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Jean Theveny Chronique d’une révolution TOME 2 16 juillet au 6 octobre 1789

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Jean Theveny

Chronique d’une révolution TOME 2

16 juillet au 6 octobre 1789

----------------------------INFORMATION----------------------------Couverture : Classique

[Grand format (170x240)] NB Pages : 558 pages

- Tranche : (nb pages x 0,07 mm) + 2 = 41.06----------------------------------------------------------------------------

Chronique d’une révolution

Jean � eveny

41.06 526331

Nov 2013

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Sommaire

Avant-propos ...................................................................................... 5

Abréviations ....................................................................................... 9

Chapitre 8 – La grande peur. 16 au 31 juillet 1789 ............................ 11

Chapitre 9 – L’abolition des privilèges. 1° au 13 août 1789 .............. 113

Chapitre 10 – La déclaration des droits 14 au 26 août 1789 .............. 193

Chapitre 11 – Les premiers pas d’une première constitution. 27 août au 17 septembre 1789 ............................................................ 245

Chapitre 12 – Timides sursauts du roi et désastre final 18 septembre au 6 octobre 1789 ......................................................... 321

Chapitre 13 – Journées des 5 et 6 octobre 1789. ................................ 397

Quelques idées pour conclure ............................................................. 437

Annexes .............................................................................................. 445

Annexe 31 ...................................................................................... 447

Annexe 32 ...................................................................................... 449

Annexe 33 ...................................................................................... 451

Annexe 34 ...................................................................................... 455

Annexe 35 ...................................................................................... 459

Annexe 36 ...................................................................................... 461

Annexe 37 ...................................................................................... 467

Annexe 38 ...................................................................................... 471

Annexe 39 ...................................................................................... 473

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Annexe 40 ..................................................................................... 477

Annexe 41 ..................................................................................... 481

Annexe 42 ..................................................................................... 487

Annexe 43 ..................................................................................... 489

Annexe 44 ..................................................................................... 493

Annexe 45 ..................................................................................... 495

Annexe 46 ..................................................................................... 497

Annexe 47 ..................................................................................... 501

Annexe 48 ..................................................................................... 507

Annexe 49 ..................................................................................... 509

Annexe 50 ..................................................................................... 513

Annexe 51 ..................................................................................... 515

Annexe 52 ..................................................................................... 517

Annexe 53 ..................................................................................... 521

Annexe 54 ..................................................................................... 523

Annexe 55 ..................................................................................... 527

Annexe 56 ..................................................................................... 533

Annexe 57 ..................................................................................... 535

Annexe 58 ..................................................................................... 543

Annexe 59 ..................................................................................... 547

Annexe 60 ..................................................................................... 549

Annexe 61 ..................................................................................... 553

Bibliographie ..................................................................................... 555

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Les grands ne nous paraissent grands.

Que parce que nous sommes à genoux… … Levons nous !

Avant-propos

Le tome 1 de cette chronique d’une révolution française qui égraine le temps entre le 27 avril et le 6 octobre de l’an 1789 propose quelques idées sur la civilisation de l’ancien régime, sur la crise politique et financière qui mine le pouvoir royal et sur les évènements qui précèdent la convocation des états généraux. La première révolution prend peu de temps pour s’accomplir. Après un mois et demi de négociations creuses, l’assemblée des communes (le tiers état) s’institue Assemblée nationale le 17 juin. La réaction royale à ce coup d’État brutal est à la fois rapide et malhabile. Lors d’une séance royale, Louis XVI tance les députés et tente d’imposer un programme. Le tiers état persiste avec détermination et la foule de Paris et de Versailles s’agite. C’est l’occasion de réunir une importante armée destinée, prétend le roi, à maintenir l’ordre. Mais les députés du clergé et une minorité des représentants nobles rejoignent la toute nouvelle Assemblée nationale et acceptent le vote par tête. Le roi recule et ordonne aux ordres privilégiés de rejoindre la salle commune, sans pour autant accepter de perdre son pouvoir législatif. L’armée est de plus en plus présente en Ile de France et même à Paris, ce qui suscite une agitation permanente. Les journées révolutionnaires parisiennes des 13 et 14 juillet seront déterminantes. Louis XVI interdit qu’on tire sur la foule, ordonne le retrait des troupes et capitule sans condition en reconnaissant de fait l’Assemblée nationale lors de sa visite à la salle des Menus Plaisirs le 15 juillet.

