dans un premier temps à comprendre la physique de l’interaction entre la lumière et la matière et d’en quantifier les effets. Pour cela, elle met en œuvre une source laser continue de 10  kW afin d’illuminer une grande variété de matériaux, d’équipe-ments et de cibles. Les caractéristiques de l’illumination peuvent être réglées pour reproduire les conditions d’un tir réel (variation en temps réel de la puissance et de l’angle d’attaque du faisceau, mouvements du spot sur la surface d’interaction, présence d’un flux aérodyna-mique). Le moyen est en outre doté d’une instrumenta-tion poussée permettant notamment de caractériser le faisceau laser, de visualiser la cratérisation, et de mesurer de manière précise l’évolution de la température dans les éprouvettes testées. Les résultats de ces essais parti-ciperont au développement et au recalage de modèles numériques validés.

Essai sur une plaque de titane

Dans un deuxième temps, le banc de tests rendra possible une investigation sur les modes de défaillance de différentes cibles et permettra de déterminer des seuils de neutralisation en fonction des paramètres de l’enga-gement. Cette étape est indispensable pour acquérir une capacité de prédiction des effets de l’arme.

Vulnerability test Facility (VTF) – cabine et poste opérateur

Pour réaliser ce projet, dès 2016, MBDA a entamé une collaboration avec ALPhANOV, centre technologique du pôle de compétitivité Alpha RLH (région bordelaise) et spécialiste des lasers. Cette coopération inclut la conception et la réalisation du banc, mais aussi sa mise en œuvre conjointe sur une durée de quatre ans, et le développement de moyens de mesure et de modélisa-tion plus sophistiqués. En particulier, des méthodes pour mesurer dynamiquement la réflectivité des matériaux et pour modéliser leur comportement seront étudiées, avec le concours de laboratoires de l’Institut de Mécanique et d’Ingénierie de Bordeaux (I2M), à travers le financement d’une thèse.

Le banc est actuellement en cours de réalisation et est situé dans les locaux d’ALPhANOV à Talence ; des essais ont d’ores et déjà été effectués. Il sera inauguré début 2019 sur le site d’ALPhANOV. ■

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FUTURS PRODUITS

UN NOUVEAU PAS VERS L’ÉTUDE DES EFFETS DES ARMES LASER POUR MBDApar Eric Ducloux

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FUTURS PRODUITS UN NOUVEAU PAS VERS L’ÉTUDE DES EFFETS DES ARMES LASER POUR MBDA

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Intérieur du VTF – robot 6-axes, instrumentation et porte-éprouvettes

Mesure du puissancemètre et IHM de la source laser Vue caméra d’une plaque après perçage

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MBDA a développé une nouvelle architecture de défense sol-air en réseau, appelée NCES 56. Cette archi-tecture, aujourd’hui opérationnelle, représente une rupture dans l’organisation des défenses aériennes.

Dans cette approche, les ressources senseurs (radar par exemple) sont mises en réseau afin d’élaborer la meilleure situation aérienne et l’ensemble des moyens composant la défense sol-air est également organisé en réseau, qu’il s’agisse d’unités de tir, très court, court ou moyenne portée ou des centres de coordination et d’enga-gement sol-air, ceci afin de rendre la défense plus efficace. De telles architectures peuvent être mises en œuvre du niveau local (défense de zone) jusqu’à la défense d’un territoire. MBDA est aujourd’hui en mesure de fournir l’ensemble des capacités, senseurs, moyens de communi-cation, centres de coordination et unités de tir. NCES peut également insérer une architecture d’engagement des moyens d’interception en interface avec une structure de défense préexistante.

Par rapport aux architectures classiques de défense aérienne, qui sont très hiérarchisées, la mise en réseau des différents moyens offre une très grande flexibilité opéra-tionnelle et une très grande résilience tout en maintenant une structure décisionnelle. L’organisation de la défense sol-air cesse d’être contrainte par l’intégration d’un lanceur ou la notion de batterie organisée autour d’un radar et d’un C2 organiques. Les effecteurs ou systèmes de lanceurs sont pris en compte par le réseau d’engagement sitôt connectés. De même les capteurs viennent enrichir

la situation aérienne au fur et à mesure qu’ils s’insèrent dans le réseau. En cas de perte d’un centre de contrôle, les équipements lanceurs, missiles et senseurs rattachés à celui-ci sont repris en compte de façon dynamique par un autre centre de contrôle via le réseau sans perte de puissance de feu.

Ainsi, l’architecture NCES s’applique dans une vaste diversité d’organisations, de la batterie mobile, jusqu’au système de défense territoriale. Elle accepte également d’intégrer aisément les systèmes de défense sol-air existant et est ouverte à de nouveaux systèmes au travers d’une passerelle convertissant les informations que la batterie échange normalement avec les niveaux de défense sol-air situés au-dessus ou en dessous de celle-ci.

