nouvelles exigences du travail, défi d'organisation

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ENJEUX (P. 2-3) Répondre aux nouvelles exigences du travail par l’organisation ARGUMENTS (P. 4-6) Évolutions du travail : en parler pour mieux les maîtriser F. Pellet, MEDEF ; J.-L. Malys, CFDT; J.-F. Naton, CGT. Regarder les conditions « du » travail P. Ughetto, LATTS. CÔTÉ ENTREPRISES (P. 7 À 12) Secteur bancaire La banque met l’organisation à son crédit Industrie À la recherche de la bonne alchimie Média Radiographie d’un poste d’accueil Services Aide aux personnes : contradictions Bimestriel du réseau Anact pour l’amélioration des conditions de travail ALLER PLUS LOIN (P. 13 À 15) Points de vigilance Un travail nécessaire sur l’organisation: mais comment ? ; Prendre le temps de discuter du travail ; Autonomie et nouvelles exigences du travail : toujours baliser l’action. Note de lecture L’Idéal au travail, de Marie-Anne Dujarier. Des livres et des sites Sur les nouvelles exigences du travail et leurs implications, sur l’organisation et la conduite du changement. CHANGEMENT Travail & Revue de la qualité de vie au travail N° 316 NOVEMBRE/DÉCEMBRE 2007 Nouvelles exigences du travail, défi d’organisation les salariés gèrent les

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Page 1: Nouvelles exigences du travail, défi d'organisation

ENJEUX (P. 2-3)

Répondre aux nouvelles exigences du travail par l’organisation

ARGUMENTS (P. 4-6)

Évolutions du travail : en parler pour mieux les maîtriserF. Pellet, MEDEF ; J.-L. Malys,CFDT; J.-F. Naton, CGT.Regarder les conditions « du » travailP. Ughetto, LATTS.

CÔTÉ ENTREPRISES (P. 7 À 12)

Secteur bancaireLa banque met l’organisationà son crédit

IndustrieÀ la recherche de la bonnealchimie

MédiaRadiographie d’un posted’accueil

ServicesAide aux personnes :

contradictions

Bimestriel du réseau Anactpour l’amélioration des conditions de travail

ALLER PLUS LOIN (P. 13 À 15)

Points de vigilanceUn travail nécessaire sur l’organisation : mais comment ? ; Prendre le temps de discuter du travail ; Autonomie et nouvelles exigences du travail : toujours baliser l’action.

Note de lectureL’Idéal au travail, de Marie-Anne Dujarier.

Des livres et des sitesSur les nouvelles exigences du travail et leurs implications, sur l’organisation et la conduite du changement.

CHANGEMENTTravail

&

Revue de la qualité de vie au travailN° 316 NOVEMBRE/DÉCEMBRE 2007

Nouvelles exigencesdu travail,défi d’organisation

les salariés gèrent les

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TRAVAIL ET CHANGEMENT N°316 novembre/décembre 2007 ENJEUX

tives se transforme en « débrouilles »systématiques, sans règles claires pourbaliser ce qui est autorisé ou non. Ledanger alors est de prendre des risques detout genre: le salarié passe plus de tempsque prévu à réaliser une pièce ; le soindonné à un patient bouscule les proto-coles officiels; pour satisfaire un client, onfait une promesse que l’on sait ne paspouvoir tenir ; on bâcle une réponse pouraméliorer le rendement… Que faire ? Il faut choisir de respecter les consignesélaborées par l’organisation au détriment

de la qualité d u s e r v i c erendu. Ou detransgresser larègle. Pour lesalarié, le choix

est difficile… Pas étonnant dans ce contexteque le stress devienne une part impor-tante de la vie des entreprises. En l’absenced’une règle clairement établie, l’incertitudedevient une forte composante de l’acti-vité. Les arbitrages nécessaires sontassumés par les échelons inférieurs de l’organisation (salariés et encadrementde proximité), parfois sans une connaissancesuffisante des enjeux stratégiques de

au bon moment et lui apporter la réponsequ’il souhaite… Dans ce contexte, une atti-tude de retrait n’est plus possible.L’autonomie et la prise d’initiatives sontdevenues des composantes normales et exi-gibles du travail contemporain. Commenty faire face ?

> Situation contradictoire

La situation est vécue de façon contra-dictoire par les salariés. De manière géné-rale, ils plébiscitent cette ouverture vers

la prise d’initiative. Elle leur permetd’exercer leur jugement et le travail ygagne en intérêt. La monotonie cède lepas à un travail fait de réponses renouveléesà des situations inédites et changeantes.Mais les salariés ont souvent l’impres-sion d’être laissés seuls en première lignepour faire face à des problèmes qui nesont pas pris en charge par l’organisa-tion et le management. La prise d’initia-

Dans un service hospitalier, leprotocole des soins doit êtresuivi, tout en maintenant desrelations humaines acceptables

avec les patients et leur famille. L’activitése doit d’être renseignée et détaillée : unsalarié peut, à tout moment, avoir à rendredes comptes sur ce qu’il a fait. La « tra-çabilité » de l’action est de rigueur. Undéfaut dans le protocole de soins et cesont les reproches qui tombent, parfoislongtemps après un événement… Les sala-riés le disent : le travail est plus exigeantqu’autrefois (voir encadré). Il évolue sou-vent et vite. Un sondage Anact-TNS Sofres,réalisé pour la 4e Semaine de la qualité devie au travail, montre que 62 % d’entreeux estiment que leur travail a changé cescinq dernières années (voir infographie). Cen’est pas nécessairement parce qu’il fautfaire plus mais surtout parce que desinjonctions diverses, parfois contradic-toires, déterminent l’activité. Pour réa-liser ce qui est demandé, il faut alors ymettre du sien, s’impliquer dans la réso-lution des problèmes, recevoir un client

page 2

Thierry Rousseau et FrédéricDumalin (départementchangements technologiques et organisationnels de l’Anact).

Coordination de ce dossier :Thierry Rousseau

Toujours plus… de relations directes avec les clients, de gammes de produits renouvelées, de

changements managériaux et d’organisation, de reporting… Les salariés vivent une nouvelle ère

du travail qui exige beaucoup d’eux et leur demande un investissement important. Dans ce

contexte, comment faire face pour assurer le service ou la production d’une marchandise ?

Le modèle taylorien d’organisation du travail se définissait comme un système opératoire précis :des instructions détaillées venaient déterminer de l’extérieur ce que devait être l’activité detravail. Pour bien travailler, il suffisait, en théorie, de suivre les consignes et la prescription,même si en pratique, un travail d’adaptation était toujours nécessaire. Les systèmescontemporains de travail changent la donne, transforment la nature même des exigencesadressées aux salariés. Il ne s’agit plus de suivre la prescription mais il est demandé de fairepreuve d’ouverture face à tout ce qui peut arriver dans la réalisation du travail quotidien.L’autonomie devient exigible tous les jours et avec elle, la nécessité de prendre des initiatives et des responsabilités…

D’hier à aujourd’hui, en quoi le travail a-t-ilchangé ?

Les exigences du travail contemporain engendrent

de nombreuses incertitudes et questions

auxquelles il n’existe pas de réponses définitives.

Répondre aux nouvelle sdu travail par l’organis a

Page 3: Nouvelles exigences du travail, défi d'organisation

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Chacun en convient : le contenuet l’exercice du travail ont

changé entre 1900 et 1980. Qu’en est-il depuis ? L’émergenced’une société de services, ledéveloppement des technologiesde la communication et d’Internet,la diffusion de processus qualité ou la nécessaire traçabilité desproduits connaissent une large

diffusion au sein des organisations.En quoi modifient-ils le travail, la relation du salarié à son travailet les métiers du management ?Autonomie, responsabilitécollective et individuelle,organisation, relations de travail et management… : en marge de la conférence nationale sur lesconditions de travail, le réseauAnact replace ici ces thèmes aucœur de la réflexion.Le salarié d’aujourd’hui est unconsommateur averti et un citoyeninformé… Ses exigences, sesdésirs et ses attentes ontprogressé. L’entreprise, elle, esttenue de faire toujours plus vite et au plus près des besoins de ses clients, dans une économiemondialisée.Cette progression parallèle desexigences des salariés et desentreprises accompagne l’évolutionde la société et modifie chaque jourle contenu même du travail.L’enjeu, pour demain, est demaintenir le travail comme sourced’épanouissement pour le salariéet de création de valeur ajoutéepour l’entreprise.