Tout semble donc aller pour le mieux dans le meilleur des royaumes. Les revendications les plus extrêmes des cahiers de doléance sont accomplies ; l’Assemblée nationale s’attache immédiatement à délibérer pour construire la nouvelle constitution tant espérée, celle qui devait

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comme par magie apporter à tous bonheur et abondance. Les députés débutent avec un signe fort : la déclaration des droits qui établit, dans une certaine mesure, liberté et égalité.

Paradoxalement, cette avancée politique extraordinaire n’a aucun effet sur la population. Les structures administratives et judiciaires de l’ancien régime s’écroulent brusquement : les impôts ne sont plus payés et les jugements inexistants. Les campagnes s’enflamment en prétextant des attaques de brigands imaginaires, les villes constituent des municipalités et des milices autoproclamées qui se livrent à l’arbitraire et parfois se combattent, Paris enfin se constitue en un grand nombre de républiques indépendantes : les soixante districts électoraux deviennent autant de communautés fermées, avec assemblée, directoire et milice, qui acceptent ou refusent les décrets du conseil de Paris, pourtant composé des élus des districts ; les groupes professionnels (Basoche, médecine) tentent de limiter un territoire en s’opposant aux districts ; les habitués du Palais Royal, notamment ceux du café de Foy, se considèrent comme représentatifs de la nation et n’hésitent pas à rendre des décrets contre le roi, contre les députés de l’Assemblée ou contre le conseil de Paris, appuyés souvent par la force de l’insurrection populaire.

On aurait pu former l’hypothèse qui attribue cette fermentation à la persistance du régime féodal et des multiples privilèges qui minent l’ancien régime. Mais les députés qui en étaient conscients, abolissent tout privilège lors de la nuit du 4 août, achevant ainsi la première révolution française. Pourtant, ce progrès politique et social incontestable ne changera rien au climat insurrectionnel permanent hérité du 14 juillet.

Le tome 2 évoque, toujours à partir des sources, cet état d’anarchie inimaginable qui s’instaure dans le royaume de France après le 14 juillet 1789. L’histoire officielle expose trop souvent un conflit latent entre royalistes et progressistes qui n’est pas pertinent pour l’époque considérée. En revanche, il n’est pas possible d’ignorer une conception extrême de la liberté qui détruit toute organisation sociale. Le citoyen de 1789 pense sérieusement qu’il est seul autorisé pour juger favorablement ou rejeter les décrets de l’Assemblée nationale ; la démocratie représentative que nous connaissons est ignorée au profit d’une sorte de démocratie directe, évidemment inapplicable dans un pays qui compte quelques dizaines de millions d’habitants.

L’Assemblée elle-même n’est pas exempte de cet étrange état d’esprit qui s’oppose violemment à toute forme d’autorité. Ses députés sont animés d’une haine antiministérielle démesurée qui va donner le jour à une constitution monstrueuse, constituée d’une chambre unique qui réunit de

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fait tous les pouvoirs, laissant au chef de l’exécutif un droit de veto suspensif parfaitement inapproprié et inapplicable.

La haine hissée au rang de vertu politique va aboutir tout naturellement aux journées des 5 et 6 octobre 1789. Lorsque l’Assemblée nationale est envahie, lorsque le palais de Versailles est attaqué et lorsque le roi est contraint sous la menace à s’installer à Paris, la première révolution française prenait fin. En apparence, tout continue comme avant ; pourtant, le roi de France n’est plus rien, l’Assemblée nationale n’est plus libre et c’est l’anarchie qui s’installe durablement, sous le couvert des clubs.

En espérant que cette tranche de vie nationale pourra vous séduire…

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Abréviations

JEG : Journal des états généraux rédigé et publié par Le Hodey de Saultchevreuil. Dans le texte, ce journal sera nommé « journal des états ».

JV : Le journal de Versailles.

P.C. : Procédure criminelle menée par le tribunal de Châtelet sur les évènements des 5 et 6 octobre 1789.

PV : Procès verbal.

VF : Voyages en France. Carnets de voyages d’Arthur Young.

Annexe 7 : députés élus aux états généraux : C : clergé. N : noblesse. T : tiers état.

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Chapitre 8 La grande peur.

16 au 31 juillet 1789

Jeudi 16 juillet 1789.

Le journal de Versailles N° 13 présente l’assemblée du 16 juillet revigorée par l’heureuse issue de la crise. « Les représentants de la nation ressemblaient au marin battu par la tempête qui respire enfin à la vue du port. »

Selon le journal des états, la séance démarre avec les interventions d’un député noble (le comte de Crillon) qui annonce que La Fayette a été nommé colonel général de la milice bourgeoise et qu’il sollicite l’accord de l’assemblée. Ensuite, Bailly rend compte qu’il a été nommé maire de Paris et prévôt des marchands et qu’il sollicite lui aussi l’aval de ses pairs.

