nouvelles tendances à l’égard de la petite enfance1,2,3 go!sur le développement et le...

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VOLUME XXXIII:2 – AUTOMNE 2005 1 Liminaire Nouvelles tendances à l’égard de la petite enfance Claire MALTAIS 7 La qualité des services à la petite enfance : Résultats de l’étude longitudinale sur le développement des enfants du Québec (ELDEQ) Christa JAPEL, Richard E. TREMBLAY, Sylvana CÔTÉ 28 L’intervention en petite enfance : pour une éducation développementale Francine SINCLAIR, Jacques NAUD 44 Évaluation des impacts de l’initiative communautaire 1,2,3 GO! sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leurs familles Élisa DENIS, Gérard MALCUIT, Andrée POMERLEAU 67 Un programme de prévention destiné à la petite enfance : ses effets sur les enfants, les familles et la communauté Yves HERRY 85 La collaboration famille-milieu de garde : ce que nous apprend la recherche Sylvain COUTU, Suzanne LAVIGUEUR, Diane DUBEAU, Marie-Ève BEAUDOIN 112 La communauté peut aider ses enfants à être mieux préparés pour commencer l’école : l’initiative Comprendre la petite enfance Pierre LAPOINTE, Isabelle MARTIN 125 Agir ensemble pour améliorer les pratiques d’intervention précoce à la maternelle en milieu urbain défavorisé Denise DOYON, Monique L’HOSTIE 142 De la collaboration au partenariat : analyse de recensions antérieures et prospective en matière d’éducation inclusive André C. MOREAU, Andrée ROBERTSON, Julie RUEL 161 Les stratégies éducatives du personnel en milieu de garde avec les enfants présentant des troubles du comportement : appréciation des effets d’un programme Daniel TURCOTTE, Marie-Christine SAINT-JACQUES, Annick ST-AMAND, Émilie DIONNE 182 Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans: les programmes ALI1 Martine VERREAULT, Andrée POMERLEAU, Gérard MALCUIT 207 Relation entre les types de services de garde et le développement du langage chez les enfants du préscolaire Claire MALTAIS 224 Une approche longitudinale – expérimentale sur les effets des mesures d’éducation préscolaire sur le rendement scolaire des enfants de milieux défavorisés de Montréal Linda PAGANI, Youma GHOSN, Julie JALBERT, Milenka MUNOZ, Maude CHAMBERLAND 247 Écolier à deux ans en France Catherine LE CUNFF 259 Écoute furtive en lecture des élèves du préscolaire dans les classes à plusieurs niveaux Sophie BRIQUET-DUHAZÉ Nouvelles tendances à l’égard de la petite enfance Rédactrice invitée : Claire MALTAIS, Faculté d’éducation, Université d’Ottawa, Ontario, Canada

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Page 1: Nouvelles tendances à l’égard de la petite enfance1,2,3 GO!sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leurs familles Élisa DENIS, Gérard MALCUIT, Andrée POMERLEAU

VOLUME XXXIII:2 – AUTOMNE 2005

1 LiminaireNouvelles tendances à l’égard de la petite enfanceClaire MALTAIS

7 La qualité des services à la petite enfance : Résultats de l’étude longitudinale sur le développement des enfants du Québec (ELDEQ)Christa JAPEL, Richard E. TREMBLAY, Sylvana CÔTÉ

28 L’intervention en petite enfance : pour une éducation développementaleFrancine SINCLAIR, Jacques NAUD

44 Évaluation des impacts de l’initiative communautaire1,2,3 GO! sur le développement et le bien-être destout-petits et de leurs famillesÉlisa DENIS, Gérard MALCUIT, Andrée POMERLEAU

67 Un programme de prévention destiné à la petiteenfance : ses effets sur les enfants, les familles et la communautéYves HERRY

85 La collaboration famille-milieu de garde : ce que nous apprend la rechercheSylvain COUTU, Suzanne LAVIGUEUR, Diane DUBEAU,Marie-Ève BEAUDOIN

112 La communauté peut aider ses enfants à être mieux préparés pour commencer l’école : l’initiative Comprendre la petite enfancePierre LAPOINTE, Isabelle MARTIN

125 Agir ensemble pour améliorer les pratiques d’intervention précoce à la maternelle en milieuurbain défavoriséDenise DOYON, Monique L’HOSTIE

142 De la collaboration au partenariat : analyse de recensions antérieures et prospective en matière d’éducation inclusiveAndré C. MOREAU, Andrée ROBERTSON, Julie RUEL

161 Les stratégies éducatives du personnel en milieu de garde avec les enfants présentant des troubles du comportement : appréciation des effets d’un programmeDaniel TURCOTTE, Marie-Christine SAINT-JACQUES,Annick ST-AMAND, Émilie DIONNE

182 Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI1Martine VERREAULT, Andrée POMERLEAU, Gérard MALCUIT

207 Relation entre les types de services de garde et le développement du langage chez les enfants du préscolaireClaire MALTAIS

224 Une approche longitudinale – expérimentale sur les effets des mesures d’éducation préscolaire sur le rendement scolaire des enfants de milieux défavorisés de MontréalLinda PAGANI, Youma GHOSN, Julie JALBERT, Milenka MUNOZ, Maude CHAMBERLAND

247 Écolier à deux ans en FranceCatherine LE CUNFF

259 Écoute furtive en lecture des élèves du préscolaire dans les classes à plusieurs niveauxSophie BRIQUET-DUHAZÉ

Nouvelles tendances à l’égard de la petite enfanceRédactrice invitée :Claire MALTAIS, Faculté d’éducation, Université d’Ottawa, Ontario, Canada

Page 2: Nouvelles tendances à l’égard de la petite enfance1,2,3 GO!sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leurs familles Élisa DENIS, Gérard MALCUIT, Andrée POMERLEAU

VOLUME XXXIII:2 – AUTOMNE 2005

Revue scientifique virtuelle publiée parl’Association canadienne d’éducationde langue française dont la mission estd’inspirer et de soutenir le développe-ment et l’action des institutions éduca-tives francophones du Canada.

Directrice de la publicationChantal Lainey, ACELF

Présidente du comité de rédactionMariette Théberge,

Université d’Ottawa

Comité de rédactionGérald C. Boudreau,

Université Sainte-AnneLucie DeBlois,

Université LavalSimone Leblanc-Rainville,

Université de MonctonPaul Ruest,

Collège universitaire de Saint-BonifaceMariette Théberge,

Université d’Ottawa

Directeur général de l’ACELFRichard Lacombe

Conception graphique et montageClaude Baillargeon pour Opossum

Responsable du site InternetAnne-Marie Bergeron

Les textes signés n’engagent que la responsabilité de leurs auteures et auteurs, lesquels en assument

également la révision linguistique. De plus, afin d’attester leur recevabilité,

au regard des exigences du milieu universitaire, tous les textes sont

arbitrés, c’est-à-dire soumis à des pairs,selon une procédure déjà convenue.

La revue Éducation et francophonieest publiée deux fois l’an grâce à l’appui financier du ministère du

Patrimoine canadien et du Conseil de recherches en sciences humaines

du Canada.

268, Marie-de-l’IncarnationQuébec (Québec) G1N 3G4Téléphone : (418) 681-4661Télécopieur : (418) 681-3389

Courriel : [email protected]

Dépôt légalBibliothèque nationale du QuébecBibliothèque nationale du Canada

ISSN 0849-1089

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Liminaire

Nouvelles tendances à l’égard de la petite enfance

Claire MALTAISUniversité d’Ottawa, Ontario, Canada

Depuis quelques années, l’intérêt pour la recherche en éducation de la petite

enfance ne cesse de croître. Les récentes recherches menées dans divers domaines

comme la santé (Forum national de la santé, 1997), l’éducation (Conseil des ministres

de l’Éducation, Canada, 1998), l’économie (Cleveland et Krashinsky, 1998) et la

prévention de la criminalité (Conseil national de la prévention du crime, 1996) ainsi

que celles préoccupées par les questions de justice sociale (Jensen et Stroick, 1999)

reconnaissent que des services de qualité offerts aux jeunes enfants s’avèrent un

moyen privilégié de réaliser des objectifs de société. Ces objectifs visent l’épanouis-

sement de tous les enfants, une meilleure préparation lors de leur entrée scolaire, la

réduction de la pauvreté infantile, la productivité économique, la participation active

au marché du travail et la cohésion sociale. Les résultats de ces recherches ont encou-

ragé les divers paliers de gouvernement à investir dans l’éducation des jeunes enfants.

Au Canada, malgré l’augmentation de budgets gouvernementaux alloués à la

petite enfance pour contrer l’inégalité sociale et le décrochage scolaire, les études et

les projets de recherche identifient encore deux problèmes majeurs : l’accessibilité

aux services de garde et la variation importante de leur qualité. Il faut préciser que

dans les provinces canadiennes, les services offerts aux jeunes enfants sont dispen-

sés sous deux formes : les services de garde pour les enfants de moins de 5 ans et le

système scolaire pour les enfants de 5 ans et plus. Les services de garde non parentale

peuvent prendre trois formes : les services institutionnels (garderie, centre de la

petite enfance, centre de garde), les services de garde en milieu familial (approuvés

ou non approuvés) et un troisième type qui relève d’arrangements personnels entre

les parents et une autre personne qui accueille l’enfant chez elle ou qui se rend au

foyer de l’enfant (Palacio-Quentin et Coderre, 1999). Une étude canadienne menée

en 2000 (Goelman, Doherty, Lero, La Grange et Tougas), relève qu’il existe des dis-

parités extrêmes d’une province et d’un territoire à l’autre. En effet, dans certaines

1volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

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provinces et régions, les services de garde ne répondent pas à la demande croissante

des familles. Les besoins sont encore plus criants pour les parents d’enfants qui ont

des besoins spéciaux ou qui proviennent de milieux défavorisés. Ce sont cependant ces

clientèles dites « à risques » qui bénéficient le plus de la fréquentation d’un service de

garde de qualité (O’Brien, DiPietro et Scrobino, 1994; Wasik, Ramey, Bryant et Sparling,

1990). L’accessibilité aux services de garde pour tous les enfants peu importe leur lieu

de résidence ou leur revenu familial n’est pas encore une réalité au Canada.

La qualité des services de garde pose également tout un défi. Même si les

recherches menées depuis une quinzaine d’années ont permis de constater que la

fréquentation des services de garde a un effet positif sur le développement langagier,

cognitif et social de tous les enfants (Doherty 2000; Maltais et Herry, 2001; Vandell et

Wolfe, 2000), elles démontrent que les meilleures performances sont associées à la

qualité du service de garde. Elles précisent que c’est la qualité globale du service de

garde qui est significative et non certains aspects particuliers comme la taille du

groupe, le nombre d’enfants dans le service de garde, le ratio éducatrice-enfants, etc.

Mais qu’est-ce qui détermine la qualité d’un service éducatif? L’enquête canadienne,

Oui, ça me touche! (Goelman et al., 2000) rappelle que le modèle écologique de

Bronfenbrenner (1979) permet de comprendre que la qualité d’un service éducatif

repose sur les interactions dynamiques et complexes de plusieurs facteurs. Parmi ces

facteurs (d’ordre structurel, contextuel, environnemental et expérientiel), la qualité

de l’expérience vécue par les enfants semble la plus déterminante. Elle est définie

comme étant la qualité des interactions quotidiennes vécues avec l’intervenante et

les autres enfants ainsi que le type d’activités et de ressources offertes pour leur

développement. La formation des éducatrices et les relations entre les parents et le

personnel de la garderie sont également des facteurs qui influencent la qualité des

milieux de garde.

Ces problèmes d’accessibilité et de qualité inégale des services de garde

expliquent peut-être en partie, le fait que le système scolaire tend à accueillir les

enfants de plus en plus jeunes. En effet, toutes les provinces offrent maintenant un

programme à demi-temps aux enfants de 5 ans et d’autres, comme l’Ontario français

et le Québec, le dispensent à temps plein. Ces programmes de maternelle ou de

jardin d’enfants ont l’avantage d’être accessibles à tous les enfants de 5 ans et d’offrir

une certaine qualité. En effet, ils sont encadrés par des programmes relevant des

ministères de l’Éducation et dispensés par des enseignants. Cependant, des

chercheurs du Groupe de recherche sur l’inadaptation psychosociale chez l’enfant

(GRIP) qui se sont interrogés sur l’influence de ces programmes de maternelle ou de

jardin d’enfants à temps plein suggèrent qu’il faut continuer les recherches afin

d’identifier des interventions et des stratégies destinées à bonifier les effets de ces

programmes à moyen et à long terme (2000).

D’autres provinces comme l’Ontario ont instauré des programmes pour les

enfants de 4 ans afin de contrer l’assimilation de leur population francophone.

Cependant, leur système d’éducation ne pouvait, par manque de financement, assu-

rer seul l’éducation des jeunes enfants. C’est en s’associant aux services de garde

qu’ils ont pu offrir ce programme à temps plein, et ce, pour tous les enfants de 4 ans.

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Ce genre d’association reflète tout à fait la tendance actuelle. En effet, devant le

manque de ressources, certains chercheurs et organismes tendent à promouvoir une

concertation entre les différents intervenants qui œuvrent auprès de la petite en-

fance. Au lieu d’avoir deux réseaux (les services de garde et le système scolaire) qui

fonctionnent de façon parallèle, plusieurs projets de recherche suggèrent de les

arrimer afin d’établir une cohérence et une continuité tant dans les programmes que

dans les interventions menées auprès des jeunes enfants.

Un autre courant va même plus loin et tente de créer une véritable synergie en

engageant toute la communauté dans l’éducation des jeunes enfants. Ce genre de

projet tente de rallier les agences communautaires, les municipalités, les gens d’af-

faires, le système scolaire, le système de garde et les parents à un projet commun

visant à contribuer au mieux-vivre des enfants et de leur famille (Partir d’un bon pas

pour un avenir meilleur, Peters, 1999; 1,2, 3 Go!, Bouchard, 2000).

Dans le présent numéro, les auteurs font état de la recherche actuelle en petite

enfance. Dans le premier article, Christa Japel, Richard E. Tremblay et Sylvana Côté

tentent de répondre à la question : « Quelle est la qualité des services éducatifs offerts

présentement aux enfants du Québec? ». En 2003, les résultats de l’Étude longitudi-

nale sur le développement des enfants du Québec indiquent que la majorité des ser-

vices à la petite enfance sont de qualité médiocre ou passable. Cependant, les

Centres de petite enfance affichent une qualité supérieure à celle des milieux privés.

Les auteurs concluent que les gouvernements doivent continuer à investir dans un

réseau public de services à la petite enfance accessible et de qualité.

Pour améliorer les services de garde, les travaux de recherche ont identifié des

facteurs susceptibles d’en améliorer la qualité. Francine Sinclair et Jacques Naud

présentent une réflexion théorique sur le développement de l’enfant selon une pers-

pective sociogénétique. Selon ces auteurs, les programmes d’intervention en petite

enfance devraient être basés sur une éducation développementale. Cette éducation

repose sur le principe d’appropriation (empowerment) selon lequel le soutien à l’en-

fant passe nécessairement par le soutien des personnes en interaction avec lui.

Plusieurs programmes d’intervention précoce reposent sur ce principe d’appro-

priation (d’empowerment) dont l’initiative 1, 2, 3 Go ! (Bouchard, 2000) et Partir d’un

bon pas pour un avenir meilleur (Peters, 1999). Élisa Denis, Gérard Malcuit et Andrée

Pomerleau présentent les résultats de l’initiative 1, 2, 3 Go ! implantée dans cinq terri-

toires défavorisés du Grand-Montréal. Les conclusions qu’ils en tirent ne permettent

pas d’observer d’effets significatifs de cette initiative chez les enfants de 0 à 3 ans.

L’article d’Yves Herry décrit brièvement le programme de prévention longitudi-

nal ontarien Partir d’un bon pas pour un avenir meilleur, destiné aux enfants de

moins de huit ans et à leur famille. Ce programme aurait des effets à court terme aux

plans comportemental et social chez les enfants et à moyen terme sur leur santé. Chez

les parents, la participation à la conception et à la mise en œuvre du programme a en-

traîné un sentiment d’appropriation et un sentiment d’appartenance à la communauté.

Les trois articles suivants traitent de la collaboration famille, école et commu-

nauté. Sylvain Coutu, Suzanne Lavigueur, Diane Dubeau et Marie-Ève Beaudoin nous

présentent une recension des écrits portant sur la collaboration et la communication

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Nouvelles tendances à l’égard de la petite enfance

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entre les parents et les éducatrices travaillant en milieu de garde. La recension se ter-

mine en abordant trois thèmes jugés importants : la satisfaction des parents à l’égard

des services éducatifs, les stratégies de communication parent-éducatrice et la ques-

tion de la concordance éducative entre les adultes qui prennent quotidiennement en

charge les jeunes enfants.

L’article de Pierre Lapointe et d’Isabelle Martin décrit le programme Comprendre

la petite enfance à Montréal. À l’aide d’informations recueillies sur les enfants lors de

leur entrée en maternelle, les intervenants communautaires soutiennent la mise en

œuvre de programmes et de ressources offerts aux enfants et aux familles.

La communauté de soutien à l’enfant est aussi considérée comme le fondement

de l’intervention précoce dans l’article de Denise Doyon et Monique l’Hostie. Les

auteures nous présentent l’élaboration d’un projet de recherche qui porte sur la mise

en place de maternelles 4 ans en milieu urbain défavorisé et les premières données

de leur recherche-action.

En plus des initiatives et des programmes qui s’adressent à des enfants

provenant de milieux défavorisés, d’autres visent une population d’enfants qui ont

des besoins particuliers (handicaps physiques, difficultés de comportement, etc.).

André Moreau, Andrée Robertson et Julie Ruel nous proposent une analyse des

recensions portant sur l’éducation inclusive. Ils identifient les concepts essentiels

liés aux pratiques inclusives et présentent un programme virtuel de perfection-

nement s’adressant aux parents, aux intervenants et aux gestionnaires des services

de garde qui désirent promouvoir l’inclusion des enfants ayant des besoins parti-

culiers.

Daniel Turcotte, Marie-Christine Saint-Jacques, Annick St-Amand et Émilie

Dionne se sont intéressés aux enfants ayant des problèmes de comportement. Leur

article porte sur les résultats d’un programme d’intervention s’adressant au person-

nel des services de garde. Les résultats indiquent que les intervenantes ont perçu des

changements dans leurs stratégies éducatives après avoir bénéficié du programme

SAEM (Service d’aide à l’enfant et à son milieu).

D’autres programmes ciblent des domaines particuliers comme la lecture ou le

langage. Martine Verreault, Andrée Pomerleau et Gérard Malcuit ont évalué les effets

du programme ALI (Activités de lecture interactive) sur le développement cognitif et

langagier d’enfants d’âge préscolaire. Que ce programme soit implanté à domicile,

en milieu de garde ou dans les deux contextes, les résultats démontrent des gains

significatifs aux mesures de langage expressif et d’habiletés non-verbales chez les

enfants âgés de 15, 24 et 48 mois.

Claire Maltais présente les résultats d’une étude visant à évaluer l’effet de quatre

types de services de garde sur le développement langagier d’enfants qui fréquen-

taient un programme de maternelle 4 ans à demi-temps, dans un conseil scolaire de

langue française de l’Ontario. Les résultats indiquent que les enfants qui fréquentent

la garderie ou qui bénéficient des services d’une gardienne à domicile, lorsqu’ils ne

sont pas à l’école, réussissent mieux au plan langagier que ceux qui se font garder par

un de leurs parents ou qui vont chez une gardienne.

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Linda Pagani, Youmma Ghosn, Julie Jalbert, Milenka Munoz et Maude

Chamberland ont évalué les effets d’un programme 1) sur la compétence linguis-

tique des enfants appartenant aux minorités linguistiques et 2) sur les concepts en

préarithmétique d’enfants à la prématernelle vivant dans des milieux défavorisés de

Montréal. Ils ont aussi évalué les effets d’un programme d’enrichissement mené à la

maternelle.

Les deux derniers articles portent sur l’éducation préscolaire en France. Dans ce

pays, l’école maternelle intègre les enfants dès l’âge de deux ans. L’article de Catherine

Le Cunff nous présente les résultats de recherches portant sur cette scolarisation pré-

coce et son effet sur la réussite scolaire des enfants.

Sophie Briquet-Duhazé quant à elle, présente les résultats d’une recherche por-

tant sur l’écoute furtive en lecture des élèves du préscolaire. Elle a comparé les résul-

tats en lecture des élèves de classes préscolaires à niveau unique à ceux de classes à

plusieurs niveaux. Les résultats indiquent que les élèves des classes à plusieurs

niveaux développent plusieurs compétences telles que des compétences en lecture

en écoutant les directives de l’enseignante et en interagissant avec les élèves lecteurs.

En conclusion, nous espérons que ces articles, tout en donnant un aperçu de la

recherche en éducation à la petite enfance, susciteront de nouvelles questions et pistes

de recherche susceptibles d’améliorer les programmes destinés aux tout-petits. Les

résultats des recherches suggèrent que leur éducation est la responsabilité de tous y

compris celle du gouvernement canadien qui devrait continuer d’investir dans le

soutien aux jeunes enfants et à leur famille. Tous nos remerciements aux auteurs

ainsi qu’à ceux ou à celles qui ont collaboré à la réalisation de ce numéro. Un merci

tout particulier à Chantal Lainey et à l’équipe de direction de la revue pour leur appui.

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communautaire, appropriative et promotionnelle du développement des

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7volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

La qualité des services degarde à la petite enfance :

Résultats de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ÉLDEQ)*

Christa JAPELUniversité du Québec à Montréal, Québec, Canada

Richard E. TremblayUniversité de Montréal, Québec, Canada

Sylvana CôtéUniversité de Montréal, Québec, Canada

RÉSUMÉ

La fréquentation d’un service de garde pendant la petite enfance est devenue

une expérience normative pour les enfants. De nombreuses études ont révélé que,

même en tenant compte du contexte familial, la qualité du milieu de garde a des

effets immédiats et durables sur le développement des enfants. Depuis 1997, la nou-

velle politique familiale au Québec vise la création d’un réseau de services de garde

de qualité qui favorise le développement socioaffectif et cognitif des enfants et qui les

* Pour une description plus détaillée des résultats de l’ÉLDEQ, veuillez consulter le rapport « La qualité, çacompte! La qualité des services de garde au Québec : Résultats de l’Étude longitudinale du développementdes enfants du Québec (ÉLDEQ)» Choix, Montréal : Institut de recherche en politiques publiques, à paraître.

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préparent aux exigences rencontrées à l’entrée dans le système scolaire. Or, les résul-

tats récents de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec

(ÉLDEQ) indiquent que la majorité de ces services de garde sont de qualité minimale.

La qualité du service varie cependant selon le type de milieu de garde. Les centres de

la petite enfance, en installation comme en milieu familial, affichent une qualité

supérieure à celle observée dans les garderies à but lucratif et les services en milieu

familial non régi. Les données de l’ÉLDEQ révèlent également que les caractéris-

tiques socio-économiques des familles utilisatrices sont associées à d’importantes

variations de qualité. Ainsi, comparés aux enfants de familles bien nanties, les

enfants de familles moins favorisés sur le plan socio-économique sont plus suscep-

tibles de fréquenter un service de garde de moindre qualité. Ces résultats soulignent

l’importance d’un investissement continu dans un système public de services de

garde de qualité, accessible à tous les enfants quel que soit le statut socio-

économique de leurs parents.

ABSTRACT

The Quality of Early Childhood Day-Care Services:Results of the Longitudinal Study on the Development of Québec

Children (LSDQC)

Christa Japel

Université du Québec à Montréal, Québec, Canada

Richard E. Tremblay

Université de Montréal, Québec, Canada

Sylvana Côté

Université de Montréal, Québec, Canada

Attending a day-care centre in early childhood has become a normative expe-

rience for children. Many studies revealed that, even taking the family context into

account, the quality of the day-care milieu has immediate and lasting effects on child

development. Since 1997, Québec’s new family policy has been aiming to create a

network of quality day-care services which promote the socioaffective and cognitive

development of children and prepare them for the demands of the school system.

The recent results of the Longitudinal study on the Development of Québec Children

(LSDQC) indicates that most of these day-care services are of minimal quality. The

quality of the service varies, however, according to the type of day-care setting. Early

childhood centres set up like a family environment are superior to those observed in

the for-profit day-care centres and unregulated services in family settings. LSDQC

data also reveals that the socio-economic characteristics of families who use day-

care services vary condsiderably in quality. Thus, compared to children from well-off

families, children from less socially and economically advantaged families are more

susceptible to attending lower-quality day-care centres. These results highlight the

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importance of continuing to invest in a quality public day-care system accessible to

all children, regardless of the socio-economic status of their parents.

RESUMEN

La calidad de los servicios de las guarderías infantiles: Resultados delEstudio longitudinal del desarrollo de los niños de Quebec (ELDEQ)*Christa Japel

Universidad de Quebec en Montreal, Quebec, Canadá

Richarde E. Tremblay

Universidad de Montreal, Quebec, Canadá

Sylvana Côté

Universidad de Montreal, Quebec, Canadá

* Para una descripción detallada de los resultados del ELDEQ, consulte el informe « ¡Lacalidad cuenta! La calidad de los servicios de guardería en Quebec : Resultados delestudio longitudinal del desarrollo de los niños de Quebec (ELDEQ) » Choix, Montreal:Institut de recherche en politiques publiques, en prensa.

La frecuentación de un servicio de guardería durante la infancia se ha conver-

tido en una experiencia normativa para los niños. Una gran cantidad de estudios

revela que, aun si se tiene en cuenta el contexto familiar, la calidad del medio de

guarda tiene repercusiones inmediatas y duraderas sobre el desarrollo de los niños.

Desde 1997, la nueva política familiar de Quebec se propone crear una red de servi-

cios de guardería de calidad que favorezca el desarrollo socio-afectivo y cognitivo de

los niños y que los prepare a los requerimientos que confrontan al ingresar al sistema

escolar. Ahora bien, los resultados recientes del Estudio longitudinal del desarrollo

de los niños de Quebec (ELDEQ) muestran que la mayor parte de servicios de

guardería poseen una calidad mínima. La calidad del servicio varia de acuerdo con el

medio de guarda. Los centros de la infancia, tanto los públicos como aquellos del

medio familiar, demuestran una calidad superior a la observada en las guarderías

con fines lucrativos y en los servicios en medio familiar no reglamentados. Los datos

del ELDEQ muestran asimismo que las características socioeconómicas de las famil-

ias usuarias están relacionadas con importantes variaciones de calidad. Así, si se

compara a los niños de familias con recursos, los niños provenientes de familias des-

favorecidas sobre el plan socioeconómico presentan más posibilidades de frecuentar

un servicio de guardería de poca calidad. Los resultados realzan la importancia de

una inversión constante en el sistema público de guarderías de calidad, accesibles a

todos los niños sin importar la situación socioeconómica de sus familias.

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Introduction

De plus en plus de familles avec des enfants d’âge préscolaire ont recours à la

garde non parentale, principalement à cause de l’augmentation du nombre de mères

qui travaillent. Au Québec, entre 1976 et 2002, le taux de participation au marché du

travail des mères qui avaient des enfants en bas âge, soit plus jeunes que 6 ans, a aug-

menté de 30 à 73 % (Statistique Canada, 2003). Comparées aux mères de jeunes

enfants dans le reste du Canada, les mères québécoises ont, dans le passé, affiché des

taux inférieurs quant à leur participation au marché du travail, au nombre d’heures

travaillées et à leur revenu. Cependant, cet écart s’est amoindri significativement

depuis 1997 (Lefebvre, 2004). Ce phénomène semble directement relié à certaines

nouvelles dispositions de la politique familiale entrées graduellement en vigueur au

Québec depuis 1997. Plus précisément, la nouvelle politique familiale comprenait la

mise en place de services éducatifs et de services de garde à la petite enfance visant

à permettre aux parents de concilier leur rôle dans l’éducation de leurs jeunes

enfants avec leur travail, leurs études ou leur réinsertion sociale ou professionnelle.

Au-delà de la conciliation famille-travail, la création de ces services avait également

comme but de fournir à tous les enfants, quel que soit le statut de leurs parents, un

milieu préscolaire de qualité qui favorise leur développement socioaffectif et cogni-

tif et qui les prépare aux exigences rencontrées à l’entrée dans le système scolaire

(MFE, 1997).

L’implantation de la nouvelle politique familiale en ce qui concerne la création

d’un réseau de services de garde éducatifs à contribution parentale réduite coïncide

avec le début de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec

(ÉLDEQ) qui est menée conjointement par la Direction Santé Québec de l’Institut de

la statistique du Québec et une équipe interdisciplinaire de chercheurs venant de

diverses universités (Jetté & Des Groseilliers, 2000). L’objectif de cette étude, qui a

débuté alors que les enfants étaient âgés de 5 mois, est d’identifier les facteurs de

risque et de protection qui, pendant une période cruciale de leur développement,

peuvent compromettre ou favoriser leur adaptation à l’école. Étant donné cette coïn-

cidence historique et la contribution potentielle de la qualité du milieu préscolaire

au développement cognitif et social de l’enfant, une évaluation des milieux de garde

fréquentés par les enfants de l’ÉLDEQ s’est avérée incontournable. Puisque les objec-

tifs de la nouvelle politique familiale rejoignent ceux de l’ÉLDEQ, il était important

d’évaluer la qualité des services de garde afin de dresser un portrait de la situation

actuelle du réseau. Cet article présente un profil de la qualité des différents services

de garde, en installation ou en milieu familial, fréquentés par les enfants de l’ÉLDEQ

entre l’âge de deux ans et demi et de cinq ans. De plus, puisque la politique familiale

québécoise vise l’égalité des chances grâce à la mise en place de services de garde de

qualité accessibles à tous les enfants quel que soit le statut social de leurs parents,

nous avons également examiné le lien entre le statut socio-économique des familles

et la qualité des milieux de garde fréquentés par les enfants.

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La qualité des services de garde

La qualité des services et le développement de l’enfantLe développement des enfants est influencé par les multiples environnements

auxquels ils sont exposés. Étant donné que la garde non parentale est devenue la

norme dans plusieurs pays, et que ces services représentent un environnement

important d’apprentissage, depuis une vingtaine d’années de nombreux chercheurs

se sont interrogés sur l’impact de cette expérience sur le développement de l’enfant.

La première vague de recherches dans ce domaine s’est préoccupée des effets néga-

tifs possibles de la fréquentation d’un service à un très jeune âge. Ces travaux révè-

lent des résultats peu concluants quant à la qualité de l’attachement et à l’adaptation

ultérieure de l’enfant ayant fréquenté un service avant l’âge d’un an (Belsky, 1986;

Clarke-Stuart, 1989). Le deuxième courant de recherche s’est intéressé aux variations

de qualité et leurs impacts éventuels sur le développement de l’enfant. Dans cette

perspective, les recherches permettent de conclure que la fréquentation d’un service

préscolaire de faible qualité peut nuire au développement social, affectif et cognitif

de l’enfant (Burchinal et al., 1989), tandis qu’un milieu de qualité est associé à de

multiples bénéfices développementaux pour les enfants (NICHD, 1996; NICHD &

Duncan, 2003; Peisner-Feinberg et al., 2001), et particulièrement pour ceux issus de

milieux défavorisés (Burchinal et al., 1997; NICHD & Duncan, 2003; Schliecker, White

& Jacobs, 1991 ). Le troisième et plus récent courant de recherche s’est penché sur les

influences conjointes des services préscolaires et des contextes familiaux sur le

développement de l’enfant. En conséquence, examiner l’impact des services sur les

jeunes enfants revient à étudier les questions entourant la qualité des soins reçus à la

fois à la maison et dans des services de garde. Cependant, les caractéristiques du

contexte familial qui sont fortement associées à l’adaptation de l’enfant, sont égale-

ment reliées au choix du milieu préscolaire et à ses caractéristiques (NICHD, 1997,

1998). Les différentes études soutiennent néanmoins que la qualité des services

offerts est un élément qui contribue au développement des enfants. Notons que les

effets de qualité sont modérés, mais on les retrouve même après avoir tenu compte

du facteur de sélection des familles concernant la qualité du service et la personna-

lité de l’enfant. À ce jour, donc, les résultats de diverses études longitudinales impor-

tantes et raisonnablement représentatives ont confirmé les effets à la fois immédiats

et durables de services de garde de qualité sur le développement cognitif et langagi-

er, ainsi que sur la réussite scolaire (Barnett, 2001; Campbell et al., 2001; NICHD &

Duncan, 2003; Peisner-Feinberg et al., 1999; Sylva, Melhuish, Sammons, Siraj-

Blatchford & Taggart, 2004). De plus, bien que la qualité puisse être encore plus cruciale

pour les enfants issus de milieux socio-économiques plus défavorisés, les résultats

indiquent qu’un service de garde de qualité est associé à des bénéfices développe-

mentaux chez les enfants de tous les milieux (Peisner-Feinberg et al., 2001).

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1. Depuis le 1er janvier 2004, les tarifs chargés aux parents sont de 7$ par jour, par enfant.

La qualité des services de garde à la petite enfance : Résultats de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ÉLDEQ)

À ce jour, donc, lesrésultats de diverses

études longitudinalesimportantes et raisonna-blement représentativesont confirmé les effets à

la fois immédiats etdurables de services degarde de qualité sur le

développement cognitifet langagier, ainsi quesur la réussite scolaire

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Les services de garde à la petite enfance au QuébecLa création en 1997 des centres de la petite enfance (CPE) visait à faciliter le

développement et l’égalité des chances pour les 1,6 millions d’enfants du Québec,

entres autres, par la mise en place d’un réseau de services de garde éducatifs permet-

tant à tous les enfants d’avoir accès à des services de qualité. Le gouvernement ten-

tait de traduire en initiative concrète l’importance d’investir dans la petite enfance et

ainsi dans le capital humain d’une société qui en bénéficiera à long terme. Les ser-

vices éducatifs auxquels ont accès les jeunes enfants québécois sont regroupés en

deux grandes catégories : les services dits en « installation » où l’on retrouve les cen-

tres de la petite enfance (CPE) et les installations à but lucratif (garderies); et les ser-

vices dits « en milieu familial », qui incluent les milieux familiaux accrédités par les

CPE, et les milieux familiaux non régis par la Loi sur les centres de la petite enfance

et autres services de garde à l’enfance (Gouvernement du Québec, 1997). Tel qu’il-

lustré par le tableau 1, le réseau des CPE, services à but non lucratif, subventionnés

par l’état, gérés majoritairement par les parents et accessibles au modeste prix de 5 $1

par jour était en forte croissance de 1997 à 2003. Ceci reflète l’objectif du gouverne-

ment qui était de créer quelque 200 000 places à partir des services régis existants,

soit les garderies à but non lucratif, les services de garde en milieu familial accrédités

et les garderies à but lucratif. Ce taux de croissance des CPE traduit également la

préférence des parents pour ce type de milieu de garde. Les garderies à but lucratif

affichent au contraire une très faible croissance, étant donné le moratoire de cinq ans

imposé par le gouvernement sur la création de nouvelles garderies à but lucratif.

Ce moratoire a été levé en juin 2002.

Tableau 1 : Développement des services à la petite enfance de 1997 à 2003

(Nombre de places)

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La qualité des services de garde à la petite enfance : Résultats de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ÉLDEQ)

CPE CPE Nb total Nb d’enfantsInstallation Milieu familial Garderie de places au Québec

service régi 0-4 ans

1997-98 36 606 21 761 23 935 82 302 428 297

1998-99 38 918 32 816 24 964 96 698 412 161

1999-00 44 735 44 882 24 936 114 553 397 971

2000-01 51 570 55 979 25 701 133 250 382 727

2001-02 58 525 62 193 25 883 146 600 373 191

2002-03 67 123 71 365 25 882 164 410 366 619

Source : Ministère de l’Emploi, de la Solidarité sociale et de la Famille, 2004

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Méthodologie

ÉchantillonDepuis 1998, l’ÉLDEQ suit annuellement le développement d’une cohorte de

2 223 jeunes enfants. Cet échantillon, constitué à partir du registre des naissances, est

représentatif des enfants nés au Québec entre le 1er octobre 1997 et le 31 juillet 1998

(Jetté & Des Groseilliers, 2000). Les visites des milieux de garde fréquentés par les

enfants de l’ÉLDEQ ont commencé en 2000 et se sont poursuivies annuellement

jusqu’en 2003, année où toute la cohorte allait atteindre l’âge de cinq ans au mois de

septembre. Pendant ces quatre années, nous avons pu observer 925 enfants au moins

une fois dans leur milieu de garde, ce qui représente approximativement 70 % des

enfants ayant fréquenté de façon régulière un milieu de garde entre 2000 et 2003. Une

deuxième observation a pu avoir lieu dans 45 % des cas, une troisième dans 18 % des

cas, et une quatrième dans 4 % des cas (c’est-à-dire à chacune des collectes). Au total,

les assistantes ont effectué 1 574 observations d’une durée de cinq à six heures dans

les différents services de garde à la petite enfance. Le tableau 2 présente le nombre

des milieux évalués lors de chaque collecte ainsi que leur type.

Les résultats concernant la qualité des services de garde comportent un

léger biais relié au statut socio-économique des enfants dont le milieu de garde a pu

être évalué. Plus précisément, les enfants fréquentant un service de garde qui n’a pu

être évalué, à cause du refus des parents ou du service de garde, provenaient de

familles ayant un statut socio-économique légèrement plus faible.

Tableau 2 : Nombre de services à la petite enfance évalués, ÉLDEQ, 2000-2003

Mesures

L’évaluation de la qualité des services de garde à la petite enfanceAfin d’évaluer la qualité des milieux préscolaires fréquentés par les enfants de

l’ÉLDEQ, la traduction française du ECERS-R (Échelle d’évaluation de l’environ-

nement préscolaire; Harms, Clifford, & Cryer, 1998) et son équivalent adapté pour le

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CPE CPE Garderie M. Familial TotalInstallation M. Familial Non régi

2000 (2 ans) 126 66 56 53 301

2001 (3 ans) 253 166 98 81 598

2002 (4 ans) 151 60 51 28 290

2003 (5 ans) 198 45 91 17 351

Total 728 337 296 179 1 540

Note : Le total s’élève à N = 1540. Ne faisant pas partie des catégories ci-dessous, 34 services (prématernelles,

halte-garderies ou jardins d’enfants) ne figurent pas dans le tableau.

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milieu familial (Family Day Care Rating Scale; FDCRS - Grille d’évaluation des ser-

vices de garde en milieu familial; Harms & Clifford, 1993) ont servi comme outil prin-

cipal. Les caractéristiques psychométriques de ces instruments sont bien établies

(Cassidy, Hestenes, Hegde, Hestenes & Mims, 2003). La valeur prédictive du ECERS-

R est également bien documentée (Vandell & Wolfe, 2000). Ainsi, on trouve des rela-

tions significatives entre la qualité globale selon le score obtenu au ECERS et des

indicateurs de développement cognitif et socioaffectif chez les enfants (par exemple,

Peisner-Feinberg & Burchinal, 1997; Sylva et al., 2004). Le score au ECERS est égale-

ment relié à certaines caractéristiques d’ordre structurel telles le niveau d’éducation

et la formation spécialisée du personnel, leur rémunération et le statut juridique du

service (Goelman et al., 2000; Sylva et al., 2004).

L’ECERS-R est conçue pour être utilisée auprès d’enfants âgés de deux ans et

demi à cinq ans inclusivement qui fréquentent un milieu en installation. L’échelle

comporte 470 descripteurs regroupés en 43 items qui constituent sept sous-échelles

(Mobilier et aménagement, Soins personnels, Langage et raisonnement, Activités,

Interactions, Structure du service, Parents et personnel). Étant donné le caractère

multi-âge des services en milieu familial, la Grille d’évaluation des services de garde

en milieu familial peut être utilisée pour tous les groupes d’âge d’enfants. Bien que

les items reflètent la réalité d’un service en milieu familial, la structure de cette grille

est presque identique à celle de l’ECERS-R (32 items regroupés en 6 sous-échelles,

soit Espace et mobilier réservés aux soins et aux activités d’apprentissage, Activités

de routine, Langage et raisonnement, Activités d’apprentissage, Développement

social, Besoins des adultes). Les deux instruments permettent d’obtenir un score

global de qualité ainsi qu’un profil de qualité pour chaque item et pour chaque sous-

échelle. Le calcul est effectué à partir de l’absence ou de la présence des descripteurs

et situe le service sur une échelle de 1 à 7. Le score le plus bas (1) décrit un service

considéré ‘inadéquat’ (soins qui ne rencontrent pas les critères des règlements en

vigueur et ne répondent pas aux besoins fondamentaux des enfants); un score de

3 classe le service dans la catégorie ‘minimal’ (soins qui rencontrent les critères des

règlements en vigueur et, à un faible degré, les besoins fondamentaux de base), un

service qui reçoit la cote 5 est considéré ‘bon’ (les soins prodigués sont appropriés

aux stades développementaux des enfants); un service qui rencontre toutes les exi-

gences de l’échelle se situe à 7, soit de niveau ‘excellent’ (des soins personnalisés de

qualité supérieure).

L’indice de statut socio-économiqueLe statut socio-économique est un indice qui est calculé à partir d’informations

recueillies auprès des parents concernant leur niveau d’éducation, leur prestige

occupationnel et le revenu familial. (Willms & Shield; 1996). Cet indice de position

relative d’une famille par rapport à l’ensemble d’une population est un bon pré-

dicteur de l’adaptation psychosociale chez les enfants (Willms 2002). Dans l’ÉLDEQ,

cet indice a été standardisé avec une moyenne de zéro et deux écarts types au-dessus

et en dessous. La moyenne de zéro représente le statut socio-économique moyen de

la population à l’étude. Ainsi les familles qui se situent au-dessus de zéro sur cette

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échelle ont un statut socio-économique plus élevé que la moyenne des familles, et

celles qui se situent en dessous de zéro sont moins bien nanties que la majorité des

familles. Pour les analyses présentées dans le cadre de cet article, nous avons divisé

la distribution sur l’échelle de statut socio-économique en quartiles : le premier

quartile représente les 25 % des familles qui se situent à l’extrême inférieur de

l’échelle. Inversement, le quatrième quartile regroupe les 25 % des familles qui sont

très favorisées sur le plan socio-économique.

La formation des assistantesLa formation des assistantes s’apparente à celle empruntée dans d’autres

recherches sur la qualité des services de garde (Drouin et al., 2004; Goelman et al.,

2000). Avant d’entamer les observations sur le terrain, les assistantes de recherche

ont suivi une formation de cinq jours. Celle-ci comprenait une partie théorique qui

visait à familiariser les assistantes avec les normes et règlements gouvernementaux

concernant les services de garde ainsi qu’avec les fondements théoriques des

échelles d’évaluation, leur utilisation et leur système de notation. La partie pratique

comportait l’application de ces connaissances théoriques dans le cadre d’une visite

d’un service. Cette visite était suivie d’une session permettant un retour sur les items

pour lesquels des divergences de notation avaient été rapportées. De plus, au début

de la collecte, les premières évaluations étaient effectuées par deux assistantes pour

vérifier l’accord inter-juges sur le terrain. Dans le cas d’une divergence marquée

entre les assistantes, des formations d’appoint et des visites dans un milieu en com-

pagnie de la formatrice étaient mises en place. Cette pratique d’observation et de

cotation sur le terrain a permis d’établir un accord inter-juges qui s’est avéré très sa-

tisfaisant (corrélations intra-classes de 0.93).

Résultats

À chaque collecte de données faite par les chercheurs de l’ÉLDEQ, les parents

ont indiqué si leurs enfants fréquentaient un milieu de garde, et, si oui, de quel type

de milieu il s’agissait.

Tel qu’illustré par la figure 1, le pourcentage des enfants dont les parents ont

recours à un service se situe à 14 % alors que les enfants sont âgés de 5 mois. Un an

plus tard, ce taux a triplé (42 %), sans doute à cause de la fin du congé parental et le

retour au travail d’un bon nombre de mères. À l’âge de trois ans et demi et de quatre

ans, trois quarts (75 %) des parents utilisent de façon régulière un service pour leurs

enfants. Enfin, quand les enfants sont en âge d’aller à la prématernelle, 81 p. 100

fréquentent un milieu de garde (y inclus le service de garde de l’école pour les enfants

qui fréquentent une prématernelle en milieu scolaire).

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Figure 1 : Pourcentage des enfants qui utilisent les services de garde à la petite

enfance selon leur âge, ÉLDEQ 1998-2003

*Les enfants auront atteint l’âge de 5 ans au 30 septembre 2003

La figure 2 présente le type de service fréquenté par les enfants de l’ÉLDEQ à

l’âge de trois ans et demi. On constate alors qu’à cet âge, plus de la moitié des enfants

(60 %) bénéficient d’une place dans un centre de la petite enfance, soit en installation

(37 %) ou en milieu familial (23 %). Environ 5 % des enfants fréquentent une garderie

à but lucratif, et 27 % des enfants reçoivent des services en milieu familial non régi.

Ce dernier taux assez élevé semble refléter le nombre insuffisant de places subven-

tionnées disponibles aux parents, ce qui les amène à avoir recours à des services non

régis. En fait, les parents ayant participé à l’ÉLDEQ ont indiqué qu’un peu plus de la

moitié d’entre eux dont les enfants fréquentaient une garderie à but lucratif ou un

milieu familial non régi auraient préféré un CPE (Desrosiers et al., 2004).

Figure 2 : Répartition des enfants qui utilisent des services à trois ans et demi selon

le type de milieu fréquenté

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Si la majorité des enfants de l’ÉLDEQ (75 %) reçoivent des services de garde non

parentale à l’âge de trois ans et demi, un quart des enfants (25 %) ne fréquentent pas

un service de garde à cet âge. La figure 3 présente la distribution de ces enfants selon

le statut socio-économique de leurs parents. Les données révèlent un gradient mar-

qué quant à la fréquentation d’un service et le statut socio-économique des parents.

Ainsi, parmi les familles appartenant au plus bas quartile socio-économique, presque

la moitié (46 %) des enfants ne fréquentent pas un service de garde. Par contre, seule-

ment 11 % des enfants dont les parents se situent dans le plus haut quartile socio-

économique ne fréquentent pas un service de garde.

Figure 3 : Distribution (%) des enfants qui ne reçoivent pas des services de garde à

la petite enfance à l’âge de trois ans et demi selon le niveau socio-économique de

leurs familles

La figure 4 présente le résultat des 1 574 observations effectuées dans les services

à la petite enfance de 2000 à 2003. Les données présentées se rapportent à l’ensem-

ble des milieux évalués et comprennent les résultats de tous les types de services

fréquentés par les enfants de l’ÉLDEQ (en installation, en milieu familial, régi et non

régi). Il appert alors que la majorité de ces services (61 %) ont reçu un résultat les si-

tuant dans la catégorie ‘minimale’ en ce qui concerne la qualité d’ensemble des soins

prodigués aux enfants. Environ 13 % des services se sont avérés inadéquats, et seule-

ment un service sur 4 (26 %) a été coté à 5 ou plus, affichant ainsi une bonne qualité.

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Figure 4 : Qualité d’ensemble des milieux visités de 2000 à 2003 (N =1574)

La figure 5 montre les résultats de façon plus détaillée. Par exemple, quand on

regarde les milieux jugés inadéquats (13 %), c’est-à-dire où la santé et la sécurité ainsi

que la stimulation éducative des enfants ne sont pas assurées, on note que 2 % se

situent à la limite inférieure de cette catégorie, et que 11 % ont obtenu un score de

2 à 2,9. La majorité des milieux de garde (61 p. 100), sont de qualité minimale, ce qui

signifie qu’ils satisfont aux standards de base relatifs à la santé et à la sécurité des

enfants, mais que l’aspect éducatif y est minimal. Parmi ces derniers, 26% se trouvent

dans la partie inférieure de la catégorie (3 à 3,9), et 35 % dans la partie supérieure

(4 à 4,9). Environ un milieu sur 5 (22 %) dépasse ce seuil minimal, c’est-à-dire qu’il

offre des services appropriés aux stades développementaux des enfants et qu’ils cons-

tituent un environnement éducatif et stimulant. Enfin, 4 % des milieux évalués ont

un résultat de 6 et plus : ce sont des milieux qui favorisent encore davantage le

développement des enfants.

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Figure 5 : Qualité d’ensemble des milieux visités de 2000 à 2003 (N = 1574)

La qualité des services selon le type de milieu observé est présentée à la figure 6.

Parmi les milieux ayant reçu un résultat de 5 et plus (bon à excellent) on constate que

les centres de la petite enfance sont fortement représentés. Ainsi, plus d’un tiers

(35 %) des CPE en installation et 29 % des CPE en milieu familial affichent une bonne

qualité. Mais seulement 14% des garderies à but lucratif et un service en milieu

familial non régi sur dix (10 %) atteignent ce niveau de qualité. Quant aux services

ayant reçu un résultat inférieur à 3 et ainsi la cote ‘inadéquat’, on observe une distri-

bution en sens inverse à l’égard du pourcentage des services à but lucratif ou non

régis représentés dans cette catégorie. Seulement 6 % des CPE en installation et 7 %

des CPE en milieu familial s’avèrent inadéquats tandis que 27 % des garderies et 26 %

des services en milieu familial non régi ne rencontrent pas les standards de base.

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La qualité des services de garde à la petite enfance : Résultats de l’Étude longitudinale du développement des enfants du Québec (ÉLDEQ)

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Figure 6 : Pourcentage des différents services de garde qui se situent à un niveau de

qualité d’ensemble « bon à excellent » et « inadéquat »

La figure 7 illustre de quel contexte socio-économique proviennent les enfants

qui fréquentent les services de garde à la petite enfance de bonne qualité. Bien que

la distribution ne semble pas trop biaisée, on note cependant un certain écart

lorsque l’on compare les groupes d’enfants se situant aux deux extrêmes de la distri-

bution. Seulement 22 % des enfants de familles plus défavorisées sur le plan socio-

économique fréquentent un bon milieu pendant que 27 % des enfants de familles

bien nanties bénéficient d’un service de bonne qualité.

Figure 7 : Pourcentage des enfants dans des services « bon à excellent » selon le

niveau socio-économique de leurs familles

20volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

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L’écart entre les enfants de familles favorisées et moins favorisées sur le plan

socio-économique ressort de façon plus marquée quand la fréquentation des services

inadéquats est examinée. Tel que bien illustré par la figure 8, les enfants de faible

niveau socio-économique sont plus susceptibles de fréquenter un milieu inadéquat

que ceux qui proviennent d’une famille aisée. Plus précisément, environ un enfant

sur cinq (20 %) de familles se situant dans le plus faible quartile socio-économique se

retrouve dans un service de garde coté ‘inadéquat’ alors que moins d’un enfant sur

dix (9 %) de niveau socio-économique élevé passe son temps dans un environ-

nement de qualité médiocre..

Figure 8 : Pourcentage des enfants dans des services « inadéquat » selon le niveau

socio-économique de leurs familles

Discussion

Les observations dans les 1 574 services de garde à la petite enfance évalués

entre 2000 et 2003 à l’aide du ECERS-R (ou son équivalent pour le milieu familial)

révèlent que seulement un quart de ces milieux atteint un niveau de bonne qualité.

Presque trois quarts des services se situent alors à un niveau de qualité d’ensemble

qui est inférieur à bon. Bien que la majorité des services s’avère de qualité minimale,

presque un milieu sur six n’assure pas la santé et la sécurité des enfants et est donc

de qualité inadéquate.

Le niveau de qualité varie cependant selon le type de service utilisé. Parmi les

services en installation, plus d’un tiers des CPE se classent dans la catégorie « bon à

excellent », alors que moins d’une garderie à but lucratif sur six a été jugée de bonne

qualité. On observe le même phénomène pour les services en milieu familial :

21volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

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Presque trois sur dix des CPE en milieu familial sont classés « bon à excellent », alors

que seulement un service en milieu familial non régi sur dix atteint un résultat le

classant dans cette catégorie. Quant aux services jugés de qualité inadéquate, les

garderies à but lucratif et les services en milieu familial non régi sont fortement

représentés. En fait, plus d’un quart des garderies et des milieux familiaux non régis

démontrent des lacunes importantes en ce qui concerne les soins prodigués aux

enfants qui leur sont confiés. Ces résultats suggèrent que, dans l’ensemble, les ser-

vices de garde à la petite enfance au Québec n’aient pas encore atteint le niveau de

qualité recherché et visé par la nouvelle politique familiale.

Les résultats de l’ÉLDEQ confirment ceux du rapport Oui, ça me touche !, paru à

la suite d’une enquête pancanadienne réalisée en 1998 auprès d’un échantillon de

234 milieux de garde en installation et de 231 en milieu familial, dont respectivement

36 et 42 étaient situés au Québec. Cette étude avait pour but de tracer le portrait des

salaires, des conditions de travail et des meilleures pratiques qu’on retrouve dans ces

services de garde. Pour y parvenir, on a utilisé la ECERS-R et la FDCRS comme outils

d’évaluation (Goelman, et al., 2000; Doherty, et al, 2000). Cette enquête a fourni une

vue d’ensemble de la qualité des services offerts dans les milieux de garde au Canada.

Malgré un important effet de sélection dû au fait que plusieurs milieux de garde ont

refusé d’y participer2, les résultats de l’étude indiquent que la majorité des milieux de

la petite enfance prodiguent des soins de garde qui sont de qualité minimale, c’est-à-

dire que la santé et la sécurité des enfants ne sont généralement pas compromises,

mais qu’il y a place à amélioration en ce qui concerne la stimulation des enfants par

des activités variées adaptées à leur développement ainsi que les mesures en matière

des pratiques d’hygiène.

Le rapport Grandir en qualité, qui a fait suite à l’enquête commandée par le gou-

vernement québécois à l’Institut de la statistique du Québec et réalisée au printemps

de 2003 auprès de 800 groupes d’enfants dans des services de garde régis au Québec,

arrive à une conclusion semblable (Drouin et al., 2004). L’étude, effectuée auprès

d’un échantillon représentatif d’enfants qui fréquentaient des services de garde (en

installation et en milieu familial) visait à évaluer la qualité de ces différents milieux,

et à déterminer leurs forces et leurs faiblesses de même que les principales carac-

téristiques associées à la qualité des services offerts. Comme le gouvernement qué-

bécois avait choisi de créer ses propres outils d’évaluation, la comparaison qu’on

peut faire entre les résultats de Grandir en qualité et ceux de l’ÉLDEQ et de Oui, ça me

touche ! est limitée. De plus, l’enquête de l’Institut de la statistique n’a évalué que les

milieux régis. Cependant, de manière générale, ses résultats indiquent que les

milieux de garde évalués n’atteignent, en moyenne, que la note passable. Et, comme

les autres études, elle permet d’observer de faibles niveaux de qualité en ce qui a trait

aux activités et au matériel qui favorisent le développement des enfants sur le plan

du langage et de la psychomotricité. Cette enquête révèle également des lacunes

importantes en matière de santé et de sécurité.

22volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

2. Les taux de refus se situent à 43 p. 100 pour les services en installation et à 39 p. 100 pour les services enmilieu familial.

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Par ailleurs, les résultats des trois études convergent en ce qui a trait à la qualité

inférieure des milieux de garde à but lucratif, comparée à celle des milieux à but non

lucratif. La qualité d’un service de garde à la petite enfance comporte plusieurs

dimensions que l’on conceptualise habituellement selon deux grandes catégories

d’indicateurs : la qualité structurelle et la qualité du processus (Vandell & Wolfe,

2000). La qualité de la relation éducatrice-enfant, qui est l’élément central de la qua-

lité du processus, est fortement reliée aux compétences professionnelles que l’édu-

catrice possède. Ainsi, la présence d’un personnel ayant complété une formation

postsecondaire en services éducatifs et de garde à l’enfance est fortement associé à

la qualité d’un service (Cleveland & Krashinsky, 2004; Goelman et al., 2000). Au

Québec, les règlements sur les garderies et les centres de la petite enfance stipulent

que, dans une garderie, le titulaire de permis doit s’assurer qu’au moins un membre

de son personnel sur trois possède une qualification en petite enfance, tandis que ce

ratio se situe à deux sur trois dans les CPE. Étant donné que les garderies à but

lucratif sont subventionnées à un taux d’environ 20 % plus bas que les CPE et que

leur vocation est essentiellement commerciale, le manque de qualité observé dans

ces milieux semble partiellement dû à l’embauche de personnel peu qualifié pour

offrir des environnements enrichis qui favorisent le développement des enfants.

Les résultats de l’ÉLDEQ révèlent également qu’il y a un important écart socio-

économique entre les familles qui ont recours à un service de garde à la petite

enfance pour leurs enfants et celles qui n’utilisent pas ces services. Les enfants de

milieux moins favorisés sur le plan socio-économique sont moins susceptibles de

fréquenter un milieu de garde que les enfants de familles plus aisées. De plus, lorsque

les enfants de milieux moins favorisés fréquentent un service de garde, celui-ci

risque d’être de moindre qualité. Ceci suggère que, malgré l’augmentation impor-

tante du nombre de places en CPE depuis 1997, la politique familiale rejoint plus

facilement la partie de la population qui est la moins défavorisée. En fait, les travaux

d’économistes ont montré que l’investissement massif dans la création d’un réseau

de CPE favorise les familles à haut revenu (Lefebvre & Merrigan, 2003). Ainsi 50 % des

enfants bénéficiant d’une place à contribution réduite proviennent d’une famille

ayant un revenu supérieur à 60 000 $ alors que ces familles ne représentent qu’envi-

ron 36 % des familles avec des enfants d’âge préscolaire. Quant aux enfants des

familles défavorisés (environ 18 % des enfants), ils ne représentent que 9 % des

enfants en milieu de garde subventionné.

Conclusion

Les services de garde à la petite enfance ont connu de nombreuses transforma-

tions depuis l’adoption de la nouvelle politique familiale du gouvernement du

Québec en 1997. Malgré le fait que la réforme de la politique familiale a suscité d’im-

portantes critiques, le modèle québécois a permis la mise en place d’un réseau de

centres à la petite enfance qui se démarquent par leur engagement d’offrir des ser-

vices de qualité à tous les enfants. Depuis 1997, ce réseau a connu une rapide expan-

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sion pour pouvoir répondre à la demande des parents, expansion dans laquelle l’ac-

cent a été mis sur la quantité plutôt que sur la qualité des places disponibles. Les

résultats de l’ÉLDEQ présentés à la Commission des affaires sociales de l’Assemblée

Nationale du Québec ainsi qu’à l’Association québécoise des Centres de la petite

enfance (Tremblay, Japel, & Côté, 2003) ont soulevé un questionnement au sujet des

pratiques dans les milieux et ont ainsi donné lieu à plusieurs initiatives régionales

qui visent à augmenter le niveau de qualité dans les CPE. Ces initiatives doivent

cependant composer avec un contexte de changement quant au financement du

réseau. Depuis l’arrivé d’un nouveau gouvernement au Québec en 2003, de multiples

changements ont été apportés telles l’augmentation des tarifs payés par les parents

(de 5 $ à 7 $), l’imposition de restrictions budgétaires à tous les services, à but non

lucratif comme à but lucratif, et la récupération de surplus accumulés par les CPE. De

plus, ce gouvernement a pris position en faveur des garderies à but lucratif en leur

accordant une place importante dans la création des 12 000 places qui manquaient

encore pour rencontrer l’objectif de 200 000 places.

Nous sommes de l’avis que les services de garde à la petite enfance constituent

un service essentiel qui relève du bien public et qui doit être porté collectivement,

tout comme l’école publique et les soins de santé. Avoir accès à des services de qua-

lité devrait être un droit assuré à chaque parent et à chaque enfant. Cependant, pour

assurer l’égalité des chances, cibler des populations vulnérables et investir davantage

pour améliorer les services qui leur sont offerts permettra de diminuer l’écart que

l’on observe, sur le plan des chances de se développer pleinement, entre les enfants

de milieux défavorisés et ceux de milieux favorisés. Une approche universelle qui ne

prévoit pas de mesures particulières pour réduire ces écarts risque en fait de les

aggraver (Ceci et Papierno, 2005). Le développement et le maintien d’un tel réseau de

services nécessitent un investissement majeur des fonds publics. Mais cet investisse-

ment dans le capital humain d’une société rapportera des bénéfices encore plus

importants à long terme (Heckman & Carneiro, 2003)

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L’intervention en petiteenfance :

pour une éducationdéveloppementale

Francine SINCLAIRUniversité du Québec en Outaouais, Gatineau, Québec, Canada

Jacques NAUDUniversité du Québec en Abitibi-Témiscamingue, Rouyn-Noranda, Québec, Canada

RÉSUMÉ

Cet article présente une réflexion tirée de notre expérience des vingt dernières

années en recherche fondamentale portant sur le développement de l’enfant, et plus

récemment, de notre tentative de transfert de connaissances vers le milieu, c’est-à-

dire vers les parents, les enfants et les éducatrices des centres de la petite enfance.

Elle se fonde sur une vision socio-génétique du développement, qui place les trans-

actions sociales au cœur du développement. C’est à travers cette perspective

métathéorique que s’inscrit également notre vision de l’adaptation. À partir des prin-

cipaux travaux qui sont à la source de la perspective de l’enforcement, nous tentons

de définir ce concept et de le situer en tant que principe d’intervention visant le sou-

tien au développement humain. Par la suite, nous abordons les limites inhérentes

aux approches qui tirent leurs justifications de la correction ou de la prévention de

problèmes, et de là, la contribution et les besoins en termes de recherche. Enfin, dans

un effort d’intégration, nous proposons quelques éléments qui nous semblent perti-

nents à l’élaboration de programmes de soutien au développement humain, basée

sur une éducation développementale.

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ABSTRACT

Early Childhood Intervention and Developmental EducationFrancine Sinclair

Université du Québec en Outaouais, Québec, Canada

Jacques Naud

Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, Québec, Canada

This article presents reflections based on our experiences over the past twenty

years in basic child development research, and more recently, on our attempt to

transfer knowledge to the sector – to the parents, children and educators in early

childhood development centres. It is based on a socio-genetic vision of development,

which places social transactions at the heart of development. Our adaptation vision

also stems from this metatheoretical perspective. Using principal works that are at

the source of the perspective of enforcement, we attempt to define this concept and

situate it as an intervention principle aiming to support human development. Then,

we examine the inherent limits to approaches that are based on the correction or pre-

vention of problems, and from there, the contributions and needs in terms of

research. Finally, in an effort to integrate these ideas, we propose a few elements that

seem pertinent to the elaboration of human development support programs based

on developmental education.

RESUMEN

La intervención durante los primeros años de la infancia: en pro de unaeducación evolutivaFrancine Sinclair

Universidad de Quebec en Outaouais, Quebec, Canadá

Jacques Naud

Universidad de Quebec en Abitibi-Temiscamingue, Quebec, Canadá

Este artículo presenta una reflexión que surge de nuestra experiencia durante

los últimos veinte años de investigación fundamental sobre el desarrollo del niño, y

más recientemente, de nuestra tentativa de transferir los conocimientos hacia el

medio, es decir, hacia los padres de familia, los niños y las educadoras de las

guarderías. Esta reflexión se basa en una visión socio-genética del desarrollo que

sitúa las transacciones sociales en el centro del desarrollo. A través de ésta perspec-

tiva meta-teórica también se inscribe nuestra visión de la adaptación. A partir de los

principales trabajos que fundamentan la perspectiva del ‘enforcement’, tratamos de

definir éste concepto y de situarlo en tanto que principio de una intervención que

busca apoyar el desarrollo humano. Enseguida, abordamos los límites inherentes de

los enfoques que se legitiman a través la corrección o la prevención de los problemas,

y a partir de ahí, la contribución y necesidades en términos de investigación.

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L’intervention en petite enfance : pour une éducation développementale

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Finalmente, proponemos algunos elementos que nos parecen pertinentes en la elab-

oración de programas de apoyo al desarrollo humano, basados en una educación

evolutiva.

Introduction

Cet article vise à dégager des pistes de réflexion sur le soutien au développe-

ment, à partir d’un cheminement de près de vingt ans en recherche portant d’une

part, sur le jeune enfant et d’autre part, sur des actions de transfert des connais-

sances vers les divers contextes de vie du jeune enfant. Malgré une préoccupation

continue pour l’étude des interactions parent/enfant, éducatrice/enfant et enfant/

enfant, il nous a fallu une quinzaine d’années pour en arriver à se faire une vague

idée de la contribution potentielle des connaissances issues de la recherche, à l’enri-

chissement des divers contextes de vie du jeune enfant. C’est dans le cadre du pro-

gramme d’intervention précoce ÉcoPréscolaire http://w3.uqo.ca/ecopresc (Naud,

Sinclair, Gravel, Pagé, Coutu et Lemay, 2004; Sinclair et Naud, sous presse; Sinclair et

Naud, soumis) que s’est poursuivie notre réflexion sur les paramètres théoriques et

pratiques de transfert de connaissances.

C’est probablement l’étonnante diversité et complexité des composantes des

transactions sociales, jumelées à notre capacité, somme toute fort mince, à identifier

des variables qui permettent de prédire, avec un minimum de certitude le devenir

d’un enfant, que nous pouvons justifier et expliquer la longueur de notre chemine-

ment. En effet, la richesse des contextes de développement humain rend rapidement

caduque toute proposition trop simpliste de soutien aux adultes qui assument des

responsabilités éducatives. Les alternatives sont venues, en partie du moins, de la

persistance des parents à participer, avec leurs enfants, à nos projets de recherche, et

ce, en dépit de notre volonté affirmée de ne pas répondre aux attentes d’évaluation

ou de conseils en ce qui a trait à leurs pratiques parentales. Elle vient également de

notre conviction de considérer les enfants et les adultes qui en sont responsables,

non seulement comme la source des connaissances, mais comme les véritables

experts du développement. Ainsi, le fait de leur offrir des occasions de voir leurs

enfants et leur travail d’éducateurs sous un autre angle, par le biais des mises en si-

tuation d’observation, ou encore de réponses à des questionnements de toutes sortes,

semble avoir été une source de valorisation et d’enrichissement pour eux.

À partir de là, il nous fallait concevoir que l’essence de l’expertise spécifique du

chercheur repose sur la maîtrise et l’élaboration d’outils, capables de révéler la com-

plexité des variables et la richesse de la diversité des Personnes directement engagées

auprès des jeunes enfants. C’est autour de ces prémisses que s’est articulée notre

réflexion : pour une éducation développementale des enfants et des adultes.

Dans un premier temps, nous tenterons donc de définir les concepts de base qui

servent de trame à notre compréhension de l’adaptation et du processus de déve-

30volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

L’intervention en petite enfance : pour une éducation développementale

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loppement humain. Par la suite, nous présenterons les implications d’une telle vision

pour l’intervention éducative qui vise l’enforcement1 du potentiel de la Personne,

ainsi que la contribution de la recherche à l’élaboration de programmes centrés sur

le développement de la Personne et de la communauté. Enfin, à travers des consi-

dérations plus globales, nous effleurerons les enjeux socio-politiques du développe-

ment humain.

Une vision socio-génétique du développement de la Personne

Trop souvent, dans le monde scientifique, nous prenons pour acquis que nous

partageons la même compréhension des concepts auxquels nous faisons référence.

De la même façon, il nous apparaît parfois inutile de situer le cadre métathéorique,

c’est-à-dire le système de croyances qui oriente notre conception du développement

humain. Malgré l’aspect synthétique du propos qui suit – ceci aurait exigé un article

en soi – nous jugeons qu’il s’agit d’un détour obligé, par souci de transparence, de

situer le cadre métathéorique dans lequel s’inscrit notre réflexion.

Qu’est-ce que l’adaptation ou l’inadaptation?Il semble fondamental de resituer l’adaptation en tant que processus et en tant

que résultat ou forme que prend le développement. Pour éviter de s’embourber dans

des définitions arbitraires ou normatives trop limitées au plan culturel, un retour à

une perspective darwinienne nous semble plus saine. Ainsi, l’adaptation est essen-

tiellement, chez les êtres vivants, un processus par lequel l’organisme vivant est con-

sidéré comme un système dynamique ouvert, capable de percevoir certains aspects

de son environnement et de se modifier, de façon à assurer sa survie ou celle des

autres membres de son espèce. Les adaptations sont, de ce point vue, toutes les

formes manifestes de représentations, du moins chez les humains, et d’actions qui

définissent les interactions de l’individu avec son environnement physique ou social.

L’inadaptation devient alors un jugement, à posteriori, de l’incapacité d’un individu

à assurer sa survie. Ce n’est donc pas un critère normatif qui définit l’adaptation ou

l’inadaptation, mais le constat du maintien ou non de l’intégrité biologique de l’in-

dividu (Hardcastle, 1999; Lorenz, 1975; Staddon et Ettinger, 1989).

Les différentes formes d’adaptation et d’inadaptation ne sont comprises qu’à

titre de tentatives du vivant à incarner, sans fin, des formes permettant à l’espèce

d’expérimenter des façons variées d’être et de faire, à l’égard des contraintes

changeantes de l’environnement. Dans cette perspective non téléologique de l’évo-

lution du vivant, c’est dans la diversification des formes d’adaptation, incarnée dans

les individus, que la vie tente d’assurer sa pérennité (Grantham et Nichols, 1999).

31volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Les différentesformes d’adaptation etd’inadaptation ne sontcomprises qu’à titre detentatives du vivant àincarner, sans fin, desformes permettant à

l’espèce d’expérimenterdes façons variées d’êtreet de faire, à l’égard descontraintes changeantes

de l’environnement.

1. Le terme enforcement proposé comme équivalent au terme empowerment vient de la traduction françaisede l’ouvrage monumental de Bandura sur l’auto-efficacité (2003). Ce choix est justifié par l’importancethéorique que prend la perspective de Bandura dans notre texte.

L’intervention en petite enfance : pour une éducation développementale

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C’est la théorie du chaos, en situant les possibles adaptatifs comme des continuités

historiques des individus, compte tenu des contraintes environnementales contem-

poraines exercées (Gleick, 1994), qui semble fournir le modèle théorique le plus

cohérent avec cette vision du développement.

Les transactions sociales comme moteur du développementLa nature grégaire de l’espèce humaine et de certaines autres espèces, donne

aux transactions sociales une place centrale comme lieu où se vit la plupart des défis

adaptatifs de la Personne (Baldwin, 1894; Vygotski, 1978). Plusieurs expliquent même

l’importance du volume du cerveau humain par la complexité des enjeux liés aux

interactions sociales (Bradshaw, 2002). Ainsi, au fil de ses interactions avec les autres

et des réactions qu’elles suscitent, la Personne développe sa « vision du monde »

c’est-à-dire sa compréhension des règles qui régulent l’environnement auquel il doit

s’ajuster (Valsiner et Winegar, 1992; Winegar, 1997). Les transactions sociales sont à

la fois le lieu et le processus par lequel émerge, entre les Personnes en interaction,

une compréhension négociée du monde, compréhension parfois explicite, mais le

plus souvent implicite (Lawrence et Valsiner, 1993). Cette réalité co-construite entre

deux ou plusieurs Personnes est le résultat d’un ajustement interpersonnel

découlant de l’expérience, de l’action ou encore du discours symbolique (Winegar,

1997; Wozniak, 1986; 1993). L’issue du développement dépend donc d’une part, de ce

que sont chacune des Personnes en interaction et de leur compréhension préalable

de leur environnement et d’autre part, de « l’internalisation » particulière que fait la

Personne de ses transactions sociales (Lawrence et Valsiner, 1993; Sinclair, Strayer et

Winegar, 2003).

Dans le même sens, Bronfenbrenner (1996) conçoit que le développement est

contraint par les caractéristiques particulières de la Personne et de son histoire. De

son point de vue, le développement dépend également des Processus, c’est-à-dire

des interactions de la Personne avec son environnement physique et social – ce que

nous avons appelé la transaction sociale – et enfin, du Contexte dans lequel se passe

la transaction. Ce Contexte relèverait de toutes les influences indirectes posées sur

les transactions sociales. Bronfenbrenner (1979) a d’ailleurs proposé ce qui est large-

ment connu comme étant un modèle écologique du développement humain.

Découpé en plusieurs couches systémiques superposées autour de la Personne, ce

modèle permet d’aborder le développement dans toute sa richesse et sa complexité.

Ainsi, l’ontosystème représente le noyau central qui inclut tout ce qui définit la

Personne en tant que système historique ouvert, le microsystème qui tente de cir-

conscrire les dimensions particulières des transactions sociales, véritables moteurs

du développement et finalement, les couches supérieures (le mésosystème, l’exosys-

tème et le macrosystème) qui concernent les règles explicites et implicites qui in-

fluencent indirectement le cadre des transactions sociales.

32volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

L’intervention en petite enfance : pour une éducation développementale

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L’enforcement comme processus de développement de la personne

Les chercheurs contemporains qui s’intéressent au processus d’enforcement ou

d’appropriation (empowerment) s’entendent pour dire qu’il s’agit d’un processus de

conscientisation d’une Personne ou d’une communauté du pouvoir qu’elle peut

exercer sur son devenir (Ouellet, René, Durand, Dufour et Garon, 2000; Thibault,

Jacques et Thibault, 2003; Wallerstein et Berstein, 1994). Nés, entre autres, en réaction

aux interventions de nature compensatoire, les programmes centrés sur l’enforce-

ment proposent d’amener la Personne ou la communauté à prendre et à exercer un

contrôle sur sa vie (Rappaport, 1981). Cependant, à la lecture des recherches récentes

s’inspirant de cette perspective, force est de constater qu’il s’agit d’un concept diffi-

cile à circonscrire et à rendre opérationnel (Bandura, 2003; Ouellet et als, 2000; Saint-

Jacques, Lessard, Drapeau et Beaudoin, 1998). Pour notre part, c’est à partir de la

réflexion socio-politique de Freire, en passant par la conception philosophique de

Rappaport, jusqu’aux écrits récents sur l’efficacité personnelle et collective de Bandura,

que nous allons tenter de définir notre vision de l’enforcement.

À la recherche d’une définition : de Freire à BanduraFreire (1974) dénonce ce qu’il appelle la « conception bancaire » de l’éducation,

conception qui maintient la passivité en forçant la Personne à se conformer à une

réalité normative. Il place cette conception de l’éducation en opposition à celle dite

« conscientisante », dans laquelle on amène la Personne à recouvrer sa capacité d’agir

en développant une conscience critique. Le développement de la pensée critique

chez la Personne, l’incite davantage à se percevoir comme un agent de transforma-

tion. Cette approche s’éloigne d’une vision fataliste en resituant « … le défi comme

un problème lié à d’autres problèmes, dans une optique globale, et non comme

quelque chose de pétrifié, la compréhension qui en résulte tend à devenir progres-

sivement critique, et donc de plus en plus désaliénée » (Freire, 1974, p. 64). L’enfor-

cement est alors un processus d’objectivation d’une réalité historique qui peut être

transformée par la Personne. De ce point de vue, on considère que les compétences

sont déjà présentes chez la Personne ou à tout le moins sont possibles, donnant

assises à des opportunités de développement (Rappaport, 1984). Mais selon Bandura

(2003), pour qu’une Personne se mette en action, il est essentiel de la doter d’une

solide croyance en ses capacités à produire des effets. Ses recherches ont démontré,

par exemple, que les croyances d’efficacité prédisent le niveau de performance

(Bandura, 1993). Pour reprendre les mots de Bandura (2003), « l’enforcement n’est

pas quelque chose d’octroyé par décret, mais est obtenu par le développement de

l’efficacité personnelle qui permet aux individus de tirer profit des occasions et d’éli-

miner les contraintes imposées par ceux dont elles servent les intérêts. » (p. 708). Or,

pour que le sentiment d’efficacité personnelle s’installe, il faut que la Personne per-

çoive qu’il existe non pas une seule solution possible, mais un éventail de solutions

qui, à la limite, peuvent être contradictoires (Rappaport, 1984). La diversité des solutions

émerge du partage des expertises des Personnes qui composent la communauté.

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Inspirés par ce qui précède, nous considérons que l’enforcement est un proces-

sus de développement qui vise à maximiser le potentiel de la Personne, à la fois par

une reconnaissance de son expertise individuelle et par l’appropriation par celle-ci

de l’expertise des autres. Il entraîne une augmentation des croyances d’auto-efficacité

et du potentiel d’action de la Personne ou encore de la communauté. L’enforcement

émerge du développement des connaissances et du partage de connaissances entre

des Personnes ayant des préoccupations semblables, que ces Personnes fassent par-

tie ou non d’une même communauté locale. En d’autres mots, partager les mêmes

intérêts, par exemple, le développement de l’enfant, ne se limite pas à l’apparte-

nance à une même culture.

Implications pour l’intervenante éducative

Depuis une trentaine d’années, au Québec, est apparu bon nombre de pro-

grammes d’intervention précoce. Ces programmes, souvent le fruit d’une traduction

ou d’une adaptation de programmes américains tentent, la plupart du temps, de

combler les déficits constatés ou appréhendés des Personnes, qu’ils s’agissent des

parents, des éducatrices ou des enfants (Bouchard, 1989). Or, selon nous, une inter-

vention centrée sur l’enforcement fait appel, pour être en parfaite harmonie avec

notre définition et notre position métathéorique, à un niveau qui s’inscrit dans un

cadre de valorisation du développement de la Personne, c’est-à-dire d’intervention

éducative.

Mettre l’accent sur la valorisation du développement de la PersonneLe concept de valorisation se distingue à plusieurs égards des approches cura-

tives et préventives. Premièrement, les approches curatives et préventives, justifiées

par l’identification d’un problème, assument que l’expert est extérieur au système.

La Personne y est vue, dans tous les cas, comme plus ou moins adaptée à son envi-

ronnement et le jugement de l’expert est basé sur l’écart à la norme, selon l’un ou

l’autre des critères arbitraires choisis. L’intervention, souvent une proposition

unique, sinon dans la prescription comportementale du moins dans la linéarité du

trajet développemental attendu, vise la correction d’un problème identifié à partir

d’un écart à un prototype comportemental humain, toujours défini en fonction de la

norme, qui sert d’objectif ou de modèle à reproduire. La Personne demeure alors rel-

ativement dépendante du « savoir » de l’expert et tente, tant bien que mal, de

s’adapter au monde « de ceux qui savent » (Freire, 1974). Dans cette perspective, la

source première des connaissances se trouve dans les recherches sur l’inadaptation

ou encore, dans les études épidémiologiques.

Donc, malgré la reconnaissance des dimensions sociales et contextuelles des

problématiques d’adaptation humaine, les programmes visent habituellement une

réduction de la marginalité des personnes ciblées, impliquant une remise en ques-

tion minimale du système social local. De ce point de vue, tout le poids du change-

ment repose presque entièrement sur la Personne qui, dans la plupart des cas, et ce,

34volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

L’intervention en petite enfance : pour une éducation développementale

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malgré le soutien d’un expert (professionnel de l’intervention psychosociale), est la

plus vulnérable et a le moins de ressources pour assumer le changement prescrit.

Cette proposition de changement, dégagée à partir d’une analyse normative, est sou-

vent peu signifiante pour quelqu’un qui se caractérise justement par son écart à la

norme ou encore, par des aspects de son contexte de vie jugés non favorables. Les

faibles taux de réussite des interventions psychosociales et les effets de stigmatisa-

tion rapportés, sont éloquents à cet égard (Hurtubise et Vatz Laaroussi, 1996a). En

somme, le changement proposé offre peu de garanties de correspondance avec le

contexte de vie de la Personne ciblée et donc, rend difficile le maintien et la générali-

sation des acquis. C’est à cette idéologie dominante, que Hurtubise et Vatz Laaroussi

(1996a) nomment « idéologie du problème », que se bute toute proposition de valori-

sation et de développement du potentiel d’action de la Personne.

Par ailleurs, au-delà des catégorisations habituelles des approches préventives

(Landry et Guay, 1987), l’approche de valorisation reconnaît à priori le potentiel

adaptatif de la Personne comme seule base solide de changement (Bouchard, 1989;

Hurtubise et Vatz Laaroussi, 1996b). Cette approche repose sur l’énoncé tautolo-

gique, aux antipodes d’une perspective normative, qui veut que tout être humain est

adapté puisqu’il est vivant. L’expert n’est donc plus à l’extérieur du microsystème,

mais bien enraciné dans le microsystème des interactions humaines, puisque le véri-

table expert ne peut être que la Personne elle-même.

Par conséquent, le défi de l’intervention consiste à rendre accessible, à la

Personne, le plus large éventail d’avenues possibles de développement, de façon à lui

permettre des choix signifiants de son point de vue, tout en maintenant et en assu-

rant son intégration sociale. Or, cet élargissement des perspectives passe par une

description significative de la diversité des modes d’adaptation et des phénomènes

associés au développement. Ainsi, le potentiel individuel défini à partir d’un juge-

ment fondé sur la qualité d’être, sert de point d’ancrage à l’enrichissement de la

Personne. Enfin, l’approche de valorisation n’est pas alimentée par les recherches en

psychopathologie développementale, mais s’appuie sur les recherches descriptives

du développement normal. La valeur centrale d’une telle perspective est la valorisa-

tion des différences comme source d’enrichissement individuel et collectif.

La contribution et le rôle de la recherche dans tout ça…

Les défis pour la recherche sont de taille. En effet, comment rendre compte de

toute la complexité du développement? De notre point de vue, la recherche doit se

recentrer sur l’étude du développement humain en tant que phénomène historique,

c’est-à-dire sur les processus. Ceci implique de reconnaître d’une part, notre diffi-

culté à identifier des facteurs causaux d’adaptation ou d’inadaptation et d’autre part,

notre incapacité à prédire l’issue du développement d’une Personne ou d’un groupe

spécifique de Personnes, d’une communauté spécifique. Le nombre de variables

impliquées et les facteurs contextuels toujours changeants demandent que l’on s’at-

tarde davantage à la description empirique des phénomènes.

35volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

L’intervention en petite enfance : pour une éducation développementale

Le défi de l’intervention consiste à rendre accessible, à

la Personne, le plus large éventail d’avenues

possibles de dévelop-pement, de façon à lui

permettre des choix signifiants de son pointde vue, tout en main-tenant et en assurant

son intégration sociale.

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Or, depuis une dizaine d’années, la compréhension du développement humain

découle principalement de recherches utilisant des mesures indirectes, basées sur la

représentation des sujets. Bien que moins coûteuse, cette approche permet difficile-

ment de vérifier l’adéquation entre la représentation et l’action et leur contribution

à l’adaptation au quotidien. En outre, l’interprétation des résultats, construite à par-

tir d’analyses statistiques basées sur des moyennes, conduit souvent le chercheur à

considérer tout écart à la norme comme un signe d’inadaptation (Strayer, Verissimo

et Manikowska, 1996).

Mais, si par un processus d’enforcement, plusieurs pistes de développement

sont possibles (Rappaport, 1984), comment rendre compte des changements? Nous

croyons que l’utilisation d’une approche observationnelle, descriptive et typologique

du développement humain sont de meilleurs outils pour apprécier les processus de

développement, mais aussi pour examiner la diversité des pistes développementales

et enfin, les liens potentiels entre la représentation et l’action. La centration de la

recherche sur les processus, c’est-à-dire essentiellement sur les transactions sociales,

permet, à notre avis, un transfert rapide et direct vers toute intervention ou action

éducative qui vise à maximiser la valorisation de la diversité et à optimiser l’enforce-

ment du potentiel de la Personne.

Nous croyons que la recherche doit s’attarder à développer des outils d’obser-

vation qui permettent d’identifier les dimensions signifiantes des représentations et

des comportements transactionnels associés au développement. L’intervention ou

l’action éducative consistera, pour sa part, à proposer des contextes permettant de

les transférer à la Personne et aux communautés, afin d’augmenter leur autonomie

et leur créativité pour faire face aux défis adaptatifs.

Implications pour l’élaboration de programmes de soutienau développement humain

Dans leur rapport Un Québec fou de ses enfants, Bouchard (1991) et ses collègues

proposaient, entre autres, certaines mesures spécifiques à l’élaboration de pro-

grammes d’intervention précoce. Ces recommandations, susceptibles de garantir un

meilleur soutien aux adultes et aux enfants ont fait l’unanimité, et ce, autant dans le

monde de la recherche que de l’intervention. Elles ont donné lieu à une éclosion de

recherches et de mesures concrètes, tel le développement du réseau des Centres de

la petite enfance, pour ne mentionner que la plus prégnante. C’est en continuité de

ces actions et à partir de notre expérience dans l’élaboration, l’implantation et l’é-

valuation de programmes, ainsi qu’en complémentarité avec les travaux de nom-

breux autres chercheurs qui s’intéressent au développement de programmes

(Bouchard, 1988; Boutin et Parent, 1988), que nous proposons ici une réflexion sur les

enjeux qui sous-tendent, selon nous, toute action d’éducation développementale

auprès des jeunes enfants et des adultes qui en sont responsables.

36volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

L’intervention en petite enfance : pour une éducation développementale

La centration dela recherche sur les

processus, c’est-à-direessentiellement sur les

transactions sociales,permet, à notre avis, untransfert rapide et direct

vers toute interventionou action éducative qui

vise à maximiserla valorisation de la

diversité et à optimiserl’enforcement du poten-

tiel de la Personne.

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Se centrer sur l’enfant et son devenir Nous croyons que le devenir des enfants est une motivation universelle qui peut

permettre à l’espèce humaine d’entreprendre les virages nécessaires afin d’éviter les

catastrophes décriées à juste titre par les altermondialistes (Minà, 2002). Tous s’en-

tendent pour dire que l’espoir et le défi de la survie de l’espèce reposent sur la soli-

darisation et la créativité des Personnes et des communautés humaines autour des

enfants. Comment voir ailleurs la solution aux défis d’adaptation que relève Chomsky

(2002) : la militarisation de la planète, la destruction de l’environnement, l’affaiblis-

sement de la démocratie et de la liberté? C’est dans un souci constant et collectif et

dans un engagement concret à l’égard des enfants que peut devenir possible un

monde meilleur (Caouette, 1992; 1997). Utopie? Oui, mais avons-nous le choix de ce

rêve obligé pour canaliser notre puissance technologique?

Solidariser les adultes autour du développement de l’enfantLa participation collective à un processus axé sur le développement renforce la

solidarisation des Personnes, solidarisation qui semble, à partir de notre expérience,

déborder du cadre de la participation aux différentes activités proposées par les pro-

grammes et s’étendre à la communauté locale plus large. L’universalisation de l’im-

pact d’un programme passe par l’assurance d’un accès le plus large possible au pro-

gramme, et non pas par la participation obligée à des programmes, déterminée à

partir d’un ensemble de facteurs de risque. En effet, l’enrichissement collectif peut

difficilement émerger de l’obligation de participer à un programme et encore moins,

d’une obligation fondée sur l’attribution et l’admission d’une forme ou d’une autre

de marginalisation sociale. À cet égard, un programme doit éviter à tout prix toute

forme de marginalisation et doit s’intéresser aux communautés locales comme des

touts dynamiques. D’autant plus que la marginalisation et la stigmatisation qui en

découlent se fondent d’abord et avant tout sur la correction sociale, c’est-à-dire

qu’elle amène les Personnes à faire partie « de ceux qui sont corrects ». Est-il néces-

saire de déculotter la Personne pour provoquer un changement? Qui peut se permet-

tre de dire quel type de changement est souhaitable et possible pour une Personne?

Quelle Personne doit changer?

Assurer le soutien au développement de l’enfant par le soutien au développement de l’adulteLe soutien au développement du jeune enfant passe essentiellement par le sou-

tien au développement, outre celui de l’enfant lui-même, des différentes personnes

en interaction avec celui-ci. Ceci inclut les parents, les grands-parents, les éducatrices

ou tous les autres adultes qui côtoient quotidiennement l’enfant. Mais plus encore,

elle implique un soutien à toutes les Personnes qui, à tous les niveaux, prennent des

décisions qui auront une influence directe ou indirecte sur les contextes de vie de

l’enfant. De notre point de vue, les politiques et les structures sociales qui favorisent

un enrichissement des cadres de vie des adultes responsables de l’enfant auront un

impact évident sur l’enrichissement collectif. S’y ajoute la nécessité de considérer ces

adultes (parents, grands-parents, éducatrices, etc.), comme des Personnes en déve-

loppement, au même titre que l’enfant.

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Axer sur l’enforcement comme processus de développementSoutenir le développement de la Personne implique, de notre point de vue, que

les interventions servent d’abord à reconnaître, et ensuite à renforcer le potentiel

d’action de la Personne ou de la communauté. L’enforcement devrait favoriser une

recontextualisation personnelle du développement du jeune enfant à travers l’obser-

vation et l’analyse des enjeux centraux impliqués dans les transactions sociales quo-

tidiennes. À cet égard, nous croyons que d’offrir aux Personnes les possibilités d’ob-

server et d’analyser les principaux enjeux du développement de l’enfant entraîne

cette recontextualisation par laquelle la Personne participante devient la source du

sens (Pourtois et Mosconi, 2002).

Promouvoir la diversité des Personnes et des contextes de vieLa diversité des Personnes impliquées auprès de l’enfant et la diversité des con-

textes de développement (famille biparentale, monoparentale, recomposée, écono-

miquement défavorisée, milieu de garde collectif, familial, etc.) devraient être la pré-

occupation constante des programmes proposés. Nous croyons que de ne pas tenir

compte de la diversité des personnes et des contextes réduit les possibilités d’action

ou de changement de la Personne, celle-ci ne pouvant pas se reconnaître ou retrou-

ver son contexte de vie particulier. D’un point de vue pratique, les programmes d’in-

tervention qui ciblent, par exemple, le développement des compétences parentales

devraient pouvoir s’adresser à toutes les personnes ou contextes de vie familiale

ayant, non pas des « problèmes » avec leur enfant, mais des préoccupations com-

munes, celles d’assurer le développement et le bien-être de leur enfant et de tous les

enfants.

Utiliser la recherche pour le développement de contenusLes programmes d’intervention doivent être alimentés par la recherche. Selon

nous, la recherche qui permet de révéler la diversité des formes d’adaptation est

essentielle au développement des contenus de programmes. C’est à la recherche que

revient le rôle de développer les outils capables de porter un regard sur les dimen-

sions cruciales des représentations et actions humaines pertinentes pour le déve-

loppement de la Personne et des communautés, et ainsi soutenir leur enforcement.

Ceci permettrait de rendre accessible à la communauté locale l’expertise collective.

À titre d’exemple, les recherches portant sur la collaboration parents/éducatrices ont

généré une certaine connaissance des représentations des parents et des éducatrices

en ce qui a trait aux variables qui entravent et facilitent la communication entre ces

adultes. Cependant, peu de recherches se sont intéressées à l’observation des inter-

actions parents/éducatrices de différentes communautés et encore moins de dif-

férentes cultures. Ces observations pourraient nous permettre d’une part, de mieux

saisir les enjeux de la communication entre ces Personnes et d’autre part, de faire le

pont entre la représentation et l’action, tout en présentant un plus large éventail pos-

sible de particularités.

38volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

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Conclusion

Une fois admise, la motivation personnelle comme condition sine qua non d’un

engagement significatif dans un processus de changement, tout programme de sou-

tien au développement de la Personne doit assurer la reconnaissance de l’expertise

individuelle. Seule cette reconnaissance respectueuse, ce « Bonjour à l’Autre »

(Pétrella, 2000) peut permettre l’ouverture nécessaire pour donner accès à toute la

richesse de l’expertise de la communauté.

De plus, en accord avec l’adage africain qui veut « qu’il faille tout un village pour

élever un enfant », les programmes de soutien au développement de l’enfant doivent

s’adresser à toutes les personnes qui assument, directement ou indirectement, des

responsabilités auprès des enfants. Tout programme qui aura comme effet d’aug-

menter l’engagement et la solidarisation des adultes envers les enfants aura un

impact positif sur l’enrichissement des contextes de développement des enfants.

Addenda socio-politiqueC’est dans le cadre général de la « réingénierie » ou de la « modernisation » néo-

libérale de l’État québécois, typique de l’orientation des états les mieux nantis, qu’il

faut, il nous semble, resituer le développement des services à la petite enfance. Déjà,

l’institutionnalisation des services de garde s’ouvre sur la privatisation et l’impu-

tabilité, et ce, à travers des vérifications financières et des contrôles de la « qualité des

services » de plus en plus pointus et contraignants. En attendant de connaître les ga-

gnants, mais surtout les perdants inévitables à ce jeu social pipé, il faudrait, il nous

semble, concevoir l’éducation à l’enfance essentiellement comme un outil de déve-

loppement individuel et collectif. Au-delà de tout slogan néo-libéral qui vise à « être

les meilleurs parmi les meilleurs », l’éducation à l’enfance devrait viser une solidari-

sation autour des enfants... de tous les enfants de la planète! Ceci demande cepen-

dant de replacer le soutien au développement de l’enfant dans un cadre beaucoup

plus large que celui de notre position de bougons-nantis de la petite planète bleue :

« …au cours des vingt dernières années, la part du revenu mondial détenu par

les pays développés … qui représentent 11 % de la population de la planète, est

passée de 75 % à 86 %. C’est-à-dire que nous, 11 % de la population mondiale, pos-

sédons 86 % des richesses du monde, dilapidons 88 % des biens de consommation,

dépensons 92 % de ce qui est investi dans la recherche et le développement, 96 % des

sommes investies dans le développement informatique et 98 % de ce qui est affecté

à la recherche médicale avancée » (Petrella, 2002).

Pendant ce temps, « … l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et

l’agriculture (Food and Agriculture Organisation of the United Nations, FAO) nous a

appris que, le jour même [le 11 septembre 2001], 35 600 enfants étaient morts de

faim, comme cela arrive quotidiennement. » (Esquivel, 2002)

Le chercheur autant que l’éducatrice, le parent autant que tout autre adulte

assumant des responsabilités auprès de l’enfant est aussi, pour subtiliser une appel-

lation de Freire, un « politique » qui, à travers ses interactions avec l’enfant, transmet

des valeurs conformes ou alternatives à l’idéologie dominante. Le développement de

39volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

L’intervention en petite enfance : pour une éducation développementale

Il faudrait concevoirl’éducation à l’enfance

essentiellement commeun outil de déve-

loppement individuelet collectif.

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l’ensemble du programme ÉcoPréscolaire a été pour nous une co-contribution d’un

cadre de soutien au développement humain qui, tout en ayant un impact bien mo-

deste, nous a permis la formulation de principes de recherche et d’élaboration de

programmes d’intervention éducative axés sur le respect de la diversité humaine.

Nous avons cru au potentiel d’action et de créativité individuel et collectif, potentiel

capable de soutenir une espérance dans le développement d’alternatives nom-

breuses et riches à l’égard des défis d’adaptation humaine actuels ou à ceux encore

impossibles à identifier.

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Notes des AuteursLes demandes de tirés à part doivent être adressées à Francine Sinclair, Ph.D.,

Université du Québec en Outaouais, Département des sciences de l’éducation, C.P.

1250, succursale B, Gatineau (secteur Hull), Québec J8X 3X7. La correspondance par

courrier électronique peut être acheminée via Internet à : [email protected]

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L’intervention en petite enfance : pour une éducation développementale

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Évaluation des impacts de l’initiative communautaire 1, 2, 3 Go!

sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leur famille

Élisa DENISUniversité du Québec à Montréal, Québec, Canada

Gérard MALCUITUniversité du Québec à Montréal, Québec, Canada

Andrée PomerleauUniversité du Québec à Montréal, Québec, Canada

RÉSUMÉ

Cette étude mesure les impacts de l’initiative 1,2,3GO! sur les enfants et leur

famille. L’initiative, implantée dans des territoires défavorisés du Grand-Montréal,

vise à promouvoir le développement et le bien-être des enfants 0-3 ans. Deux cueil-

lettes de données, réalisées à deux ans d’intervalle, comparent des cohortes de

familles de cinq territoires 1,2,3GO! (n = 543) à celles de territoires de comparaison

(n = 526). De façon générale, il n’y a pas d’évolution entre les cueillettes. Le déve-

loppement cognitif des enfants des territoires 1,2,3GO! demeure inférieur à celui des

enfants des territoires de comparaison. Les indicateurs de santé et l’environnement

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des enfants des territoires 1,2,3GO! sont plus négatifs. Ils possèdent moins de jouets

éducatifs, passent plus de temps devant la télévision et leurs parents consacrent

moins de temps à jouer avec eux et à leur faire la lecture. À la lumière des résultats, il

semble que 1,2,3GO! n’entraîne pas encore les effets désirés. Les particularités

sociodémographiques des familles expliquent en partie ce constat. Celles des terri-

toires 1,2,3GO! présentent plus de facteurs de risque (précarité du revenu, mono-

parentalité, faible scolarité). Une meilleure utilisation des ressources pour enfants et

une intervention directement axée sur les tout-petits permettraient d’améliorer les

effets de tels programmes communautaires.

ABSTRACT

Evaluation of the Impacts of the 1,2,3GO! Community Project on theDevelopment and Well-Being of Young Children and Their FamiliesElisa Denis, Gérard Malcuit and Andrée Pomerleau

Université du Québec à Montréal, Québec, Canada

This study assesses the impacts of the 1,2,3GO! project on children and their

families. The initiative was established in socially disadvantaged territories of Greater

Montreal to promote the development and well-being of children from 0-3 years old.

Two data collections done two years apart compare cohorts of families from five

1,2,3GO! territories (n = 543) to those of comparison territories (n = 526). Overall,

there was no change in the data. The cognitive development of children in the

1,2,3GO! territories remains inferior to that of children in the comparison territories.

The health and environment indicators of the children in 1,2,3GO! territories are are

less positive. They have fewer educational toys, spend more time watching television,

and their parents spend less time playing with them and reading to them. In light of

these results, it seems that 1,2,3GO! has not yet yielded the desired results. The socio-

demographic features of the families explains part of this finding. Those in the

1,2,3GO! territories have more risk factors (unstable income, low education level, sin-

gle-parent families). Better use of resources for children, and interventions aimed

directly at infants would improve the effects of such community programs.

RESUMEN

Evaluación de los impactos de la iniciativa comunitaria 1,2,3 GO ! sobreel desarrollo y el bienestar de los niños y sus familiasElisa Denis, Gérard Malcuit y Andrée Pomerleau

Universidad de Quebec en Montreal, Quebec, Canadá

Este estudio evalúa los impactos de la iniciativa 1,2,3 GO ! sobre los niños y sus

familias. La iniciativa implantada en las zonas desfavorecidas de Montreal, pretende

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Évaluation des impacts de l’initiative communautaire 1, 2, 3 Go! sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leur famille

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promover el desarrollo y el bienestar de los niños entre 0 y 3 anos. Dos recolecciones

de datos, realizadas con dos años de intervalo, comparan las cohortes de familias de

cinco zonas 1,2,3 GO ! (n = 543) con las de zonas de comparación (n = 526). En forma

general, no hay evolución entre las recolecciones de datos. El desarrollo cognitivo de

los niños de las zonas 1,2,3 GO ! es inferior al de los niños de las zonas de compara-

ción. Los indicadores de salud y el entorno de los niños de las zonas 1,2,3 GO ! son

más negativos. Esos niños poseen menos juguetes educativos, pasan más tiempo

delante de la televisión y sus padres consagran menos tiempo a jugar con ellos y a

leerles libros. Los resultados muestran claramente que 1,2,3 GO ! aun no provoca los

efectos deseados. Las particularidades sociodemográficas de las familias explican

parcialmente dicha constatación. Las familias de las zonas 1,2,3 GO ! presentan más

factores de riesgo (ingreso precario, monoparternidad, baja escolaridad). La mejor

utilización de los recursos dirigidos hacia los niños y una intervención directamente

centrada en los niños permitirían mejorar los efectos de ese tipo de programa comu-

nitario.

Contexte théorique

Dans la dernière décennie, le taux de familles défavorisées a augmenté de près

de 50 % au Québec (Statistique Canada, 2001). Ces familles sont démunies sur le plan

économique. Les parents sont souvent peu scolarisés, ils n’ont pas d’emplois valo-

risants, ils deviennent isolés socialement et ils hésitent à consulter les services d’en-

traide (Duncan & Brooks-Gunn, 2000; McLoyd, 1998; St-Pierre & Layzer, 1998). De

nombreuses études montrent que ces conditions adverses sont fortement associées

à la détérioration de la qualité de l’environnement familial des tout-petits (Bradley,

Corwyn, McAdoo, & García Coll, 2001; Dearing, McCartney, & Taylor, 2001;

Pomerleau, Malcuit, & Julien, 1997). Les effets de la situation précaire de la famille sur

le développement de l’enfant sont indirects. Les parents peuvent éprouver des diffi-

cultés à offrir une nourriture saine et équilibrée pour la santé de l’enfant; la famille

n’a souvent pas accès à un voisinage sécuritaire et à des écoles de bonne qualité. De

plus, le niveau de stimulation et les occasions d’apprentissages dont bénéficient les

enfants dans leur contexte familial sont moindres en comparaison à ceux dont béné-

ficient les enfants de milieux plus aisés (Dearing et al., 2001; Garrett, Ng’andu, &

Ferron, 1994). Les conséquences de la pauvreté sont lourdes à porter pour les en-

fants. Dès la naissance, ils ont un état de santé fragile. On retrouve chez eux une forte

incidence de petit poids à la naissance, d’infections, de handicaps permanents et

même de mortalité (Benn & Garbarino, 1992; St-Pierre & Layzer, 1998).

La façon dont les enfants se développent et apprennent dépend des interactions

continuelles entre leur condition biologique et leurs expériences avec les éléments

physiques et sociaux de l’environnement (Anderson et al., 2003). Plusieurs études

montrent que le nombre de facteurs de risque que présente la famille est fortement

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Évaluation des impacts de l’initiative communautaire 1, 2, 3 Go! sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leur famille

La façon dont lesenfants se développentet apprennent dépend

des interactions continuelles entre leurcondition biologique etleurs expériences avec

les éléments physiqueset sociaux de

l’environnement

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relié à la qualité du développement de l’enfant, et particulièrement à celle de son

développement cognitif (Ackerman, Izard, Schoff, Youngstrom, & Kogos, 1999; Ramey

& Ramey, 1998; Bastien et al., 2002). Des chercheurs soulignent que le nombre de fac-

teurs de risque se révélerait plus important pour prédire le développement de l’en-

fant que le type particulier de risque (Ackerman, Schoff, Levinson, Youngstrom, &

Izard, 1999; Gutman, Sameroff, & Cole, 2003; Wachs, 2000).

Afin d’atténuer l’effet des facteurs de risque sur le développement des enfants,

des études montrent l’importance de programmes d’intervention préventive qui ten-

tent de suppléer les manques existants (Anderson et al., 2003; Arnold & Doctoroff,

2003; Campbell & Ramey, 1994; DiPietro, 2000; McLoyd, 1998; Ramey & Ramey, 1998;

St-Pierre & Layzer, 1998). Les programmes visent à créer un environnement physique

stimulant avec des jouets variés et du matériel éducatif approprié à l’âge des enfants,

ainsi que des occasions d’exploration dans un contexte sécuritaire. Des activités

ludiques diversifiées permettent une stimulation nécessaire à l’acquisition d’ha-

biletés motrices, sociales, langagières et cognitives. Il devient primordial d’agir sur

l’environnement physique et social dans lequel évoluent les enfants, puisque celui-

ci est directement lié à la qualité de leur développement (Bastien et al., 2002; Bradley,

Corwyn, Burchinal, McAdoo, & García Coll, 2001; Garrett et al., 1994; Gillespie, Pelren,

& Twardosz, 1998; Sénéchal, LeFevre, Thomas, & Daley, 1998). Les programmes

doivent favoriser, chez les parents et les familles, l’acquisition d’habiletés pour

répondre de façon efficace aux besoins de leurs enfants. C’est la variété et la qualité

des interactions parent-enfant qui, sur une longue période, influencent le dévelop-

pement de l’enfant (Gutman et al., 2003).

Parmi les programmes de promotion et de prévention, de plus en plus nom-

breux sont ceux qui empruntent une démarche d’appropriation (empowerment)

selon laquelle les individus accèdent à un contrôle et participent aux décisions de

leur communauté (Anderson et al., 2003; Bouchard, 2000; Chavis & Wandersman,

1990; Peters, Petrunka, & Arnold, 2003). Cependant, peu de ces programmes ont pour

objectif de favoriser le bien-être de tous les enfants d’une communauté donnée (St-

Pierre & Layzer, 1998). Dans une perspective universelle de prévention, le pro-

gramme est élaboré pour prévenir chez tous les enfants d’éventuels problèmes

cognitifs, émotionnels ou comportementaux. Deux types de programmes universels

sont identifiés : ceux qui ciblent un contexte, par exemple, une école ou un quartier

en particulier, et ceux qui s’étendent au niveau d’une province, d’un état ou d’un

pays (Offord, 1996). À ce jour, il y a peu d’études d’évaluation de ces deux types de

programmes, surtout ceux qui visent spécifiquement les jeunes enfants (Offord,

1996; Webster-Stratton & Taylor, 2001).

Le projet Partir d’un bon pas pour un avenir meilleur de Ray Peters (Better

beginnings, better futures, Peters et al., 2003) apparaît comme un précurseur de ces

programmes. En œuvre depuis 1991, le projet est implanté dans 11 communautés

ontariennes. Il s’adresse aux enfants âgés de 0 à 4 ans ou de 4 à 8 ans, et à leur famille

vivant dans des milieux socio-économiques défavorisés où les risques de problèmes

de développement sont élevés. Le Ministère des services sociaux et des services com-

munautaires de l’Ontario accorde des subventions aux communautés retenues pour

47volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Évaluation des impacts de l’initiative communautaire 1, 2, 3 Go! sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leur famille

Afin d’atténuer l’effetdes facteurs de risquesur le développement

des enfants, des étudesmontrent l’importance

de programmes d’inter-vention préventive quitentent de suppléer les

manques existants

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qu’elles mettent sur pied un projet local de prévention. Par une approche globale de

promotion du développement des enfants, le projet vise à enrayer, ou à diminuer, les

problèmes émotionnels et les problèmes de comportement. Il cible aussi le soutien

aux familles et l’éducation des parents afin qu’ils répondent de façon efficace aux

besoins des enfants. Finalement, la communauté oriente ses actions vers le voisinage

en élaborant des programmes de qualité qui tiennent compte des besoins parti-

culiers des citoyens. Le projet favorise la participation des parents et des autres rési-

dents en tant que partenaires dans le processus de planification, d’élaboration et de

mise en œuvre des programmes et autres activités (Pancer, Cornfield, & Amio, 1999;

Peters et al., 2000; Peters et al., 2003). Après cinq ans d’implantation, les résultats

montrent des progrès significatifs chez les enfants, chez les parents et dans le voisi-

nage par rapport à ceux des communautés de comparaison. Les chercheurs notent

une diminution des problèmes émotionnels et des problèmes de comportement,

une amélioration du fonctionnement social et de l’état de santé des enfants. Seule

leur performance à divers tests de développement cognitif ne montre pas d’amélio-

ration significative. Ils observent aussi un meilleur état de santé chez les parents, un

fonctionnement familial plus harmonieux, ainsi que des progrès au niveau de la

qualité du voisinage et des écoles (Peters et al., 2003).

L’initiative québécoise 1,2,3GO! s’inscrit dans cette perspective (Bouchard,

2000; Damant, Bouchard, Bordeleau, Bastien, & Lessard, 1999). Elle vise le rassem-

blement des citoyens de la communauté autour d’un but commun : celui de con-

tribuer au bon développement des tout-petits âgés de 0 à 3 ans. L’initiative 1,2,3GO!

poursuit trois objectifs complémentaires : 1) promouvoir le développement physique,

cognitif, social et affectif des enfants, 2) promouvoir le soutien aux parents et 3) sou-

tenir les efforts des communautés pour offrir aux familles un environnement stimu-

lant et chaleureux. Le promoteur de l’initiative, Centraide du Grand-Montréal, a ral-

lié des partenaires afin d’appuyer les efforts de mobilisation de six communautés de

la région de Montréal où l’initiative a été implantée. Chacune de ces communautés a

identifié ses propres besoins et formulé un plan d’action particulier pour les rencon-

trer. Le plan devait cependant respecter les principes directeurs de l’initiative. La

communauté devait mobiliser des acteurs variés et, surtout, favoriser la participation

des parents à toutes les étapes de la démarche. Le plan d’action devait aussi propo-

ser des stratégies pour rejoindre les enfants et les familles présentant les plus grands

besoins.

La présente étude a pour but d’évaluer l’impact de cette expérience communau-

taire sur le développement cognitif, la santé et l’environnement proximal des tout-

petits. L’initiative 1,2,3GO! s’appuie sur un modèle d’organisation hiérarchique du

développement de l’enfant. Selon ce modèle, un enfant se développe en se construi-

sant des compétences aux niveaux social, émotif et cognitif. Celles-ci lui permettent

alors de s’adapter à son environnement et de se préparer à l’acquisition de compé-

tences ultérieures. Les apprentissages réalisés pendant la petite enfance formeraient

la base des intégrations futures (Benn & Garbarino, 1992; DiPietro, 2000), d’où l’im-

portance des interventions préventives qui s’inscrivent le plus tôt possible dans la vie

des enfants (Bastien et al., 2002; Ramey & Ramey, 1998). L’initiative 1,2,3GO! s’appuie

48volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Évaluation des impacts de l’initiative communautaire 1, 2, 3 Go! sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leur famille

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aussi sur une approche écologique qui sous-tend que le développement des enfants

est le produit de l’interaction avec leur environnement familial proximal et de condi-

tions plus distales qui se répercutent sur leur environnement immédiat (Ackerman,

Izard et al., 1999; Wachs, 2000). Quoique les plans d’action diffèrent d’une commu-

nauté à l’autre, ils illustrent l’adhésion de chacune à cette approche. En effet, leurs

objectifs particuliers se retrouvent à ces différents niveaux. Par exemple, un même

territoire conçoit des programmes de stimulation pour enfants, crée des services de

soutien pour parents et améliore la qualité des terrains de jeu. Un autre met en place

des milieux de garde pour enfants, des cuisines collectives et des moyens de trans-

port pour accéder aux services communautaires.

La recherche évaluative globale porte sur l’impact de l’initiative 1,2,3GO! sur les

diverses cibles visées : les enfants, les familles, les intervenants en petite enfance et la

communauté (Bouchard, 2000). Les territoires font l’objet de quatre vagues biennales

d’évaluation afin de décrire l’évolution des mesures dans le temps. La présente étude

porte sur les enfants et les familles de cinq des six territoires où l’initiative a été im-

plantée. Nous comparons ces territoires à cinq autres présentant des caractéristiques

sociodémographiques similaires, mais qui ne participent pas à l’initiative. Un terri-

toire n’a pu être évalué en raison de difficultés linguistiques. Un grand nombre de

familles qui y résident ne parlent ni le français, ni l’anglais. Seules les deux premières

vagues d’évaluation complétées à ce jour font l’objet de la présente étude. Si l’initia-

tive a les effets escomptés, les familles des territoires 1,2,3GO! devraient obtenir, à la

deuxième vague, de meilleurs résultats aux mesures de bien-être des enfants

(développement cognitif, santé) et aux mesures d’environnement stimulant et pro-

pice à leur plein développement (jouets éducatifs, activités ludiques, ressources pour

enfants) que les familles des territoires de comparaison. Nous considérons aussi le

cumul de facteurs de risque que présentent les familles afin d’examiner leurs liens

avec les mesures évaluatives.

Méthode

Participants et participantesMille soixante-neuf familles ayant un enfant âgé entre 20 et 42 mois participent

à l’étude. Elles sont recrutées à deux moments de mesure à deux ans d’intervalle

(cueillettes 1 et 2). Le groupe d’intervention se compose de 543 familles choisies au

hasard parmi la population de cinq territoires du Grand Montréal touchés par l’ini-

tiative 1,2,3GO! Deux de ces territoires se trouvent en milieu urbain, deux en milieu

suburbain et un en milieu rural. Ces territoires sont sélectionnés parce qu’ils présen-

tent des taux élevés de facteurs socio-économiques peu favorables à la qualité du

développement des jeunes enfants (précarité du revenu familial, faible scolarité des

parents et forte incidence de monoparentalité). Les 526 autres familles constituent le

groupe de comparaison. Elles proviennent de cinq territoires choisis en raison de la

similarité de leurs caractéristiques sociodémographiques à celles des premiers. Le

Tableau 1 présente le nombre de familles dans chacun des territoires 1,2,3GO! et de

comparaison.

49volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Évaluation des impacts de l’initiative communautaire 1, 2, 3 Go! sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leur famille

Si l’initiative a leseffets escomptés, les

familles des territoires1,2,3GO! devraient

obtenir, à la deuxièmevague, de meilleurs

résultats aux mesures de bien-être des enfants

(développement cognitif, santé) et aux

mesures d’environ-nement stimulant etpropice à leur plein

développement (jouetséducatifs, activités

ludiques, ressources pour enfants) que les

familles des territoiresde comparaison

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Tableau 1 : Nombre de familles selon les milieux et les moments dans les territoires

1,2,3GO! et de comparaison

Nous recrutons les familles entre mars 1998 et novembre 2001. L’équipe de

recherche soumet au préalable une demande à la Commission d’accès à l’informa-

tion. Une fois la demande acceptée, la Régie de l’assurance maladie du Québec est

autorisée à nous fournir le nom et l’adresse des familles ayant un enfant âgé entre 20

et 42 mois. Les familles reçoivent une lettre sollicitant leur participation. La lettre

présente brièvement le projet. Elle indique qu’il vise à mieux comprendre ce qui

entoure la vie des parents et celle des tout-petits, pour ainsi identifier ce qui favorise

le développement des enfants dans la communauté. Les buts de la recherche, la

durée de la visite, ainsi que le type de mesures utilisées y sont également présentés.

La lettre souligne la confidentialité des données recueillies et la liberté du parent de

mettre fin à sa participation en tout temps. Quelques jours plus tard, la coordonna-

trice contacte les familles par téléphone. Celles qui possèdent un numéro confiden-

tiel ou qui n’ont pas le téléphone reçoivent une seconde lettre, si elles n’ont pas

d’elles-mêmes communiqué avec l’équipe deux semaines après le premier envoi.

Cette lettre les informe de notre incapacité à les joindre et leur demande d’entrer en

contact avec nous, si le projet les intéresse. Lors du contact téléphonique, la coor-

donnatrice explique de façon plus détaillée la recherche. Si les parents acceptent de

participer, elle fixe un rendez-vous pour une rencontre à leur domicile. À cette occa-

sion, un des parents signe le formulaire de consentement.

Le taux de participation représente le nombre de familles dans l’échantillon

divisé par le nombre de familles contactées, moins celles non admissibles. Une

famille n’est pas admissible si elle déménage hors du territoire ciblé avant le rendez-

vous, si l’enfant est âgé de moins de 20 mois ou de plus de 42 mois, si le parent ou

l’enfant ne comprennent ni le français ni l’anglais, si l’enfant est hospitalisé, handi-

capé ou diagnostiqué avec un retard de développement. Dans l’ensemble des terri-

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Territoires

1, 2, 3, GO! Comparaison

Urbains 1 44 49

Urbains 2 69 57

Suburbains 1 58 47

Suburbains 2 58 57

Ruraux 49 51

Urbains 1 50 56

Urbains 2 49 44

Suburbains 1 66 52

Suburbains 2 57 72

Ruraux 43 41

Cueillette 1

Cueillette 2

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toires 1,2,3GO!, 46 % des familles acceptent de participer et 43 % dans les territoires

de comparaison.

DéroulementLa visite à domicile dure environ deux heures et demie. L’évaluatrice aide le pa-

rent à remplir les questionnaires. Elle administre l’échelle de développement Bayley

(1993) au moment où elle juge l’enfant apte à fournir une attention soutenue. Toutes

les données sont vérifiées, codifiées et entrées à l’ordinateur à l’aide d’un programme

informatique.

Nous offrons au parent un montant de 20 dollars et un jouet à l’enfant (pâte à

modeler) pour les remercier de leur participation. Si le parent souhaite recevoir de

l’information sur le développement de l’enfant, l’évaluatrice communique avec lui

quelques semaines plus tard pour présenter un bilan de l’évaluation.

MesuresLes données proviennent de questionnaires, de tests standardisés et de grilles

d’observation. Elles donnent de l’information sur les caractéristiques sociodémo-

graphiques de la famille, le niveau de développement de l’enfant, son état de santé

général et son environnement physique et social.

Caractéristiques sociodémographiques

Un questionnaire rempli par le parent à la fin de la visite recueille de l’informa-

tion sur le lieu de naissance de la mère, son âge, son niveau de scolarité, le revenu

familial annuel et la source principale du revenu. Des questions portent sur la

présence ou non d’un conjoint, son lien avec l’enfant, son origine, la nature de son

emploi et sa scolarité. Dans les analyses, nous utilisons le niveau de scolarité et l’âge

de la mère.

Développement de l’enfant

Nous évaluons le développement cognitif de l’enfant à l’aide de l’échelle men-

tale de développement de Bayley (Bayley, 1993). Elle porte sur les habiletés percep-

tives, mnémoniques, verbales et de résolution de problèmes de l’enfant. L’échelle

fournit un résultat normalisé (moyenne de 100, écart type de 15). Son degré de

cohérence interne varie de 0,78 à 0,83. Les évaluatrices reçoivent une formation

préalable de façon à assurer une standardisation de l’administration de l’échelle. De

plus, pour 4,1 % des évaluations, deux personnes font simultanément et indépen-

damment les cotations. La moyenne des accords inter-juges est 89,6 %.

Santé de l’enfant

Un questionnaire recueille de l’information sur l’état de santé général de l’en-

fant, son âge gestationnel et ses paramètres staturo-pondéraux à la naissance. Il nous

informe aussi sur la présence de pratiques parentales favorables à un état de santé

optimal de l’enfant. Trois indicateurs sont retenus dans l’étude : le poids à la naissance,

le nombre de semaines de gestation et l’indice pondéral (poids à la naissance/

semaines de gestation).

51volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

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Environnement de stimulation

Une fiche évalue la disponibilité de matériel de jeu pour l’enfant. Par conversa-

tion avec le parent et par observation, l’évaluatrice note la présence de différents

types de jouets : jouets qui stimulent le langage et l’audition, tels les livres, les jeux

sonores et les instruments de musique; jouets qui encouragent la performance, tels

les casse-tête, les jeux de construction, les objets à encastrer et les legos. Pour cette

étude, nous considérons le nombre de livres et de casse-tête puisqu’ils sont forte-

ment en relation avec le développement de l’enfant (Gillespie et al., 1998; Sénéchal

et al., 1998). La fiche précise la durée des périodes qu’un adulte consacre à jouer avec

l’enfant à la maison et à lui faire la lecture. Le parent y note aussi le temps que l’en-

fant passe à regarder la télévision. Lors de la première cueillette, nous demandons au

parent le nombre d’heures par semaine consacré à ces activités et à la seconde, le

nombre de minutes par jour.

Utilisation des ressources pour enfants

Un questionnaire évalue quels services reliés à son développement physique et

social (garderie, joujouthèque, bibliothèque, heure du conte, activités de stimula-

tion) fréquente l’enfant. Lors de la première cueillette, le parent indique si l’enfant se

fait garder, lors de la seconde, il spécifie quel type de service de garde est principale-

ment utilisé (garderie, halte-garderie, milieu familial, par un proche).

Des questionnaires ne faisant pas l’objet de la présente étude portent sur le pa-

rent (stress parental, réseau de soutien social, pratiques éducatives, etc.) et sur sa

perception du voisinage (sentiment d’appartenance à la communauté, cohésion

sociale de la communauté, salubrité et propreté du voisinage, attitudes des résidents

à l’égard des tout-petits et des familles, etc.).

Résultats

Avant les analyses inférentielles, nous procédons à des tests de normalité et

d’homogénéité de la variance des données. Les résultats montrent que ces condi-

tions sont respectées. Nous réalisons des analyses Khi-carré (_2) et des tests de Fisher

sur les variables catégorielles pour identifier les différences entre les territoires

1,2,3GO! et ceux de comparaison à chaque cueillette de données. D’autres analyses

_2 permettent de vérifier l’évolution des mesures dans le temps pour chacun des

groupes. Des analyses de la variance factorielle portent sur les variables continues.

Des données manquantes expliquent le nombre variable d’enfants et de familles

dans les analyses. Leurs nombres apparaissent dans les tableaux et les figures.

Dans un premier temps, nous comparons le profil sociodémographique des

familles de l’ensemble des territoires 1,2,3GO! et des territoires de comparaison, les

mesures de développement, de santé et de l’environnement de stimulation des tout-

petits, ainsi que l’utilisation des ressources pour enfants par les familles aux cueil-

lettes 1 et 2. Dans un deuxième temps, nous examinons si chaque paire de territoires

évolue de la même façon que l’ensemble des territoires 1,2,3GO! et de comparaison

à ces mesures.

52volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Évaluation des impacts de l’initiative communautaire 1, 2, 3 Go! sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leur famille

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Profil sociodémographiqueLes analyses des données sociodémographiques montrent que les familles des

territoires 1,2,3GO! diffèrent de celles des territoires de comparaison (voir Tableau 2).

Tableau 2 : Caractéristiques sociodémographiques des familles dans les territoires

1, 2, 3, GO! et de comparaison

Les mères des territoires 1,2,3GO! sont plus jeunes, F(1, 1056) = 6,89, p < 0,01, un

plus grand nombre d’entre elles sont monoparentales, Fisher, p < 0,001, elles sont

moins scolarisées, _2(5, N = 1059) = 39,89, p < 0,001, et elles ont un revenu familial

inférieur, _2(6, N = 1016) = 24,39, p < 0,001. Aucune différence n’est observée entre les

territoires pour l’âge et le sexe des enfants. Les analyses n’indiquent pas non plus de

différence entre les deux cueillettes de données.

Le portrait sociodémographique de chaque paire de territoires se compare à

celui de l’ensemble des territoires 1,2,3GO! et de comparaison. Les analyses mon-

trent cependant un changement entre les deux cueillettes pour le territoire 1,2,3GO!

53volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Évaluation des impacts de l’initiative communautaire 1, 2, 3 Go! sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leur famille

Âge de la mère (n = 1060)

Territoires

1, 2, 3, GO! Comparaison

< 20 ans

20-25 ans

26-30 ans

31-35 ans

36-40 ans

> 40 ans

Primaire

Secondaire 1 et 2

Secondaire 3, 4 et 5

Secondaire professionnel

Cégep

Université

< 10 000 $

10 000 $ à 14 999 $

15 000 $ - 19 999 $

20 000 $ - 29 999 $

30 000 $ - 39 999 $

40 000 $ - 60 000 $

> 60 000 $

6

150

160

129

76

18

150

15

40

238

53

119

74

64

104

53

76

74

88

54

1,1

27,8

29,7

23,9

14,1

3,3

27,7

2,8

7,4

44,2

9,8

22,1

13,7

11,8

19,2

9,8

14,0

13,6

16,2

9,9

6

103

149

168

69

26

99

6

18

180

45

135

136

37

69

41

78

87

112

79

1,2**

19,8**

28,6**

32,2**

13,2**

5,0**

18,9***

1,2***

3,5***

34,6***

8,7***

26,0***

26,2***

7,0***

13,1***

7,8***

14,8***

16,5***

21,3***

15,0***

n % n %

Monoparentalité (n = 1066)

Scolarité de la mère(n = 1059)

Revenu familial annuel brut(n=1016)

**p < 0,01 *** p < 0,001

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urbain1 et le territoire de comparaison urbain1. Dans le premier cas, les analyses

indiquent que les mères de la seconde cueillette sont plus jeunes que celles de la pre-

mière, F(1, 192) = 4,40, p < 0,05. Dans le second, elles montrent une diminution du

taux de monoparentalité de la première à la deuxième cueillette (de 37,5 % à 17,9 %),

seuil de signification de Fisher, p < 0,05. Finalement, les familles de la seconde cueil-

lette du territoire 1,2,3GO! suburbain1 ont un revenu familial inférieur à celui des

familles de la première cueillette, _2(6, N = 120) = 21,06, p < 0,01.

Développement cognitif des enfantsL’analyse des résultats de développement cognitif des enfants à l’échelle men-

tale de Bayley (1993) montre une différence entre les résultats des enfants des terri-

toires 1,2,3GO! et ceux des territoires de comparaison, F(1, 965) = 5,63, p < 0,05. Tel

qu’il apparaît à la Figure 1, les enfants des territoires 1,2,3GO! ont des résultats

inférieurs à ceux des autres enfants et ce, aux deux cueillettes de données. Nous ne

notons aucune différence entre les moments de mesure.

Figure 1 : Résultats de développement cognitif des enfants selon les moments dans

les territoires 1,2,3GO! et de comparaison.

On retrouve aussi cette différence entre les territoires 1,2,3GO! et de comparai-

son pour les résultats de développement dans les territoires urbains1, F(1, 168) =

2,96, p = 0,087, et urbains2, F(1, 183) = 17,28, p < 0,001. De plus, les résultats de

développement des enfants des territoires urbains1 augmentent d’une cueillette à

l’autre, F(1, 168) = 4,50, p < 0,05. L’interaction territoire x moment, F(1, 168) = 3,99,

p < 0,05, souligne que le résultat moyen des enfants du territoire 1,2,3GO! reste stable,

alors que celui du territoire de comparaison augmente. Dans les territoires subur-

bains (1 et 2) et ruraux, les différences ne sont pas significatives et les résultats ne

changent pas entre les deux cueillettes.

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L’outil d’évaluation permet de distribuer les résultats de développement des

enfants en quatre catégories (performance accélérée, moyenne, avec retard léger ou

retard significatif). La distribution des résultats en ces catégories indique une forte

proportion d’enfants classés dans les catégories retard (léger : entre 1 et 2 écarts types

sous la moyenne; significatif : plus de 2 écarts types sous la moyenne). Nous retrou-

vons, respectivement, aux cueillettes 1 et 2, 32 % et 38,3 % des enfants des territoires

1,2,3GO! dans ces catégories, alors que cette proportion est 28,2 % aux deux

moments de mesure chez les enfants des territoires de comparaison. La différence de

distribution entre les groupes à la première cueillette n’est pas significative, mais elle

l’est à la seconde, _2(3, N = 481) = 10,17, p < 0,05.

Comme le profil sociodémographique des familles des territoires 1,2,3GO! se

distingue de celui des autres familles, nous avons créé une variable cumul de risques

afin de prendre en considération cette disparité des groupes. Nous retenons comme

facteurs de risque la précarité du revenu familial (selon le seuil de pauvreté établi par

le revenu familial brut annuel, le nombre de personnes qui composent la famille et

le secteur de résidence), la sous-scolarisation (moins de 12 ans de scolarité) et la

monoparentalité. Chaque famille présente 0, 1, 2 ou 3 de ces facteurs de risque. Plus

de 55 % des familles des territoires 1,2,3GO! présentent un cumul de 2 et 3 facteurs de

risque, contre 37 % des familles des territoires de comparaison (voir Figure 2). Cette

différence entre les groupes est significative, _2(3, N = 1061) = 37,43, p < 0,001.

Figure 2 : Distribution des facteurs de risque selon les territoires 1,2,3GO! et de com-

paraison : pourcentage de familles à chaque niveau de risque.

Lorsque nous comparons le développement cognitif des enfants des différents

territoires en tenant compte du cumul des facteurs de risque, nous observons que les

résultats de développement sont associés à cette variable à la première cueillette,

F(3, 474) = 32,95, p < 0,001, et à la deuxième, F(3, 473) = 28,10, p < 0,001. À des niveaux

de risque équivalents, la différence entre les résultats des enfants des territoires

1,2,3GO! et de comparaison disparaît.

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Indicateurs de santéL’indicateur de prématurité se définit par un âge gestationnel inférieur à 37 se-

maines et celui de petit poids, par un poids à la naissance inférieur à 2500 grammes.

Les analyses ne montrent pas de différence entre les groupes dans le nombre d’en-

fants prématurés ou de petit poids à la naissance. Seuls les territoires urbains2 dif-

fèrent dans le taux de prématurité, Fisher, p < 0,05 (1,2,3GO! : 15,9 %; comparaison :

1,9 %). Dans l’ensemble des territoires, les taux de ces deux indicateurs diminuent à

la seconde cueillette. Le test de Fisher, p < 0,05, indique cependant que cette diminu-

tion n’est significative que pour le nombre d’enfants de petits poids du groupe

1,2,3GO!, passant de 10,2 % à 5,0 %. Les taux de prématurité et de petit poids à la nais-

sance ne sont pas reliés au cumul de risques.

Globalement, l’analyse de la variance de l’indice pondéral (poids à la naissance/

semaines de gestation) ne révèle pas de différence entre les groupes. Pour les données

de la cueillette 1, l’indice pondéral diminue avec le cumul de risques, F(3, 498) = 3,00,

p < 0,05. De plus, nous notons que l’indice augmente d’une cueillette à l’autre, F(1, 1029)

= 9,60, p < 0,01. Le ratio poids à la naissance sur nombre de semaines de gestation

s’améliore. Cette évolution se retrouve dans les territoires urbains1, F(1, 181) = 12,48,

p < 0,001, et suburbains1, F(1, 216) = 4,36, p < 0,05. Pour les territoires suburbains1,

une interaction territoire x moment, F(1, 216) = 4,30, p < 0,05, indique que l’amélioration

se retrouve dans le territoire de comparaison, mais non dans le territoire 1,2,3GO!

Résultat composite de l’environnement proximalAfin d’augmenter la puissance des analyses statistiques sur des éléments précis

du contexte de vie, nous regroupons les variables de l’environnement proximal en un

résultat composite. Les moyennes de chaque variable se retrouvent au Tableau 3.

Tableau 3 : Moyennes des aspects de l’environnement proximal de l’enfant selon les

moments dans les territoires 1, 2, 3 GO! et de comparaison

56volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

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Temps de jeu (min./jr) (n=1046)

Temps de lecture (min./jr) (n=1056)

Temps de télévision (min./jr) (n=1066)

Territoires

1, 2, 3, GO! Comparaison

Cueillette 1

Cueillette 2

Cueillette 1

Cueillette 2

Cueillette 1

Cueillette 2

Cueillette 1

Cueillette 2

Cueillette 1

Cueillette 2

M ÉT M ÉT

Nombre de livres (min./jr) (n=1014)

Nombre de casse-tête(min./jr) (n=1046)

118,5

89,4

23,5

17,2

94,8

92,2

21,7

24,2

6,0

5,1

97,0

68,5

28,9

15,8

80,6

67,9

22,9

22,4

7,4

5,6

126,1

90,9

28,6

18,2

71,9

76,0

25,5

28,8

5,6

5,3

106,0

68,8

36,8

17,7

59,3

58,1

25,8

25,6

6,0

5,0

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Les corrélations de Pearson indiquent des relations positives et significatives

entre toutes les variables à l’exception du temps de télévision (voir Tableau 4). Cette

donnée est donc traitée séparément. Nous créons un résultat composite global d’en-

vironnement positif pour le développement de l’enfant qui inclut le nombre de livres

et de casse-tête ainsi que la durée de jeu et de lecture.

Tableau 4 : Corrélations entre les aspects de l’environnement proximal de l’enfant

Nous transformons ensuite ces variables en cotes z et calculons l’indice de

cohérence interne. Le regroupement environnement positif, qui inclut quatre va-

riables, obtient un alpha de 0,55. Nous calculons le résultat composite en faisant la

somme des cotes z. Les analyses de la variance des cotes z indiquent une cote d’en-

vironnement positif plus élevée dans les familles des territoires de comparaison que

dans les familles 1,2,3GO!, F(1, 999) = 4,29, p < 0,05. Globalement, dans les territoires

de comparaison, les parents offrent un environnement de stimulation plus propice

au bon développement de leur enfant, soit davantage de jouets éducatifs et de temps

accordé à l’enfant. Cette différence s’observe aussi entre les territoires urbains1,

F(1, 173) = 13,23, p < 0,001, et, de façon marginale, entre les territoires suburbains2,

F(1, 228) = 2,88, p = 0,091. Pour l’ensemble des territoires, le résultat diminue à la se-

conde cueillette, F(1, 999) = 19,12, p < 0,001. Ce changement est présent dans les ter-

ritoires suburbains2, F(1, 228) = 7,81, p < 0,01, et ruraux, F(1, 179) = 11,89, p < 0,001.

La différence entre les deux cueillettes est probablement due à un artéfact de mesure.

L’unité temporelle utilisée pour la durée de jeu et de lecture change (heures/semaine

vs minutes/jour). Nous observons aussi que la cote d’environnement positif diffère

avec le cumul de facteurs de risque, F(3, 961) = 20,07, p < 0,001. En tenant compte de

ce facteur, la différence entre les territoires 1,2,3GO! et de comparaison à la cote d’en-

vironnement positif disparaît.

À chaque cueillette, les enfants des territoires 1,2,3GO! passent plus de temps à

regarder la télévision que les autres, F(1, 520) = 9,56, p < 0,01 et F(1, 522) = 4,61,

p < 0,05. Cette différence se retrouve entre les territoires urbains1, F(1, 194) = 3,35,

p = 0,069, urbains2, F(1, 215) = 15,62, p < 0,001, suburbains1, F(1, 217) = 7,55, p < 0,01,

et suburbains2, F(1, 240) = 4,19, p < 0,05. Dans les territoires ruraux, l’interaction ter-

ritoire x moment, F(1, 180) = 5,13, p < 0,05, souligne que les enfants du territoire

1,2,3GO! regardent moins la télévision à la seconde cueillette qu’à la première, alors

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Évaluation des impacts de l’initiative communautaire 1, 2, 3 Go! sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leur famille

Variables 1 2 3 4 5

1. Temps de jeu ,– 0,43*** 0,13*** 0,13*** 0,10***

2. Temps de lecture ,– 0,04 0,11*** 0,12***

3. Temps de télévision ,– -0,14*** -0,07*

4. Nombre de livres ,– 0,49***

5. Nombre de casse-tête ,–

* p <0,05 ***p<0,001

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que ceux du territoire de comparaison la regardent plus. Par ailleurs, l’analyse sur

l’ensemble des territoires ne montre pas de changement entre les deux moments de

mesure. La variable cumul de risques est reliée au temps passé à regarder la télévi-

sion (première cueillette : F(3, 520) = 2,27, p = 0,080; seconde cueillette : F(3, 522) =

6,52, p < 0,001). Plus les familles cumulent des facteurs de risque, plus le temps

d’écoute de la télévision chez les enfants augmente. Cependant, la différence entre

les territoires se maintient lorsque le cumul de risques est pris en considération.

Utilisation des ressources pour enfantsPlus de 70 % des enfants se font garder par des personnes autres que leurs pa-

rents. Globalement, les analyses ne montrent pas de différence entre les territoires

1,2,3GO! et les territoires de comparaison, ni entre les cueillettes. Seuls les territoires

urbains2 diffèrent de façon significative, Fisher, p < 0,001. Moins d’enfants du terri-

toire 1,2,3GO! se font garder régulièrement (61,9 % vs 83 %). Cependant, tel que le

révèle la cueillette 2, le type de services de garde principalement utilisé diffère, _2(3,

N = 388) = 8,02, p < 0,05. Les enfants des territoires de comparaison fréquentent

davantage un centre de la petite enfance (CPE) que les enfants des territoires

1,2,3GO! (30,8 % vs 23,3 %). Nous retrouvons cette différence dans les territoires

urbains (1 et 2), _2(3, N = 77) = 8,26, p < 0,05 et _2(3, N = 66) = 13,51, p < 0,01. De plus,

les analyses indiquent une relation significative avec le cumul de facteurs de risque

dans les territoires 1,2,3GO!, _2(9, N = 193) = 27,99, p < 0,001 et les territoires de com-

paraison, _2(9, N = 195) = 25,62, p < 0,01. La proportion d’enfants qui se font essen-

tiellement garder dans un CPE où est offert un programme éducatif spécifique

diminue avec le cumul de risques.

En moyenne, une trentaine d’enfants sur 100 fréquentent au moins un service

communautaire, tel la joujouthèque (5,3 %), la bibliothèque (22,7 %), l’heure du

conte (4 %) ou les activités de stimulation (12,9 %). Les analyses ne révèlent pas de

différence entre les territoires, ni entre les cueillettes. Seuls les territoires ruraux se

distinguent de façon significative avec un seuil de signification de Fisher, p < 0,001.

Plus d’enfants du territoire 1,2,3GO! utilisent au minimum un service communau-

taire (1,2,3GO! : 57,6 %; comparaison : 30,4 %). Le taux de fréquentation des services

communautaires diminue avec le cumul de risques dans l’ensemble des territoires

1,2,3GO!, _2(3, N = 541) = 8,18, p < 0,05, mais pas dans les territoires de comparaison.

Discussion

Notre étude visait à examiner les impacts de l’initiative communautaire

1,2,3GO! sur le développement et le bien-être des enfants et sur leur famille. Les don-

nées d’évaluation ne révèlent pas de résultats concluants. Les enfants et les familles

des territoires 1,2,3GO! se distinguent de ceux des territoires de comparaison, mais la

différence favorise généralement ces derniers. De plus, les territoires 1,2,3GO!

n’évoluent pas de façon positive d’une cueillette à l’autre au niveau du développe-

ment cognitif des enfants, de leur santé, de l’environnement familial aménagé par les

58volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

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parents ni au niveau de la fréquentation des ressources qui favorisent le développe-

ment des tout-petits.

La disparité des indices sociodémographiques entre les territoires 1,2,3GO! et

ceux de comparaison peut, en partie, expliquer les résultats moins favorables

obtenus dans les territoires 1,2,3GO! Un plus grand nombre de familles de ces terri-

toires cumulent des facteurs de risque, tels la précarité du revenu, la monoparenta-

lité et la faible éducation de la mère. De plus, les indicateurs sociodémographiques

des territoires de comparaison tendent à s’améliorer à la seconde cueillette, alors que

c’est l’inverse pour ceux de 1,2,3GO! Ces variables pourraient expliquer pourquoi les

enfants et les familles se portent mieux dans les territoires de comparaison. Les pro-

moteurs de l’initiative ont choisi les territoires qui présentaient des taux élevés de

facteurs liés de façon adverse à la qualité du développement des enfants pour

implanter 1,2,3GO! Le choix des territoires de comparaison s’est fait à partir des

mêmes critères. Cependant, les territoires 1,2,3GO! présentaient les plus grands

besoins et ces caractéristiques moins favorables incitent à considérer les comparai-

sons entre les territoires avec prudence.

En étant plus nombreuses que les familles des territoires 1,2,3GO! à ne présenter

aucun facteur de risque sociodémographique, celles des territoires de comparaison

bénéficient généralement de meilleures conditions de vie et subissent moins de pres-

sions économiques (Ackerman, Izard, et al., 1999; Dearing et al., 2001). Les parents

qui ont un revenu précaire sont susceptibles d’avoir une santé émotionnelle instable,

d’être irritables ou dépressifs, et ainsi de se montrer moins attentifs à leur enfant,

moins aptes à interagir de façon appropriée avec lui et à offrir un cadre d’expériences

et d’apprentissages adéquat (Garrett et al., 1994). De plus, un revenu précaire con-

traint la famille à se loger dans un quartier peu favorable pour assurer la qualité du

développement de l’enfant (Bradley, Corwyn, McAdoo et al., 2001; Pomerleau,

Malcuit, Moreau, Bastien, & Bouchard, 2001).

Les familles des territoires 1,2,3GO! offrent un environnement moins stimulant

pour assurer le plein développement des enfants. Ces derniers possèdent moins de

livres, ils passent moins de temps à jouer ou à lire avec un adulte. En corollaire, ils

passent plus de temps à regarder la télévision. La recherche montre qu’une situation

économique difficile affecte de nombreux aspects de l’environnement familial des

enfants, tels la qualité de l’environnement physique, les occasions d’apprentissage et

le niveau de stimulation (Bradley, Corwyn, McAdoo et al., 2001). Ces divers éléments

du contexte de vie de l’enfant sont également connus pour être fortement reliés au

développement des enfants (Bradley, Corwyn, McAdoo et al., 2001; Garrett et al.,

1994). Un enfant exposé à des livres et à la lecture a l’occasion de développer ses

habiletés langagières. Il acquiert du vocabulaire et améliore sa compréhension ver-

bale (Gillespie et al., 1998; Sénéchal et al., 1998; Verreault, Pomerleau, & Malcuit,

accepté). Le temps que consacrent les parents à jouer avec leur enfant lui donne l’oc-

casion de hausser ses compétences en améliorant sa coordination visuo-motrice,

grâce aux casse-tête par exemple (Huston, Wright, Marquis, & Green, 1999). De plus,

même si la relation entre le temps passé à regarder la télévision et le développement

des enfants n’est pas claire, des études montrent que plus un enfant regarde la télévi-

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sion, moins il consacre de temps à d’autres activités plus enrichissantes (Bianchi &

Robinson, 1997; Huston et al., 1999) et plus il risque d’avoir des difficultés d’attention

plus tard (Christakis, Zimmerman, DiGiuseppe, & McCarty, 2004).

Les données indiquent également que les enfants des territoires 1,2,3GO! sont

moins nombreux à fréquenter un CPE. Chez les familles qui cumulent plus de fac-

teurs de risque, la mère, souvent moins scolarisée, reste au foyer et ne considère pas

pertinent de recourir à un tel service pour son enfant. D’ailleurs, les coûts d’accès à

un service de garde peuvent se révéler prohibitifs pour elle. La recherche révèle que

les jeunes enfants qui fréquentent des services de garde de qualité avec contenus

pédagogiques ont de meilleures performances langagières et cognitives (Arnold &

Doctoroff, 2003). L’ensemble de ces éléments de l’environnement est moins positif

pour les enfants des territoires 1,2,3GO! Ceci peut expliquer leur niveau de dévelop-

pement cognitif inférieur à celui des enfants des territoires de comparaison. La qua-

lité des expériences que les enfants vivent à l’intérieur et à l’extérieur de la maison est

associée aux conditions socio-économiques des familles (Pomerleau et al., 1997;

Ramey & Ramey, 1998). Les différences obtenues favorisent généralement les terri-

toires de comparaison puisque les familles présentent un profil sociodémographique

moins défavorable. D’ailleurs, les différences disparaissent lorsque nous comparons

les groupes à des niveaux de risque équivalents.

Les mesures d’évaluation montrent que peu de changements surviennent d’une

cueillette à l’autre chez les enfants et les familles des territoires 1,2,3GO! Nous n’ob-

servons aucune amélioration au niveau du développement cognitif des enfants. De

plus, principalement chez ceux des territoires urbains, des retards inquiétants appa-

raissent. Ces données indiquent qu’ils se situent sur une trajectoire d’échec et prédi-

sent des difficultés majeures à leur entrée à l’école. Il semble que l’initiative 1,2,3GO!

ne permette pas, pour le moment, de modifier cette trajectoire. Peut-être qu’en lais-

sant s’écouler plus de temps suite à l’implantation et qu’en ciblant davantage des

habiletés particulières chez les enfants, des changements pourraient se produire au

sein de la population d’enfants. La recherche montre que pour obtenir des change-

ments sur le plan cognitif, il est important d’impliquer les parents dans l’intervention

afin qu’ils répondent aux besoins de leur enfant et le stimulent efficacement, mais il

importe aussi que les actions s’adressent directement à l’enfant (Campbell & Ramey,

1994; Ramey & Ramey, 1998; St-Pierre & Layzer, 1998; Verreault et al., accepté).

À la lumière du changement noté d’une cueillette à l’autre sur l’environnement

de stimulation offert aux enfants, on pourrait conclure à une détérioration dans les

territoires 1,2,3GO! On constate que les parents offrent moins de livres aux enfants et

passent moins de temps à lire ou jouer avec eux. Une diminution semblable apparaît

dans les territoires de comparaison. Cette baisse traduit, en partie, un artéfact

méthodologique. D’une cueillette à l’autre, nous avons modifié les paramètres de

deux mesures sur ces données. L’unité temporelle utilisée pour la durée de jeu et de

lecture est passée du nombre d’heures par semaine au nombre de minutes par jour.

Le deuxième mode de mesure aurait entraîné une baisse d’estimation de la durée

moyenne. En conservant la même unité pour les cueillettes subséquentes, il sera

possible de noter si de réels changements surviennent.

60volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Évaluation des impacts de l’initiative communautaire 1, 2, 3 Go! sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leur famille

La recherche montreque pour obtenir deschangements sur le

plan cognitif, il estimportant d’impliquer

les parents dans l’inter-vention afin qu’ils

répondent aux besoinsde leur enfant et le

stimulent efficacement,mais il importe aussi

que les actionss’adressent directement

à l’enfant

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Nous constatons aussi que les taux de participation aux divers services commu-

nautaires n’augmentent pas avec le temps. On peut se questionner sur la mise en

place de ces services, leur promotion, leur disponibilité et leur accessibilité. La

recherche révèle qu’une disponibilité limitée ou la difficulté d’accès à des services

pour la famille contribue au stress des parents qui ont peine à trouver de l’aide pour

répondre à leurs besoins (Sampson & Morenoff, 1997). Par ailleurs, le recours à des

services qui offrent des interventions éducatives et des expériences de stimulations

intensives auprès des jeunes enfants entraîne des effets positifs sur leurs compé-

tences cognitives (Ramey & Ramey, 1998). La faible participation des enfants aux res-

sources et services qui visent leur bon développement ne contribue guère à amélio-

rer leur performance.

Au niveau de la santé des enfants, nous observons que l’indice pondéral s’amé-

liore de la première à la seconde cueillette et que les taux de bébés nés prématuré-

ment ou de bébés de petits poids tendent à diminuer, tant dans les territoires

1,2,3GO! que dans ceux de comparaison. Des programmes, tels OLO et Naître Égaux-

Grandir en Santé, proposés par la majorité des CLSC qui offrent des soins périnataux

à des populations à risque, peuvent expliquer que les indicateurs de santé des en-

fants s’améliorent avec le temps puisque tous les territoires progressent de la même

façon. Avant d’observer des impacts particuliers de l’initiative 1,2,3GO! sur ces indi-

cateurs, il faut attendre encore. En effet, nous évaluons des enfants âgés entre 20 et

42 mois. Si l’initiative a un quelconque impact à ces niveaux, celui-ci se situe néces-

sairement durant la période de gestation des enfants, soit entre deux et quatre ans

avant les prises de mesures. À la première cueillette, l’initiative n’était implantée

dans certains territoires que depuis environ deux ans. Les enfants les plus âgés qui

ont participé étaient donc déjà nés au moment de l’implantation de l’initiative. À

partir de la deuxième cueillette, nous aurions pu observer une évolution particulière

dans les territoires 1,2,3GO!, mais, si effet il y a, le changement pourrait être plus

probant aux cueillettes subséquentes.

Dans les milieux défavorisés, les facteurs qui nuisent au développement et au

bien-être des enfants sont nombreux. Il devient difficile de modifier l’environnement

de façon à obtenir des effets mesurables à court terme. L’initiative 1,2,3GO! s’adresse

à toute la population et vise, de façon idéale, des changements auprès des enfants,

des parents, des intervenants et de la communauté. L’équipe de recherche a rencon-

tré des familles et évalué des enfants résidant dans les territoires où a été implantée

l’initiative. Ceux-ci ne participaient pas nécessairement de façon directe aux activités

qu’elle génère. Il est difficile d’obtenir cette information puisque des familles peu-

vent profiter de services sans savoir qu’ils sont le fruit de 1,2,3GO!, alors que d’autres

peuvent fréquenter des ressources déjà existantes qui font la promotion de 1,2,3GO!

et croire ainsi qu’elles en résultent. Peut-être que des enfants ayant participé directe-

ment à des activités issues de l’initiative ont amélioré leur performance cognitive,

mais ces résultats se perdent parmi ceux des enfants qui n’en ont pas bénéficié. Nous

aurions pu nous attendre à observer des changements d’abord chez les parents, dans

l’utilisation des ressources pour enfants et dans l’aménagement de l’environnement

familial, pour ensuite espérer une amélioration au niveau du développement des

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enfants. Cependant, les données des deux premières cueillettes ne révèlent pas une

telle évolution.

Nous avons aussi considéré chaque paire de territoires comme une expérimen-

tation spécifique puisque chacune des communautés 1,2,3GO! élaborait un plan

d’action qui répondait à ses propres besoins. Nous aurions pu croire que certaines

actions mises en place dans l’un ou l’autre des territoires auraient été plus efficaces

que d’autres. Cependant, les résultats montrent que tous les territoires se compor-

tent de façon similaire. De façon générale, peu de changements surviennent chez les

enfants et leur famille. En dépit d’actions diverses, les effets ne varient pas d’une

communauté à l’autre. L’initiative a pour objectif de modifier le sort de tous, à plu-

sieurs niveaux et avec relativement peu de moyens. On peut supposer qu’il serait plus

efficace de travailler sur des objectifs précis, avec des moyens appropriés. Des

chercheurs ont montré l’importance de confier le programme à des intervenants

qualifiés, d’offrir une structure et un contenu éducatif, d’optimiser l’intensité des

activités et d’impliquer parents et éducateurs (Anderson et al., 2003; Peters et al.,

2003; St-Pierre & Layzer, 1998).

En somme, une intervention appropriée devrait favoriser la disponibilité et l’ac-

cessibilité des ressources pour les familles afin qu’elles répondent à leurs besoins.

Elle devrait sensibiliser les parents à la pertinence de les utiliser et de participer aux

diverses activités proposées pour leur enfant. Elle devrait également amener les pa-

rents à développer leurs compétences parentales, à fournir des soins adéquats à leur

enfant et à lui offrir un environnement stimulant afin d’optimiser son développe-

ment. De plus, nous savons maintenant qu’il importe aussi d’agir directement

auprès des enfants si nous souhaitons élaborer des programmes efficaces afin que les

enfants et leur famille se développent harmonieusement (Ramey & Ramey, 1998;

St-Pierre & Layzer, 1998).

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Évaluation des impacts de l’initiative communautaire 1, 2, 3 Go! sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leur famille

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Notes des auteursElisa Denis, Gérard Malcuit et Andrée Pomerleau, Laboratoire d’étude du nour-

risson, Département de psychologie, Université du Québec à Montréal

Cette étude représente une partie de la thèse de doctorat de la première auteure.

La recherche a été réalisée grâce à des subventions des organismes suivants :

Fondation McConnell, Fondation Alcan, FCAR, CRSH, Régie régionale Laval, Régie

régionale Montérégie, Ministère de la santé et des services sociaux, Centraide,

GRAVE-ARDEC. Nous tenons à souligner la contribution de tous les chercheurs impli-

qués dans l’équipe : Camil Bouchard, Jacques Moreau, Nathalie Bastien, Dominique

Damant; l’excellent travail de la coordonnatrice Marie-France Bastien; ainsi que

celui des collaboratrices, étudiantes de doctorat et évaluatrices. Nous aimerions

aussi remercier les familles et leurs enfants qui ont accepté de participer à l’étude.

Pour toute correspondance concernant cet article, s’adresser à Elisa Denis,

Département de psychologie, Université du Québec à Montréal, C.P. 8888, Succursale

Centre-ville, Montréal, (Québec), Canada, H3C 3P8. Adresse courriel : elisa_denis@

hotmail.com

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Évaluation des impacts de l’initiative communautaire 1, 2, 3 Go! sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leur famille

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Un programme de préventiondestiné à la petite enfance :

ses effets sur les enfants, les familles et la communauté

Yves HERRYUniversité d’Ottawa, Gatineau, Canada

RÉSUMÉ

Partir d’un bon pas pour un avenir meilleur est un programme de prévention

des problèmes affectifs et comportementaux destiné aux enfants de moins de huit

ans vivant dans des communautés ontariennes socioéconomiquement défavorisées.

Une équipe de chercheurs évalue depuis 1991 l’impact des programmes du projet sur

les enfants, les familles et la communauté. Cet article présente les résultats de l’étude

huit ans après le début du projet. Après les quatre premières années, les chercheurs

ont observé une augmentation des comportements prosociaux, une amélioration de

la santé des enfants, une diminution des problèmes comportementaux et une

diminution du nombre d’enfants en difficulté. Quatre ans plus tard, la diminution

des comportements liés à l’hyperactivité et à la diminution du nombre d’enfants en

difficulté se sont maintenues. Cependant, le programme n’a pas eu d’effets sur le

développement cognitif des élèves.

Page 70: Nouvelles tendances à l’égard de la petite enfance1,2,3 GO!sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leurs familles Élisa DENIS, Gérard MALCUIT, Andrée POMERLEAU

ABSTRACT

A Prevention Program for Young Children: Its Effects on the Children,Families and the CommunityYves Herry

University of Ottawa, Ottawa, Ontario

Better Beginnings, Better Futures is a program whose purpose is to prevent emo-

tional and behaviour problems. It is designed for children under eight years old who

live in socially and economically disadvantaged Ontario communities. Since 1991, a

team of researchers has been evaluating the impact of this project’s programs on

children, their families and the community. This article presents the results of the

study eight years after the beginning of the project. After the first four years,

researchers observed an increase in pro-social behaviour, an improvement in the

children’s health, a decrease in behavioural problems, and a decrease in the number

of children having difficulties. Four years later, a decrease in behaviour problems

linked to hyperactivity and a decrease in the number of children having problems

remains stable. However, the program has not had any effects of the students’ cogni-

tive development.

RESUMEN

Un programa de prevención destinado a la infancia : sus consecuenciassobre los niños, las familias y la comunidadYves Herry

Universidad de Ottawa, Ottawa, Ontario

Partir bien hacia un futuro mejor es un programa de prevención de problemas

afectivos y de comportamiento destinado a los niños menores de ocho años que

viven en las comunidades socioeconómicamente desfavorecidas de Ontario. Un

equipo de investigadores evalúa desde 1991 el impacto de los programas de dicho

proyecto sobre los niños, las familias y la comunidad. Este artículo presenta los resul-

tados del estudio ocho años después de haberse iniciado el proyecto. Después de los

primeros cuatro años, los investigadores observaron un aumento de comportamien-

tos pro-sociales, un mejoramiento de la salud de los niños, una disminución de

problemas de comportamiento y una disminución del número de niños con proble-

mas. Cuatro años más tarde, la disminución de los comportamientos asociados a la

hiperactividad y la disminución del número de niños con problemas permanecieron

constantes. Sin embargo, el programa no tuvo incidencias sobre el desarrollo cogni-

tivo de los alumnos.

68volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Un programme de prévention destiné à la petite enfance : ses effets sur les enfants, les familles et la communauté

Page 71: Nouvelles tendances à l’égard de la petite enfance1,2,3 GO!sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leurs familles Élisa DENIS, Gérard MALCUIT, Andrée POMERLEAU

Introduction

Cet article s’intéresse à un programme de prévention des problèmes affectifs et

comportementaux destiné aux enfants de moins de huit ans vivant dans des com-

munautés ontariennes socioéconomiquement défavorisées. Ce projet, intitulé Partir

d’un bon pas pour un avenir meilleur (http://bbbf.queensu.ca/index_f.html), a germé

pendant les années 80 avec la publication des documents Ontario Child Health Study

(ministère des Services sociaux et communautaires de l’Ontario, 1983) et Investing in

children (ministère des Services sociaux et communautaires de l’Ontario, 1988). Ces

documents soulevaient, entre autres, des inquiétudes concernant le taux élevé d’en-

fants d’âge scolaire ayant des troubles affectifs et comportementaux. Le contenu de

ces rapports a permis au ministère des Services Sociaux et Communautaires de

l’Ontario (1989) de développer un modèle de prévention des troubles affectifs et

comportementaux au sein de communautés défavorisées, qui incluait la mise en

œuvre, par les communautés, de programmes financés par le gouvernement. La mise

en place des programmes a débuté en 1991.

Le projet Partir d’un bon pas inclut un volet programmes et un volet recherche.

Le volet programmes est développé et géré par des équipes locales intégrées à cha-

cun des sites participant au projet. Les programmes offerts poursuivaient trois objec-

tifs principaux, soit :

1. prévenir les difficultés comportementales, émotionnelles, physiques et cogni-

tives chez les enfants habitant des communautés socioéconomiquement

désavantagées;

2. promouvoir le développement optimal de l’enfant dans chacun de ces

champs;

3. habiliter les familles à répondre adéquatement aux besoins des enfants.

Pour atteindre ces objectifs, les communautés devaient miser sur l’intégration

des services offerts et sur la participation active des membres de la communauté

(principalement les parents) dans le choix, la conception et la gestion des pro-

grammes mis en place.

Le volet recherche est sous la responsabilité d’une équipe de chercheurs dirigée

par l’Université Queen’s qui est indépendante des équipes chargées de la section pro-

grammes. Il vise l’évaluation de l’atteinte des objectifs des programmes, 1) en éva-

luant l’impact des programmes du projet sur les enfants, les familles et la commu-

nauté; 2) en décrivant le déroulement et l’évolution du projet, et 3) en évaluant les

coûts et les retombées financières du projet. Le volet recherche a débuté en 1991 et

prévoit le suivi pendant 25 ans d’un groupe de jeunes enfants ayant bénéficié des

programmes pendant les quatre premières années de leur mise en œuvre. Cela fait

donc près de 14 ans que notre équipe suit l’évolution du projet.

Le présent article veut faire le point sur les principaux résultats observés au

cours de ces 14 premières années du projet. Il résume les effets observés chez les

enfants, les familles et la communauté lors des diverses phases de l’évaluation du

69volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Un programme de prévention destiné à la petite enfance : ses effets sur les enfants, les familles et la communauté

Cet article s’intéresseà un programme

de prévention des problèmes affectifs et

comportementaux destiné aux enfants de

moins de huit ans vivant dans des com-

munautés ontariennessocioéconomiquement

défavorisées.

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programme Partir d’un bon pas pour un avenir meilleur, ainsi que les effets du pro-

jet sur la participation des membres de la communauté dans la gestion du projet. Cet

article veut donc offrir au lecteur une vision d’ensemble du projet, de ses étapes et de

ses résultats, et non pas le présenter dans tous ses détails, ce qui serait trop long pour

un article1.

Le projet Partir d’un bon pas pour un avenir meilleur est unique. Il constitue la

première étude longitudinale au Canada portant sur un programme de prévention

basé sur une conception écologique du développement communautaire (Peters &

Russell, 1994). En effet, Partir d’un bon pas offre des programmes tenant compte de

l’enfant, de la famille et de la communauté. Le projet offre une participation active

aux membres de la communauté, principalement aux parents, dans le choix, la con-

ception et la gestion des programmes mis en place. De plus, l’évaluation de ce projet

ne porte pas uniquement sur quelques aspects du développement de l’enfant, mais

se veut holistique, en incluant les divers domaines de développement de l’enfant, les

caractéristiques parentales et celles de la communauté. Finalement, contrairement

aux autres projets de recherche dans le domaine de la prévention, il ne vise pas un

groupe restreint d’enfants, mais tous les enfants et les familles d’un quartier dans les

limites d’âge imposées par le gouvernement. La recherche a suivi et suit encore

quelques 1157 enfants et leur famille, incluant les groupes de comparaison. Les pro-

grammes, quant à eux, sont offerts à 5334 enfants dans les huit communautés visées.

Le projet Partir d’un bon pas constitue une intervention novatrice dans le domaine

de la prévention des problèmes sociaux, susceptible de contribuer au renouvelle-

ment des pratiques sociales. Les chercheurs documentent chaque aspect du pro-

gramme afin de fournir des indications facilitant l’implantation de tels projets dans

d’autres communautés.

Les communautés participant à Partir d’un bon pas

Le gouvernement ontarien a choisi huit communautés pour participer au pro-

jet Partir d’un bon pas, dont cinq ont mis en place des programmes centrés sur les

besoins des enfants de moins de 4 ans et trois ont instauré des programmes centrés

sur les besoins des enfants âgés entre 4 et 8 ans. Pour être choisies, les communautés

devaient présenter une demande au gouvernement en justifiant les besoins de la

communauté pour un tel projet. Chaque communauté devait aussi démontrer sa

capacité à intégrer les services existants et à assurer la participation des agences dans

l’élaboration et la mise en œuvre de nouveaux programmes. Elle devait aussi démon-

trer sa capacité à favoriser la participation des membres de la communauté, princi-

palement les parents, dans l’élaboration et la gestion des programmes offerts.

70volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

1. Le lecteur qui désirerait obtenir plus de détails peut le faire en consultant les rapports anglais suivants : Peters, Arnold, Petrunka, Angus, Brophy, Burke, Cameron, Evers, Herry, Levesque, Pancer, Roberts-Fiati, Towsonet Warren, 2000; Peters, Petrunka, Angus, Arnold, Bélanger, Boyce, Brophy, Burke, Craig, Currie, Evers, Herry,Khan, Kocher, Mamatis, Nelson, Pancer, Russell et Towson (2003).

Un programme de prévention destiné à la petite enfance : ses effets sur les enfants, les familles et la communauté

Le présent articlerésume les effetsobservés chez les

enfants, les familles et la communauté lors

des diverses phases del’évaluation du pro-

gramme Partir d’un bonpas pour un avenir

meilleur, ainsi que leseffets du projet sur la participation des

membres de la com-munauté dans la

gestion du projet.

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Les programmes offerts par le projet Partir d’un bon pas

Chaque site étant responsable de sa programmation, le nombre de programmes

établis par les sites de Partir d’un bon pas varie entre 11 et 26. Ces programmes se

regroupent autour de trois grands axes : les visites à domicile, les services de garde de

qualité et les programmes éducatifs préscolaires et scolaires. Les programmes de vi-

sites à domicile étaient offerts par tous les sites visant les enfants âgés entre 0 et 4 ans.

Ils offraient un soutien aux mères pendant et après la grossesse. Les visites avaient

lieu au domicile, mais il était fréquent que les personnes travaillant au sein de ces

programmes accompagnent les parents à divers rendez-vous (médecins, immigra-

tion, régie du logement, etc.). Les programmes axés sur la qualité des services de

garde visaient à augmenter la gamme de services offerts aux enfants et aux parents et

à améliorer la qualité des services. Cela se faisait par l’entremise d’une augmentation

du personnel et des ressources matérielles, par une formation offerte aux éducatri-

ces, par la création de services de garde à l’improviste et de services de garde pendant

les journées de congé. Les programmes éducatifs préscolaires et scolaires ont été

surtout mis en place dans les sites visant les enfants âgés entre 4 et 8 ans. Ils pre-

naient principalement la forme de programmes d’animation et d’enrichissement

scolaires offerts dans les écoles. Ils visaient à optimiser le développement scolaire des

enfants. Finalement, les sites offraient une gamme de services axés sur les besoins

des enfants, comme les programmes de petits déjeuners et de dîners, des groupes de

jeu, des cours de langues ancestrales et des activités les jours de congé (les journées

pédagogiques, les fins de semaines et l’été).