« L’entreprise est tenuede faire plus vite et

au plus près des besoinsde ses clients. »

e s exigences s ation

l’entreprise. Conséquence : une insatis-faction larvée mais aussi le risque d’unmécontentement du client et de perte deperformance.

> Instaurer du dialogue constructifCette situation n’est pourtant pas inévitable.Les exigences du travail contemporainengendrent de nombreuses incertitudeset questions auxquelles il n’existe pas deréponses définitives. Il ne s’agit donc pasde trouver une formule d’organisation dutravail idéale, valable une fois pour toutes.Mais plutôt de favoriser des processuslocaux de régulation entre ceux qui pres-crivent l’activité et les salariés qui la réa-lisent. Un travail portant spécifiquementsur l’organisation nécessite l’instaura-tion d’un dialogue constructif entre ceuxqui sont au contact du client ou qui pro-duisent une marchandise et ceux qui sonten charge de l’organisation ou la sur-veillance des processus de production.S’attacher à améliorer les interfaces entreles acteurs est ici tout aussi importantque de démêler l’écart entre le travailprescrit et le travail réel. De ce point devue, le réseau Anact n’est pas démunid’outils ou de méthodes d’intervention àdestination des entreprises.

> Maîtriser le changementDes démarches comme le CQDIS (Coûts,Qualité, Délais, Innovations et aspectsSociaux), la prévention des risques psy-chosociaux ou encore de régulation de lacharge de travail peuvent être utiles àl’entreprise pour faire face à ces nou-velles exigences. La méthode d’inter-vention CQDIS, par exemple, vise à favoriserle changement en tenant compte desenjeux stratégiques, des enjeux d’orga-nisation de la production et des consé-quences sur les conditions de réalisationdu travail. Produire mieux (qualité) etplus vite (délais), innover tout en maîtri-sant les coûts, prendre en compte lesaspects sociaux dans un contexte marquépar l’évolution du travail, ne peut se fairesans mobiliser l’ensemble des acteursde l’entreprise. Cette méthode est forcé-ment participative : il s’agit de définir desobjectifs de progrès en liaison avec lesévolutions organisationnelles de l’entre-prise. Une démarche qui peut ainsi aboutirà la création d’indicateurs partagés sur lesrésultats de l’entreprise dans de nom-breux domaines, dont celui des condi-tions de travail. Un travail sur l’organisationest ainsi engagé pour mieux maîtriser lechangement. ■

Jean-BaptisteObéniche,directeur général de l’Anact

ÉDITORIAL

Source : Sondage Anact-Tns Sofres, mai 2007 pour la 4e Semaine de la qualité de vie au travail

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TRAVAIL ET CHANGEMENT N°316 novembre/décembre 2007 ARGUMENTS

62 % des salariés estiment que leur travaila changé ces cinq dernières années1. Quellesréflexions cela vous inspire-t-il ?C’est une évidence dans la mesure où le travail n’est pas une donnée figée et évo-lue constamment. Tout le problème est desavoir si les salariés estiment que ce chan-gement est plutôt positif ou négatif. Pour ensavoir plus, il faut se référer aux différentesenquêtes2 qui montrent que les salariés sont,de façon générale, plutôt satisfaits de l’évo-lution de leurs conditions de travail. Mais celasignifie aussi que ce changement est mal vécupar un certain nombre d’entre eux. Il faut doncen analyser les côtés positifs et négatifs, sansen tirer une vision manichéenne…

Les salariés plébiscitent l’autonomie et lesresponsabilités et dénoncent aussi le mal-être que cela leur procure. Commentagir face à cette contradiction ?Je ne suis pas certain qu’il faille mettre en parallèle des facteurs de potentiels pro-grès, telle l’autonomie ou la prise de respon-sabilité, et un vécu négatif ressenti par cer-taines personnes. Certes, la perception qu’ontles individus de leur travail est un indicateuressentiel dans l’approche du stress. Si 80 à85 % des salariés semblent satisfaits, il enreste 15 % qui vivent mal leur travail et celane dédouane personne d’avoir obligation des’en préoccuper. Pour comprendre ce «bien-être » ou ce « mal-être », l’autonomie n’estqu’un des facteurs à analyser parmi d’autres(sentiment de faire un travail utile, d’être jus-tement «récompensé », de faire partie d’uneéquipe, lien social…) et au regard de facteursconcernant la vie hors travail (équilibre de viepersonnelle et familiale, sentiment d’êtrereconnu dans ces milieux, etc.).

Quelle priorité dans l’entreprise de demain?Je ne rejoins pas toutes les analyses de Pascal Ughetto, dont le dernier ouvrage3 estreprésentatif d’un courant de sociologues dits« déterministes ». Ils soutiennent que seulel’organisation du travail définit, de manière

Les salariés plébiscitent l’autonomieet les responsabilités tout endénonçant le mal-être que cela leurprocure. Comment agir face à cettecontradiction ?Cette autonomie est une chance. Mais lessalariés la payent lourdement, souventavec du stress, parce qu’elle isole dansdes responsabilités face auxquelles ils seretrouvent seuls. La clé? Le dialogue social.Libérer la parole et associer les salariés et

Évolutions du travail : en parlerpour mieux les maîtriser

62 % des salariés estiment que leurtravail a changé ces cinq dernièresannées1. Quelles réflexions cela vousinspire-t-il ?Il existe un phénomène d’accélérationdu changement, légitime lorsqu’il concerneles nouvelles technologies et l’évolutiondes métiers. Mais les entreprises semblententraînées dans une frénésie: l’organisationprécédente est abandonnée sans évaluationde ce qu’elle a produit. Le mouvementen lui-même serait positif si l’on prenaitle temps d’en tirer les conséquences.Lorsque l’on parle d’un monde du travailconservateur ou frileux, on ne dit pas lavérité. Car quoi qu’on en dise, les salariésn’ont pas cessé de s’adapter au progrèset aux techniques.

Pour comprendre le travail, le dialogue social dans l'entreprise est incontournable. Travail & Changement donnera désormais régulièrement la parole aux organisations syndicales.Dans ce numéro, CFDT, CGT et MEDEF sont invités à exprimer leurs points de vue.

Les invités du réseau Anact Propos recueillis par Béatrice Sarazin (rédactrice en chef).

univoque et définitive, le sort des travailleursdans l’entreprise, et ne reconnaissent pas lerôle concomitant des différents acteurs concer-nés. Ils généralisent donc certaines attitudescritiquables de l’encadrement, manquant ainside nuance en reprochant globalement auxdirections des ressources humaines d’être«enfermées dans les innombrables variantesdes théories des motivations», aux ingénieurs«de modéliser systématiquement la réalitédu travail pour la faire tenir dans des lois ren-dant l’univers prédictible» sans faire confianceaux travailleurs, et aux chefs d’entreprisesde ne pas «reconnaître le travail». Les théo-ries plus ouvertes sur les interactions entreles organisations et les individus qui les com-posent appréhendent mieux la réalité de tra-vail. Cela dit, je rejoins l’auteur quand il sug-gère qu’un dialogue constructif entre chefs

d’entreprises et salariés est nécessaire pourdéfinir de bonnes conditions de travail.

À nouvelles exigences, nouveaux risques etnouvelle approche de la prévention ?Oui mais ce n’est pas facile : les offres de pré-vention apparaissent encore trop souvent dis-parates, mal coordonnées, peu réalisables.L’une des voies de progrès est probablementd’organiser et de rationaliser la prévention,au niveau régional et/ou des branches pro-fessionnelles. Et il faut aussi se mettre à laplace d’un chef d’entreprise pour comprendresa problématique : qui peut l’aider pour mettreen place une prévention efficace et réalistequi ne déstabilise pas son entreprise ? La pré-vention devrait aborder trois aspects conjoints,sans en privilégier aucun : un travail sur l’or-ganisation, des actions auprès des salariéset, enfin, des réflexions sur l’interface entretravail et individus. C’est cette triple approchequi doit constituer le socle de la préventionprimaire des risques psychosociaux.

1. Sondage Anact – Tns Sofres, mai 2007.2. Fondation de Dublin ou sondage Anact–CSA–Liaisons sociales.3. Voir page 6, interview de P. Ughetto.