Selon le PV N° 25, à l’ouverture des travaux, on lit une adresse de la ville d’Angers. Mais les députés d’Anjou (M. de Volney selon le journal de Versailles) contestent la validité de cette déclaration, rédigée par des employés municipaux nommés et non par une municipalité élue et représentative. Ensuite, l’archevêque de Paris fait le récit des évènements de la veille, dans la capitale. M. Mounier lit une déclaration sur le même sujet et Lally Tollendal donne connaissance de son discours prononcé à l’hôtel de ville. On décide d’annexer ces deux documents au PV.

Mirabeau propose une adresse pour le renvoi des ministres ; ce texte ne sera pas débattu compte tenu de la démission des deux principaux accusés, il est pourtant cité en annexe 31 car sa rédaction exprime le sentiment des députés envers le roi. Après les compliments et les remerciements démesurés d’usage, le député n’hésite pas à tancer gentiment le roi, comme on le ferait avec un enfant qui s’est laissé entraîné par de mauvais camarades. On peut même s’interroger pour savoir si les députés ne

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considèrent pas réellement le roi comme un enfant plongé dans une famille perverse qu’il faut sauver des influences néfastes.

La nouvelle de la démission du garde des sceaux et de la retraite du maréchal de Broglie, commandant en chef des troupes rassemblées à Paris, parvient à l’Assemblée et déclanche une ovation. Le journal exprime toute la haine assemblée sur leurs têtes : « Un guerrier qui exerce son courage et ses talents militaires à assiéger la capitale de sa patrie, un premier magistrat qui intrigue avec un prince du sang, son protecteur, pour porter à la liberté le coup le plus terrible ne méritent pas seulement l’honneur d’être dévoués aux imprécations de la postérité. L’un est un vil assassin, l’autre est un parjure ; laissons leurs noms s’ensevelir pour jamais dans la poussière et le tombeau de l’oubli… » (JEG T2 p. 48)

Des députés de la noblesse qui n’ont pas encore donné leurs voix se retirent pour délibérer. Ils reviennent rapidement pour annoncer que les circonstances justifient leur ralliement à l’Assemblée nationale. On ignore le nombre de ces députés mais c’est encore une conséquence positive de la prise de la Bastille qui renforce la cohérence de l’Assemblée.

Ensuite, les députés nobles de Paris, qui avaient reçu la consigne d’opiner par ordre, déclarent se ranger au vœu de la majorité de la noblesse ; ils sont suivis par les derniers ecclésiastiques récalcitrants. Le président veut demander au roi une marque distinctive destinée aux députés afin de prévenir le trop grand nombre d’étrangers. M. d’Angivilliers s’y oppose et demande une délibération par bureaux.

Mais Barnave n’abandonne pas sa motion qui exige le renvoi de tous les ministres. Milon de Mortelan propose, lui, de prier le roi de rappeler Necker. C’est l’occasion de renouveler le conflit entre ceux qui désirent une indépendance stricte de l’exécutif et ceux qui admettent que les ministres doivent avoir la confiance de l’assemblée. M. Mounier est un partisan inconditionnel de la séparation stricte des pouvoirs et cite comme une maladie honteuse le pouvoir détenu par le parlement anglais pour le choix des ministres. Mirabeau pense au contraire que cette option présente un avantage précieux. La motion concernant le renvoi des ministres et le rappel de Necker est finalement votée. On désigne une délégation pour la porter au roi.

Pour sa part, Bailly s’acquitte de sa mission par une voie détournée : « M. Vicq d’Azir, premier médecin de la reine vint me voir ; il sortait de chez elle, et je lui racontai le vœu des habitants de Paris pour voir le roi, et l’utilité d’un voyage du roi à Paris dans cette circonstance et je l’engageai d’en parler à la reine. Il me dit qu’il allait y retourner de ce pas. J’aurais

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pu aller au roi moi-même ; mais, je l’ai dit, j’étais tout neuf et je ne connaissais ni ma place, ni mes droits. » (Bailly mémoires T2B p. 40)