Les études antérieures à Partir d’un bon pas

Au cours des quinze dernières années, on note un intérêt croissant de la part de

la communauté éducative envers l’impact des années préscolaires sur le développe-

ment de la personne et à l’endroit des programmes de prévention ou d’intervention

visant la population préscolaire. De plus, l’intérêt se porte sur des programmes

reposant sur un modèle écologique centré sur l’ensemble des domaines de

développement de l’enfant et sur l’ensemble de la communauté (par exemple, le pro-

jet 1, 2, 3, Go! de Centraide du Grand Montréal; Bouchard, 2000). On retrouve des

recensions d’études portant sur les effets des programmes de prévention ou d’inter-

vention visant le sain développement des jeunes enfants et de leur famille et accor-

dant une attention particulière aux familles à statut socioéconomique faible. Par

exemple, Mrazek et Brown (2002) ont identifié 32 études répondant à des critères de

qualité concernant la méthodologie et le processus d’évaluation du programme. La

plupart de ces études sont américaines, seulement deux étaient canadiennes et une

seule a évalué les effets à long terme. De plus, la plupart de ces projets se concentrent

sur un domaine de développement, comme le développement cognitif ou le déve-

loppement social. Très peu d’études tiennent compte de l’ensemble des champs de

développement des enfants et aucune ne tient compte à la fois des enfants, des parents

et de la communauté (Peters et al., 2003).

71volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Un programme de prévention destiné à la petite enfance : ses effets sur les enfants, les familles et la communauté

Au cours des quinzedernières années, on

note un intérêt croissantde la part de la com-

munauté éducativeenvers l’impact des

années préscolaires surle développement de la

personne et à l’endroitdes programmes de

prévention ou d’intervention visant lapopulation préscolaire.

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La recension des écrits n’a donc pas permis d’identifier des programmes dont

les visées étaient aussi vastes que celles de Partir d’un bon pas. Les projets recensés

offraient souvent des programmes qui touchaient une gamme de services, mais ils

s’intéressaient aux effets des programmes dans un champ de développement spéci-

fique. Ces projets se centraient soit sur les visites à domiciles (ex. The Elmira Nurse

Home Visitation Program : Olds, 1997; Olds et al., 1997), sur les services de garde

(Carolina Abecedarian Project : Campbell & Ramey, 1995), sur les programmes édu-

catifs préscolaires (the High Scope Perry Preschool Program : Schweinhart, Barnes,

Weikart, Barnett & Epstein, 1993), sur des programmes de développement des habile-

tés sociales et de la résolution de problèmes (Tremblay, Masse, Pagani & Vitaro, 1996).

De façon générale, ces programmes produisent peu d’effets à court terme. Le

Elmira Nurse Home Visitation Program a contribué à une diminution du nombre

d’enfants victimes d’abus. Le Carolina Abecedarian Project et le High Scope Perry

Preschool Program ont trouvé une amélioration significative du quotient intellectuel

des enfants et le programme de développement des habiletés sociales de Tremblay et

al. (1996) n’a pas produit d’effets significatifs à court terme. Cependant, les effets à

long terme de ces programmes sont plus prometteurs. Trois de ces programmes ont

produit une amélioration significative de la performance scolaire (le Carolina

Abecedarian Project, le High Scope Perry Preschool Program et le programme de

développement des habiletés sociales de Tremblay et al.). Trois programmes ont

également contribué à une diminution des comportements liés à la délinquance

juvénile (Le Elmira Nurse Home Visitation Program, le High Scope Perry Preschool

Program et le programme de développement des habiletés sociales de Tremblay et

al.). Le Elmira Nurse Home Visitation Program a également conduit à une diminution

du tabagisme et de la consommation d’alcool et de drogues. Finalement, les enfants

ayant participé au High Scope Perry Preschool Program avaient de meilleurs emplois

et de meilleurs salaires que les enfants du groupe témoin. Il faut souligner que ces

programmes n’étaient pas soumis à une évaluation holistique visant à la fois les

enfants, les parents et la communauté, comme le fait Partir d’un bon pas. Il se peut

donc que des effets n’aient pu être mesurés, comme des effets potentiels de ces pro-

grammes sur le fonctionnement de la famille, sur les relations de couple entre les

deux parents ou sur la perception de la communauté. Les données recueillies dans le

cadre de Partir d’un bon pas viennent enrichir les informations déjà fournies par ces

recherches en offrant une évaluation dans un très grand nombre de domaines, de

même qu’un suivi à long terme de ces familles et de leur communauté.

La méthodologie

Cette section résume la méthodologie utilisée pour l’évaluation du projet Partir

d’un bon pas. Elle se divise en deux sections. La première présente les modes de

cueillette des données de nature quantitative et la seconde, la cueillette de données

de nature qualitative.

72volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Un programme de prévention destiné à la petite enfance : ses effets sur les enfants, les familles et la communauté

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Les modes de cueillette des données de nature quantitativeLa cueillette des données de nature quantitative visait à évaluer les effets des

programmes offerts sur les enfants, leur famille et la communauté. Cette évaluation

se déroule en quatre phases. La première phase a eu lieu à la fin des quatre années

pendant lesquelles les enfants fréquentaient les programmes, et les trois subsé-

quentes ont eu ou auront lieu respectivement quatre ans, sept ans et dix ans après la

fin des programmes. Cet article résume les résultats disponibles à ce jour, soit ceux

de la première phase, pour les deux groupes d’âges et ceux de la seconde phase pour

les groupes des enfants de 4-8 ans, alors qu’ils étaient en sixième année, quatre ans

après la fréquentation des programmes.

Les deux modèles quasi-expérimentaux utilisés lors de la première phase de

l’évaluation

Lors de la première phase de l’évaluation, nous avons eu recours à deux mo-

dèles d’évaluation quasi-expérimentaux. Le choix de ces modèles reposait sur le fait

que les participants au programme Partir d’un bon pas n’étaient pas choisis au

hasard, mais en fonction de l’appartenance à des communautés spécifiques.

Le premier modèle utilisé est une comparaison entre un groupe témoin (niveau

de base) et un groupe cible. Pour les enfants âgés de 0 à 4 ans, regroupés en cinq sites,

le groupe témoin incluait des enfants de 4 ans (en 1992-1993) qui n’ont pas été

exposés au programme Partir d’un bon pas. Un total de 358 enfants et leur famille ont

été comparés aux enfants et leurs familles du groupe cible qui ont bénéficié du pro-

gramme Partir d’un bon pas pendant quatre ans. Ce groupe incluait 367 enfants âgés

de 4 ans lors de l’évaluation en 1997.

Pour les enfants âgés de 4 à 8 ans, regroupés en trois sites, le groupe témoin

incluait des enfants de deuxième année qui n’ont pas été exposés au programme

Partir d’un bon pas. Ces enfants étaient donc en deuxième année en 1992-1993. Un

total de 206 enfants, représentant autant de familles, ont été comparées aux enfants

du groupe cible et leur famille qui ont bénéficié du programme Partir d’un bon pas

pendant quatre ans et qui en étaient à leur deuxième année en 1997. Ce groupe in-

cluait 257 enfants.

Le second modèle utilisé est une évaluation longitudinale du groupe cible pen-

dant les quatre années qu’ont duré les programmes. Cette évaluation longitudinale a

été comparée à celle de sites de comparaison qui n’offraient pas le projet Partir d’un

bon pas. La comparaison longitudinale prévoyait l’évaluation, chaque année, des

367 enfants et leurs familles du groupe cible à partir de la naissance jusqu’à l’âge de

4 ans pour la clientèle 0-4 ans, et de la maternelle quatre ans jusqu’à la deuxième

année pour les 257 enfants de 4 à 8 ans et leurs familles. Elle incluait aussi des

groupes de comparaison provenant de communautés qui n’avaient pas accès au pro-

jet Partir d’un bon pas. Les sites choisis étaient un quartier des villes d’Ottawa et de

Vanier (182 enfants et leurs familles), un quartier d’Etobicoke (115 enfants et leurs

familles) et un quartier de Peterborough (192 enfants et leurs familles). Ces popula-

tions présentaient des caractéristiques semblables à celles des quartiers desservis

par le projet Partir d’un bon pas. De plus, nous avons utilisé plusieurs variables socio-

démographiques comme covariables lors des analyses statistiques.

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Un programme de prévention destiné à la petite enfance : ses effets sur les enfants, les familles et la communauté

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Le modèle utilisé lors de la deuxième phase de l’évaluation

Lors de la deuxième phase de l’évaluation, qui visait le suivi des enfants et de

leur famille quatre ans après la fin de la fréquentation des programmes par les

enfants, nous avons comparé l’évaluation du groupe cible à celle de sites de com-

paraison qui n’offraient pas le projet Partir d’un bon pas.

Le projet Partir d’un bon pas a déployé des efforts importants pour limiter la

perte des sujets. Au cours de la période couverte par cet article, la perte de sujets se

situe à 9,1 pour cent, ce qui représente une perte de 141 enfants et familles sur un

total de 1536.

Les domaines évalués

Les instruments de mesure sont variés et visent l’évaluation des enfants, des

familles et de la communauté. Les domaines évalués incluaient le développement

affectif et comportemental, le développement physique et cognitif, la santé et la

nutrition des enfants et des parents. Le projet évalue aussi les habiletés parentales, la

vie sociale et affective des parents et leur perception de la communauté. D’autres

sources de données incluaient les données fournies par l’Institut canadien de la

santé, par le ministère de l’Éducation sur l’enfance en difficulté, par les services de

police et par la Société d’aide à l’enfance.

La collecte des données

La collecte de données incluait une entrevue structurée avec un parent de l’en-

fant, le plus fréquemment avec la mère. L’entrevue se faisait en personne, générale-

ment chez le parent, et durait environ deux heures. Chaque enfant faisait l’objet

d’une évaluation directe qui durait environ une heure. Les entrevues et les évalua-

tions étaient conduites par des personnes formées à cette fin par le groupe de

recherche responsable de l’évaluation du programme. La plupart des questions de

l’entrevue étaient fermées et l’administration des tests destinés aux enfants devait

suivre des procédures standardisées. La cueillette des données était soumise à une

série de contrôles qui incluaient la formation systématique des évaluatrices, le suivi

hebdomadaire de leur travail, l’observation du déroulement de certaines entrevues

ou évaluations et des vérifications auprès des familles pour s’assurer du bon déroule-

ment des entrevues.

Pour les enfants âgés de quatre ans et plus, l’enseignante remplissait aussi un

questionnaire à propos de chaque enfant. Il visait les comportements de l’enfant et

des informations de nature scolaire.

Le plan d’analyse des données

La comparaison entre le groupe témoin et le groupe cible a fait appel à des

analyses de régression tenant compte d’un certain nombre de covariables dont l’âge

du répondant, le sexe du répondant, l’appartenance à une famille monoparentale, le

niveau d’éducation du parent répondant, le revenu familial et l’appartenance à un

groupe ethnique. Les covariables ont été incluses dans les analyses pour lesquelles

elles avaient un effet significatif sur les variables analysées.

74volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Un programme de prévention destiné à la petite enfance : ses effets sur les enfants, les familles et la communauté

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L’analyse des résultats obtenus dans le cadre de l’évaluation longitudinale a fait

appel à l’analyse des courbes de croissance. Pour chaque variable évaluée, nous

avons établi la courbe de croissance obtenue par le groupe cible, de même que celle

obtenue par le groupe de comparaison. La comparaison de ces deux courbes, à l’aide

des programmes de modélisation hiérarchiques HLM et MIWin, a permis de déter-

miner si elles sont statistiquement différentes. Ces analyses ont tenu compte des

mêmes covariables que celles utilisées lors de la comparaison entre le groupe témoin

et le groupe cible. Ces analyses ont porté sur le changement, d’année en année, entre

la première année et la quatrième année du processus d’évaluation.

Les données de nature qualitativeOutre les données quantitatives, nous avons compté sur plusieurs sources d’in-

formations de nature qualitative. Parmi celles-ci, on note les documents officiels du

gouvernement ontarien concernant le projet Partir d’un bon pas, les documents et

rapports produits par les divers comités du projet et les notes de recherche prises

régulièrement par les chercheurs assignés aux sites. Ces notes incluaient des

comptes rendus textuels ou quasi-textuels d’entrevues avec des participants au pro-

jet, de réunions ou de discussions liées au projet. Toutes ces informations ont été

colligées dans une banque de données par le biais du programme Ethnograph. Ce

programme permet de codifier les informations en fonction de thèmes variés afin

d’en faciliter le traitement ultérieur.

Les résultats

Cette section résume les résultats disponibles à ce jour concernant le projet

Partir d’un bon pas. Elle se divise en trois parties. La première présente les résultats

de la première phase de l’évaluation, après 4 ans de fréquentation des programmes,

pour les deux groupes d’âges (0-4 ans et 4-8 ans). La deuxième porte sur les résultats

de la seconde phase pour les groupes des enfants de 4-8 ans, alors qu’ils étaient en

sixième année, 4 ans après la fréquentation des programmes. La troisième présente

les effets de la participation des membres de la communauté aux activités de Partir

d’un bon pas.

Les résultats de la première phase de l’évaluation, après 4 ans defréquentation des programmesCette section présente tour à tour les résultats obtenus par les enfants, les pa-

rents et les communautés lors de la première phase de l’évaluation du projet.

Les résultats concernant les enfants

Selon les enseignants, les enfants des deux groupes d’âges qui ont bénéficié des

programmes de Partir d’un bon pas éprouvent significativement moins de problèmes

affectifs que ceux évalués avant la mise en place des programmes. L’évaluation des

parents démontre également une diminution des problèmes de comportement entre

75volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Un programme de prévention destiné à la petite enfance : ses effets sur les enfants, les familles et la communauté

Selon lesenseignants, les

enfants des deuxgroupes d’âges qui ont

bénéficié des pro-grammes de Partir d’un

bon pas éprouvent significativement moins

de problèmes affectifsque ceux évalués avant

la mise en place desprogrammes.

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les deux groupes, en faveur du groupe cible. Chez les enfants âgés de 4 à 8 ans, cette

diminution des problèmes de comportement est accompagnée d’un nombre signi-

ficativement plus élevé de comportements prosociaux que chez les enfants des sites

de comparaison d’Ottawa-Vanier et d’Etobicoke. Les parents du groupe cible ont

également constaté une augmentation significative des comportements de coopéra-

tion. Chez les enfants âgés de 0 à 4 ans, ces changements de comportement observés

à l’école et à la maison sont accompagnés d’une amélioration significative de la

motricité fine, de la mémoire visuelle et de l’attention visuelle. En effet, l’évaluation

longitudinale souligne une amélioration significative de ces domaines chez les

enfants qui ont bénéficié des programmes de Partir d’un bon pas, en comparaison

avec les enfants du groupe témoin (Peterborough). Cependant, le projet Partir d’un

bon pas n’a pas eu d’effet à court terme sur le développement langagier et cognitif

des enfants des deux groupes d’âges.

La nutrition et la santé constituent des domaines dans lesquels des gains signi-

ficatifs ont été observés chez les enfants des deux groupes d’âge. Chez les enfants de

0-4 ans, les résultats soulignent une amélioration significative de leur nutrition grâce

à un apport accru de glucides (ex. fruits, légumes, céréales), d’acides foliques (ex.

épinards, pois, céréales) et de niacine (ex. arachides, graines de sésame, de tour-

nesol). Ces différences significatives apparaissent entre le groupe témoin (niveau de

base) et le groupe cible. Les enfants du groupe cible atteignent ou dépassent les

normes établies par Santé et Bien-être Canada (Canadian Recommended Nutrient

Intake : Health and Welfare Canada, 1990), ce qui constitue un effet appréciable. Chez

les enfants de 4-8 ans, les résultats soulignent une amélioration significative de la

nutrition des enfants grâce à un apport accru de calories, de glucides, de gras, de pro-

téines, de thiamine, de niacine, d’acides foliques, de fer et de zinc et de riboflavine.

Ces différences significatives apparaissent principalement entre le groupe témoin et

le groupe cible, bien que nous ayons aussi constaté une augmentation significative

de l’apport en calcium lors de l’évaluation longitudinale. Les enfants du groupe cible

atteignent ou dépassent les normes établies par Santé et Bien-être Canada (Canadian

Recommended Nutrient Intake : Health and Welfare Canada, 1990).

Dans le domaine de la santé, chez les enfants de 0-4 ans, les résultats indiquent

une augmentation de la vaccination et un plus grand respect des dates prévues pour

les vaccins. Dans les sites du projet Partir d’un bon pas, 50 pour cent des enfants

étaient vaccinés au moment prescrit, alors que ce pourcentage n’était que de 35 pour

cent pour le site de comparaison de Peterborough.

Les parents des deux groupes d’âge des sites Partir d’un bon pas ont constaté

une disponibilité accrue des services médicaux dans leur communauté.

Les résultats concernant les parents et les familles

L’évaluation des habiletés parentales a permis d’identifier une diminution du

recours à des comportements négatifs, comme l’agressivité verbale, par les parents

des enfants âgés de 4 à 8 ans. Cependant, cette diminution n’est pas accompagnée

d’une augmentation du recours à des comportements positifs comme la discussion

et le renforcement positif. Les résultats ne soulignent aucun changement dans ce

domaine chez les parents des enfants âgés de 0 à 4 ans.

76volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Un programme de prévention destiné à la petite enfance : ses effets sur les enfants, les familles et la communauté

La nutrition et la santé constituent des domaines danslesquels des gains

significatifs ont étéobservés chez lesenfants des deux

groupes d’âge.

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En ce qui a trait à la santé affective des parents et du fonctionnement de la

famille, le changement le plus important est une diminution de la violence conju-

gale. En effet, les pourcentages de parents au sein des groupes 0-4 ans et 4-8 ans se

disant victimes de violence conjugale sont passés respectivement de 13,9 et 13,5 pour

cent avant la mise en place du projet Partir d’un bon pas à 4,9 et 2,5 pour cent à la fin

des quatre années de l’évaluation de programme. De plus, on note par rapport aux

groupes de comparaison d’Ottawa-Vanier et d’Etobicoke, plusieurs changements

chez les parents des enfants âgés de 4 à 8 ans, notamment une diminution des évé-

nements stressants de la vie et une augmentation de la satisfaction maritale.

Cependant, on note aussi une plus grande insatisfaction en ce qui concerne le fonc-

tionnement général de la famille.

L’évaluation du programme souligne également des changements liés à la santé

des parents et à la prévention des maladies, dont le principal résulte d’une diminu-

tion de la consommation d’alcool et de tabac. Les pourcentages de parents fumeurs

au sein des groupes 0-4 ans et 4-8 ans sont passés respectivement de 46 et 45 pour

cent avant la mise en place du projet Partir d’un bon pas à 35 et 26 pour cent à la fin

des quatre années de l’évaluation de programme. De plus, les mères participant aux

programmes Partir d’un bon pas visant les enfants âgés de 0 à 4 ans ont fait plus d’ac-

tivité physique pendant leur grossesse que les parents du site de comparaison de

Peterborough. Cependant, elles ont connu une diminution de l’activité physique

après l’accouchement. Ces mères ont également pratiqué moins d’auto-examens des

seins que celles du groupe de comparaison de Peterborough. Chez les mères partici-

pant aux programmes Partir d’un bon pas visant les enfants âgés de 4 à 8 ans, on note

une augmentation du recours au test PAP et une augmentation de la fréquence de

l’activité physique.

Les résultats concernant la communauté

Les résultats concernant la communauté ont permis de constater une amélio-

ration des conditions de logement chez les groupes d’âge 0-4 ans et 4-8 ans, de même

qu’une amélioration de la perception de la sécurité le soir dans les sites Partir d’un

bon pas qui visaient les enfants âgés de 0 à 4 ans et une augmentation du niveau de

satisfaction à l’endroit de la communauté dans les sites Partir d’un bon pas qui

visaient les enfants âgés de 4 à 8 ans. En matière de sorties et de l’utilisation des ser-

vices offerts par la communauté, les parents des sites visant les enfants âgés de 0-4

ans ont noté une diminution des rencontres et des sorties avec des amis et une

diminution de la fréquentation des clubs d’activités ou de sport. Ils ont également eu

moins recours aux services de garde à l’improviste. Chez les parents des sites visant

les enfants âgés de 4-8 ans, on note une augmentation du recours aux services des

parcs municipaux, des bibliothèques et des centres de ressources parentales, de

même qu’une augmentation de la fréquentation des activités communautaires et des

clubs d’activités ou de sport.

77volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Un programme de prévention destiné à la petite enfance : ses effets sur les enfants, les familles et la communauté

L’évaluation du programme souligneégalement des chan-

gements liés à la santédes parents et à la

prévention des mala-dies, dont le principal

résulte d’une diminutionde la consommationd’alcool et de tabac.

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Les résultats de la deuxième phase de l’évaluation, 4 ans après lafréquentation des programmesCette section porte sur les résultats obtenus par les enfants, les parents et les

communautés du groupe d’âge de 4-8 ans lors de la seconde phase, alors que les

enfants étaient en sixième année, 4 ans après la fréquentation des programmes. Elle

n’inclut pas les résultats concernant les enfants du groupe d’âge 0-4 ans, puisqu’ils

ne sont pas encore disponibles.

Les résultats concernant les enfants

La plupart des effets positifs observés au niveau du comportement lors de la

première phase de l’évaluation, soit la diminution des problèmes de comportement

et l’augmentation des comportements prosociaux, ne se sont pas maintenus en

6e année. Cependant, la diminution des comportements liés à l’hyperactivité et à

l’inattention s’est maintenue quatre ans après la fin des programmes. Ces élèves ont

aussi subi moins de suspensions scolaires à cause de problèmes d’inconduite par

rapport aux élèves des sites de comparaison.

En ce qui concerne le plan social, les enfants du groupe cible ont accès à un

réseau social plus étendu que les enfants du groupe témoin. En effet, les parents des

enfants du groupe cible, par rapport aux parents des sites de comparaison, ont indi-

qué que leur enfant comptait dans son entourage plus de personnes importantes

dans la vie. Cette observation est confirmée par les enfants qui ont indiqué avoir plus

de personnes avec qui ils peuvent partager leurs problèmes.

Le projet Partir d’un bon pas n’a pas eu d’effet à court terme sur le développe-

ment langagier et cognitif des enfants alors qu’ils étaient en 2e année. Parmi les

changements observés alors qu’ils étaient en 6e année, on note chez les enfants du

groupe cible en comparaison avec le groupe témoin, une meilleure performance au

test provincial de mathématiques de 6e année et une meilleure attitude à l’égard de

l’école en général. De plus, moins d’enfants de ce groupe ont doublé une année sco-

laire et ils ont nécessité moins de services spécialisés liés à l’enfance en difficulté.

D’ailleurs, l’écart observé entre les nombres d’enfants identifiés dans le cadre de l’en-

fance en difficulté au sein du groupe cible et celui au sein du groupe de comparaison

s’est maintenu en 6e année.

Pour ce qui est de la santé, les avantages notés concernant la nutrition des

enfants du projet se sont maintenus. D’ailleurs, l’augmentation de l’indice de la

masse corporelle des enfants du groupe cible a été significativement moins forte que

celle des enfants des sites de comparaison. Ce phénomène était accompagné d’un

taux de participation à des activités sportives plus élevé. Mais malgré ces bons résul-

tats, le problème de surpoids chez les enfants et les parents des sites Partir d’un bon

pas et des sites de comparaison était quand même supérieur à la moyenne nationale.

Les enfants du groupe cible ont aussi fait preuve de plus de comportements

visant à prévenir les blessures et ont moins expérimenté la consommation d’alcool

que les enfants du groupe de comparaison. Tout comme en 2e année, les parents ont

rapporté faire appel plus souvent aux services de spécialistes en santé ou en coun-

selling pour leur enfant que les parents du groupe de comparaison.

78volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Un programme de prévention destiné à la petite enfance : ses effets sur les enfants, les familles et la communauté

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Les résultats concernant les parents, les familles et les communautés

Les avantages observés en faveur des parents du groupe cible au niveau de la

santé physique des parents, lors de la première phase de l’évaluation, ne se sont pas

maintenus quatre ans plus tard. Dans le domaine de la santé mentale, ils disent

même vivre plus d’événements stressants que les parents du groupe de comparaison.

Alors que l’évaluation des habiletés parentales à la fin des quatre années de

fréquentation des programmes a permis d’identifier une diminution du recours à des

comportements négatifs par les parents des enfants âgés de 4 à 8 ans, quatre ans plus

tard, ces écarts entre les deux groupes ont disparu et on a même noté un recours

accru à des comportements négatifs par les parents du groupe cible. Malgré tout, ce

résultat ne s’est pas reflété dans l’évaluation qu’ont faite les enfants de leurs relations

avec les parents. Les enfants des deux groupes portent le même jugement sur cette

variable. D’ailleurs l’évaluation du fonctionnement de la famille est plus positive

chez les parents du groupe cible que chez ceux du groupe de comparaison et celui-ci

a atteint pour le groupe cible le niveau moyen national.

Finalement, les parents du groupe cible ont déclaré éprouver un plus grand senti-

ment d’appartenance à leur communauté que les parents du groupe de comparaison.

Les effets de la participation des membres de la communauté auxactivités de Partir d’un bon pasLe modèle du projet insiste particulièrement sur la participation des membres

de la communauté dans la conception, le développement et la mise en œuvre des

programmes Partir d’un bon pas au sein de chaque communauté (Peters, 1994).

Puisque près de 30 pour cent des parents du groupe cible ont participé, à différents

degrés, à la gestion et à l’organisation des activités et des programmes offerts par

Partir d’un bon pas, soit en tant que bénévole soit comme employé, il est intéressant

de voir comment cette participation a affecté la vie des familles et par ricochet celle

des enfants.

Les effets positifs de la participation des membres de la communauté au sein du

projet Partir d’un bon pas sont apparus dès les premières années du projet (Pancer &

Cameron, 1994). Chez les personnes qui participaient à un titre autre que celui de

professionnel, l’augmentation de la confiance en soi et de l’estime de soi a constitué

l’effet le plus souvent mentionné. Les autres effets positifs notés incluaient la réduc-

tion de l’isolement social, l’augmentation de l’appui et des contacts sociaux, l’amé-

lioration des habiletés et des connaissances personnelles et la possibilité de faire

bénéficier leurs enfants de l’ensemble des ressources disponibles. Les chercheurs ont

également observé une augmentation de l’entraide sociale. Par ailleurs, un nombre

croissant de parents révélait, au sein du projet, diverses occasions de parfaire leurs

connaissances et d’améliorer leurs habiletés. De plus, plusieurs sites Partir d’un bon

pas incluaient des programmes de valorisation de la langue et de la culture des

membres de la communauté. La participation des parents au projet fournissait des

occasions d’utiliser leur langue maternelle, que ce soit le français chez les franco-

phones minoritaires ou les langues des minorités ethniques.

79volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

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Parmi les éléments mentionnés précédemment, plusieurs sont liés au concept

d’« empowerment » individuel (Prestby, Wandersam, Florin, Rich & Chavis, 1990;

Zimmerman & Rappaport, 1988; Heller et al., 1984) que Zimmerman et Rappaport

(1988) présentent comme un construit qui allie les compétences et les forces des

individus, les systèmes d’entraide naturels et les comportements proactifs à l’égard

des questions de politiques et de changements sociaux. L’« empowerment » est un

processus par lequel les individus gagnent la maîtrise et le contrôle de leur propre vie

et une participation démocratique à la vie de leur communauté. Il peut être générale-

ment décrit comme le lien entre un sentiment de compétence personnelle et une

volonté d’agir dans le domaine public. Ces auteurs l’associent également au

développement chez la personne d’un sentiment d’efficacité et de la capacité d’exer-

cer un pouvoir sur les événements.

Parmi les effets soulignés de la participation des parents qui sont des indica-

teurs d’un « empowerment », notons l’augmentation de la confiance en soi et de

l’estime de soi, la participation active au processus décisionnel et l’acquisition de

connaissances et de compétences liées à la gestion. Ces éléments contribuent au

processus par lequel les individus assument la maîtrise et le contrôle de leur propre

vie et une participation démocratique à la vie de leur communauté (Zimmerman &

Rappaport, 1988).

En contrepartie, les parents ont aussi rapporté un certain nombre d’effets

négatifs. L’effet négatif le plus souvent mentionné était lié à la diminution du temps

consacré aux activités familiales par les parents participant au projet. Cette situation

a entraîné un certain désenchantement de la part des conjoints. Cela a pu susciter

des tensions, de la frustration et de l’anxiété chez les conjoints.

L’impression d’un manque de compétences professionnelles a également surgi,

au début du projet. Puisque les parents côtoyaient des représentants des agences, ils

avaient souvent l’impression de ne pas maîtriser le jargon des professionnels. Cette

impression a semblé toutefois s’être résorbée avec le temps dans la majorité des cas.

La persévérance des parents pour acquérir ces compétences au moyen de leur

expérience au sein du projet, ainsi que la reconnaissance de l’importance des com-

pétences parentales constituaient deux facteurs qui ont permis de surmonter ces

sentiments.

En ce qui a trait à la communauté, les effets bénéfiques les plus marquants

résidaient dans le développement d’un sentiment communautaire et d’une volonté

d’améliorer la qualité de vie au sein de la communauté, dans des modifications de la

philosophie sous-jacente aux services offerts par les organismes locaux et dans l’aug-

mentation des capacités de la communauté à répondre à ses propres besoins.

Le résumé et la discussion

Cet article présente les résultats d’un programme de prévention des problèmes

affectifs et comportementaux intitulé Partir d’un bon pas pour un avenir meilleur et

destiné aux enfants de moins de huit ans vivant dans des communautés ontariennes

80volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

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socioéconomiquement défavorisées. Une équipe de chercheurs était chargée d’éva-

luer l’impact des programmes du projet sur les enfants, les familles et la commu-

nauté. Cette évaluation a débuté en 1991 et prévoit le suivi pendant 25 ans d’un

groupe de jeunes enfants ayant bénéficié des programmes pendant les quatre pre-

mières années de leur mise en œuvre. Cela fait donc près de 14 ans que cette équipe

suit l’évolution du projet. L’évaluation des effets des programmes sur les enfants, leur

famille et la communauté se déroule en quatre phases. La première phase a eu lieu à

la fin des quatre années pendant lesquelles les enfants fréquentaient les pro-

grammes, et les trois subséquentes ont eu ou auront lieu respectivement quatre ans,

sept ans et dix ans après la fin des programmes. Cet article a résumé les résultats

disponibles à ce jour, soit ceux de la première phase pour les groupes d’âge 0-4 ans

et 4-8 ans, ainsi que ceux de la deuxième phase pour le groupe des 0-4 ans.

Le principal objectif du projet Partir d’un bon pas visait la prévention des pro-

blèmes affectifs et comportementaux chez les enfants. Cet objectif a été atteint à

court terme, car les résultats soulignent une augmentation des comportements pro-

sociaux et une diminution des problèmes affectifs et comportementaux dans les

groupes d’âges 0 à 4 ans et 4 à 8 ans. Les programmes de visites à domicile destinés

aux parents des enfants âgés de 0 à 4 ans, de même que les programmes d’animation

et d’enrichissement scolaires ont sans doute contribué à cette amélioration.

Cependant, cet effet semble s’être amenuisé, ou plutôt s’être transformé, quatre ans

après la fréquentation des programmes chez le groupe des 4-8 ans. L’écart entre les

comportements prosociaux du groupe cible et ceux du groupe de comparaison s’est

effacé, mais la diminution des comportements liés à l’hyperactivité et à l’inattention

s’est maintenue. De plus, les enfants du groupe cible se sont vus administrer moins

de suspensions scolaires à cause de problèmes d’inconduite par rapport aux élèves

des sites de comparaison. Leur réseau social était aussi plus étendu. L’amélioration

des comportements observés à court terme est intéressante, car aucune des études

antérieures n’avait atteint cet objectif. Cependant, trois de ces études notent, parmi

les effets à plus long terme, que leur programme a contribué à une diminution des

comportements liés à la délinquance juvénile (Le Elmira Nurse Home Visitation

Program, le High Scope Perry Preschool Program et le programme de développement

des habiletés sociales). La diminution des suspensions, dont certains comporte-

ments qu’elles sanctionnent peuvent être associés à la délinquance, pourrait être

précurseur, lors des troisième et quatrième phases de l’évaluation (moments où les

élèves seront en 9e et en 12e année), d’un résultat semblable à celui obtenu par ces

trois études.

Un élément décevant de nos résultats est le peu d’effets de Partir d’un bon pas

sur le développement cognitif des élèves, alors que plusieurs études antérieures ont

noté une amélioration significative à long terme du développement intellectuel des

enfants (Carolina Abecedarian Project : Campbell et Ramey, 1995; High Scope Perry

Preschool Program : Schweinhart et al., 1993; Tremblay et al. 1996). Toutefois, dans

les résultats de notre étude, on note en 6e année des traces d’amélioration, lorsqu’on

constate une meilleure performance au test provincial en mathématiques et une

diminution du nombre d’enfants qui ont doublé une année. Il faut cependant noter

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que les recherches antérieures qui ont obtenu des améliorations dans ce domaine

offraient des programmes très spécifiques et intensifs axés sur le développement

cognitif. Ce n’était pas l’intention de Partir d’un bon pas de cibler un domaine de

développement particulier, mais plutôt de promouvoir une approche holistique

dans l’élaboration des programmes. Malgré tout, on aurait pu s’attendre à ce que les

programmes d’animation et d’enrichissement scolaires conduisent à des change-

ments sur les plans langagier et scolaire.

Le projet Partir d’un bon pas a été particulièrement efficace au niveau de la

nutrition des enfants. L’information aux parents, la collaboration avec la banque ali-

mentaire et le programme de petits déjeuners et de collations ont permis d’aug-

menter significativement la quantité et la qualité de la nourriture consommée par les

enfants. Ces effets sur la santé se sont maintenus quatre ans après la fréquentation

des programmes. Cependant, les effets bénéfiques sur la santé des parents ne se sont

pas maintenus à moyen terme. Il semble que les parents aient maintenu des « bonnes

habitudes » liées à la santé chez leurs enfants, mais que celles qui les touchaient ne

se sont malheureusement pas maintenues.

Il est intéressant aussi de noter que le projet Partir d’un bon pas semble retarder

les premières expériences de consommation d’alcool. Ces résultats sont congruents

avec ceux du Elmira Nurse Home Visitation Program qui a noté à long terme une

diminution du tabagisme et de la consommation d’alcool et de drogues.

À la fin des quatre années de fréquentation des programmes, les parents des

enfants du groupe 4 à 8 ans ont eu moins recours à des comportements négatifs dans

leur conduite parentale que les parents du groupe de comparaison et ils disaient

aussi vivre moins d’événements stressants. Quatre ans plus tard, ces écarts entre les

deux groupes ont disparu et on a même noté un recours accru à des comportements

négatifs par les parents du groupe cible et ils ont indiqué vivre plus d’événements

stressants que les parents du groupe de comparaison. Il se peut que l’augmentation

des comportements négatifs soit liée à une plus grande exposition à des événements

stressants.

L’évaluation des effets des programmes a permis de constater que la participa-

tion des parents de la communauté dans la conception, le développement et la mise

en œuvre des programmes a entraîné un sentiment d’« empowerment » chez eux.

Nous avons noté une augmentation de la confiance en soi, de l’estime de soi, de l’en-

traide sociale, une réduction de l’isolement social et l’augmentation, ainsi qu’une

amélioration des habiletés et connaissances personnelles. Ce résultat a contribué à

développer un sentiment d’appartenance à la communauté chez les parents du pro-

jet, supérieur à celui observé au sein du groupe de comparaison.

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85volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

La collaboration famille –milieu de garde :

ce que nous apprend la recherche

Sylvain COUTUUniversité du Québec en Outaouais, Gatineau, Canada

Suzanne LAVIGUEURUniversité du Québec en Outaouais, Gatineau, Canada

Diane DUBEAUUniversité du Québec en Outaouais, Gatineau, Canada

Marie-Ève BEAUDOINUniversité du Québec en Outaouais, Gatineau, Canada

RÉSUMÉ

Le principal objectif de cet article est de présenter une recension des écrits por-

tant sur la collaboration et la communication entre les parents et les éducatrices tra-

vaillant en milieu de garde. Dans un premier temps, l’article aborde les aspects

théoriques et historiques associés à la collaboration entre les adultes qui participent

à l’éducation des jeunes enfants. Les effets de l’implication des parents dans les

milieux éducatifs préscolaires, tels que démontrés par la recherche scientifique, font

ensuite l’objet d’une attention particulière (notamment les effets de cette implica-

tion sur le développement et le bien-être des tout-petits). Le point suivant définit et

illustre les différentes formes que peut prendre la collaboration entre les parents et

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les éducatrices; les conditions de réussite de cette collaboration sont également

identifiées. La recension se termine en abordant trois thèmes ayant particulièrement

attiré l’attention des chercheurs : la satisfaction des parents à l’égard des services

éducatifs, les stratégies de communication parent-éducatrice et la question de la

concordance éducative entre les adultes qui prennent quotidiennement en charge

les jeunes enfants. La conclusion résume les points saillants qui se dégagent de la

documentation consultée et présente quelques pistes prometteuses pour les

recherches futures.

ABSTRACT

Family Collaboration in the Day-Care Setting: What the Research Tells UsSylvain Coutu, Suzanne Lavigueur, Diane Dubeau and Marie-Ève Beaudoin

Research Group on Educational Quality in Children’s Living Environments (QEMVIE)

Université du Québec en Outaouais, Québec, Canada

The main objective of this article is to present a review of writings about colla-

boration and communication between day-care educators and parents. The first part

of the article deals with theoretical and historical aspects of the collaboration

between adults involved in the education of young children. The effects of parents’

involvement in pre-school educational settings as demonstrated by scientific

research, are then examined (especially the effects of this involvement on the devel-

opment and well-being of infants). The next point defines and illustrates the differ-

ent forms this collaboration between parents and educators can take, and identifies

the conditions required for a successful collaboration. The review ends with a look at

three themes that have particularly captured the attention of researchers: parents’

satisfaction with educational services, parent-educator communication strategies

and the question of the educational concordance among the adults who take care of

the young children on a daily basis. The conclusion summarizes the main points that

emerge from the documents consulted, and presents a few promising avenues for

future research.

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RESUMEN

La colaboración familia – medio de guarda: lo que nos enseña la investigaciónSylvain Coutu, Suzanne Lavigueur, Diane Dubeau y Marie-Ève Beaudoin

Grupo de investigación sobre la calidad educativa en los diversos medios de vida del niño

(QEMVIE)

Universidad de Quebec en Outaouais, Quebec, Canadá

El objetivo principal del presente artículo es presentar una recensión de escritos

sobre la colaboración y la comunicación entre la familia y las educadoras que traba-

jan en el medio de guarda. Por principio, el artículo aborda los aspectos teóricos e

históricos asociados a la colaboración entre los adultos que participan en la edu-

cación de los niños. Los efectos de la implicación de los padres de familia en los

medios educativos preescolares, tal y como ha sido demostrado por la investigación

científica, se estudian con particular atención (principalmente los efectos de dicha

implicación sobre el desarrollo y el bienestar de los niños). Enseguida se definen e

ilustran las diferentes formas que puede tomar la colaboración entre los padres de

familia y las educadoras; también se identifican las condiciones que favorecen el

éxito de dicha colaboración. La recensión se termina al abordar tres temas que han

captado la atención de los investigadores: la satisfacción de los padres de familia en

lo que respecta a los servicios educativos, las estrategias de comunicación familia-

educadoras y la cuestión de la concordancia educativa entre los adultos que se en-

cargan cotidianamente de los niños. La conclusión resume los puntos sobresalientes

que se desprenden de la documentación consultada y presenta algunas pistas prom-

etedoras para las investigaciones futuras.

Introduction

Le nombre d’enfants d’âge préscolaire fréquentant un Centre de la petite

enfance (CPE) ou une garderie privée a considérablement augmenté au cours des

dernières années au Québec comme partout ailleurs au Canada et en Amérique du

Nord. Selon les dernières statistiques publiées par le ministère de l’Emploi, de la

Solidarité sociale et de la Famille1 (MESSF, 2004), il y avait au 31 décembre 2003,

171 644 places existantes dans le réseau québécois des services de garde. Les services

dispensés par les CPE (le volet « public » du réseau) ont comblé les besoins de 80 %

des familles ayant un enfant d’âge préscolaire en milieu de garde. Ce pourcentage

regroupe à la fois les services en installation, qui sont offerts dans des établissements,

et les services en milieu familial, qui sont dispensés dans des résidences privées tout

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1. Voir le site du MESSF du Québec à l’adresse suivante : www.messf.gouv.qc.ca/

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en étant coordonnés par les CPE. Pour leur part, les garderies privées, qu’elles soient

ou non à but lucratif, ont offert leurs services à moins de 20 % des familles. Les

instances gouvernementales estiment que le nombre d’enfants québécois qui fré-

quentent un milieu de garde va continuer de s’accroître pour atteindre l’objectif de

200 000 places autour de 2006. Notons qu’il s’agit ici de places dites à contribution

réduite (coût de 7 $/jour pour les parents), subventionnées par l’État.

Les jeunes enfants sont donc en contact quotidiennement, et de façon plus pré-

coce que dans le passé, avec plusieurs « agents de socialisation » autres que les par-

ents. Ces derniers ne sont plus les seuls adultes impliqués dans l’éducation de leurs

enfants avant l’entrée à la maternelle ou à l’école. Cette nouvelle réalité soulève plu-

sieurs questions importantes concernant les liens entre la famille et les milieux de

garde. Par exemple : Comment se fait le partage des tâches et des responsabilités

entre les parents et les éducatrices? Comment les parents et les autres intervenants

en petite enfance s’y prennent-ils pour collaborer et communiquer ensemble? Est-il

souhaitable pour l’enfant que tous les adultes qu’il côtoie adoptent les mêmes pra-

tiques éducatives? Les parents sont-ils satisfaits des services rendus par les éduca-

trices? Quelles sont les attentes des éducatrices face aux parents et quelle place leur

font-elles dans leur programme d’activités? Que se passe-t-il sur le plan des interac-

tions parent-éducatrice lorsqu’un enfant présente des besoins spéciaux ou manifeste

de façon précoce certains problèmes de comportement? Toutes ces questions sont

d’une grande pertinence pour quiconque est préoccupé par la qualité éducative des

environnements de vie des jeunes enfants. Le principal objectif de cet article est donc

de fournir des éléments de réponse à ces questions en présentant une recension des

études portant sur la collaboration et la communication parent-éducatrice. De façon

plus précise, les données pertinentes issues des travaux recensés seront présentées à

l’intérieur des cinq sous-sections suivantes : 1. les considérations théoriques; 2. l’his-

torique de la collaboration parent-éducatrice; 3. les effets reconnus de l’implication

des parents; 4. les types de collaboration famille-milieu de garde et; 5. les conditions

de réussite de cette collaboration intermilieux.

Considérations théoriques

Le modèle écologique développé par Bronfenbrenner (1979) constitue le cadre

de référence de la plupart des études qui s’intéressent aux liens de collaboration

entre les milieux familial et de garde. Ce modèle théorique présente la particularité

de tenir compte de l’ensemble des facteurs (individuels, sociaux, culturels, écono-

miques et temporels) ainsi que de leurs interrelations pour expliquer le dévelop-

pement de l’enfant. Dans cette perspective écologique, le milieu de garde de l’enfant

représente un microsystème (au même titre que la famille) ayant ses influences pro-

pres sur le développement et le bien-être de l’enfant – influences qui résultent des

interactions entre l’enfant et les différentes composantes physiques et humaines

présentes dans ce type d’environnement (par exemple, les éducatrices, les cama-

rades de jeu, les activités, etc.). Par contre, ce milieu de vie n’est pas considéré

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comme un lieu éducatif dissociable des autres contextes de vie de l’enfant. Le modèle

théorique stipule en effet que les relations vécues à l’intérieur du microsystème

« milieu de garde » influencent – et sont influencées par – les relations développées

dans les autres microsystèmes, dont le milieu familial. Ces influences réciproques

entre les microsystèmes représentent ce que Bronfenbrenner (1979) a qualifié de

mésosystème. Celui-ci nous invite à tenir compte des différents milieux de vie où

évolue l’enfant et à considérer tous leurs niveaux d’influences mutuels dans l’élabo-

ration des mesures visant à assurer le développement optimal de celui-ci. Ainsi, la

vision écologique reconnaît les impacts positifs que peuvent avoir les interventions

dans un milieu donné sur les autres contextes de vie de l’enfant. Par exemple, l’éta-

blissement d’un partenariat éducatif entre le milieu de garde et la famille peut non

seulement contribuer à mieux répondre aux besoins de l’enfant dans chacun de ses

microsystèmes, mais ce partenariat peut aussi préparer, en prévision des années à

venir, un mode de collaboration et d’échanges entre la famille et l’école. L’impor-

tance de cette influence mésosystémique (par exemple : la communication parent-

enseignante) dans l’intégration scolaire des enfants est d’ailleurs bien connue

(MSSSQ, 1998).

La collaboration parent-éducatrice d’un point de vue historique

Les termes « partenariat, collaboration et communication » avec les parents font

de plus en plus partie du vocabulaire des éducatrices et des autres intervenants en

petite enfance. Cependant, on reconnaît aujourd’hui que le milieu de garde et la

famille ont pendant longtemps été considérés comme des univers éducatifs distincts

ayant relativement peu de choses en commun (Powell, 1998). Les premiers pro-

grammes de formation dans le domaine de l’éducation préscolaire étaient presque

exclusivement centrés sur l’enfant et sur l’organisation du milieu de vie. En fait, ces

programmes de formation avaient pour principal objectif d’habiliter les éducatrices

à créer des environnements de vie sécuritaires et stimulants pour les jeunes enfants

à partir d’une série de critères établis par les experts dans le domaine (Carter, 2000).

Les éducatrices étaient invitées à prendre en charge leur milieu de garde et à se l’ap-

proprier, sans nécessairement consulter les parents ou prendre en compte leur point

de vue. On enseignait alors aux éducatrices que leur rôle envers les parents consistait

essentiellement à les informer et à les soutenir en leur « montrant les meilleures

stratégies éducatives à utiliser avec leur enfant » (Carter, 2000). Les comportements

et les attitudes à adopter envers les autres adultes (notamment les parents) pour

créer des liens de collaboration étaient rarement, sinon jamais, abordés par les for-

mateurs (File, 2001). L’idée de consulter les parents, de les impliquer ou d’utiliser

leurs compétences dans l’organisation et la mise en œuvre d’activités éducatives

dans le milieu de garde était rarement évoquée et encore moins souvent mise en pra-

tique. L’approche traditionnelle, qui a longtemps prévalue dans les programmes

préscolaires, misait avant tout sur l’éducation des parents et sur la « protection de

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L’approche tradition-nelle, qui a longtempsprévalue dans les pro-grammes préscolaires,

misait avant tout sur l’éducation des parents

et sur la « protection de l’enfant » (vision« child saver »), de

manière à compenser,disait-on, pour les

déficits et les lacunes du milieu familial

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l’enfant » (vision « child saver »), de manière à compenser, disait-on, pour les déficits

et les lacunes du milieu familial (Powell & Diamond, 1995).

Cette conception des rapports entre les différents adultes qui accompagnent

quotidiennement les enfants laissait supposer que les compétences éducatives et les

connaissances concernant « ce qui est bon » pour l’enfant étaient surtout détenues

par les enseignantes ou les éducatrices, alors que les parents étaient souvent perçus

comme des personnes peu compétentes que l’on devait « éduquer » (Kontos & Dunn,

1989). De nos jours, les intervenants en petite enfance admettent volontiers que cette

attitude est quelque peu condescendante (sinon dénigrante) envers les parents et

qu’elle est peu propice au développement d’une relation positive avec ceux-ci

(Carter, 2000; Coleman & Wallinga, 2000). Il semble maintenant bien admis que le

succès de l’éducatrice avec les enfants et le fonctionnement optimal du milieu de

garde sont liés de façon inextricable à la qualité de la relation que celle-ci entretient

avec la famille (Hamilton, Roach, & Riley, 2003; Powell, 1998).

Mais comment explique-t-on cette évolution dans la manière de concevoir le

rôle et l’implication des parents dans les environnements éducatifs extrafamiliaux?

Les experts s’entendent pour dire que plusieurs facteurs ont contribué à élargir la

place faite aux parents dans les services d’éducation préscolaire, notamment le

développement des connaissances, la transformation des réalités familiales ainsi que

l’action des groupes de promotion et de soutien aux familles. Tout d’abord, le

développement des connaissances et des modèles théoriques dans le domaine de la

psychologie de l’enfant a sans aucun doute favorisé le rapprochement de tous les

acteurs qui gravitent autour des enfants. Tel que mentionné précédemment, la vision

écologique et systémique de Bronfenbrenner, bien illustrée dans le proverbe « il faut

un village entier pour éduquer un enfant », a eu un impact certain sur la philosophie

éducative d’un bon nombre de programmes en petite enfance (Powell, 1998). Les

travaux réalisés ces dernières années en lien avec la théorie de l’attachement ont

également ajouté à nos connaissances sur le rôle central joué par les parents et les

éducatrices dans le développement socio-émotionnel des enfants (Elicker & Fortner-

Wood, 1995; Fein & Fox, 1990). En résumé, ces travaux ont démontré que les enfants

avaient la capacité de former des liens d’attachement multiples avec les adultes

« significatifs » présents dans leur entourage (Sroufe, Carlson, Levy, & Egeland, 1999)

et que la fréquentation d’un service de garde de qualité n’affectait pas la qualité et la

sécurité de leur relation d’attachement avec la mère (NICHD Early Child Care

Research Network, 1997; Shpancer, 2002)

Les nombreuses transformations qu’a connues la famille ces dernières années

seraient aussi du nombre des facteurs à considérer dans la reconfiguration du rôle

parental dans les programmes préscolaires. Les changements sociétaux, tels que la

baisse du taux de natalité, le nombre élevé de séparations parentales et l’augmenta-

tion significative des femmes ayant de jeunes enfants sur le marché du travail, ont

radicalement modifié les besoins des jeunes familles en matière de services éduca-

tifs. Cela a forcé les milieux de garde à diversifier leur offre de services et à réviser leur

façon de travailler avec les parents de manière à mieux répondre aux besoins de ces

derniers. Dans cette perspective, Powell (1998) a constaté que l’image projetée par les

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Les experts s’enten-dent pour dire que

plusieurs facteurs ont contribué à élargir la

place faite aux parentsdans les services

d’éducation préscolaire,notamment le

développement des connaissances, la

transformation des réalités familiales ainsi

que l’action des groupesde promotion et de

soutien aux familles.

La collaboration famille –milieu de garde : ce que nous apprend la recherche

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milieux de garde a considérablement évolué au cours des trente dernières années.

Selon lui, ces milieux sont de plus en plus perçus comme des systèmes de soutien

parental dont la fonction s’apparente à celle de la famille élargie traditionnelle (ver-

sion moderne).

Dans la foulée de ces transformations sociales, plusieurs groupes et associations

de parents se sont formés pour promouvoir les intérêts de la famille ou, encore, pour

informer et soutenir les parents dans l’exercice de leur rôle (par exemple : l’Institut

Vanier de la Famille, le Conseil Québécois de la famille, le Alliance for Parental

Involvement in Education, le National Coalition for Parent Involvement in Education

et le Commonwealth Institute for Parent Leadership). Suivant les recommandations

de ces groupes, certains parents ont décidé de jouer un rôle plus actif dans le

développement et le fonctionnement des services à la famille. À titre d’exemple, au

Québec, les parents qui le désirent peuvent s’impliquer dans la gestion et l’organisa-

tion de leur milieu de garde en siégeant sur le Conseil d’administration de leur CPE.

En participant activement aux décisions les concernant, les parents mettent en place

des stratégies dites d’appropriation (« empowerment ») qui favorisent leur intégra-

tion et leur implication dans les milieux préscolaires (Miron, 2003). À ce sujet, il est

intéressant de souligner que l’implication plus grande des parents dans les milieux

éducatifs des enfants constitue un phénomène observé à l’échelle mondiale

(Cochran, 1993).

Les effets de l’implication des parents

Cette implication accrue des parents profite-t-elle aux enfants? La recherche a

démontré que la participation effective des parents dans les programmes éducatifs

joue un rôle déterminant dans la réussite scolaire et l’adaptation sociale des enfants

(Deslandes, 1999; McBride, 1999; Shepard & Carlson, 2003). En fait, de nombreux

bénéfices directement imputables à l’implication parentale dans l’éducation des

jeunes enfants ont été constatés dans les études menées ces dernières années. À titre

d’exemple, on observe une plus grande motivation scolaire, de meilleurs rapports

parent-enseignant et une persévérance accrue dans les programmes éducatifs spé-

ciaux (Epstein, 1996; Katz & Bauch, 1999; McBride, 1999). D’autres études relient

l’implication des parents dans les milieux préscolaires à des retombées positives

pour les jeunes enfants sur le plan de la qualité de leur relation d’attachement avec

la mère. Ainslie (1990) constate que les mères qui s’impliquent le plus dans leur ser-

vice de garde (en faisant du bénévolat, en participant aux réunions de parents) ont

de jeunes enfants ayant une meilleure sécurité d’attachement à leur mère (et à leur

éducatrice) comparés à ceux dont les parents s’impliquent peu.

Encouragés par de tels résultats, plusieurs spécialistes de l’éducation présco-

laire ont récemment développé de nouvelles mesures visant à stimuler la participa-

tion des parents dans les programmes éducatifs (par exemple : en faisant preuve de

créativité dans la manière d’associer les parents aux activités, en multipliant les

modalités de rétroaction positive, etc.). Certaines de ces mesures visent plus spéci-

91volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

La recherche a démontré que la

participation effectivedes parents dans les

programmes éducatifsjoue un rôle déterminantdans la réussite scolaire

et l’adaptation socialedes enfants

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fiquement les parents d’enfants ayant des besoins spéciaux (Marshall & Mirenda,

2002; Peterander, 2000) ou issus des milieux à risque (McBride, Bae, & Rane, 1998),

alors que d’autres interventions sont destinées à tous les parents d’enfants d’âge

préscolaire qui utilisent un service de garde (Hamilton et al., 2003). Au Québec,

quelques programmes ont spécifiquement été élaborés dans le but de rapprocher les

familles et les milieux de garde : le Programme d’intégration éducative famille-

garderie (Falardeau & Cloutier, 1986), le Programme Parents responsables (Tochon &

Toupin, 1993) et, plus récemment, le Programme ECO-Famille (Nault & Sinclair,

2003). Ce dernier programme est particulièrement intéressant, car il vise à soutenir

les parents dans leur rôle d’éducateur en leur proposant plusieurs outils d’analyse et

en leur présentant différentes façons de faire avec les jeunes enfants.

La recherche a mis en lumière le fait que l’implication parentale entraîne aussi

des retombées positives du côté du personnel éducatif. Plus spécifiquement, il a été

démontré que les éducatrices et les enseignantes qui utilisent le plus les stratégies

favorisant l’implication et l’empowerment parental, entretiennent des rapports plus

satisfaisants avec les parents, ont moins de préjugés négatifs à l’égard de ceux-ci et

ont plus de facilité à surmonter les obstacles qui nuisent à la qualité de la collabora-

tion famille/milieu éducatif (Dunst, Johanson, Rounds, Trivette, & Hamby, 1992;

Epstein, 1983; Katz & Bauch, 1999).

S’appuyant en grande partie sur ces résultats prometteurs, plusieurs associa-

tions ou fédérations professionnelles des intervenants en petite enfance ont formel-

lement pris position en faveur de toute initiative visant à renforcer la communication

et les liens de collaboration entre la famille et les milieux préscolaires. Par exemple,

l’Association américaine d’éducation préscolaire NAEYC (National Association for

the Education of Young Children) a recommandé à ses membres de tout mettre en

œuvre pour développer, en collaboration avec les parents, des activités qui prennent

en compte les besoins spécifiques des familles qu’ils desservent (Bredekamp &

Copple, 1997). La NAEYC a également amendé son code d’éthique en 1996 pour

adhérer aux principes de confiance mutuelle et de respect des valeurs éducatives,

culturelles et linguistiques des familles et aussi pour reconnaître aux parents le droit

de participer à tout processus de décision concernant leur enfant (NAEYC, 1996). La

Fédération canadienne des services de garde à l’enfance (FCSGE)2 et l’Association

québécoise des Centres de la petite enfance (AQCPE)3 tiennent sensiblement le

même discours à leurs membres. On retrouve par exemple sur le site Internet de ces

associations des conseils pratiques pour favoriser une communication efficace et des

rapports harmonieux avec les parents. Il est d’ailleurs intéressant de noter, qu’en

2004, la Semaine des services de garde au Québec avait pour thème « Ensemble…

maintenant et pour longtemps » (AQCPE, 2004). Ce choix de thème illustre de façon

éloquente la valeur accordée à la collaboration que l’on souhaite établir entre tous les

acteurs concernés par le bien-être des tout-petits en milieu de garde.

92volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

2. Voir le site de la Fédération canadienne des services de garde à l’enfance : www.cccf-fcsge.ca 3. Voir le site de l’Association québécoise des Centres de la petite enfance : www.aqcpe.com/site.asp

La collaboration famille –milieu de garde : ce que nous apprend la recherche

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La question est maintenant de savoir ce que l’on entend par « collaboration

famille-milieu de garde » et quelles formes celle-ci peut-elle prendre au quotidien.

Les types de collaboration famille-milieu de garde : définitions et exemples

On s’entend pour dire qu’il existe plusieurs types de collaboration4 ou parte-

nariat possibles entre la famille et les milieux éducatifs, tels les écoles et les garderies

(pour plus de détails, voir les recensions récentes de Miron, 2003 et de Shepard et

Carlson, 2003). Bouchard (1996) définit le partenariat comme une association de per-

sonnes égales entre elles qui reconnaissent leurs expertises et leurs ressources

réciproques et qui prennent les décisions par consensus. Transposé dans le contexte

des milieux de garde, le partenariat ou la collaboration peut prendre les formes sui-

vantes :

• la communication ou l’échange d’informations entre les parents et les éduca-

trices (à propos de l’enfant mais aussi sur des sujets tels que la routine de vie, les

progrès réalisés, les sources d’insatisfaction ou d’inquiétude, les attentes de cha-

cun, les activités proposées, le vécu familial);

• la prise de décisions communes (notamment pour ce qui est de la nature des

soins à prodiguer et des stratégies éducatives à adopter face à certaines con-

duites de l’enfant);

• le soutien social, émotionnel ou instrumental (écoute et entraide dans les situa-

tions difficiles, dépannage lors de situations imprévues, échange de documen-

tation ou de matériel, partage d’équipement);

• la participation aux activités du milieu (assistance lors des sorties, animation

d’activités, participation à des corvées de nettoyage de jouets ou des espaces

éducatifs, présence aux rencontres d’informations et aux causeries);

• la mise en œuvre d’un projet spécial conjoint (p. ex. : une sortie parents-enfants-

éducatrices dans le cadre du Salon du Livre, la préparation d’un « concert » ou

d’un spectacle);

• la gestion administrative du milieu de garde (participation aux réunions du

Conseil d’administration et aux assemblées générales, examen des bilans finan-

ciers, préparation de demandes de financement de projets spéciaux).

Dans le cas des enfants ayant des besoins spéciaux (handicap intellectuel ou

physique, autisme, troubles de comportement), ou plus vulnérables (issus de milieux

à risque), un autre type de collaboration est souvent possible et souhaitable : il s’agit

alors de participer conjointement à la mise en place de mesures de prévention et

d’intervention avec l’aide de professionnels du réseau des services sociaux.

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4. Les termes partenariat et collaboration seront utilisés ici de façon interchangeable, même si une certaine distinction peut être faite entre ces deux mots : la collaboration réfère à la participation conjointe (et parfoisponctuelle) d’individus ou d’organismes à la réalisation de tâches visant l’atteinte d’un but commun alors quele partenariat sous-entend en outre une participation conjointe des parties impliquées au processus de prisede décisions.

La collaboration famille –milieu de garde : ce que nous apprend la recherche

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Conditions de réussite et obstacles au partenariatPour que ces formes de collaboration se réalisent et soient couronnées de succès,

on s’entend généralement pour dire que les qualités suivantes doivent être présentes

chez les personnes concernées : être capable de faire preuve de respect mutuel et de

tolérance, manifester de l’ouverture d’esprit, être sensible et empathique à autrui,

savoir écouter, accepter la différence, être capable de reconnaître, de renforcer et de

valoriser les « bons coups » de l’autre personne, avoir des attitudes positives, savoir

communiquer clairement ce que l’on ressent et ce que l’on pense, être disponible et

motivé à l’égard de son travail, être discret, respecter la confidentialité et enfin, être

capable de traiter l’autre sur un pied d’égalité (Borruel, 2002; Coleman & Wallinga,

2000; Miron, 2003; Warner & Barrera, 2003). En contrepartie, ces auteurs soulignent

que les comportements et attitudes suivants sont réputés nuisibles à l’établissement

de liens de collaboration famille/milieu de garde : avoir une attitude négative et déni-

grante, faire preuve d’indifférence, ne pas tenir compte des opinions ou du point de

vue d’autrui, prendre seul les décisions sans aucune consultation, hausser la voix ou

utiliser un ton méprisant lors des conversations, avoir une attitude de fermeture et

d’intolérance, être passif dans les situations de conflits interpersonnels, relever seu-

lement les erreurs et ne jamais exprimer de marques d’appréciation.

De façon évidente, ces attitudes et comportements favorables et défavorables à

l’établissement de rapports harmonieux entre les parents et le personnel éducatif

relèvent du bon sens et s’appliquent à toutes les relations interpersonnelles. On cons-

tate que ces qualités et attitudes positives « à développer » font maintenant partie de

la plupart des programmes de formation et ouvrages spécialisés destinés aux inter-

venantes en petite enfance (voir le nouveau programme de Techniques d’éducation

à l’enfance offert dans plusieurs CEGEP du Québec; voir aussi le chapitre 5 du volume

de Post, Hohmann, Bourgon, & Léger, 2004; et le chapitre 7 du guide de Dunster,

1994). Mais au-delà des qualités personnelles et des habiletés relationnelles des indi-

vidus en cause, on peut s’interroger sur les conditions de réussite et d’échec qui sont

spécifiques à la collaboration entre la famille et les milieux de garde. Cet exercice

apparaît d’autant plus nécessaire que de nombreuses personnes semblent douter du

succès réel d’une telle collaboration. Par exemple, il n’est pas rare d’entendre les édu-

catrices émettre des commentaires du genre : « On me demande d’impliquer davan-

tage les parents dans les activités de mon milieu; le problème c’est que les parents sont

peu intéressés et rarement disponibles ». Ou encore : « Les parents s’intéressent peu à ce

qui se passe à la garderie et ne semblent pas apprécier tout ce que je fais pour eux;

avant de leur demander de s’impliquer dans leur milieu de garde, on devrait les inciter

à s’impliquer davantage auprès de leur enfant à la maison » (Galinsky, 1988; Workman

& Gage, 1997). De leur côté, les parents tiennent souvent des propos tels que : « Mon

rythme de vie est complètement fou, comment voulez-vous que je trouve le temps de

m’impliquer à la garderie de mon enfant? ». Ou encore « Je paie pour avoir de bons

services de garde et je ne vois pas ce que je pourrais faire de plus! De toute façon, je

doute que je puisse être utile à quoi que ce soit ». Évidemment, ce ne sont pas tous les

parents et toutes les éducatrices qui pensent de la sorte; cependant, ces propos

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témoignent des résistances et des difficultés pouvant faire obstacles à la collabora-

tion entre les deux milieux de vie (Campbell, 1993).

Ainsi donc, même si la plupart des spécialistes de la petite enfance reconnais-

sent aujourd’hui le bien-fondé et l’importance d’impliquer les parents dans les pro-

grammes préscolaires, on peut se demander si, dans la réalité, la collaboration

famille/milieu de garde est bien présente ou s’il s’agit encore d’une affirmation

générale de principe. C’est pourquoi, même si certains progrès ont été réalisés au

chapitre de l’implication parentale, bon nombre d’experts dressent un bilan plutôt

négatif de la situation actuelle et constatent qu’il existe relativement peu de modèles

ou d’exemples concrets d’une véritable collaboration entre la famille et les milieux

éducatifs préscolaires (Pinkus, 2003; Powell, 1998). Qui plus est, cela serait particuliè-

rement vrai dans les milieux d’éducation spécialisée offrant des services aux enfants

ayant des besoins spéciaux (Kroth & Edge, 1997; Turnbull & Turnbull, 1997). Ce cons-

tat décevant a encouragé les chercheurs à étudier de façon plus approfondie les rap-

ports entre les parents et les membres du personnel éducatif afin d’identifier les élé-

ments associés à une communication et à une collaboration positives et efficaces

entre tous les adultes qui accompagnent l’enfant d’âge préscolaire.

Les thématiques d’étude reliées à la collaboration famille-milieu de garde

De façon générale, on remarque que trois thèmes ont principalement retenu

l’attention des chercheurs en lien avec ce sujet :

1. le niveau de satisfaction des parents et des éducatrices;

2. les stratégies de communication privilégiées;

3. la perception des rôles de chacun et la concordance éducative entre les deux

milieux.

La satisfactionToutes les enquêtes réalisées ces dernières années sur cette question arrivent à

la même conclusion : la très grande majorité des parents interrogés se disent très sa-

tisfaits de leur milieu de garde, et ce, peu importe le type de service qu’ils utilisent

(Britner & Phillips, 1995; Coutu, Lavigueur, Dubeau, & Tardif, 2003; Ijzendoorn,

Tavecchio, Stams, Verhoeven, & Reiling, 1998; Powell, 1998). Sans trop de surprises,

les études ont démontré que les parents recherchent d’abord et avant tout des

milieux sécuritaires et stimulants pour leur enfant. Ils apprécient tout particulière-

ment les éducatrices chaleureuses, attentionnées, qui interagissent positivement

avec leur tout-petit et qui leur ressemblent, notamment sur le plan de leurs valeurs

éducatives et culturelles, du niveau socioéconomique et de la langue parlée à la mai-

son (Howes, 1987; Philips & McCartney, 1986; Shpancer, 1998). Il est toutefois éton-

nant de noter que le niveau de satisfaction des parents envers le service de garde

demeure élevé, quelle que soit la qualité de celui-ci (évalué à partir de critères ob-

jectifs), les années d’expérience ou de formation de l’éducatrice, ou le nombre de

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Même si certainsprogrès ont été réalisés

au chapitre de l’implication parentale,bon nombre d’experts

dressent un bilan plutôtnégatif de la situationactuelle et constatent

qu’il existe relativementpeu de modèles ou d’exemples concrets

d’une véritable collabo-ration entre la famille et

les milieux éducatifspréscolaires

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changements (programmation, roulement de personnels) qui surviennent dans le

milieu (voir Sphancer, 1998). Curieusement aussi, même les parents perçus néga-

tivement par le personnel éducatif de leur milieu de garde rapportent une satisfac-

tion élevée à l’endroit de leur milieu (Kontos & Dunn, 1989; Kontos & Wells, 1986).

Comment peut-on interpréter de tels résultats? Kontos (1987) suggère que les

parents évaluent généralement leur milieu comme sécuritaire et stimulant pour leur

enfant et que c’est probablement sur la base de ces critères que repose leur satisfac-

tion. Le fait que les parents ont relativement peu de contacts avec leurs éducatrices

(comme nous le verrons plus loin) et que ces dernières sont généralement positives

et accueillantes lors des brefs moments de rencontre pourrait aussi expliquer le taux

d’appréciation élevé des parents. Même lorsque l’éducatrice adopte une attitude

négative envers eux, il semble que les parents leur en tiennent rarement rigueur et

qu’ils acceptent volontiers de « passer l’éponge » (Kontos & Dunn, 1989). Ces données

positives constituent un signe encourageant aux yeux de plusieurs. Toutefois, cer-

tains auteurs doutent que ces données soient un reflet fidèle de la réalité et critiquent

sévèrement les approches méthodologiques utilisées pour mesurer la satisfaction

parentale (Shpancer, 1998). Ces mêmes auteurs s’interrogent sur la pertinence de

mesurer cette dimension au moyen d’une seule cote globale de satisfaction (Britner

& Phillips, 1995; Shpancer, 1998). Selon eux, ce type de mesure n’est pas très utile, car

il comporte des risques de biais importants, notamment celui de la désirabilité

sociale.

Les rares études ayant utilisé une mesure plus nuancée de la satisfaction ob-

tiennent des résultats qui semblent donner raison à ces critiques. Par exemple, si l’on

demande aux parents (qui se disent satisfaits) s’ils changeraient leur enfant de leur

milieu de garde s’ils en avaient la possibilité, plus du quart répondent par l’affirma-

tive (Hofferth, Brayfield, Deich, & Holcomb, 1991 cité par Britner & Philips, 1995). Ce

pourcentage serait encore plus élevé chez les parents issus de milieux défavorisés sur

le plan socioéconomique. Autre résultat intéressant, Britner et Philips (1995) cons-

tatent que le facteur qui prédit le mieux la satisfaction des parents est le soutien

social perçu par ces derniers. En d’autres termes, plus les parents s’estiment soute-

nus et appuyés par leur éducatrice, plus ils sont satisfaits de leur milieu de garde. La

même étude indique aussi que la satisfaction des parents est intimement liée à la

qualité et à la quantité de leur implication dans leur service de garde. Par ailleurs,

comme il est souvent difficile pour les parents d’obtenir une place en garderie, il est

sans doute normal que ceux-ci fassent preuve d’une certaine « indulgence » et se

conditionnent eux-mêmes pour conserver une opinion favorable de leur service de

garde (Shpancer, 1998). Cette attitude conciliante permet aux parents d’assurer une

plus grande stabilité à l’enfant et d’éviter tous les problèmes associés à la recherche

d’un nouveau milieu.

Si la satisfaction parentale est grande, il semble que la situation soit quelque peu

différente du côté des éducatrices. En effet, plusieurs études démontrent que ces

dernières sont très critiques et ambivalentes à l’égard de certains parents (Galinsky,

1990; Kontos & Dunn, 1989; Leavitt, 1995). Par exemple, lorsqu’on demande aux édu-

catrices d’évaluer les compétences des parents qu’elles côtoient, celles-ci classent le

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quart d’entre eux dans la catégorie « parents peu compétents » (Kontos & Dunn,

1989). Les propos recueillis auprès des intervenantes en petite enfance lors de groupes

de discussion ou d’entrevues confirment que celles-ci jugent sévèrement certains

parents et qu’elles ne les portent pas toujours en très haute estime. À titre d’exem-

ples, elles reprochent à ces parents de ne pas savoir comment s’y prendre avec les

enfants, de ne pas être suffisamment impliqués, d’être négligents, de ne pas recon-

naître leur travail à sa juste valeur, etc. (Coutu et al., 2003; Leavitt, 1995). L’évaluation

souvent négative des éducatrices à l’endroit des parents pourrait refléter l’écart exis-

tant entre les deux parties sur le plan de leurs attentes respectives. Par exemple, il a

été démontré que les éducatrices s’attendent à ce que les parents communiquent

davantage avec elles alors que ceux-ci en ressentent moins le besoin (Powell, 1989).

Galinsky (1990) rapporte également que le quart des éducatrices interrogées croient

que les parents n’utilisent pas le service de garde de manière positive et qu’ils ne

comprennent pas leurs besoins professionnels. Le personnel éducatif des milieux de

garde reproche fréquemment aux parents de ne pas bien connaître l’environnement

de vie dans lequel leur enfant évolue quotidiennement. Une étude récente menée

par Shpancer et ses collaborateurs (2002) semble confirmer cette impression : les

parents participants ont, en moyenne, répondu correctement à seulement 45 % des

questions se rapportant à leur milieu de garde, traduisant ainsi une méconnaissance

évidente de ce milieu.

Certaines caractéristiques des parents seraient associées au jugement des édu-

catrices. Par exemple, il a été démontré que ces dernières ont une image plus néga-

tive des parents divorcés, peu scolarisés et issus des milieux pauvres (Kontos & Wells,

1986). En revanche, il y a plus de chance que les éducatrices tiennent en haute estime

un parent si celui-ci ou celle-ci est marié(e), détient un diplôme universitaire et s’il/si

elle s’implique dans la garderie (Dunst et al., 1992; Kontos & Dunn, 1989). Sphancer

(1998) émet l’hypothèse selon laquelle l’attitude parfois négative des éducatrices

envers les parents pourrait être une façon de valoriser leur rôle et de revendiquer leur

statut de « professionnel de l’éducation »; le fait de se montrer critique envers le pa-

rent leur permettrait en quelque sorte de rehausser leur estime à l’endroit d’un travail

socialement peu valorisé (l’idée sous-jacente étant « J’arrive à bien m’occuper de

plusieurs enfants à la fois alors que les parents, eux, en arrachent même s’ils n’en ont

qu’un ou deux à prendre soin! »). Quoi qu’il en soit, même si les éducatrices sont plus

nombreuses que les parents à exprimer du mécontentement et de l’insatisfaction, il

faut reconnaître que leur relation avec les parents est généralement positive et sou-

vent même amicale (Coutu et al., 2003). En fait, les motifs d’insatisfaction des édu-

catrices concernent davantage leurs conditions de travail et la lourdeur de leur tâche

(salaire jugé trop bas, longues heures de travail, manque de pauses, situations stres-

santes, épuisement physique, peu de soutien et de reconnaissance), alors que leurs

gratifications au travail sont liées au plaisir d’être en contact avec des enfants (de

contribuer à leur bien-être et à leur développement), au caractère varié des tâches à

effectuer, à l’autonomie et à la possibilité d’être à proximité de leurs propres enfants

tout en travaillant (dans le cas des éducatrices en milieu familial) (Coutu et al., 2003;

Phillips, 1991).

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La communicationLa qualité de la communication parent-éducatrice constitue aux yeux de plu-

sieurs le principal élément de réussite de la collaboration famille – milieu de garde

(Garbarino, et al., 1982; Ghazvini & Readdick, 1994; Powell, 1989). En effet, il est

logique de croire que la mise sur pied de projets communs et la prise de décisions

conjointes dépendent en grande partie de l’habileté des personnes à travailler en

équipe, à échanger leurs points de vue et à transmettre de l’information sur ce qu’ils

pensent, sur ce qu’il ressentent et sur ce qu’ils désirent. Pour cette raison, les auteurs

ont été nombreux à se préoccuper de cette question et à examiner les stratégies de

communication utilisées dans le contexte des rapports entre la famille et le milieu

éducatif préscolaire.

Premier constat : les échanges entre les éducatrices et les parents (habituelle-

ment les mères) sont peu fréquents et de courte durée (Powell, 1979). Endsley et

Minish (1991) ont constaté que le tiers des parents participants à leur étude n’avait

aucun contact avec l’éducatrice au moment de venir chercher leur enfant; les autres

parents échangeaient verbalement avec l’éducatrice pour une période variant entre

3 et 570 secondes (moyenne= 27 secondes!). Les auteurs observent toutefois des dif-

férences appréciables entre les milieux participants pour ce qui est de la durée des

conversations entre les adultes. C’est principalement le matin, au moment de l’ar-

rivée de l’enfant dans le milieu de garde, et le soir lors de son départ, que les adultes

ont l’occasion de se dire quelques mots (Endsley & Minish, 1991). Or, ces moments

de transition sont relativement peu propices aux échanges, et ce, pour différentes

raisons : le matin, les parents sont souvent à la presse, car ils craignent d’arriver en

retard à leur travail; un départ hâtif du milieu est souvent encouragé pour éviter des

réactions trop vives chez le jeune enfant lors de la séparation; le parent a parfois

d’autres arrêts prévus sur son parcours (un autre enfant à reconduire à l’école); au

retour, les parents et les éducatrices sont souvent fatigués à la fin de la journée et ont

hâte de se retrouver en famille pour amorcer la routine avec leurs proches (Galinsky,

1988; Workman & Gage, 1997).

Les brèves conversations entre les parents et les éducatrices lors des périodes de

transition portent habituellement sur des sujets relativement superficiels et anodins

(Endsley & Minish, 1991; Powell, 1978). Winkelstein (1981) a étudié les propos

échangés par les parents et les éducatrices le soir, au moment du départ de l’enfant

du milieu de garde. Trois types de communication parent/éducatrice ont été identi-

fiés à partir des observations recueillies :

• la communication sociale (par exemple : les salutations d’usage, les commen-

taires généraux à propos des événements de la journée, de la température);

• la communication informationnelle permettant l’échange de renseignements

factuels au sujet d’une activité ou d’un comportement de l’enfant (par exemple :

dire au parent que son enfant n’a pas fait de sieste ou qu’il y a une sortie prévue

au parc le lendemain);

• la communication centrée sur la prise de décisions communes (par exemple :

se mettre d’accord sur la conduite à adopter à l’égard des comportements d’op-

position de l’enfant).

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Les résultats indiquent que c’est la communication de type social qui dominait

dans les quatre centres visités par la chercheuse, alors que les discussions centrées

sur la prise de décisions étaient beaucoup moins fréquentes. Winkelstein (1981) a

constaté que les parents les plus satisfaits de leur relation avec leur éducatrice étaient

ceux qui utilisaient couramment à la fois la communication sociale et les discussions

menant à la prise de décisions.

Une autre étude confirme que le principal sujet abordé dans les conversations

entre parents et éducatrices au moment du retour à la maison est le « compte rendu »

de la journée de l’enfant à la garderie (Endsley & Minish, 1991). Plus spécifiquement,

l’éducatrice renseigne le parent et répond à ses questions à propos des comporte-

ments de l’enfant avec ses camarades, sa participation aux différentes activités, son

humeur générale, etc. De leur côté, les parents abordent plus souvent des sujets

touchant à leur travail (par exemple : les problèmes rencontrés au cours de la

journée); par contre, les parents sont beaucoup moins loquaces au sujet de leur vécu

familial et discutent plutôt rarement de ce que vit l’enfant à la maison (Powell, 1978).

Il semble aussi que la communication entre les parents et le personnel éducatif varie

en fonction de l’âge des enfants (Shpancer, 1998). Plus ces derniers sont jeunes (deux

ans et moins), plus la communication occupe une place importante. Cela peut sans

doute s’expliquer par le fait que les parents ont besoin de connaître les comporte-

ments associés au « rythme biologique » de leur tout-petit durant la journée (alimen-

tation, sommeil et élimination) pour être en mesure de prendre le relais à la maison.

Aussi, la connaissance des soins prodigués par l’éducatrice permet aux parents

d’adapter leurs conduites en conséquence (par exemple : sachant que bébé a beau-

coup dormi en après-midi, le parent s’étonnera moins de le voir aussi actif à l’heure

du dodo et pourra le laisser « veiller » un peu plus tard). Les parents d’enfants plus

vieux conversent beaucoup moins fréquemment et longuement avec leur éducatrice,

sans doute parce qu’ils disposent d’une source d’information privilégiée sur ce qui se

passe à la garderie : l’enfant lui-même (Powell, 1998; Shpancer, 1998). En outre, à par-

tir du moment où les enfants nécessitent moins de soins de base et qu’ils sont ca-

pables de fonctionner de façon relativement autonome, il est probable que certains

parents jugent moins utiles d’assurer un suivi aussi complémentaire entre le milieu

de garde et la maison (Shpancer, 1998).

Certaines études établissent un lien entre la qualité du milieu de garde et la

fréquence des contacts parent/éducatrice (Ghazvini & Readdick, 1994; Powell, 1989).

Cependant, tous ne sont pas d’accord pour dire qu’une faible fréquence de contacts

signifie que la qualité des rapports entre la famille et le milieu de garde soit pour

autant déficiente ou compromise. Par exemple, Shpancer (1998) pense qu’il est normal

(dans une certaine mesure) que les parents satisfaits de leur service de garde com-

muniquent peu avec leur éducatrice. Selon cet auteur, le rapport parent-éducatrice

s’inscrit habituellement dans une dynamique qui s’apparente à celle d’un consom-

mateur (parent-client) qui transige avec un pourvoyeur qualifié (éducatrice) offrant

des services en échange d’une rétribution financière (« marketplace-oriented con-

sumer/provider transactions »); en conséquence, pour autant que le parent est satis-

fait des services qu’il reçoit en retour de ce qu’il paie (nonobstant la qualité objective

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du service « acheté »), on peut penser que celui-ci ne ressentira pas le besoin de col-

laborer et de multiplier les contacts avec le milieu de garde (Hofferth & Phillips,

1991). Autre élément intéressant, il a été démontré que les parents considèrent

rarement leur éducatrice comme une personne faisant partie de leur réseau social ou

de leur cercle d’intimes (Kontos & Well, 1986). Pour Shpancer (1998), cela constitue une

preuve additionnelle que la rareté des contacts parent/éducatrice n’est pas un indi-

cateur fiable de la qualité de la relation entre les adultes (autrement dit, si les parents

communiquent peu avec leur éducatrice, cela ne signifie pas nécessairement qu’il y

a un problème relationnel; cela peut tout simplement signifier que les parents ne tien-

nent pas à se rapprocher de la personne qu’ils paient pour s’occuper de leur enfant).

Par contre, si l’on accepte cette logique empruntée au milieu des affaires, la

communication devient « utile et rentable » lorsque les parents sont confrontés à des

difficultés particulières qui relèvent du domaine d’expertise de leur éducatrice.

Shpancer (1997; 1998) suggère que, dans un tel contexte, les parents sont plus dis-

posés à se tourner vers celle-ci pour obtenir l’aide professionnelle dont ils ont besoin.