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JEAN-LOUIS MALYS, secrétaire national de la CFDT (Confédération française démocratique du travail).

FRANÇOIS PELLET, conseiller médical duMEDEF (Mouvement des entreprises de France).

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les organisations syndicales en amont deschangements sont les meilleurs moyens defaire partager des décisions stratégiques,les contraintes, les problèmes. Celamontrerait qu’il existe une vision collectivede l’entreprise. C’est une vertu du dialoguesocial que de pouvoir substituer aux enjeuxindividuels, sans les nier, l’intérêt général.Sans tabou ni contraintes. Ce qui confèreaux organisations syndicales une exigenced’adaptation aux nouveaux enjeux du travail,de formation, de communication avec lessalariés.

Quelle est la priorité dansl’entreprise de demain ?Troubles musculosquelettiques, cancersprofessionnels, stress… tous les maux

actuels du travail doivent faire l’objetd’actions très fortes. La CFDT a mené un travail important autour del’intensification du travail: une « recherche-action » mêlant enquêtes de terrain et réflexion2, puis une formation deséquipes syndicales. La prévention desTMS et des risques psychosociaux, quisont souvent des résultantes del’intensification, nécessite de passer à lavitesse supérieure pour créer des outilsd’alerte. Mais sur toutes ces questions, ilexiste un trou béant entre petites etgrandes entreprises. Il y a des tentativesd’organisation d’un dialogue socialterritorial et de déclinaison dans lesbranches professionnelles. Mais peu dechose fonctionne.

Nous ne pouvons pas être uniquementdans une posture de dénonciation et nerester que dans la plainte, ce n’est pas ce qu’attendent les salariés dusyndicalisme. Ils ont besoin d’actionspositives. Un enjeu fondamental dansnotre société actuelle: la démocratie. La parole doit être redonnée à chacunpour trouver des moments derespirations communes et parler dutravail. L’autonomie représente unedynamique de construction de soi-même,de l’individu, c’est très bien. Mais dans uncollectif. Retrouvons du temps ensemble,côté syndical avec des formations, des réflexions que nous menons pourpréparer les différentes négociations, et côté sociétal, pour que les droits de l’homme retrouvent leur place dansl’entreprise.

Quelle est la priorité dans l’entreprise de demain?Rompre les solitudes est essentiel, y compris au sein de l’entreprise oùdiscuter du travail est un droit. Le sentiment d’abandon et souvent de non-reconnaissance que les salariésexpriment entraînent une perted’efficacité. Les employeurs le saventbien: des salariés qui vont bien sont des salariés efficaces. Aussi, conjuguerefficacité économique et bien-être autravail est un enjeu pour tous. Autre pointimportant : donner les moyens de bientravailler. Cela relève de la responsabilitédes organisateurs du travail. Les formesde souffrance les plus aiguës viennentsouvent chez des salariés qui ont

62 % des salariés estiment que leurtravail a changé ces cinq dernièresannées et qu’il va encore évoluer1.Quelles réflexions cela vous inspire-t-il?Il est évident que le travail change. Notre démarche de syndicalistes doitdonc s’adapter à l’accélération destransformations du travail. Nous sommestrès attentifs à ce que vivent les salariéset interpellés par une contradiction fortequ’ils soulignent. D’un côté, ilsacquièrent de l’autonomie et desresponsabilités, ce qu’ils apprécient, etd’un autre côté, ils dénoncent le mal-êtreque cela leur procure et une montée dustress au travail. Cela nécessiteévidemment une réflexion de fond pourfavoriser une responsabilisation positive.Et ne pas laisser des situations de travaildégradées.

Comment agir face à cette contradiction ?Nos équipes syndicales doivent d’abordprendre conscience de ces changements.

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À nouvelles exigences, nouveauxrisques mais aussi nouvelles formesde dialogue social ?Nous ne disposons pas, au niveau national,d’instance permanente pour coordonner,valider, préconiser d’une façon incontestable.Si ce lieu existait, il valoriserait lesinstitutions qui savent mener des actionssur le travail et permettrait un diagnosticpartagé des différents dossiers. Uneapproche complémentaire entre les uns etles autres paraît aujourd’hui indispensable.« Déguéttoïsons » les questions de santéau travail et sortons de nos postures despécialistes pour réfléchir à la qualité dutravail, pas seulement à sa quantité.

1. Sondage Anact – Tns Sofres, mai 2007. 2. Voir références p. 15.

JEAN-FRANÇOIS NATON,conseiller confédéral, représentant de la CGT (Confédération générale des tra-vailleurs) à la branche accidents du travailet maladies professionnelles de la Cnam.

l’impression (souvent vérifiée) d’êtreempêchés de réaliser leur travail. La prise de conscience a lieu chezcertains employeurs. Mais un déni de cessituations persiste et il est révoltant. Carle salarié aspire avant tout à être utile età pouvoir faire correctement son travail.

À nouvelles exigences, nouveauxrisques ?L’actualité du travail nous l’amalheureusement rappelé à travers les différents cas de suicides : stress etmal-être augmentent considérablement.Mais ils sont le résultat d’un tout et nousinsistons beaucoup pour que la questionde l’articulation entre vieprofessionnelle et vie hors travail soit un vrai sujet de réflexion. Les enjeux deprévention sont aussi liés aux chiffresdes déclarations des AT/MP. Or, tout le monde s’accorde aujourd’hui àreconnaître qu’il existe un phénomènede sous-déclaration… Comment alorstravailler à partir du réel ? Revenons à l’origine du sens du syndicalisme :connaître le travail pour le reconnaîtreet oser le transformer. À partir de noschamps de responsabilités, travaillerensemble est essentiel. Ne restons pascloisonnés dans nos « prés carrés »,organisations syndicales, patronat,institutions, acteurs de prévention… Car il y a une urgence à faire du travailune grande cause nationale. C’est un enjeu du syndicalisme mais aussi de la société de demain.

1. Sondage Anact – Tns Sofres, mai 2007.

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TRAVAIL ET CHANGEMENT N°316 novembre/décembre 20072 ARGUMENTS

CComment définir les exigences dutravail contemporain ?Quel que soit le secteur, quel que soit leniveau d’emploi, le travail contemporaindemande une implication forte, au-delàd’une présence à un poste ou d’actesmécaniques d’exécution. Les salariés seplaignent donc souvent des conditionsdans lesquelles ils doivent s’enacquitter : multiplication des obstacles,contours flous des tâches etdensification qui créent l’urgence… Un exemple : un responsable decommandes explique que ses employéspassaient auparavant deux commandespar semaine, au moment où ils lesouhaitaient. Aujourd’hui, ils sontobligés de les faire tous les jours, avantmidi. Cela change la manière dont ilsrangent ensuite les produits en réserve,donc le travail et son organisation. Ce sont ici les conditions « du » travailque l’on doit regarder : celles quirenvoient à l’environnement dans lequelon demande aux salariés de réaliserleurs tâches, aux contraintes del’activité et à la manière dont elles sontlevées ou non.

Faites-vous une différence entre lesexigences que doivent satisfaire lesentreprises et celles des salariés ?Je n’en établis pas. Ce sont les produitsqui véhiculent de nouvelles exigencescar ils comportent davantage desobligations de traçabilité, de qualité,bref, de performance plus élevée. Lesentreprises ont à se justifier auprès duclient final et les salariés sont sommésd’assumer au jour le jour. Les nouvelles

exigences reposent aussi sur desévolutions presque imperceptibles etinconscientes. Régulièrement, unepetite obligation est ajoutée au travail.Rentrer un code-barres de telle ou tellemanière, prolonger une conversationavec un client au téléphone, organiserune journée à thème dans un restaurantd’entreprise… Du point de vue des actesles plus quotidiens, c’est beaucoup plusdifficile à tenir qu’on ne le pensait.

Les salariés disent pourtant apprécierl’autonomie et les responsabilités…C’est le cas. Pour une raison simple :cela étoffe leur travail, ouvre desperspectives sur de nouvelles choses à apprendre, à maîtriser. Mais ils lesapprécient moins dès lors qu’ils butentsur un obstacle qu’ils ne peuvent pascontourner seuls. S’ils cherchent àdémêler des problèmes au-delà de cequi les concerne, ils risquent de devoirendosser la responsabilité d’échecs ou d’imperfections qui ne seront pascomplètement de leur fait.