A la reprise des travaux, à 18 heures, on donne lecture d’un arrêté transmis à l’Assemblée par le président du parlement de Paris, Bochar de Saron. Le but était de remercier l’Assemblée pour avoir ramené l’ordre dans Paris mais la rédaction du texte est estimée peu adaptée à la « dignité souveraine » de la nation. Aussitôt, un député noble (le duc d’Aiguillon, membre du parlement) avance que cet acte est irrégulier et que le parlement devait faire part de cet acte par une députation. Dix députés (dont les ducs de Luynes, de la Rochefoucauld, de Choiseul Praslin), membres du parlement de Paris soutiennent cet avis. Le journal offre une version différente et prétend que les députés parlementaires tentent d’excuser leurs collègues. Après le roi, l’Assemblée s’attaque aux parlements. L’exemple peut paraître dérisoire mais il n’en est rien. L’Assemblée nationale représente le pouvoir législatif et les parlements, y compris celui de Paris, lui doivent soumission et déférence. Il n’est plus question pour eux de discuter ou de refuser les lois votées par les représentants de la nation.

Pendant cette discussion, Bailly est convoqué par le roi. « Sur les huit heures, on vint me demander, de la part du premier valet de chambre du roi, et on me remit un billet du roi lui-même, par lequel il me témoignait le désir de me voir et de me parler. Je me rendis aussitôt au château et à l’œil de Bœuf ; je le trouvai rempli de monde : sur le champ, tout le monde m’entoura pour me demander des nouvelles ; une grande alarme était répandue. On y disait que les districts envoyaient une députation de 60 personnes, appuyée de vingt mille parisiens. Je les tranquillisai en leur disant que j’avais nouvelle de soixante députés mais nullement de leur escorte ; que même, la députation n’étant pas venue, il y avait grande apparence qu’elle ne viendrait pas, du moins aujourd’hui. J’étais assez embarrassé, ne connaissant pas trop les formes, de savoir comment je serais introduit auprès du roi. Je ne savais si le roi voulait qu’on sût qu’il m’avait mandé ; je craignais de m’ouvrir à personne sur cet objet. Enfin, j’imaginai de m’adresser au même premier valet de chambre qui m’avait fait passer le billet ; je le trouvai et il m’introduisit. Le roi me dit qu’il m’avait fait venir pour être instruit de l’état de Paris. Je lui dis ce que j’en savais ; je lui exposais le vœu ardent des habitants de Paris. Il me répondit que son intention était d’y aller ; je le vis très affecté des meurtres auxquels le peuple s’était livré et qui avaient souillés l’Hôtel de Ville. Je lui parlai du gouverneur de la Bastille ; il me dit : ah ! Il a mérité son sort. Mais il accordait ces différents sentiments en pensant que la justice ne devait pas être exercée par le peuple et par le meurtre, et il avait raison. Dans le désir de le déterminer à satisfaire le vœu de Paris et à s’y

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montrer, je lui observai que, s’il avait quelque répugnance à venir dans ces circonstances à l’Hôtel de Ville, il était possible qu’il vînt à Notre Dame et aux Tuileries. Je m’avançais peut-être trop et il est possible que le peuple n’eût pas été pleinement content. Mais il me répondit : j’irai à l’Hôtel de Ville ; quand on fait les choses, il faut les faire complètement… » (Bailly mémoires T2B p. 43) Après cette discussion, Bailly quitte le roi et il est appelé par M. de Breteuil, prêt à quitter le ministère. Ce dernier l’informe dans la conversation que le roi a décidé de se rendre à Paris le lendemain matin. C’est un exemple frappant de l’absence totale d’organisation qui frappe la cour et le ministère, les deux étant, il est vrai, alors privés d’un grand nombre d’acteurs en route pour les frontières de l’Est. Mais le roi aurait pu informer le maire de Paris de la date de sa visite.

A l’Assemblée, l’adresse n’était pas encore rédigée qu’on apprend que le roi a renvoyé tous les ministres. Une députation est prévue pour l’en remercier. Mais un député de la noblesse apporte une information importante : le roi a décidé de se rendre à Paris le lendemain et prie l’assemblée d’avertir la capitale. Une députation est immédiatement composée pour se rendre à Paris et organiser la visite du souverain. Elle comprend trois ecclésiastiques (dont l’Archevêque de Paris), trois nobles et six membres du Tiers. On reçoit également une lettre de M. de Broglie qui fournit l’échéancier de retrait des troupes qui doit débuter le 17 juillet.

Les députés décident ensuite d’envoyer une délégation au roi pour qu’il autorise l’Assemblée à l’accompagner lors de son entrée à Paris. Au retour, le président annonce que le roi accepte l’escorte de l’Assemblée, qu’il a rappelé Necker et qu’il lui a remis la lettre de rappel pour la transmettre à Bruxelles. Il est décidé de rédiger également une lettre signée par le président et les secrétaires et le tout est emporté par Dufresne de Saint Léon qui part immédiatement à Bruxelles.