Cette hypothèse d’un « effet tampon » de la relation parent-éducatrice est inspirée de

la documentation scientifique sur les réactions au stress et sur la résilience des

enfants confrontés à plusieurs facteurs de risque (voir Rutter, 1989). Plus parti-

culièrement, Sphancer (1997) réfère ici à l’idée voulant que certaines relations soient

activées en périodes de stress pour neutraliser les effets négatifs des situations

adverses. Par exemple, dans le cas qui nous intéresse, l’effet tampon pourrait pren-

dre la forme d’un conseil de l’éducatrice transmis à un parent qui se sent un peu

« dépassé » par les comportements difficiles de son enfant. En d’autres mots,

Shpancer (1998) suggère que les comportements d’inclusion et de communication

initiés par les parents sont principalement activés lorsque ceux-ci jugent que le

savoir-faire de leur éducatrice peut être mis à profit dans une catégorie bien précise

de problèmes (par exemple, lorsqu’ils sont préoccupés du niveau de développement

de leur enfant, s’ils s’interrogent sur la « normalité » de certains de ses comporte-

ments, etc.).

Outre les questions liées à la fréquence et au contexte des rapports parent/

éducatrice, certains chercheurs en petite enfance se sont intéressés aux moyens de

communication utilisés par les parents et les éducatrices (Britner & Phillips, 1995;

Coutu et al., 2003). Même si leur emploi est beaucoup moins répandu que les conver-

sations face à face (et au téléphone), il a été démontré que les éducatrices avaient

parfois recours aux moyens suivants pour communiquer avec les parents : le journal

de bord, les rapports quotidiens, les cahiers de suivis, les notes écrites (ou toute autre

forme de correspondance personnalisée), le babillard ou tableau d’information, les

conférences ou ateliers/causeries, les articles dans le journal du milieu de garde et,

finalement, les messages électroniques (Britner & Phillips, 1995). Les éducatrices

sont fortement encouragées à diversifier leurs approches en matière de communica-

tion de manière à rejoindre le plus grand nombre de parents possible (Kaufman,

2001; Workman & Gage, 1997). De leur côté, les parents remettent parfois à l’éduca-

trice une note écrite, un mot de remerciement ou des documents jugés intéressants

(cartes confectionnées par l’enfant, articles de revues, livres, etc.).

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On remarque également que les moyens associés aux nouvelles technologies de

l’information et de la communication (TIC) gagnent rapidement en popularité, tant

du côté des milieux éducatifs que de la famille (Hundt, 2002; Neugebauer, 2000).

Qu’il s’agisse de l’Internet (et du système de messagerie électronique), des télé-

phones portables, ou de l’accès à des images en direct à partir d’une « webcam5 », on

constate déjà que les progrès technologiques sont en voie de transformer en pro-

fondeur la manière dont les adultes qui éduquent les enfants s’y prennent pour com-

muniquer entre eux (Lishka, 2003). Cependant, l’idée de doter les milieux de garde

d’un système vidéo afin de permettre aux parents d’observer à leur guise leur enfant

par le truchement de l’Internet n’est pas sans créer de remous. Ceux qui appuient

cette initiative font valoir que ce système comporte de nombreux avantages : contact

direct du parent avec son enfant, sentiment de « proximité » et de sécurité du parent,

meilleure connaissance de l’enfant (notamment de ses comportements en contexte

de groupe), effet dissuasif et préventif des abus envers les enfants, etc. Les opposants,

quant à eux, estiment que la mise en place de ce système de « surveillance » n’est

surtout pas la panacée aux problèmes de communication entre les parents et les édu-

catrices et qu’au contraire, cela peut engendrer de nouvelles difficultés : sentiment

de méfiance de la part des éducatrices qui se sentent continuellement épiées, pro-

blèmes liés à l’interprétation des images vidéo en l’absence du son et des autres élé-

ments du contexte, problèmes de confidentialité, etc. Certains doutent même des

avantages de ce système sur le plan de la surveillance à distance, car il est impossible,

dans la pratique, de filmer toutes les interactions à tout moment de la journée. Les

personnes qui se disent contre l’installation de caméras en milieu de garde avancent

aussi que les sommes d’argent importantes consacrées à ces équipements pour-

raient servir à des fins beaucoup plus utiles pour améliorer la qualité du milieu de

garde, ce qui profiterait davantage aux enfants. Quoi qu’il en soit, le débat ne fait que

commencer et il est à prévoir que cela prendra encore un certain temps avant qu’un

véritable consensus ne se dégage sur cette question (tant du côté des éducatrices que

de celui des parents).

La concordance éducative entre les deux milieux et le rôle des adultes Le succès de la collaboration entre les différents adultes qui participent à l’édu-

cation des jeunes enfants semble également lié au degré de cohésion et de consis-

tance entre les deux principaux milieux de vie. Logiquement, on peut en effet s’at-

tendre à ce que des adultes issus de milieux « spontanément compatibles » vont plus

facilement parvenir à se mettre d’accord sur la réalisation d’actions communes

(Keyes, 2000). À ce sujet, Pinkus (2003) juge qu’une trop grande distance ou disparité

entre les valeurs, les attentes et les caractéristiques propres à chaque milieu risque de

compliquer ou de rendre improbable l’établissement de liens permettant une col-

laboration significative. Nous avons déjà vu plus tôt que les attitudes négatives de

méfiance, d’intolérance et de jugement ont pour effet d’éloigner les partenaires po-

tentiels et de nuire à la qualité de leur relation. Mais au-delà des attitudes, il semble

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5. À titre d’exemple, voir les sites : www.kindercam.com et www.daycarecams.com

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bien que les parents et les éducatrices doivent aussi être capables de reconnaître et

de respecter l’apport spécifique de leur partenaire dans la vie de l’enfant, avant de

pouvoir véritablement faire équipe.

Le problème de la cohérence éducative inter-milieuxLe fait que le milieu de garde soit passablement différent du milieu familial

constitue en soi un défi pour l’adaptation sociale du jeune enfant (Provost, Garon, &

Labarre, 1989). À ce sujet, Powell (1980) a identifié cinq aspects qui permettent de

bien différencier ces deux milieux de vie :

1. l’environnement physique : plus grande liberté de mouvement à la maison,

plus grande intimité, moins de bruit;

2. la routine de vie au quotidien : habituellement plus structurée en milieu de

garde;

3. les relations interpersonnelles : l’enfant bénéficie à la maison d’un statut spé-

cial qui l’amène à vivre un certain « particularisme » dans ses relations avec

ses proches, alors qu’à la garderie, l’attention est distribuée plus équitable-

ment ce qui l’amène à vivre un « universalisme » dans ses rapports avec

autrui;

4. le langage : les parents et les éducatrices abordent souvent des sujets dif-

férents avec les enfants et le langage utilisé n’est pas toujours le même

(vocabulaire, syntaxe et façon de s’exprimer diffèrent parfois d’un milieu à

l’autre);

5. les pratiques éducatives : à cause du contexte et de leurs personnalités, les

parents et les éducatrices n’utilisent pas toujours les mêmes stratégies pour

contrôler les comportements indésirables des enfants.

À cet effet, une étude réalisée par Ijzendoorn et ses collègues (1998) démontre

qu’il existe un certain écart entre le milieu familial et le milieu de garde au chapitre

des attitudes éducatives. Cette étude révèle aussi qu’une trop grande discontinuité

entre les deux milieux est susceptible d’affecter le bien-être des enfants dans le ser-

vice de garde (par exemple, lorsque dans un milieu on utilise de stratégies de con-

trôle de types punitif et coercitif, alors que dans l’autre milieu, l’adulte a recours à des

stratégies de type plus démocratique). Mais ces mêmes auteurs soulignent que

d’autres recherches sont nécessaires pour décrire et comparer de façon plus précise

les actions éducatives posées par les parents et les éducatrices et, par conséquent,

éclairer davantage la question de la cohérence éducative inter-milieux.

Le problème du rôle éducatifMême s’ils interviennent dans des contextes différents, les parents et les édu-

catrices posent des gestes similaires lorsqu’ils éduquent, enseignent et prennent soin

de l’enfant : ils organisent des activités, encouragent, jouent, préparent la nourriture,

nettoient, consolent, supervisent, cajolent, règlent des conflits, etc. C’est aussi à tra-

vers les interactions quotidiennes que l’enfant et les adultes tissent des liens affectifs

significatifs et durables (Howes, 1987). La similitude des interventions et des tâches

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effectuées par les parents et les éducatrices ainsi que le partage de responsabilités

reliées à la prise en charge de l’enfant soulèvent la question de la spécificité du rôle

de chacun et de la cohérence des pratiques entre les milieux. On s’entend pour dire

que c’est au parent qu’échoit la responsabilité première de l’enfant (tant sur le plan

légal que moral); son rôle consiste à assurer une présence sécurisante, affectueuse et

stable à l’enfant et à être le principal pourvoyeur de soins (en étant un modèle adulte

responsable capable de transmettre des valeurs positives, en étant impliqué et pré-

sent). Les éducatrices, quant à elles, ont pour rôle de partager la mission éducative

du parent (et non pas de se substituer à lui). Leur responsabilité première est donc

d’aménager un milieu de vie sécuritaire, agréable et stimulant pour l’enfant sur la

base de critères de qualité bien établis. S’appuyant sur leur expérience, leur savoir-

faire et leurs connaissances (du développement de l’enfant et de l’éducation présco-

laire), les éducatrices qualifiées doivent proposer un programme d’activités complé-

mentaires à celui de la maison, adapté au niveau de développement des enfants qui

leur sont confiés. Pour ce faire, elles sont invitées à suivre et à mettre en application

les lignes directrices des programmes d’éducation préscolaire reconnus et d’utiliser

des pratiques éducatives jugées les meilleures pour garantir le bien-être des tout-

petits dans le contexte de la garderie (« developmentally appropriate practices »). Bref,

même si les tâches et responsabilités des parents et des éducatrices sont semblables,

leurs rôles diffèrent sur le plan de l’investissement affectif, personnel et matériel

auprès de l’enfant.

Du côté des parents, un des défis consiste à accepter qu’un (ou plusieurs) autre

adulte occupe une place de choix dans la vie de leur enfant. Cela exige une bonne

dose de confiance en ses capacités parentales pour ne pas se sentir menacé par l’édu-

catrice (surtout lorsque les marques d’affection de l’enfant à l’endroit de l’éducatrice

se font plus évidentes et fréquentes). Le parent doit donc apprendre à voir celle-ci

non pas comme une rivale, mais plutôt comme une personne ressource dont le rôle

est de l’aider dans les soins et l’éducation de son enfant. Le parent doit apprendre à

reconnaître et à valoriser le caractère complémentaire du rôle de l’éducatrice par

rapport au sien. En effet, tel que mentionné plus haut, la vie de groupe et les activités

organisées par l’éducatrice en milieu de garde permettent à l’enfant de vivre des

expériences sociales différentes de celles de la maison (par exemple : l’enfant peut

apprendre à se faire de nouveaux amis, à régler les conflits auxquels il est confronté

en groupe, à découvrir sa créativité en participant à des activités artistiques ou à des

« spectacles », etc.). L’éducatrice a donc la possibilité d’intervenir dans des contextes

où le parent est habituellement très peu présent. Un autre défi se pose au parent en

cas de difficulté avec son enfant. Le parent doit alors oser s’adresser à l’éducatrice de

son milieu de garde (et à ses autres ressources professionnelles) pour demander

conseil ou de l’aide. Il doit aussi réagir positivement, donner son point de vue et

accepter de collaborer lorsque c’est le personnel éducatif qui lui rapporte que l’en-

fant manifeste des comportements difficiles ou inquiétants à la garderie. Tel que

mentionné, le soutien social perçu par les parents constitue l’un des facteurs qui

prédit le mieux la satisfaction des ces derniers à l’endroit de leur milieu de garde

(Britner & Phillips, 1995).

103volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

La similitude des interventions et

des tâches effectuéespar les parents et leséducatrices ainsi que

le partage de respon-sabilités reliées à la prise en charge de

l’enfant soulèvent laquestion de la spécificité

du rôle de chacun et de la cohérence des

pratiques entre les milieux.

La collaboration famille –milieu de garde : ce que nous apprend la recherche

Page 106: Nouvelles tendances à l’égard de la petite enfance1,2,3 GO!sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leurs familles Élisa DENIS, Gérard MALCUIT, Andrée POMERLEAU

Du côté des éducatrices, un des principaux défis consiste à donner au parent

tout le crédit qu’il mérite et à reconnaître que celui-ci est la personne qui connaît le

mieux l’enfant (File, 2001). Or, il a été mentionné précédemment que les éducatrices

se montrent souvent critiques à l’égard des parents. À tort ou à raison, plusieurs d’entre

elles jugent sévèrement les compétences éducatives des parents. Ces perceptions

négatives risquent de faire obstacles à la collaboration qu’elles disent pourtant

rechercher entre elles et la famille. Il y a donc lieu de poursuivre le travail de sensi-

bilisation auprès des travailleuses en garderie et des parents afin de « créer des

ponts » et de combler le fossé qui existe souvent entre les deux principaux milieux de

vie de l’enfant.

Conclusion

Que doit-on retenir de cette recension des écrits? Selon nous, cinq grandes

conclusions ou points saillants se dégagent de la documentation que nous venons de

survoler :

1. Il existe un consensus à l’effet que les liens de collaboration entre la famille

et le milieu de garde sont souhaitables sinon nécessaires et qu’ils doivent être

renforcés, notamment parce qu’ils contribuent au bien-être des enfants.

Selon les contextes et les besoins de chacun, ces liens de collaboration peu-

vent être d’intensité variable et prendre différentes formes, allant de simples

gestes de collaboration ponctuels à des engagements plus formels et étendus

entre les parents et les éducatrices concernant l’éducation des enfants;

2. Sur le terrain, les exemples concrets de collaboration entre la famille et les

milieux de garde demeurent encore aujourd’hui peu fréquents. Au-delà du

discours et des énoncés de principe en faveur du resserrement des liens entre

les deux principaux milieux de vie de l’enfant, force est de constater que la

majorité des parents sont peu impliqués dans leurs services de garde.

Parallèlement, on constate que les mesures proposées aux intervenants des

milieux de garde pour tisser des liens de collaboration plus étroits avec les

familles sont relativement peu mises en pratique;

3. Les liens de collaboration demeurent parfois ambigus et exigent souvent un

changement d’attitudes et de mentalités de la part des différents acteurs

concernés. Les parents sont confrontés aux nombreux défis de la conciliation

famille/travail et ne sont pas toujours disposés à s’impliquer comme le

souhaiterait leur milieu de garde. Il semble que les parents soient générale-

ment très satisfaits des services qu’ils reçoivent et qu’ils ne voient pas tou-

jours l’utilité ou la pertinence d’agir « autrement » avec leur éducatrice. Il a

aussi été démontré que les parents connaissent relativement peu le milieu de

garde de leur enfant; la majorité d’entre eux ne perçoivent pas leur éducatrice

comme une ressource pouvant les soutenir dans l’exercice de leur rôle

parental à la maison. De leur côté, les éducatrices se montrent souvent cri-

tiques envers certains parents et doutent parfois de leurs compétences; elles

104volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

La collaboration famille –milieu de garde : ce que nous apprend la recherche

Page 107: Nouvelles tendances à l’égard de la petite enfance1,2,3 GO!sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leurs familles Élisa DENIS, Gérard MALCUIT, Andrée POMERLEAU

exploitent peu la variété de moyens de communication mis à leur disposition

(en fait, plusieurs d’entres elles n’ont pas été formées à le faire) et elles

composent plus difficilement avec les situations de conflits interpersonnels

susceptibles de se produire avec les parents;

4. Par contre, les outils et les ressources pour aider les parents et les éducatrices

à collaborer ensemble ne manquent pas. Qu’il s’agisse de guides ou d’ou-

vrages spécialisés, de conseils pratiques (dans les forums de discussion ou les

répertoires des sites Internet d’associations de parents ou d’éducation pré-

scolaire), ou encore d’outils d’évaluation ou de programmes centrés sur les

liens famille/milieu de garde, on constate qu’il y une panoplie de moyens à la

disposition des parents et des éducatrices pour les aider à renforcer leurs

liens de collaboration et la prise de décisions communes. Malheureusement,

l’utilisation de ces moyens demeure limitée et peu répandue;

5. Enfin, malgré ce constat plutôt « sombre » de la situation actuelle, la plupart

des auteurs consultés souligne l’importance de favoriser les conditions de

réussite de la collaboration entre la famille et les milieux éducatifs. La re-

cherche démontre clairement que les enfants sont les premiers bénéficiaires

d’une telle collaboration. Les retombées positives étant nombreuses et va-

riées, on s’entend pour dire que les efforts en valent la peine et qu’il faut

poursuivre le travail de sensibilisation auprès de tous les éducateurs. L’abon-

dante littérature recensée ici témoigne de l’importance accordée à ce sujet

par les experts et les chercheurs du domaine de l’éducation préscolaire. Ces

connaissances doivent maintenant servir de guides dans le développement,

la mise en pratique et l’évaluation de nouvelles formes de collaboration entre

tous les adultes concernés par le bien-être des tout-petits.

Outre ces points saillants, on constate que plusieurs avenues de recherche con-

cernant les liens entre la famille et les milieux de garde n’ont pas encore été explo-

rées. Par exemple, l’implication des pères dans les services de garde constitue un

sujet peu étudié qui devrait faire l’objet d’une plus grande attention dans les re-

cherches à venir. Cela permettrait de fournir des éléments de réponses à des questions

telles que : Les éducatrices sont-elles autant à l’aise de communiquer avec les pères

qu’avec les mères? Doit-on viser les mêmes objectifs avec les pères qu’avec les mères

sur le plan de la collaboration? Quels moyens peut-on utiliser pour intégrer les pères

dans les activités éducatives? De la même façon, on remarque qu’il existe peu de

données sur la collaboration entre les familles séparées et les milieux de garde. Étant

donné le nombre croissant de séparations parentales chez les jeunes familles, il serait

utile de mieux documenter comment les intervenants en petite enfance doivent s’y

prendre pour assurer une collaboration optimale avec les deux parents qui ne coha-

bitent plus ensemble (et qui, souvent, entretiennent des rapports conflictuels et acri-

monieux).

Notons qu’on a également peu exploré les modalités particulières de l’établisse-

ment de liens de collaboration entre les éducatrices et les parents immigrants. Quels

défis spécifiques posent aux milieux de garde la grande diversité culturelle des

105volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

La collaboration famille –milieu de garde : ce que nous apprend la recherche

Page 108: Nouvelles tendances à l’égard de la petite enfance1,2,3 GO!sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leurs familles Élisa DENIS, Gérard MALCUIT, Andrée POMERLEAU

familles nouvellement arrivées au pays? Comment respecter et composer avec leurs

différentes traditions éducatives? Comment favoriser leur intégration et celle de leurs

enfants? En outre, la très grande majorité des travaux recensés ici ont été réalisés

dans des milieux anglophones, principalement aux États-Unis. La nature des parte-

nariats et des initiatives de collaboration dans les milieux éducatifs préscolaires

canadiens et québécois (notamment en milieux francophones) est beaucoup moins

connue. Nous constatons aussi que la plupart des études recensées ont été effectuées

dans les garderies collectives (en installation) desservant des familles ayant des

revenus moyens ou supérieurs à la moyenne; par conséquent, la recherche nous ren-

seigne peu sur la nature des collaborations parent-éducatrice dans les autres types

de milieux de garde (notamment les services offerts en milieu familial) et celles

impliquant des parents plus défavorisés. Il est à souhaiter que des recherches seront

entreprises prochainement au Québec et ailleurs au Canada afin de combler ces

lacunes.

Aussi, à la lumière de la documentation consultée, nous remarquons que rela-

tivement peu de moyens concrets sont proposés pour stimuler l’implication des pa-

rents dans les milieux d’éducation préscolaire. À l’exception des efforts consentis

pour améliorer et diversifier les stratégies de communication entre les parents et les

éducatrices, on constate que peu d’idées innovatrices ont été suggérées pour vérita-

blement encourager les parents à participer de façon originale à l’organisation et au

développement d’activités éducatives dans les milieux de garde que fréquentent

leurs enfants. Ici encore, il est à espérer que de telles idées créatrices pourront engen-

drer de nouvelles expériences de collaboration (à expérimenter et à évaluer) entre les

deux milieux de vie.

Enfin, une dernière piste de recherche prometteuse consisterait à étudier com-

ment la collaboration entre les parents et les éducatrices peut contribuer à prévenir

l’apparition de problèmes de comportement chez les enfants qui manifestent de

façon précoce des difficultés d’adaptation sociale. Nous croyons en effet que les édu-

catrices sont en bonne position pour observer les comportements des jeunes enfants

et assurer, s’il y a lieu, le suivi auprès des parents. Notre équipe de recherche poursuit

présentement une étude6 dont l’objectif est notamment de décrire les actions et les

attitudes des adultes (parents, éducatrices et autres intervenants en petite enfance)

dans une perspective de prévention des problèmes d’adaptation chez les jeunes

enfants. Nous espérons que cette recherche permettra de documenter davantage

comment le partenariat famille – milieu de garde peut se développer dans une

approche de collaboration éducative qui sait offrir à l’enfant l’aide requise pour

« partir sur un bon pied », profitant ainsi au maximum de la complémentarité et du

soutien concerté de ses deux milieux de vie.

106volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

6. Projet financé par le CRSH (2002-2005). Le partenariat famille-milieu de garde : un moyen de prévention desproblèmes d’adaptation sociale des jeunes enfants.

La collaboration famille –milieu de garde : ce que nous apprend la recherche

Page 109: Nouvelles tendances à l’égard de la petite enfance1,2,3 GO!sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leurs familles Élisa DENIS, Gérard MALCUIT, Andrée POMERLEAU

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La communauté peut aider ses enfants à mieux sepréparer à commencer l’école :

l’initiative Comprendre la petite enfance

Pierre LAPOINTEUniversité de Montréal, Québec, Canada

Isabelle MARTINUniversité McGill, Québec, Canada

RÉSUMÉ

L’initiative Comprendre la petite enfance à Montréal s’inscrit dans le cadre du

programme national d’aide au développement des enfants et de lutte contre la pau-

vreté. Toujours en cours, cette étude vise, à partir de trois sources d’information, à

rendre compte de l’état du développement des enfants dans certains quartiers de

Montréal, au moment de leur entrée à l’école. Les enseignants de maternelle de 28

écoles publiques ont d’abord évalué le degré de préparation scolaire des enfants. Les

parents ont fourni des renseignements sur leur développement général. Enfin, les

caractéristiques des populations et les ressources disponibles sur le territoire étudié

ont été examinées. Les résultats de cette collecte de données sont transmis aux inter-

venants communautaires pour enrichir les programmes et les ressources offerts aux

enfants et aux familles. L’article décrit les origines du projet national, les résultats de

l’évaluation de la préparation scolaire des enfants et de celle des caractéristiques

socioéconomiques des populations étudiées. On termine en décrivant les activités de

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transfert des connaissances aux organismes partenaires, dans la perspective d’une

révision des plans d’action locaux en petite enfance.

ABSTRACT

The Community Can Better Prepare Help Its Children for School -Understanding the Early Years InitiativePierre Lapointe

Université de Montréal, Québec, Canada

Isabelle Martin

Université McGill, Québec, Canada

Understanding the Early Years in Montreal is an initiative that is part of the

national aid program for child development and the fight against poverty. Still in

progress, this study uses three sources of information with the goal of understanding

the developmental level of children in some areas of Montréal when they start

school. Kindergarten teachers from 28 public schools first evaluated the degree of

preparation for school these children had. The parents supplied information on their

general development. Finally, the characteristics of the populations and the

resources available on the territory being studied were examined. The results of this

collection of data were shared with community stakeholders to enrich the programs

and the resources available to children and families. The article describes the origins

of the national project, the results of the evaluation of these children’s preparedness

for school and the socio-economic characteristics of the populations being studied.

The article concludes with a description of the knowledge transfer activities with

partner organizations from the perspective of a revision of local early childhood

action plans.

RESUMEN

La comunidad puede ayudar a sus niños a estar bien preparados paracomenzar la escuela: la iniciativa Comprender la infanciaPierre Lapointe

Universidad de Montreal, Quebec, Canadá

Isabelle Martin

Universidad McGill, Quebec, Canadá

La iniciativa Comprender la infancia en Montreal se inscribe en el cuadro del

programa nacional de apoyo al desarrollo de los niños y de lucha contra la pobreza.

Actualmente en curso, dicho estudio intenta revelar, a partir de tres fuentes de infor-

mación, el nivel de desarrollo de los niños en ciertas zonas de Montreal, al momen-

to de ingresar a la escuela. Los maestros de las clases de preescolar de 28 escuelas

113volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

La communauté peut aider ses enfants à mieux se préparer à commencer l’école : l’initiative Comprendre la petite enfance

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públicas evaluaron el grado de preparación escolar de los niños. Los padres de fami-

lia proporcionaron las informaciones sobre el desarrollo general de los niños.

Finalmente, las características de las poblaciones y los recursos disponibles sobre el

territorio estudiado fueron examinadas. Los resultados de ésta recolección de datos

fueron transmitidos a los agentes comunitarios para enriquecer los programas y los

recursos que se ofrecen a los niños y a las familias. El artículo describe los orígenes

del proyecto nacional, los resultados de la evaluación de la preparación escolar de los

niños y las características socioeconómicas de las poblaciones estudiadas.

Terminamos describiendo las actividades de transferencia de conocimientos hacia

los organismos asociados, en una perspectiva de revisión de planes locales de acción

entre los infantes.

Introduction

Notre société doit se donner comme objectif prioritaire d’assurer le développe-

ment optimal de chaque enfant afin qu’il réalise son plein potentiel et devienne un

citoyen responsable contribuant de manière significative au bien-être de sa collec-

tivité (Conseil des ministres de l’éducation et Statistique Canada, 2003; Développe-

ment des ressources humaines Canada et Statistique Canada, 2003).

La réalisation de cet objectif constitue un défi majeur pour les communautés

qui ont l’obligation d’adopter des stratégies concertées d’intervention en petite

enfance. Ces efforts doivent notamment préparer adéquatement l’enfant à son

entrée à l’école. La transition entre la maison et l’école constitue un passage obligé

pour tous les enfants. Or, on constate que l’entrée à la maternelle est vécue de ma-

nière plus ou moins harmonieuse par les enfants, en raison de facteurs personnels,

familiaux et sociaux. Bien que les programmes préscolaires insistent sur l’impor-

tance de respecter le rythme d’apprentissage de l’enfant, ses compétences et ses con-

naissances seront très tôt évaluées selon les standards du système scolaire (Ladd,

1996; Pianta et Cox, 1999; Ramey et Ramey, 1994).

Dans une perspective d’intervention communautaire, la capacité d’agir appa-

raît souvent limitée parce qu’on n’a pas de données précises sur les enfants, sur les

familles et sur les ressources disponibles. La connaissance de l’état du développe-

ment des enfants s’avère pourtant une condition nécessaire à l’établissement de rela-

tions de concertation et à l’élaboration de stratégies pour assurer une meilleure pré-

paration scolaire des enfants. En collaboration avec certaines communautés, l’initia-

tive Comprendre la petite enfance (CPE) vise à recueillir ces renseignements et à les

transmettre aux personnes engagées auprès des enfants et des familles.

L’article donne un aperçu de l’étude, à partir de l’expérience réalisée dans cer-

tains quartiers de Montréal. Nous présenterons d’abord les origines de cette initiative

nationale, ses assises théoriques, ses objectifs et sa méthodologie. Ensuite, les prin-

114volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

La communauté peut aider ses enfants à mieux se préparer à commencer l’école : l’initiative Comprendre la petite enfance

La transition entre la maison et l’école

constitue un passageobligé pour tous les

enfants.

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cipaux résultats de l’étude seront traités, notamment ceux concernant l’évaluation

de la préparation scolaire des enfants de maternelle et ceux reliés à l’analyse de la

vulnérabilité des populations étudiées. Enfin, nous discuterons des stratégies privi-

légiées pour transférer les connaissances aux acteurs locaux intéressés à revoir leurs

plans d’action en petite enfance.

Naissance d’une initiative locale : North York Project

En 1996, une coalition d’organismes communautaires de la ville de North York

(Toronto, Ontario) entreprenait une démarche dont l’objectif était d’implanter une

stratégie locale de soutien au développement des enfants. Ce regroupement « The

Early Years Action Group » a obtenu du ministère du Développement des ressources

humaines du Canada des renseignements sur l’état du développement des enfants

de la région étudiée, en vue d’en tracer un portrait et d’élaborer un plan d’action

communautaire (Early Years Action Group, 2001). À cette époque, le ministère réali-

sait, en collaboration avec Statistique Canada, une Étude longitudinale nationale sur

les enfants et les jeunes (ELNEJ). Cette recherche pancanadienne, amorcée en 1994,

visait à constituer une base de données nationale sur les jeunes Canadiens, de la

naissance à l’âge adulte (Développement des ressources humaines du Canada et

Statistique Canada, 1996). Le projet de North York offrait l’opportunité aux promo-

teurs de l’ELNEJ d’expérimenter leur méthodologie de recherche dans une perspec-

tive d’intervention régionale. De cette collaboration est née l’initiative Comprendre la

petite enfance, qui sera expérimentée dans douze régions du Canada, dont celle de

Montréal.

L’initiative Comprendre la petite enfance : un projetnational

À la suite de l’expérimentation à North York, une équipe de recherche du minis-

tère du Développement des ressources humaines du Canada a défini le cadre théo-

rique et méthodologique de l’initiative Comprendre la petite enfance, puis un appel

d’offres national a été lancé aux communautés intéressées à y participer. Dans les

projets retenus, les objectifs suivants sont poursuivis : établir un portrait de la situa-

tion sociale, économique et scolaire des enfants et des familles au moment de l’entrée

à l’école des jeunes; diffuser les résultats de la recherche auprès des citoyens et des

organismes responsables des services à la petite enfance; et enfin, soutenir la révi-

sion des plans d’action locaux en petite enfance.

L’initiative CPE aborde la question de la transition de l’enfant de la maison à l’é-

cole en référant au modèle bioécologique de Bronfenbrenner et Morris (1998). Les

concepteurs de l’initiative ont recensé les recherches sur les déterminants individu-

els et familiaux de la préparation scolaire ou « school readiness » (Doherty et

Développement des ressources humaines du Canada, 1997).

115volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

La communauté peut aider ses enfants à mieux se préparer à commencer l’école : l’initiative Comprendre la petite enfance

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Le concept de « school readiness » ou de « maturité scolaire » suscite un grand

intérêt aux États-Unis depuis l’adoption des priorités nationales en matière d’éduca-

tion, la première stipulant que les jeunes doivent « être prêts à apprendre » au mo-

ment de leur entrée à l’école (National Education Goals Panel, 1995). En général, la

notion de maturité scolaire indique un ensemble d’habiletés cognitives, affectives et

sociales que l’enfant possède, à son entrée à l’école, et qui le rendent plus ou moins

bien préparé à la vie scolaire (Rimm-Kaufman et Pianta, 2000).

L’évaluation de la maturité scolaire est un sujet de controverse dans le monde de

l’éducation américaine. Plusieurs dénoncent les administrateurs scolaires qui

utilisent ces évaluations pour sélectionner les enfants ou leur refuser l’accès à l’école

(Kagan et Neuman, 1997; La Paro et Pianta, 2000; May et Kundert, 1997; Stipek et

Ryan, 1997). À leur avis, ces approches évaluatives sont centrées exclusivement sur

l’enfant et elles négligent les aspects familiaux, scolaires et communautaires qui con-

tribuent à l’acquisition des compétences individuelles. Par contre, ils reconnaissent

que ces données peuvent être utiles aux intervenants intéressés à connaître les forces

et les faiblesses des enfants, afin de tenir compte de leurs besoins dans l’organisation

des services scolaires.

Les concepteurs de l’initiative CPE ont aussi recensé les recherches traitant de

l’effet des caractéristiques des quartiers sur le développement de l’enfant (Connors,

Brink et Développement des ressources humaines Canada, 1999). Par exemple, les

travaux de Kohen, Hertzman, Brooks-Gunn et Développement des ressources

humaines du Canada (1998) mettent en évidence la relation entre certaines caracté-

ristiques des quartiers, telles que l’aisance et la cohésion sociale, et les habiletés

comportementales et verbales chez les jeunes enfants. Ces chercheurs affirment que

la scolarité de la mère et la monoparentalité sont aussi associées à la maturité sco-

laire de l’enfant et agissent comme facteurs médiateurs des effets du quartier. De

même, Wilson (1987) et Brooks-Gunn, Duncan et Aber (1997) illustrent comment

l’isolement social et le fait de vivre dans des quartiers défavorisés où les ressources

matérielles sont rares, les taux de chômage élevés et les populations peu scolarisées,

peuvent avoir un effet négatif sur le développement des enfants. Dans cette perspec-

tive, l’étude des caractéristiques des populations et de leurs quartiers peut aider à mieux

cerner les facteurs de risque et de protection qui influent sur ce développement.

À partir d’un devis quasi expérimental de type transversal, notre étude descrip-

tive exploite différents instruments de mesure pour évaluer les caractéristiques des

enfants, de leurs familles et de leur environnement physique et social. Les partici-

pants sont choisis en fonction de l’école fréquentée par les enfants. L’échantillon-

nage de plusieurs écoles a délimité un territoire géographique où vivent les enfants.

La « communauté » comprend ici les citoyens et les organismes liés aux services

d’éducation, aux services bénévoles et récréatifs, aux services de santé, aux services

de garde et à l’administration municipale du territoire.

Les douze régions canadiennes partagent une méthodologie de recherche com-

mune. Réalisée durant sept années consécutives, l’initiative CPE prévoit trois phases

de collectes de données.

116volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Notre étude descrip-tive exploite différents

instruments de mesurepour évaluer les carac-téristiques des enfants,de leurs familles et de

leur environnementphysique et social.

La communauté peut aider ses enfants à mieux se préparer à commencer l’école : l’initiative Comprendre la petite enfance

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Tableau 1 : Calendrier des activités de la recherche

Au cours de la phase I (2001-2002), un premier groupe d’enfants de maternelle

a été évalué par les enseignants dans chaque école du territoire à l’étude. Les don-

nées du recensement national ont servi à la constitution d’un indice de vulnérabilité

des populations locales (indice social), qui est mis en relation avec la maturité sco-

laire des enfants. Les parents, quant à eux, fournissent des renseignements sur les

caractéristiques de leur enfant et de la famille et sur l’utilisation qu’ils font des

ressources et des programmes communautaires. On a complété aussi un inventaire

des ressources et des services dédiés aux jeunes enfants et aux familles sur le terri-

toire. De plus, une enquête menée auprès des responsables des services fait con-

naître la nature et la disponibilité des ressources communautaires. Enfin, la phase I

est complétée par une évaluation de l’environnement physique des quartiers cou-

verts par le territoire.

La phase II (2003-2004) consiste à diffuser ces renseignements aux intervenants

du milieu, à appuyer les efforts de mobilisation communautaires et à évaluer la

maturité scolaire d’une seconde cohorte d’enfants du préscolaire. La phase III (2005-

2007) assure la suite des activités de transfert des connaissances et de mobilisation

des communautés. De plus, les enseignants sont invités à évaluer le niveau de pré-

paration scolaire d’une troisième cohorte d’enfants résidant sur le territoire étudié.

L’initiative Comprendre la petite enfance à Montréal

L’initiative Comprendre la petite enfance à Montréal associe différents parte-

naires : le Centre 1, 2, 3 Go ! le promoteur, la Commission scolaire de Montréal, la

Régie régionale de la santé et des services sociaux de Montréal-Centre, la Ville de

Montréal, le Comité de gestion de la taxe scolaire de l’île de Montréal et le Groupe de

recherche sur l’inadaptation psychosociale chez l’enfant de l’Université de Montréal.

L’étude est réalisée sur le territoire des centres locaux de services communau-

taires (CLSC) de Rosemont, Hochelaga-Maisonneuve, Olivier-Guimond, Saint-Michel

et Villeray. Les CLSC sont des établissements publics qui ont la responsabilité de rendre

accessibles à la population d’un territoire donné des services de santé, des services

sociaux, des services de prévention et des services d’action communautaire. Ces ter-

117volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Collecte de données Phase I Phase II Phase III

Évaluation des enfants par les enseignants X X X

Évaluation des enfants par les parents X X

Analyse des caractéristiques des populations X X X

Évaluation des caractéristiques des quartiers X

Inventaire des ressources communautaires X X

Enquête sur les programmes et les services X X

La communauté peut aider ses enfants à mieux se préparer à commencer l’école : l’initiative Comprendre la petite enfance

Page 120: Nouvelles tendances à l’égard de la petite enfance1,2,3 GO!sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leurs familles Élisa DENIS, Gérard MALCUIT, Andrée POMERLEAU

ritoires comptent environ 300 000 habitants et près de 10 % de ce nombre sont des

enfants de moins de six ans.

Nous traiterons ici des données sur l’indice social, qui rend compte du niveau

de vulnérabilité des populations, et sur l’évaluation de la maturité scolaire. Pour con-

naître les résultats de l’évaluation des enfants par les parents et les données concer-

nant l’inventaire et l’enquête sur les programmes, le lecteur est invité à consulter les

rapports déjà publiés (KSI Research International Inc, 2003; Lapointe, Martin et

Robitaille, 2003).

Une mesure de la vulnérabilité des populations : l’indice social

Neuf indicateurs du Recensement de 1996 ont été sélectionnés pour déterminer

le degré de vulnérabilité des populations observées. Selon le découpage géographique

établi par Statistique Canada, le territoire étudié se divise en 450 secteurs de dénom-

brement, qui sont les plus petites unités administratives pour lesquelles des données

sont disponibles.

Dans la présente analyse, chaque indicateur est reconnu comme un facteur de

risque lorsque la condition des individus d’un territoire donné est jugée nettement

désavantageuse par rapport à celle observée dans la population canadienne. La

somme des facteurs de risque relevés sur un territoire donné constitue la valeur de

son indice social. C’est cet indice qui sert à comparer les populations. La valeur de

cet indice varie de 0 à 9 : plus elle est élevée, plus la condition socioéconomique de la

population est jugée difficile.

Les données montrent la grande vulnérabilité sociale de plusieurs familles sur le

territoire étudié, puisque la valeur moyenne de l’indice s’établit à 7.

118volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

La communauté peut aider ses enfants à mieux se préparer à commencer l’école : l’initiative Comprendre la petite enfance

Les données montrent la grande vulnérabilité sociale

de plusieurs familles sur le territoire étudié.

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Figure 1 : Pourcentage, par école, des enfants jugés en difficulté.

Les enfants et les familles les plus vulnérables habitent des quartiers où il y a

plus de ménages à faible revenu; plus d’individus dont une part importante du

revenu provient de transferts gouvernementaux; moins de travailleurs actifs; plus de

familles monoparentales; un plus grand nombre d’adultes peu scolarisés (sans DES);

plus d’immigrants récents; plus de citoyens qui ne parlent ni français ni anglais;

moins de ménages propriétaires de leur logement et une plus grande mobilité des

familles.

L’évaluation de la maturité scolaire

L’évaluation de la maturité scolaire des enfants de maternelle fournit des rensei-

gnements sur leur développement, au moment de leur entrée à l’école. Au cours de

la phase I, dans 28 écoles primaires de la Commission scolaire de Montréal, 70 en-

seignantes de maternelle ont évalué 1 274 enfants à l’aide de l’Instrument de mesure

du développement à la petite enfance (Janus et Offord, 2000). Cinq composantes du

développement de l’enfant sont évaluées, celles qui sont considérées comme ayant

les rapports les plus significatifs avec l’apprentissage et la réussite scolaire : santé

physique et bien-être; compétence sociale; maturité affective; développement du lan-

gage et aptitudes cognitives; et communication et connaissances générales.

119volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

La communauté peut aider ses enfants à mieux se préparer à commencer l’école : l’initiative Comprendre la petite enfance

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Dans les écoles du territoire à l’étude, la majorité des enfants obtiennent de

bons résultats. Cependant, 32 % d’entre eux éprouvent des difficultés relativement à

au moins une composante de la maturité scolaire, tandis que 16 % sont jugés en dif-

ficulté à deux composantes et plus. Le pourcentage d’enfants jugés en difficulté est

calculé selon le nombre d’enfants dont le résultat individuel relativement à une ou

plusieurs composantes de la maturité scolaire se situe au-dessous du 10e rang cen-

tile. Les élèves jugés en difficulté à une seule composante n’éprouvent pas néces-

sairement un problème important de maturité scolaire. Ils peuvent néanmoins être

considérés comme des élèves potentiellement à risque. Par contre, les élèves éprou-

vant des difficultés à deux composantes et plus de la maturité sont les plus suscepti-

bles de devoir affronter des problèmes d’adaptation scolaire.

L’analyse des résultats montre aussi des caractéristiques communes à certains

groupes d’enfants. On observe notamment que les filles obtiennent de meilleurs

résultats que les garçons à toutes les composantes de la maturité scolaire; les enfants

plus âgés semblent mieux préparés que les plus jeunes à affronter les défis scolaires,

et les enfants allophones, c’est-à-dire ceux dont la langue maternelle est autre que la

langue d’enseignement, obtiennent des résultats plus faibles que les enfants fran-

cophones.

Les résultats de l’évaluation de la maturité scolaire, par école cette fois, sont

présentés à la figure 1. La proportion d’élèves jugés en difficulté à une ou à plusieurs

composantes de la maturité scolaire est indiquée de même que la valeur de l’indice

social de chaque secteur. Le taux moyen d’élèves reconnus en difficulté à une com-

posante et plus de la maturité scolaire est de 29 % par école. Le taux minimal est de

6 % alors que le taux maximal est de 53 %. Il existe donc, selon l’école d’apparte-

nance, une variation importante du degré de maturité scolaire des enfants. Ces résul-

tats mettent en relief les différences entre les enfants, dès leur entrée à l’école. De

plus, on peut observer à la figure 1 la relation entre la préparation scolaire des enfants

et la vulnérabilité des populations (indice social). De manière générale, plus la valeur

de l’indice social d’un secteur est élevée, c’est-à-dire plus les conditions socio-

économiques sont défavorables, plus le nombre d’enfants jugés en difficulté au

regard de la maturité scolaire est grand. Ces analyses illustrent les écarts de perfor-

mance, dès la maternelle, entre les enfants des milieux défavorisés et ceux des milieux

moins défavorisés.

Cette évaluation permet aussi de juger de l’effet du programme d’éducation

prématernelle sur la préparation scolaire des enfants à la maternelle. Rappelons que

seuls les enfants habitant les quartiers les plus défavorisés de Montréal peuvent aller

à l’école à l’âge de quatre ans. Un programme d’activités éducatives en classe et au

service de garde est offert dans la plupart des écoles des quartiers défavorisés sur le

territoire à l’étude. Deux groupes sont comparés aux fins de l’analyse : le premier est

formé d’enfants qui étaient inscrits en classe de prématernelle tandis que le second

réunit des sujets qui ne l’étaient pas. Les enfants du premier groupe obtiennent des

résultats significativement inférieurs à ceux du second groupe, pour chaque compo-

sante de la maturité scolaire. Ainsi, il semble que la participation à un programme de

prématernelle ne soit pas une condition suffisante pour que la préparation scolaire

120volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

La communauté peut aider ses enfants à mieux se préparer à commencer l’école : l’initiative Comprendre la petite enfance

Ces analyses illustrent les écarts

de performance, dès la maternelle, entre

les enfants des milieuxdéfavorisés et ceux des milieux moins

défavorisés.

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des enfants des quartiers les plus défavorisés soit équivalente à celle des enfants

vivant dans des milieux moins défavorisés.

Une analyse plus détaillée des résultats des enfants de chaque école a été faite

au bénéfice des communautés locales et présentée sous la forme d’un Rapport à l’é-

cole sur l’évaluation de la maturité des enfants de la maternelle. Un rapport de ce type

est remis aux intervenants des écoles participantes de façon qu’ils distinguent mieux

les caractéristiques des enfants dont ils ont la charge et adaptent leurs interventions

en conséquence.

Le transfert des connaissances

Dans toutes les régions canadiennes où l’initiative CPE est développée, l’admi-

nistration des projets est assumée par un organisme reconnu dans la communauté

locale pour son engagement dans la promotion du bien-être des enfants et des

familles. Le promoteur du projet à Montréal est le Centre 1, 2, 3 GO! et son directeur

préside un comité de coordination formé de représentants des partenaires institu-

tionnels de la région. Ces personnes sont informées des résultats de l’étude et elles

participent à l’organisation des activités de transfert des connaissances.

En vue d’assurer la diffusion des résultats de la recherche et de soutenir les

agents communautaires dans la révision des plans d’action en petite enfance, la

principale stratégie adoptée fut celle d’instaurer des collaborations avec des groupes

de concertation des services à la petite enfance et à la famille dans les cinq CLSC

associés à l’étude. Ces instances locales regroupent des représentants des services de

santé, des services sociaux, des services scolaires, des services de garde et des orga-

nismes communautaires. De cette manière, nous pouvons joindre simultanément

plusieurs types d’intervenants œuvrant sur le territoire.

À l’occasion de ces rencontres d’information et d’échanges, les gens sont invités

à former des groupes de réflexion sur la préparation scolaire des enfants dans leurs

quartiers. À chaque phase de l’étude, les résultats des dernières évaluations sont dis-

cutés avec les partenaires, ce qui maintient leur intérêt et leur collaboration. Paral-

lèlement, les faits saillants de l’étude sont présentés lors de colloques professionnels

et communautaires. Enfin, des rapports sont publiés à l’intention des partenaires de

l’initiative (KSI Research International Inc, 2003; Lapointe et al., 2003; Lapointe et

Robitaille, 2002).

D’emblée, l’étude CPE suscite l’intérêt des intervenants puisqu’elle rend dis-

ponibles, dans leur quartier respectif, plusieurs renseignements inédits sur l’état du

développement des enfants. Cependant, l’interprétation des données sur la maturité

scolaire renvoie à plusieurs modèles théoriques sur les déterminants du développe-

ment de l’enfant. L’étude CPE mesure les variations entre les caractéristiques de l’en-

fant et celles de son environnement familial et social, mais n’établit pas de relation

de cause à effet entre les phénomènes observés. En fait, nous n’avons pas de données

longitudinales qui permettraient de mesurer l’effet des expériences de vie à la petite

enfance sur la préparation scolaire. De plus, il n’y a pas d’évaluation sur l’efficacité

121volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

La communauté peut aider ses enfants à mieux se préparer à commencer l’école : l’initiative Comprendre la petite enfance

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des programmes en petite enfance dans les quartiers visés. En conséquence, lors de

l’appropriation des données de l’étude, les intervenants manquent encore d’infor-

mation pour définir des priorités communes et revoir leurs plans d’action locaux. À

Montréal, cette réflexion apparaît plus ardue encore puisque les intervenants agis-

sent dans des quartiers comptant un grand nombre d’enfants à risque d’échec sco-

laire. Aussi, la plupart des administrations publiques, compte tenu des budgets

disponibles, peuvent difficilement offrir davantage de services à leur communauté.

Conclusion

L’initiative Comprendre la petite enfance se poursuivra au cours des prochaines

années. Lors du discours du trône en février 2004, le gouvernement fédéral affirmait

sa volonté de créer 100 nouveaux sites du genre à travers le Canada.

Sur le territoire montréalais ciblé, le degré de préparation des jeunes à leur

entrée à l’école varie selon les caractéristiques personnelles des enfants, mais aussi

selon les conditions socioéconomiques de leur famille et de leur communauté. Les

résultats montrent que dans un même quartier, les enfants éprouvent souvent des

difficultés similaires, qui doivent être prises en compte dans l’élaboration et la révi-

sion des programmes locaux d’intervention précoce.

Comment la communauté peut-elle mobiliser davantage ses ressources pour

aider les enfants à mieux se préparer à réussir à l’école? En comparaison avec les

autres provinces canadiennes, le Québec est à l’avant-garde dans le domaine des

services à l’enfance et à la famille. En effet, plusieurs politiques québécoises visent à

assurer une meilleure préparation scolaire des enfants. Il apparaît donc prioritaire

d’évaluer comment les programmes d’intervention issus de ces politiques contri-

buent effectivement au développement des enfants. Rappelons que les résultats de

notre étude révèlent que les programmes de prématernelle en milieu scolaire ne per-

mettent pas, à eux seuls, de réduire les écarts entre les populations d’enfants plus

défavorisés et moins défavorisés.

L’initiative CPE montre l’importance de disposer d’indicateurs sur l’évolution

des caractéristiques des enfants, des familles et des communautés. En ce sens,

l’analyse longitudinale des trajectoires scolaires des enfants de la maternelle devrait

nous aider à mieux comprendre comment certains d’entre eux parviennent à se déve-

lopper pleinement, malgré qu’ils aient vécu dans un environnement moins favorable

à leur épanouissement.

122volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

La communauté peut aider ses enfants à mieux se préparer à commencer l’école : l’initiative Comprendre la petite enfance

Sur le territoire montréalais ciblé, le

degré de préparationdes jeunes à leur entréeà l’école varie selon lescaractéristiques person-

nelles des enfants, mais aussi selon les

conditions socio-économiques de leur

famille et de leur communauté.

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Agir ensemble pour améliorerles pratiques d’interventionprécoce à la maternelle enmilieu urbain défavorisé

Denise DOYONUniversité du Québec à Chicoutimi, Saguenay, Québec, Canada

Monique L’HOSTIEUniversité du Québec à Chicoutimi, Saguenay, Québec, Canada

RÉSUMÉ

Dans le contexte de l’ouverture de deux classes maternelles quatre ans en milieu

urbain défavorisé visant à offrir un programme d’intervention précoce à des enfants

qui n’en bénéficieraient pas autrement, les personnes responsables d’une commis-

sion scolaire de la région du Saguenay-Lac-St-Jean (Québec) décident de tout mettre

en œuvre pour la réussite de ces enfants. Elles invitent alors des chercheures de l’uni-

versité régionale à travailler avec elles afin d’initier un projet de recherche sur le

sujet. La démarche entreprise s’inspire d’un modèle écologique dans lequel chacun

des acteurs impliqués est pris en compte de même que l’interaction entre les diffé-

rents paliers d’intervention des acteurs. Ainsi, afin de créer autour de l’élève une véri-

table communauté de soutien, les intervenants scolaires et sociaux sont appelés à

collaborer étroitement pour améliorer leurs pratiques en regard des relations école-

famille dans le milieu socio-économique concerné. Une communauté de recherche

est créée pour travailler à l’analyse des pratiques en cette matière par la discussion,

les échanges et la réflexion, mais aussi à la lumière de la littérature scientifique. Le

Page 128: Nouvelles tendances à l’égard de la petite enfance1,2,3 GO!sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leurs familles Élisa DENIS, Gérard MALCUIT, Andrée POMERLEAU

texte fait état des premières données de cette recherche-action dont le but est de

développer chez les différents intervenants impliqués des stratégies de communica-

tion et des relations école-famille plus favorables à la réussite des enfants.

ABSTRACT

Working Together to Improve Early Intervention in Kindergartens inSocially Disadvantaged Urban AreasDenise Doyon and Monique L’Hostie

Université du Québec à Chicoutimi, Québec, Canada

When two new junior kindergartens opened in a socially disadvantaged area, a

Saguenay-Lac-St-Jean school board (Québec) decided to do everything they could to

promote the success of these children by offering early intervention to children who

would not otherwise have access to it. They invited researchers from the area uni-

versity to work with them in order to initiate a research project on the subject. The

initiative was inspired by an ecological approach in which everyone working with the

children is taken into account, along with interactions between their interventions.

In order to create a real support community around the student, the educational and

social stakeholders were asked to collaborate closely to improve their school-family

practices in this socio-economic milieu. A research community was created to work

on analyzing the practices in this matter through discussion, exchanges and reflec-

tion, but also in light of scientific literature. The article reports on the initial data of

this research-action, the goal of which is to develop communication and relationship

strategies favourable to approval among the educational and social stakeholders.

RESUMEN

Actuar en conjunto para mejorar las prácticas de intervención precoz alnivel preescolar en medio urbano desfavorecidoDenise Doyon y Monique L’Hostie

Université de Quebec en Chicoutimi, Québec, Canadá

En un contexto de apertura de dos clases de preescolar par niños de cuatro años

en un medio urbano desfavorecido que buscaba ofrecer un programa de interven-

ción precoz para niños que de otra manera no podrían beneficiarse, las personas

responsables de una comisión escolar de la región de Saguenay-Lac-St-Jean

(Quebec), decidieron emplear todo lo necesario y favorecer el éxito de esos niños.

Esas personas invitaron a los investigadores de la universidad regional para trabajar

con ellas a fin de iniciar un proyecto de investigación sobre ese tema. El enfoque se

inspiró en un modelo ecológico en el cual se toma en cuenta cada actor implicado así

como las interacciones entre los diferentes niveles de intervención de los actores. Así,

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Agir ensemble pour améliorer les pratiques d’intervention précoce à la maternelle en milieu urbain défavorisé

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con el fin de crear alrededor del alumno una verdadera comunidad que lo sostenga,

se incita a los agentes sociales y escolares a colaborar estrechamente con el fin de

mejorar sus prácticas en lo que se refiere a las relaciones escuela-familia en el medio

socioeconómico concernido. Se creó una comunidad de investigadores para trabajar

el análisis de las prácticas en dicha materia a través de la discusión, los intercambios

y la reflexión, así como a la luz de la literatura científica. Este texto presenta los

primeros datos de esta investigación-acción cuya finalidad es desarrollar estrategias

de comunicación y de relación favorables a la apropiación entre los agentes escolares

y sociales.

Introduction

Ce texte porte sur l’élaboration d’un projet de recherche qui origine de la mise

en place par une commission scolaire de maternelles quatre ans en milieu urbain

défavorisé et qui, en s’associant avec des chercheurs universitaires en éducation,

crée une synergie autour de ces maternelles. Prenant appui sur les résultats des

recherches sur l’intervention précoce, les personnes se concertent dans le cadre

d’une recherche-action pour que les enfants qui bénéficient de ce service en retirent

le meilleur avantage. Dans les lignes qui suivent, on peut lire une description du con-

texte d’émergence du projet, des éléments qui ont permis de déterminer l’objet de la

recherche et de faire des choix méthodologiques. Des analyses préliminaires de nos

données serviront à présenter un exemple de construction progressive d’un problème

de pratiques liées aux relations famille-école et des voies d’action pour le résoudre.

Contexte d’émergence du projet

Les classes maternelles au Québec ont été mises en place dans les années soixante

à la suite du Rapport Parent. Ce service est alors offert aux enfants de cinq ans à rai-

son d’une demi-journée, cinq fois par semaine. Dans les années soixante-dix, dans la

foulée des programmes d’intervention précoce mis de l’avant par les Américains, le

ministère de l’Éducation du Québec décide d’agir pour tâcher, à son tour, de prévenir

l’échec scolaire. Il instaure alors différents programmes d’intervention précoce à

l’intention des enfants de quatre ans de milieux à risque, comme les maternelles-

maison, les maternelles-animation, le programme Passe-Partout et les maternelles à

demi-temps. En 1997, à la suite des États généraux sur l’éducation, les maternelles

pour enfants de cinq ans passent du demi-temps au temps plein; pour les enfants de

quatre ans, on maintient les maternelles déjà en place dans les commissions sco-

laires, mais peu à peu, les Centres de la petite enfance devraient offrir des services

pour les enfants de cet âge (MEQ, 1997 a).

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Agir ensemble pour améliorer les pratiques d’intervention précoce à la maternelle en milieu urbain défavorisé

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Cette nouvelle organisation des services ne parvient pas complètement à ré-

pondre à tous les besoins. En effet, dans des écoles situées dans des secteurs défa-

vorisés au plan socio-économique et culturel, les enseignantes du préscolaire de

même que les directions d’écoles constatent qu’une partie relativement importante

des enfants se présente à la maternelle cinq ans en accusant certains retards de

développement, des retards susceptibles d’entraver leur réussite scolaire. Le Rapport

du groupe de travail pour les jeunes (MSSS, 1991) fait état des liens établis entre la

pauvreté et les difficultés scolaires des enfants au primaire et au secondaire où deux

fois plus d’enfants de ces milieux décrochent. Selon ce même rapport, ces difficultés

scolaires sont souvent accompagnées de graves problèmes de comportement. Les

connaissances actuelles sur le phénomène de l’échec scolaire ont mis en valeur les

liens entre le milieu socioculturel et le milieu familial de l’enfant, mais aussi sur le

rôle que peut jouer le milieu scolaire (St-Laurent, 2000).

Pour répondre à ces besoins, lors de la préparation de son plan consolidé, une

commission scolaire de la région du Saguenay-Lac-St-Jean décide d’ouvrir deux

maternelles quatre ans pour les enfants de ces milieux urbains défavorisés. Il con-

vient de mentionner que la Commission scolaire possède déjà l’expérience des

maternelles quatre ans en milieu rural.

Au début du projet, les directions d’école et les enseignantes du niveau présco-

laire décrivent leurs milieux de travail respectifs de la manière suivante1 : il s’agit

d’écoles situées dans deux quartiers voisins mais distincts, dont l’indice de défavorisa-

tion est très élevé et où les enfants ne fréquentent pas les Centres de la petite enfance,

ni d’autres services préscolaires, et ce, pour des raisons différentes. Pour l’un, quand

les parents ont besoin de faire garder leurs enfants, ils font appel aux autres membres

de leur famille, car ceux-ci vivent à proximité. Les intervenants scolaires comparent

la vie des gens de ce milieu urbain à celle d’un milieu rural : les familles sont établies

dans ce quartier depuis longtemps, les gens se connaissent, vivent entre eux et se

soutiennent. Ce « soutien social extrafamilial » constitue un facteur de protection

pour les enfants (Trudel, Puentes-Neuman et Ntebutse, 2002 :158). De plus, toujours

selon le témoignage des mêmes personnes, les parents remettent à l’école la respon-

sabilité du développement des habiletés et des connaissances chez leurs enfants, se

préoccupant par ailleurs de leur prodiguer les soins de base et de les protéger. Au dire

de la direction et des enseignants, les parents acceptent de confier à l’école leurs

jeunes enfants parce qu’ils connaissent les enseignantes et la direction et ont confiance

en elles. Toutefois, lors de l’entrée scolaire, le moment où les enfants entrent à l’école

en laissant les parents à l’extérieur est accompagné de larmes. Dans l’autre milieu,

comme en témoignent la direction de l’école et l’intervenante sociale responsable du

Centre de soir/enfants, les caractéristiques d’un milieu urbain défavorisé sont encore

plus présentes : les parents déménagent souvent, les familles se font et se défont, la

consommation d’alcool et de drogues de même que la prostitution sont présentes et

entraînent la violence et la négligence qui leur sont reliées. Plusieurs facteurs néga-

128volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Dans des écolessituées dans des

secteurs défavorisés auplan socio-économique

et culturel, les ensei-gnantes du préscolaire

de même que les direc-tions d’écoles constatent

qu’une partie relative-ment importante desenfants se présente à la maternelle cinq ans

en accusant certainsretards de dévelop-pement, des retards

susceptibles d’entraverleur réussite scolaire.

1. Les descriptions sont issues des traces colligées au cours des rencontres comme les comptes rendus des réunions, le journal de recherche des chercheures. En ce sens, ces traces constituent des données descriptives.

Agir ensemble pour améliorer les pratiques d’intervention précoce à la maternelle en milieu urbain défavorisé

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tifs sont donc réunis, des facteurs susceptibles de causer des retards de développe-

ment et d’adaptation (Provost et Royer, 2004; Janosz, Fallu et Deniger, 2000). Ces facteurs

de risque peuvent aussi agir l’un sur l’autre ou se cumuler et affecter le comporte-

ment des enfants (Trudel, Puentes-Neuman et Ntebutse, 2002).

Toujours au début du projet, les enseignantes des deux écoles mentionnent

régulièrement qu’elles observent les conséquences de pratiques parentales peu

appropriées sur le développement des enfants et sur leur comportement. Elles

relèvent par exemple, des retards de langage, certains enfants même ne parlant pas;

elles notent qu’ils n’ont pas eu de contact avec des livres avant de venir à la mater-

nelle, que quelques-uns ne savent pas comment s’y prendre pour monter un escalier,

quoi faire avec le matériel de jeu et comment se comporter avec les autres enfants.

Considérant que dans ces quartiers de la ville, il n’y a pas d’autres services

offerts aux jeunes enfants, la commission scolaire demande au ministère de l’Éduca-

tion du Québec le financement nécessaire pour l’ouverture et le maintien de ces deux

maternelles quatre ans. Elle s’engage en même temps à lier la mise sur pied de ces

deux maternelles au développement de la recherche. Pour faire de cet engagement

une réalité, la personne coordonnatrice des Services éducatifs de ladite commission

scolaire établit des contacts avec une spécialiste de l’éducation préscolaire de l’uni-

versité régionale qui, de son côté, invite une spécialiste des questions d’organisation

en éducation à joindre l’équipe. Ensemble, nous préparons un projet de recherche.

Il convient de souligner aussi que les enfants et le personnel de chaque école

bénéficient du soutien d’une intervenante sociale. L’une d’elle est rattachée au CLSC

(Centre Local des Services Communautaires) de la municipalité. Son mandat est de

travailler avec les enseignants, les parents et les enfants pour informer, sensibiliser,

prévenir les problèmes et appuyer les actions entreprises en ce sens. Ses interven-

tions se font en groupe. L’autre intervenante sociale est responsable d’un Centre de

soir/enfants rattaché à l’une des écoles. L’objectif de ce Centre est de créer autour des

enfants du milieu un réseau de soutien nécessaire à leur bien-être et à leur réussite

scolaire.

Définir un objet de recherche

Lors des premières rencontres, l’équipe est composée de la personne qui agit

comme coordonnatrice des services éducatifs de ladite commission scolaire, de celle

qui agit comme conseillère pédagogique en ce qui concerne l’éducation préscolaire,

des deux directions d’écoles concernées et des deux chercheures. D’autres personnes,

disposées à s’impliquer dans une telle démarche, se joignent ensuite à l’équipe. Ce

sont les enseignantes des classes maternelles quatre et cinq ans des deux écoles, et

les deux intervenantes sociales dont il a été fait mention précédemment.

Quelques rencontres permettent d’établir l’objet de la recherche. Des éléments

théoriques et certaines données de recherche orientent nos discussions et nos ré-

flexions, particulièrement les connaissances relatives aux programmes d’intervention

précoce et aux relations parents-école. Nous avons aussi pris en compte la situation

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Agir ensemble pour améliorer les pratiques d’intervention précoce à la maternelle en milieu urbain défavorisé

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scolaire et sociale dans laquelle émergeait le projet. Voici donc en quelques lignes, la

trame de ces idées.

Les programmes d’intervention précoceLes programmes d’intervention précoce américains les plus connus sont le pro-

gramme Head Start, le programme Perry et le projet Abecedarian, et, si le premier des

trois n’a pas fait l’objet de mesures d’évaluation rigoureuses, c’est le cas des deux

autres peut-on lire dans un article synthèse sur le sujet (St-Laurent, 2000). Les

conclusions des études longitudinales faites par Schweinhart et Weikart (1993) sur les

enfants qui ont bénéficié du programme Perry ont permis de dire que ceux-ci, quand

on les compare aux enfants provenant de milieux similaires mais qui n’ont pas béné-

ficié de ces mesures, ont mieux réussi dans la vie dans le sens où ils occupent de

meilleurs emplois et ont moins de problème de délinquance (St-Laurent, 2000;

Hamel, 1995).

Le ministère de l’Éducation du Québec (1992) a publié une étude évaluant les

résultats des mesures qu’il avait mises en place dans les années soixante-dix. Cette

étude met en valeur la supériorité du programme Passe-Partout par rapport aux

autres programmes, et surtout par rapport aux classes maternelles. Même si la

méthodologie utilisée dans cette étude a été remise en question (Capuano, Bigras,

Gauthier, Normandeau, Letarte et Parent, 2001; Hamel, 1995; Terrisse et Boutin,

1994), les résultats sont souvent repris. À notre connaissance, c’est la seule étude

visant à connaître l’effet des mesures compensatoires mises de l’avant par le minis-

tère de l’Éducation. Les résultats donnent à penser que ce qui a fait la différence, c’est

entre autres choses la participation des parents, car la maternelle-classe est le seul pro-

gramme qui n’ait pas produit de changement notable chez les enfants et le seul

programme dans lequel il n’y a pas de mesures particulières visant la participation

des parents.

Parallèlement aux programmes déjà mentionnés qui avaient été instaurés par le

ministère de l’Éducation, des chercheurs universitaires québécois ont réalisé des

travaux dans ce domaine. On peut consulter le travail de synthèse de Hamel (1995) à

ce sujet. La participation des parents est un élément pris en compte, par exemple

dans le programme ApprentiSage (Piché, Roy et Couture, 1994) et, selon Terrisse et

Boutin (1994), elle rendrait les résultats plus durables. Plus récemment, l’initiative

1,2,3,Go! (Bouchard, 2000) s’inscrit d’emblée dans un modèle écologique et le sou-

tien aux parents est un des objectifs visés. La participation des parents apparaît

comme un des éléments clés de l’efficacité des programmes d’intervention précoce,

comme le mentionne St-Laurent (2000, citant le travail de Reynolds, 1998) dans ses

conclusions et recommandations.

Les liens avec les parentsLa participation des parents à l’éducation préscolaire fait en quelque sorte par-

tie de la culture québécoise. Ainsi, en 1982, le ministère de l’Éducation publiait un

guide pédagogique sur la participation des parents à la maternelle (MEQ, 1982). En

1997 encore, un document expliquant le programme aux parents accompagnait le

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Agir ensemble pour améliorer les pratiques d’intervention précoce à la maternelle en milieu urbain défavorisé

La participation desparents apparaît comme

un des éléments clés de l’efficacité des

programmes d’intervention précoce

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texte du programme (MEQ, 1997 b). Les responsables de l’éducation préscolaire ont

toujours considéré qu’il fallait d’une part, que les parents soient bien informés des

objectifs de la maternelle et d’autre part, qu’on devait faciliter leur participation à

différentes activités de la classe. Les parents démontrent ainsi leur intérêt à ce que

l’enfant fait à l’école et comprennent mieux les objectifs de la maternelle. Ce sujet est

aujourd’hui assez bien documenté et on s’entend pour y consacrer temps et énergie,

surtout en vue de développer une relation de partenariat (Miron, 2004) plutôt que de

se limiter à une transmission de l’information.

Prenant appui sur le modèle écologique développé par Bronfenbrenner (1979),

Jacques et Baillargeon (1997; Baillargeon et Jacques 1994) soulèvent les facteurs de

risque pour les enfants associés au manque de soutien des adultes dans les moments

de transition de vie et qui les empêcheraient de donner un sens à cette nouvelle

expérience qu’est l’école. Ces facteurs de risque sont reliés au mésosystème ou sys-

tème concernant les relations famille, services de garde et école. Une attitude néga-

tive de la part des adultes rend plus difficile l’adaptation de l’enfant à son nouveau

milieu de vie.

Cette question de la participation des parents est actuellement beaucoup dis-

cutée dans le milieu scolaire et différents modèles complémentaires sont mis de

l’avant (Deslandes, 1999). À ce concept de participation, souvent limité à des acti-

vités parascolaires et à une transmission d’informations des enseignants aux parents,

on associe maintenant celui d’appropriation. Ce terme est une traduction du mot

anglais « empowerment » et signifie la volonté de donner plus de pouvoir et de con-

trôle aux parents (Bouchard, 2000). Le parent est alors davantage considéré comme

une personne avec qui la responsabilité de l’éducation de l’enfant est assumée.

Savoirs partagés, compétences partagées et reconnaissance réciproque des compé-

tences de chacun sont les conditions de ce mode de relation.

La compréhension du rôle parental est un élément important qui explique l’agir

du parent envers son enfant et, par conséquent, son attente par rapport à l’école tout

comme le type de participation auquel on peut s’attendre de sa part (Deslandes,

1999). Le sentiment de compétence parentale détermine la décision des parents de

participer ou de ne pas participer. Ce sentiment se développerait quand le type de

rencontres ou de relations suscité par les enseignants facilite une mise en commun

des ressources et des compétences de chacun. Voilà pourquoi on recommande de

favoriser les relations de partenariat entre l’école et la famille. En outre, ce type de

relations parents-école a pour conséquence d’offrir à l’enfant une expérience plus

positive de l’école (Miron, 2004). Grâce au partenariat, les parents ont la possibilité

de mieux comprendre ce qui se passe à l’école et de mieux soutenir leur enfant dans

son cheminement scolaire. Ils contribuent ainsi à la création d’une communauté de

soutien autour de l’enfant (Deslandes et Lafortune, 2000).

Avec l’intention de faciliter chez ces enfants de milieux défavorisés le dévelop-

pement des différentes compétences prescrites dans le programme (MEQ, 2001) et,

s’inspirant du modèle écologique de même que des conclusions des programmes

d’intervention précoce mettant de l’avant l’importance des relations parents-école,

les membres de l’équipe ont décidé de coordonner leurs efforts pour mieux travailler

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Agir ensemble pour améliorer les pratiques d’intervention précoce à la maternelle en milieu urbain défavorisé

Grâce au partenariat,les parents ont la

possibilité de mieuxcomprendre ce qui sepasse à l’école et demieux soutenir leur

enfant dans son cheminement scolaire.

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ensemble. Cette orientation implique une meilleure concertation à l’école des dif-

férentes catégories d’intervenants comme les enseignants, la direction et les travail-

leuses sociales qui agissent auprès des enfants et de leurs parents. La formulation du

but de la recherche et de ses objectifs découle de ces intentions.

Objectifs de la recherche

Le but de la recherche est d’amener les directions, les enseignantes et les travail-

leuses sociales concernées à utiliser à l’endroit des parents, des stratégies de commu-

nication et de relation favorisant l’appropriation. Les objectifs qui s’ensuivent sont :

1) accroître les connaissances et les compétences des intervenants impliqués en

matière de relations école-famille; 2) améliorer les pratiques en matière des relations

école-famille; 3) analyser en groupe les pratiques individuelles et collectives relatives

aux relations avec les parents; 4) renforcer la concertation et la collaboration entre les

intervenants pour qu’ils soient plus efficaces ensemble dans l’action sur le terrain

auprès des parents.

Méthodologie

En raison du contexte de la recherche et des objectifs visés, l’idée d’inscrire le

projet dans une démarche de recherche-action s’est imposée d’emblée à l’équipe.

Différents auteurs (Savoie-Zajc, 2001; Dolbec et Clément, 2000; Dolbec, 1997) ont

effectué des recensions des écrits sur la recherche-action afin de retracer son évolu-

tion en même temps que les différentes façons de la concevoir. Nous avons retenu la

description suivante qui met bien en valeur les deux composantes de recherche et

d’action :

« La recherche-action s’apparente à un processus rigoureux de résolution de

problèmes qui permet de réduire les écarts entre ce qui est observé et ce qui serait

souhaitable. Elle ajoute à ce processus l’application de stratégies de recherche dans

le but de contribuer au développement des connaissances et au savoir dans le champ

de l’éducation ainsi que d’accentuer la prise de conscience des praticiens par rapport

à leurs interventions dans leur milieu particulier » (Dolbec et Clément, 2000 : 205).

Repenser son agir professionnel en regard des relations école-famille et discuter

en groupe de cet agir afin d’assurer la cohérence dans les interventions de chacun, le

cheminement encadré par des stratégies de recherche, correspond à une démarche

de recherche-action. À l’intérieur des différents paradigmes de la recherche-action,

la présente recherche se situe dans le paradigme interprétatif (Dolbec, 1997) puisque

que la manière d’appréhender la situation est d’analyser les réalités décrites par les

participants qui sont dans l’action et leurs interprétations de cette réalité. Dans le

paradigme interprétatif, on s’intéresse à « la cohésion des acteurs du système »

(Dolbec, 1997 : 479).

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Agir ensemble pour améliorer les pratiques d’intervention précoce à la maternelle en milieu urbain défavorisé

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Dans ce type de recherche, tous les intervenants concernés par le projet sont

impliqués : ils décident des réflexions et des discussions à mener, des actions à entre-

prendre, et finalement des évaluations à en faire. La recherche se situe dans un mo-

dèle socio-constructiviste : les acteurs sont au centre de la démarche; ce sont leurs

idées, leurs préoccupations, leurs propositions qui sont discutées et regardées sous

différents angles; on parvient à des consensus que l’on met en action et les résultats

sont de nouveau remis en perspective. La démarche est donc sociale et se fait en spi-

rale, les étapes s’enrichissant les unes des autres. L’équipe évolue à travers l’itinéraire

de ces différents temps de la recherche (Savoie-Zacj, 2001).

Ainsi donc, l’objet de la recherche concerne les pratiques professionnelles indi-

viduelles et collectives des acteurs du terrain. Pour travailler sur un tel objet, l’analyse

collective des pratiques qui favorise le codéveloppement professionnel (Payette et

Champagne, 1997) est apparue comme le dispositif à privilégier puisqu’il est au cœur

de la recherche-action.

Nous avons donc créé un groupe d’analyse des pratiques (GAP) fonctionnant

sur deux plans. Au premier plan se retrouvent deux sous-groupes, l’un en interven-

tion scolaire et l’autre en intervention sociale. Le sous-groupe en intervention sco-

laire est composé des enseignantes des maternelles quatre ans et cinq ans, d’une

direction d’école, du conseiller pédagogique et d’une chercheure; le sous-groupe en

intervention sociale réunit pour sa part les deux intervenantes sociales, une des

directions d’école, la personne coordonnatrice des services éducatifs et une cher-

cheure. Au deuxième plan, il y a l’ensemble des membres de l’équipe, ou si l’on veut,

les deux sous-groupes. Ceux-ci se réunissent pour planifier, pour échanger sur les

résultats de leurs discussions respectives, pour partager leurs préoccupations, leurs

intentions, pour élaborer des projets et les évaluer.

Le GAP fonctionne dans une perspective réflexive qui invite les acteurs du ter-

rain à prendre, de manière systématique, leur propre pratique professionnelle

comme un objet à connaître et à transformer au besoin. La pratique réflexive est un

moyen particulièrement approprié pour poursuivre le développement de ses con-

naissances et de ses compétences, étant donné que la base de l’apprentissage, pour

un praticien, c’est d’abord l’action et la réflexion dans l’action suivies d’un question-

nement sur cette action dans un effort d’objectivation et de compréhension

(Perrenoud, 2001; Bourassa, Serre et Ross, 1999; Schön, 1996, 1994). Pour cela, le

groupe travaille à partir de situations concrètes d’intervention vécues sur le terrain,

les analyse dans le but de cerner les aspects de l’action qui semblent poser problème

puis, recherche des pistes de solution en vue d’améliorer l’efficacité des interven-

tions auprès des élèves, en classe et dans l’école, et auprès des parents (St-Arnaud,

1992). Le matériel de base pour ce travail, ce sont des pratiques décrites et racontées

par les acteurs du terrain et appartenant à une même famille de situations, par exem-

ple, des situations de communication avec les familles. Le travail en groupe se struc-

ture autour de ce matériel de base et vise à problématiser les pratiques, c’est-à-dire à

poser et à construire progressivement les problèmes de la pratique plutôt que de

chercher tout de suite des voies de solution à un problème, comme si le problème

était évident.

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Agir ensemble pour améliorer les pratiques d’intervention précoce à la maternelle en milieu urbain défavorisé

La pratique réflexiveest un moyen parti-

culièrement appropriépour poursuivre le

développement de sesconnaissances et de ses

compétences

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Comme l’analyse réflexive se fait en groupe dans le cadre du GAP, le travail se

réalise dans une optique de codéveloppement professionnel laquelle repose sur une

idée simple mais centrale à savoir qu’un praticien peut apprendre sur sa propre pra-

tique en écoutant et en aidant d’autres praticiens à cheminer dans la compréhension

et l’amélioration de la leur (Payette et Champagne, 1997). Les discussions entre pairs

et les échanges structurés suscitent une dynamique d’interaction qui est une puis-

sante source de motivation et un moteur de développement professionnel pour ceux

qui y participent, étant donné que chacun profite dans ce cas non seulement du sup-

port moral des pairs mais, surtout, des clés d’interprétation fournies par le savoir

d’action et d’expérience des autres participants (L’Hostie, 2003).

De plus, une stratégie de changement assisté oriente le travail réalisé en GAP et

vise à dépasser les limites inhérentes aux savoirs d’action et d’expérience en intro-

duisant dans la dynamique du changement, le savoir et le savoir faire spécialisés des

chercheurs dans un effort pour concilier raison scientifique et raison pratique

(L’Hostie et Doyon, 2004; Perrenoud, 2001; St-Arnaud, 1999). Il revient en effet aux

chercheurs de soumettre à l’attention et à la critique des praticiens des connais-

sances scientifiques et des résultats de recherche pertinents aux problèmes analysés,

de leur fournir des clés d’interprétation puisées dans les corpus théoriques de

domaines tels que la psychopédagogie et la sociologie, afin que les acteurs de terrain

puissent considérer ces apports dans la construction progressive des problèmes

analysés et dans l’élaboration de leurs propres solutions à ces problèmes. Les cher-

cheurs doivent en somme accompagner les praticiens dans une optique qui rejoint

celle de Le Boterf (1990) lorsqu’il propose de concevoir l’accompagnement comme

une fonction pédagogique visant essentiellement à aider les personnes accompa-

gnées à nommer ce qu’elles font, à identifier les problèmes qu’elles rencontrent dans

leurs pratiques, à les mettre en relation avec des ressources et des connaissances per-

tinentes aux problèmes rencontrés et, finalement, à les aider à faire le point sur leur

démarche et leur progression afin d’assurer le bon déroulement du processus de

changement enclenché dans le cadre de la recherche-action.

Les rencontres en groupe d’analyse des pratiquesCe texte rend compte du déroulement de la recherche sur une durée de dix mois

de travail en groupe d’analyse des pratiques. Avant d’entreprendre une telle dé-

marche, quelques rencontres avaient permis aux initiateurs du projet provenant de

la commission scolaire et aux chercheures de s’informer mutuellement de l’état de la

situation et de préciser l’objet de la recherche. La démarche d’analyse collective des

pratiques s’est déroulée sur une année scolaire, soit de septembre à juin. Pendant ce

temps, quatorze rencontres ont été tenues, cinq du sous-groupe d’intervention

sociale, quatre du sous-groupe d’intervention scolaire et cinq, de l’équipe complète.

Le contenu des rencontres du sous-groupe d’intervention scolaire porte sur les

caractéristiques des enfants et des parents de ces milieux dits « à risque »; il est aussi

question de l’entrée des enfants à l’école, des activités d’accueil offertes par l’école,

des rencontres avec les parents, des services offerts, etc. Les membres du sous-

groupe d’intervention sociale s’intéressent plus précisément aux modalités des rela-

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Agir ensemble pour améliorer les pratiques d’intervention précoce à la maternelle en milieu urbain défavorisé

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tions avec les parents et aux activités du Centre de soir/enfants. Les moments où se

trouvent réunis les deux sous-groupes servent à planifier les actions et à dresser des

bilans pour mieux relancer celles-ci. Ils sont aussi un espace de réflexion et de dis-

cussion à partir de textes et de synthèses apportés par les chercheures ou encore, de

rencontres avec des invités présentant des expériences concrètes relatives aux rela-

tions école-famille.

Toutes les discussions lors des rencontres sont enregistrées sur bandes audio.

Aussi, une assistante de recherche prend des notes et prépare un compte rendu

qu’elle complète à l’aide de l’enregistrement audio. Les chercheures, pour leur part,

tiennent un journal de recherche. Une analyse de contenu de ce matériel, en cours

de processus, nous offre des données préliminaires. Une triangulation de ces don-

nées permet de dégager quelques lignes directrices quant à l’orientation des résultats

de la recherche-action au cours de cette première année.

Une deuxième année de travail en groupe d’analyse des pratiques est prévue

afin de poursuivre le cheminement en cours. Pour alimenter les réflexions et les dis-

cussions au sujet des rapports école-famille, les chercheures ont prévu présenter un

état de la question en regard des développements théoriques et empiriques sur ce

sujet et en faire un objet de réflexion collective avec les membres de l’équipe de

recherche.

Pour recueillir les données, d’une part, les chercheures vont continuer à tenir

leur journal de recherche et d’autre part, les rencontres seront toujours enregistrées

afin d’en tirer des comptes rendus. Une analyse de contenu des rencontres du groupe

d’analyse des pratiques sera réalisée et permettra une analyse plus fine du contenu

et de la dynamique des échanges. Nous pourrons ainsi dégager les éléments mar-

quants des discussions au cours des rencontres et décrire la manière dont s’est cons-

truite, à travers les interactions, une nouvelle façon d’aborder les relations école-

famille.

De plus, au terme de cette deuxième année de travail en groupe d’analyse des

pratiques, il est d’ores et déjà prévu qu’un ensemble de moyens seront utilisés pour

connaître, du point de vue des acteurs, les effets obtenus par la démarche. À cette fin,

il y aura des entrevues semi-dirigées avec chacun des participants à l’aide d’un ques-

tionnaire préétabli; des entretiens ciblés en groupe avec les intervenants tant sco-

laires que sociaux de chaque école seront réalisés; enfin, un bilan sera dressé avec

tous les participants au projet. Les entrevues, comme les entretiens ciblés et le bilan

seront retranscrits pour permettre de procéder à des analyses de contenu d’abord, et

à une triangulation des données par la suite. Ces analyses nous permettront de

mieux cerner les changements dans les perceptions des intervenants, de même que

les nouvelles pratiques en regard des relations école-famille.