Afin d’établir le niveau de performances système de systèmes de ces architectures de défense, MBDA a mis au point un modèle de référence système représentant finement les performances et interactions de chaque composante, senseurs, Centres de contrôle, moyens de communication, unités de tir, missiles, dans différents environnements. Associé à un modèle de terrain, cet outil permet d’évaluer, dans des conditions opérationnelles réelles, les performances des architectures en fonction des déploiements adoptés et face à des scénarios de menaces complexes de haute intensité. Utilisé de la phase de concept jusqu’à l’emploi dans les forces, il permet de s’assurer de l’efficience des déploiements dans un mode wargame.

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FUTURS PRODUITS

LES NOUVEAUX SYSTÈMES D’ARMESEN RÉSEAUpar Philippe Roudier et Séverine Dory

Architecture de défense sol-air en réseau de type Network Centric Engagement Solutions

56 Network Centric Engagement Solutions

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FUTURS PRODUITS LES NOUVEAUX SYSTÈMES D’ARMES EN RÉSEAU

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Représentation d’une architecture NCES avec processus de réallocation dynamique d’une partie des ressources (Violet)

BÉNÉFICES OPÉRATIONNELS

L’architecture NCES apporte de nombreux bénéfices au niveau opérationnel. Conçue pour un usage dit 24/7, son architecture permet d’atteindre un haut niveau de résilience, c’est-à-dire que la mission de défense est maintenue par exemple même en cas d’indisponibilité d’un Centre de Contrôle. La redondance à chaud des composants C2 améliore considérablement la disponibilité des matériels et est une assurance supplémentaire pour la mission, en particulier lorsque le missile est en vol.

L’ajout à chaud (hot plug-in) de modules et la reconfi-guration dynamique sont également de véritables avantages opérationnels car ils garantissent le maintien de la capacité d’action tout en offrant la possibilité de gérer la charge de travail du personnel et l’emploi des matériels. Il est ainsi possible d’adapter aisément le dispositif de défense en fonction de l’intensité de la menace.

CHALLENGES TECHNIQUES À RELEVER

De nombreux challenges techniques ont été relevés par les équipes ! Celui de la redondance à chaud du C2 a été résolu élégamment grâce à l’architecture logicielle. Pour réussir l’intégration aux réseaux de communications du client, de nouvelles compétences et outils ont été créés en interne MBDA. De même, les exigences en matière de sécurité des systèmes d’information n’ont pu être remplies qu’en déployant une panoplie très large de moyens. De très nombreux travaux sur les algorithmes, indispensables pour atteindre les niveaux inégalés de performances dans des environnements complexes ont également été inventés

Tir Aster à partir d’un système NCES, 2018

S’ADAPTER AUX RÉSEAUXDE COMMUNICATION.

Du design à l’intégration et la validation, MBDA a développé une méthodologie et des outils réseau évolutifs et modulaires afin de :• Diagnostiquer les performances des réseaux

existants, résilience et stress réseau, latences, pertes de paquets, pertes de liens, trafic de fond.

• Modéliser, Simuler et Émuler en temps réel des interconnections réseau représentatives de type IP, Ethernet, Série, ou formes d’onde radio.

Nous représentons également les fonctions de service (synchronisation, qualité de service, protocoles de routage, réseau privés sécurisés) ainsi que les protocoles de redondance réseau.

CYBER SÉCURITÉ

Nous mettons en œuvre des mesures de sécurité multi couches telles que, durcissement matériel, durcissement réseau et logiciel, station de maintenance et de supervision réseau et d’intrusion de sécurité

La protection des systèmes MBDA est confirmée par des tests d’intrusion cybernétique. Ces tests permettent de garantir la résilience de systèmes face aux attaques cybernétiques telles que D/DOS/Flooding, Spoofing, Hijacking, Sniffing, Scanning, Man in the middle. ■

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PARMI LES PROCHAINS ÉVÉNEMENTS

CONFÉRENCE EUROPÉENNE DES ESSAIS ET TÉLÉMESURE11 AU 13 JUIN 2019 À TOULOUSEhttp://www.ettc2019.org

CONFÉRENCE AEROSPACE EUROPE 202025 AU 28 FÉVRIER 2020 À BORDEAUXhttps://aerospace-europe2020.eu/

BORDEAUX, FRANCE 25-28 FEBRUARY 2020

www.aerospace-europe2020.eu

WITH THE SUPPORT OF :

FEATURING

AerospaceEuropeConference2020

Greener Aerospace Innovative Technologies and Operations for a human friendly environment

CO-ORGANISED BY :

HOSTED BY :

CEAS AIR & SPACE7th Edition

3AF GREENER AVIATION3rd Edition

AIAA/3AF ANERS8th Edition

SAVE THE DATE

CALL FOR PAPERS WILL BE OPEN IN FEBRUARY 2019

11-13JUIN 2019

25-28FÉVRIER 2020

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www.3af.fr

Association Aéronautique et Astronautique de France