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8/19/2019 Nouvelles Texte

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'est bien quand on vient d'annoncer une mauvaise note

Philippe Delerm

&n avait tellement attendu avant d=en parler qu=on pensait ne plus pouvoir se décider.

'l fallait au moins avoir un bon résultat à donner en m1me temps, mais (ustement on

n=avait eu que >8 à l=interro de vocabulaire qu=on cro;ait réussie, alors que ce ? en

mat!s restait tout seul, en travers de la gorge.

oute la vie en était c!angée. @=un c*té, cela faisait vivre les c!oses plus fort. &n se

disait

A :e vais profiter à fond de mon mercredi c!eB Cébastien. +t le soir, au repas, (e dirai

ma note A.

Mais l=après5midi n=avait pas été extraordinaire il pleuvait, on avait dû faire un

rivial pursuit au lieu de (ouer dans le (ardin. #e soir, on n=aurait pas pu parler desmat!s, de toute fa$on, des amis étaient restés pour le dDner.

)u début, ce n=était pas trop grave, un problème raté, $a arrive, mais les (ours

passaient, et le ? se promenait sur toutes les idées, tous les moments

5 Mon dernier cours de piano, avant d=annoncer mon ?.

5 Mon dernier poulet r*ti5frites avant d=annoncer mon ?.

Eien5sûr, on se répète les p!rases des parents, faute avouée est à moitié pardonnée, il

ne faut rien cac!er à ceux qu=on aime, etc. Mais $a ce sont des mots, et puis on les

répète dans sa t1te, plus ils paraissent froids et vides, inutiles.Ci seulement les parents

pouvaient se contenter de vous punir, dans ces cas5là. Mais on sait bien. 'ls disent

5 )u proc!ain contr*le en dessous de 7, tu seras privé de télé le mardi soir "

C=ils tenaient le contrat, ce ne serait pas terrible. &n serait emb1té, sans plus. Fa serait

comme un marc!é 9 on aurait m1me l=air d=1tre la victime. Mais les parents ne

tiennent pas souvent leur parole. 'ls oublient de vous punir, et vous,vous resteB5là,

avec tout le remords. 'ls ont de la peine, et vous, vous n=1tes qu=un enfant gâté qui ne

sera m1me pas privé de télé. +n fait le mieux, c=est quand ils vous disent

5 :e veux que ce soit la demiére fois, c=est entendu 2

&n fait très vite oui oui, la t1te rentrée dans les épaules. &n a l=air lourd, immobile,

mais à l=intérieur on se sent tout léger. )u lieu de vivre des derniers moments, on va

vivre, tout simplement. &n va s=endormir sans problème, avec un album de E@ et il

n=; aura plus tous ces ? en mat!s qui rentraient dans le bureau de Gaston, c!aque fois

que Hantasio se mettait en colère. -=est bien, quand on vient d=annoncer une mauvaise

note.



'est bien d'aller dans une très grande fête foraine, la nuit

Philippe Delerm

Eien sûr, on est dé(à allé dans beaucoup de f1tes mais, quand on était petit, ce qui comptait

surtout, c=était qu=il ; ait un manège, et puis après une boutique de (ouets on ac!etait des bulles de savon, ou une moto de course en plastique plus grosse que celle des magasins

!abituels.

#à, c=est tout à fait autre c!ose. Pendant que Papa c!erc!e une place pour la voiture, on voit

dé(à toute cette lumière, le ciel violet par5dessus9 en baissant la vitre, on entend une rumeur

incro;able, des bruits qui se mélangent et qui font peur. -=est tellement beau qu=on en est sûr

il n=; aura pas de place pour se garer. Papa dit qu=il va rentrer à la maison, et on a beau

savoir que c=est pour rire, on est très énervé. Mais à force de tourner, on trouve une place sur

le pont, au5dessus de la f1te.