Le management est-il aussi victime de cette contradiction ?Il est bien entendu concerné et il abeaucoup de mal à parler des difficultésde terrain. Les directions d’entreprisessont persuadées qu’organiser des réunions de service permet les

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remontées. Et que cela est suffisant.Dans la réalité, ces réunions ne setiennent pas vraiment ou ne servent àrien parce que le management se voitsouvent signifier une fin de non-recevoir lorsqu’il veut évoquer lesproblèmes. Côté directions desressources humaines, le phénomène estidentique. Loin du terrain, les DRH neconçoivent pas de méthodes pourmanager le travail des salariés. Ils ontgagné de l’influence dans les comités de direction en restant spécialistes detechniques RH mais restent coupés des opérationnels.

Quelles solutions envisager pourpermettre à chacun de faire face ?L’entreprise doit prendre le temps deregarder le travail et considérer que ce temps est un investissement dansl’efficacité. Il faut être attentif aux petitschangements qui se produisent au-delàdes organigrammes, des procédures,des structures mises en place. Faire le point sur le travail tel qu’il se réalisetous les jours, les difficultés auxquellesles salariés sont confrontés, lessolutions que les uns et les autres« bricolent » sans les partager… Autre élément important : reconnaître,et ce n’est pas fréquent, qu’il peut yavoir des problèmes et leur laisser le temps d’exister.

Regarder les conditions « du » travailPascal Ughetto est l’auteur de Faire face aux exigences du travail contemporain, aux éditionsde l’Anact, ouvrage qui propose une grille de lecture actualisée des conditions de travail. Il en tire ici les principaux fils.

Les invités du réseau Anact Propos recueillis par Béatrice Sarazin.

PASCAL UGHETTO, sociologue au LATTS (Laboratoire techniquesterritoires et sociétés), maître de conférences àl’université de Marne-la-Vallée.

Page 7: Nouvelles exigences du travail, défi d'organisation

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TRAVAIL ET CHANGEMENT N°316 novembre/décembre 2007 CÔTÉ ENTREPRISES

La Banque populaire occitane doit faire face à de nombreux changements et à l’évolution du

secteur bancaire. Conscients que les conditions de travail et les relations sociales sont en jeu,

direction et syndicats lancent avec l’Anact une réflexion en profondeur sur l’organisation.

Concurrence, nouveauxmétiers et nouveaux pro-duits… La Banque populaire

occitane a vécu en l’espace dequelque mois de nombreux chan-gements, tout comme d’ailleursl’ensemble du secteur bancaire(voir encadré). Elle a aussi mis enplace un nouveau système infor-matique, formé et intégré rapide-ment de nombreuses jeunesrecrues. Des transformations quiont des effets sur les conditionset les relations de travail : risquede perte de repères, d’affaiblis-sement des collectifs, de rupturesidentitaires, certains « ne se recon-naissant plus dans le métier »… La direction a dû faire face à unmouvement collectif soulevant,entre autres, des questions sur letravail et son organisation. Directionet syndicats ont donc fait appel àl’Anact pour leur apporter un éclai-rage neuf, lequel a pointé les pointsforts et faibles pour retravaillerensuite l’organisation.

Point fort : le collectif

Par exemple, en agence, la per-formance et l’atteinte des objectifsreposent sur un travail collectifqui fonctionne bien: échanges d’in-formations, aide du directeurd’agence face aux clients, primesindividuelles et collectives, mana-gement participatif. Ici, l’enjeu est de préserver cescollectifs et de maintenir ce pointfort de l’organisation.La disparition du métier de gui-chetier suppose de généraliserl’externalisation des opérationsde comptage de la caisse, pourlibérer du temps au développe-ment commercial. L’analyse com-

BANQUE POPULAIRE OCCITANESecteur : servicesActivité : banque, assuranceEffectifs : 2300 salariésRégion : Midi-Pyrénées

Baisse des taux, segmentation de la clientèle, montée de la tarification des services, développement de la concurrence, généralisation de la bancassurance… Les banques sont confrontées aujourd’hui à de grandestransformations. Pour faire face, les changements d’organisations et de métierss’accélèrent. Ainsi, le guichetier disparaît au profit de la banque automatique, le banquier devient un conseiller clientèle dont la capacité à vendre une gammetoujours plus étendue de produits est devenue primordiale, les assistants commerciaux deviennent conseillers clientèle, les services support des siègesdiminuent au profit du développement des agences au plus près des clients, les fusions entre banques s’accélèrent…

Les nouvelles missions de la banque

La banque met l’organisation à son crédit

Par Thierry Rochefort(départementchangementstechnologiques etorganisationnels de l’Anact).

cessus de décisions. Or, tout retardaccroît le risque de défection chezles clients. Les conseillers clien-tèle voient donc dans les retards detraitement des dossiers une sourcede tensions et de stress.L’appui au travail d’organisation, en identifiant la complexité descircuits décisionnels débouche surune nouvelle organisation pluslisible : la direction d’exploitationgère les conditions d’octroi de taux,la direction des crédits gère letraitement des dossiers sensiblesh o r s d e l a d é l é g a t i o n d e sconseillers, la direction de la pro-duction s’occupe de la gestion descrédits. La Banque populaire occi-tane est aujourd’hui confrontée àune nouvelle fusion avec sa voi-sine de Toulouse. Les repèresdonnés semblent aujourd’hui servirde garde-fous utiles pour struc-turer la nouvelle organisation. ■

55 %des cadrespensentque de nouvellesprocéduresencadrentdésormaisleur travail.Source: Sondage Anact-Tns Sofres, mai 2007.

parée de deux agences de taillesimilaire, l’une des deux ayantexternalisé le comptage, montrel’efficacité de l’opération dans lapremière agence, tant sur le plandes conditions de travail que dela performance.

Siège et agences : desrelations à construire

Les difficultés les plus lourdesconcernent les relations entre lesagences et le siège. On touche làaux premiers effets de la fusionet à l’éloignement des relationsentre les différents métiers de labanque. Flou des procédures etdes circuits de décision : lesconseillers clientèle ont le senti-ment d’être aux prises avec demultiples interlocuteurs du siègequi tiennent des discours contra-dictoires et ralentissent les pro-

Page 8: Nouvelles exigences du travail, défi d'organisation

TRAVAIL ET CHANGEMENT N°316 novembre/décembre 2007 CÔTÉ ENTREPRISES

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«Gagner de l’intérieur»,tel est le nouveauslogan choisi par l’en-

treprise Ferro. Le site de Saint-Dizier est la seule entreprisechimique au cœur du bassin métal-lurgique de la Haute-Marne. Sonmarché – la fabrication de pro-duits pour réaliser des revête-ments pour ustensiles de cuisinemais aussi de nombreux équipe-

ments électroménagers – revêtun fort caractère concurrentiel,en particulier des pays émergents.Pour exister durablement dans untel contexte, l’entreprise entendconforter son image en matièred’innovation et de relation avecses clients qui fait sa réputation…et emporter la bataille à partir deses bases, autrement dit de saculture d’entreprise, centrée sur laqualité. Un nouveau laboratoire doit être misen place, avec pour vocation de

devenir la vitrine du groupe tant enmatière d’innovation, de qualitéque de prévention des risques pro-fessionnels liés à l’utilisation de pro-duits dangereux (cancérigènes,mutagènes et reprotoxiques).L’innovation, l’accompagnementdes clients, le respect des délais etun bon rapport qualité-prix consti-tuent autant d’enjeux qui vontimpliquer de nouvelles exigencesdans le travail des salariés. Pour mener à bien sa démarche,l’entreprise a sollicité l’Aract

Évoluant dans un contexte très concurrentiel, l’entreprise Ferro souhaite faire de son nouveau

laboratoire sa vitrine tout en progressant sur la prévention des risques professionnels. Avec à

la clé une nouvelle organisation du travail, puisque trois équipes vont partager espace et équi-

pements. Des simulations sur plan ont permis de faire des propositions concrètes d’améliorations.

À la recherche de la bonne alchimie

Par Frédéric Dumalin(département changementstechnologiques et organisationnels de l’Anact) et Patrick Issartelle(Aract Champagne -Ardenne).