Le journal des révolutions de Paris N°1 p. 28, cite une lettre du roi non datée qui correspond à cet évènement : « J’ai été trompé sur votre compte. On a fait violence à mon caractère. Me voilà enfin éclairé. Venez, venez monsieur, sans délai reprendre vos droits à ma confiance qui vous est acquise à jamais. Mon cœur vous est connu. Je vous attends avec toute ma nation et je partage bien sincèrement son impatience. Sur ce, je prie dieu, monsieur, jusqu’à votre retour, qu’il vous ait en sa sainte et digne garde. Signé Louis. » Il n’est pas possible de valider cette citation mais le style ressemble à celui de Louis XVI.

Vers 20 heures, c’est l’enterrement de M. Blanc, député de Besançon. Un évêque, un gentilhomme et deux députés des communes portent chacun un coin du drap mortuaire et le convoi funèbre est accompagné par la

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quasi-totalité des députés des trois ordres. On termine la séance le 17 vers deux heures du matin avec la désignation de cent députés chargés d’accompagner le roi à Paris.

Le même jour, à Paris, le comité permanent est occupé à régler la démolition de la Bastille. « Il s’agissait d’ordonner la démolition de la Bastille commencée dès la veille par le peuple, par conséquent d’une manière très illégale. Il s’agissait de sanctionner cet acte populaire, ou plutôt de le faire émaner de l’autorité, afin qu’une multitude aveugle ne s’accoutumât pas à usurper et à exercer cette autorité. En conséquence, le comité a pris l’arrêté suivant :

Le comité permanent établi à l’Hôtel de Ville, provisoirement autorisé jusqu’à l’établissement d’une municipalité régulière et librement formée par l’élection des citoyens,

A arrêté que le Bastille sera démolie sans perte de temps après une visite par deux architectes chargés de diriger l’opération de la démolition, sous le commandement de M. le marquis de la Salle, chargé des mesures nécessaires pour prévenir les accidents.

Et pour la notification de la présente ordonnance, quatre électeurs, auxquels deux députés de la ville de Paris à l’Assemblée nationale, actuellement présents à l’Hôtel de Ville, seront invités à se joindre, se transporteront sur le champ à la Bastille.

Et sera la présente ordonnance lue, publiée et affichée. Signé Vergue, Rouen, Sageret, échevins ; Ethys de Corny, procureur du

roi ; Boucher, Fauchet, Tassin, du Veyrier, Nyon, Bancal des Issarts, de Leutre, Legrand de Saint René, Jeannin, électeurs ; Veytard, greffier. » (Bailly mémoires T2B p. 46) On comprend que Bailly est écarté de la décision et que c’est la milice (marquis de la Salle) qui est chargé de commander la démolition. Finalement, la ville de Paris fonctionne au moins aussi mal que la cour.

Ensuite, Legrand de Saint René rend compte que tous les préposés à l’administration des subsistances de la ville ont disparu. Cette fuite et la désorganisation qu’elle implique peut exposer Paris à la famine. Il demande donc la création d’un comité des subsistances chargé de surveiller le départ, la marche, la distribution des blés dans les moulins et l’arrivée des farines à la halle. Le libre commerce n’existait pas encore dans une France toujours entravée par les coutumes colbertistes. L’appât du gain est insuffisant pour produire et distribuer les articles de consommation, tout doit être minutieusement contrôlé et ordonné par les dépositaires de l’autorité. La Fayette fait également approuver un arrêté qui rassemble 60 députés des districts afin de créer un comité pour l’organisation de la milice.

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Vendredi 17 juillet 1789.

Procès verbal N° 26. Le président invite les députés (hors délégation parisienne) à constituer une haie d’honneur au roi lorsqu’il quittera le palais pour Paris. Tous les membres de l’Assemblée se réunissent sur l’esplanade, au milieu d’un peuple nombreux. Le roi passe parmi les acclamations, escorté par des citoyens armés (garde bourgeoise de Versailles) et par un très petit nombre de gardes du corps. Le journal des états note qu’à la sortie du château, « on remarquait sur sa figure l’empreinte du chagrin et de l’inquiétude. » (JEG T2 p. 62) Mais la liesse populaire dissipe bientôt ses craintes.