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Agir ensemble pour améliorer les pratiques d’intervention précoce à la maternelle en milieu urbain défavorisé

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Construction progressive de problèmes de la pratique enmatière de relation famille-école et de voies d’action pourles résoudre : des résultats préliminaires

Une analyse de contenu des comptes rendus des rencontres tenues au cours de

cette première année du projet ainsi que des journaux de recherche tenus par les

deux chercheures nous permettent de dégager certains résultats préliminaires. Bien

que partielles, les données accumulées jusqu’ici indiquent déjà un mouvement dans

les conceptions et les pratiques entre le début et la fin de l’année scolaire, tant du

côté des acteurs scolaires que de celui des intervenantes sociales en regard des rela-

tions école-famille.

Au cours des premières rencontres, les conceptions des acteurs scolaires sont à

l’effet que l’école doit favoriser la réussite scolaire des enfants, ce pourquoi d’ailleurs

ils ont mis sur pied les maternelles pour enfants de quatre ans. Les acteurs scolaires

considèrent que les parents doivent soutenir leurs enfants dans ce cheminement

scolaire, mais ils estiment que les parents de ces milieux défavorisés ne rencontrent

pas bien leurs attentes, car les enfants se présentent à l’école avec des retards de

développement. Du point de vue des acteurs scolaires, il revient alors à l’école de for-

mer les parents pour qu’ils agissent mieux avec leurs enfants afin de répondre aux

attentes de l’école.

Les pratiques de ces acteurs scolaires en regard des parents sont conséquentes

avec leurs conceptions. On tient les réunions statutaires avec les parents et on les

convie quand il y a des problèmes, par exemple, au moment des études de cas. Les

directions qui sont au premier plan dans l’établissement des relations avec les pa-

rents, témoignent de leur préoccupation pour trouver des moyens appropriés afin

d’entrer en communication avec ceux-ci. Elles choisissent les formules, le vocabu-

laire, le ton, le mode de présentation en vue de prévenir l’inquiétude, le stress chez

les parents. Les directions collaborent aussi avec les acteurs sociaux du Centre de soir

pour enfants ou du Centre local des services communautaires. Cette collaboration,

de même que la portée de leur tâche auprès des parents a une influence sur leur con-

ception et leur préoccupation à l’égard des relations école-famille.

Pour leur part, les intervenantes sociales qui connaissent bien le milieu socio-

économique et sont au courant des problèmes, considèrent que les parents ont

besoin d’aide pour subvenir aux besoins de base de leurs enfants ainsi que pour

devenir de meilleurs éducateurs. Mais, si les parents ont de grands besoins, ils ont

aussi des capacités. Elles croient que l’école pourrait agir auprès d’eux en prenant en

compte leurs capacités et en leur faisant vivre des expériences positives en regard de

l’école.

Quant aux pratiques des intervenantes sociales, on constate qu’elles ont des

stratégies pour entrer dans les maisons, savent créer des liens avec les parents et leur

montrer comment intervenir de manière plus appropriée dans l’éducation de leurs

enfants. À l’école, elles aident à établir des contacts avec les parents. Elles organisent

occasionnellement des cafés rencontres avec eux pour les informer sur différents

sujets relatifs à l’éducation des enfants.

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C’est le portrait que l’on peut dégager des conceptions et des pratiques des

intervenantes scolaires et des intervenantes sociales à partir des comptes rendus des

premières rencontres de l’équipe de recherche. Dans les rencontres qui suivent, on

note certaines prises de conscience au sujet des relations école-famille en général, et

plus précisément concernant l’entrée à la maternelle au début de l’année scolaire et

des attitudes à adopter en regard des retards de développement des enfants.

Au cours des rencontres, les intervenantes scolaires réalisent qu’elles font venir

les parents à l’école seulement quand il y a des problèmes de comportement, d’ap-

prentissage, ou les deux. On renforce ainsi chez ces parents l’image négative qu’ils

ont déjà de l’école en raison de leur passé scolaire souvent marqué d’expériences

pénibles. Ils peuvent difficilement alors aider leurs enfants à bien vivre cette transi-

tion entre la famille et l’école et faire valoir aux yeux de leurs enfants l’expérience

comme positive. Ainsi qu’en témoignent les enseignantes et les directrices, il n’est

pas étonnant que l’entrée scolaire se fasse sous le regard triste des parents et accom-

pagnée des larmes des enfants. De plus, si on fait venir les parents à l’école pour leur

montrer ce qu’ils doivent faire pour répondre aux attentes des enseignantes, on se

trouve encore à leur signifier leur incompétence à être de bons parents.

Au fil des rencontres, les intervenantes scolaires en viennent à vouloir modifier

leur mode de relation avec les parents et à désirer convier les parents à l’école pour

des activités collectives et conviviales auxquelles ils seraient invités comme parents

tout simplement. On pense à des moyens pour faire en sorte que l’entrée scolaire soit

une expérience positive tant pour les parents que pour les enfants. On réfléchit aussi

sur le rôle de l’enseignant en regard des retards de développement que présentent les

enfants de ces milieux défavorisés.

Au terme de cette première année de travail en groupe d’analyse des pratiques,

force est de constater que l’on assiste à une nouvelle synergie entre intervenantes

scolaires et intervenantes sociales. Par exemple, on a convenu d’inviter les parents à

assister à des activités dans la classe de leurs enfants pour leur permettre de voir

ceux-ci en action dans ce milieu. C’est une des intervenantes sociales qui a fait les

contacts, et la participation des parents a été plus importante que jamais. À la suite

de l’activité, les parents ont pu faire part aux intervenantes sociales de leurs com-

mentaires sur l’activité. Ces dernières ont assuré le suivi auprès des enseignantes et

des directrices pour qu’ensemble, on envisage les points à améliorer. On a surtout

convenu que l’activité serait récurrente. Aussi, on a décidé d’organiser un café ren-

contre en mai afin de recevoir, accompagnés de leurs parents, les enfants de quatre

ans admis à la maternelle pour septembre. Cette fois, les enfants ont eu l’occasion de

vivre des activités de la maternelle et de se faire une idée de ce qui les attend à l’école

à l’entrée scolaire. Pendant ce temps, les parents ont été reçus par les intervenantes

sociales pour discuter de différents sujets relatifs à l’éducation des enfants.

On assiste donc à un changement du mode de relation entre les intervenantes

et à une meilleure collaboration entre elles, ce qui était un des objectifs du projet. On

note également que, grâce à cette collaboration, les activités auxquelles sont conviés

les parents se sont transformées, et que dans ces dernières, une place nouvelle est

accordée aux parents.

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Conclusion

Ce texte avait pour but de faire état d’une recherche initiée par le personnel

d’une commission scolaire et menée conjointement avec des chercheurs de l’univer-

sité. L’objectif que l’on s’est donné est de créer une communauté de soutien autour

de l’enfant pour faire en sorte que les ressources humaines et matérielles mobilisées

pour l’intervention précoce auprès des enfants soient des plus profitables pour le

développement des enfants concernés. Le dispositif conçu pour répondre à cet

objectif est le groupe d’analyse des pratiques, un lieu de rencontres, d’échanges, de

réflexion pour les différents intervenants.

D’une rencontre à l’autre, les acteurs du terrain ont l’occasion de mettre en dis-

cours leurs pratiques, leurs idées, de les confronter avec celles des autres. La diversité

des acteurs s’avère une richesse parce que chacun dans ses fonctions a développé un

certain savoir-faire, adopté des stratégies d’action. L’échange des différents points de

vue engendre une nouvelle perspective d’une situation donnée.

Les chercheurs, pour leur part, jouent un rôle d’animation, facilitent l’émer-

gence des idées, amènent au besoin des résultats de recherches pour soutenir ou faire

avancer la situation. La recherche-action assure un soutien aux différents acteurs car

l’intervention pédagogique ou sociale auprès d’une clientèle de milieu défavorisé est

particulièrement exigeante. La recherche donne lieu à une formation pour les dif-

férents acteurs grâce à la réflexion individuelle et collective, l’enrichissement des

points de vue et l’apport des chercheurs. Enfin, elle favorise la transformation des

pratiques individuelles et collectives par l’ouverture aux autres et la construction

d’une vision qui intègre le point de vue de l’autre.

Dans le cas présent, la recherche-action permet aux intervenantes scolaires et

sociales qui, jusque là, travaillaient d’un manière plutôt isolée et agissaient en fonc-

tion de leur point de vue sur la situation, d’échanger sur leur pratiques. Grâce aux

rencontres en groupe d’analyse des pratiques, les regards posés sur les relations

famille-école ont pu se croiser et les points de vue se sont élargis. Une nouvelle col-

laboration dans l’action en découle, mettant à profit les compétences de l’un et de

l’autre pour la réussite des enfants. La recherche se poursuit pour une deuxième

année et se terminera avec une cueillette de données et des analyses plus fines.

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142volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

De la collaboration au partenariat :

Analyse de recensionsantérieures et prospectiveen matière d’éducation inclusive

André C. MOREAUProfesseur chercheur, Université du Québec en Outaouais, Québec, Canada

Andrée ROBERTSONDoctorante en éducation, Université du Québec en Outaouais, Québec, Canada

Julie RUELDoctorante en éducation, Université du Québec en Outaouais, Québec, Canada

RÉSUMÉ

Dans une perspective de promotion des pratiques éducatives inclusives en milieu

préscolaire, ce texte fait la synthèse des recensions antérieures d’études sur la col-

laboration, la concertation, la coopération et le partenariat. L’analyse de ces recen-

sions antérieures précise les principaux concepts appliqués à différents domaines :

scolaire, travail d’équipe-école, milieux cliniques… Ces relations antérieures mettent

en valeur l’importance des relations de collaboration et de concertation dans l’éta-

blissement d’un partenariat interorganisme. Parmi les avantages, le travail en colla-

boration favorise une hausse de la capacité de développer, d’optimiser, d’améliorer,

d’accélérer et de changer les façons de faire de l’organisation : l’amélioration de la

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qualité des services. Les auteurs terminent en relevant les pistes de recherche et de

développement en matière d’éducation inclusive. Ils retiennent un modèle de pro-

gramme virtuel de perfectionnement comme outil d’apprentissage à la collaboration

et au partenariat et de développement de pratiques d’inclusion des enfants ayant des

besoins particuliers.

ABSTRACT

From Collaboration to Partnership – Analysis of Prior and ProspectiveReviews on Inclusive EducationAndré C. Moreau, Andrée Robertson and Julie Ruel,

Université du Québec en Outaouais, Québec, Canada

To promote inclusive educational practices in the pre-school milieu, this text

synthesizes previous reviews of studies on collaboration, co-development, coopera-

tion, and partnership. The analysis of these reviews specifies the main concepts

applied to the different domains: school, school-team work, clinical milieux. …These

prior relationships highlight the importance of collaboration and co-development in

the establishment of an inter-organization partnership. Among the advantages,

working in collaboration promotes increased ability to develop, optimize, improve,

accelerate and change the way the organization does things, thus improving the

quality of services. The authors conclude by pointing out research and development

avenues for inclusive education. They describe a model of an online professional

development tool that teaches collaboration, partnership and the development of

inclusion practices for special needs children.

RESUMEN

De la colaboración a la cooperación: análisis de recensiones anteriores yprospectiva en materia de educación inclusivaAndré C. Moreau, Andrée Robertson y Julie Ruel,

Universidad de Québec en Outaouais, Québec, Canadá

Desde una perspectiva de promoción de prácticas educativas inclusivas en el

medio preescolar, éste texto presenta una síntesis de recensiones anteriores de estu-

dios sobre la colaboración, la concertación, la cooperación y la asociación. El análi-

sis de dichas recensiones identifica los conceptos principales aplicados a los difer-

entes campos : escolar, trabajo, equipo escolar, medios clínicos… Estas relaciones

subrayan la importancia de las relaciones de colaboración y de concertación en el

establecimiento de una asociación entre organismos. Entre las ventajas, el trabajo en

colaboración favorece una alta capacidad de desarrollo, de optimización, de perfec-

cionamiento, de aceleración y de transformación de los métodos de la organización :

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De la collaboration au partenariat : Analyse de recensions antérieures et prospective en matière d’éducation inclusive

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mejorar la calidad de los servicios. Los autores concluyen identificando las pistas de

investigación y de desarrollo en materia de educación inclusiva. Retienen un mode-

lo de programa virtual de perfeccionamiento en tanto que útil de aprendizaje de la

colaboración, de la asociación y del desarrollo de practicas de inclusión de los niños

que presentan necesidades particulares.

Introduction

L’accueil et le soutien des enfants ayant des besoins particuliers en services pré-

scolaires émanent d’un besoin grandissant des parents et des membres de la société

de voir tout enfant grandir dans ses milieux de vie. Cette orientation s’appuie sur la

reconnaissance de la valeur humaine de toute personne et de son droit de vivre dans

sa communauté. Elle exige des services préscolaires une structure éducative centrée

sur les pratiques d’inclusion auprès de ces enfants dans leur milieu éducatif : services

de garde, maternelle et école régulière. En ce qui a trait à l’inclusion des enfants ayant

des besoins particuliers, trois grandes caractéristiques conditionnent l’existence de

services éducatifs inclusifs : éducation inclusive. D’abord, les services proinclusifs

s’inscrivent dans une démarche de projet dont les orientations éducatives valorisent

et favorisent l’accueil de tous les enfants de la communauté sans égard aux diffé-

rences qu’elles soient culturelles, liées aux difficultés de déficience ou d’handicap.

Ensuite, les services pro inclusifs se dotent systématiquement d’un système de pra-

tiques éducatives de collaboration, entre les parents et le personnel des services,

dont le plan d’intervention individualisé représente un des outils de concertation et

de coordination. Enfin, les services proinclusifs s’assurent d’une qualité ou de l’effi-

cacité d’une pédagogique renouvelée et innovante qui intègrent, entre autres, des

activités diversifiées de perfectionnement des membres de leur communauté.

Que faut-il comprendre des concepts de collaboration, de concertation, de

coopération ou de partenariat? Comment les distinguer? Quel est le sens de la colla-

boration dans une pédagogie d’inclusion? Cet article veut présenter un éclairage sur

ces principaux concepts en s’appuyant sur les recensions antérieures des études sur

les pratiques éducatives de collaboration en milieux préscolaires inclusifs. Les auteurs

terminent ce texte en présentant un programme virtuel (apprentissage en ligne) de

perfectionnement en éducation inclusive comme stratégie innovante de collabora-

tion. Le défi de ce type de formation réside dans le développement de relations de

collaboration virtuelle.

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De la collaboration au partenariat : Analyse de recensions antérieures et prospective en matière d’éducation inclusive

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Collaboration : dynamique relationnelle convergente

L’accueil d’un enfant ayant des besoins de santé, de rééducation ou d’éducation

adaptée crée un contexte suscitant une collaboration entre les personnes qui gravi-

tent autour de cet enfant. La collaboration est un phénomène complexe. Dérivé du

latin (cum=avec et laborate = travailler), le concept de « collaboration » désigne les

processus du travail « ensemble, en commun »; c’est l’harmonisation des efforts de

chacun, « savoir-agir en convergence », à la réalisation d’une tâche, d’un objectif ou

d’un travail (Panitz, 1996, 1999; Moreau, Fortin, Clément, 2002).

Pour Panitz (1999), la collaboration surpasse les formules pédagogiques, un

style personnel où les individus sont responsables mutuellement de leurs actions, de

leurs apprentissages dans le respect des compétences et de la contribution de leurs

pairs. En ce sens, la collaboration désigne une philosophie d’apprendre ensemble ou

d’agir ensemble en mobilisant les ressources disponibles pour créer des relations

convergentes contrairement à des philosophies antagonistes ou à des relations dites

divergentes.

Collaboration en contexte d’apprentissageÀ l’origine, l’apprentissage en collaboration a été développé pour les personnes

de tous les âges qui vivent diverses expériences de groupe ou qui présentent diffé-

rents niveaux de compétence en contexte de relations sociales convergentes (Bruffee,

1995). Pour Orr (1997), la collaboration réfère à une philosophie qui met en valeur les

relations de vie en groupe dont le respect, le partage, le soutien mutuel, la tolérance

et la contribution de chacun des membres. Sous l’angle du socioconstructivisme,

l’apprentissage collaboratif rejoint un système de valeurs où l’autonomie, la réflexi-

vité, l’engagement actif, etc. ont une importance primordiale. Apprendre en collabo-

rant est un processus dynamique et réflexif qui favorise la croissance de celles et ceux

qui le pratiquent (Basque, 2003). Pour sa part, le modèle de compétence de Jonnaert

(2002) définit la collaboration comme le savoir-agir convergent en contexte social.

La collaboration ou « l’apprentissage collaboratif » se caractérise par « la cocons-

truction d’une signification commune à travers l’interaction ainsi que par l’engage-

ment partagé pour un objectif commun (Saint-Pierre, 2004 : 62). » L’avancement de

toutes les sections est pris en charge par chacun; tous collaborent à la réalisation de

la section de l’autre tout en étant responsables de la sienne, d’où l’existence d’un

haut niveau de convergence (Viens, 2000). L’apprentissage en collaboration s’appuie

sur différents principes dont

1- le travail conjoint favorise un plus haut niveau de compréhension que le tra-

vail individuel;

2- les interactions à l’oral ou à l’écrit contribuent à augmenter la compréhen-

sion;

3- les interactions sociales de la vie d’un groupe ou d’une classe fournissent

l’occasion d’être plus conscient et rehaussent la compréhension;

4- certains éléments de cette compréhension sont idiosyncrasiques;

5- et la participation doit être volontaire et entièrement libre (Orr, 1997).

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La collaboration ou « l’apprentissage

collaboratif » se caractérise par

« la coconstruction d’unesignification commune

à travers l’interactionainsi que par l’engage-ment partagé pour un

objectif commun (Saint-Pierre, 2004 :

62). »

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Au préscolaire, par exemple, les études comme celle de Moreau (1990) illustrent

les pratiques d’intervention efficaces qui stimulent l’apprentissage en collaboration

chez les groupes hétérogènes d’enfants d’âge préscolaire. Ces contextes d’apprentis-

sage sont la genèse du développement de la compétence sociale de collaboration.

La collaboration permet entre autres à l’apprenant de mobiliser et d’utiliser un

ensemble de ressources. Ce savoir-agir convergent réfère à une gamme de processus

sociaux plus ou moins complexes dont les interactions prosociales (habiletés, atti-

tudes, communication), la concertation, la coopération et le partenariat. Ces proces-

sus s’appliquent à différents contextes simples de relations d’apprentissage en col-

laboration ou d’équipe de travail d’un milieu, d’un réseau ou de systèmes de services.

Au préscolaire, entre autres, les études comme celle de Moreau (1990) illustrent les

pratiques d’intervention efficaces qui stimulent l’apprentissage en collaboration

chez les groupes hétérogènes d’enfants d’âge préscolaire. Ces contextes d’apprentis-

sage sont la genèse du développement de la compétence sociale de collaboration.

Collaboration en contexte de travail ou groupe de travail collaboratif Dans un contexte d’éducation à la petite enfance des enfants ayant des besoins

particuliers, les auteurs parlent de structures ou de modèles différents dont, entre

autres, la collaboration de groupe de travail pour désigner la participation des pa-

rents et des professionnels concernés par la prestation de services éducatifs et réé-

ducatifs : planification, implantation et évaluation des programmes. De manière spé-

cifique, le collectif des recherches de Fine et Simpson (2001), la recension des écrits

de Saint-Pierre (2004), celle de Labelle (2003) et les recherches de Bouchard et de ses

collaborateurs (1996) décrivent la nature de la collaboration ainsi que les facteurs

favorables et défavorables.

Dans un contexte d’équipe école, la collaboration réfère à une structure d’acti-

vités humaines. Par exemple, le modèle d’enseignement en collaboration de Saint-

Laurent, Giasson, Simard et leurs collègues (1995) décrit les différentes composantes

et les activités que l’enseignante, l’orthopédagogue et les parents réalisent en collabo-

ration afin de fournir des services adaptés à l’élève en difficulté : plan d’intervention.

À ce titre, Buysse et Wesley (2001 : 288) distinguent cinq modèles de collaboration :

1- l’assistance technique;

2- la consultation;

3- le travail de groupe;

4- la formation;

5- la supervision dont le « mentorat ».

En contexte de travail d’équipe de services à l’enfant ayant des besoins parti-

culiers et sa famille, la collaboration « correspond à la participation, à la réalisation

d’une tâche ou à la prise en charge d’une responsabilité » (Bouchard et al. 1996 : 22).

Inspirée du modèle de Bronfenbrenner (1979), l’approche écologique part de la pré-

misse que l’enfant est au centre des préoccupations de l’organisation des services. Le

développement de l’enfant prend place dans plusieurs milieux : famille, commu-

nauté, service de garde, école… Ce modèle permet l’étude des relations entre l’enfant

et ses différents milieux. La collaboration est au cœur de ces relations.

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Dans un contexte clinique, la relation de collaboration désigne la qualité des

liens thérapeutiques entre les membres de la famille et le professionnel en santé ou

en éducation. À titre d’exemple, les travaux de Fink et Fowler (1992) et Fine et

Simpson (2001) résument la nature des relations thérapeutiques optimales de col-

laboration entre les professionnels et les membres des familles d’enfant ayant des

besoins particuliers ainsi que les conditions qui les favorisent.

En contexte de structure organisationnelle de services, la collaboration interor-

ganisationnelle ou intersectorielle renvoie aux liens fonctionnels entre des orga-

nismes ou entre des systèmes de services qui travaillent ensemble afin de dispenser

des services à la clientèle. De manière spécifique, les relations sont qualifiées de

fonctionnelles dans ce sens où le succès de l’atteinte des objectifs fixés à un niveau

dépend d’une collaboration réussie à un autre niveau (Wilson, 1998 : 127). Les straté-

gies de collaboration contribuent à augmenter l’efficacité des projets, à améliorer la

qualité des services, etc.

La collaboration se mesure en degré d’intensité sur la base du nombre d’acti-

vités de collaboration ou du degré d’implication des personnes dans l’ensemble des

réalisations. Par exemple, selon les six modèles de prestation de services à la petite

enfance de McWilliam (1996), les services inclusifs, comme les activités rééducatives

intégrées au groupe, nécessitent une intensité de collaboration beaucoup plus élevée

que celles dispensées en contexte clinique ou en dehors du groupe d’enfants ou de la

classe.

La collaboration est comprise comme un processus de développement qui fait

intervenir différentes étapes d’activités humaines assurant une collaboration. Par

exemple, le modèle théorique de Buysse et Wesley (2001) décrit quatre étapes afin de

construire une relation de travail en collaboration :

1- apprendre à connaître et à établir une confiance réciproque avec les person-

nes;

2- déterminer les objectifs de changement;

3- élaborer et mettre en œuvre un plan;

4- évaluer les résultats.

Pour terminer cette brève description, nous ajouterons que les fonctions

sociales de la collaboration sont multiples. Par exemple, chez les membres d’une

communauté d’apprenants, les liens de collaboration permettent de construire des

relations sociales de tolérance, d’entraide, de solidarité, de soutien ainsi que des rela-

tions fonctionnelles. Ces compétences relationnelles permettent à l’apprenant de se

réaliser dans différents domaines : milieu social, travail, loisirs… En contexte de tra-

vail collaboratif, d’autres fonctions peuvent être soulignées : la hausse de la produc-

tivité ainsi que la capacité de développer, d’optimiser, d’améliorer, d’accélérer et de

changer les façons de faire du service éducatif. La collaboration permet d’améliorer

différents processus dans le système éducatif.

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Coopération comme processus d’apprentissage

Les expressions « apprentissage collaboratif » et « apprentissage coopératif » sont

parfois utilisées sans distinction par certains auteurs, ou encore sont confondues.

L’apprentissage coopératif se distingue particulièrement par une systématisation de

l’enseignement et de l’appropriation des habiletés ciblées liées à l’apprentissage à la

coopération. Pour distinguer la collaboration de la coopération, Bruffee (1995),

Panitz (1996) et Viens (2000) spécifient que l’apprentissage en collaboration renvoie

au niveau d’expertises des groupes. Deux types de connaissances distinguent les

approches : les connaissances fondamentales et les connaissances non fondamen-

tales. Les connaissances fondamentales reflètent la culture sociale de ce qui est

« bon » ou les normes de cette culture telles que les croyances et les valeurs. Bruffee

définit ces concepts. La notion de collaboration intègre ces concepts fondamentaux.

Les connaissances non fondamentales, quant à elles, sont davantage liées aux

processus tels que la résolution de problèmes, le raisonnement, la mémoire, le ques-

tionnement… L’apprentissage coopératif s’inspire particulièrement de ces struc-

tures. Coopérer réfère au processus de réalisation d’activités partagées où chacun

réalise une section du projet sans nécessairement se préoccuper du travail accompli

par les autres coéquipiers. C’est le partage du produit, mais pas nécessairement de

l’apprentissage (Viens, 2000).

En apprentissage coopératif, le rôle de l’adulte ou du personnel enseignant est

important. Il implique un haut niveau d’organisation : structuration et répartition

des activités et des tâches. Entre autres, l’éducatrice ou l’éducateur se concentrent

sur la création de groupes hétérogènes, la création d’une structure d’interdépen-

dance et l’enseignement d’habiletés sociales de coopération.

Ce processus complexe exige des stratégies d’enseignement-apprentissage

soutenues afin de susciter la compétence à coopérer. En petite équipe, les ap-

prenants développent des compétences à agir ensemble efficacement pour résoudre

des problèmes, pour compléter des tâches ou pour réaliser un objectif commun. Il

existe plusieurs stratégies pédagogiques ou facteurs favorisant l’apprentissage

coopératif. Ces facteurs sont essentiels à l’apprentissage. Ce sont principalement les

relations d’interdépendance, les objectifs communs, l’attitude de partage mutuel des

succès et des échecs, la communication fonctionnelle ainsi que l’engagement et l’im-

plication de tous (Abrami et al., 1996; Artzt et Newman, 1990; Tousand et al., 1998).

L’apprentissage coopératif est issu principalement des travaux américains liés à

la philosophie de John Dewey ciblant la nature « sociale » de l’acte d’apprendre et des

travaux sur la dynamique de groupe de Kurt Lewin (Abrami et al. 1996).

L’apprentissage coopératif s’est implanté dans les premiers ordres de scolarité. Les

jeunes et les adolescents bénéficient grandement de l’apprentissage à négocier et à

adhérer à leur groupe d’appartenance ou à leur famille.

148volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

De la collaboration au partenariat : Analyse de recensions antérieures et prospective en matière d’éducation inclusive

Coopérer réfère processus de réalisation

d’activités partagées où chacun réalise unesection du projet sans

nécessairement sepréoccuper du travail

accompli par les autrescoéquipiers. C’est lepartage du produit,

mais pas nécessaire-ment

de l’apprentissage(Viens, 2000).

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Coopération en contexte de prestation de services et desoutien

En contexte d’équipe de travail, « la coopération est le processus d’interactions

de personnes ou d’un groupe d’individus qui, par le partage de tâches, de responsa-

bilités ou d’activités, réalisent un objectif spécifique » : dynamique de coopération

(Bouchard et al. 1996 : 22). La coopération est donc le « processus d’opérationnalisa-

tion » de la décision par consensus entre les partenaires. Elle désigne le partage des

tâches et des responsabilités contrairement au partenariat qui correspond essen-

tiellement à la prise de décision. « Avant de coopérer, il faut être partenaire dans la

prise de décision puisque l’action de coopérer signifie que nous avons décidé ensemble

des objectifs ou des actions à entreprendre : tâches à accomplir ou responsabilités à

assumer » (Bouchard et al. 1996 : 22). La coopération crée un phénomène d’inter-

dépendance entre les personnes. Il s’agit de relations réciproques liées aux senti-

ments de solidarité et d’entraide mutuelle à la réalisation des objectifs communs

(Panitz, 1999 : 9-10).

En contexte de services éducatifs, l’étude du processus de coopération a permis

de dégager les facteurs qui structurent cette démarche de travail en groupe. Les

objectifs communs, la relation d’interdépendance, les rôles, les attitudes de respect

mutuel et les relations d’égalité, la communication efficiente, l’implication

réciproque en sont quelques facteurs déterminants (Bouchard et al. 1996).

Concertation en tant que processus

Quant à la concertation, elle « renvoie au processus d’échange d’idées en vue de

s’entendre éventuellement sur un objectif, une démarche ou une attitude commune :

prise de décision par consensus. Cette définition ressemble (…) à celle du partena-

riat tout en étant différente, puisqu’elle n’implique pas la condition de réciprocité

dans la décision puisque chaque partie n’est pas liée à la décision » (Bouchard, et al.

1996 : 22).

Dans un processus de concertation, la « réciprocité sociale » est importante. Elle

réfère à la valeur de la qualité relationnelle perçue par les personnes. Spécifiquement,

de part et d’autre, les personnes ont le sentiment d’un partage réel dans la relation

(Moreau, 1992). Par exemple, en contexte d’interactions sociales, la réciprocité

désigne des chances équivalentes de prendre un tour de rôle et d’échanger. Dans les

relations plus complexes, la réciprocité prend un sens plus global; elle intègre dif-

férents facteurs ou paramètres dont le partage dans les prises de décision (processus

consensuel), dans les responsabilités, les tâches, les risques…

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De la collaboration au partenariat : Analyse de recensions antérieures et prospective en matière d’éducation inclusive

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De la collaboration au partenariat

Le concept de partenariat se confond à celui de collaboration; ils sont inter-

changeables. Il s’agit des relations convergentes au sein de structures complexes de

groupes d’adultes, de services ou d’organisation de services : relations fonctionnelles

entre les personnes (mésosystème ou exosystème) (Dunst et al. 2000). Dans le

domaine des services à la petite enfance, les auteurs dont Fine et Simpson (2000),

Saint-Pierre (2004) ou Bouchard et ses collègues (1996) parlent de relation de colla-

boration en partenariat ou de « partenariat ». Les contextes de partenariat varient

selon les milieux engagés. Le partenariat peut être de différents ordres selon les

objectifs ciblés, le type de groupe de travail ou les secteurs d’activités : secteurs pub-

lic, parapublic, privé et communautaire ou un mélange de plus d’un secteur.

Pour Flo et Smith (2000), le partenariat réfère à l’exercice du pouvoir individuel

et du pouvoir collectif. Dans une perspective globale, il s’agit « d’un rapport social,

une nouvelle dynamique de confrontation des forces sociales, une manière inusitée

de coupler le social avec l’économie, le social avec la politique et l’étatique » (Labelle,

2003 : 12).

En contexte de services éducatifs, le partenariat repose sur les relations de tra-

vail ou ce qui le concerne. Ces relations de partenariat diffèrent de la concertation;

« le partenariat n’est pas seulement un partage de l’analyse des problèmes et des

solutions. Le partenariat suppose un engagement formel de chaque participant, qui

investit une part de ce qui lui appartient, dans le but de réaliser quelque chose en

commun » (CSÉ, 1995 : 22).

En milieu de services à la petite enfance y compris les enfants ayant des besoins

particuliers et leur famille, le partenariat se définit par l’association de personnes,

par la reconnaissance de leurs expertises et de leurs ressources réciproques, par le

rapport d’égalité dans la prise de décision par consensus entre les partenaires au

regard, par exemple, des besoins de la personne et de la priorité des objectifs de

réadaptation (Bouchard et al. 1996 : 22). La recherche de Blue-Banning, Summers,

Frankland, Nelson et Beegle (2004) permet de saisir les principales dimensions de la

collaboration et du partenariat en éducation avec différents dispensateurs de services.

Après avoir réalisé 34 groupes de discussion (focus groups) et 32 entretiens indivi-

duels auprès de parents et de professionnels, ces auteurs dégagent les marqueurs

de la collaboration et du partenariat. Ces marqueurs sont regroupés en six grandes

catégories :

1- qualité de communication (partage de renseignements, capacité d’être clair,

d’être honnête, communication positive…);

2- engagement (implication, flexibilité, valeur du travail…);

3- égalité (autodétermination personnelle, défense des droits…);

4- compétences personnelles;

5- confiance (facilité à rejoindre, sécurité et discrétion);

6- respect (absence de jugement, de discrimination…).

150volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

De la collaboration au partenariat : Analyse de recensions antérieures et prospective en matière d’éducation inclusive

En milieu de servicesà la petite enfance ycompris les enfants

ayant des besoins par-ticuliers et leur famille,le partenariat se définitpar l’association de per-

sonnes, par la recon-naissance de leurs

expertises et de leursressources réciproques,par le rapport d’égalité

dans la prise de décisionpar consensus entre les

partenaires au regard,par exemple, des

besoins de la personneet de la priorité des

objectifs de réadaptation(Bouchard et al.

1996 : 22).

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Il est difficile d’envisager une relation de partenariat si les partenaires potentiels

présentent peu (ou ne présentent pas) de ressources personnelles ou de capacités à

collaborer de façon autonome et responsable : l’autodétermination. L’autodétermi-

nation suppose que les personnes et les groupes sont capables d’assumer des res-

ponsabilités de manière autonome, de réaliser des performances sans pression par-

ticulière, d’optimiser les processus, de prendre des mesures correctives si nécessaire

et de mériter la confiance qu’on leur accorde. D’un point de vue individuel, il s’agit

de redonner aux personnes le plein pouvoir sur leur vie. L’appropriation du pouvoir

par la personne signifie avoir une plus grande maîtrise de sa vie par une participation

active aux décisions qui la concernent et avoir la possibilité d’exercer des choix libres

et éclairés pour être capable d’actualiser son potentiel de croissance personnelle,

professionnelle et sociale : pouvoir défendre ses droits (Brunet et Boudreault, 2001).

En matière de partenariat, les relations de collaboration peuvent prendre dif-

férentes formes. À titre d’exemple, Buysse et Wesley (2001) suggèrent cinq principales

structures de partenariat :

1- l’assistance technique;

2- la consultation;

3- le travail en groupe ou travail d’équipe, teaming;

4- la formation;

5- la supervision et le mentorat (mentorship).

Les modèles de structure d’un projet de partenariat sont variables. Toutefois,

Labelle (2003) suggère six caractéristiques d’une structure :

1- un ou des objectifs clairs;

2- une structure et des règles claires;

3- un partage des rôles, des responsabilités et des ressources;

4- un cadre relationnel agréable;

5- une vision claire des résultats escomptés;

6- un degré de formalisation.

De façon générale, un processus de partenariat comprend les étapes suivantes :

(a) se connaître et établir une relation de confiance réciproque, (b) déterminer les

objectifs de changement ou de convergence, (c) élaborer et mettre en œuvre un plan

de partenariat et (d) réguler et évaluer les efforts et les actions (Buysse et Wesley,

2001). Ce processus s’actualise sur une base volontaire et participative contrairement

aux « relations forcées », ce qui suppose un équilibre de pouvoir entre les parties.

Outre ces dimensions intrastructurelles de groupe, le partenariat s’inscrit égale-

ment dans une perspective plus large de dispensation de services et de politiques

gouvernementales. Au Canada, la structure politique des programmes à la petite

enfance relève d’un partenariat fédéral et provincial qui exige des deux paliers de

gouvernement d’avoir des ententes pour assurer la mise en place de programmes

éducatifs. Les provinces et les territoires sont responsables de l’implantation des

services dont les principales ressources financières proviennent du fédéral (Moreau

et Boudreault, 2000). Comme avantage, cette structure permet aux gouvernements

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De la collaboration au partenariat : Analyse de recensions antérieures et prospective en matière d’éducation inclusive

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régionaux d’adapter les programmes de services aux besoins des milieux. Cepen-

dant, les programmes éducatifs à la petite enfance varient d’une région à une autre.

En règle générale, les programmes éducatifs en services préscolaires mettent l’accent

sur le partenariat entre les familles et les équipes d’intervention éducative et réédu-

cative visant l’intégration des enfants dans leur milieu de vie. Le partenariat s’inscrit

comme « un moyen » de changement et non comme une fin (Saint-Pierre, 2004 : 64). Pour

d’autres organismes gouvernementaux, le partenariat se définit comme « une façon

de réaliser la mission de formation » (Conseil supérieur de l’éducation, 1995 : 22).

Somme toute, peu importe le contexte, le partenariat est un processus com-

plexe de relations convergentes dont les dimensions interpersonnelles (microsys-

témiques) et interstructurelles (méso et macrosystémiques) exigent un haut niveau

d’organisation. En contexte de prestation de services aux enfants et à leur famille, le

partenariat réfère, entre autres, aux ententes entre les membres de la famille et les

professionnels ou les partenaires concernés par les objectifs communs. Cette rela-

tion s’établit dans un climat de confiance, de respect mutuel et de relation réci-

proque ainsi que dans la reconnaissance de l’expertise et des ressources de chacun

(relation de complémentarité). Les sections suivantes décrivent précisément les fac-

teurs qui entravent ou favorisent les relations de partenariat.

Obstacles au processus de partenariatDans le domaine des services à la petite enfance, Saint-Pierre (2004) présente,

dans le cadre d’une recension des écrits sur l’éducation inclusive en services de

garde, les facteurs qui freinent les relations de partenariat. Inspirés des travaux de

Bruder (1996), l’auteure recense cinq catégories d’obstacles :

• Manque d’engagement des familles dans le processus intégratif : manque de

temps et d’énergie, mauvaise expérience d’entrée dans le processus d’inté-

gration, climat du milieu non réceptif, manque d’information et de commu-

nication, manque de confiance et manque de soutien.

• Obstacles relatifs à l’assouplissement du rôle des intervenants : inégalité

entre les partenaires, manque de souplesse entre les personnes.

• Obstacles organisationnels : inadéquation des structures, manque de

ressources pour la planification et la coordination des services, manque de

supervision, de soutien au personnel de garde, manque de formation et de

préparation des spécialiste et enfin manque de temps.

• Attitudes et croyances défavorables : différences philosophiques entre les

partenaires.

• Caractéristiques personnelles : manque d’habiletés de communication,

habiletés à être attentionné (caring), respectueux, empathique, congruent et

ouvert, ainsi que l’habileté à résoudre des problèmes en collaboration

(Bruder, 1996 : 37).

En outre, le temps et la formation aux habiletés de travail en équipe sont incon-

tournables pour bâtir des relations efficaces de partenariat. Ces éléments sont perçus

comme peu prioritaires et souvent ignorés par les professionnels (Saint-Pierre, 2004 : 64).

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Facteurs de réussite ou conditions favorables à un partenariat efficace Les modèles de collaboration sous forme de partenariat sont nombreux et va-

riés. Néanmoins, certains auteurs abordent les relations de partenariat dans le sens

d’objet de changement. Ils mettent en relief les facteurs atténuant ou favorisant le

partenariat. En matière d’éducation à la petite enfance, particulièrement les élé-

ments théoriques de Bouchard et al. (1996) ou de Epstein (1997) sur la collaboration

et le partenariat, les recensions des écrits de Bruder (2001), de Lieber, et al. (2002), de

Park and Turnbull (2003) et de Saint-Pierre (2004) sur les facteurs qui freinent ou

favorisent le partenariat ainsi que des recherches comme celle de Blue-Banning et

ses collègues (2004) fournissent des éléments solides de changement pour une pra-

tique de partenariat entre les familles et les services éducatifs.

Dans une perspective sociale, Epstein et ses collègues (1997) présentent, à par-

tir du modèle social de l’influence partagée, une théorie relationnelle entre famille,

services éducatifs et communauté. Selon ce modèle, ces trois grandes structures

(famille, services éducatifs et communauté) s’influencent mutuellement ou

s’éloignent l’une de l’autre suivant quatre forces : le temps (force A), les caractéris-

tiques philosophiques et pratiques des personnes ou des familles (force B), du ser-

vice éducatif (force C) ainsi que de la communauté (force D). Ces forces contribuent

ou nuisent à la création des activités partagées entre ces milieux. À titre d’exemple,

les structures se recoupent à un plus haut degré lors de la période d’entrée en servi-

ces préscolaire ou scolaire de l’enfant. Au cours de ces premières années (force A), les

parents participent au suivi de leur enfant (force B); il y a un plus grand degré

d’échanges entre les systèmes famille et service éducatif (force C) particulièrement

lorsque les parents sont invités à participer à la vie du service éducatif, de l’école ou

de la communauté (force D). Ce modèle postule qu’un échange de savoirs et de savoir-

faire entre parents, intervenantes et membres de la communauté axé sur le respect

mutuel et le partage de buts communs conduit à un meilleur développement et une

meilleure réussite de l’enfant.

Les recensions des écrits de Bruder (2001) et de Saint-Pierre (2004) présentent

des contenus de recherche similaires. Ces auteurs analysent les études qui traitent

des facteurs de réussite de la collaboration, du partenariat au sein des équipes tra-

vaillant auprès des enfants ayant des besoins particuliers. Ces auteurs recensent les

facteurs suivants :

1- les degrés individuels de participation parmi les membres;

2- les comportements des membres de l’équipe durant les rencontres, entre

autres, Bouchard et al. (1999);

3- les processus de prise de décision (voir, entre autres, Fink et Fowler, 1997);

4- l’élaboration de plans de services;

5- les stratégies de collaboration (voir, entre autres, Hanline, 1990);

6- la formation en milieu universitaire que la formation continue en milieu de

pratique.

La recension de Bruder et celle de Saint-Pierre ont le mérite de faire la synthèse

des études sur les équipes de travail en services éducatifs inclusifs à la petite enfance.

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À ce titre, Saint-Pierre (2004 : 65-71) résume les facteurs favorisant le partenariat et la

coopération :

• une mission, un but et des objectifs clairs,

• un leadership solide,

• des membres apportant une expertise, une équipe ayant les qualités néces-

saires à l’obtention de résultats,

• un climat propice, basé sur la confiance,

• un bon système de communication,

• un soutien entre les membres et un soutien organisationnel,

• une composition appropriée de l’équipe.

Parallèlement à ces facteurs facilitant, Saint-Pierre fait l’inventaire des moyens

qui facilitent le processus de partenariat. Cet auteur résume en sept étapes le fonc-

tionnement efficace d’une équipe de travail (Bruder : voir Saint-Pierre, 2004 : 71) :

• Orientation : « Pourquoi suis-je ici? »

• Construction de la confiance : « Qui êtes-vous? »

• Clarification des rôles et des objectifs : « Qu’est-ce que nous faisons? »

• Engagement : « Comment le ferons-nous? »

• Implantation : « Qui fait quoi, quand, où? » (Processus de coordination)

• Évaluation et régulation : « Comment faisons-nous? » « Comment s’ajuster? »

• Renouvellement : « Pourquoi devrions-nous continuer? »

Les stratégies de communication entre les membres d’une équipe sont essen-

tielles à une réussite. Saint-Pierre (2004) dénombre, entre autres, quatre facteurs favo-

risant une communication efficace : des habiletés d’écoute, des questions ouvertes,

de la communication non verbale, et des perspectives positives.

Outre ces différents facteurs et stratégies, les pratiques de collaboration et de

partenariat en services préscolaire restent une réalité complexe et difficile à actuali-

ser. À ce titre, Saint-Pierre rappelle l’un des principaux défis de cette problématique :

« Pour satisfaire adéquatement les besoins individuels de toutes les

familles, les éducateurs spécialisés doivent donc être capables de docu-

menter les inquiétudes, les ressources et les priorités des familles, et ainsi

de communiquer efficacement pour établir en partenariat les objectifs de

l’intervention pour les enfants et leurs familles (…). (Saint-Pierre, 2004 :

72). »

En somme, le développement de relations de collaboration, voire d’un parte-

nariat comme réalité incontournable à la réussite de l’inclusion, renvoie à des pro-

cessus complexes de travail d’équipe dont les facteurs à considérer sont multiples.

Pour les parents d’un enfant ayant des besoins particuliers, leur implication éduca-

tive relève souvent d’une démarche d’essais et erreurs. Considérant cette complexité

de facteurs, comment ces parents peuvent-ils réaliser cette démarche leur permet-

tant de vivre des réussites? Pour le personnel des services éducatifs et spécialisés,

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De la collaboration au partenariat : Analyse de recensions antérieures et prospective en matière d’éducation inclusive

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comment peuvent-ils soutenir ces parents? Comment ces professionnels peuvent-ils

prendre en compte l’ensemble des facteurs permettant la réussite de l’inclusion? Si

la collaboration et le partenariat s’inscrivent dans une pratique éducative innovante

dont la formation continue constitue une des voies, quelles en sont les conditions/

modalités associées? Peut-on envisager une formation continue où tous les membres

d’une communauté peuvent avoir accès : parents, intervenantes et membres de la

direction? Comment développer ces communautés? La section suivante aborde cette

dimension de la problématique sous l’angle de la formation continue virtuelle : com-

munauté d’apprenants adultes et formation en ligne.

Communauté d’apprentissage d’adultes et formation en ligne

Si se concerter, c’est échanger ses points de vue pour définir des objectifs ou des

actions communes, si coopérer c’est la mise en commun de contributions indivi-

duelles à la réalisation d’un objectif ou d’un projet, si collaborer c’est la contribution

de chacun à l’ensemble des étapes de réalisation d’un projet ou à l’atteinte d’un

objectif commun, si le partenariat c’est la formalisation d’ententes entre partenaires

à l’atteinte d’objectifs communs, qu’en est-il des communautés inclusives de prati-

ciens? Quel rôle peuvent jouer les nouvelles technologies de l’information et des

communications (TIC) dans un contexte de services à la petite enfance? Comment

bonifier les pratiques éducatives entre parents et praticiens soucieux de réaliser en

commun la réussite de l’inclusion des enfants ayant des besoins particuliers? Quelles

sont les modalités qui favorisent le partage de pratiques éducatives entre parents et

personnel de services éducatifs au préscolaire dans un esprit de collaboration qui

permettent l’émergence de communautés inclusives?

Rappelons brièvement que les théories psychocognitives, dont le sociocons-

tructivisme, expliquent abondamment les assises de l’apprentissage et des pratiques

de collaboration. Les relations impliquant des processus sociaux complexes tels que

la concertation, la coopération, la collaboration et le partenariat offrent une plus

value plus considérable que les processus d’apprentissage ou de pratiques individu-

elles. Entre autres, les relations de collaboration favorisent la multiplicité des con-

naissances, la réflexion, la validation, une meilleure compréhension des situations

vécues… Ces contributions théoriques permettent de faire des distinctions entre la

connaissance, attribut exclusif aux personnes, et les connaissances sociales : cogni-

tion sociale. Ces connaissances sociales se traduisent, entre autres, par les buts qu’une

communauté ou une société se donnent. Ces connaissances sociales constituent les

éléments de l’histoire d’une communauté, les habitudes, les traditions, les modes de

pensée, les idéologies et les valeurs d’une société (Henri et Lundgren-Cayrol, 2001).

Chaque personne est porteuse de connaissances. Également, la société dans laquelle

on vit constitue en soi une connaissance collective qu’il faut considérer. Accepter

d’apprendre ou de travailler en communauté, c’est d’abord partager ses connais-

sances et aussi interagir, s’approprier et agir sur les connaissances collectives.

155volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

De la collaboration au partenariat : Analyse de recensions antérieures et prospective en matière d’éducation inclusive

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La notion de « communauté d’apprentissage d’adultes » prend le sens d’un

regroupement de personnes qui, en relation, partagent, échangent, construisent

leurs connaissances individuelles et collectives au regard de la réalisation d’un objec-

tif ou d’un projet commun. Les processus de concertation, de coopération, de col-

laboration et de partenariat sont, en soi, des modèles de relations. Les comprendre

et s’en inspirer offrent une valeur ajoutée aux relations interpersonnelles.

Quel est l’apport des outils technologiques dans un contexte où il est

souhaitable de mettre en ligne (relations virtuelles) de communautés d’apprentis-

sage d’adultes? Aujourd’hui, les environnements collaboratifs virtuels représentent

des outils de travail incontournables. Il existe actuellement un mouvement consen-

suel tant en recherche, en apprentissage que dans les milieux de pratiques qui

affirme que la technologie permet aux personnes non point seulement de commu-

niquer, d’apprendre, mais aussi de collaborer et de développer des réseaux de per-

sonnes ou de soutien en ligne/virtuel (Moreau, Maltais et Herry, 2004).

Maintenant, dans un contexte de services à la petite enfance ayant comme

valeur l’inclusion des enfants ayant des besoins particuliers dans leurs milieux de vie

(famille, services de garde et maternelle), quelle est la place de la collaboration

virtuelle dans ces communautés de praticiens? Pour ces communautés, l’une des

perspectives d’innovation pédagogique passe par l’appropriation de pratiques

éducatives favorisant l’inclusion des enfants différents grâce à la collaboration entre

les parents et le personnel des services éducatifs. Est-ce que les outils technologiques

par Internet peuvent être des pratiques éducatives innovantes et une voie d’avenir

(Anderson et Elloumi, 2004; Garrison et Anderson, 2003; Henri et Basque, 2003; Henri

et Lundgren-Cayrol, 2001; Lewis, 2003; Trentin, 2002 et Viens, 2000).

À titre d’exemple, le programme virtuel de perfectionnement en éducation

inclusive (http://w3.uqo.ca/inclusion) au préscolaire destiné aux parents, au per-

sonnel des services préscolaires et aux gestionnaires offre un modèle d’apprentissage

en ligne. Ce programme virtuel constitue une source de renseignements et d’outils

pratiques que les parents, les intervenantes et les intervenants ainsi que les gestion-

naires peuvent utiliser pour développer un milieu qui favorise l’inclusion des enfants

ayant des besoins particuliers (Moreau, Maltais, Herry, Gagnon & Larouche, 2004a,

b). Le défi de ce projet est de savoir comment susciter une réelle collaboration en

ligne. Le programme virtuel de formation est une des premières étapes de l’éta-

blissement d’un environnement d’apprentissage en ligne. Il offre la possibilité de

réaliser un double défi : l’appropriation de pratiques éducatives inclusives et celui de

l’apprentissage à la collaboration et au partenariat.

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De la collaboration au partenariat : Analyse de recensions antérieures et prospective en matière d’éducation inclusive

La notion de « communauté d’apprentissage

d’adultes » prend le sens d’un regroupement

de personnes qui, enrelation, partagent,

échangent, construisentleurs connaissances

individuelles et collec-tives au regard de la réalisation d’un

objectif ou d’un projetcommun.

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161volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Les stratégies éducatives du personnel en milieu de garde avec les enfantsprésentant des troubles ducomportement :

appréciation des effets d’un programme

Daniel TURCOTTEUniversité Laval, Québec, Québec, Canada

Marie-Christine SAINT-JACQUESUniversité Laval, Québec, Québec, Canada

Annick ST-AMANDUniversité Laval, Québec, Québec, Canada

Émilie DIONNEUniversité Laval, Québec, Québec, Canada

RÉSUMÉ

Les problèmes de comportement chez les enfants doivent faire l’objet d’une

attention particulière en raison des difficultés d’adaptation qui guettent ces derniers

à moyen et à long termes. La présence de ces problèmes en bas âge laisse présager

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d’éventuelles difficultés d’adaptation telles que l’abandon scolaire, la toxicomanie, le

rejet de la part des camarades, les difficultés interpersonnelles et les conduites délin-

quantes. Pour contrer cette trajectoire développementale problématique, il importe

d’intervenir précocement dans la vie de l’enfant. Or, l’intervention auprès des enfants

qui ont des problèmes de comportement constitue un défi majeur pour le personnel

en milieu de garde. Cet article porte sur un programme d’intervention qui est offert

au personnel des milieux de garde pour les aider à composer avec ce type de situa-

tions. Les données, recueillies dans le cadre d’une démarche qualitative, révèlent que

les participantes attribuent des effets positifs au programme. En faisant une meil-

leure analyse des besoins que l’enfant exprime par ses comportements, elles sont en

mesure d’opter pour des stratégies d’intervention mieux adaptées et plus efficaces.

Cependant, elles soulignent qu’une intervention efficace auprès d’un enfant en diffi-

culté exige une action concertée des principaux acteurs qui l’entourent, d’où l’im-

portance d’associer les parents à la démarche d’intervention.

ABSTRACT

Educative Strategies of Day-Care Personnel with Children Who HaveBehavioural Problems: Appreciation of the Effects of the ProgramDaniel Turcotte, Marie-Christine Saint-Jacques, Annick St-Amand, and Émilie Dionne

Research Centre on the Adaptation of Youth and Families at Risk

Université Laval, Québec

It is important to pay particular attention to children’s behaviour problems

because of the adaptation difficulties these children may face over the medium and

long term. If children have these problems at an early age, they may be at risk of

adaptation problems, such as dropping out of school, drug addiction, being rejected

by other young people, interpersonal problems, and delinquent behaviour. Early

intervention is important in counteracting this problematic development trajectory.

Intervention with children who have behaviour problems is a major challenge for

day-care personnel. This article is based on an intervention program offered to day-

care personnel to help them deal with these types of situations. The data, gathered

during a qualitative process, reveals that participants find that the program has pos-

itive effects. By doing a better analysis of the needs that children express through

these behaviours, they are able to choose better adapted and more effective inter-

vention strategies. However, they emphasize that effective intervention with a child

in difficulty requires the concerted action of everyone working with the child, thus

the importance of working with the parents during the intervention process.

162volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Les stratégies éducatives du personnel en milieu de garde avec les enfants présentant des troubles du comportement : appréciation des effets d’un programme

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RESUMEN

Las estrategias educativas del personal en medio de guarda con niñosque presentan problemas de comportamiento : apreciación de las repercusiones de un programa.Daniel Turcotte, Marie-Christine Saint-Jacques, Annick St-Amand y Émilie Dionne

Centro de investigaciones sobre la adaptación de los niños y las familias frágiles

Universidad Laval, Quebec

Los problemas de comportamiento de los niños deben ser tratados con una

atención muy particular a causa de las dificultades de adaptación que pesan sobre

ellos a mediano y largo plazo. La presencia de dichos problemas en edad temprana

permite pronosticar eventuales dificultades de adaptación como el abandono escolar,

la toxicomanía, el rechazo de la parte de los camaradas, las dificultades interperson-

ales y los comportamientos delincuentes. Para confrontar esta trayectoria evolutiva

problemática, es importante intervenir de manera precoz en la vida de los niños.

Ahora bien, la intervención entre los niños que presentan problemas de compor-

tamiento constituye un desafío de talla para las empleadas de las guarderías. Este

artículo presenta un programa de intervención que se ofrece al personal de las

guarderías para ayudarlos a transigir con ese tipo de situaciones. Los datos, recogi-

dos en el cuadro de un enfoque cualitativo, muestran que las participantes atribuyen

efectos positivos al programa. Al realizar un análisis más adecuado de las necesi-

dades que los niños expresan a través sus comportamientos, ellas pueden optar por

estrategias de intervención más adecuadas y eficaces. Sin embargo, ellas recalcan

que una intervención eficaz entre los niños con problemas exige una acción concer-

tada entre los actores principales que rodean al niño, de ahí la importancia de aso-

ciar los padres de familia a la intervención.

Introduction

Il est largement reconnu que les problèmes de comportement chez les enfants

doivent faire l’objet d’une attention particulière en raison des difficultés d’adapta-

tion qui les guettent à moyen et à long termes. La présence de ces problèmes en bas

âge laisse présager d’éventuelles difficultés d’adaptation telles que l’abandon sco-

laire, la toxicomanie, le rejet, les difficultés interpersonnelles, les conduites délin-

quantes, la criminalité, les problèmes de santé, etc. (Kazdin, 1987; Kratzer et Hodgins,

1997; Lacourse, Côté, Nagin, Vitaro, Brendgen et Tremblay, 2002; Vitaro, Dobkin,

Gagnon et Leblanc, 1994; Werner et Smith, 1989).

Bien qu’il soit difficile de statuer sur les causes des problèmes de comportement,

puisqu’ils peuvent résulter à la fois des caractéristiques de l’enfant, des dysfonctions

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Les stratégies éducatives du personnel en milieu de garde avec les enfants présentant des troubles du comportement : appréciation des effets d’un programme

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familiales et de l’interaction des deux, tous en sont affectés. Ainsi, l’enfant subit des

conséquences de cette situation par les réactions négatives qu’il provoque. En outre,

les problèmes de comportement ont des répercussions négatives sur les différents

milieux de vie dans lesquels évolue l’enfant. La famille est évidemment la plus

directement touchée par cette problématique. Devant leurs difficultés à contrôler les

comportements négatifs de leur enfant, les parents se culpabilisent, s’épuisent et en

viennent à se sentir totalement impuissants. La plupart du temps, l’inefficacité de

leurs efforts engendre une dynamique d’interactions négatives « parents-enfants »

qui contribue à exacerber le problème. C’est alors toute la dynamique familiale qui

s’en trouve ébranlée de fait du climat de tension qui se développe au sein de la fratrie

(Webster-Stratton et Herbert, 1995).

Le milieu de garde est un autre contexte de vie particulièrement affecté par les

problèmes de comportement de l’enfant. Ces comportements nuisent au climat du

milieu de garde et entravent le bon déroulement des activités. Qu’ils soient témoins

ou victimes de gestes agressifs, les autres enfants du groupe réagissent à ces com-

portements. Certains ont des réactions d’insécurité, d’anxiété ou de perte de contrôle

qui exigent plus d’attention de la part des adultes (Kaiser et Sklar Rasminsky, 1999);

d’autres cherchent plutôt à imiter leurs pairs turbulents et copient les comporte-

ments problématiques. Dans de telles situations, les programmations sont souvent

perturbées puisque le personnel doit passer beaucoup de temps à gérer les crises, à

consoler les enfants et à contrôler les comportements inadéquats. L’étude de Coutu,

Lavigueur, Dubeau et Tardif (2003) indique que les comportements de colère et

d’agressivité physique sont les situations les plus difficiles à gérer pour les éducatrices.

On conçoit aisément que la présence, au sein d’un milieu de garde, d’un enfant qui

présente des problèmes de comportement puisse être lourde de conséquences à la

fois pour l’enfant, pour ceux qui l’entourent et pour les membres du personnel. Chez

ces derniers, il peut en résulter un sentiment d’incompétence, une impression d’ina-

déquation, des remords, des doutes, voire même une remise en question du choix de

la profession (Kaiser et Sklar Rasminsky, 1999).

Afin de contrer cette trajectoire développementale problématique, il importe

d’intervenir le plus précocement dans la vie de l’enfant pour éviter que se

cristallisent les comportements perturbateurs. Toutefois, le personnel en milieu de

garde se sent démuni à l’égard de ces comportements. En effet, selon certaines

études, l’intervention auprès des enfants ayant des problèmes d’agressivité constitue

le thème de formation le plus souhaité par le personnel en milieu de garde (Coutu et

coll., 2003). Cet article porte sur un programme d’intervention (le Service d’aide à

l’enfant et son milieu - SAEM) s’adressant au personnel des milieux de garde pour

l’aider à composer avec un (ou des) enfant présentant des problèmes de comporte-

ment. Ce programme s’appuie sur une évaluation précise des problèmes de com-

portement de l’enfant et sur le développement de stratégies visant à répondre aux

besoins que les comportements de l’enfant traduisent. La présente étude vise, d’une

part, à déterminer les stratégies éducatives utilisées par le personnel en milieu de

garde à l’égard des problèmes de comportement des enfants et, d’autre part, à exami-

ner l’utilité du programme selon l’appréciation formulée par les participantes.

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Il importe d’intervenir le plus

précocement dans la viede l’enfant pour éviter

que se cristallisent les comportements

perturbateurs.

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Le texte se divise en quatre parties principales. La première présente un survol

rapide des programmes qui peuvent soutenir l’action du personnel éducatif. Les deux

suivantes décrivent respectivement la nature du programme SAEM et la méthode de

recherche utilisée pour en cerner la portée. La dernière partie porte sur les stratégies

éducatives utilisées en milieu de garde et sur l’appréciation du programme par les

participantes.

La prévention de l’inadaptation sociale de l’enfant

Au cours des quarante dernières années, de nombreux programmes préventifs

ont été développés à l’intention des enfants d’âge préscolaire, et particulièrement

ceux des milieux défavorisés. Qu’il s’agisse des programmes comme Head Start,

Abecederian Carolina Program ou Fast Track aux États-Unis ou des programmes

Apprenti-Sage, 1,2,3 Go ! ou Fluppy au Québec (CCPRG, 1997; Piché, Roy et Couture,

1992; Bastien, Plante et Cotte, 1995; Capuano, 1995; Weisberg et Greenberg, 1998;

Vitaro et Gagnon, 2000). Également, en milieu scolaire, plusieurs programmes de

prévention et d’intervention précoce ont été mis sur pied à l’intention des élèves

présentant des problèmes d’adaptation : programmes d’entraînement aux stratégies

de résolution de problèmes, programmes d’intervention impliquant des pairs, pro-

grammes d’entraînement aux habiletés sociales, etc. Ces programmes visent notam-

ment à stimuler le développement affectif et social des jeunes, à développer leurs

stratégies de gestion des conflits, à les amener à acquérir des habiletés sociales et à

mieux gérer leur stress. La philosophie de ces programmes, leurs cibles d’interven-

tion (jeunes, parents, éducateurs, professeurs, etc.), les instruments utilisés pour

mesurer leurs impacts et leurs impacts eux-mêmes sont très diversifiés (Desbiens,

2000), d’où la difficulté d’en tracer un portrait comparatif précis. Fortin et Bigras

(1997), suite à une recension de programmes préventifs destinés aux enfants à

risque, mentionnent que si le degré d’optimisme quant à l’efficacité de tels pro-

grammes varie énormément, il est très difficile d’en établir avec précision l’efficacité

en raison des limites méthodologiques imposées par le contexte d’évaluation de ces

programmes, notamment, la difficulté d’avoir un groupe contrôle, le nombre de

sujets peu élevé, les taux d’abandon élevés et la variabilité dans l’application des pro-

grammes.

Par ailleurs, les programmes de prévention des problèmes d’adaptation sociale

des enfants conçus et adaptés spécifiquement pour les milieux de garde à l’enfance

sont relativement peu nombreux (Coutu, Lavigueur, Dubeau et Harvey, 1995; Hamel,

1995; MSSSQ, 1997; Reese, Vera, Simon et Ikeda, 2002). Or, ces milieux sont des lieux

stratégiques pour la prévention des problèmes d’adaptation sociale. En effet, selon

les données de Statistiques Canada (2005), plus de 60 % des enfants âgés de six mois

à cinq ans au Québec sont confiés à un mode de garde quelconque. En outre,

plusieurs enfants fréquentent leur milieu de garde pour une période relativement

longue, ce qui les amène à y développer des liens importants. Donc, plusieurs fac-

teurs « militent fortement en faveur du développement et de l’intégration d’activités

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Les programmes de prévention des

problèmes d’adaptationsociale des enfantsconçus et adaptés

spécifiquement pour lesmilieux de garde à

l’enfance sont relative-ment peu nombreux.

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de prévention des problèmes d’adaptation sociale des enfants dans les milieux de

garde à l’enfance » (Coutu et coll., 2003 : 7).

Non seulement les programmes sont-ils peu nombreux, mais il existe peu de

données concernant les stratégies éducatives des éducatrices qui interviennent

auprès des enfants, notamment ceux qui présentent des difficultés d’adaptation. Or,

il s’agit là d’un volet majeur de l’intervention auprès des enfants en difficulté, car ce

sont ces personnes qui interviennent au quotidien auprès d’eux. D’ailleurs, Poliquin-

Verville et Royer (1992) soulignent que l’évaluation de programmes devrait tout

autant porter sur les stratégies éducatives du personnel que sur les progrès du jeune.

Les stratégies éducatives en milieu de gardeLes stratégies éducatives sont des techniques d’intervention concrètes des-

tinées aux jeunes; il s’agit d’actions concrètes et de moyens pratiques utilisés par le

personnel éducateur dans ses interventions auprès des enfants et des jeunes. Ces

stratégies visent à contrôler ou à développer les comportements en conformité avec

les attentes des adultes envers l’enfant (Grosenick et coll., 1985).

Certains auteurs distinguent deux grandes catégories de stratégies éducatives :

les interventions directes et indirectes (Ministère de la Famille et de l’Enfance, 1998).

Les interventions directes incluent des interventions telles qu’ignorer les comporte-

ments agaçants, faire preuve d’humour pour dédramatiser une situation, offrir des

moments privilégiés d’attention, intervenir lorsque survient un comportement dan-

gereux ou injuste ou façonner les comportements souhaités par la discussion ou le

renforcement positif. Les interventions indirectes visent à modifier certains compor-

tements problématiques en agissant sur des éléments extérieurs à l’enfant. L’amé-

nagement des locaux, la mise en place d’un espace d’intimité, l’adoption d’un pro-

gramme d’activités variées et adaptées, la communication avec les parents sont autant

d’exemples d’interventions.

Pour sa part, Essa (2002) propose une typologie plus détaillée. Elle distingue dix

techniques de modification des comportements. Certaines favorisent le maintien

des comportements positifs, alors que d’autres visent plutôt la diminution des com-

portements perturbateurs. Ces dix techniques sont : 1) le renforcement, 2) l’igno-

rance, 3) l’isolement de l’enfant, 4) le retrait volontaire, 5) la prévention, 6) la réorien-

tation, 7) la discussion, 8) la créativité dans la solution de problèmes, 9) la période

spéciale et 10) le tableau de renforcement.

Selon Essa (2002), il est primordial que l’adulte sache comment faire face

adéquatement aux comportements inacceptables des jeunes. Sa réaction est suscep-

tible d’entraîner une foule de répercussions, car l’image que l’enfant a de lui-même

se construit principalement à partir des réactions de l’adulte à ses comportements.

Lorsque cette réaction a lieu en milieu de garde, elle peut avoir un impact non seule-

ment sur l’enfant, mais sur l’ensemble du groupe. Elle peut tout aussi bien contri-

buer au maintien d’un climat positif qu’entraver le déroulement des activités. Les

techniques proposées par Essa (2002) fournissent des pistes concrètes pour guider

l’adulte dans le choix de ses réactions face aux comportements d’un enfant. Mais il

doit garder en tête que chaque cas est unique. Donc, il doit utiliser son jugement afin

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de choisir les bonnes techniques en fonction de l’enfant, du contexte et de la nature

du comportement en cause. D’où l’importance de faire une analyse approfondie de

chaque situation. C’est là l’idée centrale sur laquelle s’appuie le Programme SAEM.

Description du programme SAEM

Le Programme SAEM (Service d’aide à l’enfant et son milieu) est un programme

préventif destiné aux enfants âgés de 0 à 5 ans qui présentent des problèmes de com-

portement. Le programme comporte trois volets qui peuvent être mis en lien avec les

types de prévention distingués par l’Institute of Medecine (1994 cité dans Coutu et

coll., 2003). Le premier volet a un caractère universel, car il s’adresse à l’ensemble des

parents; il s’agit d’activités de formation aux parents. Le second est sélectif et prend

la forme de groupes pour familles défavorisées. Le troisième vise spécifiquement les

enfants qui présentent des problèmes de comportement; il s’agit du volet Aide et sou-

tien aux parents et au personnel en milieu de garde. C’est ce dernier volet qui cons-

titue l’objet de la présente étude.

Dans ce volet, l’intervention s’appuie sur le postulat que les enfants expriment

des besoins particuliers par leurs comportements inadéquats. Le processus consiste

essentiellement à cerner ces besoins et à apporter une aide et un soutien concrets

aux parents et au personnel en milieu de garde pour qu’ils puissent fournir une ré-

ponse adéquate aux besoins de l’enfant. Différents principes orientent l’interven-

tion : action à court terme dans les milieux de vie de l’enfant, approche d’enseigne-

ment et de « coaching », recherche de solutions concrètes dans « l’ici et maintenant »,

valorisation des forces des différents acteurs, reconnaissance des besoins de l’enfant,

encouragement à l’autonomie et interdisciplinarité (Bouchard, Girouard et St-Amand,

2004; Paradis et Cantin, 1993).

Les demandes de service peuvent provenir soit des parents, soit du milieu de

garde. Dans la plupart des cas, il est privilégié que les interventions se fassent à la fois

avec les parents et avec le milieu de garde, mais l’absence de l’un ou l’autre des par-

ties n’empêche pas le processus de se mettre en branle. Globalement, l’intervention

s’effectue en trois étapes : 1) évaluation de la situation problématique, 2) élaboration

d’un plan d’intervention, 3) application du plan avec une évaluation continue des

résultats. Le processus d’intervention se déroule sur trois à six rencontres, struc-

turées en fonction des étapes du processus, qui ont lieu dans les milieux de vie de

l’enfant, soit la famille et le milieu de garde, et qui se déroulent à un rythme variable

selon les besoins et le contexte.

La méthode d’évaluation

Pour évaluer l’utilité de ce programme, un devis basé sur une approche qualita-

tive a été privilégié. Étant donné qu’il s’agissait d’une première évaluation de ce pro-

gramme et considérant les défis d’une collecte d’information auprès d’éducatrices

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qui sont en présence d’enfants, nous avons opté pour cette approche parce qu’elle

facilite la prise en compte des éléments contextuels, qu’elle permet de saisir l’expé-

rience dans la perspective de ceux qui la vivent et qu’elle autorise plus de souplesse

quant à la procédure de collecte de données (Deslauriers et Kérésit, 1997; Marshall et

Rossman, 1999; Patton, 1987). Deux types de données ont été utilisés pour cerner

l’influence du programme sur la gestion des problèmes de comportement. D’une

part, les stratégies éducatives utilisées pas les éducatrices ont été documentées à

deux moments, soit avant et après la mise en place du programme. D’autre part, une

mesure d’appréciation portant sur la satisfaction et sur les effets perçus a été effec-

tuée à la fin du programme.

Les données ont été collectées par entrevue avant que l’intervention débute

(temps 1) et au moment où l’intervention prenait fin (temps 2) auprès d’éducatrices

qui ont fait appel au programme SAEM entre décembre 2001 et mars 2003. Au temps

1, les éducatrices (n = 41) ont été rencontrées en personne, le plus souvent dans leur

milieu de travail. Les données ont été collectées à partir d’un schéma d’entrevue à

questions ouvertes dont le contenu portait sur les problèmes de comportement de

l’enfant et sur les stratégies de l’éducatrice à son endroit, avant le début de l’inter-

vention. Les problèmes de comportement étaient explorés en demandant à l’éduca-

trice de « décrire brièvement ce qui est plus problématique chez l’enfant » et en lui

faisant préciser les impacts de ces comportements sur elle, sur le groupe, sur les

autres enfants. Pour cerner les stratégies utilisées, la question suivante était posée :

« Jusqu’à maintenant, quels moyens concrets avez-vous mis en place en réaction aux

comportements décrits précédemment? ». L’éducatrice était alors invitée à décrire

chacune des stratégies utilisées ainsi que son contexte d’utilisation. Au temps 2, les

questions suivantes ont été posées : (1) « Quels moyens concrets utilisez-vous actuelle-

ment pour faire face aux comportements de (prénom de l’enfant)? » et (2) « Considérez-

vous qu’il y a eu un changement dans vos stratégies éducatives suite à l’intervention de

SAEM? ». Dans les cas où l’enfant avait quitté le milieu de garde ou avait changé de

groupe au temps 2, seule la seconde question était posée. Cette seconde collecte de

données a été réalisée dans le cadre d’un entretien téléphonique. Même si ce choix

impliquait l’utilisation d’une procédure différente de celle du temps 1, il a été retenu

parce qu’il était moins exigeant pour les répondantes en terme de disponibilité, ce

qui assurait un plus haut taux de réponse. En outre, comme cet entretien était réalisé

par la même personne que l’entrevue du temps 1, la communication était facilitée,

même si elle se déroulait au téléphone, par le fait qu’il y avait déjà un contact d’établi

avec les répondantes.

Lors de cet entretien, les éducatrices ont également été questionnées sur les élé-

ments ayant facilité et les éléments ayant fait obstacle à l’intervention, et elles ont été

invitées à fournir une appréciation du programme SAEM. Cette mesure d’apprécia-

tion a été réalisée avec la version abrégée de l’échelle de satisfaction [Client

Satisfaction Inventory/Short Form (CSI-SF)] développée par McMurtry et Hudson

(2000). Il s’agit d’une échelle de type Likert à 7 points comportant 9 énoncés. Cet

instrument présente une bonne validité de construit et une excellente cohérence

interne (alpha de Cronbach de 0,89 dans la présente étude). Quelques données

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complémentaires, portant notamment sur les objectifs d’intervention et les moda-

lités d’aide, ont été recueillies dans les dossiers cliniques des enfants. Trente-cinq

éducatrices ont participé à cette deuxième entrevue, les autres n’étant pas

disponibles pour diverses raisons (refus, changement d’emploi). En moyenne, le temps

écoulé entre les deux entrevues est de 4,5 mois, avec un minimum de trois mois et un

maximum de sept mois et demi.

Le contenu des entrevues a fait l’objet d’un enregistrement audio et d’une trans-

cription intégrale. Il a ensuite été analysé selon les procédures habituelles de l’analyse

de contenu constitué : préparation du matériel, préanalyse, exploitation et analyse et

interprétation des résultats (Deslauriers et Mayer, 2000). Un système de catégorisa-

tion mixte a été privilégié; une partie des catégories est dérivée de la typologie de

Essa (2002) et l’autre partie a été induite en cours d’analyse. Le matériel a été analysé

à l’aide du logiciel NVivo 1.0.

Profil des répondantes Les éducatrices qui ont participé à l’étude proviennent de trois milieux : Centre

de la petite enfance (CPE) en installation (61 % des répondantes), CPE en milieu

familial (24,4 %) et milieu de garde privé (14,6 %). Ce sont des femmes dont l’âge

varie de 22 à 61 ans, avec une moyenne de 33,3 ans (ET = 8,9). La majorité d’entre

elles (77,5 %) ont un diplôme d’études collégiales. Leur expérience en milieu de garde

se situe en moyenne à 8 ans. Plus précisément, elle est de moins de 2 ans pour 17,1 %,

de 2 à 5 ans pour 31,7 %, de 6 à 10 ans pour 22 % et de plus de 10 ans pour 29,3 %.

Presque toutes ces personnes (95,1 %) travaillent à temps plein (4 ou 5 jours) et elles

s’occupent de groupes d’enfants dont la taille varie de 5 à 11 enfants (moyenne : 8,2,

ET = 1,6).

Les enfants visés par le programmeLa demande de service adressée au Programme SAEM par ces éducatrices porte

sur 41 enfants, majoritairement (78 %) des garçons, âgés de 2 à 5 ans, pour un âge

moyen de 3,3 ans. Une forte proportion des enfants de l’échantillon vivent au sein

d’une famille biparentale intacte (80 %), c’est-à-dire en compagnie de leur père et de

leur mère. Parmi les huit enfants ne vivant plus en famille intacte, six vivent le plus

souvent avec leur mère et deux vivent en garde partagée.

Le tableau 1 fournit la liste des besoins, considérés sous-jacents à leurs pro-

blèmes de comportement, qui sont mentionnés dans les plans d’intervention selon

le nombre d’enfants qui en sont l’objet. Aux fins de la présentation, ces besoins ont

été distingués en deux catégories selon qu’ils demandent une réaction de l’adulte ou

qu’ils renvoient plutôt au comportement de l’enfant lui-même.

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Tableau 1 : Besoins des enfants tels qu’identifiés dans le plan d’intervention destiné

au milieu de garde (N = 35)

Les interventions Le nombre moyen d’interventions directes réalisées par l’intervenante SAEM est

de 7,5 par enfant (ET = 3,7). Une intervention directe correspond à « une action con-

crète auprès de l’enfant, de l’éducatrice ou des parents. L’intervention directe ne cons-

titue pas par exemple une simple prise de rendez-vous par téléphone ». Le nombre

moyen d’interventions réalisées en milieu de garde (moyenne : 5,1; ET = 2,6) est plus

élevé que le nombre d’interventions en milieu familial (moyenne : 3,4; ET = 2,1).

Précisons à cet égard que dans le cas de 8 enfants, il n’y a aucune intervention en

milieu familial; ils ne sont pas comptabilisés dans la moyenne.

La nature des stratégies éducatives

L’analyse des propos recueillis auprès des éducatrices a conduit à distinguer

12 stratégies éducatives (S1 à S12) qui peuvent être regroupées en deux types : (1)

celles qui sont utilisées en amont de la manifestation du comportement probléma-

tique et (2) celles qui constituent une réaction au comportement problématique. Les

premières réfèrent à des actions posées avant que l’enfant manifeste un comporte-

ment problématique ou en dehors des moments où il se désorganise. Ces stratégies,

qui visent à diminuer le risque que le comportement problématique se présente,

sont : les actions préventives (interventions indirectes et promotion de comporte-

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Les stratégies éducatives du personnel en milieu de garde avec les enfants présentant des troubles du comportement : appréciation des effets d’un programme

Nombre d’enfants Besoin identifié dans le plan d’intervention

8 Etre encadré, avoir des limites

4 Être stimulé, motivé sur différents plans

4 Améliorer son estime de soi

3 Être arrêté

3 Sécurité

2 Cohérence entre la maison et le service de garde

1 Distanciation par rapport à l’adulte

1 Pouvoir

7 Apprendre à s’exprimer ou à s’affirmer de façon adéquate

3 Apprendre à s’approprier une place confortable, positive dans le groupe

3 Apprendre à gérer son agressivité

2 Apprendre à respecter les consignes

2 Apprendre à respecter ses limites

1 Dépenser son plein d’énergie

1 Développer son attention

Besoin qui exige une réaction de l’adulte

Besoin qui renvoie au comportement

de l’enfant

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ments positifs), le renforcement positif, l’utilisation de la dynamique du groupe, la

stimulation de l’enfant et les interventions normalisantes. Ces stratégies s’actua-

lisent à travers différents comportements qui sont illustrés dans le tableau 2.

Tableau 2 : Nature des comportements correspondant aux stratégies en amont du

comportement

Les stratégies utilisées en réaction au comportement problématique réfèrent à

des actions posées au moment où l’enfant présente un problème de comportement.

Elles correspondent aux actions suivantes : la prise de conscience, l’application de

conséquences, l’ignorance du comportement, le retrait volontaire, la réorientation,

le défoulement de l’enfant et le contact physique avec l’enfant. Leur nature est pré-

cisée dans le tableau 3.

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Organiser l’environnement physique

Ajuster les modalités de fonctionnement du groupe

Ajuster les exigences

Rappeler les consignes et les faire répéter par l’enfant

Formuler positivement les consignes

Annoncer des conséquences

Présenter des options possibles

Attribuer des responsabilités à l’enfant

Placer l’enfant à proximité d’une éducatrice

Éviter les situations à risque de problèmes de comportement

Féliciter et encourager verbalement et non verbalement

Utiliser un tableau de motivation

Attribuer des récompenses, privilèges

Mettre en valeur les forces de l’enfant

Sensibiliser les autres enfants à la situation

Outiller les autres enfants pour résoudre les situations conflictuelles

Solliciter la collaboration des autres enfants

Jumeler les enfants

Encourager la résolution de problèmes entre enfants

Changer l’enfant de groupe périodiquement

Diminuer les interventions publiques à l’endroit de l’enfant

Réagir plus discrètement

Stimuler les fonctions cognitives par des jeux appropriés

Proposer des activités pédagogiques

Les stratégies éducatives du personnel en milieu de garde avec les enfants présentant des troubles du comportement : appréciation des effets d’un programme

Promotion de comportements positifs

Interventions indirectes

Renforcement positif

Actions préventives

Stratégies centrées sur ladynamique du groupe

Interventionsnormalisantes

Stimulation de l’enfant

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Tableau 3 : Nature des stratégies utilisées en réaction au comportement

Le tableau 4 trace un portrait de l’utilisation de ces différentes stratégies éduca-

tives au temps 1. L’examen des résultats, sans distinction du type de milieux de garde,

indique que cinq stratégies sont utilisées par plus de 50 % des éducatrices : les

actions préventives, le renforcement positif, l’utilisation de la dynamique du groupe,

l’application de conséquences et la prise de conscience. En contrepartie, certaines

stratégies sont utilisées par moins de 10 % des éducatrices, soit les interventions nor-

malisantes et le retrait volontaire.

Même si cet exercice doit être considéré avec prudence compte tenu du faible

nombre de répondantes, la comparaison des stratégies selon le type de milieux de

garde fait ressortir quelques observations intéressantes. Ainsi, quatre des cinq straté-

gies utilisées par une majorité d’éducatrices sont partout les mêmes, soit les actions

préventives, le renforcement positif, l’application de conséquences et la prise de

conscience. Seules les stratégies centrées sur la dynamique du groupe dérogent à

cette constante en étant utilisées par plus de 50 % des éducatrices en installation et

en milieu de garde privé, mais par 30 % des éducatrices en milieu familial. On note

également que la prise de conscience est utilisée par environ 50 % des éducatrices en

milieu de garde privé et en installation alors qu’elle est mise de l’avant par 90 % des

éducatrices en milieu familial. On note également un écart dans l’utilisation du ren-

forcement positif entre les éducatrices en installation (64 %) et celles en milieu de

garde privé (100 %). Parmi les stratégies moins répandues, le défoulement de l’enfant

n’est pas utilisé par les éducatrices en milieu familial alors qu’il l’est par le tiers des

éducatrices en milieu de garde privé. En outre, les données indiquent l’absence de

172volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Les stratégies éducatives du personnel en milieu de garde avec les enfants présentant des troubles du comportement : appréciation des effets d’un programme

Mettre un terme à une activité

Enlever un privilège

Exiger réparation

Retirer du groupe

Démontrer une ignorance intentionnelle

Faire preuve de tolérance

Offrir à l’enfant de s’isoler du groupe

Attirer l’attention de l’enfant sur autre chose

Faire appel à la contribution de l’enfant

Permettre à l’enfant d’extérioriser ses sentiments

Faire des activités qui permettent de bouger

Maintenir une proximité physique avec l’enfant

Se mettre à la hauteur de l’enfant pour lui parler

Lui toucher pour le rassurer

Prise de conscience Discuter de la situationFaire une démonstration de la situation (l’imiter)

Application des conséquences

Ignorance du comportement

Retrait volontaire

Réorientation

Défoulement

Contact physiqueavec l’enfant

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quelques stratégies dans certains types de milieux de garde. Ainsi, le retrait volontaire

et le défoulement de l’enfant ne sont pas utilisés par les éducatrices en milieu fami-

lial alors que les actions normalisantes sont absentes en milieu familial et en garderie

privée.