FERROSecteur : chimieActivité : fabrication de produits pour le revêtement d'équipements ménagersEffectifs : 185 salariésRégion : Champagne-Ardenne

Acteurs au sein du comité de pilotage paritaire de cette première expérience de conduite concertée du changement organisationnel, la direction et les représentants du personnel ont pu, séparément puisensemble, entamer une réflexion plus globale sur les modalités de conduite du changement. Partant de l’identification de quatre familles clésd’acteurs présents dans l’entreprise (la direction, les représentants du personnel, l’encadrement, les salariés), ils ont réfléchi aux rôles spécifiques de chacune d’entre elles.L’importance de leur permettre de jouer un rôle actifsemble aujourd’hui partagée par tous. Ainsi ont-ilsesquissé une réflexion complémentaire sur lesdifférents canaux structurant les relations sociales dans l’entreprise, et sur les modalités de leur

fonctionnement. L’implication raisonnée de tous dans une conduite du changement permet de réfléchir aux nouvelles exigences du travail, en cohérence avec l’objectif énoncé par le groupe de « gagner de l’intérieur ». Forte de cette expérience,l’entreprise n’en est pas restée là. Depuis, un projet« gagnant/gagnant » d’amélioration des conditions detravail et de la performance d’un secteur de production a été mené, par le biais d’une conduite de projetparticipative. Le CHSCT prépare sa visite du chantier du nouveau laboratoire. Les salariés participent à la réflexion et à la préparation du déménagement. En outre, des modalités proposées par le groupeparticipatif vont être expérimentées en amont. Tous auront voix au chapitre pour en tirer lesenseignements utiles pour de nouvelles évolutions.

Le goût du changement79%des salariésestiment qu’ilsont des marges de manœuvrepour s’organiserdans leur travail.Source : sondageAnact–Tns Sofres, mai 2007.

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et identité professionnelle, pres-sion du temps, poids des clientsdans l’activité) vont-elles s’arti-culer et s’épanouir dans le nouvelensemble (voir encadré) ? Toutesces interrogations rejoignent unobjectif : faire émerger un véri-table collectif de travail. À l’issue de cette phase, le groupea proposé de nombreux objectifs deprogrès, assortis de pistes d’actionsà réaliser. Parmi elles, figure la

conception participative d’une«charte du savoir-vivre ensemble».Une nouvelle façon de penser laconduite de projets innovants aégalement été évoquée. Elleimplique d’associer, le plus enamont possible, des salariés issusdes collectifs de travail concernéspar le projet. L’enjeu est, en effet,d’anticiper les multiples effetspossibles de changements introduitsdans le travail, afin de ne paslaisser les opérateurs faire faceseuls aux réalités et exigencesnées d’une nouvelle conceptiondu travail dans les laboratoires.

Simuler une nouvelleorganisation

Des simulations d’une nouvelleorganisation du travail ont constituéla t ro is ième étape de cet tedémarche, toujours menée avecles membres du groupe partici-patif. Elles ont permis d’associer les

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Champagne-Ardenne, qui est inter-venue selon la méthode CQDIS(Coûts, Qualité, Délais, Innovationset aspects Sociaux). Après instal-lation d’un comité de pilotage pari-taire, l’intervention s’est dérouléeen trois temps.

De stimulants débats

Une première phase a permisd’identifier les enjeux stratégiquespour différentes familles d’acteursprésents dans l’entreprise (la direc-tion du site, les représentants dupersonnel, une direction produitau niveau européen) et de lesconfronter à la réalité des condi-tions actuelles de la réalisationdu travail. Tous se retrouvent clai-rement sur des enjeux de moder-nisation pour des laboratoires plusperformants, et améliorant defaçon significative les conditionsde travail des salariés. Une analysedu travail a confirmé des besoinsd’amélioration des conditions detravail. Il est ainsi apparu que leprojet du nouveau laboratoire devrapermettre un mieux en matièred’exposition aux poussières et auxbruits, ainsi que dans l’organisa-tion du travail. De stimulants débats en comitéde pilotage paritaire ont porté,par exemple, sur les liens entre leniveau de qualité recherché, lesinnovations nécessaires pour cefaire, les investissements sou-haitables en équipements et enformation des opérateurs ainsique les effets sur les conditions detravail.

Construire un collectif

La seconde phase a été conduite engroupe participatif, composé desalariés et de cadres des labora-toires. Elle a porté, plus précisé-ment, sur les enjeux en matièred’amélioration des conditions etd’organisation de travail liées à lamise en place du nouveau labo-ratoire. Trois équipes vont désor-mais devoir partager des espacescommuns organisés dans unelogique modulaire. Commentdonner du sens à cette nouvelleréalité? Comment des spécificitéspropres à chaque équipe (origine

différents paramètres que sontl’amélioration des conditions detravail, la prévention des risquesprofessionnels et la performanceéconomique du laboratoire. Desoutils électroniques ont été spé-cialement conçus pour simuler,sur plan, chaque activité de tra-vail et ont permis d’avancer despropositions d’améliorations. Celles-ci portent, entre autres, surla gestion des flux de circulation,

les modalités de partage d’équi-pements communs et d’approvi-sionnements, la gestion des sortiesde four, le franchissement desportes, l’équilibrage des activitésdans les différentes zones struc-turantes du futur laboratoire, l’implantation des terminaux infor-matiques et de certains équipe-ments, les espaces de régulationsformelles et informelles, la sécu-risation et l’isolation des activitésà risques… De nombreuses propositions d’évo-lutions du projet initial sont néesde cette phase, avec le souci de s’ap-puyer sur des indicateurs de mesuredes résultats observables par tous,car en rapport direct avec les tâchesréalisées par les salariés. Il a ainsiété proposé que l’implantation deplantes vertes, bénéfiques sur l’en-vironnement de travail, facilite lagestion des flux de circulation et…renseigne les salariés sur le niveaud’empoussièrement du laboratoire.■

L’un des enjeux de ce nouveau laboratoire est de faire travailler, sur un même site, des équipesdont le rapport au temps et aux clients estdifférent. Le laboratoire « Contrôle » doit livrerdans la journée des produits de qualité, et fairedonc face à une forte pression. L’équipe « Technical Support » ne connaît pas lamême pression temporelle puisque, sauf urgence,son calendrier d’activités s’étale sur une ouplusieurs semaines. Elle est, en revanche,

soumise à une forte pression des clients parcequ’amenée à régler un problème-client ou à répondre à des commandes spécifiques. Quant à l’équipe « Recherche et Développement »,elle connaît une pression moindre au niveau des délais, mais dans un même temps uneresponsabilité accrue pour l’avenir. Ses contactsavec les clients sont moins fréquents, l’équipe sesituant davantage dans une optique d’anticipationdes besoins du marché.

Un laboratoire, trois équipes et autant de possibilités

Le projet du nouveau laboratoire devra permettre

un mieux en matière d’exposition aux poussières et

aux bruits, ainsi que dans l’organisation du travail.

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Radiographie d’un poste d’accueilFrance Bleu Béarn, station paloise du réseau Radio France, a sollicité l’Aract Aquitaine afin

d’étudier les causes de dysfonctionnement d’un service aux attributions parfois mal identifiées.

France Bleu Béarn emploie 25 permanents, dont uneéquipe de journalistes exigeants mais pas toujoursau fait des contraintes associées aux autres métiers.Rédaction et animation sont logées au premierétage. Quant au directeur, installé au deuxième étagedu bâtiment, il reconnaît ne pas pouvoir êtresystématiquement au fait des tensions ou conflitsqui peuvent éclater au rez-de-chaussée. Bref, rienqui puisse faciliter la valorisation d’un postepourtant au croisement de toutes les demandes et detoutes les manifestations de stress et d’énervement.Le travail d’objectivation mené par l’Aract aura sansdoute eu raison des réticences initiales des deux chargées d’accueil. « Je me suis renducompte que la problématique dépassait largement lasphère de l’accueil et pouvait être déclinée à

d’autres métiers, souligne Caroline Ragazzi. Il serait sans doute intéressant de travailler sur les interactions entre les différents services :rédaction, animation, personnel technique,accueil. » Des entretiens sont dès lors programmésavec l’ensemble des métiers représentés au sein de la radio locale. Pour les chargées d’accueil, c’est déjà, dansl’approche, la reconnaissance de la facturecomplexe et centrale de leur poste. « Le simple faitd’amorcer une démarche de ce type a contribué à revaloriser la fonction. D’une certaine manière, il s’est agi d’acter que l’accueil n’est pas lacinquième roue du carrosse et qu’il est un élémentstructurant dans l’organisation de l’entreprise »,confirme le directeur de la station.