Le journal apporte également un compte rendu succinct de la visite du roi dans la capitale. La route était bordée d’une multitude de spectateurs et le convoi arrive à Paris vers 15 heures. Le roi traverse la ville en voiture avec le duc de Villeroy, le maréchal de Beauvau et le comte d’Estaing. Les députés des trois ordres suivent à pied et mélangés afin d’offrir une image de l’union et de l’égalité qui doit régner parmi les représentants de la nation. Nous ignorons le détail de ce parcours parisien. Une milice nombreuse, estimée par l’auteur qui est peut-être optimiste à cent mille hommes, constitue un cordon d’honneur des deux côtés des rues, disposé sur trois rangs. Le peuple est partout nombreux et enthousiaste ; il crie « vive la nation, vive le roi ! ».

Le journal des révolutions de Paris (N° 1 p. 32) exprime l’enthousiasme patriotique. « Mais enfin, une brillante jeunesse, en armes, vole sur la route où doit passer le monarque ; elle forme une cavalerie nombreuse et une infanterie plus nombreuse encore ! Cent mille citoyens ce jour là portaient les armes dans la capitale ; une partie bordait les avenues depuis les barrières de la Conférence jusqu’à l’Hôtel de Ville ; vingt mille peut-être se présentaient encore pour former le cortège ; gardes françaises, milice bourgeoise, soldats des petits corps, gardes de Paris, gardes de la ville, tous étaient confondus, mêlés, sans distinction ; tous étaient amis ; tous étaient citoyens : mais comment se représenter une multitude immense, placée dans les rues, sur les quais, les places, aux fenêtres des maisons, sur les toits ; chacun se traitant avec douceur, avec complaisance même ; on n’y voyait point ce tumulte, ces bouleversements, cette irritation d’une populace contenue par des soldats à gage ; non, les riches accueillaient les pauvres avec bonté ; les rangs n’existaient plus, tous étaient égaux ! »

Le corps municipal, composé probablement des électeurs et mené par Bailly accueille le roi. Bailly prononce alors un discours :

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« Sire, j’apporte à Votre Majesté les clés de sa bonne ville de Paris ; ce sont les mêmes qui ont été présentées à Henri IV. Il avait reconquis son peuple ; ici, c’est le peuple qui a reconquis son roi.

Votre Majesté vient jouir de la paix qu’elle a rétablie dans la capitale ; elle vient jouir de l’amour de ses fidèles sujets : c’est pour leur bonheur qu’elle a rassemblé près d’elle les représentants de la nation et qu’elle va s’occuper avec eux à poser les bases de la liberté et de la prospérité publique.

Quel jour mémorable que celui où Votre Majesté est venu siéger en père au milieu de cette famille réunie, où elle a été reconduite à son palais par l’Assemblée nationale entière, gardée par les représentants de la nation, pressée par un peuple immense. Elle portait dans ses traits augustes l’expression de la sensibilité et du bonheur, tandis qu’autour d’elle on n’entendait que des acclamations de joie, on ne voyait que des larmes d’attendrissement et d’amour. Sire, ni votre peuple, ni votre majesté n’oublieront jamais ce grand jour ; c’est le plus beau de la monarchie ; c’est l’époque d’une alliance auguste et éternelle entre le monarque et le peuple ; ce trait est unique, il immortalise Votre Majesté. J’ai vu ce beau jour et, comme si tous les bonheurs étaient faits pour moi, le première fonction de la place où m’a conduit le vœu de mes concitoyens est de vous porter l’expression de leur respect et de leur amour ». (JEG T2 p. 63 et suiv.)

La polémique n’est jamais bien loin de l’apologie. On accusera Bailly d’avoir voulu humilier Louis XVI avec ces paroles : ici, c’est le peuple qui a reconquis son roi. On peut interpréter cette antithèse de différentes manières mais, pour qui connaît Bailly, au moins par ses écrits, il s’agit dans son esprit de flatter un monarque suffisamment aimé pour être reconquis par son peuple.

Ensuite, le roi et sa suite empruntent la place Louis XV, la rue Saint Honoré, la rue du Roule, et les quais. « Lorsque le roi passa à la place Louis XV, un coup de carabine, parti des environs du palais Bourbon, tua une femme non loin de sa voiture. Nous avons lieu de croire que ce malheur fut un coup du hasard, mais il paru extraordinaire. » (Bailly mémoires T2B p. 61) Compte tenu du manque de fiabilité des armes de l’époque, un tir venu du palais Bourbon ne pouvait être raisonnablement ciblé contre qui que ce soit présent sur la place Louis XV (Concorde) Quelques historiens parlent de plusieurs coups de fusils. Il est effectivement probable que ceci corresponde à des tirs de joie ou à des tirs accidentels effectués par des citoyens peu habiles à manier une arme.