&n a un peu le vertige en sortant de la voiture2 &n reste un bon moment à regarder, accoudé

à la rambarde. :uste à ses pieds on a un manège impressionnant un grand plateau rond quis=incline dans tous les sens en tournant de plus en plus vite. #es gens doivent 1tre attac!és,

mais ils poussent des cris, et les ampoules rouges clignotent on ne montera sûrement pas

sur ce genre d=appareil. @e toute fa$on, on a le c!oix il ; a des diBaines de manèges

immenses, une grande roue, des montagnes russes, et tout cela illuminé.

#e rouge et l=orangé dominent, les lumières se confondent c=est très c!aud, vu d=en !aut.&n descend dans la f1te. +n bas, on découvre peu à peu des tas d=autres stands. Eeaucoup de

loteries, par exemple. @ans certaines, on gagne seulement d=énormes poupées affreuses en

robe rose. @=autres ont l=air de simples magasins d=alimentation, avec des conserves

empilées. Mais la plupart font envie on peut gagner des mini5téléviseurs, des guitares

électriques. &n n=a pas très envie de risquer son argent à la loterie on a soixante francs àdépenser, et tout est très c!er. 'l ; a aussi plein de (eux oI on pousse des ob(ets avec des

(etons qu=on fait tomber. &n a tou(ours l=impression que la montre va basculer et qu=on

pourra l=attraper, mais elle reste en équilibre et on est très dé$u.

Hinalement, on se décide pour un manège fantastique on monte dans une petite pirogue le

long d=une montagne, et après on tombe dans la cascade. 'l ; a vraiment de l=eau, et on fait

m1me un grand / splas! 0 qui éclabousse tout le monde en arrivant en bas.

%n (eu qui est très bien aussi, c=est le tiercé. &n lance des boules dans des trous numérotés

devant soi, et $a fait avancer un c!eval. 'l ; a dix (oueurs assis c*te à c*te, et une dame

commente au micro

– #e >8 est bien parti, mais le >> remonte.3uand on entend son numéro, on s=excite tellement qu=on ne réussit plus rien (usqu=à la fin

de la partie.

&n s=ac!ète une barbe à papa vert pâle, et on a vite les doigts tout collants, et des petits

filaments au coin de la bouc!e. #a barbe à papa, c=est comme la f1te de loin c=est fabuleux,

et au bout d=un moment on en a asseB. +t puis c=est triste de voir son argent filer si vite on

a (uste gagné un porte5clés raquette de ping5pong au tir aux fléc!ettes. Mais Papa réserve

une sacrée surprise il propose de dDner dans la grande taverne en bois oI on fait tourner des porcelets et des poulets à la broc!e. -=est délicieux, le poulet à la broc!e avec des frites. &n

est sur un dr*le de planc!er qui bouge un peu. Par les petites fen1tres comme celles d=une

cabane de trappeur, on voit toutes les lumières. #a f1te, c=est géant.



'est bien de lire un livre qui fait peur

Philippe Delerm

&n est dans sa c!ambre, c=est l=!iver. #es volets sont bien fermés. &n entend levent qui souffle au5de!ors. #es parents sont allés se couc!er, eux aussi. 'ls croient

qu=on a éteint depuis longtemps. Mais on n=a vraiment pas envie de dormir. &n a (uste

gardé la lumière de la petite lampe de c!evet qui fait un cercle (usqu=au milieu des

couvertures. )u5delà, l=obscurité de la c!ambre est de plus en plus m;stérieuse.

&n a !ésité longtemps avant de c!oisir le livre. )gat!a -!ristie ne fait pas

peur, on suit trop l=enqu1te et on ne fait pas attention au reste. #es aventures de

C!erlocJ Kolmes, c=est mieux, avec les brouillards, les c!iens, les c!emins de fer

parfois. Mais il ; a trop de dialogues, et C!erlocJ est si sûr de lui on ne peut pas

penser qu=il va 1tre vaincu. Hinalement, on a c!oisi l'île au trésor.