Tableau 4 : Portrait des stratégies éducatives utilisées en Temps 1 en fonction du

type de milieux de garde de l’éducatrice

Le tableau 5 compare l’utilisation de chacune des stratégies avant et après le

programme SAEM. Cette comparaison porte seulement sur 25 éducatrices, soit celles

qui étaient toujours responsables de l’enfant à l’origine de la demande de service, au

temps 2. Les données indiquent que sept stratégies sont utilisées par moins d’éduca-

trices à la fin de l’intervention. La diminution du nombre d’éducatrices utilisant ces

stratégies varie d’une à huit. En ordre décroissant, ces stratégies sont : les stratégies

centrées sur le groupe et sa dynamique (-8), l’application de conséquences (-6), les

actions préventives (-5), l’ignorance du comportement (-4), le renforcement positif (-2),

la réorientation (-2) et les interventions normalisantes (-1). D’autre part, quatre stra-

tégies sont utilisées par plus d’éducatrices au temps 2, mais l’augmentation est

173volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Les stratégies éducatives du personnel en milieu de garde avec les enfants présentant des troubles du comportement : appréciation des effets d’un programme

Stratégies éducatives Utilisation parl’ensemble

des éducatrices

(N = 41)

Utilisation parles éducatrices

en CPE installation

(N = 25)

Utilisation parles éducatrices

en CPE Mil. familial

(N = 10)

Utilisation parles éducatrices

en milieu privé

(N = 6)

Stratégies en amont des manifestations du comportementproblématique

S 2- Renforcement positif

S1 - Actions préventives

S3 - Centrées sur le groupe

Centrées sur la dynamique

S4- Interventions normalisantes

Stratégies en réaction au comportement problématique

S7 - Application de conséquences

S6 - Prise de conscience

S8 - Ignorance du comportement

S12 -Contact physique avec l’enfant

S10 -Réorientation

S11 -Défoulement de l’enfant

S9 - Retrait volontaire

N % N % N % N %

30 73,2 16 64,0 8 80,0 6 100

27 65,9 16 64,0 7 70,0 4 66,8

21 51,2 15 60,0 3 30,0 3 50,0

7 17,1 5 20,0 1 10,0 1 16,7

2 4,9 2 8,0 – – – –

N % N % N % N %

36 87,8 20 80,0 10 100 6 100

25 61,0 13 52,0 9 90,0 3 50,0

12 29,3 7 28,0 4 40,0 1 16,7

12 29,3 7 8,0 3 0 2 3,3

11 26,8 8 32,0 2 20,0 1 16,7

7 17,1 5 20,0 – – 2 33,3

4 9,8 3 12,0 – – 1 16,7

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faible. Il s’agit du contact physique avec l’enfant et du défoulement de l’enfant (+2),

ainsi que la stimulation de l’enfant et la prise de conscience (+1).

Tableau 5 : Comparaison entre l’utilisation des stratégies éducatives au T1 et au T2

Au temps 1, le nombre moyen de stratégies utilisées est de 4,60 (ET = 1,47) alors

qu’il est de 3,80 (ET = 1,71) au temps 2. Pour 14 éducatrices (56 %), la diversité des

stratégies utilisées diminue alors qu’elle augmente pour cinq seulement (20 %).

Donc, on observe une tendance allant dans le sens d’une diminution de la variété des

stratégies utilisées, mais il n’est pas impossible que cette tendance soit attribuable à

la différence dans la procédure de collecte des données.

Bien qu’il soit difficile de statuer sur l’influence du programme sur ces change-

ments dans les stratégies utilisées, selon l’appréciation des éducatrices, le programme

conduit à des effets positifs. En effet, à la question : « Considérez-vous qu’il y a eu un

changement dans vos stratégies éducatives suite à l’intervention de SAEM? », les trois

quarts (77 %) des répondantes considèrent que l’intervention de SAEM a contribué à

modifier leurs stratégies éducatives. Comme l’illustre le tableau 6, ce changement

prend différentes formes. Dans certains cas, elles recourent à des stratégies qu’elles

utilisaient déjà, mais les appliquent différemment. Dans d’autres cas, elles indiquent

avoir amorcé l’utilisation de stratégies qu’elles connaissaient, mais n’avaient jamais

appliquées auparavant. Enfin, quelques situations donnent lieu à la mise en œuvre

de stratégies qui étaient inconnues jusque-là.

174volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Les stratégies éducatives du personnel en milieu de garde avec les enfants présentant des troubles du comportement : appréciation des effets d’un programme

Stratégies éducatives Utilisationpar les

éducatricesau T1

(N = 25)

Utilisationpar les

éducatricesau T2

(N = 25)

Écart dans les

utilisations(N = 25)

Stratégies en amont des manifestations du comportement problématique

S2 - Renforcement positif

S1 - Actions préventives

S3 - Centrées sur le groupe

Centrées sur la dynamique

S4 - Interventions normalisantes

Stratégies en réaction au comportementproblématique

S7 - Application de conséquences

S6 - Prise de conscience

S8 - Ignorance du comportement

S12 -Contact physique avec l’enfant

S10 -Réorientation

S11 -Défoulement de l’enfant

S9 - Retrait volontaire

N % N % N %

18 72,0 16 64,0 -2 -8,0

17 68,0 12 48,0 +5 -20,0

16 64,0 8 32,0 -8 -32,0

6 24,0 7 28,0 +1 +4,0

2 8,0 1 4,0 -1 -4,0

N % N % N %

21 84,0 15 60,0 -6 -24,0

15 60,0 16 64,0 +1 +4,0

7 28,0 3 12,0 -4 -16,0

7 28,0 9 36,0 +2 +8,0

4 16,0 2 8,0 -2 -8,0

3 12,0 5 20,0 +2 +8,0

1 4,0 1 4,0 0 0,0

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Tableau 6 : Illustration de chacun des niveaux de perception du changement à partir

des propos des éducatrices

En ce qui a trait à leur satisfaction au regard de l’intervention, sur une échelle

pouvant varier théoriquement entre 0 et 100, le résultat moyen pour l’ensemble des

répondantes est de 85,5 (ET= 16,2). Si le fait que les éducatrices qui perçoivent un

changement se disent plus satisfaites des services reçus (91,5) que celles qui ne

perçoivent pas de changement (65,3) n’est pas étonnant en soi, il n’en indique pas

moins que l’échelle de satisfaction laisse place à l’expression d’une position moins

favorable à l’égard du programme (Z (N = 35)= -3,59, p<,001).

175volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

1. L’intervention n’a apporté aucun changementNon, je pense que ça n’a pas fait de changement. Je trouvais que j’avais comme pas de pisted’intervention puis je passais mon temps à remplir des questionnaires. C’est ça qui m’acha-lait un petit peu. (Éduc.#2)Non, il n’y a pas vraiment eu de changement dans mes pratiques. Les interventions quim’avaient été suggérées par (l’intervenant), ce sont des choses que déjà en garderie,comme éducatrice, on fait déjà ça. Les interventions proposées comme telles, on les faitdéjà. (Éduc.#33)

2. Utilisation des mêmes stratégies validées par l’intervenantJe te dirais que SAEM est venu un peu confirmer les choses que je faisais déjà avec lui, quej’étais dans la bonne voie. (Éduc.#13)Il y a eu du renforcement par rapport à ce que je faisais déjà. Les visites de (l’intervenant)ont permis de confirmer nos interventions je pense. Ça a validé ce que je faisais. (Éduc.#27)

3. Utilisation des mêmes stratégies en les appliquant différemment (nouvelles modalités d’application)Il y a des choses que je faisais avant, mais pas nécessairement de la même façon.(Éduc.#19)(L’intervenant) m’a aussi proposé d’utiliser ces stratégies (que j’utilisais déjà) dans d’autres situations où je n’avais pas l’habitude de les utiliser. (Éduc.#9)

4. Utilisation de stratégies connues, mais non utilisées au temps 1(rappel de stratégies par l’intervenant)Axer les commentaires sur le comportement et non sur la personne, c’est une interventionqu’on connaît déjà, mais de se le faire rappeler particulièrement pour tel jeune, c’est aidant,ça m’aide à porter plus attention. (Éduc.#11)Des fois, on va vers le chemin le plus court et puis on n’y repense pas d’utiliser ces points-là,mais en me les rappelant, là j’y pense plus. (Éduc.#30)

5. Utilisation de nouvelles stratégiesIl y a eu beaucoup de changements pour intervenir avec elle. Il y avait l’adaptation de monmatériel pour elle. Quand je lui parlais, je mebaissais tout le temps pour être vraiment à sonniveau puis j’attendais vraiment qu’elle me regarde avec ses yeux. Mes interventions, je neles faisais plus devant le groupe, je ne disais plus son nom fort. Ça c’est tout du nouveau.(Éduc.#21)Les fiches, c’est vraiment nouveau puis c’est vraiment magique. Je pense qu’elle est visuellepuis de lui dire comment je me sentais, elle ne le comprenait pas. Le voir, c’est très différentpour elle. (Éduc.#23)Avec le plan d’intervention, ça a beaucoup changé. On mettait plus l’accent sur des chosescomparativement à avant où il y a des choses que je faisais puis que c’était un peu uneperte. Ce n’était pas le temps pour lui de faire ces acquisitions-là. Alors on s’est vraimentconcentré sur autre chose. (Éduc.#36)

Les stratégies éducatives du personnel en milieu de garde avec les enfants présentant des troubles du comportement : appréciation des effets d’un programme

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Tableau 7 : Perception des éducatrices au regard des changements dans leurs

stratégies éducatives et satisfaction au regard de l’intervention

Entre autres éléments sous-jacents à la satisfaction des éducatrices, il y a la pos-

sibilité de donner un sens aux comportements de l’enfant, la concordance des

moyens proposés avec les préoccupations professionnelles, la simplicité des actions

suggérées et la possibilité de transférer les acquis à d’autres situations; leur portée ne

se limite pas à la situation spécifique de l’enfant en difficulté.

(L’intervenant) m’a fait comprendre pourquoi il avait ce comportement-là, puis

en comprenant, il me semble que ça va mieux quand on sait pourquoi le comporte-

ment est là. (Éduc. #36)

Ça collait beaucoup avec ma personnalité,, donc c’était facile pour moi de mettre

en pratique les points qu’on avait dits. (L’intervenant) me demandait toujours qu’est-

ce que moi je voulais, qu’est-ce que moi j’aimais, puis les consignes de mon local, puis

comment moi je fonctionnais. (L’intervenant) ne me proposait pas des affaires qui ne

collaient pas avec moi. (Éduc. #21)

Ce sont des petits trucs qui sont simples et efficaces, qui fonctionnent bien.

(L’intervenant) a été très à l’écoute et a pris le temps vraiment d’essayer de comprendre

un peu ce que nous autres on pouvait vivre à la garderie. (Éduc. #26)

C’est un point fort qu’ils m’ont apporté qui est très utile dans ma pratique de tous

les jours. C’est que tu ne t’attends pas à un résultat, donc tu n’es pas déçue. On y va

tranquillement dans ça, puis à un moment donné, ça va ressortir. (Éduc. #29)

Parmi les obstacles mentionnés, on retrouve les présences parfois trop espacées

de l’intervenante SAEM, l’absence d’interventions directes de sa part auprès de l’en-

fant et le caractère parfois irréaliste de certaines suggestions. Leurs propos qui sui-

vent illustrent ces commentaires négatifs à l’endroit du programme.

J’aurais aimé être capable de voir (l’intervenant) plus souvent. Si c’était à recom-

mencer, je lui demanderais peut-être des rendez-vous un petit peu plus fréquents. Je

trouve quand même que c’est un long bout à passer entre les rencontres. (Éduc. #12)

176volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Total

Changement perçu 27

Satisfaction : résultat moyen 91,50

(écart-type) (10,31)

Aucun changement perçu 8

Satisfaction : résultat moyen 65,28

(écart-type) (16,44)

TOTAL 35

85,50

(16,18)

Z = -3,59, p < 0,001 (test de Mann-Whitney)

Les stratégies éducatives du personnel en milieu de garde avec les enfants présentant des troubles du comportement : appréciation des effets d’un programme

Entre autres éléments sous-jacents

à la satisfaction des éducatrices, il y a la

possibilité de donner un sens aux comporte-

ments de l’enfant, laconcordance des moyens

proposés avec les préoccupations profes-sionnelles, la simplicitédes actions suggérées

et la possibilité de transférer les acquis à

d’autres situations

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C’est sûr que j’aurais aimé ça que (l’intervenant) vienne passer des périodes pour

intervenir directement avec l’enfant. Parce que souvent, voir intervenir quelqu’un qui

saisit mieux les concepts que de seulement te les faire expliquer. (Éduc. #21)

C’est ce que je reproche, des fois on nous propose des choses comme si on avait

juste un enfant, mais on en a dix, tous avec d’autres troubles à corriger. (Éduc. #2)

Dans le bilan qu’elles font du programme, les éducatrices identifient trois types

de conditions de réussite de l’intervention : a) la qualité de l’appui qui leur est offert

par l’intervenant SAEM, b) la concertation entre les trois principaux acteurs engagés

envers l’enfant soit les parents, l’intervenant SAEM et elle-même et c) la rapidité

d’accès aux services offerts par le programme SAEM. Ces conditions sont illustrées

par les propos rapportés dans le tableau suivant.

Tableau 8 : Perception des éducatrices sur les conditions de succès du programme

Discussion et conclusion

Cette étude a été réalisée dans l’optique de mieux cerner les stratégies éduca-

tives utilisées par le personnel des milieux de garde par rapport aux enfants qui

présentent des problèmes de comportement et d’évaluer l’influence d’un programme

visant à soutenir leur action auprès de ces enfants. Les données indiquent que le per-

sonnel de garde fait appel à une grande variété de stratégies lorsqu’il s’agit de com-

poser avec un enfant difficile. Ces stratégies ne sont pas que réactives; plusieurs sont

mises en place avec la préoccupation de prévenir les problèmes avant qu’ils se mani-

festent. Les résultats traduisent également que la majorité des éducatrices ayant

bénéficié du Programme SAEM perçoivent des changements dans leurs stratégies

éducatives. Leurs propos suggèrent qu’en faisant une meilleure analyse des besoins

que l’enfant exprime à travers ses comportements, elles sont davantage en mesure

de trouver des stratégies efficaces et, a contrario, d’éviter l’utilisation de stratégies

moins appropriées. Les propos des éducatrices traduisent également que le

177volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Les stratégies éducatives du personnel en milieu de garde avec les enfants présentant des troubles du comportement : appréciation des effets d’un programme

L’écoute, quand (l’intervenant) m’a écoutée, je l’ai beaucoup aimé. Je trouve que (l’intervenant) ne me jugeait pas. Tout a été très positif. Je l’ai trouvé vraiment humain,ouvert et je ne me suis pas sentie jugée. Je ne me suis pas sentie incompétente. (Éduc.#23)

(L’intervenant) avait beaucoup de relations aussi avec les parents, au niveau de la famille,c’était de voir que je ne travaillais pas dans un seul sens. (L’intervenant) a pu faire l’inter-médiaire, le pont entre les deux milieux. (Éduc.#15)

Quand on a besoin de (l’intervenant), il est toujours là. (L’intervenant) est quand mêmeassez présent. Ce n’est pas tellement long non plus avant que (l’intervenant) se déplace. En gros, c’est pas mal ça, la disponibilité. (Éduc.#34)

Qualité de l’appui offertpar l’intervenant SAEM

Concertation entre les principaux acteursengagés vers l’enfant

Rapidité d’accès auxservices

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Programme SAEM influence l’ensemble de leur pratique, et non seulement l’inter-

vention spécifique auprès de l’enfant en difficulté. Cependant, elles demeurent con-

vaincues qu’une intervention efficace auprès d’un enfant en difficulté exige une

action concertée des principaux acteurs qui gravitent autour de l’enfant. À cet égard,

l’orientation du programme SAEM, à l’effet d’impliquer conjointement les parents et

le personnel du milieu de garde dans une action concertée auprès de l’enfant, appa-

raît comme étant une option incontournable.

Les résultats de cette étude viennent appuyer, d’une part, l’importance d’aug-

menter la formation des éducatrices en matière de gestion des comportements diffi-

ciles et, d’autre part, la nécessité de leur fournir un soutien adéquat pour composer

avec ces enfants dont la présence a souvent un effet perturbateur sur le groupe. Ils

supportent également l’importance de la communication parents-éducatrice dans

l’aide aux enfants en difficulté, la qualité de cette communication étant générale-

ment considérée comme la pierre angulaire d’un partenariat efficace entre la famille

et le milieu de garde (Coutu et coll., 2003; Owen, Wade et Barffot, 2000).

Évidemment, ces résultats doivent être examinés à la lumière des limites de

cette étude, limites qui tiennent notamment à la taille de l’échantillon, à l’absence de

groupe de comparaison et à la nature subjective de l’information collectée. Les choix

méthodologiques effectués n’en ont pas moins permis de recueillir une information

riche sur les stratégies des éducatrices en garderie et sur les changements perçus au

regard de leurs stratégies éducatives suite à la participation à un programme d’inter-

vention visant la prévention des problèmes d’adaptation sociale par l’intervention en

milieu de garde. Par ailleurs, même si un autre volet de cette recherche (Turcotte,

Saint-Jacques, St-Amand, Beaudoin et Champoux, 2004) a fait ressortir que la parti-

cipation au programme SAEM s’était accompagnée d’une amélioration des compor-

tements des enfants, il faut poursuivre les travaux sur l’évaluation des programmes

de soutien au personnel en milieu de garde.

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Les résultats de cetteétude viennent appuyer,d’une part, l’importance

d’augmenter la forma-tion des éducatrices enmatière de gestion des

comportements difficileset, d’autre part, la

nécessité de leur fournirun soutien adéquat pour

composer avec cesenfants dont la présence

a souvent un effet perturbateur sur le

groupe.

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182volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans :

les programmes ALI

Martine VERREAULTUniversité du Québec à Montréal, Québec, Canada

Andrée POMERLEAUUniversité du Québec à Montréal, Québec, Canada

Gérard MALCUITUniversité du Québec à Montréal, Québec, Canada

RÉSUMÉ

La présente étude examine l’impact d’Activités de Lecture Interactive (ALI) sur

le développement cognitif et langagier d’enfants d’âge préscolaire. Cent douze

enfants bénéficient de l’intervention selon trois programmes (ALI-Bébé, ALI-Bambin

et ALI-Explorateur). Les programmes sont implantés à domicile, en milieu de garde

ou dans les deux contextes. Nous évaluons le développement cognitif et langagier

des enfants avant le début des programmes, puis après 6 mois d’application. Dans

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l’ensemble, les enfants obtiennent des résultats normalisés significativement plus

élevés à la deuxième mesure. Nous observons une différence entre les programmes :

les résultats de développement augmentent de façon significative pour les enfants

des programmes ALI-Bébé et ALI-Bambin, mais non pour ceux du programme ALI-

Explorateur. La grandeur des gains ne diffère pas d’un contexte d’implantation à

l’autre. De plus, nos résultats révèlent que l’intervention entraîne des gains signifi-

catifs aux mesures de langage expressif et d’habiletés non-verbales. La discussion

s’organise autour de ces constatations. Notre étude souligne l’efficacité de pro-

grammes axés sur des Activités de Lecture Interactive pour hausser le développe-

ment cognitif et langagier des enfants durant les années préscolaires.

ABSTRACT

The Impact of Interactive Reading Programs on Cognitive and LanguageDevelopment Among Children from 0 to 5 Years Old: The ALI ProgramsMartine VERREAULT, Andrée POMERLEAU and Gérard MALCUIT

Infant Study Lab, Department of Psychology

Université du Québec à Montréal, Québec, Canada

This study examines the impact of interactive reading activities (ALI) on the co-

gnitive and language development of pre-school-aged children. One hundred twelve

children benefit from the interventions of three programs (ALI-Bébé, ALI-Bambin et

ALI-Explorateur). These programs are established in the home, in day-care centres or

in both contexts. We evaluate the cognitive and language development of children

before they begin the programs, and again after 6 months of application. Overall, the

children’s standardized scores were significantly higher after the programs. We

observed a difference between the programs – the development scores increase signi-

ficantly for children in the ALI-Bébé and ALI-Bambin programs, but not for those in

the ALI-Explorateur program. The size of gains does not differ from one setting-

context to another. Our results also reveal that the intervention leads to significant

gains in expressive language and non-verbal abilities scores. The discussion revolves

around these findings. Our study highlights the effectiveness of programs based on

interactive reading activities as a means of raising the cognitive and language deve-

lopment of children during the pre-school years.

183volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI

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RESUMEN

Impacto de programas de Actividades de Lectura Interactiva sobre eldesarrollo cognitivo y lingüístico de los niños entre 0 y 5 años : los programas ALIMartine Verreault, Andrée Pomerleau y Gérard Malcuit

Laboratorio de estudios sobre los lactantes, Departamento de sicología

Universidad de Quebec en Montreal, Quebec, Canadá

El presente estudio examina el impacto de las actividades de lectura interactiva

(ALI) sobre el desarrollo cognitivo y lingüístico de los niños en edad preescolar.

Ciento doce niños beneficiarios de dicha intervención según tres programas (ALI-

Bebé, ALI-Chiquillo, y ALI-Explorador). Los programas se llevan a cabo en los domi-

cilios, en las guarderías o en los dos contextos. Evaluamos el desarrollo cognitivo y

lingüístico de los niños antes del inicio del programa y 6 meses después de su

implantación. En total, los niños obtienen resultados normalizados significativa-

mente más elevados durante el segundo programa. Observamos una diferencia entre

los programas : los resultados del desarrollo aumentan de manera significativa para

los niños de los programas ALI-Bebé y ALI-Chiquillo, pero no para los del programa

ALI-Explorador. La proporción de lo adquirido no difiere de un contexto de

implantación al otro. Además, nuestros resultados revelan que la intervención

provoca ganancias significativas cuando se mide el lenguaje expresivo y las habili-

dades no-verbales. La discusión se organiza alrededor de estas constataciones.

Nuestro estudio subraya la eficacia de los programas centrados en actividades de lec-

tura interactiva para aumentar el desarrollo cognitivo y lingüístico de los niños

durante los años preescolares.

Contexte théorique

Les cinq premières années de vie de l’enfant semblent cruciales pour l’acquisi-

tion des habiletés nécessaires pour rencontrer les exigences des apprentissages sco-

laires. Certaines des compétences cognitives acquises avant la maternelle prédisent

la performance scolaire (Ramey & Ramey, 1998; Stevenson & Newman, 1986). En

effet, dans l’ensemble de ses compétences cognitives, le niveau des habiletés langa-

gières de l’enfant d’âge préscolaire explique en bonne partie la qualité de son fonc-

tionnement ultérieur à l’école (Scarborough & Dobrich, 1994; Whitehurst, Epstein et

al., 1994). Par exemple, l’étendue de son vocabulaire avant l’entrée à l’école est un

bon prédicateur de son succès en lecture un peu plus tard (Wells, 1987). De tels cons-

tats soulignent l’importance pour l’enfant d’acquérir tôt un bon niveau d’habiletés

cognitives et langagières.

184volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI

De tels constatssoulignent l’importancepour l’enfant d’acquérir

tôt un bon niveau d’habiletés cognitives

et langagières.

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Dès leurs premières années de vie, les enfants présentent des différences dans

la qualité de leur développement cognitif et langagier (Alexander & Entwisle, 1988;

Edwards, 1995). Selon un rapport de la Carnegie Foundation for the Advancement of

Teaching (1991), 35 % des jeunes américains entrent à la maternelle avec un niveau

langagier insuffisant pour aborder avec succès les tâches d’apprentissage. Ils présen-

tent des lacunes sur le plan du vocabulaire et de l’organisation grammaticale des

phrases. Une enquête plus récente auprès d’enseignantes de la maternelle confirme

cette réalité. Elle révèle que près de la moitié (48 %) des enfants américains réussis-

sent mal la transition de la maison à l’école (National Center for Early Development

and Learning, 1998). Le personnel rapporte que les enfants ont de la difficulté à com-

prendre des consignes, à travailler de façon autonome, à communiquer et à maîtri-

ser des notions générales. Ces problèmes posent un défi, car il semble que ce que l’on

observe à la maternelle se maintient jusqu’au secondaire (Stevenson & Newman,

1986; Wells, 1987). Ainsi, un faible niveau cognitif et langagier à l’entrée à l’école

handicape grandement le rendement scolaire ultérieur des enfants. L’enrichissement

de leurs habiletés préscolaires faciliterait la transition à l’école et un meilleur succès

par la suite (Alexander & Entwisle, 1988).

Les expériences vécues pendant l’enfance, à la maison ou en milieu de garde,

sont d’importantes sources d’influence pour le développement des habiletés langa-

gières nécessaires aux apprentissages ultérieurs (Hart & Risley, 1995). Selon l’ap-

proche interactionniste, le langage expressif et réceptif se développe, dès le début de

la vie, à travers des expériences d’interactions offertes par les environnements fami-

lial et social de l’enfant (Ninio, 1992; Perna, 2003; Ramey & Ramey, 1998; Snow, 1984).

Les personnes présentes dans les milieux que fréquente l’enfant (parents, grands-

parents, éducatrices, etc.) peuvent faciliter ou non son développement langagier.

Les échanges verbaux entre l’adulte et l’enfant contribuent également au

développement du langage expressif et réceptif. L’enfant apprend le langage et les

règles de la communication à partir de ce qu’il entend (Ninio, 1992). La recherche

montre que la fréquence des interactions verbales entre les parents et leur bambin

est en relation positive avec l’acquisition du vocabulaire de l’enfant à 2 ans

(Huttenlocher, Haight, Bryk, Seltzer, & Lyons, 1991) et avec son développement co-

gnitif à 9 ans (Hart & Risley, 1995). Cependant, la fréquence ne peut expliquer, à elle

seule, le niveau de développement de l’enfant (Hart, 1991). Le style et le contenu lan-

gagier de l’adulte qui interagit avec lui doivent aussi être pris en considération.

Lorsque le parent parle à son enfant, il adopte un style différent de celui qu’il utilise

pour parler à un adulte. Il recourt à un langage simple et redondant, habituellement

ajusté au niveau de compréhension du petit. L’étude de Hoff-Ginsberg (1985) confirme

la relation positive entre le développement langagier de l’enfant et l’utilisation par le

parent de phrases courtes, énoncées clairement avec une intonation expressive. De

plus, des catégories d’énoncés présentes dans le langage de l’adulte sont particu-

lièrement importantes pour expliquer le niveau langagier de l’enfant, notamment les

énoncés interrogatifs et ceux qui renforcent les expressions (Lacroix, Pomerleau, &

Malcuit, 2002). En effet, les questions suscitent des réponses verbales de l’enfant. Qui

plus est, le renforcement des sons qu’il produit, par des encouragements et des

185volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI

Un faible niveau cognitif et langagier

à l’entrée à l’école handicape grandement

le rendement scolaireultérieur des enfants.

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rétroactions, incite le bébé à continuer à faire ces sons et dirige ses productions vers

des formes de plus en plus langagières (Malcuit, Pomerleau, & Séguin, 2003). En

somme, l’acquisition du langage par le jeune enfant dépend, en partie, de la quantité

de ses échanges verbaux avec un adulte familier, du style langagier adopté par ce

dernier et du type d’énoncés qu’il émet pendant l’interaction verbale (Ninio, 1992;

Snow, 1984).

Des contextes d’interactions entre l’adulte et l’enfant sont plus propices que

d’autres à de bons échanges. En particulier, les contextes de lecture permettent d’in-

tégrer, de façon optimale, un style et un contenu associés à la qualité du développe-

ment langagier des enfants. En situation de lecture, l’adulte utilise une plus grande

variété de mots et questionne plus souvent l’enfant que lors du jeu libre (Lewis &

Gregory, 1987). Il donne davantage de rétroactions et d’encouragements aux verba-

lisations de l’enfant que dans les autres contextes (McDonnell, Rollins, & Friel-Patti,

2001). Les conduites verbales de l’adulte sont plus contingentes à celles de l’enfant et

davantage associées à son développement langagier que celles présentes lors des

soins, des repas, de l’habillement ou des jeux (Hoff-Ginsberg, 1991). L’adulte offre, en

situation de lecture, un modèle langagier plus riche et plus varié que lors des autres

activités.

De nombreuses études montrent l’importance de la lecture adulte-enfant et des

conduites verbales qu’elle favorise. Le fait de regarder des livres avec un parent ou un

adulte familier est positivement corrélé aux habiletés langagières de l’enfant (Bus,

van IJzendoorn, & Pellegrini, 1995; Scarborough & Dobrich, 1994). Le lien entre les

activités de lecture au cours des années préscolaires et le développement cognitif et

langagier de l’enfant perdure. Crain-Thoreson et Dale (1992) rapportent une corréla-

tion positive entre des sessions de lecture parent-enfant à 2 ans et des mesures cogni-

tives et langagières prises à 2 et 4 ans. Aussi, des enfants ayant bénéficié d’une lecture

régulière à l’âge préscolaire obtiennent à 13 ans des résultats plus élevés en lecture et

aux tests de QI que ceux d’enfants ayant eu peu d’expériences de lecture (Stevenson

& Fredman, 1990).

La relation entre les activités de lecture et la qualité du langage de l’enfant

est encore plus importante lorsque ces activités débutent dès le plus jeune âge

(Scarborough & Dobrich, 1994). L’âge de l’enfant au moment où les parents com-

mencent les activités de lecture avec lui est un meilleur prédicateur de son niveau de

langage à 2 ans que leur fréquence ou le nombre d’histoires racontées (DeBaryshe,

1993). Également, les enfants qui ont bénéficié davantage de lecture depuis l’âge de

1 an manifestent plus d’intérêt pour les livres et présentent de meilleures habiletés

langagières à 2 ans (Lyytinen, Laakso, & Poikkeus, 1998).

En résumé, la recherche indique que faire la lecture avec les enfants favorise leur

développement cognitif et langagier, les prépare à devenir eux-mêmes des lecteurs

(Wells, 1987) et facilite leur entrée dans le monde scolaire (Bus et al., 1995). Par

ailleurs, la façon de faire la lecture avec le jeune enfant importe elle aussi. Un mode

spécifique d’interactions durant la lecture se révèle particulièrement efficace.

Whitehurst et ses collègues (1988) ont conçu un programme dit de lecture dialogique

qui enseigne aux adultes (parents ou éducatrices) des techniques à utiliser lorsqu’ils

186volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI

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regardent des livres d’images avec un jeune enfant. Les techniques consistent à

l’aider à préciser ses descriptions d’images, à corriger ses essais et à lui poser des

questions afin de maintenir le débit de sa conversation et son intérêt. L’adulte ren-

force les verbalisations de l’enfant en réagissant de façon positive et en ajoutant de

l’information appropriée. Ce mode d’interaction diffère de la lecture traditionnelle

où l’enfant demeure silencieux pendant qu’on lui raconte une histoire. Avec la lec-

ture dialogique, l’adulte délaisse son rôle de locuteur pour devenir un auditeur actif.

L’enfant apprend à raconter l’histoire.

Les études de Whitehurst et de ses collègues soulignent l’efficacité de leur inter-

vention auprès d’enfants âgés de 2 à 4 ans, de milieux socio-économiques et d’ori-

gines culturelles variés, tant à la maison qu’en milieu de garde (Lonigan & Whitehurst,

1998; Valdez-Menchaca & Whitehurst, 1992; Whitehurst et al., 1988; Whitehurst,

Arnold et al., 1994; Whitehurst, Epstein et al., 1994). Les enfants qui participent à au

moins 3 périodes hebdomadaires de lecture dialogique de 10 minutes chacune pen-

dant 4 à 7 semaines ont des performances langagières supérieures à celles d’enfants

d’un groupe contrôle. Les résultats indiquent des gains significatifs aux mesures de

langage expressif. Aux mesures de langage réceptif, les résultats vont généralement

dans le même sens, sans toutefois atteindre le seuil usuel de signification statistique.

Au Québec, des programmes d’Activités de Lecture Interactive (ALI) ont été mis

en place dans une municipalité de la Montérégie. Il s’agit de trois programmes dis-

tincts, inspirés de la lecture dialogique, s’adressant aux enfants âgés de 0 à 5 ans. Ils

ont pour objectif général de favoriser leur développement cognitif et langagier, et de

les préparer aux apprentissages scolaires. Les activités des programmes ALI peuvent

être réalisées par les parents ou les éducatrices en milieu de garde et s’adaptent aux

habiletés croissantes des enfants. Pour le nourrisson, les activités ALI-Bébé stimulent

le développement d’habiletés cognitives générales, comme l’attention et le début de

la communication. Celles-ci l’amèneront, vers 15 mois, aux activités de lecture inter-

active du programme ALI-Bambin. Les techniques pour réaliser les activités de lec-

ture interactive consistent, entre autres, à capter l’attention de l’enfant, à identifier

les éléments d’une image, à formuler des questions ouvertes, à évaluer et à renforcer

ses verbalisations. ALI-Bambin vise le développement des habiletés langagières

expressives et réceptives. Enfin, vers 3 ans, ALI-Explorateur met l’accent sur les

concepts à intégrer aux activités de lecture interactive pour favoriser l’acquisition des

habiletés cognitives nécessaires aux apprentissages scolaires.

Objectifs et hypothèses de recherche

L’objectif général de l’étude est d’évaluer l’impact des programmes ALI sur le

développement cognitif d’enfants d’âge préscolaire selon deux moments de mesure.

L’évaluation se réalise à partir d’instruments de mesure standardisés donnant des

résultats normalisés. Nous évaluons l’impact des trois programmes ALI après six

mois d’application. L’impact devrait se traduire par des résultats normalisés plus

élevés au deuxième moment de mesure qu’au premier. Nous examinons aussi l’im-

187volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI

Avec la lecturedialogique, l’adulte

délaisse son rôle delocuteur pour devenir

un auditeur actif.L’enfant apprend àraconter l’histoire.

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pact selon le contexte d’implantation des programmes : à domicile, en milieu de

garde ou dans les deux contextes. Nous attendons des gains plus importants chez les

enfants qui reçoivent les programmes à la fois à domicile et en milieu de garde,

puisqu’ils sont plus fréquemment exposés aux activités. Comme ALI vise de façon

particulière à favoriser le développement langagier, nous distinguons dans la mesure

du développement cognitif les habiletés langagières et non-langagières des enfants.

Nous prévoyons une hausse plus importante des résultats aux mesures langagières.

Méthode

Participants et participantesLes programmes ALI sont implantés dans une municipalité rurale de la Montérégie.

La population de cette municipalité doit composer avec un facteur d’éloignement

des services. Les problématiques présentes dans la région (sous-scolarisation, pro-

blèmes de langage chez les enfants) et le nombre élevé d’enfants âgés de 0 à 5 ans jus-

tifient une intervention préventive favorisant le développement cognitif et langagier

de tous les enfants (Pomerleau, Malcuit, Laberge, & Flynn, 1997). Divers moyens

(annonces dans les journaux locaux et les milieux de garde, bouche à oreille, activités

de promotion au CLSC et à la bibliothèque, etc.) permettent de rejoindre un grand

nombre de familles, de présenter les programmes et de donner des informations sur

l’étude. Les parents signent un formulaire de consentement pour la participation de

l’enfant aux programmes et pour son évaluation. Ce formulaire décrit l’étude, assure

la confidentialité des données recueillies et le droit de se retirer en tout temps sans

avoir à le justifier.

Nous recrutons 335 enfants auprès desquels nous réalisons une première éva-

luation. De ceux-ci, nous retenons les 189 enfants qui participent à une deuxième

évaluation 6 mois plus tard. Cette dernière permet de comparer les résultats des

enfants avant le début des programmes et après 6 mois d’application. Nous ne

retenons pas les données de 39 de ces enfants : 19 reçoivent un programme ALI adap-

té aux difficultés cognitives ou orthophoniques que la première évaluation a permis

de détecter, 5 ne reçoivent aucune forme de programme entre les deux évaluations,

8 n’ont pu être évalués au tout début de leur participation, 1 est évalué la seconde fois

dans un délai de 18 mois, 6 n’ont pas le même outil d’évaluation aux deux mesures.

De plus, nous ne considérons pas, dans les analyses, les données de 38 autres enfants

par manque d’assiduité d’application. Les enfants doivent participer aux pro-

grammes un minimum de trois mois pour être inclus dans l’étude d’évaluation.

Le groupe final de 112 enfants se compose de 59 filles et 53 garçons. Leur âge

varie de 2,3 à 65,6 mois. Cinquante-cinq d’entre eux (49,1 %) fréquentent un centre

de la petite enfance (CPE). Comme 18 des enfants ont une sœur ou un frère qui parti-

cipe à l’étude, nous avons un échantillon de 94 familles. La scolarité moyenne des mères

correspond à une année post-secondaire et celle des conjoints à un secondaire 5.

Cinquante-trois pour cent des familles ont un revenu annuel entre 30 001 et 60 000 $,

26,5 % ont un revenu inférieur à 30 001 $ et 20,5 % un revenu supérieur à 60 000 $.

188volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI

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L’échantillon comprend trois groupes d’enfants répartis selon l’âge dans un pro-

gramme particulier (ALI-Bébé, ALI-Bambin et ALI-Explorateur). Le premier groupe

est formé de 37 bébés âgés de moins de 15 mois (M = 5,5 mois, étendue : 2,3 – 12,2

mois). Le deuxième groupe est constitué de 31 bambins âgés en moyenne de

23,9 mois (étendue : 12,4 – 53,2 mois). Le dernier groupe comprend 44 enfants âgés

en moyenne de 51,1 mois (étendue : 31,7 - 65,6 mois). Des tests Khi-carré (_2) sur les

caractéristiques des participants selon les trois programmes révèlent que la réparti-

tion des sexes, le revenu familial annuel et le niveau de scolarité de la mère et du con-

joint ne se distinguent pas entre les groupes. Cependant, l’âge des mères et de leurs

conjoints diffère, F(2, 99) = 5,62, p < 0,01 et F(2, 93) = 4,65, p < 0,05, respectivement.

Le test a posteriori Student-Newman-Keuls précise que les mères et les conjoints du

groupe ALI-Bébé sont plus jeunes que ceux du groupe ALI-Explorateur. Également,

les enfants ALI-Bébé sont moins nombreux à fréquenter un CPE que les autres

enfants _2(2, N = 85) = 13,83, p < 0,01. Les principales caractéristiques sociodémo-

graphiques des participants apparaissent au Tableau 1.

Tableau 1 : Caractéristiques des enfants et de leurs parents par programme

Programmes ALIProgramme ALI-Bébé : 0-15 mois

Le programme ALI-Bébé propose des activités de stimulation susceptibles de

favoriser le développement cognitif du tout-petit, en particulier l’attention, la com-

munication et le langage. Les activités sont réparties en cinq volets (A, B, C, D, E)

selon l’âge. Les volets présentent des activités telles parler à l’enfant lors des routines

quotidiennes, lui faire suivre des yeux un objet, lui décrire les parties du corps,

favoriser l’imitation d’une comptine, d’une séquence de gestes ou le cri des animaux,

189volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

ALI – Bébé

(n = 37)ALI-Bambin

(n=31) ALI- Explorateur

(n = 44)

M ÉT % M ÉT % M ÉT %

Sexe de l’enfant (filles) 54,1 48,4

54,5

Âge de l’enfant (en mois) 5,5 2,7 23,9 9,0 51,1 9,4

Enfants fréquentant un CPE 13,5 67,7

65,9

Âge de la mère (en année) 28,6 5,7 30,8 6,4 33,1 5,2

Âge du conjoint 31,7 7,4 34,3 6,7 36,5 5,6

Scolarité de la mère (en année) 12,6 2,1 13,0 2,6

11,9 2,3

Scolarité du conjoint 11,1 2,3 12,1 2,7 11,5 2,5

Revenu familial

≤30 000$

30 001$ - 40 000$

40 001 – 60 000$

≥ 60 001$

21,9

21,9

37,5

18,8

16,0

20,0

32,0

32,0

34,3

25,7

ALI – Bébé(n = 37)

ALI-Bambin(n=31)

ALI- Explorateur(n = 44)

Sexe de l’enfant (filles)

Âge de l’enfant (en mois)

Enfants fréquentant un CPE

Âge de la mère (en année)

Âge du conjoint

Scolarité de la mère (en année)

Scolarité du conjoint

Revenu familial

≤ 30 000 $

30 001 $ – 40 000 $

40 001 – 60 000 $

≥ 60 001 $

M ÉT % M ÉT % M ÉT %

54,1 48,4 54,5

5,5 2,7 23,9 9,0 51,1 9,4

13,5 67,7 65,9

28,6 5,7 30,8 6,4 33,1 5,2

31,7 7,4 34,3 6,7 36,5 5,6

12,6 2,1 13,0 2,6 11,9 2,3

11,1 2,3 12,1 2,7 11,5 2,5

21,9 16,0 34,3

21,9 20,0 25,7

37,5 32,0 25,7

18,8 32,0 14,3

Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI

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encourager les sons qu’il produit, explorer et manipuler un livre avec lui, etc. Avec le

programme ALI-Bébé, l’enfant apprend à devenir attentif aux personnes et aux

objets, il entend un adulte lui parler, il apprend à communiquer et à vocaliser, et il

associe les images et les mots. ALI-Bébé favorise aussi la mise en place d’une routine

incluant beaucoup de stimulations vocales et de contacts physiques chaleureux

entre l’adulte et l’enfant. Ces moments d’activités le préparent à la lecture interactive

proprement dite avec le parent ou l’éducatrice en milieu de garde.

Programme ALI-Bambin : 15-36 mois

Le programme ALI-Bambin montre aux adultes des techniques spécifiques à

utiliser lorsqu’ils font les activités de lecture interactive avec l’enfant, telles obtenir

son attention et utiliser son intérêt, nommer les éléments d’une image, répéter et

encourager, poser des questions ouvertes et générales, ajouter de l’information, faire

des liens avec la vie courante et établir le tour de parole. Ces techniques incitent l’en-

fant à verbaliser et à élaborer à partir de ce qu’il voit et de ce qu’il connaît. Elles sont

réparties en quatre volets (A, B, C, D) de complexité croissante qui s’adaptent à la

progression de l’enfant. Avec ALI-Bambin, l’adulte amène l’enfant à échanger avec

lui. Il l’aide à préciser ses descriptions d’images et il lui pose des questions afin de

maintenir le débit de sa conversation et son intérêt. L’adulte corrige et renforce les

réponses de l’enfant par des encouragements, des répétitions et des expansions de

ses énoncés. L’enfant élargit son vocabulaire et améliore sa prononciation en asso-

ciant les images et les mots, et en nommant des objets, des actions ou des person-

nages.

Programme ALI-Explorateur : 3-5 ans

Le programme ALI-Explorateur met l’accent sur les connaissances et concepts à

intégrer aux activités de lecture interactive pour favoriser l’acquisition des habiletés

cognitives nécessaires aux apprentissages ultérieurs. Un volet préparatoire (volet

Début) initie les adultes aux techniques de lecture interactive proprement dites. Ce

volet correspond au dernier d’ALI-Bambin (volet D). ALI-Explorateur comprend quatre

volets (A1, A2, B1, B2) présentant un ensemble de connaissances et de concepts qui

peuvent être abordés lors des activités de lecture interactive. Le volet A1 touche des

catégories conceptuelles concrètes faisant référence au nom des animaux domes-

tiques, au nom de leurs petits, aux fruits et aux légumes, au nom des principales par-

ties du corps et à leurs fonctions. A2 porte sur des concepts plus abstraits, tels les

mots utilisés dans les interrogations, les formes, les couleurs simples, les notions de

temps, de quantité ou de grandeur, etc. Les volets B1 et B2 présentent des concepts

similaires à ceux des volets A, mais à un degré de complexité plus avancé. Par exem-

ple, les adultes font référence aux animaux sauvages, de la jungle ou de la savane, aux

fruits et légumes exotiques et aux nuances de couleur.

190volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI

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Déroulement

Nous planifions, au domicile ou au CPE, un premier rendez-vous d’évaluation

avec l’enfant avant la formation aux programmes ALI. Par la suite, des agentes de

recherche réalisent les visites de formation, auprès des parents et des personnes

présentes à la maison (grands-parents, fratrie) ou auprès des éducatrices en milieu

de garde. Lors de chaque séance de formation, d’une durée d’environ une heure, l’a-

gente explique les activités du volet en question et en fait la démonstration. Elle

demande ensuite aux adultes de les mettre en pratique. Au besoin, elle donne des

explications supplémentaires. Pour chaque volet d’ALI-Bambin, une vidéo d’environ

30 minutes illustre les techniques à adopter lors des activités de lecture interactive.

Pour le volet Début d’ALI-Explorateur, une vidéo correspondant au dernier volet

d’ALI-Bambin montre l’ensemble des techniques de lecture interactive. Par contre,

les volets A1, A2, B1 et B2 d’ALI-Explorateur et les cinq volets d’ALI-Bébé n’ont pas de

vidéo de formation. Trois semaines après la séance de formation, une visite de conso-

lidation (à domicile ou en milieu de garde) permet de vérifier la compréhension des

techniques, d’apporter des corrections au besoin et de renforcer les apprentissages

des adultes. Les agentes assurent un suivi téléphonique mensuel pour examiner la

réalisation des activités ou l’application des techniques de lecture et pour colliger

l’information sur la fréquence et la durée des sessions ALI. On demande aux adultes

de réaliser les activités de lecture ALI-Bambin ou ALI-Explorateur au moins 3 fois par

semaine, pendant des sessions de 10 à 15 minutes chacune. Les activités ALI-Bébé

sont plus difficilement quantifiables, car elles s’intègrent à la routine quotidienne de

l’enfant.

Matériel

Les parents et les éducatrices reçoivent un manuel explicatif résumant et illus-

trant les activités du programme ALI-Bébé, les techniques de lecture interactive du

programme ALI-Bambin ou les concepts et connaissances du programme ALI-

Explorateur.

Lors des séances de formation aux volets d’ALI-Bébé, nous donnons divers

objets favorisant la stimulation, tels des marionnettes, des livres plastifiés, un

hochet, etc. Pour ALI-Bambin et ALI-Explorateur, les adultes reçoivent quatre livres

pour enfants à chaque formation. Les livres donnés aux éducatrices qui s’adressent à

un groupe d’enfants (n = 4 à 6) ont un plus grand format que ceux donnés aux pa-

rents. Les livres comportent peu de texte et sont adaptés à chaque volet des pro-

grammes. Les adultes ont le choix d’utiliser chacun des livres aussi souvent qu’ils le

désirent ou d’autres, appropriés aux activités ALI.

191volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI

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Instruments de mesure

Développement cognitif de l’enfantJusqu’à l’âge de 42 mois et 15 jours, chaque enfant est évalué à l’aide de l’échelle

mentale du Bayley (Bayley, 1993) avant le début des programmes et 6 mois plus tard.

L’échelle mentale du Bayley donne des résultats normalisés de développement

(Index de Développement Mental : IDM) dont la moyenne est 100 et l’écart type 15.

Elle possède de bonnes qualités psychométriques. Les coefficients de fidélité test-

retest sont 0,83 pour les enfants âgés de 1 à 12 mois et 0,91 pour ceux âgés de 24 à 36

mois. Une supervision étroite assure la fidélité de l’évaluation. Une assistante, étudi-

ante au doctorat, examine les protocoles et vérifie la justesse des cotations. Au préa-

lable, les évaluatrices reçoivent un entraînement rigoureux à l’administration et à la

cotation de l’échelle du Bayley. En plus de l’IDM, nous calculons trois autres résul-

tats. Nous obtenons ces résultats en regroupant, dans trois sous-échelles, tous les

items de l’échelle mentale selon qu’ils évaluent plus spécifiquement le langage

expressif, le langage réceptif ou les habiletés non-verbales. Les trois résultats se cal-

culent selon le rapport d’items réussis cumulés par l’enfant sur le nombre total

d’items cumulés de la sous-échelle en question. Cette approche s’inspire des méth-

odes de Dale, Bates, Reznick et Morisset (1989) et Reznick, Corley, Robinson et

Matheny (1997) (Pour le détail et la validation de la répartition des items de l’échelle

mentale dans les trois sous-échelles, voir Verreault, Malcuit, & Pomerleau, 2005;

Verreault, Pomerleau, Malcuit, & Séguin, 2001).

À partir de 42 mois et 16 jours, l’Échelle d’intelligence Stanford-Binet

(Thorndike, Hagen, & Sattler, 1986) sert à évaluer les enfants. Comme le Bayley, elle

est administrée avant le début du programme et 6 mois plus tard. Cette mesure éva-

luative offre un résultat normalisé de quotient intellectuel (QI) dont la moyenne est

100 et l’écart type 16. La corrélation test-retest est 0,91 à l’âge de 5 ans. La cotation de

l’échelle pour les enfants de 2 à 6 ans permet d’établir un résultat normalisé en dis-

tribuant les huit sous-tests en deux facteurs : compréhension verbale et raison-

nement non-verbal/visualisation. Les évaluatrices reçoivent un entraînement préa-

lable à l’administration du test de façon à standardiser la passation. Une assistante,

étudiante au doctorat, examine les protocoles et vérifie la justesse des cotations pour

s’assurer d’un calibrage adéquat. De plus, pour 16,04 % des évaluations, deux per-

sonnes font indépendamment les cotations; le coefficient d’accord (Kappa) est 0,98.

Journaux de lecture et appels téléphoniques

Les adultes remplissent des journaux hebdomadaires pendant trois semaines à

partir de chacune des formations jusqu’à la visite de consolidation. Ces journaux,

sous forme de calendrier, colligent l’information sur la fréquence des activités ALI et

leur durée. De plus, des appels téléphoniques mensuels permettent d’examiner avec

l’adulte l’application des techniques et de recueillir l’information sur la fréquence et

la durée des sessions. Une grille de suivi compile ces informations. Les journaux et

les appels téléphoniques visent à s’assurer de la conformité des adultes aux pro-

grammes. Les données provenant des appels téléphoniques sont mises en relation

192volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI

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avec les données des journaux de lecture. Les analyses montrent des corrélations

significatives entre les données des appels et des journaux remplis par les parents

(fréquences : r = 0,45, p < 0,001; durées : r = 0,54, p < 0,001). Les sessions de lecture

sont plus fréquentes selon les appels téléphoniques que selon les journaux, t(67) =

3,89, p < 0,001. Les analyses des durées ne montrent pas de différence entre les appels

et les journaux. Pour les éducatrices, les fréquences et les durées ne varient pas entre

les journaux et les appels. À la suite de ces résultats et parce que nous possédons un

plus grand nombre de données provenant des appels téléphoniques, nous utilisons

ces dernières pour décrire la conformité des adultes aux programmes ALI.

Indices socio-démographiques et mode de garde

À la première évaluation de l’enfant, un questionnaire collige des informations

sur les caractéristiques socio-démographiques des familles et la fréquentation d’un

milieu de garde par l’enfant. De ce questionnaire, nous tirons les informations sui-

vantes : âge des parents, niveau de scolarité et revenu, statut civil, type de milieu de

garde et durée de fréquentation.

Résultats

L’évaluation de l’impact d’ALI porte sur le développement cognitif des enfants

dans les trois programmes aux deux moments de mesure, puis selon leur contexte

d’implantation. Nous examinons aussi les mesures d’impact selon l’instrument uti-

lisé. Des analyses supplémentaires sur les trois résultats à l’échelle mentale du Bayley

et sur les deux facteurs du Stanford-Binet permettent de distinguer l’effet des pro-

grammes sur les habiletés cognitives langagières et non-langagières des enfants.

Enfin, une dernière partie décrit la conformité des adultes aux demandes des pro-

grammes ALI, selon les rapports des parents et des éducatrices.

Impact d’ALI selon les programmesLa Figure 1 présente les moyennes des résultats normalisés de développement

cognitif des enfants selon les trois programmes aux deux moments d’évaluation. Une

analyse de la variance à mesures répétées avec les facteurs programmes (3) et

moments de mesure (2) montre que, dans l’ensemble, les enfants font des gains d’un

moment de mesure à l’autre, F(1, 109) = 11,71, p < 0,01, (pré : M = 98,97, ÉT = 9,79;

post : M = 101,22, ÉT = 9,10). L’interaction programmes par moment, F(2, 109) = 4,33,

p < 0,05, indique que l’amélioration varie selon les programmes. L’analyse des effets

simples révèle que la hausse des résultats entre les deux moments de mesure s’ex-

plique surtout par les gains des enfants des programmes ALI-Bébé, t(36) = -2,67,

p < 0,05, et ALI-Bambin, t(30) = -3,15, p < 0,01. Les enfants du programme ALI-

Explorateur ne font pas de gain entre les deux moments de mesure, t(43) = 0,39,

p = 0,70.

193volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI

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Figure 1 : Résultats de développement selon les programmes aux deux moments de

mesure (les lignes verticales représentent les erreurs types des moyennes).

Impact d’ALI selon les contextes d’implantationLes programmes ALI se réalisent à domicile, en milieu de garde ou dans les deux

contextes. L’analyse de la variance à mesures répétées avec les facteurs contextes

d’implantation (3) et moments de mesure (2) indique encore l’effet principal du

temps, F(1, 109) = 7,69, p < 0,01. Elle ne montre pas de différence entre les contextes

d’implantation, F(2, 109) = 0,001, p = 0,99, ni d’effet d’interaction, F(2, 109) = 0,41,

p = 0,66. Les résultats des enfants augmentent d’un moment de mesure à l’autre dans

tous les contextes d’implantation, y compris celui où les programmes sont réalisés à

la fois à domicile et en milieu de garde.

Impact d’ALI selon les testsL’évaluation de l’impact des programmes ALI sur le développement cognitif des

enfants se fait avec deux tests normalisés. Nous avons examiné si la mesure d’impact

varie selon l’instrument utilisé. L’analyse à mesures répétées avec les facteurs tests

(2) et moments de mesure (2) fait ressortir l’effet temps, F(1, 110) = 5,46, p < 0,05, et

une interaction tests par moment, F(1, 110) = 6,70, p < 0,05. Les gains ne sont pas les

mêmes selon le test utilisé (Bayley : 3,72 points; Stanford-Binet : -0,19 points).

L’analyse des effets simples révèle une différence significative entre les deux

moments de mesure pour les résultats à l’échelle mentale du Bayley, t(69) = -3,84,

p < 0,001, mais pas pour les résultats à l’Échelle d’intelligence Stanford-Binet, t(41) =

0,17, p = 0,86. L’absence de différence entre les résultats du Stanford-Binet s’explique

par le facteur programme. Sur les 42 évaluations réalisées à l’aide du Stanford-Binet,

40 portent sur des enfants ALI-Explorateur. D’après les analyses précédentes, les

enfants touchés par ce programme ne font pas de gains.

194volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI

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Impact d’ALI sur les habiletés cognitives langagières et non-langagièresLes programmes ALI visent de façon particulière le développement langagier

des jeunes enfants. Pour vérifier cet effet, des analyses portent sur les trois résultats

dérivés de l’échelle mentale du Bayley. Nous examinons de façon distincte les résul-

tats des enfants ALI-Bébé et ALI-Bambin. Ces analyses distinctes s’expliquent

d’abord par l’intérêt de comparer l’impact de chaque programme sur chacune des

sous-échelles. Également, le répertoire verbal des nourrissons est très différent de

celui des enfants plus âgés. L’acquisition du langage constitue l’habileté principale

développée au cours de la deuxième année de vie des enfants (Edwards, 1995). Ainsi,

les items langagiers occupent une plus grande place dans l’évaluation cognitive des

enfants ALI-Bambin. Comme ils sont peu nombreux, les quatre enfants ALI-

Explorateur évalués avec l’échelle mentale du Bayley sont regroupés avec les enfants

ALI-Bambin.

Pour ALI-Bébé, l’analyse de la variance à mesures répétées montre un effet prin-

cipal sous-échelles, F(2, 72) = 6,25, p < 0,01, et un effet d’interaction sous-échelles par

moments, F(2, 72) = 26,75, p < 0,001 (voir Figure 2). L’analyse des effets simples

indique une différence significative entre les moments de mesure à deux des sous-

échelles. À la sous-échelle langage réceptif, les résultats diminuent entre les deux

moments, t(36) = 4,79, p < 0,001, tandis qu’à la sous-échelle habiletés non-verbales

les résultats augmentent, t(36) = -7,05, p < 0,001. Les résultats de langage expressif ne

diffèrent pas d’un moment de mesure à l’autre, t(36) = 0,02, p = 0,99. Les corrélations

entre les résultats aux deux moments sont faibles et non significatives pour les deux

sous-échelles verbales du Bayley, r = 0,15, p = 0,38, pour la sous-échelle expressive, et,

r = 0,19, p = 0,27, pour la réceptive. Par contre, une corrélation positive entre les résul-

tats aux deux moments à la sous-échelle d’habiletés non-verbales, r = 0,41, p < 0,05,

souligne la relative stabilité dans le temps des scores cognitifs non-verbaux des

enfants ALI-Bébé.

Pour ALI-Bambin, l’analyse de la variance à mesures répétées des résultats aux

trois sous-échelles montre des effets principaux des sous-échelles, F(2, 64) = 86,90,

p < 0,001, du moment, F(1, 32) = 19,09, p < 0,001, et un effet d’interaction sous-

échelles par moment, F(2, 64) = 3,60, p < 0,05 (voir Figure 2). Les analyses d’effets

simples indiquent une hausse significative des scores du langage expressif, t(32) =

-4,47, p < 0,001, et des habiletés non-verbales des enfants, t(32) = -3,12, p < 0,01, ainsi

qu’une hausse marginale à la sous-échelle du langage réceptif, t(32) = -1,74, p = 0,09.

Les corrélations entre les résultats aux deux moments de mesure sont significatives

pour les trois sous-échelles : r = 0,45, p < 0,01, pour l’expressive, r = 0,41, p < 0,05, pour

la réceptive et, r = 0,39, p < 0,05, pour la non-verbale.

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Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI

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Figure 2 : Proportions d’items réussis aux trois sous-échelles du Bayley aux deux

moments de mesure.

Chez les enfants ALI-Explorateur (et pour les 2 enfants ALI-Bambin évalués avec

le Stanford-Binet), les analyses supplémentaires pour distinguer l’effet sur les habi-

letés cognitives langagières portent sur les résultats normalisés aux deux facteurs du

Stanford-Binet. Dans l’ensemble, les résultats aux facteurs compréhension verbale et

raisonnement non-verbal/visualisation ne changent pas d’un moment de mesure à

l’autre, F(1, 41) = 1,01, p = 0,32. L’interaction moments par facteurs n’est pas signi-

ficative, F(1, 41) = 0,11, p = 0,74. Les enfants ont globalement des résultats supérieurs

au facteur non-verbal/visualisation qu’au facteur verbal, F(1, 41) = 20,62, p < 0,001

(compréhension verbale : M = 96,61; raisonnement non-verbal/visualisation : M =

102,68).

196volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

ALI-Bébé

ALI-Bambin

Pro

port

ion

s

Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI

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Conformité des adultes aux programmesLes données de conformité provenant des appels téléphoniques confirment que

les parents et les éducatrices ont respecté les demandes des programmes (au moins

3 périodes hebdomadaires de 10 à 15 minutes chacune). Les activités d’ALI-Bébé ne

sont pas quantifiées, car elles s’intègrent à la routine quotidienne de la famille ou du

CPE. Pour le programme ALI-Bambin, les parents rapportent faire plus de 4 séances

de lecture hebdomadaires d’une durée moyenne de plus de 12 minutes. Les parents

du groupe ALI-Explorateur rapportent aussi faire de la lecture de façon régulière

(plus de 3 périodes par semaine), pendant plus de 16 minutes chaque fois. Les ana-

lyses montrent que les parents d’ALI-Explorateur rapportent des durées plus longues

que les parents d’ALI-Bambin, F(1, 31) = 5,63, p < 0,05.

En milieu de garde, les éducatrices des programmes ALI-Bambin et ALI-

Explorateur réalisent aussi plus de 3 séances de lecture par semaine pour une durée

moyenne au-delà de 14 minutes. Les analyses de la variance ne montrent pas de dif-

férence de fréquence ni de durée entre les éducatrices ALI-Bambin et les éducatrices

ALI-Explorateur.

Des analyses supplémentaires comparent les fréquences d’activités ALI et les

durées moyennes rapportées par les parents et par les éducatrices. Les fréquences et

durées des activités ne diffèrent pas selon les parents ou les éducatrices et ce, pour

les deux programmes.

Discussion

Nos résultats montrent que les enfants font des gains significatifs aux tests nor-

malisés après six mois d’intervention. Cependant, les programmes n’ont pas tous la

même efficacité. Ce sont surtout ALI-Bébé et ALI-Bambin qui entraînent des hausses

de résultats normalisés. À notre surprise, la grandeur des gains ne diffère pas d’un

contexte d’implantation à l’autre, ni lorsque les programmes sont réalisés à la fois à

domicile et en milieu de garde. Finalement, nos résultats révèlent que l’intervention

entraîne essentiellement des gains aux mesures de langage expressif et d’habiletés

non-verbales. La discussion s’organise autour de ces constatations. Nous discutons

également de la conformité des adultes et terminons en présentant les limites de la

recherche.

Tout d’abord, même si globalement ALI entraîne des gains de points chez les

enfants, les trois programmes n’ont pas tous un impact significatif. L’augmentation

des résultats normalisés se retrouve essentiellement chez les enfants qui ont suivi les

programmes ALI-Bébé et ALI-Bambin. Les enfants du programme ALI-Explorateur

ne haussent pas leurs résultats d’un moment de mesure à l’autre. Nous pouvons

avancer quatre hypothèses pour expliquer cette absence de changement : une inter-

vention de type ALI ne serait efficace qu’avec des enfants plus jeunes, l’instrument

d’évaluation ne parviendrait pas à détecter le changement, l’implantation du pro-

gramme ALI-Explorateur aurait manqué d’intensité et, finalement, son contenu

serait insuffisant pour hausser le développement cognitif d’enfants âgés de 3 à 5 ans.

197volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI

Nos résultats montrent que les

enfants font des gainssignificatifs aux testsnormalisés après sixmois d’intervention.

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Nos résultats vont dans le sens des études qui montrent que les effets de la lec-

ture sont plus importants lorsque les enfants sont plus jeunes (Bus et al., 1995;

DeBaryshe, 1993; Scarborough & Dobrich, 1994). Les chercheurs affirment que des

programmes introduits à un plus jeune âge produisent de meilleurs effets (Ramey &

Ramey, 1998). Cependant, ils ne mentionnent pas qu’il existe une période sensible

après laquelle des interventions peuvent être trop tardives. Si le plus tôt s’avère

préférable, il n’est jamais trop tard pour intervenir. Il est possible d’obtenir des résul-

tats positifs avec différents programmes chez des enfants âgés de 3 ans et plus

(Barnett, 1995). L’âge ne nous paraît donc pas le principal facteur explicatif de l’ab-

sence d’efficacité du programme ALI-Explorateur.

Il est possible que le Stanford-Binet, utilisé comme instrument d’évaluation des

enfants à partir de 3 ans et demi, soit moins apte à détecter les effets du programme

ALI-Explorateur. Le Stanford-Binet propose un ensemble diversifié de tâches qui per-

mettent de mesurer le niveau général du développement cognitif de l’enfant

(Thorndike et al., 1986). Pour sa part, le programme ALI-Explorateur favorise l’ac-

quisition de notions, telles le temps, les grandeurs, les similitudes, les couleurs, la

numération, les animaux, les parties du corps, les formes, etc. Ces connaissances

conceptuelles sont spécifiques et forment une partie du fonctionnement cognitif

global de l’enfant. Il est possible que le Stanford-Binet soit trop général pour détecter

des changements au niveau des connaissances conceptuelles visées par ALI-

Explorateur.

Pour les participants ALI-Explorateur, nous avons implanté un volet prépara-

toire (volet Début) pour initier les adultes aux techniques de lecture interactive pro-

prement dites. Ce volet correspond au dernier d’ALI-Bambin. En examinant de près

les données d’implantation, nous constatons que 24 des 44 enfants ALI-Explorateur

ont surtout eu le volet Début entre leurs deux moments de mesure; ils n’ont pas

bénéficié du contenu des volets spécifiques du programme ALI-Explorateur durant

un minimum de trois mois. La courte durée d’implantation du programme et la pré-

dominance du dernier volet d’ALI-Bambin auprès d’enfants plus âgés peuvent expli-

quer, en partie, l’absence de gains chez ces enfants.

Le programme ALI-Explorateur permet à l’enfant d’apprendre et d’utiliser un

vocabulaire de plus en plus élaboré pour nommer, décrire et situer, dans l’espace et

le temps, les personnes, les objets et les événements qui l’entourent. Cependant, il ne

présente pas d’activités pour favoriser l’acquisition des nombreuses habiletés cogni-

tives en émergence chez des enfants de 3 à 5 ans, telles la mémoire, le raisonnement

logique, etc. Le Stanford-Binet mesure ces habiletés. Dans une nouvelle version

(Malcuit et al., 2003), les concepteurs ont enrichi le contenu du programme ALI-

Explorateur pour mieux intégrer ces différentes habiletés. La nouvelle version devrait

pouvoir entraîner des effets décelables avec le Stanford-Binet.

Les résultats des enfants augmentent après six mois de programme, mais la gran-

deur des gains ne diffère pas selon qu’il soit mené à domicile ou en milieu de garde,

ni même, plus étonnant, qu’il soit réalisé aux deux endroits. Nos données de confor-

mité peuvent expliquer, en partie, le fait que les programmes à la maison aient autant

d’impact sur les habiletés cognitives que ceux réalisés en milieu de garde. Les parents

198volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI

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et les éducatrices ont consacré un temps égal à faire les activités. Ainsi, les enfants

sont autant exposés aux contenus ALI à domicile qu’en milieu de garde. Les qualités

propres aux deux contextes expliquent aussi l’efficacité équivalente de l’intervention.

L’implantation des activités ALI à domicile offre ses avantages : activités indi-

viduelles, généralisation à d’autres contextes et grande variabilité des stimulations

par la famille. Dans un contexte dyadique, le parent est en mesure d’adapter les tech-

niques de lecture interactive à l’intérêt et aux capacités de l’enfant. L’ajustement des

façons de faire du parent au niveau de l’enfant permet de développer efficacement

ses habiletés cognitives (Lonigan & Whitehurst, 1998). Aussi, les familles rapportent

avoir généralisé leur application des techniques ALI au cours de multiples activités

quotidiennes (lors des repas, des soins, des promenades, etc.). Les interventions ont

davantage d’impact lorsque leur contenu touche un large éventail d’activités (Hart &

Risley, 1995). Également, nous formions aux programmes les diverses personnes en

interaction avec l’enfant. Les grands-parents ou la fratrie pouvaient réaliser des acti-

vités ALI avec l’enfant de façon quotidienne, ce qui lui permettait de profiter d’une

plus grande variété de stimulations. La réalisation d’activités ALI peut être bien inté-

grée dans le quotidien des familles. Ceci explique les gains des enfants qui ont le pro-

gramme à domicile.

Le milieu de garde permet aussi, et peut-être davantage, une régularité des stimu-

lations grâce à l’intégration des activités des programmes à la routine quotidienne.

La lecture traditionnelle est souvent incluse dans la programmation des milieux de

garde. Elle fait partie des réglementations gouvernementales (Ministère de la famille

et de l’enfance, 1997). Il devient facile d’y appliquer les techniques ALI. De plus, en

milieu de garde, les activités ALI se réalisent en petit groupe. La situation de groupe

crée de plus grandes exigences pour l’enfant et constitue un contexte d’émulation

favorable à son développement. Comparativement à ce qui se passe à la maison, où

le parent comprend les approximations langagières de l’enfant et ajuste ses propres

verbalisations au niveau de ce dernier, le groupe, avec des personnes moins fami-

lières, est plus exigeant. Dans ce contexte, l’enfant doit préciser davantage ses

expressions verbales pour se faire comprendre. Le contexte social du milieu de garde

favorise l’émulation et les conduites d’échange verbal lors des nombreux contacts de

l’enfant avec les adultes et ses pairs (National Institute of Child Health and Human

Development Early Child Care Research Network, 2000). Aussi, par leur formation,

les éducatrices comprennent l’importance de la lecture interactive et du rôle qu’elles

jouent pour favoriser le développement de l’enfant. La réalisation des activités ALI

peut être intense en milieu de garde (Perna, 2003), ce qui explique les gains obtenus.

Finalement, nous supposions des gains plus importants chez les enfants qui

reçoivent les programmes à la fois à domicile et en milieu de garde, car ils sont plus

fréquemment exposés aux activités ALI. De façon constante, la recherche révèle une

relation positive entre l’intensité avec laquelle on applique des programmes et l’im-

portance de leurs effets (Barnett, 1995; Ramey & Ramey, 1998). Il est possible que

l’absence de différence entre les groupes s’explique par le très petit nombre d’enfants

à avoir combiné les deux modalités d’application. En effet, seulement 13 enfants,

dont 7 dans ALI-Explorateur, constituent le groupe domicile+milieu de garde. Consi-

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Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI

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dérant la relative inefficacité du programme ALI-Explorateur, il reste peu d’enfants

dans ce groupe pour dégager des gains différentiels. Des recherches futures devront

établir des comparaisons entre l’intensité des programmes ALI et leurs effets.

Les programmes ALI ont un impact différent sur les habiletés cognitives langa-

gières et non-langagières des enfants. Évidemment, les activités de stimulation ALI-

Bébé produisent des gains au niveau des habiletés non-verbales, fonctions domi-

nantes pour des enfants âgés entre 0 et 15 mois. Chez des enfants un peu plus âgés,

les études sur la lecture dialogique rapportent essentiellement des gains en langage

expressif (Lonigan & Whitehurst, 1998; Valdez-Menchaca & Whitehurst, 1992;

Whitehurst et al., 1988; Whitehurst, Arnold et al., 1994; Whitehurst, Epstein et al.,

1994). Les gains en langage réceptif sont plus mitigés. Nos résultats vont dans le

même sens pour les enfants ALI-Bambin. Les analyses indiquent une hausse signi-

ficative des résultats au langage expressif, ainsi qu’une hausse marginale au langage

réceptif. Or, aucune des études antérieures ne présente de mesures d’habiletés non-

verbales. Notre étude indique que des activités de lecture interactive peuvent aussi

favoriser l’acquisition d’habiletés cognitives non-verbales entre 15 et 36 mois. Ce

résultat peut s’expliquer par le cadre dans lequel les activités ALI-Bambin se

déroulent. Pendant la lecture d’imagiers, l’adulte attire l’attention de l’enfant sur les

images, ce qui l’aide à développer des habiletés non-verbales, telles la discrimination

visuelle, l’attention et la coordination visuo-spatiale. Enfin, chez les enfants ALI-

Explorateur, les analyses sur les facteurs compréhension verbale et raisonnement

non-verbal/visualisation du Stanford-Binet montrent que les résultats normalisés ne

changent pas. Même en distinguant les habiletés cognitives langagières et non-

langagières, le programme ALI-Explorateur semble inefficace.

Les données de conformité révèlent que les parents ont respecté les demandes

des programmes. En milieu de garde, nous savons que les éducatrices font les acti-

vités ALI régulièrement, mais nous ne savons pas si les enfants que nous évaluons

sont toujours présents. Nous n’avons pas comptabilisé les présences des enfants, ni

leur participation individuelle lors des sessions ALI. Les recherches futures devraient

s’assurer d’avoir des mesures, toutefois intrusives, qui répertorient les enfants parti-

cipant à chacune des activités de lecture interactive. Il serait alors possible de mettre

en lien les fréquences des activités et les gains chez les enfants.

Limites et contributions de la rechercheIl existe des limites à la présente recherche. Tout d’abord, elle ne repose pas sur

un devis expérimental avec assignation au hasard aux programmes et à une condition

de contrôle. Les résultats se basent sur des tests standardisés avec des résultats nor-

malisés. Il faut situer le contexte de l’étude pour expliquer ce choix méthodologique.

Les programmes ALI s’insèrent dans le cadre d’un large projet, l’initiative 1,2,3GO!,

implanté dans une municipalité rurale de la Montérégie. Dans ce contexte, nous

avons rencontré des contraintes conceptuelles et financières. La philosophie de l’ini-

tiative 1,2,3GO! réclame un accès universel à tout ce que la communauté offre, dont

les programmes ALI. Ceci empêche donc une vraie expérimentation avec assignation

au hasard d’enfants aux programmes et d’autres à une condition de contrôle.

200volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI

Notre étude indique que des

activités de lecture interactive peuvent

aussi favoriser l’acquisition d’habiletés

cognitives non-verbales.

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Dans ce cas, nous aurions pu recourir à un schème quasi-expérimental, en trou-

vant une communauté de comparaison aussi équivalente que possible à la commu-

nauté expérimentale pour y recruter les enfants de la condition de contrôle. Cepen-

dant, l’initiative 1,2,3GO! a choisi le territoire où nous avons implanté les programmes

ALI en fonction de facteurs de risques socio-démographiques particuliers : sous-

scolarisation, isolement des familles, éloignement des services, absence de transport

en commun, etc. (Pomerleau et al., 1997). Il est toujours possible (mais très difficile)

de trouver un territoire de comparaison présentant des caractéristiques similaires

(Denis, Malcuit, & Pomerleau, accepté). Il faut souligner que l’implantation et l’éva-

luation des programmes ALI se sont déroulées sur une période de quatre ans. On

constate généralement que même si au départ les territoires expérimental et de con-

trôle paraissent à peu près équivalents, les communautés évoluent durant une si

longue période de temps, et habituellement de façon différente. Le bon choix du

début ne garantit donc pas la ressemblance à plus long terme.

Dans le cadre de ces contraintes, nous avons opté pour des tests normalisés

reconnus. Ils situent la performance de chaque enfant par rapport à celles des enfants

de son groupe d’âge. En l’absence d’événement particulier systématique entre deux

moments de mesure, un enfant devrait obtenir des résultats normalisés similaires à

des évaluations successives. S’il y a hausse significative des résultats d’une évalua-

tion à l’autre, on peut l’attribuer à un événement particulier : les programmes ALI ou

une variable historique, telle la mise en place d’un autre programme dans la com-

munauté qui toucherait tous les enfants. Outre ALI, nous n’avons identifié aucun

événement systématique susceptible d’expliquer des hausses de résultats normalisés

chez les enfants de deux des trois programmes. S’il y avait eu une variable inconnue

dans l’histoire de la communauté, on aurait pu s’attendre à ce qu’elle entraîne aussi

des hausses de résultats chez les enfants ALI-Explorateur. Si la grandeur des gains

significatifs des enfants ALI-Bébé et ALI-Bambin peut paraître modérée malgré tout,

il faut souligner que les programmes inversent la tendance à la diminution progres-

sive des scores de développement qui paraît de façon générale dans les milieux

socio-économiques moins favorisés (Lacroix et al., 2002).

Également, nous avons poussé un peu plus loin les analyses statistiques pour

confirmer l’impact d’ALI. Pour être inclus dans l’étude, les enfants devaient par-

ticiper aux programmes un minimum de trois mois. Lorsque les dossiers des forma-

trices ne permettaient pas d’établir la participation active et intensive des adultes, les

données des enfants (n = 38) n’étaient pas incluses dans les analyses d’impact. Des

analyses sur les données de ces enfants montrent que leurs résultats de développe-

ment n’augmentent pas d’un moment de mesure à l’autre, t(37) = -1,15, p = 0,26.

Quand les enfants reçoivent peu les programmes, leurs v normalisés ne changent pas

de façon significative (Verreault, 2005).

Nous avons aussi examiné les données des participants en formant deux

cohortes de nombre égal d’enfants selon la période où ils ont commencé pour cha-

cun des trois programmes. Des analyses de la variance à mesures répétées avec les

facteurs cohortes (2) et moments de mesure (2) portent sur les données des enfants

de chaque programme. Ces analyses confirment nos conclusions antérieures. Elles

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Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI

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montrent un effet moments de mesure et aucun effet d’interaction cohortes par

moments de mesure pour les programmes ALI-Bébé et ALI-Bambin. Elles révèlent

aussi l’absence d’effet du programme ALI-Explorateur dans la modification des

résultats de développement des enfants (Verreault, 2005).

L’évaluation des programmes ALI ne comporte pas de mesure différée. Il serait

intéressant de vérifier si les effets obtenus à court terme se maintiennent jusqu’à la

maternelle et au-delà, si les effets sont plus importants à la suite d’un programme de

plus longue durée ou, encore, si des effets qui ne sont pas immédiats apparaissent

quelques temps après. Les effets bénéfiques de la lecture dialogique persistent

jusqu’à la fin de la maternelle (Whitehurst et al., 1999). Avec une action mobilisant la

communauté, on peut espérer que les programmes ALI contribueront au développe-

ment cognitif et langagier ultérieur des enfants de cette municipalité.

Notre étude souligne l’importance des familles et des milieux de garde pour la

stimulation cognitive en contexte de lecture. Plus particulièrement, les résultats

montrent que des Activités de Lecture Interactive participent au développement co-

gnitif et langagier des enfants durant les années préscolaires. Les programmes ALI

respectent les objectifs et principes de base du programme éducatif des centres de la

petite enfance du Ministère de la famille et de l’enfance (1997). Ils font d’ailleurs l’ob-

jet d’une implantation dans l’ensemble des milieux de garde de la Montérégie.

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Notes des auteursCette recherche constitue une partie de la thèse de doctorat de la première

auteure. Celle-ci a reçu une bourse du Conseil québécois de la recherche sociale

(CQRS), du Fonds pour la formation de chercheurs et l’aide à la recherche du Québec

(FCAR) et du Programme d’aide financière à la recherche et à la création (PAFARC).

205volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI

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L’élaboration des programmes ALI et la recherche ont été rendues possibles grâce à

des subventions du CQRS, du FCAR, du Conseil de recherches en sciences humaines

du Canada (CRSH), de l’Institut de recherche pour le développement social des

jeunes (IRDS) et de la fondation Lawson.

Nous tenons à remercier Renée Séguin, toutes les collaboratrices, les familles et

leurs enfants pour leur contribution indispensable à l’étude.

Pour toute correspondance concernant cet article, s’adresser à Martine Verreault,

Clinique des troubles de l’attention, Hôpital Rivière-des-Prairies, 7070 Boulevard

Perras, Montréal, (Québec), Canada, H1E 1A4; courriel : martine.verreault.hrdp@

ssss.gouv.qc.ca

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Impact de programmes d’Activités de lecture interactives sur le développement cognitif et langagier d’enfants âgés de 0 à 5 ans : les programmes ALI

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207volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Relation entre les typesde services de garde et ledéveloppement du langagechez les enfants du préscolaire

Claire MALTAISUniversité d’Ottawa, Ontario, Canada

RÉSUMÉ

Cette étude visait à évaluer les effets de quatre types de services de garde sur le

développement langagier de 306 enfants qui suivaient un programme de maternelle

quatre ans à demi-temps, dans un conseil scolaire de langue française de l’Ontario.

Les enfants étaient répartis selon les quatre types de services de garde : la garde à la

maison par un des parents (N=136), la garde à la maison par une gardienne (N=34),

la garde chez une gardienne (N=81) et la fréquentation d’un service de garde (N=55).

L’évaluation du langage s’est faite à l’aide de l’Échelle de vocabulaire en images

Peabody, la version canadienne française du Test for Auditory Comprehension of

Language, de questionnaires destinés aux enseignantes (l’Instrument de mesure du

développement de la petite enfance) et aux parents (Échelle d’utilisation du

français). Les résultats indiquent que les enfants qui fréquentent une garderie ou qui

sont gardés à leur domicile par une gardienne ont acquis un niveau de développe-

ment du vocabulaire et du langage global supérieur à celui des enfants qui se font

garder à la maison par un parent ou qui vont chez une gardienne. Les facteurs pou-

vant contribuer à expliquer ces différences entre les groupes sont : le temps d’atten-

tion et de stimulation; le type d’attention et de stimulation; l’environnement et le

type d’activités; ainsi que le type de langage utilisé.

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ABSTRACT

Relationship Between Types of Day-Care Services and LanguageDevelopment Among Pre-School ChildrenClaire Maltais, University of Ottawa, Ontario, Canada

The goal of this study was to evaluate the effects of four kinds of day-care ser-

vices on the language development of 306 children in a half-time junior kindergarten

program in a French language Ontario school board. The children attended four

types of child-care services: home day-care by one of the parents (N=136), home day-

care by a babysitter (N=34), day-care at the home of a babysitter (N=81) and day-care

services (N=55). Language was evaluated with the Peabody Picture Vocabulary Test,

the French Canadian version of the Test for Auditory Comprehension of Language,

questionnaires geared to the teachers (Early Development Instrument) and parents

(French usage scale). The results show that children who go to a day-care centre or

who stay at home with a babysitter acquire a level of language and vocabulary devel-

opment globally superior to that of children who stay at home with a parent or who

go to a babysitter’s home. Some factors that may explain the differences among these

groups are the amount and type of attention and stimulation, the environment and

types of activities, and the type of language used.