Revalorisation par la reconnaissance

Traiter jusqu’à 300 appelsexternes et internes parjour, recevoir les visiteurs,

répondre aux sollicitations diversesde la direction, des journalistes, animateurs et techniciens, entre-tenir le fichier des auditeurs, sélec-tionner et briefer ceux susceptiblesd’intervenir en direct à l’antenne,gérer l’attribution des cadeauxdans le cadre des jeux… Mais quelleest précisément la fonction d’un

chargé d’accueil au sein d’une station locale de Radio France ?La réponse ne coule pas de source.Un récent travail initié à FranceBleu Béarn pourrait non seule-ment apporter des réponses pré-cieuses, mais également servir deréférence à l’échelle nationale.

Objet de cette étude, sollicitée en2006 par la station auprès de l’Aract Aquitaine, à la demande duCHSCT : la dimension psychoso-ciale du poste de chargé d’accueil.

« L’analyse a très vite dépassé lestrict périmètre de la fonction d’ac-cueil pour décrire la complexitédes relations entre les différentséléments constituant l’organisa-tion », explique Pierrette Maugey,administrateur pour la région Sud-Ouest.

RADIO FRANCE BLEU BÉARNSecteur : MédiaActivité : RadioEffectifs : 25 salariésRégion : Aquitaine

À Pau, l’accueil représente un posteet demi : une personne à pleintemps, une autre à mi-temps gèrent365 jours par an, de 7 heures à19 heures, et sans jamais se ren-contrer, des tâches spécifiquesd’accueil et de standard qui, au fildes ans, se sont sensiblementdiversifiées. D’où une certaineconfusion dans l’organisation des tâches, une certaine tension sur les tableaux de service et, surtout, in fine, la perception dif-ficile et le « vécu » douloureux dela fonction par les principales intéressées.

Pour une réellereconnaissance des fonctions« Non seulement il s’agit de postesà interfaces multiples, mais la dis-tribution des charges de travailavait fini par se faire au coup parcoup, sans véritable maîtrise. Onen était arrivé à une situation par-fois mal vécue par nos deux col-laboratrices, avec un ressenti trèsfort et pas toujours posémentexprimé », souligne PatriceDourlent, directeur de la station.Un exemple ? Les chargées d’ac-cueil participent parfois aux choixdes interlocuteurs invités à prendreparole. Une mission proprementéditoriale dont on pourrait légiti-mement les penser exemptées.De fait, cette prestation, si elle serévèle acceptée de facto, n’est enaucun cas agréée statutairement,

« Exception faite des stages prévus à

l’embauche, aucune formation n’avait été, à

ce jour, envisagée pour les chargées d’accueil. »

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ni reconnue en termes d’obliga-tions côté management. « Exceptionfaite des stages prévus à l’em-bauche, aucune formation n’avaitété, à ce jour, envisagée pour leschargées d’accueil », remarquePatrice Dourlent.

Redéfinir un meilleurenvironnement detravailPour ne rien faciliter, les deux col-laboratrices évoluent au sein d’unespace de travail mal adapté : unsimple bureau, installé en lignede front immédiate avec les visi-teurs, dans une pièce sans visibi-l i té sur les autres services,animation, rédaction, techniqueet direction. Bref : un contact tropimmédiat avec l’externe, et pasassez de liens avec l’interne. Etl’impossibilité de s’approprier l’es-pace. Exiguïté des lieux oblige, lamoindre photo posée sur le bureau« saute » aux yeux du premier visi-teur ayant poussé la porte d’entrée.Le moindre stylo ne reste pas plusde deux minutes en place.Un environnement peu propice à unexercice serein d’une fonction nor-malement qualifiée de poste àrisque. Et le risque, les deux col-laboratrices en charge de l’accueille ressentent d’autant plus que laradio est située en face d’un com-missariat de police. Ce qui leurvaut certaines visites inopinées,notamment à l’ouverture de laradio, dès 6 heures du matin : finde garde à vue, sortie de cellulesde dégrisement…

Une mobilisation de tous

Lorsqu’elle arrive à la station,Caroline Ragazzi, chargée de mis-sion de l’Aract Aquitaine, décided’emblée d’inscrire son travaildans une approche à la fois quali-tative et pluridisciplinaire impli-quant la médecine du travail, lesressources humaines, la directionainsi que les représentations dupersonnel. Cela, au travers d’ob-servations des situations de travailet également d’entretiens indivi-duels et collectifs.Les résultats de l’étude ont faitl’objet d’une présentation en trois

contres entre les différentes popu-lations cohabitant au sein de lastation…« Il va s’agir également de définirdes protocoles à partir desquels onpourra circonscrire les tâches etmieux définir les périmètres deresponsabilités à tous les niveauxfonctionnels: direction de la station,administration et délégation régio-nales », note Pierrette Maugey.Enfin, un programme assez lourdde formations doit voir le jour. Lesstages, pour certains orchestrés surplusieurs jours et animés sur siteet en temps réel, porteront sur lacohésion d’équipe, la définitiondes missions de la station, la valo-risation du poste de chargé d’ac-cueil et celle des personnes quiexercent ces tâches. ■

Muriel Jaouen (journaliste).

sessions : auprès de la direction,auprès du CHSCT, puis de l’en-semble des personnels de la sta-tion. Le premier champ d’actionportera sur l’ergonomie de l’en-vironnement de travail : mise enplace d’un système d’accès sécu-risé et d’une banque d’accueil,aménagement de l’espace inté-grant de plain-pied et de manièrefonctionnelle l’accueil dans la viequotidienne de la station. Autrestrate d’amélioration : la mise enadéquation de la charge de tra-vail et des emplois du temps.Le travail sur l’organisation devraitpermettre de valoriser et d’insti-tutionnaliser les temps d’échangenécessaires au bon fonctionne-ment des différents secteurs: pro-grammation de réunions entre lesservices, mise en œuvre de « tempscollectifs » permettant des ren-

Radio France

4 000 salariés permanents,dont 600 journalistes, 330 musiciens et 1 500 collaborateurs au cachet ou à la pige.460 000 heures de programmes par an.42 stations France Bleu.

« Nous sommes au centre de tous lesmouvements et de toutes les demandes.Quand quelque chose ne fonctionne pas,soit en interne, soit du côté du public,cela nous retombe forcément dessusd’une manière ou d’une autre. » Cette chargée d’accueil de France BleuBéarn le reconnaît volontiers : la mission confiée à l’Aract Aquitaine l’a dans un premier temps laisséesceptique. Aujourd’hui, elle espère voirbouger les choses, d’autant quecertaines dispositions, affirme-t-elle,restent simples et rapides à mettreen œuvre. « Nous travaillons dans uneradio, mais la communication entre les services est inexistante. On nous a

déjà annoncé des choses allant dans le bon sens, notamment des réunionsavec les autres services, qui se sententtous toujours prioritaires. » Les deux chargées d’accueil, quiparticipent d’ores et déjà chaquesemaine à la réunion des animateurs de la station, ont pu exprimer audirecteur leurs attentes quant à lanature et aux modalités des relations à établir avec les journalistes. Elles doivent également bénéficier destages de formation (gestion d’unstandard, gestion de l’agression) afin deles aider à se valoriser dans leurdéveloppement personnel et dans leurfonction d’accueil.