&n a bien fait. @ès le début du livre, il ; a une ambiance extraordinaire, avec

cette auberge près d=une falaise. -=est tou(ours la temp1te là5bas 9 on a l=impression

que c=est tou(ours la nuit aussi, avec la mer qui gronde tout près. +t puis :im

KaLJins, le !éros, se retrouve vite seul avec sa mère à L'Amiral Benlow.

) sa place, on serait mort de terreur. #e vieux pirate réclame du r!um et se met

en colère sans qu=on sac!e pourquoi. Mais le plus effra;ant, c=est quand les autres

pirates débarquent dans le pa;s à la rec!erc!e de leur ancien complice. -=est une nuit

de pleine lune, et l=aveugle donne des coups de canne sur la route blanc!e en criant

– 4=abandonneB pas le vieux PeL, camarades " Pas le vieux PeL "

'l ; a une illustration en couleurs avec cette image, du noir, du mauve, du blanc. -=est un livre un peu vieux, avec seulement quelques images il n=; aura pas

d=autres avant au moins trente pages. &n reste longtemps à regarder celle5là. Parfois,

quand on s=endort, on a peur de devenir aveugle pendant la nuit, alors on se met dans

la peau du vieux PeL et c=est étrange, parce que en m1me temps on a peur qu=il

vous donne un coup de canne. Keureusement, près de soi, on a la petite lumière bleue

du radio5réveil et le poster de @roop;, mais on a l=impression qu=ils sont partis en

)ngleterre eux aussi, au pa;s du r!um, de la colère et des naufrages. -=est dangereux

de s=endormir là5bas, mais on voudrait quand m1me on dort si bien près du danger,

et les draps sont si c!auds, près de la pluie. -=est bien de se faire peur en lisant L'îleau trésor .



'est bien de se lever le premier dans la maison

Philippe Delerm

+n général, c=est un (our oI l=on aurait pu dormir, un dimanc!e, par exemple 9mais (ustement, on n=a pas tou(ours envie de faire la grasse matinée. -=est bien de

faire le contraire de ce que les autres attendent, et puis on sera fier quand les parents

arriveront enfin et qu=ils seront étonnés

– @é(à levé 2 +t en plus tu as fait du café "

&n se réveille très t*t, à la fin d=un cauc!emar. &n regarde le radio5réveil. Cix

!eures et quart un dimanc!e, c=est fou, mais on n=a plus du tout sommeil. &n se lève,

et tout de suite on s=!abille si on se lève à cette !eure5là, ce n=est pas pour traDner en

pantoufles et en robe de c!ambre. 4on, ce qu=on veut, c=est 1tre dé(à dans la vie quand

les autres sont encore dans le sommeil. #e parquet craque un peu, mais on arrive à

ouvrir la porte sans la faire grincer. @ans le couloir on n=; voit presque rien, mais on

n=allume pas, et on marc!e à pas de loup (usqu=à la cuisine, le coeur battant, comme si

on courait un grand risque.

&n entrouve les volets. 'l fait encore vraiment nuit, et pour longtemps. #a

cuisine est asseB loin des c!ambres, alors on peut mettre la radio tout bas. Cur Hrance5

'nfo, ils sont dé(à réveillés, et c=est asseB étrange d=entendre les résultats des matc!s

de football le monde bouge à toute vitesse, mais la maison est pleine de silence. &n

se dit qu=on va prendre un bon petit dé(euner, mais finalement on préfère préparer

d=abord le café des parents s=ils se réveillaient avant, on n=aurait pas fait un exploit.

'l ne reste qu=un filtre à café dans le paquet. &n se dép1c!e et on renverse du cafémoulu en soufflant, il s=envole, et $a ne se voit plus.

oilà. #e café est fait. &n se dit qu=il ; aurait un exploit beaucoup plus fort

aller c!erc!er des croissants pour tout le monde la boulangerie ouvre à six !eures et

demie. Mais il faut d=abord trouver de la monnaie.

) force de c!erc!er dans tous les tiroirs, on finit par en avoir asseB, avec pas

mal de pièces (aunes.