RESUMEN

Relación entre los tipos de servicio de guardería y el desarrollo dellenguaje entre los niños en preescolarClaire Maltais, Universidad de Ottawa, Ontario, Canadá

Este estudio pretende evaluar los efectos de cuatro tipos de servicios de

guardería sobre el desarrollo del lenguaje de 306 niños que seguían un programa

preescolar para niños de cuatro años a tiempo parcial, en una comisión escolar de

lengua francesa en Ontario. Los niños fueron repartidos según los tipos de guardería:

la guarda en la casa por uno de los padres ( n = 136), la guarda en la casa atendida por

una asistente (n =34), la guardería privada en una casa (n = 81), y un servicio de

guardería ( n =55). La evaluación del lenguaje se hizo utilizando la Escala del vocabu-

lario en imágenes Peabody, la versión francesa del Test for Auditory Comprehension

of Language, los cuestionarios destinados a las maestras (el Instrumento de medida

del desarrollo de la infancia) y a los padres de familia (Escala de utilización del

francés). Los resultados indican que los niños que frecuentan una guardería o que se

quedan en sus casas pero que reciben los servicios de una asistente, adquirieron un

desarrollo del vocabulario y del lenguaje global superior al de los niños que se

quedan en la casa al cuidado de los padres o que van a una guardería privada. Los

factores que pueden contribuir a explicar las diferencias entre los grupos son: el

tiempo de atención y de estimulo, el tipo de atención y de estimulo, el entorno y el

tipo de actividades así como el lenguaje utilizado.

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Relation entre les types de services de garde et le développement du langage chez les enfants du préscolaire

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Introduction

Cette étude veut évaluer les effets de quatre types de services de garde sur le déve-

loppement langagier d’enfants qui suivaient un programme de maternelle quatre

ans à demi-temps, dans un conseil scolaire de langue française de l’Ontario. Puisque

les enfants fréquentaient la maternelle un jour sur deux, les parents devaient avoir

recours à différents services de garde le reste du temps. Selon les renseignements

obtenus auprès des parents, ils faisaient appel à quatre types de services de garde : la

garde à la maison par un des parents, la garde à la maison par une gardienne, la garde

chez une gardienne et la fréquentation d’un service de garde. Les parents, les inter-

venants scolaires et les psychologues se demandent souvent quelle est l’influence de

ces divers types de services de garde sur le développement de l’enfant.

La recension des écrits

Les recherches qui se sont intéressées à cette question (Clarke-Stewart,1984,

1987a, 1987b, 1991; Clarke-Stewart et Gruber,1984; Dunn, Beach et Kontos,1994;

Wessels, Lamb et Hwang, 1996; Loeb, Fuller, Kagan et Carroll, 2004) ont comparé le

développement langagier d’enfants qui restaient à la maison (soit avec l’un de leurs

parents, un membre de la famille ou une gardienne) à celui d’enfants qui fréquen-

taient un service de garde (de type public, familial, agréé ou non agréé.

Clarke-Stewart (1984; 1987a, 1987b, 1991) a suivi et observé, à six reprises pen-

dant un an, 150 enfants de Chicago âgés de 2 à 4 ans. Ils étaient répartis selon six

types de services de garde. L’évaluation du langage portait sur la compréhension du

langage, la mémoire verbale, le langage expressif et la connaissance de concepts. Les

résultats démontrent que les enfants qui fréquentaient une garderie (à l’occasion, à

mi-temps ou à temps plein) avaient un niveau de langage supérieur à celui des

enfants gardés à la maison ( par un de leurs parents ou par une gardienne) ou qui

allaient chez une gardienne. Clarke-Stewart explique les différences observées, en

faveur des enfants qui fréquentaient une garderie, par des facteurs tels que la

présence d’activités axées sur le langage et sur le jeu, la pratique d’habiletés sociales

avec une variété d’enfants de leur âge et l’encouragement à être autonomes dans un

contexte non autoritaire. Ces expériences seraient qualitativement différentes de

celles que vivent les enfants gardés à la maison.

Dunn, Beach et Kontos (1994) ont évalué 117 enfants de 3 à 5 ans inscrits à

24 garderies agréées (dont huit sans but lucratif et 16 à but lucratif) et 30 garderies de

type familial (dont 26 étaient agréées et quatre non agréées). L’évaluation du langage

chez les enfants se faisait à l’aide de la sous-échelle Intelligence verbale du Classroom

Behavior Inventory (Schaefer et Edgerton, 1978). Les analyses statistiques ont tenu

compte du niveau socioéconomique. Les résultats démontrent, tout comme ceux de

Clarke-Stewart (1984, 1987, 1991), que le langage des enfants qui fréquentaient les

209volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Relation entre les types de services de garde et le développement du langage chez les enfants du préscolaire

Cette étude veutévaluer les effets de

quatre types de servicesde garde sur le déve-loppement langagier

d’enfants qui suivaientun programme de

maternelle quatre ans à demi-temps, dans un

conseil scolaire delangue française de

l’Ontario.

Page 212: Nouvelles tendances à l’égard de la petite enfance1,2,3 GO!sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leurs familles Élisa DENIS, Gérard MALCUIT, Andrée POMERLEAU

garderies est plus développé, et ce, de façon significative que celui des enfants ayant

fréquenté les garderies de type familial.

D’autres chercheurs, Wessels, Lamb et Hwang (1996) ont comparé, pendant

plusieurs années, trois groupes d’enfants dont le premier fréquentait la garderie, le

deuxième, une garderie familiale et le troisième demeurait à la maison. L’évaluation

des enfants s’est faite en cinq phases (à 16, 28, 40, 80 mois et 8 ans et demi). Les

instruments d’évaluation incluaient le Griffiths Developmental Scales (Griffiths,

1970) (à 16, 28 et 40 mois), une échelle d’habileté verbale tirée d’un test utilisé dans

les écoles suédoises (Ljungblad, 1967-1989) (à 80 mois) et un test suédois standardisé

(Haggström et Lundberg, 1990) ( à huit ans et demi). Les auteurs n’ont pas observé de

différences significatives sur le plan langagier entre les trois groupes pendant les

quatre premières étapes de la recherche. Cependant, au cours de la cinquième phase

(à huit ans et demi), ils ont noté qu’en évaluation du langage, les enfants ayant

fréquenté la garderie obtenaient des résultats supérieurs à ceux qu’obtenaient les

enfants des deux autres groupes (ceux gardés à la maison et ceux en garderie fami-

liale). Selon eux, l’influence de la garderie se ferait sentir davantage à long terme qu’à

court terme.

Loeb, Fuller, Kagan et Carroll (2004) ont suivi pendant cinq ans 451 jeunes

enfants provenant de familles monoparentales de niveau socioéconomique faible.

Au cours de la première évaluation, les enfants étaient âgés de deux ans et demi et

lors de la deuxième, ils avaient quatre ans. Les auteurs ont comparé un groupe d’en-

fants de milieux défavorisés qui étaient gardés à la maison par une voisine ou un

membre de la famille autre que la mère (136) à un groupe d’enfants qui fréquen-

taient une garderie agréée (158). L’évaluation du langage des enfants se faisait à l’aide

du McArthur Communicative Development Inventory (CDI; Fenson et al., 1994) et

du Bracken Basic Concept Scale (Psychological Corporation, 1998). Les résultats

indiquent des différences significatives et positives dans le développement du lan-

gage et des compétences cognitives en faveur des enfants qui fréquentaient une

garderie agréée au cours des deux étapes de l’évaluation.

Des recherches ont aussi comparé des groupes d’enfants fréquentant divers

types de service de garde sans inclure de groupes d’enfants qui étaient gardés à la

maison (McCartney, 1984; McCartney et Scarr, 1984; Goelman et Pence, 1987). Les

recherches de McCartney (1984) et de McCartney et Scarr (1984) ont comparé un

centre gouvernemental des Bermudes ayant un programme structuré qui accueillait

des enfants de trois à six ans d’un niveau socio-économique défavorisé à huit autres

centres privés ayant des programmes moins structurés et qui accueillaient des

enfants de milieux variés. Les évaluations de langage comportaient quatre types

d’évaluation : des tests standardisés que subissaient les enfants tels le Peabody

Picture Vocabulary (PPVT) (Dunn, 1979), le Preschool Language Assessment

Instrument (PALI) (Blank, Rose et Berlin, 1978), le Feagans et Farran: Adaptive

Language Inventory (ALI) et des échantillons de langage enregistrés pendant une

tâche de communication. Les résultats indiquent que le milieu de garde a des effets

importants sur le niveau de développement langagier chez les enfants et plus parti-

culièrement chez ceux qui proviennent de milieux défavorisés. Ils révèlent aussi que

210volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Relation entre les types de services de garde et le développement du langage chez les enfants du préscolaire

Page 213: Nouvelles tendances à l’égard de la petite enfance1,2,3 GO!sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leurs familles Élisa DENIS, Gérard MALCUIT, Andrée POMERLEAU

les enfants fréquentant le centre gouvernemental font preuve d’un développement

langagier supérieur à celui des enfants fréquentant des centres dont les programmes

étaient moins structurés.

Goelman et Pence (1987) ont comparé les résultats de l’évaluation du langage de

105 enfants de trois à six ans de l’ouest canadien qui fréquentaient trois types de

milieu de garde : des garderies familiales agréées, des garderies familiales non

agréées et des garderies agréées. Les instruments de mesure étaient le Peabody Picture

Vocabulary Test (PPVT) (Dunn, 1979) et l’Expressive One-Word Picture Vocabulary Test

(EOWPVT) (Gardner, 1979). Ces tests étaient effectués trois fois à six mois d’intervalle

chaque fois. Les enfants fréquentant des garderies familiales non agréées ont obtenu

des résultats moins élevés en langage réceptif et expressif que ceux qui ont fréquenté

les types de garde agréés (garderie et garderie en milieu familial).

Ces résultats concordent avec les conclusions de deux études menées dans

plusieurs états aux Etats-Unis : Cost, Quality and Child Outcomes in Child Care

Centers (COQ) (Peisner,-Feinberg et coll.,1999) et National Institute of Child Health

and Human Development Study of Early Child Care (NICHD Early Child Research

Network, 1994). Ces deux études montrent l’influence que peuvent avoir des services

de garde de bonne qualité sur le développement langagier des enfants. La première

des deux, COQ, a regroupé 826 enfants de toutes les strates socio-économiques

fréquentant 183 garderies situées dans quatre états américains. La deuxième,

NICHD, regroupait 852 enfants issus de divers milieux socio-économiques et habi-

tant dix états différents. Les résultats indiquent que la compétence linguistique des

enfants ayant fréquenté des services de garde de qualité était supérieure à celle des

enfants ayant fréquenté des services de garde de moins bonne qualité (Clarke-

Stewart, 1999; Peisner,-Feinberg et Burchinal, 1997).

Nous avons relevé une étude qui n’a pas trouvé de différence significative entre

le développement langagier de jeunes enfants qui ont suivi un programme présco-

laire et ceux qui sont restés à la maison (Ackerman-Ross et Khanna, 1989). Ces

auteurs ont évalué le langage réceptif et expressif de 40 enfants de trois ans de milieu

socio-économique moyen à l’aide du Zimmerman Preschool Language Scale (PLS) et

du Stanford-Binet scales of Intelligence Form L-M. Ils ont comparé les résultats de

22 enfants qui fréquentaient une garderie à ceux de 17 autres qui demeuraient à la

maison. Les analyses ne démontrent aucune différence significative entre les deux

groupes aux trois échelles de langage du PLS, que ce soit en matière de langage

expressif ou de langage réceptif. Cela pourrait s’expliquer par le petit nombre de

sujets ou par le fait que les enfants provenaient d’un milieu socio-économique

moyen. Selon les auteurs, ce sont les enfants issus de milieu socio-économique faible

qui bénéficieraient le plus des effets des services de garde.

La majorité des recherches indique donc que la fréquentation d’une garderie a

une influence positive sur le développement du langage chez les jeunes enfants et

plus particulièrement chez ceux qui proviennent des milieux défavorisés. Chez les

enfants de milieu socio-économique moyen ou bien nanti, ces résultats seraient

moins évidents et les progrès n’apparaîtraient qu’à plus long terme.

En Ontario français, les services de qualité pour les jeunes enfants représentent

211volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Relation entre les types de services de garde et le développement du langage chez les enfants du préscolaire

Page 214: Nouvelles tendances à l’égard de la petite enfance1,2,3 GO!sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leurs familles Élisa DENIS, Gérard MALCUIT, Andrée POMERLEAU

un moyen important de freiner l’assimilation des Franco-ontariens et de leur per-

mettre de mieux réussir à l’école (Masny, 1998). Les conseils scolaires de langue fran-

çaise accueillent une population étudiante très variée. Elle est composée d’enfants

qui parlent le français, mais dont les niveaux de langue varient beaucoup, d’enfants

« ayant droit », c’est-à-dire des enfants qui parlent peu ou pas du tout français, mais

qui ont le droit de fréquenter les écoles de langue française et, finalement, d’enfants

pour qui le français est une troisième langue (clientèle multiethnique). Ils offrent

depuis plusieurs années la maternelle à demi-temps aux enfants de quatre ans afin

de leur permettre de fréquenter un milieu de vie qui favorise la langue et la culture

françaises. Cependant, pour combler la période pendant laquelle les enfants ne sont

pas à la maternelle, les parents ont recours à plusieurs types de service de garde.

Dans la présente étude, tous les enfants fréquentaient, à demi-temps, la mater-

nelle dont le programme est prescrit par le ministère de l’Éducation de l’Ontario. Les

intervenantes étaient des enseignantes titulaires d’un baccalauréat en enseigne-

ment. Les recherches antérieures ont démontré que la fréquentation d’un service

éducatif de qualité favorisait le développement du langage. De plus, elles ont indiqué

que la garde à la maison par un parent était le type de garde qui favorisait le moins

ce développement. Cependant, aucune étude n’a porté sur les effets de la combinai-

son d’un service de garde de qualité offert à demi-temps et d’autres types de services

de garde. La présente étude offre la possibilité d’analyser ces effets puisque les

enfants, lorsqu’ils n’étaient pas à la maternelle, fréquentaient quatre types de services

de garde : la garde à la maison par l’un des parents, la garde à la maison par une gar-

dienne, la garde chez une gardienne et la fréquentation d’un service de garde.

La question est importante dans le contexte canadien actuel pour plusieurs

raisons. Compte tenu des recherches qui confirment que, dans plusieurs pays, la

qualité des programmes de la petite enfance influe de façon significative sur le

développement des enfants, les gouvernements aussi bien au niveau fédéral que

provincial procèdent à la refonte des programmes de la petite enfance afin de les rendre

plus efficaces et plus accessibles à tous les enfants. De plus, les études antérieures ne

portaient pas sur une population vivant dans un contexte linguistique minoritaire.

Pour ce type de population, l’apprentissage de la langue est une préoccupation

importante. Finalement, les résultats d’études comme celles-ci pourraient encoura-

ger les conseils scolaires de langue française en milieu minoritaire à offrir des pro-

grammes de maternelle à temps plein.

La présente recherche veut donc évaluer les effets de quatre types de services de

garde sur le développement langagier d’enfants qui fréquentaient un programme de

maternelle quatre ans à demi-temps, dans un conseil scolaire de langue française de

l’Ontario.

212volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Relation entre les types de services de garde et le développement du langage chez les enfants du préscolaire

En Ontario français,les services de qualité

pour les jeunes enfantsreprésentent un moyen

important de freiner l’assimilation des

Franco-ontariens et de leur permettre de

mieux réussir à l’école.

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La méthodologie

L’étude a recours à un modèle de recherche qui compare le développement lan-

gagier de quatre groupes d’enfants qui fréquentaient un programme quatre ans à

demi-temps. La section méthodologie présente les participants, les instruments de

mesure utilisés pour évaluer le développement langagier des enfants et le déroule-

ment de la collecte des données.

Le choix des écoles et les participants à l’étude

La recherche a porté sur 306 enfants fréquentant le programme de maternelle

quatre ans à mi-temps. Les enfants, dont l’âge moyen était de 59,2 mois, provenaient

de 13 des 39 écoles d’un conseil scolaire d’Ottawa. Le choix des écoles reposait sur

une représentation proportionnelle des écoles du centre-ville, des banlieues et des

extrémités du territoire du conseil scolaire. Les enfants se répartissaient en quatre

groupes en fonction du type de service de garde utilisé par les parents les jours où

l’enfant ne fréquentait pas la maternelle. Nous avons identifié quatre types de ser-

vices de garde : un des parents garde l’enfant à la maison (N=136), une gardienne

garde l’enfant à domicile (N=34), l’enfant se rend chez une gardienne (N=81) et l’en-

fant fréquente un service de garde (N=55). En plus des évaluations directes menées

auprès des enfants, 16 enseignantes et 306 parents ont répondu aux questionnaires

qui leur étaient destinés. Le tableau 1 présente certaines caractéristiques des enfants

et des parents.

Tableau 1 : Caractéristiques et informations sur les participants à l’étude

213volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Relation entre les types de services de garde et le développement du langage chez les enfants du préscolaire

Parent Gardienne Garderie Va chez une Totaldomicile à domicile gardienne

Nombre d’enfants 136 34 55 81 306

Nombre de parents participant au projet 136 34 55 81 306

Nombre d’enseignants participant au projet s/o s/o s/o s/o 16

Âge moyen des enfants (en mois) 59,2 59,5 59,1 59,0 59,2

Pourcentage de filles 50 50 45 49 49

Pourcentage d’enfants membres d’une minorité raciale 20 18 13 7 15

Pourcentage d’enfants qui vivent avec leurs deux parents 92 74 80 79 84

Pourcentage des mères ayant un diplôme universitaire 34 40 41 29 30

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Les domaines évalués et les instruments utilisés

Cette section présente les domaines évalués et les instruments de mesure utili-

sés. Ils portaient sur le développement langagier. Le tableau 2 présente les modes

d’évaluation retenus en fonction des répondants.

Tableau 2 : Les modes d’évaluation retenus en fonction des répondants

L’évaluation du langage s’est faite à l’aide des tests effectués auprès des enfants

ainsi que des questionnaires destinés aux enseignantes et aux parents. Les tests de

langage utilisés auprès des enfants incluaient l’Échelle de vocabulaire en images

Peabody (ÉVIP) (Dunn, Thériault-Whalen et Dunn, 1993) et la version canadienne

française du Test for Auditory Comprehension of Language (TACL) (Groupe coopé-

ratif en orthophonie, 1995).

L’ÉVIP évalue le langage réceptif des enfants. Elle demande aux enfants de mon-

trer du doigt, laquelle des quatre images présentées illustre le mot que dit l’examina-

teur. Ce test inclut des normes de performance francophones pancanadiennes. Le

résultat brut de l’enfant est transformé en rang centile qui varie entre 1 et 99. L’ÉVIP

est fréquemment utilisé dans les recherches et évalue principalement la compréhen-

sion du vocabulaire.

La version française du Test for Auditory Comprehension of Language (TACL)

(Groupe coopératif en orthophonie, 1995) évalue le langage réceptif des enfants. Elle

porte sur trois composantes du langage : le vocabulaire, la forme et la syntaxe. Elle

fournit un résultat (maximum 40) pour chacune des trois composantes du test :

Classes de mots et relations (ex. : « Oiseau »); Morphèmes grammaticaux (ex. : « Le

garçon est à côté de l’auto »); Phrases complexes (ex. : « Les filles mangent et regar-

dent la télévision ») et un résultat global (maximum 120). Ce test demande aux

enfants de montrer du doigt laquelle des trois images présentées illustre le mot ou la

phrase que dit l’examinateur.

Pour chaque enfant, les enseignantes ont aussi rempli l’échelle de développe-

ment du langage de l’Instrument de mesure du développement de la petite enfance

(IMPE) (Centre canadien d’études sur les enfants à risque, 1999). Les énoncés por-

214volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Relation entre les types de services de garde et le développement du langage chez les enfants du préscolaire

Sources d’information

Enfant Personnel enseignant Parent

Langage Échelle de vocabulaire en 8 énoncés (a=0,94) Utilisation du françaisimages Peabody et Instrument de mesure de 6 énoncés (alpha=0,85)Test for Auditory la petite enfance (IMPE) 1 énoncé (IMPE)Comprehension of Language(version canadienne-française)

Données démographiques Date de naissance, sexe de Niveau d’éducation, âge, sexe,l’enfant, etc. appartenance à une minorité

ethnique, etc.

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taient sur des compétences telles que la capacité de l’enfant de raconter une histoire,

de comprendre ce qu’on lui dit et d’articuler clairement. Les parents devaient rem-

plir une échelle portant sur l’utilisation du français à la maison. Les résultats de

chaque échelle utilisée ont été soumis à des analyses factorielles avec rotation

orthogonale Varimax. Les coefficients de saturation de tous les énoncés étaient

supérieurs à 0,30 et la structure factorielle était la même que celle présentée par le

test original.

La collecte des données

La collecte de données a eu lieu à la fin de l’année scolaire, pendant les deux

dernières semaines du mois de mai. Quatre étudiantes inscrites à la maîtrise en

orthophonie étaient responsables de l’évaluation du langage et du concept de soi des

enfants. Une consultante en orthophonie leur a donné une formation de deux jours

et a supervisé la passation des tests et l’interprétation des résultats. Les parents et les

enseignantes ont rempli leurs questionnaires au cours de la même période.

Les résultats

L’évaluation de programme avait pour but de comparer le développement

langagier de quatre groupes d’enfants qui suivaient un programme quatre ans à mi-

temps; chaque groupe était établi à partir du type de service de garde adopté par les

parents lorsque l’enfant n’était pas à la maternelle. Les moyennes obtenues par les

enfants des quatre groupes ont été soumises à des analyses de covariance univariées

inter-sujets ANCOVA. Le seuil de confiance a été établi à p<,05. La variable indépen-

dante était le type de service de garde adopté par les parents lorsque l’enfant n’était

pas à la maternelle (quatre groupes) et la variable dépendante était le développe-

ment du langage. Les analyses portaient sur 306 enfants et parents; elles ont tenu

compte des covariables suivantes : le nombre d’enfants par classe, le sexe des

enfants, l’âge des enfants, l’appartenance à une minorité raciale, la langue parlée à la

maison, la structure familiale (biparentale ou monoparentale), le niveau de scolarité

des parents et le statut socio-économique de la famille (établi à partir du type d’em-

ploi). Le tableau 3 présente les covariables qui affectent significativement les

domaines évalués. Les moyennes obtenues par les sujets ont été ajustées en fonction

de cette analyse de covariance afin de limiter l’effet des covariables sur les variables

dépendantes.

215volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Relation entre les types de services de garde et le développement du langage chez les enfants du préscolaire

Page 218: Nouvelles tendances à l’égard de la petite enfance1,2,3 GO!sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leurs familles Élisa DENIS, Gérard MALCUIT, Andrée POMERLEAU

Tableau 3 : Les covariables qui affectent significativement les domaines évalués

(variables dépendantes) et dont nous avons tenu compte lors de la comparaison

entre quatre groupes (ANCOVA)

Le tableau 4 présente les moyennes obtenues par les quatre groupes d’enfants

pour chacun des domaines évalués. L’examen de ces moyennes permet de constater

que les enfants qui se font garder à la maison par un parent sont ceux qui ont le

niveau de développement langagier le plus faible. Toutefois, la performance langa-

gière de ces enfants s’apparente à celle des enfants qui se rendent au domicile d’une

gardienne. Les enfants qui fréquentent la garderie ou qui ont une gardienne à domi-

cile obtiennent les résultats les plus élevés.

Tableau 4 : Moyennes obtenues par les quatre groupes d’enfants lors de l’évaluation

du langage

216volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Relation entre les types de services de garde et le développement du langage chez les enfants du préscolaire

Composantes du langage évaluées Sexe Âge Membre d’une Langue parléede l’enfant de l’enfant minorité raciale à la maison

Classes de mots et relations p<,05 p<,001 ns. p<,0001

Morphèmes grammaticaux p<,05 p<,0001 ns. p<,0001

Phrases complètes ns. p<,0001 ns. p<,0001

Résultat global TACL p<,01 p<,0001 ns. p<,0001

Résultat du ÉVIP en fonction des rangs centiles ns. p<,01 ns. p<,0001

Langage expressif et réceptif (selon les enseignantes) p<,0001 p<,0001 ns. p<,0001

Utilisation du français à la maison ns. ns. p<,01 p<,0001

N.B. : Le nombre d’élèves par classe, la structure familiale (biparentale ou monoparentale), l’emploi et la scolarité des parents n’affectent pas les variables dépendantes.ns. = La variable n’influence pas significativement le domaine évalué.

Composantes du langage évaluées Parent Gardienne Garderie Va chez une Ancovadomicile à domicile gardienneN=136 N=34 N=55 N=81

Classes de mots et relations (max. 40) 26,60 30,50 29,60 27,10 p<,01

Morphèmes grammaticaux (max. 40) 17,50 19,30 19,70 18,60 ns.

Phrases complètes (max. 40) 13,60 15,40 16,20 13,80 ns.

Résultat global TACL (max. 120) 58,75 64,59 64,79 58,75 p<,01

Résultat du ÉVIP en fonction des rangs centiles 21,80 40,40 42,80 28,40 p<,01

Langage expressif et réceptif 3,70 4,20 4,10 4,00 p<,01(selon les enseignantes)(max. 5)

Utilisation du français à la maison (max. 40) 23,70 27,40 26,30 25,30 ns.

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Les analyses de covariance univariées inter-sujets ANCOVA tendent à confirmer

cette première analyse tout en y apportant des nuances. Dans un premier temps,

elles permettent de préciser que le type de service de garde utilisé lorsque l’enfant

n’est pas à l’école est en corrélation avec le développement du vocabulaire. Ce résul-

tat est confirmé par deux sources d’évaluation, soit le sous-test classes de mots et

relations du TACL-R (F(3,297)= 5,2, p<.01) et l’Échelle de vocabulaire en images

Peabody (F(3,293)= 4,6, p<.01). Il est également en corrélation avec le développe-

ment global du langage confirmé par le résultat global du TACL-R (F(3,294)= 3,9,

p<.01) et par l’évaluation des enseignantes (IMPE) (F(3,294)= 4,3, p<.01). Cependant,

l’acquisition des morphèmes grammaticaux (F(3,297)= 0,7, ns) et des phrases com-

plètes (F(3,297)= 0,7, ns), de même que l’utilisation du français à la maison (F(3,206)=

0,2, ns) ne sont pas en corrélation avec le type de service de garde utilisé.

Les résultats des tests post hoc de type Tukey confirment que les enfants qui

fréquentent une garderie ont acquis un niveau de développement du vocabulaire

(TACL-R et Évip) et du langage global supérieur (TACL-R et IMPE) à celui des enfants

qui se font garder à la maison par un parent. De plus, pour trois de ces mesures

(Classes de mots et relations du TACL-R; résultat global du TACL-R et langage global

du IMPE), les enfants qui bénéficient d’un service d’une gardienne à domicile ob-

tiennent également des résultats supérieurs à ceux qu’obtiennent les enfants qui se

font garder à la maison par un parent. La comparaison entre le groupe d’enfants qui

fréquentent un service de garde et le groupe de ceux qui bénéficient d’un service

d’une gardienne à domicile révèle que le premier groupe obtient de meilleurs résul-

tats que le deuxième à l’ÉVIP : c’est la seule différence observée à ce test.

Les enfants qui fréquentent un service de garde font donc preuve d’un meilleur

développement du langage et disposent d’un léger avantage sur les enfants qui béné-

ficient d’un service d’une gardienne à domicile. Il n’existe pas de différence signi-

ficative entre le développement langagier des enfants qui se font garder à la maison

par un parent et celui des enfants qui vont au domicile d’une gardienne. On peut

donc répartir les enfants en deux groupes : le premier inclut à la fois les enfants qui

fréquentent un service de garde et ceux qui bénéficient d’un service d’une gardienne

à domicile; le second comprend les enfants qui se font garder à la maison par un pa-

rent et ceux qui vont au domicile d’une gardienne. Il faut noter que les différences de

performance entre ces deux grands groupes sont importantes : les enfants qui fré-

quentent un service de garde obtiennent un rang centile moyen de 43, alors que ceux

qui se font garder à la maison par un parent obtiennent un rang centile de 22 et ceux

qui vont au domicile d’une gardienne un rang centile de 28.

Résumé et discussion

Cette étude avait pour but d’évaluer les effets de quatre types de services de

garde sur le développement langagier de 306 enfants qui suivaient un programme de

maternelle quatre ans à demi-temps, dans un conseil scolaire de langue française de

l’Ontario. Puisque les enfants étaient à l’école une journée sur deux, les parents

217volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Relation entre les types de services de garde et le développement du langage chez les enfants du préscolaire

Les enfants quifréquentent la garderie

ou qui bénéficient duservice d’une gardienne à domicile lorsqu’ils ne

sont pas à la maternelle,ont un rendement

supérieur sur le plan langagier que ceux qui

se font garder par un deleurs parents ou qui vont

chez une gardienne.

Page 220: Nouvelles tendances à l’égard de la petite enfance1,2,3 GO!sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leurs familles Élisa DENIS, Gérard MALCUIT, Andrée POMERLEAU

devaient avoir recours à différents services de garde pendant les journées au cours

desquelles l’enfant n’était pas à la maternelle. Ils faisaient appel à quatre types de

services de garde : la garde à la maison par un des parents (N=136), la garde à la mai-

son par une gardienne (N=34), la garde chez une gardienne (N=81) et la fréquenta-

tion d’un service de garde (N=55).

L’évaluation du langage s’est faite à partir de tests auprès des enfants (l’Échelle

de vocabulaire en images Peabody (ÉVIP) et la version canadienne française du Test

for Auditory Comprehension of Language, TACL-R), ainsi qu’à l’aide de question-

naires destinés aux enseignantes (l’Instrument de mesure du développement de la

petite enfance, IMPE) et aux parents (Échelle d’utilisation du français). Les résultats

des analyses de covariance univariées inter-sujets ANCOVA indiquent que les enfants

qui fréquentent une garderie ont acquis un niveau de développement du vocabulaire

(TACL-R et Évip) et du langage global supérieur (TACL-R et IMPE) à celui des enfants

qui se font garder à la maison par un parent. De plus, pour trois de ces mesures

(Classes de mots et relations du TACL-R; résultat global du TACL-R et langage global

du IMPE), les enfants qui bénéficient du service d’une gardienne à domicile obtien-

nent également des résultats supérieurs à ceux qui se font garder à la maison par un

parent. La comparaison entre le groupe d’enfants qui fréquentent un service de

garde et le groupe de ceux qui bénéficient du service d’une gardienne à domicile

obtiennent un niveau supérieur à l’ÉVIP.

Dans le cadre de la discussion des résultats, nous retenons un certain nombre

d’éléments susceptibles d’expliquer pourquoi les enfants qui fréquentent la garderie

ou qui bénéficient du service d’une gardienne à domicile lorsqu’ils ne sont pas à la

maternelle, ont un rendement supérieur sur le plan langagier que ceux qui se font

garder par un de leurs parents ou qui vont chez une gardienne. Ces éléments sont : le

temps d’attention et de stimulation; le type d’attention et de stimulation; l’environ-

nement et le type d’activités; et le type de langage utilisé.

Le temps d’attention et de stimulation accordé aux enfants par les adultes à la

garderie et à la maison pourrait être un facteur expliquant cette différence. Selon

plusieurs auteurs, il existe une corrélation positive entre le développement intel-

lectuel (dont le langage) et le temps d’attention que reçoivent les enfants de la part

des adultes (Clarke-Stewart, 1991, Phillips, Scarr et McCartney, 1987; Whitebook,

Howes, et Phillips, 1990). Cependant, la majorité des recherches sur le sujet ont

démontré que les enfants reçoivent plus d’attention à la maison que dans les

garderies (McCartney, 1984; Melhuish,1990). Comment se fait-il alors qu’en évalua-

tion du langage, les enfants gardés à la maison par un de leurs parents obtiennent des

résultats inférieurs à ceux qui fréquentent une garderie ou qui sont gardés à la mai-

son par une gardienne. Le type d’attention et de stimulation accordé à l’enfant pour-

rait constituer un élément d’explication. En effet, lorsqu’un parent garde son enfant

à la maison, il continue de vaquer à ses occupations sans nécessairement passer tout

son temps ou la majorité de son temps à jouer, à parler ou à s’occuper de l’enfant. Il

en est de même lorsque l’enfant va chez une gardienne. Dans ces deux situations,

l’enfant s’occupe seul (joue, regarde la télévision, etc.) ou avec d’autres enfants. À la

garderie, même si l’attention n’est pas individuelle, les éducatrices ont comme

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Relation entre les types de services de garde et le développement du langage chez les enfants du préscolaire

Page 221: Nouvelles tendances à l’égard de la petite enfance1,2,3 GO!sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leurs familles Élisa DENIS, Gérard MALCUIT, Andrée POMERLEAU

responsabilité de s’occuper d’un petit groupe d’enfants et communiquent verbale-

ment avec eux dans toutes sortes de situations. La gardienne qui vient au domicile de

l’enfant reçoit souvent des directives des parents qui l’embauchent : ils désirent

qu’elle s’occupe particulièrement de l’enfant et qu’elle contribue à son développe-

ment. Cette exigence pourrait encourager la gardienne à communiquer verbalement

avec l’enfant sur différents sujets dans diverses situations.

L’environnement et les types d’activités proposés à l’enfant pourraient aussi

contribuer à expliquer la différence entre les deux milieux. À la garderie, l’enfant peut

communiquer avec d’autres enfants de son âge, avec des enfants plus vieux ainsi

qu’avec plusieurs adultes. À la maison, il sera soit seul, soit avec un petit nombre

d’enfants du même âge ou plus jeunes (frères ou sœurs), mais en présence d’un seul

adulte (parent ou gardienne). Le nombre de communications langagières avec

d’autres enfants ou avec des adultes est ainsi plus limité.

L’environnement physique et le matériel constituent une autre des grandes

différences qui existent entre la garderie et la maison. À la maison, l’enfant est dans

son milieu habituel. Il a accès à un certain nombre de jouets choisis par les parents

ou il joue avec les objets de la maison qu’il n’a pas besoin de partager, sauf s’il est

gardé avec d’autres enfants. À la garderie, le milieu est organisé en fonction des

enfants. Ils sont répartis par groupes d’âge et supervisés par un adulte.

L’environnement comprend souvent des centres d’intérêt : coin du livre, coin des

jeux de construction, etc. Le matériel est varié, adapté à leur âge et choisi en fonction

de sa qualité pédagogique (casse-tête, jeux mathématiques, matériel d’arts, jeux de

lettres, jeux de construction, etc.). Cet environnement et ce matériel poussent les

enfants à acquérir du vocabulaire et leur fournissent des sujets de conversation dif-

férents et variés. De plus, étant donné qu’ils doivent partager cet espace et ce

matériel avec d’autres enfants, ils développent une forme de langage social qui leur

sert à entrer en relation, à demander, à exiger ou à expliquer. Cela pourrait favoriser

l’émergence d’un langage plus élaboré chez les enfants qui fréquentent ce type d’en-

vironnement.

Le type d’activités auxquelles les enfants participent dans les garderies diffèrent

aussi de celles qu’offre la maison. Dans les garderies, l’horaire est fixé en fonction du

groupe et non de l’individu. L’emploi du temps inclut, en plus des activités de jeux

libres, des activités dirigées dans les centres, des activités de groupe (sous forme de

leçons portant sur des apprentissages spécifiques comme les nombres, les

formes…), l’apprentissage de chansons ou de comptines. Les enfants apprennent à

reconnaître et à adapter de façon abstraite les règles générales et les informations

présentées de façon formelle. Ils sont encouragés par les éducatrices à être

autonomes et indépendants. À la maison, les activités se déroulent plutôt dans un

contexte informel et naturel (ex. : faire des biscuits avec maman) dans lequel les

règles et les leçons sont limitées. Les enfants ont plus de temps libre et se livrent à des

occupations solitaires. En manipulant les objets de la maison, en aidant la gardienne

ou le parent, ils apprennent à réaliser les tâches de la vie quotidienne.

Finalement, le type de langage utilisé dans les deux milieux est aussi très dif-

férent. En effet, lorsque le parent ou la gardienne à la maison discute avec l’enfant,

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Relation entre les types de services de garde et le développement du langage chez les enfants du préscolaire

Page 222: Nouvelles tendances à l’égard de la petite enfance1,2,3 GO!sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leurs familles Élisa DENIS, Gérard MALCUIT, Andrée POMERLEAU

les conversations sont plus longues, elles incluent des phrases plus complexes et

offrent aux enfants l’opportunité de poser des questions, d’exprimer leur opinion et

de faire plus d’inductions (Tyler et Dittman, 1980). Dans les garderies, les conversa-

tions sont plus déductives et convergentes; elles prennent la forme de questions-

réponses comme en classe; l’éducatrice pose des questions et les enfants sont

encouragés à répondre (Tyler et Dittman, 1980; Wittmer et Honig, 1989). Selon

plusieurs auteurs, les sortes de conversations qui ont lieu dans les garderies sont

celles qui préparent les enfants à mieux répondre au test d’intelligence standardisé

dont une importante composante est langagière (Clarke-Stuart, 1991).

Le temps d’attention et de stimulation, le type d’attention et de stimulation,

l’environnement et le type d’activités, ainsi que le type de langage utilisé constituent

donc des facteurs qui peuvent influencer le développement langagier des enfants et

contribuer à expliquer les différences observées entre les groupes d’enfants fréquen-

tant les quatre types de services de garde. Les recherches ultérieures devraient s’in-

téresser au maintien à long terme de ces différences et à leurs effets sur les appren-

tissages scolaires comme la lecture, l’écriture et les mathématiques. Les questions de

recherche pourraient être formulées comme suit : Est-ce que les différences

observées chez les quatre groupes d’enfants sur le plan langagier s’atténuent au

cours des premières années du primaire? Le niveau supérieur de développement

observé chez les enfants qui fréquentaient la garderie ou qui se faisaient garder par

une gardienne à la maison favorise-t-il de meilleurs apprentissages scolaires?

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224volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Une approche longitudinale-expérimentale sur l’impactdes mesures d’éducation aupréscolaire sur le rendementscolaire des enfants défavorisés de Montréal

Linda PAGANIUniversité de Montréal, Montréal, Québec, Canada

Youmna GHOSNUniversité de Montréal, Montréal, Québec, Canada

Julie JALBERTUniversité de Montréal, Montréal, Québec, Canada

Mélanka MUNOZUniversité de Montréal, Montréal, Québec, Canada

Maude CHAMBERLANDUniversité de Montréal, Montréal, Québec, Canada

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RÉSUMÉ

Dans cet article, nous présentons certains résultats d’un programme de

recherche longitudinale qui a débuté à la prématernelle. Dans la première section,

nous discutons le volet longitudinal d’un programme inspiré de Head Start et

implanté à la prématernelle auprès d’enfants résidant en milieu urbain. Nous exa-

minons son influence sur la compétence linguistique d’enfants appartenant aux

minorités ethniques. À la fin de la prématernelle, ces enfants présentent une plus

grande amélioration de leur compétence linguistique que leurs pairs francophones.

Malgré le maintien, à la fin de la maternelle, d’une différence intergroupe favorisant

les enfants francophones, nous assistons à long terme à une poursuite de l’améliora-

tion de la compétence linguistique des enfants des minorités ethniques telle qu’au-

cune différence n’est plus perceptible à la fin de la première année du primaire entre

les deux groupes. Cette amélioration est en partie due aux efforts déployés par les

parents et les enseignants de la prématernelle pour aider ces enfants à surmonter les

défis de l’école. Dans la seconde section, nous discutons le volet expérimental du

programme. L’impact positif d’un programme en pré-arithmétique implanté en pré-

maternelle sur la connaissance des précurseurs en mathématiques et les résultats

d’un programme d’enrichissement implanté à la maternelle sont alors exposés.

Des programmes de prévention devraient être élaborés au préscolaire afin de

parer les effets d’un statut socioéconomique faible (Case, Griffin & Kelly, 2001;

Huston, 1994; McLoyd, 1998) et de briser le cycle de la transmission intergénéra-

tionnelle de la pauvreté (Rodgers, 1995). Montréal, l’une des villes les plus pauvres du

Canada (Canadian Council on Social Development, 2000), représente un contexte

urbain idéal pour la réalisation de ces efforts. Le but de cet article est de communi-

quer certaines conclusions d’un programme de recherche longitudinale implanté

auprès d’enfants vivant dans les milieux défavorisés de Montréal.

ABSTRACT

A Longitudinal Experimental Approach on the Impact of Pre-School-LevelEducational Measures on the Achievement of Socially DisadvantagedMontreal StudentsLinda Pagani, Youmna Ghosn, Julie Jalbert, Milenka Muñoz and Maude Chamberland

Université de Montréal, Québec, Canada

In this article, we present some results of a longitudinal research program which

started at the pre-school level. In the first section, we discuss the longitudinal part of

a program inspired by Head Start and implanted at the pre-school level for children

living in urban areas. We examine its influence on the linguistic competence of chil-

dren belonging to ethnic minorities. At the end of pre-school, these children show a

greater improvement in their linguistic competence than their French-speaking

peers. Despite the inter-group difference at the end of kindergarten in favour of

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Une approche longitudinale-expérimentale sur l’impact des mesures d’éducation au préscolaire sur le rendement scolaire des enfants défavorisés de Montréal

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French-speaking children, over the long term there is a continuation of increasing

linguistic competence among children from ethnic minorities, to such an extent that

there is no longer a perceptible difference between the two groups at the end of the

first year of elementary school. This improvement is due in part to the efforts made

by parents and pre-school teachers to help these students overcome the challenges

of school. In the second section, we discuss the experimental aspect of the program,

describing the positive impact of a pre-arithmetic program based on knowledge of

mathematical precursors, which was established at the pre-kindergarten level, and

the results of an enrichment program established at the kindergarten level.

RESUMEN

Un estudio longitudinal-experimental del impacto de los dispositivos deeducación en preescolar sobre el rendimiento escolar de los niños desfa-vorecidos de MontrealLinda Pagani, Youmna Ghosn, Julie Jalbert, Milenka Muñoz y Maude Chamberland

Universidad de Montreal, Quebec, Canadá

El presente artículo presenta algunos de los resultados de un programa de

investigación longitudinal que comienza desde el nivel preescolar. En la primera sec-

ción, discutimos la parte longitudinal de un programa inspirado de Head Star e

implantado en el nivel preescolar entre los niños que residen en medio urbano.

Examinamos sus repercusiones sobre la aptitud lingüística de los niños que

provienen de minorías étnicas. Al término del preescolar, dichos niños presentan

más adelanto de su aptitud lingüística que sus pares francófonos. A pesar de que se

mantiene, al término del preescolar, una diferencia al interior del grupo en favor de

los niños francófonos, asistimos, a largo plazo, a una mejora continua de la aptitud

lingüística de los niños provenientes de las minorías étnicas a un grado tal que

ninguna diferencia es perceptible al término del primer año de primaria entre los dos

grupos. Esta mejora se debe, en parte, a los esfuerzos desplegados por los padres de

familia y los maestros del preescolar para ayudar esos niños a superar los retos de la

escuela. En la segunda parte discutimos el aspecto experimental del programa. El

impacto positivo de un programa de pré-aritmética implantado en preescolar sobre

el conocimiento de los precursores en matemáticas y se exponen los resultados de un

programa de enriquecimiento implantado en el preescolar.

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Une approche longitudinale-expérimentale sur l’impact des mesures d’éducation au préscolaire sur le rendement scolaire des enfants défavorisés de Montréal

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Introduction

L’étude montréalaise sur le préscolaire en milieu défavorisé est une recherche

longitudinale – expérimentale qui a débuté en 1997. Son objectif original visait à

étudier l’impact du programme préscolaire, Opération Renouveau/Solidarité (OR),

qui offre la prématernelle (quatre ans) à mi-temps et la maternelle (cinq ans) à temps

plein aux enfants des milieux montréalais défavorisés.

De nombreux chercheurs, étudiants et intervenants du système scolaire (ensei-

gnants) ont participé aux volets longitudinal et expérimental de ce projet.

Le volet longitudinal

Avec la collaboration de la Commission Scolaire de Montréal (CSDM), nous

avons évalué plus de 2000 enfants provenant de familles défavorisées de la région

montréalaise. Les objectifs visés étaient :

1- d’étudier le développement des enfants à travers quatre cohortes suivies

annuellement;

2- de dépister les facteurs de risque et de protection reliés aux compétences

scolaires et sociales;

3- d’étudier la relation entre l’école et la famille.

Les instruments utilisés incluaient un test de vocabulaire de la langue française,

deux tests de connaissance des nombres, un questionnaire portant sur les compor-

tements sociaux des enfants (complété par les enseignants et les parents), et les carac-

téristiques pédagogiques (techniques innovatrices, stratégies de gestion, stratégies

d’appui, pratiques éducatives) utilisées par les enseignants du programme préscolaire.

Tout au long de la collecte des données, les enseignants ont fait part de leurs

inquiétudes à l’égard du nombre considérable d’enfants provenant de familles immi-

grantes. Nous avons donc porté une attention particulière à cette variable.

Les connaissances actuelles révèlent, qu’en l’absence d’une intervention, les

enfants défavorisés sont moins bien préparés à la rentrée scolaire que leur pairs plus

favorisés (Pagani, Boulerice, & Tremblay, 1997; Zigler & Styfco, 1996). Ceci est d’autant

plus vrai si ces enfants appartiennent à des groupes minoritaires (Alexander,

Entwisle, & Dauber, 1994; Bempechat, Graham, & Jimenez, 1999; Bianchi, 1984;

Driessen, 1997). Par ailleurs, certaines études indiquent qu’un échec scolaire précoce

peut avoir des conséquences négatives sur la trajectoire de vie de l’enfant. Son

impact à long terme sur l’adaptation scolaire et comportementale de l’enfant sem-

blerait ainsi d’autant plus grave que l’échec survient au début de l’enseignement pri-

maire (Pagani, Tremblay, Vitaro, Boulerice, & McDuff, 2001). De même, il semblerait

que le risque d’abandonner l’école soit plus élevé chez les enfants qui réussissent

moins bien à l’école primaire, surtout lorsque leurs difficultés apparaissent tôt

(Cairns, Cairns, & Neckerman, 1989; Ensminger & Slusarcick, 1992). Dès lors, il est

227volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Une approche longitudinale-expérimentale sur l’impact des mesures d’éducation au préscolaire sur le rendement scolaire des enfants défavorisés de Montréal

L’étude montréalaisesur le préscolaire en

milieu défavorisé estune recherche longitu-dinale – expérimentalequi a débuté en 1997.

Son objectif originalvisait à étudier l’impactdu programme présco-

laire, OpérationRenouveau/Solidarité(OR), qui offre la pré-

maternelle (quatre ans)à mi-temps et la

maternelle (cinq ans) àtemps plein aux enfantsdes milieux montréalais

défavorisés.

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primordial d’améliorer le potentiel d’apprentissage des enfants lors des premières

années d’enseignement pour favoriser leur réussite scolaire et économique.

Pour bon nombre d’enfants issus des minorités linguistiques et vivant sous le

seuil de la pauvreté, cette amélioration se traduit par l’atteinte d’une bonne connais-

sance de la langue du pays d’accueil. Un tel bagage linguistique permet à ces enfants

d’être aussi bien outillés que leurs pairs appartenant au groupe majoritaire et leur

offre la possibilité de mieux répondre aux exigences scolaires de la maternelle et de

la première année du primaire.

Depuis quelques décennies, de nombreux efforts d’intervention sont déployés

pour enrichir l’environnement préscolaire et favoriser le développement des habi-

letés requises pour le programme scolaire du primaire. Ces habiletés ont fait l’objet

de diverses interprétations, selon les enjeux économiques, les idées prédominantes

relatives aux besoins des enfants des milieux défavorisés et les définitions proximales

et distales de la préparation scolaire (e.g., performance égale à celle de leurs pairs

issus d’un milieu socioéconomique moyen; performance en accord avec des critères

établis tels que le quotient intellectuel; maîtrise ou consolidation des précurseurs

cognitifs en respectant les caractéristiques inhérentes à l’enfant; maîtrise des prin-

cipes d’autorégulation comportementale; etc.).

Inspirée par le mouvement Head Start, la plus grande commission scolaire de

Montréal (CSDM) a implanté, en prématernelle, un programme pour les enfants âgés

de quatre ans et issus des quartiers les plus défavorisés de la ville. Ce programme

(connu sous le nom de Opération Renouveau/Solidarité), offert à raison de demi-

journées, est administré par des enseignants de formation universitaire et possède

une orientation parents-enfant. Il vise à développer, chez les enfants, des habiletés

sociales et personnelles, des habiletés d’expression orale et écrite et des habiletés de

résolution de problèmes. Ces trois objectifs sont atteints par des moyens formels

(enseignement) et informels (activités de groupe). Il vise également à améliorer, chez

les parents, l’accès au système de santé et aux services sociaux et dentaires, à créer

un partenariat entre la famille et les enseignants afin de favoriser le développement

de l’enfant, et à favoriser la participation des parents aux activités scolaires et com-

munautaires. À cet effet, des rencontres bimensuelles sont prévues entre les ensei-

gnants et l’un ou les deux parents.

Le programme Opération Renouveau_Solidarité a été soumis à des évaluations

sommatives et formatives régulières et est finalement le fruit de cinq révisions. Les

premiers concepteurs du programme (fin des années 60) visaient l’amélioration des

habiletés de socialisation et l’enrichissement culturel des enfants à travers des acti-

vités de groupe et des sorties à des centres d’attraction locaux (musées et sites his-

toriques et culturels). Ils étaient convaincus que, dans leur ensemble, les enfants

présentaient des déficits dans leurs expériences socioculturelles. À l’issue de deux

études de coûts/bénéfices (Bonnier-Tremblay, 1977; Montmarquette, Houle, Crespo,

& Mahseredjian, 1989), il est apparu que cette première version de prématernelle,

offerte par demi-journée avec déjeuner et dîner inclus, n’avait aucun effet significatif

sur les habiletés en français et en mathématiques. Des chercheurs indépendants ont

alors recommandé que le programme emprunte une orientation plus cognitive. Les

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Une approche longitudinale-expérimentale sur l’impact des mesures d’éducation au préscolaire sur le rendement scolaire des enfants défavorisés de Montréal

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révisions subséquentes (deuxième et troisième) ont permis d’augmenter graduelle-

ment le nombre des écoles et des familles participantes, de même que l’étendue du

programme (CÉCM, 1994). Une étude longitudinale récente a relevé un impact posi-

tif de la troisième version du programme (cohorte 1982/83) chez les enfants qui ne

présentent pas de risques développementaux dus à des complications à la naissance

(Pagani & Tremblay, 1996; Pagani, Tremblay, Vitaro, & Parent, 1998). Comparés aux

enfants du groupe de contrôle qui habitent les mêmes quartiers qu’eux et qui n’ont

pas connu non plus de complications périnatales, les garçons qui participent au pro-

gramme manifestent davantage de comportements prosociaux à l’âge de six ans. De

plus, il présente un risque amoindri pour les comportements oppositionnels vers

l’âge de 11_12 ans, et pour la délinquance vers l’âge de 14_15 ans. Ces résultats sont

importants, car près de la moitié des enfants éligibles au programme sont restés à la

maison en attente de fréquenter la maternelle à mi-temps, créant naturellement un

groupe de comparaison quasi-expérimental.

La dernière version du programme, d’orientation plus cognitive, vise à aug-

menter les habiletés sociales, verbales et de résolution de problèmes des enfants et

tient compte des exigences croissantes de la maternelle.

La majorité des enfants, à qui nous avons offert le programme, ayant décidé d’y

participer, il a été impossible de former un groupe de comparaison. Toutefois, nous

pouvons examiner l’effet des variables intra-groupes. Une variable intra-groupe

d’une importance sociale particulière et économique est le nombre d’enfants allo-

phones qui débutent en prématernelle. Plusieurs de ces enfants font face à un triple

défi. Ils proviennent de milieux familiaux défavorisés et doivent s’adapter aux cou-

tumes de la société d’accueil. De plus, qu’ils soient nés ou non dans le pays d’accueil,

ils présentent souvent de faibles compétences dans la langue officielle (le français) à

leur entrée à l’école.

La prématernelle est la première année de scolarité formelle pour tous les

enfants des quartiers défavorisés de la ville de Montréal. Aussi, son objectif proximal

est de mieux préparer ces enfants pour la maternelle. Plusieurs membres des com-

munautés ethniques, orientales et occidentales, partagent la conviction que le

développement du langage est central pour atteindre cet objectif (Ran, 2001; Tobin,

Wu & Davidson, 1989).

Autrefois, les enfants apprenaient, à la maternelle, à découvrir, à jouer et à

développer leurs compétences sociales dans une atmosphère festive. De nos jours, ils

y acquièrent les habiletés préscolaires nécessaires au travail formel de la première

année du primaire (Cosden, Zimmer, & Tuss, 1993; Fast Response Survey System,

1993; Hains, Fowler, Kottwitz, Schwartz, & Rosenkoetter, 1989). Les habiletés requis-

es pour l’entrée en maternelle incluent le traitement réceptif et expressif du langage

complexe, l’habileté à s’organiser et le respect de plusieurs nouvelles règles et procé-

dures (Rosenkoetter, 2001). Compte tenu des pressions financières vécues par les

écoles primaires et secondaires, les attentes envers les élèves de maternelle ont con-

sidérablement augmenté. Depuis, un nombre croissant d’enfants vivent des expé-

riences d’échec en maternelle, les enfants issus des minorités ethniques étant les

plus à risque de redoublement (Cosden et al., 1993). D’un point de vue développe-

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Une approche longitudinale-expérimentale sur l’impact des mesures d’éducation au préscolaire sur le rendement scolaire des enfants défavorisés de Montréal

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mental, cela a une implication importante sur l’intégration sociale et l’autonomie

financière de ces enfants à long terme.

Ces résultats ne sont pas surprenants, car les enfants des familles immigrantes

ont tendance à moins bien réussir à l’école que leurs pairs non immigrants. À leur

entrée au préscolaire, lorsqu’ils sont testés dans la langue officielle d’instruction, ils

présentent souvent des lacunes en pré-lecture et en pré-arithmétique (Driessen,

1997). Leur retard par rapport aux enfants du groupe majoritaire se maintient quel

que soit leur niveau socioéconomique ou leur niveau d’instruction (i.e., primaire ou

secondaire) (Steele, 1997). Confrontés à une discontinuité entre les schèmes de leur

culture d’origine et ceux de leur pays d’accueil et à une connaissance faible de la langue

officielle, les enfants des minorités linguistiques semblent rencontrer des difficultés

dans leurs nouvelles acquisitions. Aussi, il semblerait que la préparation linguistique

soit le principal facteur sous-jacent à la préparation et au rendement scolaire.

Pour les enseignants du programme montréalais de prématernelle, la prépara-

tion des enfants à la maternelle représente un défi de taille vu la composition multi-

culturelle du milieu. Les théoriciens, tels que Vygotsky (1962), Bronfenbrenner

(1992), et Rogoff (1990) ont grandement influencé leur domaine d’études en analy-

sant le développement cognitif dans un contexte socioculturel, c’est-à-dire en tenant

compte des systèmes de relations interpersonnelles, de valeurs, de pratiques et

d’outils socialement transmis. Afin d’apprécier l’expérience d’apprentissage de l’en-

fant, l’enseignant doit accepter que chaque enfant opère sur un ensemble distinct de

croyances culturelles. À titre d’exemple, de peur que leur héritage culturel se perde

(Taylor, 1994), les parents des minorités linguistiques risquent de résister passive-

ment ou activement à l’acquisition par l’enfant de la langue du pays d’accueil.

Toutefois, tous les immigrants n’accordent pas la même importance à la langue et à

l’héritage culturel. Dans leur étude, Ebbeck et Glover (1996) constatent que le main-

tien de la langue maternelle est très important pour les parents chinois, moins

important pour les parents cambodgiens et indonésiens et absolument pas impor-

tant pour les parents philippins. Il est probable que de telles différences culturelles

aient des implications sur le rendement des enfants.

Selon les tenants de la théorie développementale socioculturelle, l’apprentis-

sage d’une langue seconde nécessite un certain degré d’immersion culturelle. Cela

devient difficile étant donné les schèmes comportementaux conflictuels encouragés

par la maison et l’école (Ebbeck, 2001; Katz, 1991; Kelly, Gregory, & Williams, 2001;

Ran, 2001). Par exemple, contrairement à l’enseignement occidental qui encourage

l’enfant à poser des questions et à s’affirmer, plusieurs cultures orientales valorisent

l’obéissance et le respect des parents, des aînés et des enseignants (Ranford, 1992).

Un sentiment de confusion risque de naître chez les élèves issus des minorités eth-

niques. Ces enfants devront apprendre et fonctionner selon des schèmes comporte-

mentaux différents, souvent paradoxaux.

Les familles immigrantes doivent faire face à un autre défi. Les sociétés nord-

américaines attribuent une grande importance aux liens établis entre les parents et

les institutions qui interviennent auprès de l’enfant. Or, pour les familles immi-

grantes non originaires d’Amérique du Nord ou d’Europe Centrale, la famille élargie

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Une approche longitudinale-expérimentale sur l’impact des mesures d’éducation au préscolaire sur le rendement scolaire des enfants défavorisés de Montréal

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remplit les fonctions relatives à la santé et à l’éducation de l’enfant et constitue un

réseau de bien-être et une unité consultative. Dès lors, ces familles risquent de per-

cevoir la volonté du personnel à établir des liens comme intrusive. Elles risquent

également de méconnaître les services et les privilèges qui leurs sont offerts. Par con-

séquent, il importe que les enseignants se familiarisent avec les composantes cultu-

relles de leur groupe-classe de prématernelle et y ajustent leurs pratiques éducatives.

Un résultat déconcertant de l’étude d’Ebbeck et Glover (1996) révèle que certains

enseignants ignorent tout du pays ou de la culture d’origine de leurs élèves.

Les attentes des adultes significatifs pour l’élève ont une influence considérable

sur sa performance. Malgré l’adversité d’un statut socioéconomique faible, les pa-

rents appartenant aux minorités ethniques envisagent avec optimisme les compé-

tences et les aspirations scolaires de leurs enfants (Alexander & Entwisle, 1988;

Galper, Wigfield, & Seefeldt, 1997; Ran, 2001; Stevenson, Chen, & Uttal, 1990). Le sou-

tien parental dont bénéficient ces enfants a une influence positive sur leur perfor-

mance scolaire (Smith & Hausafus, 1998). Leurs frères et sœurs plus âgés leur trans-

mettent des connaissances en littéracie par le biais du modelage et du soutien qu’ils

leur offrent (Kelly et al., 2001). Par ailleurs, les études suggèrent que les enseignants,

surtout ceux dont le statut socioéconomique est plus élevé, nourrissent moins d’at-

tentes (Alexander, Entwisle, & Bedinger, 1994) et consacrent moins de temps

(Driessen, 1997) aux enfants des minorités ethniques, entraînant ainsi de mauvaises

performances chez ces élèves (Alexander, Entwisle, & Thompson, 1994). Aux États-

Unis, les intervenants et les enseignants traitent souvent les enfants et les familles

non anglophones comme des étrangers (Kagan & Garcia, 1991), et font naître chez

eux un sentiment d’aliénation et d’intrusion dans leur propre école (Gougeon, 1993).

En supposant qu’il existe des divergences entre les attentes des parents et celles des

enseignants, nous pouvons nous questionner sur le rôle que les enseignants jouent

et sur les caractéristiques relationnelles qu’ils établissent avec les parents et qui per-

mettraient de dévier les enfants issus des minorités linguistiques de la trajectoire de

l’échec scolaire.

Dans Pagani, Jalbert, Lapointe, & Hébert (sous presse-a), nous utilisons des

données tirées de l’étude longitudinale montréalaise sur le préscolaire. Notre but est

d’examiner les bénéfices que les enfants défavorisés et appartenant aux minorités

linguistiques retirent de leur expérience au préscolaire. Au terme de cette expérience,

ces enfants sont-ils mieux préparés aux exigences de la maternelle qu’ils ne l’étaient

au début de l’année? Le cas échéant, quelle est l’importance de cette amélioration

comparativement à celle des enfants francophones issus du même milieu socioé-

conomique? Enfin, à l’égard des défis du nouvel environnement scolaire de leur

société d’accueil, dans quelle mesure les enfants des minorités linguistiques bénéfi-

cient-ils de l’aide de leurs enseignants au préscolaire?

Lorsque la préparation à la maternelle est définie en termes de compétences

sociales, les analyses indiquent une différence de l’adaptation comportementale des

enfants selon leur appartenance linguistique. Contrairement à nos attentes, les éva-

luations faites par les enseignants en début et en fin d’année à la prématernelle

relèvent moins de détresse émotionnelle et de comportements hyperactifs chez les

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Les attentes desadultes significatifs

pour l’élève ont uneinfluence considérable

sur sa performance.

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enfants des minorités linguistiques que chez leurs pairs francophones et une stabi-

lité comportementale chez les deux groupes (les résultats comportementaux

obtenus au début de l’année ont été soustraits à ceux obtenus à la fin de l’année).

Ainsi, il semblerait que l’expérience au préscolaire n’exerce aucun impact significatif

sur le développement comportemental des enfants.

Par ailleurs, lorsque la préparation à la maternelle est définie en termes de pré-

paration linguistique, les analyses indiquent de moins bonnes compétences en

français et en pré-arithmétique chez les enfants des minorités linguistiques à l’entrée

à la prématernelle. Toutefois, leur déficit en pré-arithmétique est statistiquement

expliqué par leur faible connaissance de la langue officielle d’instruction.

Confrontés aux restrictions imposées par certains de leurs parents pour

empêcher qu’ils se « mélangent » à leurs pairs de la société d’accueil (Gougeon, 1993;

Katz, 1991; Kelly et al., 2001; Ran, 2001), ces enfants auraient moins de possibilité

d’apprendre le français et présenteraient ainsi plus de lacunes dans leurs compé-

tences linguistiques. Par ailleurs, ce déficit pourrait également résulter d’un manque

d’expérience en garderie, laquelle permet d’améliorer les habiletés narratives et dis-

cursives des enfants désavantagés (Feagans, Fendt, & Farran, 1995). En effet, dans

notre étude, plutôt que de fréquenter une garderie, les enfants des minorités linguis-

tiques sont significativement plus nombreux que leurs pairs francophones à rester à

la maison, en compagnie de leur mère. Leurs parents perçoivent peut-être la langue

comme un obstacle à la communication (telle qu’étudiée dans les recherches ethno-

graphiques, (Ebbeck, 2001), et estiment que leurs enfants ne seraient pas en mesure

d’apprécier pleinement l’expérience en garderie. Le préscolaire constitue donc la

première expérience culturelle et linguistique pour bon nombre de ces enfants. Cela

pourrait aussi expliquer leur plus faible niveau (entrée et fin) de problèmes de com-

portement.

À la fin de l’année du préscolaire, ces enfants présentent une plus grande

amélioration de leurs compétences linguistiques que leurs pairs francophones sur

l’échelle de vocabulaire Peabody (Dunn, Thériault-Whalen, & Dunn, 1993). Cette

amélioration se poursuit jusqu’à atteindre, à la fin de la maternelle, un gain d’un

écart-type par rapport à leur moyenne à la fin du préscolaire, contre un gain d’un

demi écart-type chez leurs pairs francophones. À la fin de la première année du pri-

maire (ces résultats concernent uniquement les enfants de notre échantillon que

nous avons pu suivre parce qu’ils sont restés dans notre zone de cueillette de don-

nées), aucune différence significative de compétences linguistiques en français n’est

détectable dans les bulletins de notes entre les enfants des deux groupes. Nos résul-

tats suggèrent donc une amélioration graduelle des compétences des enfants des

minorités linguistiques jusqu’à atteindre, au début du primaire, des chances de réus-

site scolaire identiques à celles de leurs pairs francophones. Nous espérons que cette

égalité de chances se poursuive à long terme dans leur adaptation psychosociale et

leur cheminement scolaire.

Dans une perspective préventive, ces résultats optimistes et rassurants concor-

dent avec ceux d’études antérieures. Dans leur recherche longitudinale, entre 1969 et

1970, Lee, Brooks-Gunn et Schnur (1988) comparent des enfants du programme

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Une approche longitudinale-expérimentale sur l’impact des mesures d’éducation au préscolaire sur le rendement scolaire des enfants défavorisés de Montréal

Nos résultats suggèrent donc une

amélioration graduelledes compétences desenfants des minorités

linguistiques jusqu’àatteindre, au début duprimaire, des chances

de réussite scolaire identiques à celles

de leurs pairs francophones.

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Head Start à des enfants inscrits dans des programmes préscolaires et à d’autres qui

ne sont inscrits dans aucun programme. Après avoir contrôlé les compétences ini-

tiales des enfants et les caractéristiques de leur milieu, les auteurs observent chez les

enfants de Head Start une amélioration plus importante à bon nombre de tests de

préparation à l’école. Cette amélioration est plus marquée chez les enfants afro-

américains et surtout chez ceux dont les compétences initiales sont inférieures à la

moyenne. Ces résultats sont particulièrement intéressants, car, dans cette étude, ces

enfants présentent le plus grand nombre de facteurs de risque (appartenance à des

communautés ethniques et à des familles monoparentales, éducation maternelle

faible, taille de la famille plus élevée). D’ailleurs, dans notre étude, les enfants des

minorités linguistiques sont également les plus défavorisés.

Les découvertes d’Entwisle et d’Alexander (1992) sur les modèles de l’apprentis-

sage saisonnier (les pertes scolaires estivales indiquent les effets de la maison et les

gains scolaires hivernaux indiquent ceux de l’école) chez les enfants à statut socioé-

conomique faible sont également pertinentes. Dans cette étude, les gains des enfants

sont proportionnels à la taille des résultats initiaux. Au début de l’année scolaire (i.e.,

à la fin de l’été), les résultats des enfants défavorisés sont faibles. Toutefois, les gains

qu’ils réalisent au cours de l’hiver sont plus importants que ceux de leurs pairs dont la

situation socioéconomique est meilleure. L’échantillon d’Entwisle et Alexander (1992)

est cependant composé essentiellement d’enfants défavorisés afro-américains et

caucasiens et de peu d’enfants latino-américains. La discussion des auteurs relative

au statut des minorités se limite pour cela à des considérations ethniques et non lin-

guistiques.

Néanmoins, l’importance de l’étude de la langue s’impose lorsque les statuts de

minorités ethniques et linguistiques se confondent. Quel que soit leur lieu de nais-

sance, les enfants des immigrants intègrent le préscolaire en pratiquant une autre

langue que celle de leur pays d’accueil et ont une faible connaissance de la langue

officielle d’instruction. Dans notre étude, l’amélioration des habiletés linguistiques

de ces enfants s’étant poursuivie jusqu’à la disparition de leurs lacunes linguistiques

après la première année du primaire, nous estimons qu’une scolarisation précoce

leur est bénéfique.

Nos résultats soulignent fortement l’influence prospective des effets de la péda-

gogie. Chez les enfants des minorités linguistiques, les pratiques éducatives sont

associées à l’amélioration des compétences en vocabulaire au cours du préscolaire.

Les données recueillies, au milieu de l’année scolaire, sur le soutien offert par l’en-

seignant, sur les innovations pédagogiques et sur l’importance accordée à la résolu-

tion des problèmes, nous autorisent une interprétation prospective des résultats.

L’analyse de la relation entre ces variables et les résultats d’amélioration des enfants

des minorités linguistiques suggère que les enseignants offrent plus de soutien,

utilisent davantage de stratégies pédagogiques innovatrices et mettent plus l’accent

sur la résolution de problèmes avec les enfants dont les compétences en vocabulaire

se sont le moins bien améliorées. Selon les recherches antérieures, les enseignants

perçoivent les enfants provenant des minorités ethniques comme des étrangers et

nourrissent à leur égard peu d’attentes. Au contraire, dans notre étude, les en-

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Une approche longitudinale-expérimentale sur l’impact des mesures d’éducation au préscolaire sur le rendement scolaire des enfants défavorisés de Montréal

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seignants témoignent un intérêt réel pour ces enfants, et plus spécifiquement pour

ceux qui manifestent des lacunes linguistiques. En réalité, il se pourrait que ces

faibles attentes envers ces élèves « étrangers » motivent les enseignants à leur venir

en aide. Loin de constituer uniquement un facteur de risque, ces attentes pourraient

constituer dans certains cas un facteur de protection.

Nos résultats indiquent un lien significatif entre la participation des parents

appartenant aux minorités linguistiques et l’amélioration des compétences en voca-

bulaire des enfants. La participation globale est meilleure chez les parents dont les

enfants présentent des difficultés scolaires. Nos résultats confirment ceux des

recherches citées plus haut (Alexander et al., 1988; Galper et al., 1997; Stevenson et

al., 1990) qui indiquent que les parents issus des minorités ethniques perçoivent de

manière positive les compétences et les ambitions scolaires de leurs enfants malgré

le statut socioéconomique faible de la famille. Face aux difficultés rencontrées par

leurs enfants, ces parents inquiets finissent par s’impliquer pour tenter de résoudre

les difficultés de leurs enfants.

De même, nos résultats indiquent que les enseignants proposent en milieu

d’année aux parents des minorités linguistiques un éventail de modalités de rencon-

tres d’autant plus large que les enfants présentent des difficultés en langue française.

Pour pallier à l’incapacité de certains parents à communiquer par des notes écrites,

plusieurs stratégies sont mises en place : conversations téléphoniques, rencontres à

l’école, invitations à se joindre aux activités de la classe, recours aux services d’un

interprète, etc. Les parents dont les enfants présentent une faible amélioration en fin

d’année, profitent davantage des différents types de rencontres qui leur sont offerts

et s’investissent plus dans la relation parents-école.

Les actions concertées entre l’enseignant et les parents pourraient rendre

compte de l’amélioration des compétences verbales des enfants dès la fin du présco-

laire. Ces résultats suggèrent, qu’en dépit d’éventuels sentiments xénophobes chez

l’enseignant et chez les parents, ces adultes significatifs pour l’enfant ont un impact

positif sur sa performance scolaire et sur son bien-être. Contrairement aux idées

exprimées par certains parents qu’une exposition précoce à une nouvelle langue

peut entraîner l’oubli de la langue maternelle, les résultats d’une recherche menée au

préscolaire ne montrent, après une année de suivi, aucune perte des acquis de la

langue maternelle chez des enfants hispanophones (Winsler, Diaz, Espinosa, &

Rodriguez, 1999). Comparés à d’autres enfants hispanophones qui sont demeurés à

la maison, ces enfants acquièrent une meilleure connaissance de la langue du pays

d’accueil (anglais) et développent davantage leur maîtrise de la langue maternelle.

Dans des conditions optimales, il n’est donc pas surprenant que le fait de posséder

une langue seconde soit associé à des niveaux de réalisation cognitive plus élevés

(Diaz, 1983; Diaz, Padilla, & Weathersby, 1991; Hakuta, 1986).

Les enseignants peuvent faire davantage pour respecter les besoins des enfants

dans les situations d’apprentissage. Dans son analyse des variables psychoculturelles

et des processus de l’enseignement/apprentissage, Tharp (1989) dégage quatre

prédicateurs de la réaction des enfants issus des minorités linguistiques à l’égard du

système scolaire nord-américain standard : l’organisation sociale, les facteurs socio-

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linguistiques, les facteurs cognitifs et les facteurs motivationnels. En Amérique du

Nord, l’accent mis sur la concurrence et sur la compétition sociale en classe risque

d’être inadéquat pour beaucoup d’élèves appartenant aux minorités culturelles. De

plus, des conventions rigides régissant le discours, l’encouragement de la perform-

ance, la tendance pour des techniques qui développent la pensée verbale/analytique

et la négligence générale des valeurs d’affiliation augmentent le risque d’échec sco-

laire de ces enfants, surtout lorsqu’ils appartiennent à un milieu socioéconomique

défavorisé. La prise en compte de ces facteurs socioéducatifs pourrait davantage

profiter aux enfants des minorités linguistiques plutôt que l’organisation des

semaines culturelles.

Il est vrai que la notion de période critique du langage figuré est controversée

dans les études portant sur les processus du développement de l’enfant. Cette notion

est néanmoins utile pour réfléchir à la scolarisation des enfants du préscolaire

(Entwisle & Alexander, 1998), surtout si nous envisageons son apport en termes de

prérequis à la connaissance. L’enrichissement précoce pourrait stimuler les habiletés

requises à une bonne transition piagétienne dans le développement cognitif des en-

fants âgés de cinq à huit ans (Entwisle & Alexander, 1998). Nous ne devons pas perdre

de vue que le but général du programme du préscolaire est de préparer les enfants à

l’école. La perception de soi à l’école, développée au préscolaire, permet des résultats

exemplaires en première année du primaire (Pallas, Entwisle, Alexander, & Cadigan,

1987). Dans notre étude, les enfants qui présentaient des lacunes en français à leur

entrée à la prématernelle ont réussi à réduire leur risque d’échec scolaire. À eux seuls,

ces résultats confirment le rôle stratégique que joue l’éducation préscolaire dans la

prévention de l’échec scolaire et de l’inadaptation psychosociale à long terme. S’ils

avaient intégré le préscolaire une année plus tard, les enfants de notre étude auraient

eu à relever le double défi du programme de la maternelle et de leur adaptation psy-

cholinguistique et culturelle à leur nouvel environnement scolaire nord-américain.

Le volet expérimental

La performance en première année du primaire constitue un prédicateur

important de l’évolution scolaire de l’enfant au niveau de son rendement (Alexander

& Entwisle, 1988; Ensminger & Slusarcick, 1992; Kerckhoff, 1993; Pederson, Faucher,

& Eaton, 1978) et de son adaptation sociale (Pagani et al., 2001). Dans le cadre d’une

étude sur le redoublement scolaire utilisant une banque de données d’enfants

québécois (Pagani et al., 2001; Nagin, Pagani, Tremblay, & Vitaro, 2003), nous avons

établi que près de la moitié des retards scolaires sont dus à des difficultés en mathé-

matiques, surtout dans les milieux défavorisés. À l’instar de la plupart des pro-

grammes du genre « Head Start », le programme préscolaire de la CSDM favorise

principalement le développement des compétences verbales. Le but du volet expéri-

mental est d’implanter un programme de prévention qui stimule les précurseurs de

la connaissance des nombres chez les enfants au préscolaire afin d’améliorer leur

performance en mathématiques à l’école primaire. Ce dernier objectif est atteint

235volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Une approche longitudinale-expérimentale sur l’impact des mesures d’éducation au préscolaire sur le rendement scolaire des enfants défavorisés de Montréal

À l’instar de la plupart des programmesdu genre « Head Start »,

le programme pré-scolaire de la CSDM

favorise principalementle développement descompétences verbales.Le but du volet expéri-mental est d’implanterun programme de pré-vention qui stimule lesprécurseurs de la con-

naissance des nombreschez les enfants au pré-scolaire afin d’améliorer

leur performance enmathématiques à

l’école primaire.

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grâce à une collaboration extrêmement étroite entre les chercheurs et les ensei-

gnants (nos intervenants).

En collaboration avec la CSDM et avec l’aide des enseignants du préscolaire

(Griffin & Case, 1996; Griffin, Case, & Capodilupo, 1994; Griffin, Case, & Carpenter,

1994; Griffin Case, & Siegler, 1994), nous avons traduit, adapté et implanté le pro-

gramme d’enrichissement en mathématiques de Sharon Griffin et de Robbie Case,

intitulé Rightstart-Bon Départ (Pagani, Jalbert, & Girard, sous presse-b). Ce pro-

gramme, implanté en classe de maternelle (cinq ans), a pour objectif la stimulation

des précurseurs nécessaires à l’apprentissage des mathématiques de première

année. Au total, 622 des 1410 enfants de notre étude longitudinale et 61 enseignants

y ont participé. Nos résultats à la fin de la maternelle montrent que les enfants qui

ont conjointement participé au programme RSBD et au programme OR connaissent

une amélioration plus marquée de leurs habiletés en mathématiques que les enfants

qui ont uniquement bénéficié du programme OR.

Nous avons également développé un programme inspiré et adapté du RSBD

pour les classes de prématernelle (quatre ans), intitulé Bon-Départ (BD). Implanté

par 25 enseignants de la CSDM auprès de 724 enfants, ce nouveau programme com-

porte également un volet parental (avec des dyades parents-enfant). Cette version du

programme a pris en considération les réflexions des enseignants qui ont participé

au programme de la maternelle. Aussi, le programme offert à la prématernelle

représente une version nettement améliorée en termes de matériel et d’activités.

Dans Pagani et al. (sous presse-b), nous avons cherché à examiner si l’enrichis-

sement au préscolaire des précurseurs à l’arithmétique a une influence sur la connais-

sance des nombres chez les enfants issus des milieux les plus défavorisés de

Montréal. Nous avons implanté une version française et culturellement adaptée du

programme Rightstart auprès d’un échantillon d’enfants de maternelle suivant le

programme OR offert par la CSDM et inspiré de Head-Start. Par ailleurs, nous avons

développé et implanté un nouveau programme d’enrichissement aux pré-arithmé-

tiques auprès d’enfants de maternelle fréquentant des écoles des mêmes quartiers.

Dans nos analyses de données, nous employons deux méthodes pour examiner l’in-

fluence de ce programme. La première méthode implique une approche tradition-

nelle comparant le groupe d’intervention auto-sélectionné à un groupe de comparai-

son également auto-sélectionné. La deuxième méthode emploie, pour le groupe

d’intervention, une approche de dosage auto-sélectionné, étant donnée l’applica-

tion différente du programme selon les enseignants. Les groupes de comparaison ont

reçu, dans les écoles et milieux fréquentés par les enfants du groupe d’intervention,

un programme traditionnel inspiré de Head Start.

Les enseignants ont été informés qu’ils faisaient partie d’une étude expérimen-

tale longitudinale englobant la ville de Montréal. De plus, ils ont reçu une formation

et du matériel prêt à être utilisé pour l’implantation du programme. Néanmoins,

suite à des négociations avec les enseignants et les parents, il a été convenu que la

progression du programme sera laissée à la discrétion de chacun. Pour répondre à ce

défi méthodologique, nous avons effectué, dans le traitement de nos données, une

comparaison traditionnelle et dichotomique entre les résultats du groupe d’inter-

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Une approche longitudinale-expérimentale sur l’impact des mesures d’éducation au préscolaire sur le rendement scolaire des enfants défavorisés de Montréal

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vention et ceux du groupe de contrôle, ainsi qu’une analyse dosage-effet. Notre

discussion porte sur les résultats de deux programmes différents implantés à deux

périodes préscolaires différentes.

En premier lieu, les analyses traditionnelles ne rapportent aucun effet proximal

significatif à la fin de l’année scolaire. Toutefois, l’analyse dosage-effet suggère une

corrélation positive entre le dosage du programme et la connaissance intuitive des

nombres. La différence des résultats entre les deux méthodes d’analyse pourrait être

attribuée à l’inefficacité du programme lorsqu’il est offert aux enfants à des doses

moyennes. Le cas échéant, lorsque administré dans des classes régulières non expéri-

mentales, le programme Rightstart devrait être mené à terme pour en assurer un

dosage maximal. Les objectifs de la plupart des unités devraient ainsi être remplis,

sans quoi les efforts déployés pour modifier les connaissances de l’enfant seront vains.

En second lieu, les deux analyses de données indiquent, même du point de vue

le plus conservateur, l’efficacité du programme de pré-arithmétique de la prémater-

nelle sur les précurseurs à l’arithmétique. De plus, ce programme présente une plus

grande ampleur de l’effet que le programme Rightstart mis en place un an plus tard

(en maternelle). Ces résultats témoignent de l’utilité et de la nature instructive d’une

approche centrée sur le dosage de l’implantation du programme.

En notre qualité de chercheurs sur le terrain, nous pensons que notre collabo-

ration avec les enseignants pour le programme de la prématernelle est une réussite.

Les programmes implantés à la prématernelle et à la maternelle sont différents. Il est

donc impossible de déterminer si les effets positifs observés sont explicables par

l’hypothèse de la « période sensible » (elle suggère l’importance d’implanter l’inter-

vention à un plus jeune âge (UNICEF, 2001), ou par le contenu élaboré du pro-

gramme de la prématernelle. Toutefois, même si les enfants ont été réceptifs aux

deux programmes, il nous semble que l’implantation d’un programme visant l’ap-

prentissage des précurseurs cognitifs aux mathématiques à la prématernelle est pos-

sible et bénéfique à court terme. Il reste à savoir si ces résultats demeureront positifs

et concluants à long terme.

Selon une perspective de santé publique (Hertzman & Weins, 1996), les personnes

défavorisées ne semblent pas bénéficier autant des interventions psychosociales et

des programmes de prévention que leurs pairs plus aisés. Puisque notre échantillon

provient des quartiers urbains parmi les plus défavorisés du Canada, cette perspec-

tive pourrait prédire que les programmes de prévention au préscolaire seraient

moins efficaces et n’atteindraient que partiellement leurs objectifs. À cet égard, l’am-

pleur de l’effet observé dans notre étude indique une influence modique sur la con-

naissance des nombres à la fin des deux années du préscolaire. Bien évidemment, un

effet réduit dans une telle population à risque peut éventuellement faire « boule de

neige » et donner des résultats encore plus importants à long terme. Une illustration

parfaite de cette hypothèse sont les résultats obtenus pas le programme High/Scope

Perry Preschool. À la fin de l’intervention et jusqu’à l’âge de sept ans, les enfants du

groupe expérimental (cohorte de 1963-65) se sont significativement démarqués de

ceux du groupe de contrôle lors des évaluations intellectuelles et des tests de langage.