« On travaille dans une radio,mais on ne communique pas. »

»

«

C O N TACT

Caroline Ragazzi, Aract Aquitaine,[email protected]

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mencer l’intervention par le par-tage d’un petit déjeuner est désor-m a i s e n re g i s t ré co m m e u n« retard » par le système de télé-gestion… Les intervenants ontdonc de moins en moins la possi-bilité d’apporter des réponsessatisfaisantes aux demandes desclients ou de leur famille. Plus difficile encore : le «contrat deservice », censé protéger le client,peut induire des formes insidieusesde « maltraitance », comme le faitd’ignorer la souffrance moraled’une personne âgée…

Miser sur l’échange

Pour permettre aux intervenantsde faire face à ces évolutions sansy laisser leur santé, de nombreuxauteurs préconisent l’organisa-tion d’échanges de pratiques per-mettant d’identifier, de formaliseret de faire « remonter » aux res-ponsables hiérarchiques (maiségalement aux responsables ins-titutionnels ainsi qu’aux finan-ceurs) les paradoxes et lessituations de «non qualité» généréspar ces conflits de prescription.A u t re a va n t a g e d ’ u n e t e l ledémarche : permettre l’élabora-tion d’un référentiel commun etpartagé d’activité, en s’appuyant surl’analyse collective « d’études decas». Ces temps d’échanges pour-raient également contribuer àdévelopper les compétences dediagnostic de situation et de dis-tanciation des intervenants à domicile, pour réduire l’isolementinhérent à cette fonction. ■

et dont la priorité est de parler ?Doit-elle s’asseoir et réconforterla personne – au risque de ne paseffectuer la prestation prévue – oubien doit-elle ignorer la demandeet la souffrance ?Si ce type de « contrainte para-doxale » existe depuis longtemps,un contexte de travail plus «souple»permettait de s’adapter pour tenterde trouver un équilibre satisfai-sant entre la prestation prévue etles demandes «hors contrat» despersonnes aidées. Le glissementvers une plus grande rigidité rendimpossible le compromis, plaçantles salariés dans une posture « d’arbitrage » entre la « relation

d’aide » et la « pres-tation technique ». Par exemple, cer-taines structures

introduisent des modalités de« télégest ion » consistant àdemander à l’intervenant d’ap-peler un numéro de téléphone endébut et en fin d’intervention : unterminal informatique enregistreautomatiquement l’heure de débutet celle de fin, puis calcule le tempsde travail réalisé. Principal avan-tage : faire gagner du temps dansla gestion des procédures admi-nistratives, tout en évitant lescontestations des personnes aidées(ou de leur entourage) concernantle temps d’intervention réellementeffectué. Mais certains « arrange-ments» réalisés à la demande despersonnes âgées ne sont plus pos-sibles : faire un détour par uneboulangerie pour apporter desviennoiseries fraîches et com-

Par Luc Robuschi,Actal (Action pour les conditions detravail en Alsace).

Le secteur des services à la personne connaît d’importantes transformations depuis

plusieurs années. Moins de marges pour une adaptation aux besoins spécifiques des

personnes… les salariés doivent faire face aux exigences, contradictoires, de la nouvelle

organisation de certaines structures.

Une forte densification du tra-vail : voilà ce qui ressort dedeux interventions réali-

sées dans des structures associa-tives alsaciennes d’aide aux per-sonnes lorsque l’on questionne lessalariés à propos de l’évolution deleurs conditions de travail. Car lesecteur connaît une profonde muta-tion qui change la nature même dutravail. Désormais, les interven-tions réalisées au domicile des per-sonnes en difficulté sont de plusen plus circonscrites, à la fois entemps mais aussi en degré de for-malisation des prestations à four-nir sur le plan technique (ménage,aide à la toilette, repas…). Cette

évolution s’inscrit dans un contextelégislatif visant à mieux protégerles clients (loi du 2 janvier 2002) etdans un contexte économique demaîtrise des dépenses publiques,notamment depuis la mise en placede l’Allocation personnalisée d’au-tonomie. Or, dans la réalité, lesattentes des personnes aidées peu-vent se révéler très différentes desprestations formalisées dans lecadre du «contrat de service ». Unecontradiction difficile à accepter età vivre pour les salariés.

Conflits de prescription

Que doit faire un intervenant quise retrouve devant une personnedéprimée se plaignant de solitude

77%des salariésdéclarent pouvoirdiscuter avec leurresponsable hiérarchique de la meilleure façond’organiser leur travailSource : sondageAnact–Tns Sofres, mai 2007.

Aide aux personnes : es salariés gèrent les

contradictions

Les interventions réalisées au domicile des personnes

en difficulté sont de plus en plus circonscrites.

l

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Un travail nécessaire sur l’organisation : mais comment ? Le travail ne peut se faire sans le recours à un certain nombre derègles et de normes. En même temps,ces règles doivent permettrel’exercice de l’autonomie : aucuneorganisation du travail ne peut être à même de prévoir à l’avance toutesles situations et tous les événementsauxquels les salariés auront àrépondre. En la matière, les schémasidéaux se révèlent souvent

inopérants, voire nocifs (ils figent la capacité de réponse d’uneorganisation face aux changements).Dans ce sens, le travaild’organisation est fondé non pas sur le déploiement d’une méthodeidentifiée a priori mais sur larecherche de solutions ad hoc,provisoires et ouvertes surl’inattendu. Une telle posture exigepour les entreprises de s’ouvrir à

des logiques d’innovation quirépondent aux exigences posées parla vie économique contemporaine. La « bonne organisation » ne découlealors pas de l’application d’unmodèle défini préalablement. Elles’appuie davantage sur la capacitédes acteurs de l’entreprise à inventerdes formes organisationnellesadaptées à la production d’un servicede « qualité » ou d’un bien.

Tous le ressentent dans l’entreprise :rythmes soutenus, demandescomplexes et multiples, reporting,pression des clients, changements…l’impression d’un travail toujours plus exigeant qui demande uninvestissement de tous les instantsest réelle. Le travail s’estconsidérablement accéléré et changerégulièrement, ne serait-ce parceque les technologies évoluent très

vite. La place du dialogue et deséchanges risque alors d’être limitée,voire supprimée. Or, investir du tempsdans la discussion sur le travail n’estpas une perte… de temps. Regardercomment chacun construit sonexpérience, les difficultésrencontrées, les problèmes réglésmérite qu’on s’y attarde et que l’onreconsidère régulièrement non passeulement les conditions de travail

mais l’environnement et la manièredont on demande à chacun deréaliser son travail. Gérer lesdifficultés, analyser les relations avec la hiérarchie et les collègues,les interactions directes avec lesclients, les éléments de gestion…nécessitent cette prise de recul. Un moment pour mieux comprendrecomment le travail se fait et l’adapteraux nouvelles situations.

2

1

POINTS DE VIGILANCE

Prendre le temps de discuter du travail

Autonomie et nouvelles exigences du travail :toujours baliser l’action

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L’octroi de responsabilités élargiesaux opérateurs directs fait désormaispartie des modes d’organisation du travail. Les salariés y trouventgénéralement leurs comptes : prisesd’initiatives, occasion d’exercer ses compétences, de développer de nouveaux domaines deresponsabilités, etc. Pour le management, cette situationcomporte aussi ses avantages,notamment du côté de la diminution

des besoins de contrôle. Pourl’entreprise, il est alors plus facile de faire face aux aléas de toutessortes qui ponctuent le cours desévénements sans une planificationrigide des opérations. Mais cetteresponsabilisation se doit d’êtreaccompagnée par des mesuresd’organisation spécifiques (réunions,remontées d’expériences, etc.). Il nefaut pas faire en sorte d’instaurer lerègne de la débrouille et de fixer des

objectifs généraux sans préciser ceque l’on attend de chacun. Le rôle de l’encadrement de terrain conservealors toute son importance : il s’agitnon seulement de clarifier lesobjectifs et de vérifier l’atteinte de ceux-ci (c’est le rôle traditionneldes encadrants de premier niveau)mais aussi de mettre en place des mécanismes de discussion et de débat portant sur le travail et ce qui s’y passe concrètement.

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L’une est serveuse dans une chaîne de restaurants. L’autreest infirmière en gériatrie dans un hôpital public. Toutes deuxont accepté de parler de leur travail à Marie-Anne Dujarier,sociologue à l’université de Paris-III et à l’Écolepolytechnique. Dans L’Idéal au travail, ces deux salariées,dont le point commun est la relation avec des personnes,clientes ou patientes, témoignent. Grâce à leur parole, l’auteurdénoue le fil du travail réel et quotidien de ces personnels quifont face à de multiples sources d’exigences. Celles du client-patient, à satisfaire en premier lieu, celles de la hiérarchie,celles des collègues et celles de l’organisation plusglobalement. Comment ces services dits « de masse » ont-ilsévolué, comment les salariés vivent-ils ces changements,comment leur travail se construit-il ? Marie-Anne Dujarierdécrypte enfin ce que la « norme idéale » que chacun tented’atteindre dans son travail peut comporter de structurant ou,au contraire, de déstabilisant.