Lorsque le cortège arrive à l’hôtel de ville, la foule est immense et bruyante. Bailly doit présenter au roi la cocarde de Paris qui doit être portée

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par tout patriote qui se respecte. « Arrivé le premier à l’Hôtel de Ville, on me proposa de présenter au roi la cocarde à trois couleurs que les Parisiens avaient prise depuis la révolution et pour se reconnaître. Je ne savais pas trop comment le roi prendrait la chose et s’il n’y avait pas quelque inconvenance à cette proposition ; cependant, il me parut que je devais présenter la cocarde, et que le roi ne devait pas la refuser. Quand le roi descendit de voiture, je marchai près de lui, en le précédant de quelques pas, et je la lui présentai en lui disant : sire, j’ai l’honneur d’offrir à votre majesté le signe distinctif des Français. Le roi la prit de très bonne grâce et la joignit à son chapeau… » (Bailly mémoires T2B p. 64)

Le roi s’assoit sur son trône, probablement dans la grande salle. Moreau de Saint Mery ose alors un compliment : « Le trône des rois n’est jamais plus solide que lorsqu’il a pour base l’amour et la fidélité des peuples ; à ce titre, Sire, le votre est inébranlable. » (JEG T2 p. 65) M. Ethis vote pour qu’on érige un monument consacré à Louis XVI, régénérateur de la liberté publique, restaurateur de la prospérité nationale et père du peuple français. L’auteur du journal des états juge que l’inscription accrochée à l’hôtel de ville est plus adaptée avec : « A Louis XVI, le père des Français et roi d’un peuple libre ». (JEG T2 p. 65)

L’émotion du roi ne lui permet pas de prononcer le discours prévu. C’est Bailly qui prend la parole pour exprimer les souhaits du roi : calmer toute inquiétude, rétablir le calme et la paix dans la capitale ainsi que l’état de droit. Lally Tollendal demande la parole et prononce un discours publié intégralement en annexe 32. Il s’agit de prouver au roi qu’il est bien devenu un roi citoyen et de prouver aux parisiens que la liberté est de retour.

« On désirait beaucoup que le roi parlât à l’assemblée ; mais quoiqu’il ait l’organe assez fort et assez beau, cependant, né timide, il est embarrassé quand il n’est pas préparé, et la timidité lui ôte la force de sa voix : il me chargea de parler pour lui ; je me trouvai donc faisant les fonctions de chancelier, et, après avoir pris ses ordres et ses intentions, j’ai dit à l’assemblée : Messieurs, le roi me charge de vous dire qu’il est touché de l’attachement et de la fidélité de son peuple, et que son peuple aussi ne doit pas douter de son amour ; qu’il approuve l’établissement de la garde parisienne, ma nomination à la place de maire et celle de M. de la Fayette à celle de commandant général ; mais il veut que l’ordre et le calme soient rétablis et que désormais tout coupable soit remis à la justice.

L’assemblée n’était pas satisfaite, elle désirait d’entendre le roi lui-même. Je le lui ai fait remarquer et il a dit : vous pouvez toujours compter sur mon amour. » (Bailly mémoires T2B p. 68)

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Le départ du comte d’Artois, de la maison de Polignac et du garde des sceaux, survenu dans la nuit, réjouit les parisiens. On parle aussi d’un départ de la reine et de Mesdames, sœurs du roi, pour l’abbaye de Fontevrault. Mais on colporte également d’autres ragots inquiétants, par exemple que les hussards, le royal Nassau et les régiments Suisses se sont retirés dans les bois voisins de Versailles dans le but de massacrer les gardes françaises.

Le journal de Versailles N° 13 du 18 juillet offre, dans son supplément, un compte rendu de la visite royale. Le roi quitte Versailles à 11 heures avec, dans sa voiture, MM. Villeroy et de Beauveau, capitaines de ses gardes, et MM. d’Estaing, de Brissac et de Villequier ainsi que le comte de Mailly. Il n’y a que douze gardes du corps mais la milice bourgeoise de Versailles forme l’escorte et le convoi avance au pas afin de permettre à ces piétons de ne pas être distancés. Un peu après Sèvres, des voitures de parade attendent le monarque. Peu avant la barrière de la Conférence, le Marquis de la Fayette et son état major attendent sa majesté. Les gardes du corps et la milice de Versailles rebroussent chemin et le roi est alors escorté uniquement par la milice de Paris. Citons maintenant le journal :