&n enfile un pull, on prend la clé, et on n=oublie pas de refermer la porte à

double tour qu=est5ce qu=ils diraient, s=ils se réveillaient 2 'ls s=inquiéteraient peut5

1tre. Mais c=est bien de prendre ce risque $a fait partie du (eu. @e!ors, il fait trèsfroid. &n souffle devant soi des petits nuages, et on se sent tout à fait libre, léger, très

différent des matins ordinaires. 'l ; a de la buée sur la vitrine de la boulangerie. #es

croissants au beurre sont les meilleurs, mais on n=a pas trop d=argent, alors prend

moitié5moitié, pour ne pas 1tre ridicule au moment de pa;er. Cur le c!emin du retour,

on prend un croissant dans le sac, et on le mange en marc!ant dans la rue bleue. out

à l=!eure, à la maison, ils seront à la fois un tout petit peu fâc!és et très contents. -=est

bien de se lever t*t le dimanc!e matin.



'est bien de jouer au flipper

Philippe Delerm

+n principe on n=a pas le droit, c=est marqué sur la mac!ine 5 les (euxélectriques sont interdits aux mineurs de moins de seiBe ans non accompagnés. Mais

les parents prennent un pot sur la terrasse, alors le patron du café n=a rien dit quand

vous aveB demandé de la monnaie, deux pièces de cinq francs 5normalement $a fait

six parties, mais on espère bien une A grate A, une partie gratuite.

@ans le coin le plus sombre du café, le flipper est là, avec une superbe t1te

d='ndien et un décor de Har Nest. 'l ; a tous ces cadrans, aussi, et ces lettres

m;stérieuses, ces mots qu=on ne comprend pas vraiment It's more fun to complete.

One replay for a score of 30.000 ceux5là, par contre, on devine. ?8 888 points pour

une partie gratuite. -=est asseB terrifiant, et on (ette un coup d=oeil derrière soi 5 on a

peur d=1tre ridicule. &n met la pièce dans la fente O insert coin , et il ne se passe rien.

'l faut appu;er sur le petit bouton rouge, (uste à c*té.

)lors là, tout d=un coup l=appareil est traversé de gargouillis métalliques, les

plumes de l='ndien se mettent à clignoter, et les cadrans se remettent à Béro avec des

petits bruits mats, très secs. Pour envo;er la première boule, il faut tirer sur la

poignée, à droite.

&n est tellement impressionné que la boule glisse tout doucement, et n=arrive

m1me pas (usqu=en !aut. &n recommence beaucoup plus fort, comme si on voulait

précipiter le désastre, et c=est vrai que la première boule est asseB catastrop!ique dans

le !aut du (eu, elle tamponne bien quelques gros c!ampignons à cent points, mais ellefile ensuite tout en bas, beaucoup trop vite. %ne fois on la sauve avec le flipper de

gauc!e, mais à la deuxième elle tombe presque au milieu, et on a beau crisper les

doigts sur les deux flippers en m1me temps, $a ; est, elle a disparu dans le gouffre

noir. &n ose à peine lever les ;eux sur le tableau. Cix cents points, une misère.

&n avait tellement peur de faire A tilt A en secouant trop l=appareil. Mais quitte

à prendre des risques, on va le bousculer davantage dès la deuxième boule. +t tout

d=un coup, $a marc!e. #a boule rebondit, prend des temps de repos dans des petits

trous oI elle tombe par miracle, avant de re(aillir à l=assaut. -=est vertigineux. &n n=a

pas l=impression de maDtriser cette excitation de tout l=appareil, qui s=illumine de plusen plus au fur et à mesure que le temps passe.

%n A tc!aJ A retentit soudain partie gratuite" &n fait semblant de commander,

mais on est complètement dépassé. -=est l='ndien qui est le plus fort, et qui mène les

bruits, les couleurs. 'l vous emmène un moment dans un vo;age complètement fou,

puis il vous laisse dans le silence du café. #es plumes sont restées allumées. -=est

bien, le flipper.

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