Les effets toutefois modestes se sont affaiblis entre l’âge de sept et 14 ans (Hohmann

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Une approche longitudinale-expérimentale sur l’impact des mesures d’éducation au préscolaire sur le rendement scolaire des enfants défavorisés de Montréal

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& Weikart, 2002; Schweinhart, 2003), mais ont repris de l’ampleur à l’âge adulte

(19 ans et 27 ans). Dans ce même ordre d’idées, le High/Scope Preschool Curriculum

Demonstration Project (1967-70) a comparé trois modèles (modèle High/Scope,

enseignement direct et école). L’étude n’a relevé aucune influence significative sur

divers indicateurs du rendement intellectuel et scolaire jusqu’à l’âge de dix ans. Par

contre, dès l’âge de 15 ans, les enfants ayant participé au modèle High/Scope

démontrent une plus grande responsabilité sociale. Ces effets psychosociaux se

développent encore plus vers l’âge de 23 ans (Weikart, Epstein, Schweinhart, & Bond,

1978; Schweinhart & Weikart, 1997). Par conséquent, les petits effets rapportés par

Hertzman et Weins (1996) pourraient s’amplifier avec le temps, même si au départ

aucun effet n’a été observé ou que l’effet s’est atténué en cours de route.

La perspective de santé publique permet également de suggérer que les enfants

défavorisés ont besoin d’un dosage important de l’intervention pour atteindre les

mêmes objectifs que les enfants de milieux plus aisés. En effet, les résultats observés

suite à l’implantation des deux programmes d’éveil aux mathématiques (prémater-

nelle et maternelle) démontrent qu’un tel dosage exerce un impact significatif sur la

connaissance des nombres des enfants des milieux défavorisés. Un dosage impor-

tant d’un programme bien élaboré et implanté en prématernelle pourrait également

mener à de meilleurs résultats chez les enfants pauvres, du moins à court terme.

Les mathématiques sont souvent liées à la notation et au symbolisme. Ces con-

cepts requièrent une certaine forme de pensée opérationnelle. À ce titre, il semblerait

que les mathématiques n’ont pas leur place dans les programmes au préscolaire. Par

contre, la structure conceptuelle de base des habiletés en mathématiques aurait sa

place dans ces programmes. Par le biais d’interactions avec leur environnement, les

jeunes enfants ont le potentiel de développer de multiples connaissances de nature

intuitive et informelle en mathématiques (Pepper & Hunting, 1998). Celles-ci incluent,

notamment, la connaissance des nombres (calcul, correspondance terme à terme

entre les objets), les formes (géométrie), l’ampleur relative (contraires, opposés, pairs

et impairs, fractions) et les couleurs (pour la classification). L’acquisition et le trans-

fert de telles structures conceptuelles centrales étant essentielle à l’apprentissage

formel initial des mathématiques durant les années scolaires, nous soutenons que :

1- les éducateurs en milieu préscolaire devraient connaître l’importance de ces

structures dans le programme enrichi de prématernelle;

2- les éducateurs en milieu préscolaire devraient être sensibles au degré d’im-

plantation du programme;

3- dans la mesure du possible, ces concepts devraient être reliés aux expé-

riences et objets de la vie quotidienne.

Certains chercheurs nous mettent en garde contre un enthousiasme exagéré à

l’égard de l’influence de l’éducation au préscolaire (e.g., Karweit, 1994; Pagani,

Larocque, Tremblay, & Lapointe, 2003). Certains programmes rigoureux de recherche

plurimodaux, implantés sur différents sites, n’ont démontré aucun effet sur le plan

cognitif (e.g., St. Pierre, Layzer, Goodson, & Bernstein, 1997) et ont engendré des

débats sur la valeur réelle de tels investissements. L’influence positive à long terme

238volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Une approche longitudinale-expérimentale sur l’impact des mesures d’éducation au préscolaire sur le rendement scolaire des enfants défavorisés de Montréal

La perspective desanté publique permetégalement de suggérer

que les enfants défa-vorisés ont besoin d’un

dosage important del’intervention pour

atteindre les mêmesobjectifs que les enfants

de milieux plus aisés.

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du programme High/Scope sur les compétences psychosociales milite en faveur

d’une définition plus large du succès. Même s’il est important d’envisager l’influence

réelle de l’éducation au préscolaire avec un optimisme prudent, cela n’exclut pas

l’importance d’évaluer comment les stratégies pratiquées au préscolaire influencent

la préparation aux apprentissages formels du primaire.

Des moyens pour sensibiliser les parents à l’importance de leur rôle en tant que

partenaire dans l’éducation de leur enfant doivent être élaborés. De plus, il nous

incombe de trouver une façon d’éviter l’effet « Rosenthal » (Rosenthal & Jacobson,

1992) que les attentes des parents ont sur la préparation scolaire et sur la perfor-

mance ultérieure de leur enfant, en incluant une composante parentale dans les pro-

grammes évalués dans cette étude. À cet égard, nous avons développé et implanté un

volet parental pour chacun des deux programmes d’éveil aux mathématiques

implantés en milieu préscolaire (prématernelle et maternelle).

En présence d’un animateur de RSBD, ce volet est présenté sous forme d’ateliers

et implique des dyades parents-enfant. Il vise à introduire, à respecter et à renforcer

les concepts enseignés en classe par les deux programmes et à conscientiser les pa-

rents dans leur rôle d’éducateurs et d’agents stimulateurs et renforçateurs du pro-

gramme. Il est intéressant de souligner que plus de la moitié des parents sollicités ont

participé aux rencontres. Nous croyons qu’un tel taux de participation s’explique par

le grand nombre d’ateliers qui renferment des activités concrètes en mathématiques

entre les parents et leur enfant.

Les résultats à court terme démontrent, pour les deux programmes, une meil-

leure connaissance des nombres chez les enfants exposés à la composante parentale

du programme, par rapport à ceux qui ont participé au seul volet enfant (Jalbert &

Pagani, sous presse-a; soumis-b). Toutefois, nous devons demeurer prudents dans

l’interprétation de cette conclusion, parce que les résultats qui ont comparé la con-

naissance des nombres des enfants du volet parental à celle d’un second groupe de

contrôle (i.e., les enfants qui ont reçu le programme en classe et dont les parents,

après avoir consenti à participer aux ateliers-parents, ne s’y sont jamais présentés)

sont peu probants. Nous effectuons présentement l’analyse à long terme de ces don-

nées. Les analyses préliminaires démontrent des effets peu concluants du volet

parental en début de la scolarisation, à la fois chez les enfants ayant participé aux

programme de la prématernelle et de la maternelle (Jalbert & Pagani, soumis a et b).

Ces résultats seront présentés au prochain congrès de l’ISSBD.

Grâce à la collaboration des enseignants du préscolaire tout au long de l’étude

longitudinale-expérimentale, ces projets en recherche-intervention sont conformes

aux exigences des nouvelles réformes du Ministère de l’Éducation du Québec (MEQ).

L’implication du personnel enseignant constitue une ressource extraordinaire dans

la réalisation d’un projet longitudinal composé de plusieurs volets impliquant les

enseignants (les intervenants) et leur clientèle. Pour cela, il est impératif que ces per-

sonnes fassent partie de l’équipe de recherche et participent au développement et à

l’évaluation des programmes et des instruments.

Notre programme de recherche n’est pas sans limites. Nous n’avons probable-

ment rejoint qu’un petit groupe de minorités linguistiques. Plusieurs parents, fran-

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Une approche longitudinale-expérimentale sur l’impact des mesures d’éducation au préscolaire sur le rendement scolaire des enfants défavorisés de Montréal

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cophones ou autres, ont pris la décision de ne pas y participer. De toute évidence,

leur incapacité à lire le formulaire de consentement ou même de comprendre les sol-

licitations effectuées par téléphone, n’a certainement pas joué en notre faveur. Cette

limite influence considérablement nos résultats. Néanmoins, comme nous avons

réussi à observer des effets positifs sous de telles conditions, nous pensons que nos

résultats sont conservateurs selon la perspective de santé publique (Hertzman &

Wiens, 1996). Par ailleurs, l’absence d’un groupe formé d’enfants de minorités lin-

guistiques n’ayant pas participé au programme de prématernelle et ayant intégré

directement le programme de maternelle (plein temps) en tant que première expé-

rience préscolaire constitue une limite d’ordre expérimental. À l’heure actuelle, la

majorité des enfants éligibles au programme y participent, peut-être grâce à l’entrée

en vigueur, en 1998 au Québec, du programme des garderies à cinq dollars par jour.

Les recherches futures impliquent de suivre ces enfants et leurs parents à travers

leurs différentes épreuves de vie (i.e., emplois des parents, changement dans le statut

familial, évolution des difficultés financières, augmentation de la taille de la famille)

et d’observer le partenariat famille-école et la nature des services sollicités par les

familles lorsque leurs enfants ont de mauvais rendements ou qu’ils risquent d’é-

chouer. Depuis les initiatives inspirées par le programme Head Start, les recherches

sur l’adaptation des minorités ethniques sont insuffisantes. Pour cela, nous encoura-

geons les chercheurs à évaluer leurs données afin de valider, et peut-être même, d’é-

tendre nos conclusions à des contextes sociaux qui offrent moins de programmes

financés par le gouvernement que ne le fait la province du Québec.

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247volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Écoliers à deux ans en France

Catherine LE CUNFFUniversité Paris X, Département des sciences du langage, Nanterre, France

RÉSUMÉ

La classe des deux ans est une particularité française et a fait l’objet de recherches

que l’article présente. Le Ministère de l’Education Nationale prend en compte ces

très jeunes écoliers dans ses programmes et intègre dans ses directives les résultats

des recherches présentées dans cet article. L’interactionnisme social constitue la

référence principale des travaux, mettant au premier plan le rôle de la parole

enseignante pour les apprentissages. Cependant, la classe des deux ans fait l’objet de

débats périodiques en France dans lesquels sont évoqués des résultats contradic-

toires quant aux effets de la scolarisation précoce. Il s’avère nécessaire de mettre en

place un programme de recherche spécifique et pluridimensionnel pour en identifier

les conditions de l’efficacité de la scolarisation précoce sur la réussite scolaire par

rapport aux autres modes d’accueil.

ABSTRACT

Two Year-Olds’ At School in FranceCatherine Le Cunff, Lecturer in Language Sciences, Department of Language Sciences

Université Paris X, Nanterre France

Educating two year-olds is particular to France, and this article presents research

on this grade level. The French Ministry of Education takes these very young school

children into account in its programs and integrates the results of the research pre-

sented in this article into its directives. Social interactionism is the primary reference

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for the work, with emphasis on the role of the teacher’s words. However, educating

two year-olds is periodically the object of debates in France, which focus on the con-

tradictory results related to the effects of early education. It is proving necessary to

implement a specific and multidimensional research program to identify the condi-

tions and the effectiveness of early education on school success compared to other

types of early child-care.

RESUMEN

Alumno a dos años en FranciaCatherine Le Cunff, Conferenciante magistral en ciencias del lenguaje, Departamento de

ciencias del lenguaje, Universidad Paris X, Nanterre, Francia

La clase de dos años es un rasgo particular francés y ha sido objeto de investi-

gaciones que se resumen en el presente artículo. El Ministerio de la educación

nacional toma en consideración a esos jóvenes alumnos en sus programa e integra

en sus directivas los resultados de las investigaciones que aquí presentamos. El inter-

accionalismo social constituye la referencia principal de los trabajos, y pone en

primer plan el rol del habla de los maestros en el aprendizaje. Sin embardo, la clase

de dos años es un sujeto de debates periódicos en Francia, debates que evocan resul-

tados contradictorios en lo que se refiere a los efectos de la escolarización precoz. Es

necesario implantar un programa de investigación especifica y pluridimensional que

permita identificar las condiciones de la eficacia de la escolarización precoz sobre le

éxito escolar comparado con otras formas de acoger.

L’école à la maternelle à la française

L’école maternelle française a plutôt bonne réputation et ne fait pas l’objet de

critiques actuellement, contrairement à l’école élémentaire et au collège. Cependant,

dans certains quartiers, les parents font pression pour avancer les apprentissages en

Grande Section, notamment pour introduire la lecture ou les langues vivantes afin de

faire de la dernière année de l’école maternelle une première année d’école élémentaire.

En effet, si l’école maternelle accueille depuis 1886 sur quatre niveaux les en-

fants de 2 à 5 ans, même si un programme existe, elle n’est pas obligatoire contraire-

ment à l’école élémentaire qui débute avec le CP (Cours Préparatoire) et comprend

cinq niveaux. Les textes officiels prennent en compte cette classe et suggèrent une

progression concertée pour donner de la cohérence à l’ensemble de la scolarité en

école maternelle.

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Écoliers à deux ans en France

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Cette tentative pour aligner la maternelle et ses apprentissages sur ce qui se fait

en élémentaire rencontre une forte résistance des enseignantes (majoritaires) regrou-

pées au sein de L’AGIEM1, association que le Ministère de l’Education Nationale ne

manque pas de consulter avant d’entreprendre de changer les textes.

Cependant, la classe des tout-petits, au gré des flux annuels et aussi des pres-

sions économiques, fait alternativement l’objet de menaces ou d’encouragements,

de critiques ou d’éloges.

La classe des tout-petits

35,3 %2 des enfants de deux ans à la rentrée 2001 et 32 % en 2002, en légère

régression, secteurs public et privé confondus sont accueillis à l’école. La demande

sociale dépasse ce chiffre. Le ministère a créé un groupe3 d’experts, GNPEM (Groupe

national permanent des écoles maternelles), pour produire un document destiné à

préciser aux enseignants et aux cadres administratifs comment mener à bien la sco-

larisation des tout-petits. Les termes et préconisations de cette brochure se retrou-

vent dans les Instructions Officielles de 2002, actuellement en vigueur pour l’école

primaire française.

Comme le souligne une étude du Ministère réalisée à partir d’un panel de 8661

écoliers nés en 1991, ce sont les enfants de cadres et les élèves étrangers ou issus de

l’immigration qui semblent tirer le plus grand bénéfice de cette mesure4. En fait, consi-

dérée comme prioritaire en ZEP (Zone d’Education Prioritaire), la scolarisation des

enfants de deux ans y est de 27,7 % seulement. Ce sont en effet les cadres et les

agriculteurs qui scolarisent leurs jeunes enfants, particulièrement dans le nord et

l’ouest de la France où la proportion atteint 57 %. Localement, dans le Morbihan,

département de l’ouest, elle peut atteindre 74 %. Périodiquement, la presse se fait

l’écho de débats autour de cette question : faut-il scolariser les enfants dès deux ans?

Ainsi, A. Florin5, chercheur en psychologie de l’enfant et expert pour le GNPEM

considère que « c’est une bonne chose, mais pas pour tous »6 insistant sur le bénéfice

que tirent de cette scolarité à deux ans les élèves de milieux défavorisés. En effet,

compte tenu de l’importance de la maîtrise du langage pour la suite de la scolarité,

la scolarisation est positive sur le développement langagier. Elle insiste cependant

sur la nécessité de locaux adaptés permettant de satisfaire le besoin d’isolement mais

aussi d’échanges et d’ « exubérance motrice », sur l’organisation souple de la journée

scolaire alternant les moments de mobilisation cognitive et de jeux libres. Il s’agit

249volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

1. AGIEM Association générale des enseignants en maternelle2. Chiffre donné par Le Monde 4 septembre 20033. GNPEM groupe national permanent des écoles maternelles (2000/2003) comprenant la présidente de

l’AGIEM, des chercheurs M. Fayol,, A. Florin, C Le Cunff, un Inspecteur général J. Hébrard et des praticiens ouformateurs d’enseignants. 2000. Le document a été revu pour être conforme aux IO de 2002. Cette versionest parue en 2003

4. Elle est disponible sur le site du CNDP, Centre National de documentation pédagogique.5. Le Monde de l’éducation avril 20016. Le Monde de l’éducation avril 2001

Écoliers à deux ans en France

La classe des tout-petits, au gré des flux

annuels et aussi despressions économiques,

fait alternativement l’objet de menaces oud’encouragements, decritiques ou d’éloges.

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aussi que le personnel soit compétent et en nombre suffisant, qu’il s’agisse d’ensei-

gnants ou d’ATSEM (Agents Territoriaux Spécialisés en Maternelle).

De son côté7, A. Bentolila, professeur de linguistique, considère qu’« avant l’heure,

c’est pas l’heure ». Il invoque en fait le nombre d’enfants par classe : trente avec un

seul adulte, condamnant les enfants à parler avec leurs pairs, privés de la parole d’un

adulte bienveillant, disponible et exigeant qui lui fasse « découvrir ce que parler veut

dire ». Selon lui, l’école telle qu’elle est, en l’absence de conditions favorables et

adaptées ne peut constituer le « seul recours » pour les enfants en manque d’accom-

pagnement surtout dans leur apprentissage linguistique.

Recherche concernant les deux ans

Les apprentissages langagiers : bref historiqueLes travaux concernant l’acquisition du langage chez le jeune enfant sont déjà

anciens. Le courant constructiviste tel que Piaget l’a représenté a été dominant pen-

dant plusieurs décennies en France et a peu posé la question de l’apprentissage du

langage notamment en milieu scolaire, s’intéressant plutôt aux représentations et

constructions relatives à l’écrit et aux connaissances disciplinaires.

Le courant de l’interactionnisme social représenté en particulier par M. Deleau

(1987) en France, durant cette période, a produit des recherches sur la petite enfance

en milieu de garde collective, liées aux travaux de J.Bruner et en amont, à ceux de

L. Vygotski, introduits en France au début des années 80. Cependant, dès 1975, des

propositions pédagogiques ont concerné la maternelle, issues en partie de la psy-

chologie de H. Wallon, et aussi de la sociolinguistique américaine considérant que le

langage est un fait social et qu’en conséquence, la parole de l’adulte est fondamen-

tale pour l’acquisition du langage chez le jeune enfant. Ces propositions concernent

l’entraînement langagier individuel avec les enfants défavorisés susceptibles de ren-

contrer l’échec scolaire.

Ainsi, L.Lentin (1977) élabore une « didactique »8 fondée sur le feedback, l’inter-

action ciblée sur la syntaxe à laquelle la linguistique accorde une priorité. Cette péda-

gogie se répand largement et son influence est encore sensible dans les productions

vidéos récentes, destinées par exemple à la formation des enseignants, réalisées pour

le MEN (1999).

L’objectif est de permettre aux enfants de parler la variété de langues en usage à

l’écrit et d’entrer ainsi plus aisément dans l’apprentissage de la lecture qui se fonde

sur des textes d’une variété peu familière aux enfants des classes défavorisées; le but

est donc de créer une pédagogie alternative à celle issue du behaviorisme et ses exer-

cices structuraux. Par la suite, les travaux d’A. Florin et al. (1985, 1991) ont pu mon-

trer les pistes pour l’enseignement de l’oral en maternelle, sans qu’il soit parti-

culièrement question des écoliers de deux ans, tout comme dans les propositions de

L. Lentin.

250volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Écoliers à deux ans en France

7. Le terme n’entre dans le lexique que dans la fin des années 808. Le terme n’entre dans le lexique que dans la fin des années 80

La parole de l’adulteest fondamentale pourl’acquisition du langage

chez le jeune enfant.

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A partir des années 1990, la didactique de l’oral, fondée au plan scientifique, a

commencé à se constituer d’une part, en prenant appui sur la didactique de l’écrit,

mais aussi sur les didactiques des sciences et sur les travaux relatifs à l’acquisition du

langage. Les travaux d’E. Nonnon, ceux de J. Dolz et B. Schneuwly en Suisse et de C.

Le Cunff à l’Institut Universitaire de Formation des Maîtres de Créteil ont fait pro-

gresser la didactique de l’oral. Ce sont actuellement ces travaux qui fondent aussi

avec ceux d’A. Florin les directives des programmes officiels. L’histoire de la consti-

tution de la didactique de l’oral (Nonnon, 1986, 1999) recoupe celle de la didactique

du langage pour les deux ans. Certains travaux (Le Cunff, 2002; Guénézant, Le Cunff,

2004) se développent dans le Morbihan où 74 % des enfants de deux ans sont scolari-

sés (chiffres de 2001). La recherche ne procède pas par grands programmes, mais plutôt

par expérimentations, recherches-actions locales et cependant, validées par la com-

munauté scientifique grâce à des communications en colloques ou des publications.

Recherche en didactique : l’interactionnisme social en classe de deux ansLe point de départ - au moins pour la recherche en didactique de l’oral à l’IUFM

de Créteil (1989) - a été la communication d’I. Weigl, (1984), invitée pour un colloque

à Rennes par M. Deleau, en même temps que J. Bruner.Partant de l’observation des

enfants silencieux, particulièrement en petite section (3 ans), un modèle de la prise

de parole s’est construit progressivement, permettant de formaliser l’extrême com-

plexité de la prise de parole en classe sous forme de composantes, à décliner ensuite

en termes d’objectifs d’apprentissage.

Le « scénario » de J.Bruner (format) tel qu’il est utilisé par I. Weigl dans son

expérimentation en jardin d’enfants en ex-RDA est le concept-clé qui a permis d’éla-

borer les principes d’une didactique auprès des enfants de maternelle en général,

puis plus particulièrement auprès des tout-petits, associé à celui d’« interaction ver-

bale ». En effet, la recherche d’I. Weigl a consisté à opérer un traitement pédagogique

du modèle de l’acquisition du langage de J. Bruner, à associer action et langage :

(1984 : 94 ) : « Nous avons essayé de « modeler » ces processus naturels d’acquisition

du langage, d’organiser la proposition spontanée et plus ou moins aléatoire de lan-

gage et d’action – qui sont à la base de ces processus- de façon systématique, et nous

avons essayé de diriger consciemment les procédés communicativo-coopératifs ayant

lieu entre les adultes et l’enfant »

Didactique : état actuel

Le langage comme priorité pour le MENL’école maternelle a toujours considéré le langage oral comme une priorité pour

le jeune enfant, avant d’introduire l’écrit comme on le sait : « En accueillant des

enfants de plus en plus jeunes, l’école maternelle a fait du langage oral l’axe majeur

de ses activités » Ministère de l’Education Nationale (2002 : 19). Il en est autrement de

l’école élémentaire qui a tardé à donner à l’oral la place actuelle. Les instructions offi-

cielles inscrivent l’interaction verbale avec l’enseignant et les adultes comme fonda-

251volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Écoliers à deux ans en France

La recherche ne procède pas par

grands programmes,mais plutôt par expéri-

mentations, recherches-actions locales

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mentale pour les apprentissages. A. Florin ajoute à cette action de l’enseignant la

dimension du petit groupe conversationnel auquel participe l’enseignant. Nos propres

recherches nous ont amenés à prendre en compte les échanges avec les pairs d’une

part, et d’autre part à considérer les situations didactiques proposées dans la classe

comme des « formats » pour les apprentissages langagiers. Nous avons également consi-

déré comme cruciale la troisième année pour la construction du langage intérieur

(L Vygotski.). Ces recherches sont prises en compte par les instructions officielles

récentes, renonçant aux situations de type « séances de langage » pour préconiser

l’apprentissage de « l’oral intégré », c’est-à-dire inscrit dans les situations d’action.

Initiation à la parole devant le groupeLes recherches actuelles considèrent que l’enfant naît avec la volonté de com-

muniquer et qu’il n’est pas exclusivement centré sur lui-même. « Les tout-petits sont

beaucoup moins égocentriques qu’on ne l’a cru pendant longtemps » écrit le GNPEM

(2003). Ainsi, dans nos recherches, nous avons travaillé à construire une commu-

nauté discursive dans laquelle les enfants échangent non pas seulement avec

l’adulte, mais aussi avec les pairs. Bien sûr, il s’agit d’abord qu’ils comprennent qu’on

dialogue à l’école, que la communication est différente de l’échange familier dans

lequel l’adulte ne s’adresse qu’à lui, lequel s’appuie sur l’implicite partagé. Il lui faut

apprendre à partager cette parole aussi, attendre son tour, comprendre le type de

conduite attendue selon les moments de la journée (formats). (Guénézant, Le Cunff,

2004; Le Cunff, 2002)

Les travaux de J. Bruner comme ceux de L. Vygotski ont permis d’élaborer des

stratégies, objet d’une expérimentation, pour la didactique dans la classe des deux

ans. Les temps de la classe ont été ritualisés, ce qui est déjà l’habitude à l’école mater-

nelle française, de manière à permettre à l’enfant de comprendre ces temps (dimen-

sion pragmatique) liés aux espaces de la classe, de l’école, et à des conduites discur-

sives. La dimension pragmatique est donc travaillée de manière à permettre à chacun

de se repérer dans les rituels quotidiens, les formats successifs aménagés par l’en-

seignant et pouvoir y intervenir. L’école reconnaît officiellement les capacités préco-

ces des enfants à évoquer le passé, le vécu commun. Ainsi, une vidéo de formation

(Centre National de Documentation Pédagogique, 2001) montre une séquence dans

laquelle la classe des tout -petits se rend en train de banlieue à une gare proche pour

voir une grande horloge nouvellement installée et ensuite réaliser une exposition de

photos commentées par les enfants (l’enseignant notant le commentaire) et un album

collectif, prêté dans les familles. Ce vécu commun constitue la culture commune,

fondement du discours commun d’évocation.

Selon nos propres recherches, anticiper sur les moments à vivre, trouver ses

repères pour pouvoir parler et prendre peu à peu l’initiative de la parole, de l’action

constituent les objectifs du travail de l’enseignant pour construire l’autonomie de

l’enfant, du petit écolier. Chacun entre à son rythme dans la parole publique, dans les

activités, l’étayage de l’enseignant sous forme verbale, l’envie de faire aussi comme

les autres pour prendre son tour et sa place dans le cercle constituent les leviers des

apprentissages pour devenir écolier et trouver les mots nécessaires. « La découverte

252volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Écoliers à deux ans en France

« Les tout-petits sont beaucoup moins

égocentriques qu’on nel’a cru pendant

longtemps »

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du rôle primordial de l’interaction humaine précoce et de l’activité initiée et dirigée

par soi-même dans le cadre de cette interaction, fut un formidable pas en avant. »

écrit Bruner (1995 : 139) à propos de ses recherches, principes moteurs de la didac-

tique qui se construit au fil des expérimentations.

Mais dans nos recherches-actions, nous avons cherché à aller plus loin en

favorisant la prise en charge par les enfants eux-mêmes de l’espace sonore et des

événements qui s’y déroulent, en développant la « dévolution » de la parole. C’est au

travers des jeux de règles, à travers des stratégies de transmission de consignes dans

une perspective d’entraide que cette dévolution s’effectue progressivement. La

socialisation est en lien avec cette stratégie pour que les enfants soient concernés par

les paroles de l’autre afin de transformer le schéma conversationnel enfant-adulte en

échange dans lequel la parole du pair compte aussi. En apprenant à parler, l’enfant

apprend que la parole de l’autre est importante.

La socialisationLa socialisation est une notion complexe et culturellement marquée. Une

recherche antérieure (Le Cunff, 2002) a mis en évidence le lien fort entre l’intégra-

tion, la socialisation dans le cadre de la classe, la participation aux tâches langagières

orales et les apprentissages.9 Les travaux de Charlot et al. (1992) ont montré que le

sens des tâches varie selon la culture de chaque élève et l’intégration, l’acceptation

des règles scolaires (sociales) est liée à ce sens. C’est cette dimension que nous avons

évoquée dans son aspect langagier. « La réussite dans une tâche dépendrait en

grande partie de l’identification par l’élève des différentes finalités dont la situation

est porteuse. La source des difficultés ne serait pas à rechercher dans les dysfonc-

tionnements internes de tel ou tel élève, mais une moindre capacité à se repérer dans

l’univers social des tâches scolaires. Dès lors, la clarification des contextes scolaires

et plus précisément du contrat didactique qui lie le maître et les élèves devrait être

un objectif prioritaire. » L’auteur ajoute qu’ « il y a difficulté grave lorsqu’il y a

déchirure de ce tissu communicatif, c’est-à-dire renoncement des partenaires à

réaliser les ajustements nécessaires(…) les difficultés se construisent au sein des

échanges qui ont lieu dans la classe. », écrit M. Brossard (1992 p.198). On sait aussi

que les postures de retrait ou de participation s’installent dès la maternelle et per-

durent, selon A. Florin (1985). C’est pourquoi, la verbalisation de l’enseignant s’avère

dans nos recherches de première importance.

Prendre la parole constitue aussi le moyen de construire son identité, sa per-

sonne, de participer à la construction d’un discours commun, chargé de la culture

commune construite par le vécu verbalisé au fil des jours. Il s’agit de comprendre les

règles du fonctionnement de l’institution, règles sociales, langagières. C’est pourquoi

aussi, contrairement aux préconisations plus qu’aux recherches d’A. Florin par exemple,

nos recherches montrent que l’apprentissage de la parole et des règles sociales lan-

gagières s’effectue aussi dans le grand groupe voire dans le conseil d’école auquel

prennent part tous les écoliers de la maternelle, quand il en existe un. En effet, même

253volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

9. Rapport de recherche GRE 102 Exclusion/intégration dans la classe le rôle du langage, 2002 Le Cunff et al.

Écoliers à deux ans en France

La source des diffi-cultés ne serait pas

à rechercher dans lesdysfonctionnements

internes de tel ou tel élève, mais unemoindre capacité à

se repérer dans l’univers social des

tâches scolaires.

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s’il n’y prend pas la parole, le tout-petit construit une représentation de ce qui s’y fait

et s’y dit. Les activités dans la classe qui rassemblent tout le monde sont du même

ordre : l’appel, la mise à jour du calendrier ordinaire et l’annonce des événements

extraordinaires qui prennent place dans la vie commune, les projets, les lectures d’al-

bums, etc.… contribuent à construire un rapport à l’autre et un langage commun, un

certain rapport au langage, positif. On y apprend à écouter l’autre. Plus tard, en

Grande Section, on apprend à parler à l’autre sans le blesser10.

Les recherches et les Instructions OfficiellesLes textes officiels prennent en compte les conceptions qui fondent les recher-

ches évoquées et insistent sur la nécessité pour l’enseignant de verbaliser dans ce

but, mais aussi pour permettre au langage d’accompagner l’action, langage en situation

que l’enfant s’approprie donc en observation puis en action comme les recherches-

actions l’ont proposé à partir de la démarche pionnière d’I. Weigl. C’est ensuite le

langage d’évocation qui sera visé, étant entendu que les rythmes d’apprentissage des

enfants sont divers, liés aux habitudes langagières culturelles de chacun.

Les instructions officielles préconisent un travail au plan du « vivre ensemble »,

proposant de mettre en place des discussions, d’apprendre à écouter l’autre. Les

recherches ont préparé ces textes. Il reste à développer ces recherches selon les axes

présentés. Or, il n’y a pas de réel programme de recherche sur les pédagogies des-

tinées aux jeunes enfants dans les différents modes d’accueil. (Plaisance, Rayna,

1999, Florin, 2000)

Apprendre à deux ans à l’école

Les instructions officielles mais surtout les pratiques ne prennent pas toujours

en compte les capacités d’apprendre de l’enfant. On considère que le jeu est la seule

activité à proposer à l’enfant de cet âge. Les jeux sont aussi un mode de différencia-

tion culturelle fort entre les familles. Il est des jeux qui éduquent et préparent à l’é-

cole et il est des jeux qu’aucun adulte n’accompagne de ses mots et la fonction est

alors autre. Comment donc concilier jeu et apprentissage, temps libre et temps d’at-

tention convergente sur un objet d’apprentissage?

Préparer la démarche scientifique : recherche-actionLes sources théoriques de nos recherches sont celles que nous avons évoquées;

en ce sens, il nous semble important de considérer que les démarches intellectuelles

se mettent en place dès cet âge. C’est le cas en milieu naturel et le rôle de l’école est

d’agir afin que chaque enfant accède à ces discours et ces outils intellectuels que l’in-

stitution privilégie pour les apprentissages. Nous avons choisi de travailler11 la dé-

couverte du vivant avec les tout-petits dans l’esprit des recommandations officielles.

254volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Écoliers à deux ans en France

10. Rapport de recherche Oral savoirs socialisation, C. Le Cunff, 2004, IUFM de Bretagne11. Le Cunff, Catherine, 2004, Rapport de recherche Oral, savoirs, socialisation, Rennes, IUFM de Bretagne

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Ainsi, par exemple, le temps de la collation est devenu temps d’exploration de la

pomme et des diverses formes qu’elle prend : jus, fruit cru et préparations cuites

diverses. (Le Cunff, 2002) Comparaison, vérification, explicitation et justification ont

trouvé place dans cette activité prolongée d’une sortie dans une ferme où l’on fa-

brique du jus de pommes selon des méthodes artisanales auxquelles on a fait par-

ticiper les enfants. Et ensuite, on a fait aussi du jus de pommes en classe, sous les

yeux des enfants avec leurs commentaires et ceux de l’enseignant. Le livre docu-

mentaire a accompagné ce travail.

Ailleurs, ce sont tous les fruits ou tous les légumes qui ont fait l’objet d’une

exploration de tous les sens, dans un projet qui a permis à chacun de dire sa relation

vécue avec tel fruit ou tel légume chez lui, de comparer le cru du cuit, les textures, les

goûts et les odeurs. Le familier devient objet à questionner et non seulement à con-

sommer. L’enfant apprend à poser des questions, à dire son expérience immédiate,

vécue ailleurs ou avant, à entendre d’autres avis, à vérifier : une démarche de décou-

verte se constitue dans les mots et les actions. (Guénézant, Le Cunff, 2004)

Les jeux : revisiter leur statutLes situations mises en place pour les apprentissages conservent une dimen-

sion ludique, le nouveau s’inscrit dans un rituel : ouvrir une boîte pour découvrir le

légume du jour par exemple. Le jeu libre conserve également sa place dans l’espace

de la classe, dans les temps de la classe. Il est des jeux à règles aussi qui permettent

la dévolution, l’apprentissage des règles (Guénézant, Le Cunff, 2004), des jeux édu-

catifs disposés sur les tables à différents moments, accompagnés par l’adulte,

observés puis réalisés sont des occasions didactiques. Certaines expérimentations

dans le cadre de mémoires professionnels ont utilisé de manière innovante les coins

dînette par exemple, habituellement coins de jeux libres pour des apprentissages

mathématiques ou sociaux.12

Entrée dans l’écritParmi les domaines d’apprentissage, on rencontre l’écrit, comme construction

de savoirs dans classe dès deux ans. L’entrée dans l’écrit et la familiarisation avec les

albums, principalement, ont fait l’objet de recherches importantes et nombreuses à

la maternelle, associées à la dictée à l’adulte qui trouve sa place aussi dans la classe

des tout -petits. Ces travaux s’inspirent des recherches d’E. Ferreiro, relayées par la

recherche psycholinguistique française, utilisant des dispositifs pédagogiques aussi

mis en place par L. Lentin (1977). Le MEN intègre aussi ces recherches dans les

Instructions Officielles depuis 1992.

255volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Écoliers à deux ans en France

12. Mémoire pour le certificat d’aptitude aux fonctions de formateur, LE NABAT, Isabelle (2004 ), IUFM deBretagne France

L’enfant apprend à poser des questions, à dire son expérience

immédiate, vécue ailleurs ou avant,

à entendre d’autres avis,à vérifier : une démarche

de découverte se constitue dans les

mots et les actions.

Page 258: Nouvelles tendances à l’égard de la petite enfance1,2,3 GO!sur le développement et le bien-être des tout-petits et de leurs familles Élisa DENIS, Gérard MALCUIT, Andrée POMERLEAU

Conclusion

La classe des tout-petits est une particularité que la France partage avec la

Belgique. Elle a fait l’objet de peu de recherches spécifiques : on s’intéresse davan-

tage à l’enfant qu’à l’écolier. Cependant, le Ministère de l’Education Nationale lui a

consacré des écrits et elle fait l’objet de débats, auxquels sont conviés les spécialistes.

Les programmes pour l’école maternelle proposent des démarches issues de

recherches inspirées en particulier par l’interactionnisme social, dont nous avons

rendu compte, et dont les enseignants sont loin d’avoir adoptés dans leurs pratiques.

Les cadres théoriques existent donc et quelques recherches-actions proposent des

pistes pour la didactique et pour des recherches encore à mettre en place. Il serait

nécessaire et urgent de développer les recherches sur les conditions pour que la sco-

larisation précoce soit favorable à la réussite notamment des enfants défavorisés.

Aucune recherche d’envergure n’existe à ce jour. Seules quelques recherches-actions,

de type qualitatif, que nous avons évoquées, proposent des pistes prometteuses.

Comme nous l’avons rappelé, une des pistes consiste à explorer davantage les

conditions pour que la scolarisation précoce soit efficace. Il s’agirait en particulier

d’évaluer les pratiques innovantes des enseignants, pratiques fondées sur l’interac-

tionnisme social. La place donnée aux interactions langagières entre adulte et enfant

et entre pairs, qui varie considérablement dans les pratiques de classe, est à prendre

en compte dans les effets d’une pédagogie. De même, la prise en compte de la com-

pétence métalangagière de l’enfant et la pratique de la dévolution telle que nous la

définissons, devraient constituer des éléments d’explication décisifs pour les diffé-

rences dans les pratiques et les représentations des enseignants comme dans les

effets sur les enfants. Selon nos hypothèses, ce sont-là les clés pour déterminer les

conditions d’une scolarisation précoce efficace, à condition aussi d’ajouter la rela-

tion entre compétence langagière et socialisation dans l’observation des différences

entre enfants. Des études longitudinales manquent cruellement pour donner des

arguments à ceux qui œuvrent au maintien des classes de deux ans et les aider à

définir les conditions de leur efficacité.

Un effort important doit aussi se porter sur la diffusion des recherches en for-

mation du personnel au contact de ces écoliers, sur l’accueil des parents aussi, ainsi

que le soulignent les revues de travaux menées par Florin (2000) ou Plaisance et

Rayna (1999). Les Instructions Officielles pour l’école en France manifestent une

avance dans leurs propositions pédagogiques, et par rapport aux pratiques réelles et

par rapport à l’état de la recherche sur ces questions.

256volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Écoliers à deux ans en France

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Écoute furtive en lecture des élèves du préscolaire dans les classes à plusieursniveaux

Sophie BRIQUET-DUHAZÉ I.U.F.M. de l’Académie de Rouen, Université de Rouen, France

RÉSUMÉ

Beaucoup moins nombreuses qu’au XIXème siècle, les classes rurales à

plusieurs niveaux font encore partie du paysage scolaire français. Les performances

des élèves ont été seulement étudiées depuis les années 1980 en France et s’avèrent

égales voire légèrement supérieures à celles des élèves de cours uniques en milieu

urbain (M.E.N., 1995).

La préscolarisation a elle-même évolué dans les petites écoles de campagne. Si

les élèves fréquentaient la Section Enfantine un ou deux ans tout au plus avant l’ap-

prentissage de la lecture, il y a quinze ans encore, la configuration actuelle tend vers

un compromis avec la création plus large de classes maternelles pour plusieurs vil-

lages, permettant aux enfants de la fréquenter presque aussi longtemps que leurs

camarades inscrits dans une école maternelle.

Notre première recherche a comparé les résultats en lecture des élèves de C.P.

scolarisés dans les classes S.E./C.P.et S.E./C.P./C.E.1 avec ceux des élèves de C.P. à

cours uniques (Briquet-Duhazé, 1997). Dans les classes à plusieurs niveaux, les C.P.

obtenaient des résultats significativement supérieurs. L’observation des élèves de

Section Enfantine pendant des leçons de lecture dispensées par l’enseignant aux

élèves de C.P. nous a permis de révéler une « écoute furtive » des premiers. L’analyse

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plus précise de la variable temps de préscolarisation (sans influence dans ces classes)

et l’évolution de la préscolarisation en milieu rural ont orienté notre projet de deuxième

recherche au regard de l’autonomie plus grande des enfants et de la présence partagée

du maître qui caractérisent ces classes. Le suivi en classe unique d’élèves de grande

section déjà préscolarisés de deux années confirme l’existence de cette « écoute

furtive » et permet d’identifier sa présence même en dehors de tout comportement

interactif observable.

ABSTRACT

Furtive Listening While Reading Observed in Pre-School Students inMulti-Grade ClassroomsSophie Briquet-Duhazé, I.U.F.M., Académie de Rouen,

CIVIIC Laboratory, Education Sciences

Université de Rouen, France

Although there are far fewer of them than in the 19th century, rural multi-grade

classrooms are still part of the French educational landscape. The performance of

these students has only been studied since the 1980s in France, and they seem to do

as well or slightly better than urban students in same-grade classes (M.E.N., 1995).

Our first study compared the reading results of C.P. students educated in

S.E./C.P. and S.E./C.P./C.E.1 with those of C.P. students in single-grade classes

(Briquet-Duhazé, 1997). In multi-grade classes, the C.P. obtain significantly better

scores. Observations of students in the children’s section of the library during read-

ing lessons given by the C.P. teacher, revealed "furtive listening". A more precise

analysis of the time variable of pre-school education (which had no influence in

these classes) and the development of pre-school education in rural areas oriented

our second research project towards the greater autonomy of the students and the

shared attention of the teachers, which characterizes these classes. Follow-up in

multi-grade classes made up of students who attended pre-school for two years con-

firmed the existence of this "furtive listening" and allowed it to be identified even

outside all observable interactive behaviour.

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Écoute furtive en lecture des élèves du préscolaire dans les classes à plusieurs niveaux

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RESUMEN

Escucha furtiva en lectura de alumnos en preescolar en clases de variosnivelesSophie Brique-Duhazé, IUFM de la Academia de Rouen,

Laboratorio CIVIIC de Ciencias de la Educación

Universidad de Rouen, Francia

Mucho menos abundantes que durante el siglo XIX, las escuelas rurales uni-

tarias aun forman parte del paisaje escolar francés. Los resultados de los alumnos se

empiezan analizar solamente a partir de los años 1980 en Francia y se revelan idén-

ticos e incluso superiores a los de los alumnos de clases normales en el medio urbano

(MEN 1995)

Nuestra primera investigación comparó los resultados en lectura de los alum-

nos de C.P escolarizados en las clases S.E./C.P. y S.E./C.E./C.E.1 con los resultados de

los alumnos de C.P. de clases normales (Briquet-Duhazé, 1997). En las clases de var-

ios niveles, los C.P. obtuvieron resultados significativamente superiores. La obser-

vación de los alumnos de la Sección infantil durante las clases de lectura que ofrecían

los maestros a los alumnos de C.P. nos permitieron revelar una ‘escucha furtiva’ de los

alumnos. Un análisis más preciso de la variable tiempo de preescolarización (sin

influencia en esas clases) y la evolución de la preescolarización en el medio rural orien-

taron el proyecto de nuestra segunda investigación respecto a la mayor autonomía

de los alumnos y a la presencia compartida del maestro que es lo distintivo de dichas

clases. El seguimiento en clase de alumnos de gran sección preescolarizados durante

dos años confirma la existencia de la ‘escucha furtiva’ y permite identificar su pres-

encia a parte de todo comportamiento interactivo observable.

Introduction

Notre étude longitudinale se compose de deux recherches et porte sur l’obser-

vation des élèves de S.E.1 pendant des leçons de lecture dispensées par l’enseignant

aux élèves de C.P.2 ou de C.E.13 inscrits dans une classe à plusieurs niveaux. La pre-

mière recherche est achevée et nous présentons ici le projet constituant l’armature

pilote de la seconde.

261volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Écoute furtive en lecture des élèves du préscolaire dans les classes à plusieurs niveaux

1. S.E. : Section Enfantine. Elle regroupe en général les élèves de 4 -5 ans et ceux de 6 ans (C.P.) premièreannée d’école élémentaire au sein d’une même classe, lorsqu’il n’existe pas d’école maternelle ou de classematernelle. L’abréviation de Section Enfantine (S.E.) sera utilisée dans l’article.

2. C.P. : Cours Préparatoire (élèves de 6 ans), seconde année de cycle 2 (apprentissages fondamentaux) et première année de l’école élémentaire.

3. C.E.1 : Cours élémentaire deuxième année (élèves de 7 ans). Troisième et dernière année du cycle 2 desapprentissages fondamentaux.

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Notre réflexion est axée sur le rôle des interactions entre élèves lecteurs et non

lecteurs émergeant sous et en dehors du contrôle visuel du maître. Ces interactions

répétées favorisent l’analyse de deux approches complémentaires que sont :

• la construction de la notion de représentation des apprentissages futurs liée à

une perception originale de la notion de temps chez l’élève de classes à plu-

sieurs niveaux, le temps long;

• l’opportunité que s’autorise l’élève d’appréhender certains apprentissages qui

relèvent d’un autre niveau que le sien; ici la lecture.

Plus généralement, nous essaierons de définir comment la structure et la ges-

tion d’une classe rurale primaire à plusieurs niveaux, dont les modalités spécifiques

sont la présence partagée du maître et l’autonomie de l’élève, peuvent permettre à

l’enfant de devenir élève, de trouver un sens aux activités, d’utiliser le langage au sein

de discussions entre pairs, d’être un sujet parlant-pensant, mais surtout de dévelop-

per une écoute furtive des apprentissages, notamment en lecture.

Présentation quantitative et qualitative des classes ruralesà cours multiples et de la section enfantine

Cadrage théoriqueUne classe à plusieurs niveaux est un mode de regroupement particulier qui

caractérise principalement l’école primaire française. Ces cours peuvent être doubles,

triples ou composés de six sections en classe unique4. Les recherches françaises

analysant comparativement les cours uniques et les cours multiples sont relative-

ment récentes et portent sur les acquis scolaires des élèves. Elles démontrent que les

performances de ceux-ci sont plus élevées dans les cours multiples (Oeuvrard, 1990;

Jarousse et Mingat, 1993; Ferrier, Vandevoorde, 1993). Cet écart est d’autant plus

grand que la mesure est réalisée dans une classe unique (Vogler et Bouissou, 1987;

Oeuvrard, 1990, 1995), et les classes à double niveaux ont des résultats légèrement

supérieurs aux classes à un seul cours (Leroy-Audouin et Mingat, 1995). En ce qui

concerne les cours triples, les performances y sont égales à celles des élèves des cours

uniques, mais il semble que les enseignants aient plus de difficultés dans la gestion

de ce type de classe (Bressoux, 1994).

L’efficacité des classes à plusieurs niveaux est donc reconnue dans le sens où,

quel que soit le nombre de sections considérées, les élèves n’obtiennent jamais des

résultats inférieurs à ceux poursuivant leur scolarité dans des cours uniques jugés

cependant plus performants (Mingat et Ogier, 1993). La croyance ancienne en des

résultats scolaires inférieurs dans les classes de milieu rural avait décidé le monde

politique, il y a plusieurs années, à créer des Regroupements Pédagogiques

Intercommunaux (R.P.I.) qui, s’ils offrent l’avantage d’éviter l’isolement voire la sup-

262volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Écoute furtive en lecture des élèves du préscolaire dans les classes à plusieurs niveaux

4. Classe unique : classe regroupant tous les cycles, tous les niveaux de la maternelle au C.M.2 (Cours moyendeuxième année) soit entre 4 et 11 ans.

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pression de petites écoles, génèrent un coût énorme en transport et en fatigue pour

les enfants. L’étude de Mingat et Ogier porte sur la pertinence des choix opérés, éva-

lue les modes de regroupement des élèves sur leurs acquis scolaires et montre que les

résultats vont à l’encontre de ces opinions. Si en 1877, sur 51 250 écoles publiques,

44 323 étaient à classe unique, leur nombre a toutefois considérablement chuté

puisque aujourd’hui, on en dénombre à peu près 8005. Cependant, le nombre d’écoles

à 2 ou 3 classes s’élève tout de même à 17 000, maternelles et élémentaires confon-

dues, ce qui représente une part non négligeable des écoles publiques françaises.

Les résultats obtenus à l’issue de ces recherches (Leroy-Audouin et Duru-Bellat,

1990, 1991; Leroy-Audouin et Suchot, 1994; Leroy-Audoin et Mingat, 1995) sont inter-

prétés grâce à l’analyse des pratiques pédagogiques des maîtres. Dans les classes à

plusieurs cours, les élèves sont à la fois plus autonomes et plus longtemps en situa-

tion de travail personnel. Dans une classe à un seul niveau, les élèves ont un temps

de travail personnel plus court; les enseignants étant plus directifs et ayant une ges-

tion du temps beaucoup plus lâche. Ce temps de travail individuel semble être pro-

portionnel au nombre de sections; il est montré qu’il est donc supérieur dans les

classes uniques. Le travail individualisé et le tutorat sont des pratiques plus fré-

quentes et intégrées à la pédagogie des classes uniques. Les professeurs de collège6

reconnaissent pour la plupart que les élèves issus de ces petites structures du pri-

maire ont des compétences qui vont au-delà des seuls résultats scolaires comme des

capacités à davantage travailler seuls, à être plus et mieux organisés et à montrer une

plus grande autonomie (Leroy-Audouin et Mingat, 1995). Il faut cependant noter

qu’après l’école primaire, les élèves des milieux ruraux ont tendance à sous-évaluer

leur niveau scolaire et à envisager un éventail de projets de poursuite d’études moins

large et bien plus modeste que leurs camarades de villes a priori liés à un moindre

souhait de mobilité géographique (Poirey, Alpes, 2001).

Au niveau international, Veenman (1995, 1996, repris par Russell, Rowe et Hill,

1998), qui a passé en revue 56 études réalisées dans 12 pays, conclut qu’il n’y a pas de

différence significative, quant aux résultats, entre les classes multiniveaux et les classes

à cours simples. Mason et Burns (1996) ont contesté l’interprétation des résultats de

Veenman (et non les résultats) en présentant un effet légèrement négatif des classes

multiniveaux. Cette contestation repose principalement sur le manque de motiva-

tion des professeurs. Toutefois, les limites de cette contestation trouvent leur source

dans les variables explorées fort différentes (taille de la classe, qualité des cours, tra-

vail autonome mis en place, matériel disponible…), mais aussi dans la sélection ou

non des élèves composant ces classes. Les termes utilisés sont eux-mêmes signifi-

catifs quant à la difficulté d’établir des comparaisons scientifiquement argumentées :

la classe multiniveaux décrit une classe dans laquelle les élèves sont placés ensemble

pour des raisons administratives tandis que la classe multi-âge est organisée à travers

263volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Écoute furtive en lecture des élèves du préscolaire dans les classes à plusieurs niveaux

5. Après une longue période de stabilité, le nombre de classes uniques diminue considérablement après la seconde guerre mondiale ; de 19000 en 1960-61, elles passent à 11500 au début des années 1980. FERRIER Jean, « L’école en milieu rural », juin 1996, Revue Internationale d’Education, Sèvres, 31-137.

6. Le collège en France est un établissement d’études secondaires de la 6e à la 3e pour les élèves âgés de 12 à 15 ans.

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les niveaux et les âges par choix et pour des raisons pédagogiques uniquement.

Globalement, que ce soit en Australie (pays ayant une très grande expérience des

classes multiniveaux), en Europe (Grande Bretagne, Allemagne, Suisse, Pays-Bas…)

ou en Amérique du Nord, les recherches montrent qu’il n’y a pas de différence quant

aux résultats entre ces classes et les classes à un seul niveau, mettant en avant l’au-

tonomie plus grande des élèves et leur socialisation.

Les résultats des recherches françaises montrent des résultats légèrement posi-

tifs. Pour cette raison, afin d’appuyer la nécessité d’être prudents, nous avons choisi

de ne conserver que le cadrage théorique français en précisant les variables choisies,

d’autant plus que notre travail porte sur la lecture et son apprentissage.

Évolution de la préscolarisation en FranceOutre les classes à plusieurs niveaux, ce qui caractérise les écoles de milieu rural

en France est, sans aucun doute, la préscolarisation des élèves. Cette dernière a consi-

dérablement évolué au fil des années et a offert un paramètre fondamental à intégrer

dans nos recherches sur l’apprentissage de la lecture et les interactions entre élèves

dans ces structures scolaires.

En effet, si dans notre pays, le système préscolaire peut se définir principale-

ment par son école maternelle accueillant les élèves entre 2 et 5 ans, en quatre sec-

tions distinctes et/ou regroupées en plusieurs7, il existe une autre configuration,

beaucoup moins connue, mais réellement présente néanmoins en milieu rural, la

section enfantine.

Les élèves définissant cette section peuvent avoir 4 ou 5 ans, plus rarement 3, ce

qui signifie qu’en fonction du milieu géographique dans lequel est implantée l’école

d’une part, et en fonction du nombre d’élèves au total ainsi que dans chaque section

d’autre part, ils peuvent être préscolarisés un an, deux et plus rarement trois

(Briquet-Duhazé, actes du Colloque de Genève, septembre 2003, à paraître). De plus

en plus, les S.E. effectuent une année de P.S.8 et une autre de M.S.9 dans une classe

maternelle et partagent leur année de grande section avec des élèves de C.P. et/ou de

C.E.1 et/ou en classe unique. Dans ce cas, ils ne sont plus désignés comme le groupe

formant la S.E., car ils ont déjà été préscolarisés auparavant dans une structure

maternelle.

Les performances en lecture dans les classes S.E./C.P. etS.E./C.P./C.E.1 : élaboration de la notion d’ « écoute furtive »

Méthodologie et principaux résultatsCette première recherche a mesuré et comparé les niveaux des élèves en fin de

C.P. dans les deux catégories de classes suivantes :

264volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Écoute furtive en lecture des élèves du préscolaire dans les classes à plusieurs niveaux

7. T.P.S. : Toute Petite Section (2 ans) ; P.S. : Petite Section (3 ans) ; M.S. : Moyenne Section (4 ans) ; G.S. : GrandeSection (5 ans).

8. P.S. : Petite Section de maternelle (enfants de 3 ans).9. M.S. : Moyenne Section de maternelle (enfants de 4 ans).

Outre les classes àplusieurs niveaux,

ce qui caractérise lesécoles de milieu rural

en France est, sansaucun doute, la présco-

larisation des élèves.

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• S.E./C.P. et S.E./C.P./C.E.1 : les C.P. ayant été préscolarisés en moyenne un ou

deux ans en S.E.

• C.P. à cours uniques ayant effectué trois ou quatre années en maternelle.

L’enquête par questionnaire réalisée auprès des maîtres de C.P. a concerné

905 élèves de C.P., dont 176 inscrits dans les classes à cours multiples et 729 scolarisés

en C.P. désigné comme « purs ». Un traitement statistique (tris à plat, modèles multi-

variés) a mis en relation notre variable dépendante, le niveau en lecture, et trois vari-

ables indépendantes : le sexe, le temps de préscolarisation et la catégorie sociopro-

fessionnelle du père.

Le niveau en lecture, décomposé en quatre items (bon, moyen, insuffisant,

médiocre) a été mesuré à l’issue de l’année scolaire du C.P., temps fort de l’appren-

tissage de la lecture.

Les principaux résultats montrent que « toutes choses égales par ailleurs », les

élèves de C.P. obtiennent significativement de meilleures performances en lecture

dans les classes à plusieurs niveaux incluant une section enfantine, que ceux inscrits

dans le système dominant de séparation école maternelle et C.P. appartenant à l’école

élémentaire (Briquet-Duhazé, 1997).

L’étude plus précise de l’influence de la variable sexe fait apparaître une cons-

tante du niveau obtenu en lecture dans les deux catégories de classes où les filles ont

plus de chances que les garçons d’obtenir un niveau bon ou moyen. A l’identique,

l’influence de la catégorie socio-professionnelle du père est la même quelle que soit

la classe considérée : un élève de catégorie « favorisée » a plus de chances d’obtenir

un niveau bon ou moyen qu’un autre issu de catégorie « défavorisée ».

Par contre, 28 % des élèves des classes S.E./C.P. et S.E./C.P./C.E.1 ont été présco-

larisés 2 ans contre la moitié de cet effectif dans les classes de C.P. où d’ailleurs la

faible préscolarisation voire l’absence totale est peu représentée alors qu’elle concerne

encore 19 % des élèves dans les classes à plusieurs cours et inversement en ce qui

concerne la forte préscolarisation.

Outre ces disproportions dans les deux catégories de classes, l’analyse révèle

qu’il semble ne pas y avoir de lien significatif entre le niveau en lecture et le temps de

préscolarisation dans les classes à plusieurs niveaux alors que ce lien est très fort

dans les classes de C.P. à cours unique. Cette absence de lien entre les deux variables

dans les classes S.E./C.P. et S.E./C.P./C.E.1 signifierait que dans ces classes, ce temps

n’influencerait pas les résultats en lecture.

Nous avions mesuré, au moment de cette étude, toute la prudence nécessaire

dont il convenait d’user pour affirmer ces résultats d’autant que l’échantillon formant

les S.E. était conjoncturellement très inférieur à celui des élèves ayant fréquenté une

école maternelle. Ceci est d’autant plus vrai qu’aujourd’hui, leur nombre est encore

moins important au regard des R.P.I. mis en place en milieu rural. De plus, ces résul-

tats allaient à l’encontre des études sociologiques montrant qu’une préscolarisation

plus longue augmentait les chances de réussir la scolarité future.

Nous avons comparé ces résultats à ceux obtenus dans une autre enquête où les

élèves de milieux ruraux obtenaient de meilleurs résultats que les élèves de milieux

265volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Écoute furtive en lecture des élèves du préscolaire dans les classes à plusieurs niveaux

Les principaux résultats montrent que« toutes choses égales

par ailleurs », les élèvesde C.P. obtiennent

significativement demeilleures performances

en lecture dans les classes à plusieurs

niveaux incluant unesection enfantine

L’analyse révèle qu’ilsemble ne pas y avoir

de lien significatif entrele niveau en lecture et le temps de préscola-

risation dans les classesà plusieurs niveaux

alors que ce lien est très fort dans les classes

de C.P. à cours unique.

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urbains (Brizard, 1995). Cette étude, comparant les résultats en mathématiques et en

français au C.E.2, montrait que, quel que soit le lieu d’implantation de l’école (milieu

rural ou urbain), les filles réussiraient mieux que les garçons en français, mais ces der-

niers obtiendraient des résultats comparables à ceux des filles, en mathématiques.

De même, les enfants de cadres supérieurs réaliseraient, quelle que soit la disci-

pline considérée, des résultats supérieurs à ceux des enfants des autres catégories

sociales. Pourtant, en mathématiques, les enfants d’ouvriers ruraux obtiendraient de

meilleurs résultats que les enfants d’ouvriers urbains.

L’auteure s’est également intéressée à l’influence du nombre de niveaux dans la

classe sur les résultats des élèves de C.E.2 et conclut que les résultats dans cette disci-

pline seraient d’autant meilleurs que le nombre de niveaux dans la classe serait élevé.

Par contre, la scolarisation en milieu rural au sein de regroupements pédago-

giques ne permettrait pas d’obtenir de meilleurs résultats. Au contraire, puisque les

élèves ruraux hors R.P.I. obtiendraient des résultats supérieurs en français et en mathé-

matiques, que les élèves scolarisés en R.P.I.

Afin d’expliquer ces écarts, l’auteure s’est attachée à la variable taille de la classe

du point de vue effectif qui, étant souvent plus petite en milieu rural, influencerait les

résultats des élèves. Au regard de notre échantillon, il apparaissait que les élèves issus

de ces classes à cours multiples comprenant une section enfantine obtenaient de

meilleurs résultats en lecture que les C.P. issus des cours uniques, mais surtout que le

temps de préscolarisation ne semblait pas influencer leurs résultats, uniquement dans

ces classes. C’est pourquoi, dans ce cas, l’analyse selon laquelle la réussite scolaire

croît avec le temps de préscolarisation ne pouvait être valide et était à rechercher

ailleurs.

Interprétation des résultats

Afin d’expliquer ces résultats supérieurs dans les classes à cours multiples, nous

avons analysé le passage maternelle/C.P. plus doux et moins traumatisant dans ces

classes; continuité que l’on est censé retrouver dans toutes les écoles depuis la mise

en œuvre de la Loi d’Orientation de 1989, et plus particulièrement l’organisation en

cycles pluriannuels. Cette application demeure toutefois difficile et inégale encore

aujourd’hui. Dans un second temps, nous avons étudié les interactions entre les

élèves des différents cours. C’est cette piste de recherche que nous allons définir plus

précisément ici.

L’observation des élèves de section enfantine pendant des leçons de lecture dis-

pensées par le maître aux élèves de C.P. dans une classe S.E./C.P./C.E.1 a révélé que

la majorité d’entre eux pratiquaient une « écoute furtive » de ces leçons selon des

modalités propres à chacun, alors que tous réalisaient un travail en autonomie dans

ce même temps. Une grille d’observation nous a permis de dégager huit comporte-

ments interactifs chez les élèves de S.E. observés durant une année scolaire : écoute

la leçon faite au C.P.; répond spontanément à une question que pose le maître au C.P.;

lève le doigt pour répondre; répond à une question que le maître a posé au C.P. avec

266volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Écoute furtive en lecture des élèves du préscolaire dans les classes à plusieurs niveaux

L’observation desélèves de section

enfantine pendant desleçons de lecture dis-pensées par le maître

aux élèves de C.P. dansune classe S.E./C.P./C.E.1 a révélé que lamajorité d’entre eux

pratiquaient une« écoute furtive »

de ces leçons

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approbation du maître; anticipe les réponses; se lève spontanément pour aider un C.P.;

se lève pour aider un C.P. à la demande du maître; donne à son voisin une réponse à la

question posée par le maître au C.P. Nous avons analysé ces interactions en fonction

de la structure particulière de la classe à plusieurs niveaux.

La présence partagée du maître et l’autonomie des élèves

Concept du temps longPour l’enseignant de milieu rural, faire travailler les élèves des différentes sec-

tions avec un maximum d’efficacité est une nécessité qui prend ses racines dans une

réalité fonctionnelle : sa présence partagée. Pensée en amont par le maître, l’organi-

sation de la classe consiste en premier lieu à élaborer un plan sur lequel les différents

espaces seront agencés. Ils permettront à l’enseignant de gérer deux à six sections

tout en conservant l’opportunité d’en regrouper plusieurs à certains moments. Cela

induit inévitablement une réflexion sur le travail en groupes, ici défini administra-

tivement par les niveaux, mais également une attention sur les apprentissages

conçus sur une période plus longue qu’une année scolaire, le cycle voire toute la sco-

larité. Afin de gérer l’hétérogénéité des élèves marquée davantage par les sections,

mais surtout sa présence partagée, l’enseignant de classes à cours multiples organise

le travail en autonomie sous la forme d’ateliers périphériques le plus souvent. Du

coin-écoute aux fichiers permettant l’auto-évaluation en passant par un atelier scien-

tifique, tous ont l’objectif général de favoriser les apprentissages individualisés. De ce

fait, dans ce type de classes, cette organisation pédagogique permet d’éviter les

temps d’attente d’une section lorsque le maître travaille avec une autre (c’est égale-

ment l’un des rôles du plan de travail en pédagogie Freinet outre le travail indivi-

dualisé). C’est donc une pratique qui, d’une part, permet à l’enseignant de gérer au

mieux le groupe classe et qui, d’autre part, est pour l’élève un moyen d’accéder à une

relative autonomie tout en apprenant. Le travail en autonomie a donc pour objectif

de rendre l’élève apte à se prendre en charge à titre individuel ou collectif. Il fait l’ex-

périence des responsabilités, des choix, de la motivation tout en se socialisant. Il

devient acteur de ses apprentissages construits et non uniquement reçus. Pendant

un cours magistral, les élèves n’ont pas de droit de regard sur la séance préparée par

l’enseignant; cette séance s’intégrant à une séquence et à une progression. Le travail

du maître pour ses élèves n’est que très rarement négociable. En pédagogie de l’au-

tonomie, le professeur a conçu ou mis à disposition des outils, il propose des situa-

tions pédagogiques…il devient accompagnateur (Chesnais, 1998). Cette démarche

fait l’hypothèse que l’élève est une personne, un individu responsable, qui aura son

propre cheminement pour construire un savoir, se construire en tant qu’être pen-

sant. La réflexion personnelle et partagée est au centre du travail en autonomie. Il

s’agit de rechercher la coopération, d’établir des relations aux autres dans le but

d’aider, de progresser, de partager, d’apprendre… C’est également donner du sens à

l’apprentissage, en s’interrogeant, en évaluant, en cherchant à comprendre. C’est

accepter l’erreur : si l’enfant accepte de se tromper, c’est qu’il se construit une autre

267volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Écoute furtive en lecture des élèves du préscolaire dans les classes à plusieurs niveaux

Avant tout, ils seposent des questions là

où d’autres élèves, en cours uniques

notamment, posent desquestions. La différence

notable réside dans l’attente de la réponse.

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idée du temps, celui qu’il faut pour apprendre; et une certaine idée de l’apprentis-

sage qui procède par étape et non comme un savoir-résultat (Brunot et Grosjean,

1999). C’est l’un des versants du concept du temps long que nous définissons ainsi.

Lorsqu’ils travaillent en autonomie, les élèves deviennent responsables de leur

tâche. Ils se doivent de répondre, seuls ou en groupe, à des problèmes pouvant être

soulevés dans l’immédiateté d’une action. Réguler le bruit qu’ils font alors que le

maître travaille avec un autre niveau, se procurer du matériel, se faire réexpliquer

une consigne… sont autant de décisions à prendre et à réinvestir grâce à leur vécu,

leur expérience, car ils ont conscience qu’ils ne peuvent déranger l’enseignant et

qu’ils sont autorisés par lui à les prendre. Décisions à différer également lorsqu’elles

demandent à être discutées, validées, partagées… Avant tout, ils se posent des ques-

tions là où d’autres élèves, en cours uniques notamment, posent des questions. La

différence notable réside dans l’attente de la réponse. D’un côté, les élèves entrent

dans un cheminement de la pensée individuelle et collective; de l’autre, les élèves

sont dans une certitude d’obtenir une réponse immédiate de la part du professeur,

réponse dont ils ne perçoivent pas toujours l’élaboration, le cheminement, la justifi-

cation. Dans les deux cas, si la question existe, le rapport au temps est différent : du

temps pour comprendre, chercher, réfléchir seul ou à plusieurs ou du temps réduit à

la réponse immédiate, qui offre à l’élève un modèle consistant à supposer que la

réponse appartient toujours à l’autre, à l’adulte le plus souvent, au maître plus parti-

culièrement. Cela constitue de notre point de vue des connaissances transversales

solides et valides lorsqu’il s’agit d’en acquérir d’autres beaucoup plus académiques

(Briquet-Duhazé, 2003).

Rôle de l’enseignantL’enseignant, pour mettre en place une pédagogie de l’autonomie, mène une

réflexion sur son propre rôle (devenir médiateur), sur sa place dans la classe

(accepter de s’effacer) et propose des situations authentiques sous forme de projets,

de contrats, de séances… Dans la classe à plusieurs niveaux, la situation authentique

est produite par la structure même de la classe; celle-ci donnant tout son sens à la

pédagogie de l’autonomie qui devient alors une condition nécessaire à la gestion du

groupe. Ce travail en autonomie dans une classe à plusieurs cours produit des chan-

gements de points de vue sur ce qu’est la connaissance au sens large, sur les conte-

nus, les apprentissages dans les autres niveaux que celui auquel appartient l’élève. Il

se construit des représentations sur des connaissances apprises dans un autre niveau

que le sien (niveaux supérieurs), en revoit d’autres (niveaux inférieurs). Ces appren-

tissages regardés sont une spécificité de la classe unique notamment où l’élève, plus

que dans tout autre univers scolaire, a l’opportunité d’observer l’enseignant faire

classe à un groupe dont il ne fait pas partie. Les recherches sur les représentations

(Barré-de-Miniac, 1995) font état de différences, dans des milieux sociaux contrastés,

entre l’écriture et/ou la lecture qui seraient perçues soit comme des activités pure-

ment scolaires facilitant pour l’élève le passage d’une classe à une autre, soit comme

des activités à usage social, personnel et donc avec une finalité clairement élaborée.

268volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Écoute furtive en lecture des élèves du préscolaire dans les classes à plusieurs niveaux

Ce travail enautonomie dans une

classe à plusieurs coursproduit des change-

ments de points de vuesur ce qu’est la connais-

sance au sens large, sur les contenus, les

apprentissages dans lesautres niveaux que celui

auquel appartientl’élève.

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Nous avons poursuivi nos recherches à partir de ce cadre théorique de référence

et l’évolution de la préscolarisation française. Depuis une quinzaine d’années, elle

tend vers 3 ans pour tous les élèves (voire 4 pour 25 % d’entre eux). Si cette avancée

est notable pour la fréquentation de l’école maternelle, on remarque également une

modification de la préscolarisation en milieu rural où il n’est plus rare qu’un élève

effectue deux années dans une classe maternelle avant d’effectuer sa grande section

dans une classe primaire à plusieurs niveaux. Nous avons supposé que le regroupe-

ment dans un même lieu d’élèves d’âges très différents, pouvait conduire chacun

d’eux, et notamment les plus jeunes, à comprendre l’enjeu, l’usage, la nécessité d’ac-

quérir telle compétence ou tel savoir en constatant le réinvestissement qui en était

fait dans les niveaux supérieurs.

Les interactions en classe unique entre les élèves nonlecteurs et lecteurs : évolution de la notion d’écoute furtive

Point de départ et méthodologieDeux éléments fortement imbriqués ont favorisé l’émergence d’une seconde

recherche qui se veut être dans la continuité de la précédente. Ces deux éléments que

nous présentons ici en constituent le projet pilote.

Le premier a été de chercher à montrer l’existence ou non d’une « écoute

furtive » par d’autres moyens que la présence d’interactions comportementales lors

de leçons réalisées à un autre niveau que celui du préscolaire observé et d’en dégager

les incidences sur les apprentissages, celui de la lecture en l’occurrence.

Le second a été de neutraliser la variable temps de préscolarisation, précédem-

ment différenciatrice afin d’évaluer l’incidence de la forme, et non plus de la durée

de préscolarisation, sur cet apprentissage et ses représentations par les élèves.

Notre méthodologie repose sur des entretiens et l’observation des élèves de

grande section ayant déjà été préscolarisés auparavant de deux années dans une

maternelle. Cependant, afin d’évaluer le plus objectivement possible les représenta-

tions du « savoir lire » plus que du « comment apprendre à lire », nous avons porté

notre choix sur une classe unique à la particularité relativement exceptionnelle (pour

une année scolaire); celle de ne pas scolariser d’élèves au C.P., le village ne comptant

pas d’enfants nés en 1997 durant cette année scolaire. Les grandes sections ont donc

vécu un changement d’école comme leurs camarades de maternelle s’inscrivant au

cours préparatoire, mais un an plus tôt; ce changement ne coïncidant plus avec le

début de l’apprentissage de la lecture. De plus, ces élèves sont scolarisés avec un

groupe réunissant tous les niveaux de l’élémentaire, du C.E.1 jusqu’au C.M.2 (7 à

10 ans). Ces derniers maîtrisent différemment la lecture, mais sont tous lecteurs. Le

maître n’a donc pas de méthode d’apprentissage de la lecture engagée pour des

lecteurs débutants que les élèves de grande section pourraient avoir intégré au cours

de leurs interactions et de leur écoute furtive.

Dans un premier temps, nous avons réalisé des entretiens auprès des élèves de

grande section, quelques semaines après la rentrée scolaire, donc très peu de temps

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Écoute furtive en lecture des élèves du préscolaire dans les classes à plusieurs niveaux

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après leur inscription dans cette classe unique. L’analyse de ces enregistrements

révèle que quatre élèves sur cinq avaient des représentations très élaborées du savoir

lire. Ils s’appuient sur le travail scolaire de leurs camarades plus âgés pour décrire

l’apprentissage de la lecture (qu’ils ne réduisent donc pas au C.P. inexistant), ses

modalités, ses outils et l’usage qui peut être fait de cette compétence dont ils évo-

quent surtout l’inégalité de la maîtrise. C’est donc dire qu’ils ont déjà pris conscience,

depuis le début de l’année, que tous les autres élèves lisaient différemment. Ils évo-

quent notamment la lecture à haute voix, les questions posées par le maître et donc

la compréhension et l’explication de l’écrit ainsi que des différences liées à l’intona-

tion, la rapidité, les difficultés liées au déchiffrement… et ce, alors que les entretiens

étaient individuels.

Nous avions réalisé la même démarche auprès d’élèves de maternelle, en fin de

grande section, afin de recueillir les mêmes représentations sur la lecture quelques

temps avant leur passage au C.P., à la « grande école ». Ces élèves projetaient forte-

ment, dans ces représentations, le passage de classe (savoir lire permet de changer de

classe : ce que ne peuvent évoquer les élèves de classe unique sauf à changer de sec-

tion) ou les devoirs réalisés à la maison. En d’autres mots, ils visualisent le rôle de la

lecture et parfois son apprentissage en déplaçant le lieu, les personnes et le temps

dans un contexte reconstitué, celui du milieu familial, sachant que la vision des

devoirs par les plus petits est soit l’image d’un temps consacré par les parents, tous

les jours, à l’un de leurs enfants (temps privilège) ou bien un temps de dur labeur

lorsque le frère ou la sœur vit ce moment post-scolaire dans une certaine souffrance

liée aux difficultés scolaires, de mémorisation, de concentration, de relation avec les

parents ou bien d’isolement lorsque l’aide n’est pas présente…

Les élèves de classe unique ne semblent pas projeter l’apprentissage de la lecture

et les représentations qui y sont attachées en dehors de la classe. C’est le deuxième

versant de notre concept du « temps long » servant à la construction des savoirs.

Dans un deuxième temps, les élèves de G.S. ont été filmés durant des séances de

lecture dispensées aux élèves de C.E.1. Ces observations ont eu lieu tous les deux

mois environ et ont duré toute la matinée; le temps passé en classe étant supérieur

au temps réel d’une séance de lecture.

L’analyse des observations recueillies lors des premières leçons confirme la

présence de comportements interactifs et par conséquent « l’écoute furtive » des

élèves. Mais nous mesurons là encore toute la prudence nécessaire dont il faut faire

preuve eu égard au petit effectif concerné.

Présentation d’une séance observéeLa leçon présentée ci-après révèle celle-ci en dehors de tout comportement

interactif visuellement repérable, montrant ainsi un système parallèle d’apprentis-

sage reposant sur l’écoute de la parole en situation d’enseignement indirect puisqu’il

s’agit de plusieurs sections au sein de la même classe.

A la fin du mois de novembre, le maître fait une leçon de lecture aux C.E.1, la

section la plus nombreuse de sa classe unique qui compte au total 18 élèves répartis

de la manière suivante : 5 G.S. (des garçons); 8 C.E.1 (filles, garçons); 2 C.E.2 (une fille,

270volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Écoute furtive en lecture des élèves du préscolaire dans les classes à plusieurs niveaux

Les élèves de classeunique ne semblent pasprojeter l’apprentissage

de la lecture et lesreprésentations qui y

sont attachées endehors de la classe.

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un garçon); 1 C.M.1 (une fille); 2 C.M.2 (une fille, un garçon). Les 8 C.E.1, tous très

bons lecteurs, assistent à une séance de lecture-vocabulaire. Il leur demande de s’in-

staller devant le tableau afin de lire, silencieusement puis à voix haute, un texte rela-

tivement long. Des jeux avec des étiquettes permettent ensuite d’aborder le thème

des suffixes et des préfixes à partir des mots du texte. Tous les autres élèves ont un tra-

vail en autonomie à réaliser, commun à chaque niveau. Les élèves de G.S. doivent

colorier selon un codage précis leur demandant le réinvestissement de la lecture de

mots se rapportant à quatre couleurs. Cet exercice exige beaucoup de concentration.

Nous filmons la séance de lecture et plus précisément les G.S. qui sont à leurs

bureaux, mais dans le même angle de vue que les C.E.1. A l’observation directe,

aucun comportement interactif visible chez les G.S. ne permet de supposer qu’ils

écoutent la leçon de lecture. Ils sont très appliqués et impliqués dans leur coloriage,

font très attention de ne pas se tromper de couleur, échangent oralement sur leurs

stratégies, car ils ne commencent pas tous par la même et émettent surtout des hypo-

thèses sur le dessin qui se découvre au fur et à mesure (un père Noël). Ils ne parlent

ni tout bas, ni très fort et semblent avoir oublié les C.E.1 qui, pourtant très nombreux,

déclament leur texte en y mettant le ton (il s’agit d’une sorcière qui parle).

Le maître avait volontairement choisi deux séances simultanées demandant de

part et d’autre une attention très importante et une forte motivation, de manière à ce

que nous puissions valider ou non la présence d’une « écoute furtive » en fonction

des critères particuliers de celle-ci. Les indicateurs interactionnels observables ne

pouvant suffire dans ce cadre précis, sauf à conclure qu’il n’en existait pas, nous

avons fait verbaliser les élèves de G.S. (codés ER, MI, CE, EM, MA) quelques instants

après la fin de la leçon de lecture des C.E. 1 à partir de questions précises.

« Qu’ont fait les C.E.1 avec le maître (Philippe) pendant que vous faisiez votre

coloriage? »

ER : Ils lisaient le livre de la petite fille et un petit garçon qui voulaient aller dans une

décapotable pas ordinaire.

MI : Rouge.

CE : Ils travaillaient.

EM : Philippe sur des papiers il collait les mots sur le tableau et les C.E.1 essayaient

de faire des mots. Ils étaient mélangés, les lettres, les mots?

CE : J’en sais rien.

MA : Faut les remettre dans l’ordre sur le tableau. Il faut un peu…le maître les aide un

p’tit peu.

ER : Nous, on est plus petits en grande section maternelle alors il explique.

« Quels mots ont lu les C.E.1? »

EM : Plante

ER : Portable

EM : Table

271volume XXXIII:2, automne 2005 www.acelf.ca

Écoute furtive en lecture des élèves du préscolaire dans les classes à plusieurs niveaux

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MA : Etaler comme table.

EM : Aussi on faisait not’e travail alors on n’a pas vu mais on a entendu. Parfois on

r’garde un p’tit peu.

MI : Moi jamais.

ER et MA : Nous on regarde.

CE : Je ne regarde pas, car il faut faire son travail sinon on sait pu où on en est.

« Est-ce qu’il y a des moments où on peut écouter le maître? »

ER : Des fois on peut regarder parce qu’on a arrêté le travail. Quand on fait des p’tits

jeux d’la ferme, du bonhomme, on peut écouter.

MI : Des fois oui, c’est que quand on a fini.

CE : Non tu dis n’importe quoi, j’écoute pas.

EM : Oui quand on a fini le travail et parfois on va sur le tapis et on l’écoute quand on

va jouer.

MA : Quand je fais un travail très facile pour apprendre à faire des traits avec la règle.

« Mais qu’est-ce qu’ils ont fait le maître et les C.E.1 avec les étiquettes? »

MA : Il a découpé les étiquettes en p’tits morceaux qu’ils posent sur leurs tables.

Constance doit remettre les étiquettes dans l’ordre et le maître l’aide.

Deux élèves se lèvent et vont chercher le paquet d’étiquettes qu’ils posent sur

leurs tables. Les cinq enfants trient naturellement les étiquettes par couleur :

Noir Rouge Vert Bleu

eur in er port

able re ation port

er re ation port

im ition

ex

sup

La couleur de l’outil scripteur utilisé par l’enseignant a, bien sûr, permis

d’obtenir un tri exact. Cependant, quatre enfants sur cinq ont dit spontanément,

concernant les étiquettes bleues « Là c’est écrit port ». Un élève propose, en prenant

deux étiquettes : « Avec ça, on peut écrire portable » et utilise les étiquettes port in.

D’autres forment port able et port ation. Un autre s’exclame « C’est les mots de la

même famille. J’avais bien vu qu’il y avait du bleu et du rouge et j’avais vu les écritures

rouges que Philippe a mis en haut ».

Nous étions bien en présence d’une parole entendue, écoutée sans que le moindre

comportement interactif observable dans l’instant et analysable au visionnement du

film puisse en laisser paraître l’existence et l’importance.

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Conclusion

Si les travaux sur les interactions verbales entre élèves sont relativement nom-

breux (cf. la revue de question de Nonnon, 1999), il nous semble important de les

étudier en considérant les caractéristiques propres aux classes à plusieurs niveaux,

soit une préscolarisation qui tendant vers une durée égale à celle de l’école mater-

nelle (3-4 ans) ne s’accompagne pas d’un changement d’établissement au moment

de l’apprentissage de la lecture, mais aussi une multiplicité des niveaux au sein d’un

même lieu. S’agissant d’un passage annuel de section et non de classe dans une

classe unique, ces éléments nous ont permis d’analyser la liaison entre interactions

verbales, non verbales, particulièrement « l’écoute furtive » et les représentations et

l’incidence de cet étayage sur l’apprentissage de la lecture particulièrement. Les

classes à plusieurs niveaux favorisant les interactions entre élèves, il semblait perti-

nent de les analyser conjointement.

La poursuite de nos travaux exploratoires nous aidera à comprendre la nais-

sance et l’évolution de ces représentations chez les élèves d’âge préscolaire dans les

différentes classes à plusieurs niveaux et, particulièrement, comprendre de quelles

manières ils inscrivent et réinvestissent la notion de temps pour apprendre à lire et

l’influence de cette représentation dans la dédramatisation, a priori pour certains, de

cet apprentissage. Mais il nous faudra surtout mesurer l’influence de cette « écoute

furtive » dans la maîtrise du langage écrit au cœur de ces classes multiniveaux dans

la mesure où elle semble connaître une origine structurelle bien plus importante

qu’un apprentissage programmé.

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