Des Héroïques aux RésistantsDans la restauration de masse, par exemple, on retrouve unetension permanente entre la standardisation (liée aux normeset procédures propres à l’enseigne) et la personnalisationnécessaire de la réponse au client. Ce sont les salariés quifont les ajustements, parfois sans ressources. Des blocages,rendant le dialogue autour du travail difficile, existent : lesrelations personnelles entre les salariés, des systèmes detravail qui laissent peu de place aux retours d’expérience, etc.Chacun fait alors « comme il peut » pour répondre auxcontraintes : le salarié pour satisfaire les clients,l’encadrement pour atteindre les objectifs fixés. Normes etobjectifs sont vécus de façon paradoxale par les salariés carleur atteinte paraît impossible. L’idéal n’ayant a priori aucunechance d’être rencontré dans la réalité, comment alors enprendre son parti ? Faire « comme si »?

Les Héroïques, les Pratiques, les Enchanteurs ou lesRésistants : les attitudes varient par rapport à cet idéal àatteindre. Marie-Anne Dujarier classe les salariés en quatrefigures ou types de comportements définissant une certainemanière d’aborder le travail et ses exigences. Ainsi, lesHéroïques cherchent à coller au plus près à la réalisation del’idéal. C’est une attitude courante, chez les cadres enparticulier, en contact direct avec les clients ou usagers. Faireface aux exigences, même surhumaines, est un défi dont ilsespèrent tirer une reconnaissance sociale forte. Les Pratiquesont, quant à eux, renoncé à « être à la hauteur » et à seconformer à la norme idéale. Ils ont une bonne expérience deleur fonction, parfois anciens Héroïques ayant du recul surleur activité et leur place… Les Enchanteurs sont lesgardiens de la norme mais évitent les lieux où se réalisele travail. Ce sont donc souvent ceux qui n’ont pas decontacts directs avec le client (fonctionnels et administratifs)mais qui organisent le travail avec les salariés. Enfin, les Résistants dénoncent la norme idéale. Ils reconnaissentles limites de leur activité, l’idéal restant une référence dontils entendent négocier les modalités pour l’atteindre. Une attitude assez rare, voire marginale. Dans tous les cas de figures, un décalage entre le travail prescrit et le travailréel se produit. Au final, les salariés mènent souvent leurpropre « jeu » et organisent leur travail. Mais le manque de limites qu’ils dénoncent se traduit parfois par unesouffrance et un sentiment d’abandon, tant les objectifsapparaissent inatteignables.Un ouvrage très éclairant sur la manière dont se vit le travail,comment son organisation se construit (ou non…) et sur cette part de soi qu’on lui donne, sans vraiment s’enrendre compte… ■

Béatrice Sarazin

L’IDÉAL AU TRAVAIL

Êtes-vous héroïques ou résistants? Enchanteurs ou pratiques? Dans L’Idéal au travail, Marie-Anne Dujarier, sociologue, décortique le travail dans une chaîne de restauration et dansun hôpital. Et montre qu’une réflexion sur l’organisation est souvent laissée aux salariésqui se construisent alors une figure, un comportement par rapport à une « norme idéale ».

L'Idéal au travail, par Marie-Anne Dujarier, Le Monde/PUF, 2006.

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re ARTICLES ET RAPPORTS

« Conditions de travail : unepause dans l’intensification dutravail ? », Jennifer Bué, ThomasCoutrot, Sylvie Hamon-Cholet etL. Vinck, Premières Synthèses,n°1-2, janvier 2007.

« La qualité de vie au travail en2007 », Anact, éd. de l’Anact,juillet 2007, 8 pages.

Retrouvez l’ensemble

des résultats du sondage

Anact-Tns Sofres

« Les salariés face aux

nouvelles exigences

du travail », toutes

les informations sur

la Semaine de la qualité

de vie au travail et

un dossier complet

sur les changements

d’organisation sur

www.anact.fr

Intensification du travail, le filmréalisé par René Baratta etdiffusé par l’Anact, complète le travail de la CFDT etl’ouvrage Le Travail intenable. Il illustre des situationsd’intensification du travail dans trois secteurs : industriel,centres d’appel et aide à lapersonne. En vente sur le site de l’Anact.

Le Centre canadien d’hygiène et sécurité au travail propose une réflexion sur l’articulationet la conciliation des temps de vie travail-hors travail. Des questions et surtout desréponses à consulter surwww.cchst.ca/reponsessst/psychosocial/worklife_balance.html

Le Centre d’études et de l’emploipropose de nombreusespublications et rapports autour de la conciliation vie au travail etvie hors travail, les conditions de travail et la santé au travail,l’organisation et les relations de travail… www.cee-recherche.fr

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OUVRAGES

Faire face aux exigences du travailcontemporain, Pascal Ughetto, éd. de l’Anact, 2007,157 pages.

Comprendre le travail pour le transformer, F. Guérin, A. Laville, F. Daniellou, J. Duraffourg et A. Kerguelen, rééd., éd. de l’Anact, 2007.

Prévenir le stress et les risquespsychosociaux au travail, BenjaminSahler, Michel Berthet, PhilippeDouillet et Isabelle Mary Cheray,éd. de l’Anact, 2007, 268 pages.

Le Travail intenable, résistercollectivement à l’intensification dutravail, coord. par Laurence Théry,CFDT–La Découverte, 2006, 246 pages.

Les Désordres du travail. Enquêtesur le nouveau productivisme,Philippe Azkénazy, Le Seuil, coll.« République des idées », 2004, 98 pages.

Changer le travail… oui, maisensemble, Henri Rouilleault et Thierry Rochefort, éd. de l’Anact, 2005, 512 pages.

Agir sur… la charge de travail, sousla dir. de Bertrand Poète et ThierryRousseau, éd. de l’Anact, 2003, 84 pages.

« Les salariés contraints des’impliquer », interview de Jean-Philippe Melchior, Entreprise etcarrières, n° 866, juillet 2007, p. 28-29.

« Conduire et réussir lechangement d'organisation »,Travail et Changement, mai-juin2006, n° 308, 15 pages.

« Les conditions de travail des professionnels desétablissements de santé : unetypologie selon les exigences,l’autonomie et l’environnementde travail », Romuald Le Nan,Études et résultats, février 2005,n° 373, 12 pages.

« Travailler dans le changement,travailler au changement. Troisdirections du ministère del’Économie, des Finances et del’Industrie », Solveig Grimault,Jean-Marie Pernot et PascalUghetto, Revue de l’Institut derecherches économiques etsociales, novembre 2005, n° 2, p. 129-195.

« Intensité et conditions detravail », Damien Carton etMichel Gollac, Quatre Pages, CEE,n° 58, juillet 2003.

« Organisation du travail :comment les salariés vivent le changement », Jennifer Bué,Sylvie Hamon-Cholet et IsabellePuech, Premières Synthèses,n°24-1, juin 2003, 10 pages.

« Dix ans de conditions de travaildans l’Union », Damien Merlie,Pascal Paoli, Fondationeuropéenne pour l’améliorationdes conditions de travail, 2001, 7 pages.

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Page 16: Nouvelles exigences du travail, défi d'organisation

ActDoc, un outil deveille complet etquotidiennement mis à jour par le centre dedocumentation de l’Anact.

TRAVAIL ET CHANGEMENT, le bimestriel du réseau Anact pour l’amélioration des conditions de travail.Directeur de la publication : Jean-Baptiste Obéniche – directeur de la rédaction : Gilles Heude – responsable des éditions : Sylvie Setier – rédactrice en chef : Béatrice Sarazin,[email protected] - Contributeurs au dossier : Frédéric Dumalin, Patrick Issartelle, Caroline Ragazzi, Luc Robuschi, Thierry Rochefort, Thierry Rousseau.Réalisation : Reed Publishing – chef de projet : B. Lacraberie ; journalistes : C. Delabroy, M. Jaouen ; secrétaire de rédaction : F. Saïdi-Tournoux ; directrice artistique : A. Ladevie ;fabrication : P. Fontenaille – 2, rue Maurice-Hartmann, 92133 Issy-Les-Moulineaux – impression : Imprimerie Chirat, 744, rue Sainte-Colombe, 42540 Saint-Just-La-Pendue. Dépôt légal : 4e trimestre 2007 – Une publication de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, 4, quai des Étroits, 69321 Lyon Cedex 05, tél. : 04 72 56 13 13.

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