« Une double haie de milice armée de toutes espèces d’armes, fusils, hallebardes, piques, carabines, pistolets, épées et javelots bordait la haie jusqu’à l’hôtel de ville et, de là, à Notre Dame où l’on croyait qu’irait sa majesté. A travers le cortège que la singularité, la diversité de l’habillement et de l’armement rendait extraordinaire, le roi a pénétré jusqu’auprès du cours. Il était précédé des poissardes de Paris, chargées de fleurs, et d’une compagnie de dragons de la ville d’environ 300 hommes. Les députés aux états généraux marchaient des deux côtés de son carrosse. Ceux de la ville de Paris étaient avec le nouveau maire et les échevins qui devaient lui offrir les clés de la ville dans un bassin de vermeil.

M. Bailly s’est avancé à la portière du carrosse qui a été ouverte par un officier de la garde bourgeoise, servant de page, et a complimenté sa majesté… [Ici rappel du discours cité ci-dessus] Le roi a répondu : Ma bonne ville de Paris connaît toute ma bienveillance pour elle ; vous savez les intentions que j’ai exprimées, et ma sensibilité sur ce qui s’est passé le jour que je suis allé à l’Assemblée nationale, le souvenir en restera toujours gravé dans mon cœur.

Des acclamations répétées ont succédé à cette touchante réponse et le président des électeurs a aussi harangué sa majesté. M. l’archevêque de Paris lui a témoigné aussi toute la joie qu’il éprouvait en voyant sa majesté se rendre au milieu de son peuple pour jouir de son dévouement et de son respect. La marche a ensuite continué à travers des flots de peuple

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qui n’interrompaient en aucune manière l’ordre établi. Une foule de personnes de tous les états et de tous les âges remplissaient le cours et les Champs-Élysées ; les arbres étaient chargés de curieux ; les poteaux même qui soutiennent les réverbères en portaient chacun un et les habitants armés restaient immobiles à leur place. Le marquis de la Fayette, le marquis de Cubières, le marquis de Chabrillant, le comte de Chabot, le marquis de la Salle et autres officiers de la bourgeoisie se portaient partout pour donner des ordres et assurer la marche.

A la place Louis XV, les gardes françaises formant un bataillon carré, précédé de deux pièces de canon, a pris la tête du cortège pour écarter ce qui aurait pu l’arrêter, et on a gagné la rue Saint Honoré par la rue Royale ; les fenêtres et les rues adjacentes étaient garnies de spectateurs, les toits même en étaient surchargés.

C’était effectivement un étonnant, un incroyable spectacle que celui d’une milice d’environ 260 000 hommes, formée de gardes françaises et suisses, de bourgeois et d’artisans, de militaires et de magistrats, de dragons et de cavaliers, d’officiers décorés et de jurisconsultes graves, tous ayant la cocarde bleue, rouge et blanche, c’est-à-dire aux couleurs de la ville, et parmi eux des moines, et portant aussi la cocarde ; les prêtres, les enfants, les femmes portant cette livrée, qui était devenue la décoration universelle ; au point que les Feuillants, les Capucins, rangés à leur porte, le curé de Saint Roch et son clergé, placé sur les degrés de son église, la portaient les uns sur la poitrine, les autres au bonnet carré ou au chapeau. Les députés des trois ordres, sans en excepter les prélats, avaient aussi cette marque distinctive.

Le roi, suivant la rue du Roule et celle de la monnaie a passé ensuite par le quai de la Ferraille et le quai Pelletier pour se rendre à l’hôtel de ville. Des canons, placés à l’entrée des rues des Prêtres et de Saint Germain l’Auxerrois, sur le Pont Neuf, le pont au Change et le pont Notre Dame, ont salué le roi à son passage et plusieurs salves de ceux de la ville ont annoncé son arrivée.

Les citoyens en général offraient l’image d’un peuple réfléchi, qui observe, que d’un peuple transporté qui jouit et souvent on gardait un profond silence. Arrivé au pied du grand escalier, le roi est descendu de voiture et a été environné de la garde bourgeoise, armée seulement d’une épée ; les députés l’avaient précédé dans la salle où il est entré, un officier municipal lui donnant la main et le soutenant. Il a été conduit par lui sur une estrade couronnée d’un dais de velours cramoisi, garni de crépine et de fleurs de lys d’or ; le roi s’est placé sur un fauteuil semblable, ayant un coussin sous les pieds ; MM. de Villeroy et de Beauveau étaient debout à ses côtés. A côté de lui, le procureur du roi de la ville et M. Bailly et à ses